LM magazine 107 - mai 2015

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N째107

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MAI

2015

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GRATUIT

NORD & BELGIQUE Cultures et tendances urbaines



Sommaire LM magazine n°107 - Mai 2015

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06

News 12

Reportage À Londres, comme sur des roulettes

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Portfolio Seth, le nouvel explorateur

30

Musique Les Nuits Botanique, Tobias Jesso Jr., The Neon Judgement, The Magician, Motor City Drum Ensemble, Shamir, Kevin Morby, Heartbeats Festival, Electro Libre… Sélection concerts

Théâtre & Danse Kunstenfestivaldesarts, Madama Butterfly, Rencontre avec Sandrine Bonnaire, Illumination(s)… Agenda

46

Disques 48

Écrans Studio Aardman, Il était une fois en Amérique, Nick Cave, Le talent de mes amis

88

Littérature La BD sort de ses cases avec Brecht Evens et les éditions Frémok

24

Rencontre Vincent Piolet revient aux sources du rap français

56

Exposition Balenciaga, Art Garden, Anne Teresa De Keersmaeker… Agenda

96

Livres 100

Le mot de la fin Rogan Brown, sculpteur de microbes


LM magazine France & Belgique

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Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com

Couverture Julien «Seth» Malland Paris, France © Galerie Itinerrance www.globepainter.com

Amélie Comby info@lm-magazine.com

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Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, François Annycke, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Mathieu Dauchy, Christophe Delorme, Marine Durand, Nicolas Jucha, Florian Koldyka, Julien « Seth » Malland, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons, Lina Tchalabi

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT



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Raijin © Design Center, Yamaha Motor Co., Ltd.

NEWS

News

Roulement de tambours Baptisée Raijin (le « dieu du tonnerre » dans la mythologie japonaise), cette batterie sphérique en impose sur scène. Elle a été dévoilée par le constructeur nippon Yamaha lors de la dernière biennale du design de Saint-Etienne. Aux caisses et cymbales qui la constituent ont été ajoutées quatre pédales aux quatre coins cardinaux. À défaut d’efficacité, elle a tout pour nous faire perdre la boule. www.yamaha.com/design/ahamay

© TBWA \ Hakuhodo

Imprime-moi un glaçon Dingue ce qu’on peut s’amuser avec une imprimante 3D – peut-être qu’un jour on lui trouvera une vraie utilité, qui sait ? Après le Sugar Lab, qui produisait des petites sculptures en sucre (voir LM n°101) voici les glaçons taillés en forme de Godzilla, d’astronaute ou de temple zen. Baptisée « 3D ont the rock », cette série de clichés a été réalisée pour une marque de whisky japonais. Mais ça reste aussi drôle avec une bonne grenadine. www.tbwahakuhodo.co.jp



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© NASA / CSA / Chris Hadfield / Handout / EPA

NEWS

Album cosmique

© DR

© Jérôme Lambot

Célèbre pour sa reprise de Space Oddity de David Bowie à bord de la Station spatiale internationale en mai 2013, Chris Hadfield n’a pas usurpé son surnom d’ « homme le plus cool qui soit jamais allé dans l’espace ». L’ancien astronaute canadien vient d’annoncer la sortie cet automne d’un album composé et enregistré dans le cosmos. Une grande première (vraiment) en apesanteur, n’en déplaise à Calogero. chrishadfield.ca

Marché des Modes

Brussels food truck festival

Durant trois jours, Roubaix accueille une centaine de créateurs. De la charentaise pour hispters aux bijoux insolites, le Marché des Modes rassemble une sélection pointue de vêtements et d’accessoires. La Belgique est à l’honneur de cette 26e édition avec, en guest, une dizaine de talents du Plat Pays… pas dépaysés pour un sou grâce à une scénographie « bord de mer » inspirée des plages d’Ostende.

Cette seconde édition promet une expérience culinaire entre terroir et innovation. Balls de canard farcies, moelleux au chocolat et gingembre, burritos aux insectes…Durant trois jours, plus de 80 cuisines ambulantes de toutes cultures s’installent près de la Grand Place. Cette année, les Américains sont de la partie avec leurs mythiques Airstream et des burgers à toutes les sauces !

29>31.05, Roubaix, à l’ENSAIT et au Vestiaire, ven, 16>21h / sam, 11h>21h / dim, 11h>19h, gratuit, www.maisonsdemode.com

08>10.05, Bruxelles, du Bld de l’Impératrice au Mont des Arts, ven 16h30>22h30 / sam, 11h>22h30, dim, 11h> 21h30, grat., www.brusselsfoodtruckfestival.be





J., 25 ans, glisse au Stratford Centre depuis 5 ans

Stratford Centre


13 REPORTAGE

STRATFORD

Planche-contact Texte & Photo Elisabeth Blanchet

La nuit tombe sur Stratford. Pas la ville natale de Shakespeare, mais la banlieue Est de Londres. Adjacents à la station de métro, des escaliers majestueux mènent au Westfield, l’un des plus grands centres commerciaux d’Europe, érigé à l’aube des JO de 2012. De l’autre côté de la quatre voies, beaucoup moins glamour, résiste son prédécesseur : Stratford Centre, un vestige des années 1970 surmonté d’un parking de quatre étages. Mais il ne faut pas se fier aux apparences froides de l’endroit. À la nuit tombée, son antre devient le terrain de jeux de skaters, danseurs et roller-skaters déboulant des quatre coins du pays.


Alex, 17 ans, skater de Romford (Essex), rejoint presque tous les soirs le Stratford Centre depuis un an

« Une fois que les magasins baissent leurs rideaux de fer, l’endroit se remplit de skaters et de danseurs de hip-hop »

« O

n pensait tous qu’il allait disparaître avec la construction du Westfield, explique J., un rollerskater de 25 ans. Mais les gens ne l’ont pas déserté pour autant. J’ai commencé à venir ici il y a cinq ans. On n’était même pas une dizaine. On cherchait un endroit pour faire du roller et du skate ». Aujourd’hui, ils sont près d’une centaine à slalomer le soir dans les allées et sous les néons du Stratford Centre. Le spectacle est étonnant, rythmé : un ballet incessant de jeunes – et de moins jeunes – à roulettes. « En fait, ici, c’est un passage public. La direction du centre est obligée de le laisser ouvert 24 h sur 24 et 7 jours sur 7 », poursuit J. Une

fois que les magasins (pas chics et pas chers) ayant survécu au Westfield baissent leurs rideaux de fer, l’endroit se remplit de skaters, de roller-skaters, de danseurs de hiphop. Bref, Stratford Centre se mue en paradis de la pirouette et du ollie flip ! « Au fil des années, c’est devenu un hub : le sol est idéal pour la glisse et c’est chauffé. Alors, les jeunes viennent de tout Londres et bien au-delà. De nombreux parents


15 REPORTAGE

emmènent leurs enfants. Ici tout le monde est libre de faire ce qu’il veut », ajoute J. Une liberté toutefois sous surveillance. « Au début, on a eu des soucis avec la direction du centre commercial. Ils ont appelé plusieurs fois les flics avant de reconnaître qu’on avait le droit d’être là. Mais, les vigiles gardent un œil sur nous grâce aux caméras ». En effet, la direction a fini par se faire une raison. « Ils sont bien mieux ici

que dehors à traîner dans les rues et risquer de se faire embarquer dans des gangs. Ils ne nous gênent pas. Au contraire, ils rendent le lieu plus vivant », explique Jenny, de l’équipe de surveillance. Attraction underground. Alex, 17 ans, acquiesce vivement : « Je bosse la journée et le soir, je prends le train jusqu’ici, explique-t-il. Ce sont des amis du lycée qui m’ont parlé >>>


de cet endroit. J’y ai rencontré des gens généreux et même ma petite amie ». Des love stories, des histoires d’amitiés, un espace pour se lâcher… telle est l’ambiance du rezde-chaussée du Stratford Centre, devenu naturellement l’abri d’une communauté. « On a essayé d’aller de l’autre côté, au Westfield, mais ils ne veulent pas de nous là-bas… C’est trop bourgeois et comme on ne consomme pas, on fait désordre… », déplore Alex. En même temps, les skaters de Stratford City sont devenus en cinq ans une attraction underground : « Pendant les JO, on pensait que personne ne viendrait

Stratford Centre

de ce côté-ci. Eh bien non ! Le public a rappliqué. Le poundland shop – où tout est vendu à £1 – a fait un chiffre d’affaires en or. Les gens venus nous voir ont acheté des trucs au magasin ouvert toute la nuit. Les commerçants nous ont remerciés avec des boissons et des snacks gratuits ! » Planche de salut. Les skaters et leur ballet de planches à roulettes ne plaisent cependant pas à tous. Certains magasins pointent des traces sur leurs rideaux de fer et des membres de la sécurité sont moins tolérants. Ils déplorent le brouhaha


17 REPORTAGE

« C’est le seul endroit où l’on peut s’échapper du quotidien, des difficultés à la maison, des tensions »

que l’on perçoit depuis le bas des escaliers ou encore la fumée de cannabis qui saisit les narines… Entre deux tricks, J. brandit donc une pétition à qui veut bien épouser sa cause. « J’essaye de convaincre les autorités locales de créer une piste de skate dans le quartier ». Car cette coexistence pacifique traduit

Big Blue

aussi un cruel manque d’infrastructures. Les centres dédiés aux jeunes ferment les uns après les autres, austérité et coupes budgétaires obligent. « Ici, c’est en réalité le seul endroit où l’on peut s’échapper du quotidien, des difficultés à la maison, des tensions ». En roue libre !


18 PORTFOLIO

Julien

MALLAND Graff-trotter


BethlĂŠem, Palestine Photo Courtesy of Galerie Itinerrance & the artist


Phnom Penh, Cambodge

R

évélé au grand public avec l’émission Les Nouveaux Explorateurs sur CANAL+, figure du street art, Julien Malland, alias Seth, poursuit son œuvre aux quatre coins du globe. Sa priorité ? Raconter en peinture l’histoire des gens qu’il rencontre. Initié à l’art urbain dans les années 1990 aux côtés de graffeurs du collectif CMP, le Parisien a suivi une formation à l’ENSAD (Ecole nationale supérieure des arts décoratifs), mais a vite délaissé le lettrage pour se concentrer sur les fonds et les personnages. En 2003, il entreprend « une sorte de tour du monde » qui enrichit sa pratique et forge son identité : « ce que je fais dans la rue se rapproche de l’école brésilienne », explique celui qui a vécu un an au pays auriverde. D’où ce style coloré et plus « positif » que la majorité des artistes urbains. Sa démarche consiste à « représenter la dualité des lieux qu’il traverse, des personnages doux sur des décors plus chaotiques ». Si Seth s’inspire de la culture locale pour déterminer les vêtements et postures de ses avatars, on remarque une constante dans son travail : l’apparence enfantine, voire innocente. « L’enfant symbolise l’imagination et l’optimisme. Je défends l’idée qu’on peut trouver du beau partout, même dans un quartier délabré ». D’ailleurs, sa recherche dépasse le seul cadre artistique : « créer, c’est un prétexte pour bourlinguer et rencontrer du monde ». D’où ses nombreux livres en forme de récits de voyage, avec des « autochtones » pris en photo devant ses créations. Car l’artiste insiste : « les gens qui vivent sur place sont indissociables de mon œuvre ». Nicolas Jucha – www.globepainter.com


Phnom Penh, Cambodge


Kiev, Ukraine Š Seth x Kislow

Wynwood, Miami, USA


Les Bains Douches, Paris, France Š Galerie Magda Danysz


24 RENCONTRE

Colt et Solo d’Assasin, Dehy, JoeyStarr et Kool Shen de NTM

Vincent Piolet Jurassic Rap Propos recueillis par Thibaut Allemand Photo Yoshi Omori - LO/A édition

Vous connaissez tous l’histoire du hip-hop français : la compilation Rapattitude, l’émergence de NTM, leur rivaux IAM. Sans oublier MC Solaar, Assassin et les grands noms d’aujourd’hui – de Casey à Booba. Mais connaissez-vous sa préhistoire ? Une décennie, de 1980 à 1990, où s’activèrent des centaines de rappeurs, graffeurs, danseurs, DJs... C’est le témoignage de ces pionniers que Vincent Piolet, 35 ans, a recueilli. Sans nostalgie aucune, mais avec le pari (accompli) de raconter leur histoire, celle d’un art en perpétuel mouvement.


Hip-hop jam au terrain vague

Quel fut le point de départ de cet ouvrage ? Il existe beaucoup d’écrits consacrés au hip-hop en France. Mais ils prennent pour point de départ 1990, avec la sortie de la compilation Rapattitude, ou nourrissent des thèses sociologiques négligeant la rencontre des principaux acteurs. Or, je voulais raconter l’histoire de la décennie précédente, quand le hiphop était encore une contre-culture, portée par des graffeurs, DJs, rappeurs, qui créaient sans argent, sans institution, sans média, même s’il y a eu la parenthèse Sidney avec l’émission H.I.P. H.O.P.. Une parenthèse importante… Oui. C’est un OVNI, la première émission consacrée au hip-hop au

monde. Et en France, la première présentée par un Noir. À l’époque, en 1984, la mode du smurf* avait touché les écoles et les collèges. Fin connaisseur du hip-hop américain, Sidney a propagé le mouvement en France : il a invité Afrika Bambaataa, organisé des compétitions de danse ou de scratch à une heure de grande écoute. Mais à la fin de l’année, TF1 a décidé que le hip-hop, c’était fini, et qu’il fallait passer à autre chose. Ils se sont trompés. Vous revenez aussi beaucoup sur les lieux, parmi lesquels le terrain vague de La Chapelle... C’est un endroit très important. À partir de 1986, les amateurs de hiphop se retrouvent là pour danser, >>> écouter de la musique ou

* Cette traduction erronée du terme américain popping ne s’est répandue qu’en France et en Allemagne. L’erreur tient son origine de la B.O. américaine du film Les Schtroumpfs titrée Let’s Do The Smurf et dont le clip montre des poppers (le principe de leur danse est la contraction et la décontraction des muscles en rythme).


