LM magazine 114 janvier 2016

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n째114 / janvier 2016 / GRATUIt

nord & belgique Cultures et tendances urbaines



Sommaire

LM magazine n°114 - Janvier 2016

06

News 10

Reportage Le Dull Men’s Club

18

Portfolio Loïc Vendrame

26

Société L’architecture belge, cette énigme

32

Enquête Le grand A, le sens de la ville

38

66

Musique

Style

Interview : Feu! Chatterton, Black Bones, Henrik Schwarz, Booba, Tame Impala, Hindi Zahra, Jimmy Edgar, Motörhead… Sélection concerts

Ninii, créatrice à croquer

54

Disques 56

Livres 58

écrans Entretien avec Reda Kateb, Pauline s’arrache, Tangerine

72

Exposition Rencontre : JonOne, Dansez, embrassez…, Pauline Beugnies, Cher Modèle, Honte… Agenda

88

Théâtre & Danse Bernadette A se dévoile, Schitz, Week-End Poil à Gratter, Vivat la danse !, Les Petits pas... Agenda

106

Le mot de la fin Cinismo ilustrado

RED-emption © Loïc Vendrame / © Ninii / Feu! Chatterton @ Fanny Latour Lambert / Reda Kateb © Jean-Pierre Amet, Legato Films


LM magazine France & Belgique

28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 362 64 80 09 - fax : +33 3 62 64 80 07

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Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com

Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com

Couverture Loïc Vendrame P (Bron, 2015) loicvendramephotography.com

Sonia Abassi info@lm-magazine.com

Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) Zoom On Art (Bruxelles)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Flora Beillouin, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Leland Carlson, Julien Collinet, Marine Durand, Joshua Gaunt, Audrey Jeamart, Nicolas Jucha, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons, Loïc Vendrame, et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



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Kaos Temple par Okuda San Miguel © Red Bull Media © Lucho Vidales

news

News

Skathédrale Vieille d’un siècle mais désertée par ses fidèles depuis les années 1960, l’église de Llanera, en Espagne, est devenue la « Chapelle Sixtine du Graffiti » selon Oscar San Miguel (aka Okuda). Cet artiste madrilène n’est pas peu fier de son œuvre – baptisée « le Kaos temple » – qui fait désormais le bonheur des amateurs de glisse et d’art. Un skatepark divin. okudart.es

Invader est le street-artiste célèbre pour ses mosaïques évoquant les pixels des jeux vidéo – dont Space Invaders. Depuis 1998 il en a posées près de 3 200 à travers le monde, sans jamais se faire gauler. Cette belle série vient de s’achever à New-York. Après avoir disséminé 42 de ses créations dans la Grosse Pomme – « un excellent score » – il s’est fait interpeller à cause d’un pauvre autocollant (la princesse Peach de SuperMario). Même joueur jouera-t-il encore ? www.space-invaders.com

© Space Invaders, NY, déc. 2015

Game over pour Invader ?


© Arturo Torres / Abrams image

La bible du rap US Noël est passé, mais les cadeaux sont toujours bienvenus. Tenez, ce beau livre qui retrace 36 ans de hip-hop américain. Œuvre du journaliste Shea Serrano et préfacé par Ice-T himself, ce Rap Year Book dissèque les titres cultes balancés depuis 1979 jusqu’à 2014 à l’aide d’interviews rares, et même d’un jeu de l’oie des rimes qui déboitent. Ce panorama s’étend de Rapper’s Delight de Sugarhill Gang jusqu’à Lifestyle de Rich Gang. De quoi se la raconter en soirée. The Rap Year Book (Anglais), Abrams Image, de Shea Serrano et illustré par Arturo Torres, 239p., 18,29€

La vie en rose Non, ces clichés nous dévoilant Paris au début des années 1900 n’ont pas été colorisés. Ils sont parmi les premiers à jouir de la technique de l’autochrome, brevetée par les frères Lumière. Commandées par le banquier français Albert Kahn (et exposées dans le musée éponyme), ces images paraissent un brin surréalistes. En témoigne cette photo d’une exposition de ballons prise en 1909 sur l’esplanade des Invalides.

© Musée Albert-Kahn

Boulogne-Billancourt, Musée Albert-Kahn

Livres sans maux Lire rend plus intelligent… Mouais, quoi d’autre ? Eh bien d’après une étude de l’Université de Liverpool, les lecteurs réguliers seraient également moins stressés, moins déprimés et plus empathiques. Mieux : selon la chercheuse américaine Barbara Debaryshe, la lecture à haute voix permettrait d’enrichir son vocabulaire dès le plus jeune âge et d’être meilleur en calcul (car bien comprendre une histoire est aussi une question d’équation). Oui, pour citer un comique à grandes oreilles, « il faut liiiire » (surtout LM Magazine) !


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© Banksy

news

Au pied du mur

© Greg Chainis

Toujours aussi engagé, Banksy a réalisé quatre œuvres sur les murs de Calais pour soutenir les migrants. Outre une relecture du Radeau de La Méduse de Géricault, suffisamment explicite, on trouve aussi à l’entrée de la jungle ce portrait de Steve Jobs. Pourquoi ? Le street-artiste britannique s’en explique sur son site via une légende nous rappelant les origines du fondateur d’Apple : « le fils d’un migrant syrien ». Le message est plus clair... www.banksy.co.uk

A Rock’n’Roll Hits Story Qui d’autre que Mark Ysaye pour revisiter la grande histoire de la musique du Diable ? D’Ike Turner jusqu’à Nirvana, en passant par Presley, le boss de Classic 21 nous embarque dans une fascinante épopée. Sur scène, ses commentaires avisés sont complétés par le groupe de reprises le plus célèbre de Belgique, Mister Cover. That’s All Right Mama ? 17.01, La Louvière, Louv’Expo, 20h, 20/16€, www.ccrc.be

Dinocire En pleine overdose de Star Wars ? Voici un objet qui devrait ravir les fans de… Jurassic Park (oui, on est comme ça à LM). En se consumant, cette bougie en forme d’œuf révèle son contenu : un bébé vélociraptor. Ça ne sert à rien, mais c’est très amusant. www.firebox.com, 41,19€



David Morgan, collectionneur de c么nes de signalisation depuis 1986. Il est inscrit dans le livre Guinness des records.


11 reportage

Dull Men’s Club Eloge de l’ordinaire

© Joshua Gaunt

Texte Elisabeth Blanchet Photo Joshua Gaunt Leland Carlson / Elisabeth Blanchet

La Grande-Bretagne est une nation de clubs. Parmi les plus déroutants, on trouve le Dull Men’s Club – ou l’association des hommes ternes. Ses membres ont des passions incongrues : ils collectionnent des cônes de signalisation, photographient des ronds-points… et célèbrent les choses du quotidien. Rencontre avec le fondateur de cette drôle de confrérie autour d’un déjeuner tout sauf « dull » !


© Elisabeth Blanchet Leland Carlson, président du Dull Men’s Club qui compte plus de 5 000 membres.

L

eland Carlson est américain. Cet avocat à la retraite partage son temps entre l’Angleterre et les états-Unis. Créateur du Dull Men’s Club, le septuagénaire lit avec attention le menu. « Je vais prendre un fish and chips, c’est plutôt « dull » ça, non ? ». Eh oui, quoi de plus banal et terne dans un pub anglais ? Le ton est donné. Leland aime célébrer l’ordinaire. Cette passion « L’idée du Dull Men’s Club est née dans les années 1980, dans un bar de Manhattan. Lisant comme d’habitude le consiste à sacraliser des journal, il est d’un coup subchoses a priori banales » mergé par toutes les annonces de clubs qui prônent une foule d’activités : « yoga, bridge, etc. Il y avait tellement d’options que je me suis dit : “Si je n’adhère à rien de tout cela, je dois être forcément “dull”, triste... Ou alors, pourquoi pas créer mon propre cercle ?”». L’idée de son Dull Men’s Club consiste à sacraliser des choses a priori banales. Leland est ainsi intarissable sur ses deux grandes passions : les escalators et les


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© Leland Carlson

reportage

Nick West possède 87 000 canettes de bière issues du monde entier. Certaines datent de 1935.

bancs publics ! « J’aime bien monter, descendre, errer dans les couloirs, m’asseoir sur les bancs et prendre mon temps ». Une démarche loin d’être ordinaire à une époque où tout s’accélère. Suivant le même esprit, deux ou trois personnes le contactent chaque semaine pour rejoindre son club. Il fait passer un petit test et délivre des certificats – gratuits. « La plupart sont des maris, des boyfriends ou même des ados comme Jude, le collectionneur de disques de stationnement ». Le roi des cônes – Ses comparses les plus célèbres figurent dans le calendrier 2015 du Dull Men’s Club et dans le livre qui vient de sortir : Dull Men of Great Britain. Voici par exemple David Morgan, 73 ans, qui collectionne les cônes de signalisation depuis la fin des années 1970. « J’étais représentant de commerce dans une boîte qui en fabriquait et l’un de nos concurrents nous accusait de le copier, se souvient-il. Je suis parti à la chasse aux cônes pour prouver que ce gars-là n’avait rien inventé ». Mais cette quête est devenue une authentique passion.


© Joshua Gaunt Michael Kennedy passe deux heures chaque jour à déplacer des rochers pour construire une digue. Plus de 200 tonnes de pierres sont déjà passées entre ses mains.


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© Joshua Gaunt

reportage

Archie Workman entretient les fossés et collectionne les bouches d’égout. Il est fasciné par leurs formes, leur agencement et le monde qu’elles dissimulent.


16 reportage

Aujourd’hui David (surnommé « Cône-Man le Barbare ») possède plus de 500 pièces. Elles envahissent littéralement sa maison. Certes, ses enfants sont gênés lorsqu’il affirme ne pas supporter la vue d’un cône isolé sur le bord de la route... Durant un dîner, certains convives quittent même la table en apprenant qu’il administre un bain chaud et range à l’ombre chaque nouvelle trouvaille pour les protéger du soleil... L’un des autres fers de lance du groupe, Kevin Beresford, photographie les ronds-points dans sa ville de Redditch (Midlands) depuis 2003. « Je « On passe pour des les trouve fascinants, ils ont zinzins, mais les gens tellement de potentiel. On pourrait mettre n’importe quoi nous trouvent drôles ! » dessus… Ce sont des oasis dans les villes », assure cet imprimeur de 62 ans. Son premier calendrier, Roundabouts of Redditch, connaît un succès national et le deuxième, Roundabouts of Great Britain, brille à l’international ! Extra-terne – « On passe pour des zinzins, mais les gens nous trouvent drôles ! ». Leland va jusqu’à parler de TOC qui rend heureux… Pour Mark Coulson, docteur en psychologie à l’université du Middlesex, il y a une contradiction : les Dull Men se font remarquer car ce qu’ils font est rare et inhabituel, donc plus vraiment terne… David Morgan approuve : « Je me sens “extra dull ”». C’est beaucoup mieux que d’être un simple “dull” ! « Je les admire, avoue Mark Coulson. Ils sont anti-conformistes, anti-consuméristes, pas du tout réceptifs aux messages qui nous invitent à vivre de grands frissons ». Pour lui, être “dull” n’est pas typiquement anglais mais il est vrai que la Grande-Bretagne est un pays ouvert aux excentricités et obsessions inoffensives. Au dessert, Leland choisit un autre classique des pubs anglais : le Sticky Toffee Pudding. Et pense déjà au prochain livre du DMC. Il envisage d’y introduire quelques femmes. « En général, elles sont bien trop excitantes ! ». Mais Leland reconnaît qu’il existe des sacrées “dull” dans la gent féminine et pense au titre du à visiter / www.dullmensclub.com futur bouquin : Dull Men of Great à lire / Great Britain Dull Men of Great Britain : Celebrating the Ordinary (Dull Men’s Club), Britain + 3 Women ! Leland Carlson, Ebury Press, 96 p., env. 13€


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© Joshua Gaunt

reportage

Steve Wheeler collectionne depuis 30 ans les bouteilles de lait en verre. Il a entreposé dans un «musée», au fond de son jardin, environ 20 000 pièces.

Joshua Gaunt Le succès croissant du Dull Men’Club doit beaucoup à son calendrier paru en 2015 et dont les photographies sont signées Joshua Gaunt. Ce dernier a parcouru le Royaume-Uni pour interviewer ses principaux membres et réaliser un film sur le sujet : Born to be Mild. Notre homme est-il « dull » lui-même ? Réponse sur notre site web… à lire / l’interview de Joshua Gaunt, photographe de « dulls », sur www.lm-magazine.com à visiter / syndromepix.tumblr.com & www.flickr.com/photos/syndromepictures/albums



19 portfolio

Loïc Vendrame Plus belle la ville Texte Julien Damien Photo Heatwave (Paris, 2015)

Q

uelle gageure de dénicher de la beauté au milieu de tout ce béton. Loïc Vendrame relève pourtant le défi. Ce photographe (amateur !) de 26 ans sublime les lignes et les couleurs des bâtiments qui nous entourent en quête du meilleur cadrage. « J’en saisis un détail pour les dévoiler sous un autre jour, plus artistique, explique ce géographe-aménageur de formation. Je souhaite changer notre regard sur l’architecture contemporaine en y injectant de l’émotion ». Tel ce cliché d’immeuble marseillais qui ressemble à une toile d’un maître de l’abstraction – en l’occurrence Mondrian (voir page 23). « Il faisait très beau ce jour-là, le bleu du ciel contrastait bien avec cette façade blanche. J’ai repéré l’encadrement intérieur très coloré des fenêtres et me suis positionné de façon à transformer ces volumes en aplats de couleur ». Notre perception s’en retrouve toute chamboulée, comme devant cette lettre « P » – notre couverture. En fait, il s’agit d’un escalier s’élevant sur deux étages, photographié dans une université lyonnaise. Loïc s’est placé en hauteur afin d’effacer les perspectives, jusqu’à révéler la forme de la consonne. « Parfois, je vise le graphisme pur, à partir d’un point de vue qui altère la réalité. J’aime que les gens se demandent ce qu’ils voient ». Seule la rambarde permet ici de recontextualiser l’image. Le jaune orangé, lui, est d’origine. En effet, le Lyonnais revendique un travail de post-production quasi-inexistant. « J’essaie d’atteindre le à visiter / loicvendramephotography.com rendu final au moment de www.facebook.com/LoicVendramePhotography la prise de vue ». Juste à voir / Archigraphisme métropolitain, les nouveaux visages une question de regard. architecturaux de la métropole de Lyon, 23.02>07.05, Lyon, Bibliothèque municipale de La Part-Dieu, mar>ven : 10h>19h // sam : 10h>18h, gratuit, www.bm-lyon.fr à lire / Visions Architecturales, Loïc Vendrame, Pixalib, 52p., 27€, www.pixalib.com


Bandits

Choose your Pill (Paris, 2015)


Paladin



Tribute to Mondrian (Marseille, 2015) Rainbow Stairs (Bron, 2015)


Pink Smile (Melbourne, 2014) Stairway of Knowledges (Villeurbanne, 2015)



26 sociĂŠtĂŠ

26 rencontre


Archi belge Quel Texte Julien Collinet Photo Off World & Playtime Films

bazar !