26 RENCONTRE

Noël de Nec + Ultra en 360°

graffer. Ce terrain vague fut décisif pour la musique, grâce aux free jams organisées par Dee Nasty. Et pour le graff : c’était une galerie à ciel ouvert. On venait de l’Europe entière pour admirer les fresques des BBC, de Mode 2. Les Français étaient les seuls Européens à rivaliser avec les Américains. Quel serait le morceau fondateur du rap français ? La Formule Secrète d’Assassin a mis une claque à beaucoup. Quant à un album, je dirais Concept (1990) d’IAM. Un disque très en avance sur le reste du rap français car à l’époque, les autres formations en étaient encore aux boîtes à rythmes, tandis qu’Imhotep avait déjà investi le sampling. Et Rapattitude bien sûr, ou le morceau Bouge De Là de MC Solaar, qui a rendu le rap populaire. Quid du rap belge ? Vous citez parfois Benny B… Aujourd’hui, ce groupe est vu comme une bande de pantins commerciaux mais, malgré des singles mielleux,

Benny B a eu un rôle majeur dans le hip-hop belge, dont l’histoire est différente. Je cite d’ailleurs l’ouvrage d’Alain Lapiower, Total respect : la génération hip-hop en Belgique (1997), qui est passionnant. Benny B vient de cette scène, avec une orientation plus électronique, plus house, liée à la Belgique et aux pays du nord. Quelle est la spécificité du hip-hop français ? Aux USA, le rap qui est né dans le Bronx était très lié à la question Noire. En France, si l’aspect social restait important, il ne concernait pas que les milieux populaires. Il fut relayé par les branchés comme ceux du magazine Actuel ou de Radio Nova. Dans l’Hexagone, les rappeurs issus de l’immigration ne s’intéressaient pas à la culture du bled, et la culture traditionnelle française leur fermait ses portes. Ils se sont donc construit une identité à travers le hip-hop. Dans les eighties, on pouvait habiter La Courneuve et se réclamer de la Zulu Nation.


Terrain vague de La Chapelle

Graff de JonOne, 1985 © Courtesy of JonOne

La situation a beaucoup changé… Oui. Du fait de la ghettoïsation grandissante, d’autres référents identitaires sont apparus, le pays d’origine est fantasmé. La société a bien changé, mais c’est une histoire plus vaste qui traverse le hip-hop. Les valeurs originelles, « peace, love, unity and having fun » prônées par Afrika Bambaataa, et reprises par De La Soul par exemple sont toujours présentes, mais on les entend moins. Maintenant, on écoute autant du rap gangster (Booba), que du rap engagé (La Rumeur) ou plus léger (OrelSan et Gringe avec leur projet Casseurs Flowters). Les médias s’intéressent à ceux qui vendent le plus. Mais on ne peut pas limiter une culture aux plus gros vendeurs !

À lire / Regarde ta jeunesse dans les yeux, Naissance du hip-hop français 1980-1990, Vincent Piolet, (Le Mot & Le Reste, 368p., 25€)

RAP FRANÇAIS, UNE EXPLORATION EN 100 ALBUMS Complément idéal du récit de Vincent Piolet, ce guide signé Mehdi Maizi (rédacteur du site de référence l’Abcdrduson. com) propose un panorama du rap français, de 1990 (Rapattitude, bien sûr) à nos jours (Klub Des Loosers, Espiiem, Kaaris…). Forcément partielle, foutrement partiale, cette somme ouvre les débats. Surtout, elle offre des pistes de (re)découverte aux néophytes comme à « ceux qui savent », comme dirait Tandem. Indispensable (et si tu kiffes pas, tu lis pas et pis c’est tout). Mehdi Maizi (Ed. Le Mot & Le Reste, 232p., 21€)

À lire aussi / The Chronicles, JonOne, textes de Théophile Pillault, (Ed. David Pluskwa Art Contemporain, 352p., 59€) — Mouvement. Du terrain vague au dance floor, 1984-89, textes de Yoshi Omori, Marc Boudet et Jay One Ramier - photos de Yoshi Omori, (LO/A Edition, 192 p., 35€)




30 MUSIQUE

Avant de renouer avec les festivals d’été, les Nuits Botanique nous proposent de réviser nos fondamentaux – et de crâner auprès des copains à qui on fera découvrir une palanquée d’artistes. Clairvoyante, la programmation de cette 23e édition sonde la jeune scène internationale (notamment belge) entre pop, rock, electro, indie ­– ou des genres sur lesquels on n’a pas encore

Événement

LES NUITS B O TA N I Q U E

© Kai Jacobson

posé de noms – dans un cadre propice à toutes les rêveries.

Tobias Jesso Jr. Un grand échalas s’avance, bras ballants, étonné d’être là. Maladroit, le protégé de Chet JR White (Girls) s’assoit devant son piano... mal accordé. Le Canadien a apprivoisé ses membres trop grands depuis longtemps. Dire qu’on observe là un garçon en plein apprentissage de son instrument... C’est une bénédiction ! Tobias Jesso Jr. a d’abord tenté de percer à Los Angeles, accompagné de sa guitare, proposant ses services à des interprètes chevronnés. Sans succès. Le néo-John Lennon rentre à Vancouver. Fin de l’histoire ? Non, car c’est là que le piano le révèle à lui-même. Au bout de ses ballades intimes, on note un goût sans limites pour les Beatles, les progressions d’accords. Et une voix à la sincérité bouleversante. Florian Koldyka ➤ 13.05, Grand Salon de Concert du Botanique, 19h30, 17/14/11€


© Eric Forhan

Jacco Gardner

Mansfield. TYA Avant un 4e album prévu en octobre, le duo nantais ressuscite sur scène son 1er opus, June, sorti il y a dix ans – dont le très beau Pour oublier je dors nous tord toujours le cœur. Carla Pallone et Julia Lanoë (aka Rebeka Warrior, moitié techno-punk de Sexy Sushi) ouvrent ici une parenthèse mélancolique toute en violon, piano et guitare. Du folk à fleur de peau qui fout la chair de poule. ➤ 14.05, Grand salon

Le secret de ce Néerlandais de 27 ans réside dans son chapeau haut-deforme, signe de son appartenance à une tribu de magiciens capables de voyager dans le temps. Jacco a ainsi enregistré des tubes pop psychédéliques d’une pureté bluffante en se projetant dans les sixties, aux côtés des Beatles – période Magical Mystery Tour – avant de se planquer dans le studio de Syd Barrett. Prêts pour un trip spatio-temporel ? ➤ 10.05, Orangerie, 19h30, 19/16/13€ (+ Alamo Race Track)

© Nick Helderman

© Laurene Berchoteau

de concert, 19h30, 18/15/12€ (+Walter Hus)

Fakear Marqué durant ses premières années par - entre autres - Deep Forest (?!), ce jeune Caennais exhume le concept oublié de world music electro (dans les pas de Bonobo). Des samples de musiques orientales et africaines soutiennent son electronica obsédante. Fakear est réputé pour ses performances scéniques, sa gestuelle frénétique et la disposition de ses machines, inclinées vers le public qui voit la musique en train de se faire. ➤ 13.05, sous chapiteau, Complet ! (+ Rone)

LES NUITS BOTANIQUE, jusqu’au 19.05, Bruxelles, Botanique, 48>10€, botanique.be Sélection : 09.05 : Clark, Helena Hauff, Spank Rock, C.A.R., Blanck Mass, Benjamin Clementine (Complet !), Ghostpoet, V. Vincent & A. Maboul // 10.05 : Asa, Grand Blanc... // 11.05 : Marina And The Diamonds, Roscoe... // 12.05 : Jonathan Jeremiah, Great Moutain Fire... // 13.05 : Jessica93, Dominique A, Laetitia Shériff // 14.05, Balthazar (Complet !), Hindi Zahra, Feu! Chatterton (Complet !)... // 15.05 : Chapelier Fou, Isaac Delusion, The Dø (Complet !)... // 16.05 : Birdy Nam Nam, Superpoze, Theophilus London... // 17.05 : Patrick Watson, Villagers, Hot Chip (Complet !), Ibeyi (Complet !), Kevin Morby... // 19.05, Not Here Not Now...


32 MUSIQUE

The Neon Judgement

Apocalypse now Texte Thibaut Allemand Photo DR

Le mois dernier, on évoquait l’épopée des frères Lomprez, âmes de Trisomie 21. Quittons Denain pour rejoindre Louvain où, à la même époque, s’agitaient Dirk Da Davo et TB Frank, alias The Neon Judgement. Là encore, une histoire de grisaille et d’after-punk, d’avenir bouché et d’électronique. Sans donner dans la nostalgie, il faut revenir sur ces quelques singles qui mêlaient rythmes mécaniques et glam-rock – et oui : le groove mécanique de Factory Walk, c’est du T-Rex. Du punk-rock, le tandem conservait une approche terre-à-terre, pleine de références au quotidien – ainsi du single CockerillSombre (jeu de mots sur la fameuse société sidérurgique Cockerill-Sambre). À cela, s’ajoutaient une boîte à rythmes entêtée et entêtante et quelques nappes de synthé. Il serait alors facile de voir en The Neon Judgement le pendant belge de New Order, surtout à l’écoute du fameux Tomorrow In The Papers, cousin du fondamental Blue Monday. Mais à la différence des Mancuniens, métamorphosés par l’ecstasy, The Neon Judgement a toujours conservé une esthétique sombre et martiale de son art – aucune trace de house baléarique chez eux. Constant dans l’effort, le duo ne s’est jamais vraiment séparé, signant une grosse dizaine d’albums en plus de trente ans. Les témoins de moralité se succèdent à la barre : de Front 242 à Terence Fixmer, de David Carretta à The Hacker, de Tiga à Black 09.05, Louvain, Het Depot, 20h, 22/19/17€, www.hetdepot.be // Strobe en passant par Gesaffelstein, tous 15.05, Gand, Vooruit, 19h30, 21,75€, vooruit.be doivent quelque chose à The Neon Judgement.



34

© DR

MUSIQUE

Motor City Drum Ensemble Danilo Plessow n’a pas attendu le poids des ans pour se plonger dans les racines de la musique électronique. Cet Allemand de 28 piges revendique son goût pour le rétro et nous renvoie à l’âge doré de la techno made in Detroit (la Motor city) et de la house-music telle qu’elle fut jouée dans les années 1980-90. C’est à dire sans passer par la case tout numérique, mais avec les vinyles à papa et ses bonnes vieilles boîtes à rythmes (drum, CQFD). Résultat ? Des sets ultra-dansants et mélodiques, qui transpirent le funk, le jazz, la soul mais restent ouverts sur les productions contemporaines. Julien Damien + Young Marco + Mickey + Kong, 13.05, Bruxelles, Libertine Supersport, 23h, 13/8€, www.libertinesupersport.be

The Magician

© DR

Célèbre pour ses reprises (notamment de I Follow Rivers de Lykke Li), régulier pourvoyeur de « tubes de l’été », le magicien belge des platines sort de son chapeau un brillant mix aux reflets italo disco, new wave ou piano house. Au Rockerill, il partage l’affiche avec un autre Carolo bien connu : Fabrice Lig, pilier de la techno belge qui garde le son de Detroit dans son viseur, tout aussi propice au déhanchement. J.D. + Fabrice Lig + The Babel orchestra + Globul, 09.05, Charleroi, Rockerill, 22h, 15/12€, www.rockerill.com




37 MUSIQUE

Shamir

Nouvelle star Texte Thibaut Allemand Photo Ruvan

Nos avis péremptoires ont souvent atteint leur date de péremption, mais prédisons l’avenir une fois encore : Shamir sera LA star de 2015. Le jeune Américain possède une gueule, une âme et un talent inné pour composer des tubes piochant dans toutes les écoles. Imparable.