Bruxelles, capitale aux identités multiples.


28 rencontre

La chaussée est riche de contrastes.

Trois réalisateurs – un Wallon, un Bruxellois et une Flamande – explorent le bric-à-brac architectural belge. De la capitale européenne à la mer du Nord en passant par les routes nationales, Archibelge s’avance comme une réflexion poétique sur notre habitat et ses conséquences. Rencontre avec l’un des auteurs de ce documentaire, le Bruxellois Olivier Magis. Comment est née l’idée d’Archibelge ? Nous nous sommes demandé pourquoi en Belgique notre décor était aussi hétérogène, bizarre, parfois moche, d’autres fois très beau. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’être « archibelge » se matérialisait par le rêve de posséder un petit pré carré, de travailler à Bruxelles et se divertir au bord de la mer.

a beaucoup copié l’étranger, des boulevards haussmanniens du centre-ville jusqu’aux cités-jardins anglais qui ont fleuri à Boitsfort, en passant par les modèles new-yorkais de Manhattan dans les quartiers nord. Il n’y a jamais vraiment eu de vision, on a reproduit des modes. Il y a toutefois des contreexemples, comme les maisons de maître et, surtout, l’Art Nouveau.

Comment définiriez-vous l’habitat en Belgique ? En se baladant à Bruxelles, on se rend vite compte que tout est disparate. On

Comment expliquez-vous cette variété ? La Belgique n’est pas un État-nation inspirant un style cohérent. Le sentiment d’appartenir à un État est


29 société

« C’est comme demander à cent gamins de construire la maison de leurs rêves, on obtiendrait un maillage étonnant » beaucoup moins fort qu’en France ou aux Pays-Bas. C’est aussi ce qui fait son charme et la raison pour laquelle les Belges ont ce côté convivial. Notre fameux sens de l’autodérision belge n’en est pas un, c’est juste de l’honnêteté. Quel est l’impact de l’architecture sur les habitants ? Je dirais plutôt l’inverse : quel est l’impact des habitants sur l’architecture ? Eh bien celle-ci nous ressemble. C’est : « montre-moi ta maison, ta déco, je te dirai qui tu es ».

Dans le film j’ai utilisé des archives de politiques ou promoteurs, mais j’ai surtout donné la parole à une série d’intervenants pour démontrer que nous sommes tous complices. La Belgique a permis à chacun d’avoir ses propres goûts et couleurs. C’est comme demander à cent gamins de construire la maison de leurs rêves, on obtiendrait un maillage étonnant. De quand cela date-t-il ? De l’après-guerre. Contrairement à la France où le communisme a fleuri, nous nous sommes rapprochés de >>>


30 rencontre

La Côte, vaste complexe immobilier.

« l’ami américain » qui nous a financés avec le plan Marshall. à l’époque, les sociaux-chrétiens étaient au pouvoir. L’idée fut d’éloigner les Belges des centres-urbains malfamés. Il s’agissait de se rapprocher de la famille et de l’église. L’État a largement accompagné ce mouvement via des incitations fiscales. Les Belges ont massivement émigré avec de l’argent frais et du crédit, accédant à la propriété privée, qui était l’apanage de cette mentalité proaméricaine. Ce fut une énorme bêtise.

« Le vrai danger de Bruxelles finalement, c’est la gentrification qui entrave la mixité sociale »

Les choses sont-elles en train de changer ? Une grande partie des Belges considère encore leur capitale comme une ville d’immigrés, dangereuse et sale. Cette ville est touchée par la précarité : plus de 30 % de la population vit sous le seuil de pauvreté ! Mais on voit émerger des initiatives individuelles intéressantes comme les habitats groupés. Le vrai danger de Bruxelles finalement, c’est la gentrification qui entrave la mixité sociale. C‘est un endroit où la vie reste peu chère, mais qui va rencontrer rapidement les mêmes problèmes que Londres ou Paris. Il y aura une compression de plus en plus forte du mètre carré et les plus défavorisés devront partir.

Archibelge, de Sofie Benoot, Olivier Magis et Gilles Coton, 2015. Série de trois épisodes de 52 min et long-métrage de 90 min, Playtime Films, VRT-Canvas, RTBF à visiter / www.archibelge.be



32 EnquĂŞte

Le grand A (extrait), p. 10


33 Enquête

Le grand A La vie, la vraie ? Texte Flora Beillouin Photo Futuropolis

Lieu de drague, de promenade, enjeu de campagne : dans Le grand A Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt évoquent avec sensibilité la genèse du plus grand Auchan de France, celui de Noyelles-Godault, en périphérie d’Hénin-Beaumont. Ils dépeignent les rouages d’un système devenu total, comblant peu à peu le vide social, politique et culturel d’une ville sinistrée.

A

ttablé au café qui jouxte la place de Gérard Mulliez, le fondateur du l’église d’Hénin-Beaumont, Jean-Luc groupe, a ouvert son premier Loyer a des allures de gentil géant. Il annote supermarché en 1961, à méticuleusement un croquis, parcourant Roubaix, dans le quartier… des de ses yeux rêveurs les pages de l’album Hauts-Champs. Il est désigné à venir. C’est désormais officiel, la BD en 2015 par le magazine e s’appellera Le grand A. A comme Auchan. Challenges 4 fortune de France, avec 23 000 Celui de Noyelles-Godault, le plus grand de millions d’euros. France. Mais également A comme anonyme, puisque l’histoire de ce centre commercial, si singulière soit-elle, est un peu celle de la grande épopée de nos hypermarchés. Depuis deux ans, le dessinateur arpente les galeries de ce mastodonte en quête de rencontres et d’anecdotes, flanqué du journaliste Xavier Bétaucourt. Un projet qu’ils définissent comme une enquête sociale. Pourtant, pas question ici de dénoncer des coupables, de révéler des scoops ou de donner des réponses. « On a plutôt choisi de porter un regard faussement candide sur la réalité du magasin, pour mettre en évidence certains discours étranges et comportements contradictoires ». >>>


34 EnquĂŞte

Le grand A (extrait), p. 65


Le grand A (extrait), p. 120


36 Enquête

Fresque – La BD se lit comme une fresque alternant souvenirs de jeunesse du dessinateur après l’implantation de l’hyper dans les années 1970, exploration actuelle du lieu et intermèdes historiques sur le commerce. « Suite à nos multiples rencontres, nous avons esquissé un portrait en creux de ce grand magasin et, à travers lui, d’une ville en déshérence ». Dans ce drôle de jeu des serpents et des échelles on croise, pêlemêle : un solitaire qui dévore chaque jour des livres à l’œil chez Cultura, une ex-petite amie devenue caissière, un directeur dont le parcours de self-made man entretient l’illusion collective que tout un chacun peut monter en grade, des vigiles et des voleurs, des bijoutiers prêts à tout pour endetter des clients sans le sou, des petits commerçants excédés par la concurrence déloyale et la présence d’étrangers qui feraient, soi-disant, « fuir la clientèle ».

Le Nord-Pas de Calais compte

17 enseignes Auchan (888 dans 12 pays). Celui de Noyelles-Godault est le plus imposant de France. Le groupe génère plus de

70 milliards d’euros de chiffre d’affaires. Noyelles-Godault se classe en 4e position en région derrière Englos, Roncq et Leers. Le groupe Auchan emploie

330 700 personnes dans le monde, 58 000 en France 14 000 dans la région Nord-Pas de Calais et 750 à Noyelles-Godault… mais a détruit quelques autres jobs dans les centres-villes.

Records à battre – Par petites touches, les auteurs donnent aussi à voir ce rapport émotionnel que les habitants et les employés entretiennent avec l’enseigne. « Ce sont de très bons commerciaux, ils savent créer l’événement pour marquer les esprits, en organisant un combat de catch, un concert de Dave ou un feu d’artifice. Et tu peux être sûr qu’il sera mieux que celui qu’organise la ville le 14 juillet ». Ces fêtes décalées réinventent un calendrier qui ne correspond à rien d’autre qu’à cette notion dilatée du temps, entretenue par une direction prête à tout pour vendre plus que la concurrence. En organisant délibérément des ruptures de stock afin de voir affluer les clients dès 5 heures du matin, stressés à l’idée de manquer un arrivage exclusif de poupées pour Noël. En affichant fièLe grand A, de rement, au cours des soldes, les millions encaissés l’année Xavier Bétaucourt et Jean-Luc Loyer, passée comme autant de records à battre, histoire de Futuropolis, motiver les troupes. La culture d’entreprise maison, 136 p., 20€, Sortie le 07.01. paternaliste et hostile aux syndicats, a visiblement gardé BD disponible dans l’empreinte de la compagnie des mines, cet esprit « on tous les Auchan de France ! est une grande famille », solidaire pour gagner plus...


Le grand A (extrait), p. 34


Feu! Chatterton Des riffs et des lettres

Propos recueillis par Julien Damien Photo Fanny Latour Lambert

Leur nom a pour origine une toile du peintre Henry Wallis, représentant la triste fin du poète Chatterton. Voilà pour la référence. Celle-ci mêle la beauté et la mort, la gravité et la légèreté. Elle inspira, aussi, Bashung et Gainsbourg. Pas un hasard. Le quintette parisien né sur les bancs du lycée cultive cette tradition du « spoken word » et du beau texte. à la veille d’une tournée et après la sortie d’un (très réussi) premier album, rencontre avec Arthur Teboul, dandy chanteur à la moustache aussi fine que sa plume est aiguisée.


39 musique


Comment qualifier votre musique ? Elle est le fruit des influences très diverses des cinq membres du groupe. C’est une sorte de grand bouillon où l’on trouve du rock progressif, des Pink Floyd à Radiohead, mais aussi du jazz, du folk et de la pop, de David Bowie à Neil Young, de la chanson française… Disons que c’est du rock poétique. Que recherchez-vous en écrivant une chanson ? Que la musique et le texte s’épousent pour raconter une histoire. Dans Côte Concorde par exemple, on narre le naufrage d’un bateau, et les guitares imitent les vagues. Comment faites-vous pour atteindre un tel équilibre entre la musique, les textes encombrante quand on et votre phrasé ? Au départ, c’est très chaotique, veut créer librement ». aucun morceau n’est écrit de la même façon. Parfois le texte est là, et un membre du groupe va proposer une mélodie. Ensuite tout le monde se mêle de tout, il y a beaucoup d’allers-retours et d’accidents heureux… Ça me fait super plaisir que vous ressentiez cet équilibre car c’est vraiment ce qu’on recherche. En cela Gainsbourg et Bashung sont des modèles.

« La peur de décevoir est

L’album était très attendu… Oui, on a beaucoup attiré l’attention avec un seul EP. C’est réjouissant bien sûr, mais ça nous a aussi mis la pression. La peur de décevoir est encombrante quand on veut créer librement. Alors, on a eu besoin de s’isoler : on est partis trois semaines en Suède pour enregistrer cet album en mars. On y perçoit une patine très « années 70 »… On aime beaucoup cette période. C’est un truc sur lequel on se retrouve tous les cinq. à cette époque il y avait une vraie culture des groupes. Et puis on enregistrait en live. Ce qui est assez rare aujourd’hui car les artistes ont tendance à chercher la prise parfaite. Samy Osta, qui a produit notre EP ainsi que le premier album de Rover et de La Femme nous a incités à renouer avec cette spontanéité. Pour un jeune groupe c’est périlleux : on prend le risque de garder les imperfections… qu’on chérit désormais ! Il y a aussi une raison plus technique…


41 musique

Laquelle ? On a bossé sur une console de mixage des années 1970, qui restitue ce son très saturé, boisé. Ça n’intéresse plus grand monde car ce sont des bêtes indomptables, qui déconnent souvent. Il n’en reste que cinq ou six dans le monde. Elle a d’ailleurs été utilisée pour réaliser Heroes de David Bowie. Feu! Chatterton, c’est aussi un groupe de scène… Oui, alors qu’on adorerait être un groupe de studio (rires). On nous dit souvent que c’est sur scène que notre propos reste le plus cohérent. Notre musique est faite d’élans, de ruptures, une dynamique qui se ressent mieux en live. Enfin, comment vous vivez ce succès soudain ? C’est à la fois lourd et flatteur, mais on ne s’en rend pas trop compte. Alors, oui, de temps en temps, on me reconnait dans la rue, c’est sympa (rires), mais on reste loin de la vie de stars. Notre quotidien c’est : un camion huit places dans lequel on parcourt la France pour livrer des concerts.

22.01, Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h30, 16/14/11/3€ // 28.01, Arras, Théâtre d’Arras, 20h, 8€ // 29.01, Lille, L’Aéronef, 20h, 22>10€ // 19.05, Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 22>10€ à écouter / Ici le jour (a tout enseveli), Barclay/Universal à lire / l’interview intégrale sur www.lm-magazine.com


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© Rod Huart

musique

Black Bones Derrière Black Bones on trouve Anthonin Ternant, l’homme qui multiplie les projets azimutés – The Wolf Under the Moon, Angel. Soit une façon de concevoir la musique comme un show. Notre gaillard est originaire de Reims, cette bourgade qualifiée par l’inénarrable Philippe Manœuvre de « capitale du rock français » (n’exagérons rien, on fait des trucs pas mal aussi à Montigny-en-Gohelle). Il a folâtré avec (feu) The Bewitched Hands et à l’occasion avec The Shoes. On le retrouve grimé de peinture fluo, jouant du rock’n’groove dans le noir accompagné d’une équipe de baseball. Et ça lui va comme un gant ! J.D. 12.01, Armentières, Le Vivat, 20h, 7€ / grat –26 ans, www.levivat.net // 22.01, Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 8/6€ (gratuit abonnés), www.caveauxpoetes.com

© Ben Wolf

Henrik Schwarz L'Allemand Henrik Schwarz est un vétéran de la scène deep-house dont les remixes ont fait le bonheur de la série Dj- Kicks. C’est aussi un p’tit malin qui, un jour de 2009, a eu la belle idée de s’associer au pianiste norvégien Bugge Wesseltoft. Résultat ? Des rêveries « bluesy » sacrément planantes, et mises sur orbite lors de ce Brussels Jazz Festival par le contrebassiste Dan Berglund. Un « Trialogue » stratosphérique. J.D. Henrik Schwarz, Bugge Wesseltoft & Dan Berglund 15.01, Bruxelles, Flagey (Studio 4), 20h15, 20/18€, www.flagey.be Brussels Jazz Festival : 13>23.01, Bruxelles, pass : 99€



Petit ourson ?