N’

en déplaise aux réactionnaires obsédés sexuels (un papa, une maman, etc.), la période est aux genres flous. Le carton de Stromae, grande bringue jaillie d’un cartoon, est un signe. On devrait parler sous peu de Lotic, Texan émigré à Berlin. En attendant, voici Shamir, dont le premier EP, Northtown (2014), brisait joyeusement les genres : se carambolaient disco, soul, acid house, pop, R&B et… country, via une reprise de Lived And Died Alone, signée Lindi Ortega. Le tout entonné par une voix haut-perchée digne de quelques divas soul – Nina Simone en tête – et porté par un visage d’ange (donc sans sexe, c’est bien connu). En mode divin. Cette démarche relève de la construction consciente : « Quand on m’a pris pour une fille, ça m’a rendu fou », confiait l’intéressé au magazine Interview. « Puis j’ai compris que ce n’était pas un fardeau, mais quelque chose qui me rendait unique. J’ai alors injecté cette androgynie dans ma musique ». Ce qui n’ôte rien à la force de ses chansons ou au charisme du jeune homme : aux dernières Trans Musicales de Rennes, dans un Ubu surchauffé, le natif de Las Vegas a survolé une soirée dédiée à son label Godmode (on vous conseille d’ailleurs de jeter une oreille au prometteur Isn’t Ours). Enfant des années 00 et du mariage polygame d’esthétiques et d’époques, Shamir incarne la pop star qui réconciliera définitivement indie autoproclamée et mainstream malin. On l’attendait 25.05, Bruxelles, Ancienne Belgique/AB depuis très, très longtemps. Club, 20h, 15€, www.abconcerts.be


38 MUSIQUE

Kevin Morby

Echappée belle Texte Mathieu Dauchy Photo Jessica Pratt

Ex-bassiste de Woods et chanteur des Babies, auteur de deux albums solo d’un folk enlevé et délicat, le songwriter américain Kevin Morby est attendu à Bruxelles, Gand et sur la scène presque mouvante de la Péniche, à Lille. Autant de cadres parfaits pour cet apôtre du nomadisme. La musique folk se nourrit des distances. En abscisse, celles, temporelles ou affectives, impliquant que chaque nouvelle figure de guitare éplorée porte les héritages de Bob Dylan, Leonard Cohen ou Neil Young. L’ADN du folk de Kevin Morby est chargé de ces particules mythiques, et sa voix rappelle plus que toute autre les monuments pré-cités. En ordonnée, les distances physiques qui, en Amérique surtout, embrassent de vastes horizons. Morby a d’abord quitté son Kansas natal pour New-York puis pour Los Angeles, où il écrivit Harlem River, premier album sous son nom, chargé des souvenirs de Brooklyn et qui débutait par le bien nommé Miles, Miles, Miles... Saisi par la guitare et la voix de Kevin Morby, l’auditeur arpente ce sillon légendaire qui joint deux océans et dessine des trajectoires enchanteresses. Un voyage conduit avec une pedal steel guitar, un orgue et traversé sur Slow Train par le délicat timbre de Cate Le Bon. Après des escales dans les jardins du Botanique de Bruxelles et au Charlatan de Gand, seule une 17.05, Bruxelles, Botanique (La Rotonde), 20h, 18/15/12€, centaine de voyageurs immobiles pourra emprunter botanique.be 24.05, Gand, Charlatan, 20h, l’express californien de passage à Lille, sur la Deûle 15/12€, www.charlatan.be et sa Péniche parfaitement dimensionnée pour ces 25.05, Lille, La Péniche, 18h, 14/13€, lapeniche-lille.com esthétiques intimes.



40

Caribou © Thomas Neukum

MUSIQUE

Heartbeats En ces temps de désengagement culturel généralisé, organiser un festival de cette ampleur tenait de la gageure (folie ?). Entre electro-pop, folk ou rock indé, l’affiche de cette première édition de Heartbeats éteint d’emblée tout scepticisme. Jugez plutôt : Metronomy, Caribou, Ibeyi, José González, dEUS… le tout sous un chapiteau posé sur le port fluvial d’Halluin, pile entre la France et la Belgique. Sacré symbole ! Derrière cette inauguration, on trouve une belle collaboration transfrontalière (Grand Mix de Tourcoing, l’Aéronef de Lille et De Kreun à Courtrai) et le producteur parisien Super. Bref, l’union fait toujours la force. Julien Damien 05.06 : Metronomy, Caribou, Ibeyi, Years & Years, Magnus / 06.06 : dEUS, Róisín Murphy, Anna Calvi, José González, Badbadnotgood, Hælos, Rocky, Halluin, Port Fluvial, ven, 17h30, sam, 14h30, 37/35€ pour 1 jour, pass 2 jours 65/60€, heartbeatsfestival.eu

Electro Libre # 3 Après nous avoir fait danser sur le Stubnitz, ancien navire de pêche, puis dans le vaisseau de verre qui abrite le FRAC, c’est au sein de friches portuaires, entre mer et canaux, qu’Electro Libre nous embarque. Le site idéal pour accueillir le trip-hop industriel de l’Allemand Terranova ou les orientations plus minimalistes de son compatriote Robag Wruhme. Côté hexagonal, Blaise Bandini et Ben Vedren donnent le change avec une deephouse mâtinée de jazz dans ce « match » amical France-Allemagne. J.D. Terranova © Ronald Dick

05 & 06.06, Dunkerque, Salle 4.IV, Route du quai Freycinet, Môle 1, 22h>06h, 16€ pour 1 jour, pass 2 jours 30€



42 MUSIQUE

Chassol

© Tricatel

Chassol au musée ? Pourquoi ? Tout simplement parce qu’il est un créateur génial, éclectique, insaisissable. Le chaînon manquant entre Stravinsky et Phoenix. À la fois compositeur, multi-instrumentiste, chef d’orchestre et cinéaste, il capture les harmonies du monde pour restituer un canevas d’images et de sons. Bref, une sorte de plaque de Pioneer vivante qui témoignerait de tout ce que l’humain est capable de produire de musique... J’ai compris ! Chassol est un monument. 16.05, Lens, Scène du Louvre-Lens, 20h30, grat. sur réservation au + 33 (0)3 21 28 37 41, www.louvrelens.fr

certs CSoÉn LECTION Ven 01.05 THE SPECTORS Anvers, Trix, 19h30, 13/10e FOOL’S GOLD Gand, Charlatan, 20h, 16/13e BOYS NOIZE + TIGA + DJEDJOTRONIC + SCNTST ... Bruxelles, Fuse, 23h, 15/10e MISS KITTIN Lille, Le Magazine, 23h, 10e

Sam 02.05 FESTIVAL MUSIQUE AU MUSÉE : NARAGONIA Steenwerck, Musée de la Vie Rurale , 20h30, 8/6e STEREO MC’S Bruxelles, VK*, 20h, 25/22e AND SO I WATCH YOU FROM AFAR + BILLIONS OF COMRADES + MYLETS Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e

Dim 03.05 BASTIEN LALLEMAND + J-P NATAF + CAMÉLIA JORDANA + BABX Arlon, Le Palais, 14h30, 16e MELANIE DE BIASIO Arlon, Eglise du Sacré-Coeur, 20h, 20e SHE KEEPS BEES + FACES ON TV Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 11/8/5,50/5e/gratuit DEAN BLUNT + ANDREA BELFI Gand, Vooruit, 20h30, 13e JOHN THE CONQUEROR + THE SALVADOR STATEMENT Dixmude, 4AD, 20h30, 10/8/6e ELEFANT Gand, Charlatan, 22h, Gratuit

Lun 04.05 SHE KEEPS BEES Lille, La Péniche, 20h, 12/11e

Mar 05.05

TRIBUTE TO AC/DC BY HIGH VOLTAGE Verviers, Spirit Of 66, 21h, 14e

Mer 06.05 JACCO GARDNER Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 10/13/5e LA SMALA + CABALLERO + JEANJASS Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12/10/8e

Jeu 07.05 CARTE BLANCHE À CHAMBERLAIN : DOUGLAS DARE + GORDON Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 12/10/8e D-BANGERZ + LIAM-KI ET ONCL’PHIL Lille, L’Aéronef, 20h, 11e/ gratuit abonné

HUNGRY PARTY : EFIX + WORAKLS + N’TO + JOACHIM PASTOR Lille, L’Aéronef, 22h, 22>10e

DÄLEK + MOODIE BLACK Courtrai, De Kreun, 20h, 18>12e

I’M FROM BARCELONA Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16/13/5e

UNER B2B TECHNASIA + STATE OF FLOW Bruxelles, Fuse, 23h, 12/11/8e

VILLAGERS Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 19/16/5e

ALAN FITZPATRICK Lille, Le Magazine, 23h, 15>10e


Ven 08.05 DAAN Bruges, Cultuurcentrum, 20h, 28/24/18/15e

Sam 09.05 OPENING NIGHT OWLS : CLARK + HELENA HAUFF + GAZELLE TWIN + BLANK MASS + WALTER HUS + ORPHAN SWORDS + DJ MAZE Bruxelles, Botanique, 00h, 21/18/15e BNRS + BOKKA + FOREVER PAVOT Bruxelles, Ancienne Belgique/ club, 19h, 15e GHOSTPOET Bruxelles, Botanique/Orangerie, 20h, 20/17/14e ELLIOT MURPHY + RORY BLOCK… Courtrai, De Kreun, 19h, 23/17/14e VÉRONIQUE VINCENT & AKSAK MABOUL Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 19/16/13e TITO PRINCE + VALD Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e CHRIS LIEBING + MAREK HEMMANN Bruxelles, Fuse, 23h, 16/13/9e

Dim 10.05

Mer 13.05

ASA + SOPHIE HUNGER + TALISCO Bruxelles, Botanique/ Chapiteau, 19h, 26/23/20e

DOMINIQUE A + JOY + LAETITIA SHÉRIFF Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 27/24/21e

GRAND BLANC + BAGARRE Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 17/14/11e

WAND + JESSICA93 + TWERPS Bruxelles, Botanique/Rotonde, 20h, 16/13/10e FEINI- X CREW Lille, maison Folie Wazemmes, 20h, 5,50/3,50/2e

Lun 11.05 THE SAINTS Lille, La Péniche, 20h, 12/11e

Mar 12.05

WAZEMMES L’ACCORDÉON : SANSEVERINO Lille, Le Grand Sud, 20h, 24>19e NOLWENN LEROY Calais, Le Grand Théâtre, 20h30, 43/39/35e

CARREFOUR DES ORCHESTRES (2) : LEKEU / BRAHMS / FRANCK (ORCHESTRE PHILHARMONIQUE ROYAL DE LIÈGE) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 45>5e

NOSFELL (+ I WANT YOU) Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 14/8e AT THE VILLA REUNION : PHI-PHI + JOHAN + MARKO + V.I.N.C.E Lille, Le Magazine, 23h, 10€

GHOSTPOET Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16/13/5e BARLIN + WHEN AIRY MET FAIRY Lille, L’Antre-2, 20h30, 8/5/1e

Jeu 14.05

HOMMAGE À MOONDOG (CABARET CONTEMPORAIN) Arras, Théâtre, 20h30, 8e

HINDI ZAHRA + SONGHOY BLUES + NADINE SHAH Bruxelles, Botanique/ Chapiteau, 19h, 23/20/17e

ARTHUR H Boulogne sur Mer, Espace de la Faïencerie, 21h, 16/12/11e

SÓLEY + AURORA Bruxelles, Botanique/Orangerie, 19h30, 18/15/12e

16.05, Leffinge, Cafe De Zwerver, 21h30, 7/5/2€,

leffingeleuren.be

© Cantwell Faulkner Muckenfuss

Ezra Furman « God, I love rock’n’roll ! », proclame Ezra Furman. De Bob Dylan au Velvet, de Neil Young à Chuck Berry, l’Américain a trop d’influences pour qu’on puisse le caser. C’est à la fois ce qui fait son charme et son drame, lui qui disparaîtra dans l’oubli comme un poète maudit d’avoir trop aimé. Il s’en fiche sans doute. Et nous aussi. Du moment qu’il décoche des albums fulgurants comme Day of The Dog.


44 MUSIQUE

Acid Arab

© Flavien Prioreau

Le grand écart ? Plutôt, un beau mariage. Les DJs parisiens Guido Minisky et Hervé Carvalho mêlent acid house et musiques orientales, floutant les frontières entre tradition et modernité. Le duo n’utilise pas la musique ancestrale comme un simple gimmick. Il cherche à restituer toute la puissance émotionnelle de l’Orient sur un dancefloor, la transe au sens noble du terme. Une expérience à vivre en plein bal persan, au Fivestival. Et en juillet au Dour festival ! 30.05, Lille, Salle des fêtes de Fives, 18h, 4,50/2,50€

JAD FAIR & NORMAN BLAKE Dixmude, 4AD, 20h30, 12/10/8e BONOBO (DJ SET) Gand, Vooruit, 22h, 21,75e

Ven 15.05 CHAPELIER FOU + ISAAC DELUSION Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 19/16/13e LONELADY Bruxelles, Ancienne Belgique/ club, 20h, 15e

Sam 16.05 BIRDY NAM NAM + SUPERPOZE Bruxelles, Botanique/Chapiteau, 19h, 28/25/22e THEOPHILUS LONDON + POMRAD… Bruxelles, Botanique/Orangerie, 19h30, 20/17/14e CELESTE + GENERAL LEE + DEUIL Bruxelles, Magasin 4, 20h, 8e TANTE ADÈLE ET LA FAMILLE + BORTSCH ORKESTRA Lille, mF Wazemmes, 21h, Grat. JORIS VOORN + ÂME Bruxelles, Fuse, 23h, 16/13/9e

Dim 17.05 PATRICK WATSON + VILLAGERS Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 26/23/20e

THE GORIES Dixmude, 4AD, 20h30, 14/12/10e

Lun 18.05 KILL IT KID Lille, La Péniche, 20h, 12/11e MADAMA BUTTERFLY Lille, Opéra, 20h, 69/49/30/13/5e -18 ans

Mar 19.05 K’S CHOICE Opwijk, Nijdrop, 19h30, 20e CALI Lille, L’Aéronef, 20h, 29e E(T)VOCATIONS COCTEAU Tourcoing, maison Folie Hospice d’Havré, 20h, 15>6e

Mer 20.05 LA GOUTTE (RELEASE PARTY) Lille, maison Folie Moulins, 20h, 5,50>2e MADAMA BUTTERFLY Lille, Opéra, 20h, 69/49/30/13/5e (-18 ans) AZIZ SAHMAOUI Lille, L’Antre-2, 20h30, 8/5/1e

Jeu 21.05 MUST DU CLASSIQUE (DUKAS, BERLIOZ, FALLA, TCHAÏKOVSKI...)