© Jean-Nicolas Chambon

Booba, c’est d’abord un gentil p’tit ourson. Mais le rappeur précise qu’il doit son surnom à son cousin Boubacar, rencontré au Sénégal. Reste que son label, Tallac Records, renvoie au mont éponyme, dans la Sierra Nevada, où se situe l’action du dessin animé... Ses autres blazes ? "B2O", le "Duc" (de Boulogne), "Saddam Hauts-de-Seine"… Mais pour sa maman, il sera toujours Élie Yaffa.

Call 911 Il a beau cracher sur la police (il a écopé de 18 mois de prison pour un braquage de taxi en 1997) Booba n’hésite pas à l’appeler en cas de pépin. Comme en février 2006, suite à l'enlèvement de sa maman et de son frérot par deux lascars d'une cité de Meudon. Ils lui réclamaient une rançon de 500 000 €… et deux albums. Les kidnappeurs seront finalement interpellés dans un hôtel Ibis.

Quitte ou double Assister à un concert de Booba, c’est jouer à la roulette russe. Si son dernier passage sur scène à Bercy est considéré comme l’une de ses meilleures prestations, parfois, c’est plus risqué.... Comme en 2008, au Stade de France, lorsqu’il jeta une bouteille de whisky en direction d’un spectateur. Urban Peace 2 qu’il s’appelait ce concert…

d'après une photo de David Benoliel

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© Pathé Distribution

B2O au cinéma ? Riad Sattouf aurait bien voulu : « J'ai rencontré Booba à l'époque des Beaux Gosses et lui avais proposé de jouer le proviseur en costume-cravate, avec une moustache. Il avait hésité puis refusé, il ne le sentait pas ». Pour l’heure, sa seule contribution à une œuvre de fiction passe par la voix de Bou Le Loubi dans le dessinanimé Moot-Moot créé par Eric et Ramzy.

© Canal+

Pas beau gosse

BOOBA garde la pêche Booba, ce n’est pas qu’une montagne de muscles charriant tous les clichés du rap bling-bling. Attention : ses « métagores » ne l’ont pas non plus élevé au rang de Céline ou de Rimbaud, comme le pense une tripotée de médias trop heureuse de s’encanailler. Disons que le petit prince de l’auto-tune (merci Cher) se situe quelque part entre les deux. Quoi qu’il en soit, même exilé à Miami, Boulbi est toujours dans la place. Et 2015 est plutôt une bonne année pour lui. Entre deux albums sortis à cinq mois d’intervalle (D.U.C en avril et Nero Nemesis le 4 décembre dernier), il a trouvé le temps de lancer une application radio, Oklm, qui rencontre un gros succès. Il garde la pêche, quoi.

© ünkut

Tête à clash

Dans la dentelle En 2004, ce businessman crée la marque de vêtements Ünkut – « non-coupée », comme la drogue pure – avec Viguen, un styliste New-yorkais. En 2014, notre fashionista bodybuildée affichait un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros rien qu’avec ses fringues.

Saddam Hauts-de-Seine s’est mis de nombreux rappeurs à dos (La Fouine, Gradur, Kaaris et JoeyStarr). Mais le plus célèbre de ses clashs reste celui qu’il entretient avec Rohff. Et pourtant, ils ont enregistré un morceau ensemble (avec Rim’K, en 2004). Prévu pour apparaître sur le deuxième album de Rohff, il ne sera pas publié à cause d’un désaccord entre leurs labels de l’époque. Il est sorti sous le titre C’est nous la rue. 29.01, Bruxelles, Forest National, 45>39€, 20h, www.forest-national.be // 30.01, Lille, Zénith Arena, 42 > 30€, 20h, www.zenithdelille.com


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Renaissance Tame Impala, ou comment se délester d'un poids (petit prince du psyché, c'est lourd à porter) et se réinventer sur des dancefloors rétrofuturistes. Au risque de laisser des fans obtus sur le bas-côté, certes. Mais pour en glaner de nouveaux, et pas des moindres. Qui ça ? Eh bien nous, pardi ! L'an 2015 aura, sans doute, été l'année de Tame Impala. Jusqu'alors on se fichait à peu près totalement de la destinée de Kevin Parker – mais on lui était cependant redevable de la production du premier album de Melody's Echo Chamber. Pas rien, comparé aux deux premiers albums de Tame Impala : des machins hautement surestimés, frappés du sceau du psychédélisme (une AOC plus vraiment contrôlée). Alors quoi ? Que s'est-il passé ? Let It Happen, justement : un single implacable, prélude à un album navigant entre funk synthétique et R&B liquide – loin des ondulations chevelues et enfumées auxquelles l'Australien nous avait habitués. On l'aura compris, ce groupe nous aura surpris. Enfin, ce groupe… Kevin Parker a tout enregistré seul. C'est donc bien une (re)création à laquelle s'adonne la bande. Celle-ci est bien rodée, ayant passé la moitié de l'année dernière sur les routes. Mais, outre les reprises inattendues (de Michael Jackson à Kylie Minogue), le bassiste Cam Avery, le guitariste Dominic Simper, le claviériste Jay Watson apportent chacun leur gigantesque grain de sel. Et puis, francophones un brin chauvins, on n'aura d'yeux que pour le batteur toulousain Julien Barbagallo, dont on attend fébrilement le nouvel album, Grand Chien, prévu pour cet 30.01, Bruxelles, Forest National, 20h, 34€, www.forest-national.be automne. Thibaut Allemand

© DR

Tame Impala



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Hindi Zahra

© Tala Hadid

Dans ce grand fourre-tout qu’on appelle « musiques du monde », on trouve beaucoup de mirages, et quelques oasis. Hindi Zahra en est une. Consacrée dès 2010 pour une œuvre propageant le blues du désert (Handmade), la franco-marocaine ne se contente pas de puiser dans ses origines berbères. La diva traîne sa voix rauque et son spleen en Amérique du Sud, en Asie, en Europe… Pour autant de ballades soul qui se dégustent comme un millefeuille… Bref, vous avez saisi le concept. 30.01, Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12€, 9-9bis.com

Jimmy Edgar Jonglant entre electrofunk, synthpop et house finaude, Jimmy Edgar demeure inclassable. Sans doute pour cela qu'à 32 ans et avec quatre albums parus chez Warp, !K7 ou Hotflush, le natif de Détroit reste un éternel espoir. Pour se faire une idée de son potentiel de DJ, autant savourer son mix pour Fabric : house sèche comme un coup de trique, lignes de basse vrillées et groove imparable – le tout faisant la part belle aux artistes de son label, Ultramajic. De quoi joyeusement s'é(d)garer. 15.01, Lille, le Magazine, 23h, 10€, www.magazineclub.fr