Lille, Nouveau Siècle, 12h30 & 19h, gratuit SPINVIS Opwijk, Nijdrop, 19h30, 15e GIANT SAND Louvain, Het Depot, 20h, 19/16/14e DELINQUANTE Lille, L’Antre-2, 20h30, 8/5/1e

Ven 22.05 I LOVE ROCK’N’POP Lille, Théâtre de l’Hôtel-Casino Barrière, 19h30, 35e KASHMIR, TRIBUTE TO LED ZEPPELIN Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 20h, 14>8e SOLDOUT Mons, Alhambra, 20h, 15/12e ANDRÉ MANOUKIAN & CHINA MOSES Caudry, Théâtre de Caudry, 20h30, 26/16/11e ISAAC DELUSION + NATAS LOVES YOU Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12e

Sam 23.05 MADAMA BUTTERFLY Lille, Opéra, 18h, 69/49/30/13/5e -18 ans


THE EXPLOITED Hasselt, Muziekodroom, 19h30, 19/16e

MADAMA BUTTERFLY Lille, Opéra, 20h, 69/49/30/13/5e -18 ans

MUDHONEY + WHITE HILLS… Lille, L’Aéronef, 20h, 22>10e

WE HAVE BAND Lille, La Péniche, 20h, 15/14e

HK & LES SALTIMBANKS + GUEST Lille, L’Aéronef, 20h, 18>8e

SALVATORE ADAMO Ostende, Kursaal, 20h, 58/48e

ELECTRO DELUXE Compiègne, Espace jean Legendre, 20h45, 21>13e

LOMEPAL + GAVIN MEIDHU Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12/10/8e

MAURANE Béthune, Théâtre, 20h30, 39/36e

Dim 24.05 FESTIVAL VIOLONS, CHANTS DU MONDE : N’DIALE JACKY MOLARD QUARTET, FOUNE DIARRA TRIO Calais, Le Channel, 15h, 6e OLDELAF Lille, Th. Sebastopol, 17h, 30e SHLOHMO + PURPLE Bruxelles, VK*, 19h30, 19/16e DAVE CLARKE + FABRICE LIG Charleroi, Rockerill, 22h, 10e

Lun 25.05 MIKE & THE MECHANICS Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 48/43e

Mer 27.05 JO LEMAIRE Anvers, Arenbergschouwburg, 20h15, 35e

Jeu 28.05 EINSTÜRZENDE NEUBAUTEN Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 33e GOJIRA Lille, Le Splendid, 20h, 22e LES LUMIÈRES DE LA VILLE (FILM DE C. CHAPLIN AVEC L’ONL) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 45>5e MADAMA BUTTERFLY Lille, Opéra, 20h, 69/49/30/13/5 e -18 ans

Mar 26.05

ACID BABY JESUS + V LOVE Lille, L’Antre-2, 20h30, 8/5/1e

THEE OH SEES + YONATAN GAT Liège, Reflektor, 19h30, 16/14e

BERNARD DOBBELLER + GLOBUL + DJ MELLOW + LOGENO Charleroi, Rockerill, 21h, grat.

Ven 29.05

ROXETTE Anvers, Lotto Arena, 20h, 44e LES LUMIÈRES DE LA VILLE (FILM ET MUSIQUE DE C. CHAPLIN AVEC L’ONL) Béthune, Théâtre de Béthune, 20h30, 22>18e

Sam 30.05 LES LUMIÈRES DE LA VILLE (FILM ET MUSIQUE DE C. CHAPLIN AVEC L’ONL) Lille, Nouveau Siècle, 18h30, 45>5e

Dim 31.05 LES LUMIÈRES DE LA VILLE (FILM ET MUSIQUE DE C. CHAPLIN AVEC L’ONL) Lille, Nouveau Siècle, 16h, 45>5e MADAMA BUTTERFLY Lille, Opéra, 16h, 69/49/30/13/5e Réduit -18 ans

La Bergère, Cathy Jordan & Dervish, Odeia, Carminho, Fal Ta Hom, Bilina... 05>07.06, Lille, maison Folie Moulins, 20h30 sf dim 14h, 15>7,50€, pass 3 jours, 36>20€, www.tire-laine.com

www.lm-magazine.com

Carminho © Isabel Pinto

Vox Femina Des chansons du monde entier interprétées par des femmes. C’est le principe de ce festival mis sur pied par la compagnie du Tire-Laine. On recommande la poésie populaire de La Bergère, l’énergie irlandaise de Cathy Jordan et de ses Dervish (« the most iconic Irish group » selon la BBC) ou encore les mélodies déchirantes de Carminho, considérée au Portugal comme « la plus grande révélation du fado de la décennie ». Rien que ça.


46 DISQUES

Disque du mois

Hot Chip WHY MAKE SENSE (Domino)

À raison d’un disque tous les deux ans, Hot Chip vient rappeler où est l’épicentre de la pop : quelque part à équidistance entre Alexis Taylor et Joe Goddard, les têtes bien faites qui gouvernent à la destinée du groupe, et donc de l’électropop mondiale. Cette cuvée 2015 arrive avec un concept fort : grâce à un procédé d’impression et une palette de 500 couleurs, chaque exemplaire physique du disque est unique. Les dix titres de l’album reflètent-ils cette audace ? Les albums d’Hot Chip sont plus longs en bouche qu’il n’y paraît. Aux côtés de quelques titres immédiats (Flutes récemment, One Life Stand ou Ready For The Floor autrefois), la majorité des morceaux des Londoniens ne révèlent toutes leurs saveurs qu’après plusieurs écoutes. Après l’ouverture Huarache Lights qui fait ici figure de produit d’appel (doté d’une vidéo elle aussi très ingénieuse), Why Make Sense ? déroule des morceaux plus sages qu’à l’accoutumée, non dénués d’un certain spleen. La voix d’Alexis Taylor se prête toujours autant au groove synthétique qu’aux ballades cosmiques, deux extrémités d’un prisme couvert magnifiquement par Hot Chip, parfois sur un seul titre. Mathieu Dauchy

Django Django BORN UNDER SATURN (Because/Warner Music)

On aura mariné trois ans avant d'entendre le successeur d'un premier LP de haute volée. Depuis, outre un disque de remixes, les Écossais ont dévoilé quelques-uns de leurs totems dans une compilation Late Night Tales où se côtoyaient Philip Glass et Outkast, Harry Nilsson et Primal Scream. Ouvert aux quatre vents, avec pour dénominateur commun un groove frappadingue, ce deuxième essai affine le propos du premier : plus écrit, plus dense, Born Under Saturn mêle sons synthétiques et chorales de poche, incursions dancefloor et pop sixties, clins d’œil au Peter Gunn Theme comme à Moondog. En treize titres et autant de tubes, ces petits frères de The Beta Band (dans tous les sens du terme) s'imposent également comme les plus sérieux rivaux d'Hot Chip (voir ci-dessus). Thibaut Allemand


Blanck Mass

Les Ogres de Barback

DUMB FLESH (Sacred Bones/Differ-Ant)

Moitié de Fuck Buttons, Benjamin John Power réactive son projet solo Blanck Mass pour un troisième épisode radical. S’il conserve la charge addictive de ses précédents efforts, Power explore ici les dysfonctionnements inhérents à l’imperfection du corps humain. Glaçant, le son de cette stupide chair est néanmoins amène : le single Dead Format fera suer des litres et grillera quelques neurones. Il donnera aussi envie de percer les secrets de ces morceaux à combustion lente malgré leur énergie enflammée. L’electro grinçante se pare de montées pop, et le plus impressionniste No Lite révèle ses nuances sur le long terme. Nuances dansantes de noir, de plus en plus profond jusqu’au final sans appel : le violent Detritus. On a rarement croisé un tas d'ordures aussi exaltant. Rémi Boiteux

20 ANS ! (Irfan)

20 ans déjà que la fratrie Burguière distille sa joie foutraque et contagieuse. Pour l’occasion, elle s’offrait l’an passé une tournée de 10 mois, amplifiée par la fanfare béninoise Eyo’nlé et toute une bande de potes (Les Têtes Raides, La Tordue et même… le camarade Daniel Mermet). En résulte un double album live qui fera regretter à beaucoup de ne pas avoir pu être des leurs, rappelant que c’est bien en concert que l’énergie baroque des Ogres nous dévore tout cru. Entre classiques (Rue de Panam), titres du dernier album (Vous m’emmerdez) et reprises touchantes (Au creux de ton bras de Mano Solo), l’objet concentre tout ce qui fait l’intensité de leurs chansons : mélange efficace de rock-punk et de musique tsigane servant des textes borderline et engagés. Julien Damien

Guantanamo Baywatch DARLING… IT’S TOO LATE (Suicide Squeeze/Differ-Ant)

Si le blaze mixe torture et maillots de bain rouges, entrechoquant les souvenirs les moins reluisants de l’histoire U.S., la musique retrouve, elle, des sources autrement réjouissantes. Darling… It’s too Late, avec ses instrumentaux et ses faux tubes sixties, est d’abord la plus belle lettre d’amour adressée à la surf music depuis la bande originale de Pulp Fiction. Corey Baum’s Theme ou Mr Rebel n’auraient d’ailleurs pas dépareillé dans la grande playlist du geek pop Quentin Tarantino, jusque dans ses épisodiques incursions Motown. À travers les merveilles acidulées que sont Beat Has Changed ou le liquoreux Too Late, c’est aussi le goût des grands hits du Brill Building qui revient en bouche, à la sauce garage. Chansons à la fois urgentes et surannées : l’Amérique vintage à son meilleur. Rémi Boiteux


48 ÉCRANS

Studio Aardman Bonne pâte

Texte Nicolas Jucha Photo David Sproxton et Peter Lord / Morph © Aardman Animation Ltd

Wallace et Gromit, les poules rebelles de Chicken Run et maintenant Shaun le Mouton. Autant de héros en pâte à modeler qui ont fait hurler de rire la planète, mais aussi un travail acharné pour les artistes du studio Aardman. Le musée d’Art Ludique à Paris rend hommage aux créateurs, dessinateurs et sculpteurs du fleuron de l’animation britannique. Bienvenue dans les coulisses.

À

l’opposé des blockbusters numériques, le studio Aardman cultive depuis plus de quatre décennies une technique de fabrication artisanale et poétique. Aucun logiciel ne calcule de

la 3D au kilomètre ici. Chaque production réclame une infinie patience : il faut en moyenne une journée de travail pour enregistrer une seule seconde d’animation. Aujourd’hui références


49 ÉCRANS

Wallace & Gromit le mystère du lapin-garou © Aardman Animation Ltd / Chicken Run © DreamWorks LLC, Aardman Features Ltd & Pathé Image 2000

mondiales comparables aux studios Ghibli, les Anglais ont pourtant débuté très confidentiellement, en 1966, quand les deux amis d’enfance Peter Lord et David Sproxton, seulement âgés de 12 ans, réalisent leur premier film. Son nom ? Aardman, en référence à leur personnage principal, sorte de Superman grassouillet et gaffeur. À l’époque, le duo se contente de la 2D et des 15 livres que leur lâche la BBC pour acheter le court-métrage. Mais un style pétri d’humour et d’autodérision est né. Le studio est officiellement créé six ans plus tard et leur pâte à modeler casse le moule en 1976 avec Morph. Puis, la machine s’emballe lorsque les deux fondateurs recrutent le talentueux Nick Park en 1985, géni-

teur du duo Wallace et Gromit. Le trio enchaîne alors les chefs-d’œuvre pour le 7e Art, s’offre de magistrales pauses musicales en réalisant les clips de Peter Gabriel (Sledgehammer, 1986) ou Nina Simone (My Baby Just Care for Me, 1987).