En 1975, Ian « Lemmy » Kilmister est viré du groupe Hawkwind suite à son arrestation pour possession d’amphétamines. Il ne tarde pas à s’entourer de nouveaux zicos en pantalons de cuir. Ils porteront le nom de sa dernière chanson : Motörhead. 40 ans plus tard, du frénétique Ace of Spades (1980) au récent Bad Magic (2015), ce « rock and roll de drogué » selon Kilmister – seul survivant de la formation initiale – aura traversé les frontières de l’underground et du temps à coups de missiles sonores. Heavy is not dead. 01.02, Lille, Zénith Arena, 20h, 60,90>49,90€, www.zenithdelille.com

© Robert John

Motörhead



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© DR

Aucan Noise ? Hip-hop ? Electro ? Un peu tout ça en même temps. Mélanger tous ces ingrédients provoquent généralement l’indigestion… mais Aucan nous rappelle que les Italiens n’ont pas leur pareil pour réussir de bonnes sauces. Une recette qui les a d’ailleurs amenés à partager l’affiche de Placebo, The Chemical Brothers ou ce grand fou d’Otto Von Schirach. En parlant de sauce, sur scène la formule est épicée – Riot est littéralement un hymne à l’insurrection. Attention aux éclaboussures. 12.01, Lille, La Péniche, 20h, 14/13€, www.lapeniche-lille.com

certs Csoén lection Sam 09.01

Ven 15.01

Le carnaval des animaux (T. Enhco & V. Serafimova) Armentières, Le Vivat, 18h, 7e

Jah Shaka + Chalice Sound System Lille, L'Aéronef, 20h, 22/10e

Dj Deep + Fabrice Lig Charleroi, Rockerill, 22h, 10e

Ping-Pong : Albin de la Simone & Brigitte Giraud Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 3e

Mar 12.01 CARREFOUR DES ORCHESTRES ARS BELGICA (1/2) : Adams, City Noir / Ravel, Concerto pour piano et orchestre, en sol majeur / Bernstein, Danses symphoniques de West Side Story Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e

André Manoukian Arques, Centre Culturel DanielBalavoine, 20h30, 25/20/15e

Jehro Boulogne-sur-Mer, Espace de la Faïencerie, 21h, 8/6/5e

CACTUS IN LOVE Villeneuve d'Ascq, Cabaret Sully - Cité Scientifique, 20h30, gratuit

Sam 16.01 H I N T + Jessica 93 + Megamoto Roubaix, La Condition Publique, 19h30, 5e

Souchon et Voulzy Lille, Le Zénith, 20h, 69>42e

Mer 20.01 Henry Rollins Louvain, Het Depot, 20h, 26/21e

Mer 13.01

Jeu 14.01

Dim 17.01 A Rock'n'Roll Hits Story : Marc Ysaye + Mister Cover La Louvière, Louv' Expo, 20h, 20/16e

Stephan Eicher Lens, Le Colisée, 20h30, 35>17,50e

Souchon et Voulzy Amiens, Le Zénith, 20h, 69>42e Dominique A Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 27e

Stephan Eicher und die Automaten Roubaix, Le Colisée, 20h30, 37>10e

Inna Modja Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e CLÔTURE RENAISSANCE : SPÉCIAL RAP DÉTROIT Lille, Le Flow, 20h, 12/8/3e

Jeu 21.01 Cabaret Contemporain "Moondog" Lille, L'Aéronef, 20h, 18>5e Francky Goes To Pointe-APitre + Quadrupede + Science Against Spheric Silence Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 5e / gratuit


Photo © Ernest Mandap - Lic 1 - 11083804 / 1-1083806 / 3-1083805

O r a n ge Blossom Samedi 6 février théâtre de béthune – 20h30

FNAC, Ticketnet et Digitick www.theatre-bethune.fr


Ven 22.01 Honey'S + Carré-Court Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 19h30, 8/6e

Sam 23.01 LES WAMPAS… Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12e Raphael Roubaix, Le Colisée, 20h30, 39>10e Youssoupha Lille, Le Magazine, 23h, 12,99/10,99e

TOTO Bruxelles, Forest National, 20h, 65/60e The Maccabees Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 24e Mulatu Astatke Anvers, De Roma, 20h30, 24/22e

Jeu 28.01 Housse De Racket Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, Gratuit

Bertrand Belin… Bruxelles, Botanique, 20h, 23/20/17e

CARREFOUR DES ORCHESTRES ARS BELGICA (2/2) : Franck, Le Chasseur maudit / Kantcheli, Création / Brahms, Concerto pour piano n°1 Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e

Ten Years After Lille, Th. Sebastopol, 20h, 35e

PAUL KALKBRENNER Lille, Le Zénith, 20h, 39,50e

Mar 26.01

Mer 27.01 Ez3kiel Bruxelles, Botanique, 20h, 26/23/20e LA GRANDE SOPHIE Lille, Th. Sebastopol, 20h, 30e Shannon Wright Bruxelles, Botanique, 20h, 18>12e

Raphael Maubeuge, La Luna, 20h, 20/15e ALAIN CHAMFORT Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 34>25 e Shannon Wright + Here’s to the Lion Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 21h, 7/4e

Ven 29.01 Paul Kalkbrenner Anvers, Lotto Arena, 18h30, 38e Benoit Paradis Trio (Apérobus) Merville, Esp. Cult. Robert Hossein, 19h15, 10/7/6e Bollock Brothers Bruxelles, Magasin 4, 20h, 8e Vald + Kacem Wapalek Beauvais, L'Ouvre-Boîte, 20h30, 14>9€ Rebakah & Terence Fixmer Lille, Le Magazine, 23h, 10e

Sam 30.01 Birdy Nam Nam Lille, L'Aéronef, 20h, 26>14e Tom Novembre, Le récital Hénin-Beaumont, L'Escapade, 20h, 10>5e Syd Kemp + Black Waves Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12/10/8e Benoit Paradis Trio (Apérobus) Caudry, Théâtre, 20h30, 14/8/7e

Dim 31.01 Avishai Cohen Trio Lille, Théâtre du Casino Barrière, 15h30, 28e

© Ugo Ponte, o.n.l.

The Cameraman L’orchestre national de Lille joue en direct une musique synchronisée avec les images de The Cameraman et composée par un pape du genre, Timothy Brock. L’histoire de ce chef-d’œuvre du cinéma muet signé Buster Keaton ? Un photographe achète une caméra et se lance en quête de scoops pour séduire une secrétaire de la MGM. Hélas, rien ne se passe comme prévu… La fable oscille entre comique, action et émotion. On savoure une palette de situations magnifiquement mise en notes. CINé-CONCERT : 29.01, Béthune, Théâtre, 20h30, 22/18€ // 30.01, Aire-sur-la-Lys, Manège, 20h, 17>12€ // 02 & 03.02, Lille, Nouveau

Siècle, mar : 20h, mer : 18h30, 50>5€

www.lm-magazine.com



54 disques

Disque du mois

Paranoid London Paranoid London (Paranoid London Records / La Baleine)