« J’ai toujours commencé par le dessin, pour concrétiser mes idées » >>>


50 ÉCRANS

Shaun le Mouton © Aardman Animations Ltd

L’envers du décor. Cette première exposition retrace cette singulière aventure, nous dévoilant avec soin les secrets de fabrication de ces petits génies de la débrouille. On découvre alors qu’entre l’idée de départ et le résultat final, le processus créatif tient du sacerdoce. Pour nous convaincre, une cinquantaine de décors et personnages de films ainsi que des dessins originaux, extraits de story-boards,

carnets de croquis ou encore des photos de tournage jalonnent le parcours. Une manière simple mais efficace de côtoyer la magie du studio anglais : souci du détail, goût de l’expérimentation, et surtout la brillante idée d’allier dessin et sculpture pour donner vie à l’animation, tout en stop motion. « J’ai toujours commencé par le dessin, pour concrétiser mes idées », dit un jour le réalisateur multi-oscarisé Nick Park. Chez Aardman, le trait guide l’œuvre, l’identité des personnages, avant que la sculpture en pâte à modeler leur donne vie. Pour l’éternité. Aardman, l’art qui prend forme jusqu’au 30.08, Paris, Musée d’Art Ludique, lun & jeu, 11>19h, mer & ven, 11h>22h, sam & dim, 10h>20h, 15,50>10€ (4>12 ans), www.artludique.com


Les Pirates ! Bons à rien, mauvais en tout © 2012 Sony Pictures Animation Inc


52 ÉCRANS

Il était une fois en Amérique

Avec le temps Texte Raphaël Nieuwjaer Photo Carlotta Films

Depuis 1984, Il était une fois en Amérique hante les rêveries des cinéphiles. Loin de ses westerns ironiques, Sergio Leone composait, dans ce qui restera son dernier film, une fresque déchirante sur le passage du temps. Restaurée, la copie se voit allongée de 22 minutes inédites. Mutilé pour cause d’insuccès lors de sa sortie américaine, l’ultime chef-d’œuvre de Leone aura connu bien des montages. Certaines séquences passaient même pour perdues. La version précédente (3h46) avait cependant fixé les lignes essentielles de cette « recherche du temps perdu ». 1922, 1933, 1968 : trois époques, trois âges de la vie pour Noodles, Max et Deborah. Enfance pauvre à l’ombre du pont de Brooklyn, jeunesse mafieuse et tumultueuse, vieillesse despotique ou mélancolique. Tels étaient, et sont toujours, les principaux fils tressés par un récit foisonnant où passé et présent ne cessent de se confondre. Qu’apportent alors les nouvelles scènes ? Peu, et beaucoup. Certaines, comme la rencontre entre Noodles et une prostituée sont magnifiques de violence et de pudeur. D’autres sont plus anecdotiques. Toutes pourtant, à cause d’une différence de grain avec le reste du film, ajoutent comme une couche de temps et de douleur. Comme si l’œuvre secrétait ses propres fantômes. Cette histoire d’amour impossible et d’amitié trahie, de fidélité envers et contre tout, en devient peutêtre encore plus tragique. Confirmant qu’Il était De Sergio Leone, Avec Robert De Niro, une fois en Amérique est bien de ces films qui James Wood, Elizabeth McGovern… Sortie le 23.05 n’en finissent pas de nous regarder.



54

© Studio Canal

ÉCRANS

20 000 jours sur Terre

Le talent de mes amis

Comment résumer un demi-siècle de la vie d’un monument tel que Nick Cave en 97 minutes ? Eh bien en s’aventurant sur ses propres terres, « cet espace miroitant où imagination et réalité se croisent ». Les plasticiens Iain Forsyth et Jane Pollard orchestrent ainsi une mise en scène sur-mesure, entre le documentaire et la fiction, qui permet à l’Australien de nous trimballer chez lui, à Brighton, tout en traversant le temps et l’espace. Un 20 000e jour sur Terre qui concentre tous les autres et où s’entrelacent souvenirs d’enfance, dialogues dans sa Jaguar avec Kylie Minogue ou Blixa Bargeld, moments intimes avec sa famille... Jusqu’à ces instants de grâce absolue, en pleine gestation de l’album Push the sky away. Plus qu’un portrait, une immersion privilégiée dans le génie créatif du roi du blues-rock. Julien Damien

Alex Lutz tombe la perruque de Catherine pour une incursion au cinéma avec cette première réalisation dans laquelle il s’offre le rôle principal. L’histoire ? Alex et Jeff (Bruno Sanches aka Liliane) sont les meilleurs potes du monde depuis le lycée, et maintenant collègues dans une multinationale. Mais leur amitié d’ados attardés vacille avec l’arrivée de Thibaut (Tom Dingler) coach en développement personnel, qui pousse Alex à réaliser ses rêves de chanteur, l’éloignant de Jeff... Malgré un casting prometteur (Sylvie Testud, Audrey Lamy et même… Jeanne Moreau en mamie qui perd la boule), cette comédie sentimentale ne parvient jamais à faire (sou)rire, plombée par des gags lourds et des scènes de mélo qui tombent comme une couille dans le potache. Bref, beaucoup d’amis dans ce film, mais peu de talent. Julien Damien

De Iain Forsyth et Jane Pollard, avec Nick Cave. Carlotta Films, 20,06€. Sortie DVD le 29.04

De Alex Lutz, avec Alex Lutz, Tom Dingler, Bruno Sanches, Anne Marivin, Audrey Lamy, Sylvie Testud… Sortie le 06.05




57 EXPOSITION

Balenciaga

L’art délicat de la séduction Textes Marine Durand Photo Cristóbal Balenciaga, robe du soir, dépôt de modèle avec échantillon, 1967 © Archives Balenciaga, Paris

De toutes les rétrospectives consacrées au génie de Cristóbal Balenciaga (1895-1972), aucune ne s’était encore penchée sur sa passion pour la dentelle. À l’occasion des 120 ans de la naissance du couturier espagnol, Catherine Join-Diéterle répare cet impair avec une exposition événement à la Cité de la dentelle et de la mode de Calais.

B

alenciaga, magicien de la dentelle, un thème évident mais inédit ? « Il avait tellement de cordes à son arc que personne n’avait pensé à explorer cet aspect de son œuvre », explique la commissaire. Le styliste a pourtant baigné dans la dentelle toute son enfance. À l’époque où pas une Espagnole ne sort sans sa mantille, le petit garçon observe les ornementations fleurir sur les toilettes des clientes de sa mère, couturière. « Plus la journée avance, plus la dentelle est visible », souligne Catherine Join-Diéterle, qui a classé les tenues en fonction des heures du jour et des occasions. Féminité exacerbée. Dénichés dans les archives parisiennes de Balenciaga, au Palais Galliera ou prêtés par la fondation de Getaria, 75 ensembles, chapeaux, gants, souliers prennent place dans un parcours enrichi de photos ou pièces administratives (commandes, factures), dévoilant les rouages d’une maison de couture. Mais qu’on ne s’y trompe pas : ce sont bien les robes, étourdissantes, qui tiennent le haut de l’affiche. Ici, sur un cube de lumière, un modèle de cocktail laisse deviner sous la dentelle noire une fine ceinture-corselet rose. Plus loin, une robe de grand soir en shantung fuchsia éclatant, dont la coupe s’inspire des tableaux de Balenciaga, magicien de la dentelle saintes du peintre basque Francisco de Zurbarán. Jusqu’au 31.08, Calais, Cité internationale de la dentelle et de la « Certaines pièces sont d’une féminité rare, mode, ts ls jrs sf mar, 10h>18h, qu’on ne trouve plus aujourd’hui ! », voilà une 7/5€ (+ collec. perm) / 4/3€. www.cite-dentelle.fr raison supplémentaire de se précipiter à Calais.


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Walter, 2011 © Dawn Ng

EXPOSITION

Art Garden

Jeunes Pousses Enfin le printemps ! Des lapins géants s’ébrouent gentiment dans le gazon et le soleil tape si fort qu’il a fait fondre Superman… Non non, l’auteur de ces lignes n’a pas abusé de substances illicites. Il est simplement allé faire un tour à la Gare Saint Sauveur de Lille, où expose la jeune scène artistique de Singapour. Dépaysement garanti. Posée en face de Walter, le lapin-baudruche « surgi du néant » de Dawn Ng, cette table de ping-pong circulaire imaginée par Lee Wen accueille bien plus de joueurs que d’ordinaire. Et redéfinit avec joie les règles ancestrales de ce sport olympique. Elle illustre parfaitement l’esprit d’Art Garden, conçu comme « une exposition familiale et interactive » selon les commissaires Naomi Wang et Nicole Tan. Elle dit aussi beaucoup de l’art contemporain singapourien : anticonformiste. « Il est très jeune, à l’image du pays, qui n’est indépendant que depuis 50 ans », explique Naomi Wang, qui le qualifie volontiers d’« underground ». Un peu à part dans la grande Asie, ce petit dragon qui porte 5 millions d’habitants a misé depuis peu, mais avec vigueur, sur l’art. Conviés par lille 3000 dans le cadre du festival Singapour en France, douze artistes issus de « la ville jardin » dévoilent ici sculptures, peintures, vidéos… Des œuvres qui se caractérisent par des couleurs vives et ne semblent traversées par aucune influence ni nostalgie. Étranges, telles les créatures mi-fruits mi-animaux de la street-artiste Sheryo, elles se tournent résolument vers le préJusqu’au 06.09, Lille, Gare Saint Sauveur, mer>dim, sent et le futur. Vivifiant. Julien Damien 12h>19h, gratuit, www.lille3000.eu



60 EXPOSITION

Anne Teresa De Keersmaeker

Le corps à l’œuvre Textes Marie Pons Photo Herman Sorgeloos

Invitée à concevoir une exposition, Anne Teresa De Keersmaeker a délaissé croquis, vidéos et carnets de notes pour déployer une pièce unique dans l’espace du musée. Sept danseurs et six musiciens en mouvement permanent servent une rétrospective vivante, d’un format inédit. « C’est l’occasion de révéler ce que je ne peux jamais montrer : le processus de création en marche ». Les mots d’Anne Teresa De Keersmaeker résonnent dans le WIELS. Le dispositif est minimal : les interprètes habillés de blanc évoluent dans ce vaste espace baigné par la lumière naturelle. Un jeu de questions-réponses s’écrit entre musique et danse, et une structure complexe se tisse « comme un feuilletage ». Au sol, des rosaces tracées à la craie indiquent des lignes possibles à suivre et deviennent des carrefours entre performers et visiteurs. À chacun de se frayer un chemin entre le piano à queue tournoyant sur luimême, les danseurs courant en cercles, puis jaillissant pour disparaître soudain. Vortex Temporum, signifiant « la spirale du temps », reflète la spécialité de la chorégraphe : une construction rigoureuse à partir de mouvements simples. « J’aime les motifs qui se répètent à l’infini, le cercle, la spirale. Minimalisme et répétition sont les formes les plus naturelles. Là réside la vraie beauté » souligne notre hôte. La performance est assurée neuf heures par jour, durant neuf semaines. « Deux Work/Travail/Arbeid équipes se relaient, c’est un défi de tenir Jusqu’au 17.05, Bruxelles, WIELS, mer>dim, 11h>18h, 8/5/3/1,25€/ gratuit - 12 ans dans la durée ». L’essence du travail de À voir aussi / My breathing is my dancing la compagnie Rosas est ici condensée, (spectacle), 08>14.05, 13h, 15h & 17h, sf le 08.05, 17h & 19h,13/10€, www.wiels.org traduite dans une mise à nu captivante.



62 THÉÂTRE EXPOSITION & DANSE

Agenda

RECIF 2, une traversée À travers la découverte des paysages maritimes, de la Manche à l’Antarctique, Simon Faithfull bouleverse notre perception de l’espace et du temps. Au centre de cette rétrospective consacrée à cet artiste britannique, REEF plonge le spectateur au coeur du Brioney Victoria. Un bateau de pêche de 32 tonnes qu’il a fait couler au large de l’Angleterre. Devenue récif artificiel, l’épave se transforme peu à peu. Un univers parallèle fascinant.

REEF, Simon Faithfull© Gavin Weber

Calais, jusqu’au 22.06, Musée des beaux-arts, mar>sam, 10h>12h, 14h>18h / dim, 14h>18h, 2/1,50€/ gratuit -5 ans, www.calais.fr

Stephan Vanfleteren

La Salle des pendus

Depuis 2010, le musée de la photographie de Charleroi propose -chaque année- à un artiste de livrer sa vision de la ville. C’est Stephan Vanfleteren qui conclut cette série de commandes. Le Flamand dresse un portrait en noir et blanc et sans complaisance de la cité Carolo. Ses clichés d’enfants ou pris la nuit sous les néons d’un café, traduisent les maux et toute la solidarité de l’ancienne cité industrielle.

Considéré comme l’un des plus grands artistes contemporains français, Christian Boltanski se voit consacrer, dans le cadre de Mons 2015, sa première grande exposition muséale en Belgique. Le MAC’s accueille l’installation monumentale du plasticien dans un espace de plus de 5 000 m2. L’occasion de découvrir un travail explorant les thèmes du souvenir, de la mémoire et de la mort, notamment à travers une série d’œuvres réalisées avec des vêtements.

Charleroi, 23.05>06.12, Musée de la Photographie, mar>dim, 10h>18h, 7/5/4€/ gratuit -12 ans, www.museephoto.be

Hornu, jusqu’au 16.08, MAC’s, mar>dim, 10h>18h, 8/5/2/1,25€/ gratuit -6 ans, www.mac-s.be

Jasper Morrison Cet Anglais est célèbre pour sa façon très pragmatique d’aborder le design. Pour lui, un objet doit être utile avant de se faire remarquer. Meubles, appareils électroménagers, vaisselle… Cette rétrospective (la toute première en 35 ans de carrière) nous montre que derrière l’apparente simplicité de son art se cache une idée du « normal » qui touche à l’universalité. Hornu, 10.05>13.09, CID, mar>dim, 10h>18h, 8/5/2/1,25€/ gratuit -6 ans, www.cid-grand-hornu.be



64 THÉÂTRE EXPOSITION & DANSE

Agenda

Théâtre de l’absurde Les statues de bois façonnées à l’échelle humaine – et à la tronçonneuse – par Willy Verginer interpellent par leur réalisme. Mais aussi par leur… surréalisme. Le style de cet artiste italien se caractérise en effet par un usage de la couleur complètement décalé et par une scénographie absurde, qui achève de plonger le visiteur dans un univers poétique et satirique. Tra idillico e realtà, Willy Verginer © Egon Dejori

La Louvière, jusqu’au 14.06, Musée Ianchelevici, mar>ven, 11h>17h / sam>dim, 14h>18h, 3/2/1,50€/ gratuit -12 ans, www.ianchelevici.be

À la belle enseigne

Facing time – Rops / Fabre

Entre histoire et artisanat, cette exposition rassemble quelque 300 enseignes de « boutiques lilloises d’autrefois ». La scénographie conçue par les élèves de l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Lille restitue l’ambiance d’une rue pour mieux découvrir ces pièces datées des xviie - xixe siècles. Cet ensemble est associé à moult photographies de commerces et objets d’ateliers. Un voyage spatio-temporel insolite !

Facing Time organise la rencontre entre deux artistes sulfureux, séparés par près de 150 ans, et réunis par leur soif de vivre et leurs pulsions de mort : le Namurois Félicien Rops et l’Anversois Jan Fabre. Leurs créations sont accrochées face à face tandis qu’en parallèle, Jan Fabre voit ses installations monumentales et 250 œuvres personnelles se déployer aux quatre coins de la ville.

Lille, jusqu’au 19.07, Musée de l’Hospice Comtesse, lun, 14h>18h / mer>dim, 10h>18h, 5/4€, www.mhc.lille.fr

Namur, jusqu’au 30.08, Musée Félicien Rops, Maison de la Culture, La Citadelle et les rues de Namur, L’église Saint-Loup, Le Théâtre royal de Namur, 10/5€/ gratuit, www.ropsfabre.be

Nathalie Lété Pénétrer dans l’atelier de Nathalie Lété, c’est plonger dans un univers peuplé d’objets colorés et faussement naïfs, entre le conte pour enfants et le film fantastique. Un petit chaperon rouge effrayant, un rôti, un œil, des animaux songeurs... Qu’elles soient réalisées en céramique, tissu, papier, bois, carton, peinture ou dessin, ses œuvres laissent filtrer un sentiment de nostalgie. Et une indéniable poésie. Roubaix, jusqu’au 21.06, La Piscine, mar>jeu, 11h>18h / ven, 11h>20h / sam & dim, 13h>18h, 9/6€/ gratuit -18 ans, www.roubaix-lapiscine.com

Toutes les expositions de l’Eurorégion sur www.lm-magazine.com





Kunstenfestivaldesarts

Têtes de l’art 20 ans, le bel âge ! Le Kunstenfestivaldesarts souffle ses bougies avec une programmation plus audacieuse que jamais. Pendant trois semaines et dans une vingtaine de lieux, Bruxelles fourmille de spectacles issus des quatre coins du globe. Radiographie d’un rendez-vous en prise directe avec son époque.

Mårten Spångberg, La Substance, but in English © Åsa Lunden


69 THÉÂTRE & DANSE

L

e Kunstenfestivaldesarts n’est l’étendard d’aucune communauté, réductible à aucune esthétique. Cette année encore, plus de trente pièces et compagnies traversent la capitale belge de fond en comble. Le programme qui mêle théâtre, danse et performance entre même au musée (Anne Teresa De Keersmaeker mène la danse au WIELS, voir page 60) et prend la rue d’assaut. À l’image du projet de la soirée d’ouverture, Les marches de la Bourse d’Anna Rispoli, où un groupe de participants clame ses revendications devant le célèbre édifice, symbolisant une vraie demande de changement. « Nous proposons un festival nomade et les artistes méritent d’être entendus aussi dans l’espace public » souligne le directeur artistique, Christophe Slagmuylder. Aux arts citoyens ! Le Kunsten (pour les intimes) est aussi un pavé lancé dans le marasme ambiant. Le programmateur précise : « Partout la culture affronte l’austérité. On voit les budgets nationaux se réduire de façon injustifiée.

Cela s’accompagne d’un discours très dangereux, avec cette idée que l’art est une activité élitiste ». Du coup, le festival soutient la jeune création, en présentant, par exemple, le travail de la Taïwanaise Wen-Chi Su, qui dévoile Off The Map, où elle se déplace nue sur une scène en forme de miroir déformant de la réalité. Ouverture maximale. Comme toujours, un bel équilibre se dessine entre les grands noms (Jérôme Bel, Romeo Castellucci ou l’historique Wooster Group) et les talents à découvrir (Radouan Mriziga). On navigue entre humour féroce – le projet déjanté de Mårten Spångberg – et œuvre poignante, avec la transe orchestrée par Bouchra Ouizguen (Corbeaux). Le tout ponctué de vrais moments d’échanges (conférences, brunchs, fêtes…) auxquels tient l’équipe : « C’est le grand enjeu des années à venir, maintenir notre exigence artistique en attirant de nouveaux publics ». Un défi à la mesure de cet évènement frondeur ! Marie Pons

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08>30.05, Bruxelles, horaires divers, pass festival 170€, programme complet : www.kfda.be Programme : 08.05, Anna Rispoli, Les marches de la bourse, Place de la Bourse, 18h, Gratuit // 9>11.05, Bouchra Ouizguen, Corbeaux, Maison des Cultures Molenbeek-Saint-Jean, le 09.05 à 18h + La Monnaie le 10.05 à 13h et 19h + Vier Winden Basisschool le 11.05 à 16h, 5€ // 08 & 09.05, Jérôme Bel, Gala, Zinnema, 20h30 + 29 & 30.05, Kaaitheater, 20h30, 16/13€ // 14>17.05, Mårten Spångberg, La Substance, but in English, Rosas Performance Space, 19h sf dim 15h, 16/13€ // 15>18.05, Romeo Castellucci, Uso umano di esseri umani, Byrrhamide, 17h30 & 20h30, 20/16€ // 19>24.05, The Wooster Group, Cry, Trojans ! (Troilus and Cressida), Kaaitheater, 20h30 sf dim 15h, 25/20€ // 21>26.05, Radouan Mriziga, ~55, 20h30 sf le 23.05, 18h et le 25.05, 15h, Bâtiment Dynastie, 16/13€ // 26>29.05, Wen-Chi Su, Off the map, Théâtre La Balsamine, 20h30, 16/13€


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THÉÂTRE & DANSE THÉÂTRE & DANSE

Le Capital et son singe

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Sylvain Creuzevault

© DR

Quatorze comédiens attablés discutent, s’affairent et s’échauffent autour du monument qu’est Le Capital de Marx. Le texte-fleuve est porté à la scène au gré d’improvisations et d’une écriture fluide, sur le ton de la comédie. Du théâtre d’action et une farce « révolutionnaire », pour un démontage en règle des arcanes du pouvoir. 14>16.05, Bruxelles, Théâtre National, 20h15, 16/13€

Las Ideas, Federico León Disséquer le processus créatif, mettre en pièces les idées qui sont à l’origine d’une œuvre, entrer dans la tête d’un artiste. Voilà ce que propose le metteur en scène argentin lors de cette première mondiale. Cette expérience fascinante relate les doutes, recommencements et succès consubstantiels au spectacle vivant. 22>30.05, Bruxelles, Kaaistudio’s, 20h30 sf 24 & 25.05, 18h, 16/13€

De marfim e carne - as estátuas também sofrem

9>12.05, Bruxelles, La Raffinerie/Charleroi Danses, 20h30 sf dim 18h, 16/13€

© Pierre Planchenault

Marlene Monteiro Freitas La fascinante chorégraphe et danseuse originaire du Cap-Vert nous invite à un bal grotesque étourdissant. Sept corps-statues prennent vie et sortent de leur hiératisme à force de grimaces et de contorsions, créant des images stupéfiantes, des gestes hors normes. Entre humour et effroi, une pièce hallucinante.




73 THÉÂTRE & DANSE

Madama Butterfly Les ailes du désir Texte Julien Damien Photo Mikaël Libert

Faire rimer opéra avec populaire sans rien trahir de la qualité de l’œuvre. C’est le pari que renouvellent Jean-François Sivadier et l’Opéra de Lille avec Madama Butterfly, dont l’une des représentations sera retransmise en direct, sur écran géant, dans onze villes de l’Eurorégion. De Dunkerque à Valenciennes, préparez-vous à redécouvrir le tragique destin de Cio-Cio San.

D’

émotion, il sera beaucoup question ici. D’abord parce que Madama Butterfly constitue le premier opéra mis en scène par Jean-François Sivadier, en 2004, et en même temps la première production de l’Opéra de Lille après sa longue fermeture de cinq ans, en 1998. Mais c’est surtout l’œuvre qui bouleverse. Rappelons l’argument : À Nagasaki, vers 1900, Pinkerton épouse Cio-Cio San (« papillon » en nippon), une Geisha de 15 ans. Pour cet officier américain, ce mariage n’est qu’un jeu. Au contraire de la Japonaise qui le prend avec tout le sérieux de l’amour, jusqu’à renier sa famille. Après lui avoir fait un enfant, « Ça commence son « mari » regagne les USA et refait comme une comédie sa vie. Cio-Cio San lui reste fidèle. Et l’attend. Mais lorsque Pinkerton revient, et ça se termine en trois ans plus tard, c’est accompagné tragédie grecque » de sa nouvelle épouse américaine et pour récupérer son fils. Cio-Cio San le lui confie et se fait hara-kiri. « Ça commence comme une comédie et ça se termine en tragédie grecque », résume Jean-François Sivadier. Cette histoire d’amour et de trahison en trois actes a été maintes fois adaptée mais reste terriblement efficace. Car servie par la composition du génial Giacomo Puccini (1904). « Il est unique dans sa façon de traduire la tension dramatique en musique. On peut trouver ça mièvre par endroit, mais il y a des moments qui ne peuvent absolument pas laisser le spectateur insensible ». >>>


74 THÉÂTRE & DANSE

Sans exotisme. Jean-François Sivadier sait de quoi il parle, lui qui a déjà monté deux fois cet opéra (à Lille donc, puis à Dijon en 2010). Dès lors, comment porter un regard neuf sur l’œuvre ? S’il faut s’attendre à des changements – dans la distribution ou la direction de l’o.n.l., où l’Italien Antonino Fogliani succède à Jean-Claude Casadesus avec « une vision très différente » – « la mise en scène, les costumes et les décors sont pratiquement les mêmes ». En cela, l’exotisme du Japon est une nouvelle fois absent car « ce n’est pas du tout une musique japonaise, mais italienne. On joue donc avec les signes du Japon comme Puccini le fait avec sa partition, mais sans reconstituer le pays ». Transcendance. Comme pour Carmen en 2011 et Le Barbier de Séville en 2013, une des représentations de Madama Butterfly est retransmise sur écran géant dans plusieurs villes de la région. Un moment « bouleversant » pour Jean-François Sivadier, qui considère l’opéra comme « un art plus populaire que le théâtre ». Et de confirmer : « Il y a ici une sorte de transcendance immédiate qui peut toucher tout le monde, sans rapport 18.05>07.06, Lille, Opéra, 18, 20, 26, 28.05, 20h / 23.05, 18h / 31.05, 07.06, 16h / 02, au sens ». Un événement qui sied à 04.06, 20h, 69/49/30/13/5€, www.opera-lille.fr merveille à la conception qu’il a de Retransmission en direct sur écran géant, 02.06, 20h, Lille, gratuit, Opéra / Armentières, Le Vivat son travail : « Je m’adresse à la fois / Lomme, maison Folie Beaulieu / Dunkerque, le aux spécialistes et à ceux qui n’y Bateau Feu / Hazebrouck, Centre André Malraux / Valenciennes, Le Phénix / Saint-Omer, salle connaissent rien. Il m’importe que Vauban / Charleroi, Palais des beaux-arts… et aussi sur France Inter et sur CultureBox de chacun assiste à un opéra pour en France Télévisions / France 3 sortir transformé ».



76 THÉÂTRE & DANSE

Illumination(s)

Les rêveurs du Val Texte Marine Durand Photo Francois-Louis Athenas

Montrer sous un nouveau jour la jeunesse des banlieues sensibles ? Le sujet semble éculé. Dans Illumination(s), choc du off d’Avignon en 2013, Ahmed Madani lui donne pourtant une profondeur sans pareille, croisant son itinéraire personnel avec le quotidien des « bandes » de Mantes-la-Jolie. C’est en bas des tours, dans la cité du Val Fourré où il a débarqué en 1959, qu’Ahmed Madani est allé chercher ses neuf interprètes. Novices, certes. Impliqués et sincères, assurément. « Ce qui frappe, c’est leur présence lorsqu’ils s’emparent du plateau », s’exclame le metteur en scène. Tour à tour, ils incarnent Lakhdar. Mais un Lakhdar changeant via trois générations, qui représente l’Autre. L’immigré. Le grand-père, ex-soldat marqué par la guerre d’Algérie. Le père, parqué en HLM dès son arrivée en France. Le fils, ado à capuche ignorant tout ou presque de ses origines. « Je voulais poser la question de la mémoire. Qu’en racontant leurs peurs et leurs espoirs, ils se fassent aussi les porte-paroles de l’histoire tue de leurs parents. » Loin de pencher vers la leçon, Ahmed Madani donne à voir un spectacle choral et multiforme. Les neuf Lakhdar se déhanchent sur du twist ou nous offrent quelques secondes d’un rap efficace. Projetée derrière la scène, une vidéo du plasticien Nicolas Clauss fait défiler mille visages en noir et blanc, au son familier et anxiogène des journaux télévisés. On pense à La Haine, mais 21.05, Valenciennes, Le Phénix, 20h, ici l’humour l’emporte, pointant les plus sur16>9€, www.lephenix.fr prenants paradoxes.