Ce nom, tout d'abord. On songe au système de vidéo-surveillance londonien – des dizaines de milliers de caméras. Plus loin, la plage 300 Hangovers a Year nous rappelle quelque chose… « On finit forcément parano lorsqu'on cumule 300 gueules de bois par an ». Voilà. C'est donc sous les auspices de ce bon vieux Hank que l'on aborde le tandem londonien. Jusqu'ici, il cultivait l'anonymat et éditait ses maxis uniquement en vinyle. La donne a changé et ce premier LP (initialement paru sur plaque de cire en 2014) bénéficie d'une sortie en CD et digital. Au programme ? Une techno old school jadis pratiquée par Woody McBride et une house façon Chicago qui n'aurait pas dépareillé sur les labels Trax Records ou D.J. International Records – on retrouve d'ailleurs le légendaire Paris Brightledge, figure de la house de l'Illinois. Virées acid et dantesques (Machines our Coming, We Ain't), lignes de basses imparables (Eating Glue), des pulsations étouffées mais ravageuses (Paris Dub 3), et clin d'œil à LFO (Lovin U (Ahh Shit)) complètent le tableau. Bref, cette œuvre transgenre et rétromaniaque s'inscrit paradoxalement dans l'air du temps : quitte à être parano, autant l'être pour de bonnes raisons. Thibaut Allemand

Shearwater Jet Plane And Oxbow (Sub Pop / PIAS)

Virage esthétique pour Shearwater. Sous l’influence de Brian Reitzell, le prolifique groupe anciennement siamois d’Okkervil River se pare de sonorités synthétiques évoquant les eighties – et l’Angleterre. Et affuble ses envolées « springsteeniennes », d’échos de Depeche Mode ou Bowie. étonnamment, c’est ce qui réussit le mieux à ce Jet Plane and Oxbow aux poussées conquérantes. Le lyrisme plus ou moins contenu s'emballe sur un Pale Kings marchant sur les « plates-bandes à Bono ». Plus loin, on divague en cinemascope avec un beau Wildlife in America qu’on imaginerait sans peine sur le dernier War on Drugs. Si l’album n’est pas leur plus éclatante réussite, des chansons comme Quiet Americans ou Backchannels justifient cette tournure romantique. Rémi Boiteux


Deluxe

Charlie Hilton

Stachelight

Palana

(Chinese Man Records)

(Captured Tracks / Differ-Ant)

Si comme beaucoup, vous avez découvert Deluxe en regardant du foot à la télé, vous ne serez pas dépaysé par Stachelight. Tall Ground, ancien générique de L'équipe du dimanche, a rejoint la tracklist, accompagné de 12 autres surprises. Pas de révolution même si « Stachelight est plus joué et moins mixé que nos productions précédentes » assurent les moustachus les plus connus d'Aix-en-Provence. En ouverture, Shoes plante le décor et confirme que ce nouveau LP parle autant à l'esprit qu'au corps. Chaque piste gorgée de hip-hop, jazz ou funk est ainsi propice au déhanchement. Ce plein d'énergie est servi par la voix sublime de Lillyboy, accompagnée de « quelques featurings de malade » comme M ou IAM. Let's groove ! Nicolas Jucha

On ne sait pas ce qu'il adviendra de Blouse – deux albums honorables au compteur. Le guitariste Jacob Portrait tient désormais la basse chez Unknown Mortal Orchestra (un job à plein temps), et Charlie Hilton signe ce premier LP en solitaire (mais toujours accompagnée du précité Portrait). Mélancolique et détrempé, ce disque renvoie sans coup férir aux plus beaux moments d'un groupe dont on peine à mesurer l'impact : Broadcast. On retrouve ici le même folk étrange bardé d'effets sans âge, richement orchestré avec trois bouts de ficelle, tandis que le timbre atonal, faussement glacial et vraiment émouvant de Hilton évoque celui de Trish Keenan. Tombé sous le charme, on peut remiser Blouse au vestiaire. Charlie Hilton incarne LA belle surprise du mois. Thibaut Allemand

Roots Manuva Bleeds (Big Dada / PIAS)

Quatre ans après un dernier LP vite oublié, on se demandait si Roots Manuva tutoierait un jour l’excellence de ses deux premiers albums – il y a une quinzaine d’années, déjà. Or, ce sixième essai (hors disques de remixes) constitue une excellente surprise de la part de ce cador du brit-hop. Entouré du légendaire Adrian Sherwood et d’un p’tit nouveau dénommé Fred, le Britannique déroule, impérial, un album sec et sans un gramme de trop. Flirtant avec la trap (Crying) et le dirty south (One Thing), Roots Manuva sample Barry White (Don't Breathe Out) et signe, avec Facety 2 :11 (sur une prod' de Four Tet) l’un des meilleurs singles rap anglais depuis un bail. Hautement recommandable aux anciens fans. Les nouveaux venus ne seront pas déçus non plus. Thibaut Allemand


56 livres

Livre du mois

Raymond Carver Poésie (éditions de L’Olivier)

Entamée en 2010, la publication des œuvres intégrales de Raymond Carver s’achève enfin. C’est peu dire que ce volume, le neuvième, était attendu. Moins connue que sa prose, la poésie a en effet été la première et la dernière passion du « Tchekhov américain ». Aux deux recueils déjà édités en France (Où l’eau s’unit avec l’eau, et, titre sublime, La Vitesse foudroyante du passé) s’ajoute un troisième, inédit, Jusqu’à la cascade. La nouvelle traduction respecte au mieux le mélange de lyrisme sec et de prosaïsme qui fait la marque de Carver. Les titres eux-mêmes sont explicites. Dans ces textes où la nature demeure un motif essentiel, la plénitude du moment est toujours susceptible de se trouver fendue par un souvenir, un regret – ce passé « foudroyant » qui revient. En parallèle, les éditions de l’Olivier ont la bonne idée de publier une copieuse biographie, signée Carol Sklenicka*. On renâcle d’abord, pensant que l’œuvre importe plus que l’homme. Et puis on se laisse emporter par l’écriture, modeste et précise. Plus que l’analyse littéraire (parfois sommaire), c’est la reconstitution d’un monde qui passionne. Deux lectures essentielles, qui feront passer le temps en un éclair. 432p., 24€. Raphaël Nieuwjaer * Carol Sklenicka, Raymond Carver, une vie d’écrivain, éditions de L’Olivier, 784 p., 25€.

Jean-Marie Pottier Indie pop 1979-1997 (Le Mot Et le Reste)

J-M Pottier se penche sur l’indie pop canal historique (branche britannique), depuis les cendres du post-punk (Joy Division) jusqu’aux succès de masse (le baggy sound, la britpop, Radiohead...). Durant cette grosse quinzaine d’années, des centaines de labels (indés, donc) et de formations se sont agités en tous sens. Le résultat ? Une pop aux mille visages, esthétiques et sous-courants, dont l’auteur dresse le portrait (érudit et subjectif) à travers une centaine d’albums parfois oubliés, souvent essentiels : des Smiths à Denim, des Pale Fountains aux Stockholm Monsters, de New Order à Suede en passant par Toasted Heretic. De quoi (re)découvrir des disques dont on pensait tout connaître, et en repérer un paquet d’autres. 272p., 21€. Thibaut Allemand


Jacques Sarthor

Raphaël Malkin

Les Affreux (Robert Laffont)