Sandrine Bonnaire L’enfer du décor Propos recueillis par Julien Damien Photo Jean-Louis Fernandez

Sandrine Bonnaire n’avait plus joué au théâtre depuis 1990. Elle y revient dans une adaptation du roman de Samira Sedira, L’odeur des planches. L’histoire vraie d’une comédienne qui, après avoir connu le succès, se retrouve du jour au lendemain sans proposition. En fin de droits, elle accepte de faire des ménages, et se retrouve en bas de l’échelle sociale, comme ses parents, des immigrés algériens qui espéraient pour elle une vie meilleure. Rencontre avec l’actrice multi-récompensée à la veille d’une tournée qui passe par Béthune.


79 THÉÂTRE & DANSE

Comment présenteriez-vous cette pièce ? C’est plus un récit qu’une pièce. Il n’y a pas de continuité dans l’histoire : on passe d’une période à une autre, d’un personnage à l’autre. Cette comédienne raconte son déclassement. Elle confie ses états d’âme, revient sur l’histoire de ses parents, l’immigration. Qu’est-ce qui vous a plu dans le texte de Samira Sedira ? Il est à la fois simple et percutant. Violent et très tendre. Il me touche car il parle de familles ouvrières, de la banlieue, autant de choses que j’ai connues étant petite. Le propos évoque la mise à l’écart « C’est le regard d’une comédienne, mais n’est-il pas plus universel ? qu’on vous porte Je pense que chacun de nous peut quand vous passez de s’identifier à ce texte car il évoque la relation à l’autre. Le regard qu’on la lumière à l’ombre » porte sur vous quand vous passez de la lumière à l’ombre. En devenant une femme de ménage, pour beaucoup, vous n’êtes plus rien... Il pointe aussi une forme de maltraitance psychologique, la façon déplorable dont vous traitent ceux qui vous emploient pour nettoyer toutes les souillures. Cette adaptation est-elle fidèle au texte de Samira Sedira ? Oui. Sans changer aucun mot, on l’a coupé pour choisir les passages les plus forts : ceux qui racontent son enfance, le monde ouvrier, ses parents, le théâtre, dans une sorte de montage restituant les états de la narratrice. Pouvez-vous nous parler de la mise en scène ? C’est plus une mise en espace. Richard Brunel* souhaite qu’on entende les mots de Samira, pour qu’ils soient les plus percutants possible. Un rôle d’autant plus particulier que vous êtes seule sur scène… Oui, j’ai un trac fou ! (rires) C’est plus compliqué de jouer seule parce que la moindre erreur devient visible. En même temps, j’ai très envie d’incarner ce texte en me détachant de la lecture. *Directeur de la Comédie de Valence

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80 THÉÂTRE & DANSE

Le « fin de droits », est-ce un sujet tabou dans le milieu du théâtre ? Je ne connais pas assez ce milieu. Ce qui est sûr, c’est qu’on vit une période difficile. Le gouvernement délaisse la culture. Mais elle n’est pas qu’un simple divertissement. La culture interroge, rassemble, et fait donc partie de la politique. En quoi cette pièce est-elle aussi politique ? Au-delà du théâtre, elle raconte comment les Algériens venus en France ont été utilisés, ce qu’on leur a fait croire, la difficulté de la vie des ouvriers qui doivent suivre le rythme de la machine qu’ils servent… L’échec vécu par le personnage est d’autant plus difficile à vivre à cause de ses origines… Oui. Quand on vient d’une famille d’ouvriers, on n’a pas le droit à l’erreur. C’est ce qu’il y a de très beau dans le texte. Une question de dignité. Ceux qu’on appelle les « petites gens » mettent souvent un point d’honneur à réussir, sans se plaindre, en redoublant de courage. Samira Sedira a-t-elle retrouvé un rôle suite à son livre ? Non, mais ça me plairait qu’elle remonte sur scène, c’est une femme qui a des choses à dire en tant qu’interprète. Qu’elle continue d’écrire aussi. C’est une belle artiste, je lui souhaite une renaissance.

L’odeur des planches, 26.05, Comédie de Béthune, 20h, 20>6€, www.comediedebethune.org À lire / L’odeur des planches, de Samira Sedira, éd. du Rouergue, 144 p., 16€



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© Sandrine Chapuis

THÉÂTRE & DANSE

Souvenirs d’un gratteur de têtes Journaliste, animateur et maintenant… comédien. Au milieu d’un décor qui rappelle le plateau d’Apostrophes, Bernard Pivot nous « gratte la tête » dans un one-man-show surprenant. Car cette fois, il nous fait rire. Entre anecdotes sur les figures qui ont traversé ses émissions – on apprend comment Nabokov transformait le thé en whisky – et calembours instructifs (ne mettez plus d’accent sur le « e » d’ego car « c’est dans sa nature même de mettre l’accent sur lui ! ») l’homme aux près de 300 000 followers sur Twitter transforme ses bons mots en spectacle bien vivant. Julien Damien 26.05, Uccle, centre culturel, 20h15, 22>15€, www.ccu.be 29.05, Binche, théâtre communal, 20h, 20>14€, www.binche.be

© Eric Didym

J’avais un beau ballon rouge Cette pièce qui réunit pour la première fois sur scène Richard et Romane Bohringer raconte la vie de Margherita Cagol, cofondatrice des Brigades Rouges. Si l’auteure, Angela Dematté, décrit un épisode sombre de l’extrême-gauche italienne en s’appuyant sur des éléments historiques, elle laisse aussi la part belle à l’émotion. Mettant en scène des conversations déchirantes, dans l’intimité du quotidien, entre une jeune fille rebelle qui sombre dans le terrorisme, et son père, petit bourgeois catholique, qui ne la comprend pas, mais l’aimera jusqu’au bout. Julien Damien 26 & 27.05, Valenciennes, Le Phénix, 20h, 28>15€, www.lephenix.fr



84 THÉÂTRE & DANSE

Agenda

L’Autre Hiver Denis Marleau / Domnique Pauwels / Normand Chaurette

L’Autre Hiver © Kurt Van der Elst

Présenté comme un « opéra fantasmagorique », L’Autre Hiver met en scène la rencontre entre Verlaine et Rimbaud sur le pont d’un bateau pris dans la glace. Sur une musique du Gantois Dominique Pauwels, le Québécois Denis Marleau joue sur la perception du réel grâce à un dispositif qui fait se croiser silhouettes vidéoprojetées et êtres de chair. Une odyssée immobile, étrange et fascinante. 07, 08 & 10.05, Mons, Théâtre Le Manège, jeu & ven, 20h / dim, 16h, 11/8€, www.lemanege.com

BiT

Le Cœur Cousu

Cie Maguy Marin

Carole Martinez / Théâtre la Licorne

Trois femmes et trois hommes sont dotés d’une oreillette diffusant à chacun une musique différente. Ils dansent sur des rythmes en parfait décalage, en se tenant la main, sur des planches pentues qui n’autorisent aucun faux pas. À rebours de la marche du monde, Maguy Marin interroge notre rapport à l’autre : « Comment peut-on agir ensemble sans se fondre complètement dans le courant général » ?

Le Théâtre La Licorne adapte Le Cœur cousu, roman de Carole Martinez. L’histoire ? Frasquita Carasco habite un petit village espagnol, et a hérité d’un don incroyable : elle recoud les vêtements autant que les hommes et les animaux… Sur scène, les comédiens revêtent les mêmes habits que des « puppets » en ouate et tissu : pour que la frontière entre réel et imaginaire reste floue.

08 & 09.05, Charleroi, Les Écuries, 20h, 15/10/5€, www.charleroi-danses.be

12.05, Roubaix, la Condition Publique, 20h, 12/8/5€, www.laconditionpublique.com

Les Extravagants - Circonférence sur le Clown Jean-Michel Guy & Cédric Paga

Ce festival clownesque du Prato annonce encore du beau monde. Au point que L’art du rire de Jos Houben affiche déjà complet. Pas grave. Il reste bien d’autres options. Notamment cette Circonférence de Ludor Citrik, sorte de réflexion-spectacle ludique révélant qui se cache derrière le clown. Une performance où l’on découvre un amuseur qui jongle avec la philosophie. Les Extravagants, 10.05>02.06, divers lieux, 17€>gratuit, www.leprato.fr // Circonférence..., 29.05, Lille, le Prato, 20h, 17>5€



86 THÉÂTRE & DANSE

Agenda

L’homme qui valait 35 milliards Nicolas Ancion / Collectif Mensuel

L’homme qui valait 35 milliards © Dominique Houcmant

Trois comédiens-chanteurs content le kidnapping loufoque de Lakshmi Mittal. Ou comment deux métallos licenciés des hauts-fourneaux de Liège, guidés par un artiste barré, veulent transformer un enlèvement en performance artistique. Inspirée du roman de Nicolas Ancion, cette pièce traite avec humour d’un tragique fait d’actualité : la fermeture de cette usine en 2013 a laissé 2 000 salariés sur le carreau. 13.05, Oignies, le Métaphone, 20h30, 15>9€, 9-9bis.com // 10.07, Dunkerque, Le Manifeste, www.lemanifeste.com

Jake & Pete’s big

Swan Lake Dada Masilo / Cie The Dance Factory

reconciliation…

Tout le monde connaît le Lac des Cygnes. Mais avez-vous déjà assisté à sa relecture « black et gay » ? Cintrés à la taille dans des tutus blancs, les danseurs tournent le dos, agitent les fesses. Iconoclaste, cette version de la Sud-Africaine Dada Masilo l’est à plus d’un titre. Les douze interprètes osent tout, transcendent les tabous de l’homosexualité, du sida, dézinguent la question du genre et font voler en éclats les conventions du ballet.

Pieter & Jakob Ampe / Campo

19.05, Douai, Hippodrome, 20h, 20>9€, www.tandem-arrasdouai.eu

19>21.05, Villeneuve d’Ascq, la Rose des Vents, mar & mer, 20h / jeu, 19h, 21>10€, www.larose.fr

Babel (words)

Pieter et Jakob Ampe sont frères. Le premier est danseur et le second chanteur. Chacun pousse l’autre dans ses retranchements mais lorsque l’un d’entre eux manque de tomber ou d’échouer, l’autre vient imperceptiblement à sa rescousse. Ces deux protégés d’Alain Platel illustrent ces liens compliqués de la fraternité en mêlant cirque, théâtre et chorégraphie, dans un humour absurde.

Sidi Larbi Cherkaoui / Damien Jalet

S.L. Cherkaoui revient sur le mythe de la tour de Babel, parabole sur la naissance des langues et donc de l’incommunicabilité entre les hommes. Sur les planches, les danseurs cristallisent la diversité du monde : ils sont jeunes, vieux, chichement vêtus ou perchés sur des talons. Ils sont Africains, Asiatiques, Européens... Ensemble, ils esquissent une version alternative du mythe, où les gestes se substituent à la langue et génèrent l’harmonie. 22, 23 & 24.05, Ypres, C.C. Het Perron, 20h15, 25>18€ // 29.06>04.07, Bruxelles, Les Halles de Schaerbeek, 20h30, 30€

Tous les spectacles de l’Eurorégion sur www.lm-magazine.com



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© L’employé du moi

© Frémok

LITTÉRATURE

La BD

sort de ses cases

Texte François Annycke & Christophe Delorme Photo flblb / Frémok / L’employé du moi / Hécatombe

Au carrefour de la narration et des arts plastiques, la bande dessinée se réinvente constamment. Tant du point de vue graphique que de l’objet lui-même. Plus de bulles ni de cases, mais des planches désormais dignes des toiles de maître, des ouvrages cubiques voire interactifs. Qui sont ces auteurs et éditeurs qui ont choisi de raconter des histoires autrement ? Voyage au cœur d’une nouvelle aventure éditoriale.


© Hécatombe

L

Réversible est un livre qu’on peut lire une première fois, puis retourner comme une veste et lire une seconde fois.

Des noms ? L’art contemporain et la BD se tournent autour depuis longtemps. On sait que Druillet a exploré avec réussite la sculpture et la peinture (il fut l’un des premiers auteurs de BD cotés sur le marché de l’art). De son côté, Bilal dessine ses cases séparément, comme de petits tableaux avant de les assembler sur ordinateur pour former une planche... Mais désormais, le phénomène s’emballe, ces auteurs d’un nouveau genre sont récompensés de toutes parts. À l’image du jeune surdoué Brecht Evens, qui mêle l’aquarelle à la gouache, rivalise d’effets de matière Un fanzine carré numéro C. et jongle à l’envi entre figuratif et abstrait. Le dernier Un cube de 9 cm d’arête dont chaque face est une couverture. festival d’Angoulême a aussi rendu hommage à Alex Barbier, qui a publié une dizaine d’ouvrages introduisant une technique picturale étonnante qu’il appelle « ligne brouillée». Grâce à un flacon de Correc-bille (produit capable d’effacer l’encre des stylos bille vendu dans les années 1980), il dilue ses couleurs, comme avec de l’eau de javel, et travaille avec des tons complètement inédits nous rappelant plus Francis Bacon que Gaston Lagaffe. >>> * Ce terme a été inventé en 1977 par le dessinateur néerlandais Joost Swarte, à l’occasion de l’exposition Tintin de Rotterdam. Souvent utilisée pour désigner un style graphique peu exubérant, l’expression ligne claire correspond cependant à des choix précis et rigoureux, que peu de dessinateurs sont parvenus à épouser.

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a bande dessinée classique, soit un bel album relié de 48 pages en couleur, alignant de sages vignettes et phylactères au service d’une narration linéaire, tremble sur ses bases. Certes, depuis près de quarante ans des discours de rupture se font entendre. Mais, cette fois plus que jamais, l’école belge associée à Hergé (la ligne claire*), est défiée par un « graphiquement incorrect », au-delà des genres répertoriés comme le manga, les comics et le roman graphique. Nombre d’auteurs ont radicalisé leur approche et ne se contentent plus des supports traditionnels – notamment le livre et l’album. Bien décidés à casser le moule, ils brouillent la frontière avec l’art contemporain. Ils conquièrent l’espace avec des volumes, des papiers peints, des vidéos et l’on admire désormais leurs œuvres au musée ou dans les biennales internationales.


Ils, Yannis La Macchia, éd. Hécatombe

L’objet rare. Au-delà du trait, le support luimême est remis en cause. Cartes à jouer qui déterminent des histoires mouvantes, lectures diverses en fonction du calque bleu ou rouge que l’on applique sur la page… Autant de pratiques ludiques où le lecteur devient un acteur de l’histoire. Dans ce domaine, les éditeurs L’Employé du moi, comme Frémok, multiplient les approches : livres carrés, longs, larges,

« Nous cherchons à décloisonner ces petits milieux

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qui se frôlent sans se toucher » format à l’italienne... Yannis La Macchia, éditeur chez Hécatombe, le confirme : « À travers ces expériences, nous souhaitons redonner une singularité au livre et le replacer au cœur du projet éditorial ». Le Cube, numéro C de la revue FZN, a d’ailleurs reçu le fauve de la BD alternative. Produit uniquement à 999 exemplaires (tous sérigraphiés), cet ouvrage de 900 pages est devenu un objet de collection. Frontières. Les « majors » de la bande dessinée ont également investi le marché de l’art - comme Glénat, qui a ouvert sa propre galerie. Vente de planches ou de tableaux, la BD attire les spéculateurs de tout poil. Face à eux, les éditeurs indépendants poursuivent leur travail à la marge. Notamment en se plaçant en dehors du circuit des concurrents plus aisés : galeries donc, mais aussi squats, événements publics... Il s’agit de s’ouvrir à d’autres milieux artistiques, quitte à gommer les frontières. « Nous cherchons à décloisonner ces petits milieux qui se frôlent sans se toucher », affirme Clément Vuillier des éditions 3 fois par jour. Yvan Alagbé, co-fondateur de Frémok, ne dit pas autre chose : « BD, arts plastiques, art contemporain... ce sont des critères qui s’opposent, alors que c’est la même chose. Ce n’est qu’une continuité, des pratiques de l’image ». Et une autre façon de raconter des histoires. Car là est l’essentiel.


91 LITTÉRATURE

Interview

Les éditions Frémok LABORATOIRE ÉDITORIAL Propos recueillis par François Annycke Photo Eiland 5, Stefan Van Dinther & Tobias Schalken

Depuis 25 ans les éditions Frémok arpentent la frontière entre la BD et les arts plastiques. En explorant les relations entre le texte et l’image, cette maison est devenue le lieu de toutes les expériences. Retour sur son histoire avec son co-fondateur, Yvan Alagbé. Comment est née cette maison ? De la fusion de deux structures qui existaient déjà depuis 10 ans : Fréon, qui regroupait des artistes de disciplines diverses, et Amok que j’avais fondée avec un collègue à la sortie de l’école Saint-Luc de Bruxelles. On éditait une revue où l’on croisait déjà BD, arts plastiques et art contemporain. >>>


Comment abordez-vous votre travail d’éditeur ? Frémok, c’est avant tout une pratique de l’image, une question de représentation. Nous proposons des langages singuliers. On a toujours dit que le travail d’Alex Barbier, par exemple, malmenait les cadres de la BD. Mais lesquels ? Des cadres oui, mais c’est justement en les malmenant qu’on crée un univers, une dynamique, une langue vivante. La BD franco-belge est plutôt une langue morte. On peut l’aimer pour cela d’ailleurs. Nos livres sont différents car ils ont quelque chose d’expérimental.

Le Dieu du 12, Alex Barbier, éd. Frémok

« L’objet-livre est aussi important que l’histoire qu’il raconte » Vous cultivez une esthétique aux antipodes de Tintin ou d’Astérix... Je n’ai pas envie de me battre sur ce terrain-là : savoir si ce que je fais c’est de la BD ou pas. De toute façon, toute définition de la BD est destinée à être contredite. Nous sommes ailleurs, ou plutôt : nous produisons autrement des livres et des images qui racontent quelque chose, et c’est déjà pas mal.

De jeunes maisons d’édition revendiquent aujourd’hui ce que vous incarnez depuis 25 ans… J’en suis très content ! Et je ne réalise pas que nous existons depuis 25 ans... (rires). J’ai toujours été partisan du « Do It Yourself », ce qui était d’ailleurs le modèle de la BD au début et du fanzine. Comment voyez-vous l’évolution du secteur ? Avec le temps, une branche de la BD s’est structurée, organisée, industrialisée même. Mais le foisonnement a toujours été là. Il est davantage visible maintenant parce que les frontières entre les disciplines s’estompent. Cela offre plus de possibilités pour s’exprimer. Avec des livres à réinventer sans cesse formellement, car l’objet est aussi important que l’histoire qu’il raconte. À visiter / www.fremok.org


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O Brecht Evens Texte François Annycke & Julien Damien

Photo Panthère © Brecht Evens / Actes Sud

À 29 ans, ce Gantois au physique de rock star incarne la nouvelle vague de la bande dessinée. Depuis son premier ouvrage, Les Noceurs, lauréat du Prix de l’Audace 2011 à Angoulême, chacun de ses livres est attendu autant par la critique que le public. Mais qui se cache derrière celui que le milieu qualifie sans arrêt de « petit génie » ? Nous avons rencontré Brecht Evens à l’occasion de la sortie de Panthère. Un troisième album qui nous emmène dans la chambre d’une petite fille. Christine vit seule avec son père depuis que sa mère les a quittés. Et Patchouli, son chat, vient de mourir... Un soir, le tiroir de sa commode s’ouvre. En surgit une panthère aux couleurs flamboyantes qui se prétend >>>


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prince d’un pays féerique qu’il va décrire à cette gamine si triste... On retrouve dans ce livre la patte singulière qui a révélé Brecht Evens à l’international (il est traduit en six langues). Cet auteur surdoué bouscule encore le 9e art : pas de bulle ni de case, mais un univers reposant sur des gouaches et aquarelles surréalistes, oscillant entre figuratif et abstrait, cubisme et expressionnisme. On l’aura À lire / Panthère, (Actes Sud), 126 p., 23€, compris, le Flamand s’inscrit moins dans la ligne de Hergé, Uderzo ou Franquin (même si, petit, il dévorait Tintin, Astérix et Gaston Lagaffe) que dans celle des grands maîtres de la peinture. Il cite pour influences Matisse, Picasso, Brueghel, Giotto.... Et vient d’exposer ses premières toiles à Paris. Dès lors, où situer cet ancien élève de l’Institut Saint-Luc de Gand ? Est-il question de BD ou d’art contemporain ? « Pour moi, ce sont plus des questions de libraires, je me considère surtout comme un dessinateur », éludet-il avec malice. « Mais ce que je préfère, c’est raÀ visiter / brechtnieuws.blogspot.fr conter des histoires, ça me va bien ». À nous aussi.



96 LIVRES

Livre du mois

Nicolas Rainaud, NOT DARK YET - CHANSONS DE BOB DYLAN (Le Mot Et Le Reste)

Un album de reprises en forme d’ultime chefd’œuvre, un discours-fleuve ô combien éclairant à l’occasion de son prix MusiCares : nous sommes, c’est sûr, à un moment-Dylan de l’Histoire. Nicolas Rainaud, qui a déjà publié chez le même éditeur des Figures de Bob Dylan ­– rendant compte d’une expérience personnelle de l’œuvre – en profite pour se livrer à un titanesque exercice avec ce Not Dark Yet (beau titre emprunté à une chanson de Time Out of Mind), puisqu’il se confronte, seul, à l’intégralité du corpus, covers et outtakes comprises. Chanson par chanson, chaque album officiel est ainsi passé au crible d’un regard à la fois enamouré et volontiers sévère – ce qui surprend agréablement, même si on trouvera quelques jugements à l’emporte-pièce. Aucune époque n’est sacralisée aux dépens d’une autre et le parti-pris de traquer la sincérité au fil de ce parcours changeant est plutôt fécond. Les morceaux sont aussi abordés à l’aune enrichissante de leur vie live. La plus grande qualité du livre est de donner envie de se replonger dans ces chansons aux existences autonomes qui se mêlent aux nôtres. Un catalogue avant tout, mais établi avec intelligence et –­ bonne et mauvaise ! – foi. 512 p., 29€. Rémi Boiteux

Tiphaine Rivière CARNETS DE THÈSE (Seuil)

Lassée de son rôle de prof de collège, Jeanne croit décrocher le Graal en étant acceptée en thèse de littérature. Son sujet ? « Le motif labyrinthique dans la parabole de la loi du Procès de Kafka ». Problème : celle-ci n’est pas financée. La trentenaire se trouve donc un job d’appoint au sein de l’administration de son université. Et voit son rêve virer au cauchemar : enseignants inaccessibles, agenda dantesque, couple qui explose, etc. La doctorante sombre dans un enfer… kafkaïen. D’un propos qui semblait élitiste, inspiré de son propre vécu (d’abord raconté sur son blog), Tiphaine Rivière accouche d’un premier roman graphique où l’autodérision le dispute au cynisme. Son récit décrit avec un trait simple et beaucoup d’humour le calvaire insoupçonné du thésard. Examen réussi. 180 p., 19,90€. Julien Damien


Marcelo Quintanilha

Titiou Lecoq

MES CHERS SAMEDIS (Éd. Çà et Là)

LA THÉORIE DE LA TARTINE (Au Diable Vauvert)

Avant toute chose, reconnaissons qu’on n’est pas vraiment au fait du 9e art brésilien. Or, Mes Chers Samedis constitue sans doute une entrée en matière idéale sur « l’éternel pays d’avenir » (selon Georges Clemenceau). Quintanilha force le trait (des formes, des proportions, des expressions) et dépeint son pays en quelques nouvelles. Nous sommes plongés dans le quotidien du peuple – pêcheurs, professeurs, employés… Souvent drôles, pas ordinaires, flirtant parfois avec le tragique, ces histoires surprennent et donnent à voir un Brésil qu’on ne soupçonnait pas forcément. Pas du tout, en fait. On attend avec impatience la deuxième parution du même auteur, prévue pour la fin de l’été… 64p., 16€. Thibaut Allemand

Retracer l’avènement de la webculture, des balbutiements d’Internet (naissance des sextapes, revendications libertaires) à l’ère du tout numérique, avait de quoi séduire. Surtout quand le projet est signé Titiou Lecoq, pionnière de la blogosphère avec le désopilant « Girls and geeks ». Mais en suivant les mésaventures d’une victime de revenge porn, aidée par un ado hacker et un journaliste web, l’auteure des Morues ne transforme pas l’essai. Entre une première partie caricaturale, proche d’un « Internet pour les nuls », et une seconde qui ne fait qu’effleurer les questions qu’elle soulève, ce roman s’englue dans une langue qui, sous couvert d’oralité décomplexée, flirte avec la vulgarité inutile. #dommage. 448p., 22€. Marine Durand

Avi Mograbi MON OCCUPATION PRÉFÉRÉE…(Les Prairies ordinaires)

Capitale, l’œuvre d’Avi Mograbi l’est à plus d’un titre. Parce qu’elle fait entendre depuis plus de vingt ans un autre son de cloche dans un pays, Israël, qui ne cesse de se « droitiser » (voir la réélection de Benyamin Netanyahou). Parce qu’elle invente aussi, constamment, de nouvelles formes pour interroger un réel pour le moins complexe et douloureux (Z 32, Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel (Arik) Sharon). C’est donc un vrai plaisir que d’entendre la parole d’un tel cinéaste, intelligent, lucide, et chaleureux. Menés par Eugenio Renzi entre 2008 et 2013, ces entretiens tracent un parcours exhaustif, depuis l’invention de la « personne cinématographique Avi Mograbi » jusqu’à ses récentes installations (The Detail). De quoi patienter avant son prochain film ! 168 p. / 16€. Raphaël Nieuwjaer


98 LE MOT DE LA FIN

Cut Microbe -

S’inspirant des formes microscopiques des bactéries et autres agents pathogènes, l’artiste britannique Rogan Brown mêle science et art pour réaliser au scalpel des œuvres en papier d’une extrême précision. Quatre mois de travail ont ainsi été nécessaires pour concrétiser cette sculpture d’un mètre de long qui sublime les traits d’Escherichia coli et d’une salmonelle. Vous ne considérerez plus votre gastro sous le même angle. roganbrown.com




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