Music Sounds Better With You

Un livre écrit sous pseudo suscite par nature l’intérêt, surtout lorsque son auteur prétend y « exprimer l’air du temps, sans aucun filtre ». Philippe, son ami Baldo et leurs camarades de la Ligue de défense des nations européennes cherchent à bouter les « crépus » et les « Mahométans » hors de France. Ils ont un plan ambitieux : incendier un commerce juif en faisant porter le chapeau à la « racaille des cités ». Sous couvert d’une plongée dans les cerveaux faisandés d’individus peu fréquentables, ce roman aligne impunément les pires argumentaires racistes. Drôle d’entreprise, d’autant que la condamnation arrive bien tard dans le récit. Trop tard sûrement : nombre de lecteurs, lassés par l’argot poussif auquel se résume le style, auront bien vite refermé ces Affreux. 252 p., 19€. Marine Durand

(Le Mot Et Le Reste)

Ou comment débuter dans des rave-parties au Fort de Champigny et finir à la Playboy Mansion via le Queen. À travers les destins croisés de cinq figures (David Blot, Fred Agostini, Philippe Zdar, Dimitri From Paris, Pedro Winter), Raphaël Malkin tente de cerner l’histoire de la French Touch – vaste fourre-tout devenu synonyme réducteur de house filtrée. Le journaliste nous accroche dès les premières pages et ce bouquin nous aura valu deux nuits blanches. La musique demeure ici secondaire, tant Malkin s’attache à des parcours, à des caractères (l’humain d’abord). Pas sûr qu’Ivan Smagghe, pas vraiment présenté sous son meilleur jour, apprécie ce récit. Tant mieux : on attend le sien. 288 p., 21€. Thibaut Allemand

Fabrice Colin La Poupée de Kafka (Actes Sud)

Franz K. hante ce livre par le biais d’un érudit misanthrope. Julie Spieler, fille de cet homme ombrageux aimant beaucoup (mais mal) l’auteur pragois, va tenter - pour se réconcilier avec son géniteur – de résoudre le mystère qui l’obsède : Kafka aurait, pour consoler une fillette, imaginé les lettres que lui aurait écrites sa poupée perdue. Cette quête conduit à une incroyable vieille dame, dont on découvre un terrible secret... Si le style est éclatant par intermittence, la fascination ne faiblit pas jusqu’au final enneigé subtilement orchestré. En laissant l’essentiel dans l’angle mort de la narration, Colin nous perd et nous accroche d’un même geste. L’enquête littéraire – beau prétexte à un bouleversant tableau de la filiation – nous fait tourner les pages et la tête. 272p., 20€. Rémi Boiteux


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ĂŠcrans Rencontre


Reda Kateb La force tranquille

Propos recueillis par Julien Damien Photo Arrêtez-moi là © Jean-Pierre Amet / Legato Films

Depuis Un prophète, on n’arrête plus Reda Kateb ! Césarisé cette année pour Hippocrate, on l’a aussi vu dans Lost River de Ryan Gosling. 2016 s’annonce du même cru. Avec Gilles Bannier d’abord, qui le révéla à l’écran avec la série Engrenages. Dans Arrêtez-moi là, adapté du roman de Iain Levison, il incarne Samson, un chauffeur de taxi accusé à tort de l’enlèvement d’une fillette. Ce même mois de janvier, il apparaît sous les traits d’un humanitaire borderline aux côtés de Vincent Lindon (Les Chevaliers blancs). Entre deux projets, ils se pose avec nous pour dévoiler son parcours, sa méthode de travail et son prochain film. Comment avez-vous débuté ? J’ai commencé enfant avec mon père qui était surtout un acteur de théâtre. Il fut sûrement mon seul professeur. J’avais huit ans lorsque j’ai joué dans ma première pièce, qui s’appelait Ressac, écrite par l’un de ses amis. Pas de formation spécifique donc… J’ai tout de même suivi des cours au lycée, dans des ateliers à Ivry où j’habitais à l’époque… Mais pas de conservatoire national ni de cours Florent. Ma formation ressemble un peu à celle des métiers du cirque : selon un mode familial et sur le terrain. On montait nousmêmes des spectacles pour grimper sur scène. Comment choisissez-vous vos films ? J’essaie de me laisser surprendre avec des personnages toujours différents. Je dois aussi me sentir en accord avec ce que le film raconte. C’est assez instinctif. Si j’ai un coup de cœur pour un scénario, je cherche à rencontrer le réalisateur ou la réalisatrice. >>>


60 écrans

Comment composez-vous vos rôles ? Je n’ai pas vraiment de méthode, plutôt une technique différente pour chaque film. Généralement j’aborde mes personnages sans chercher à charpenter précisément leur parcours. Je prévois une base puis me laisse surprendre par le tournage, beaucoup de choses naissent à ce moment-là. Il s’agit presque d’un partenariat avec le réalisateur. Vous auriez pu rester enfermé dans le rôle du « voyou » après la série Engrenages, Un prophète, etc. Avez-vous rejeté beaucoup de propositions du même genre ? Oui, énormément, mais en même temps je ne cherche pas non plus à « J’aborde mes jouer des personnages vertueux. Le problème c’est que, souvent, les rôles personnages sans de voyou sont mal écrits ou inventés des gens qui ne connaissent pas chercher à charpenter par la réalité de ce milieu. Cela dit, je ne m’interdis pas d’y revenir un jour si le leur parcours » film est prometteur. En quoi le scénario d’Arrêtez-moi là vous a-t-il séduit ? Au-delà de la narration et de cette histoire d’erreur judiciaire, j’aime beaucoup le point de vue de Gilles Bannier. La poésie du personnage, son rapport à la nature, ces petites touches qui le font sortir des clichés propres à ce genre de film. Et puis j’ai été très touché par la troisième partie du récit, la résilience du héros. C’est un personnage qui évolue. Comme Mathieu Amalric, vous faites partie des acteurs français repérés aux états-Unis. Comment l’expliquez-vous ? En grande partie grâce à Un prophète. Ce premier film dans lequel j’ai joué en 2009 a beaucoup voyagé et a été très apprécié. C’est une grande chance. Et puis j’ai pris des cours d’anglais et choisi, aussi, de travailler avec une agente anglophone qui a des relations à l’étranger. Sans oublier quelques belles rencontres. Je n’étais pas du tout certain d’y arriver. Avec quel réalisateur rêveriez-vous de tourner ? Je n’entretiens pas de rêves de ce genre. J’ai la chance de tourner avec des metteurs en scène qui me semblaient intouchables. Alors, je vis l’instant présent, je travaille et reste attentif aux rencontres. En ce moment je me consacre au rôle que je vais interpréter en février.


Pouvez-vous nous en dire plus ? Je vais jouer le rôle de Django Reinhardt, mais ça ne sera pas un biopic. Le film sera réalisé par Étienne Comar qui avait écrit le scénario de Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois. Vous avez réalisé un court-métrage récemment, Pitchoune*. De quoi s’agit-il ? C’est l’histoire d’un chemin qui se sépare en deux. Celle de deux frères qui font des animations pour les enfants et qui sont envoyés au salon du camping-car pour s’occuper de la halte-garderie. L’un des deux frères (moi) a décidé d’arrêter et l’autre veut continuer. Est-ce inspiré de votre vie ? Oui, en partie. à un moment, j’ai animé des anniversaires pour les enfants. Il y a quelque chose de tragi-comique dans cette fonction du clown. J’avais envie de m’y intéresser depuis longtemps. Le décor, les costumes et la pratique sentent donc le vécu, seule l’histoire des deux frères à voir / Arrêtez-moi là, De Gilles Bannier, est fictive. Pour l’instant, je n’en ai pas avec Reda Kateb, Léa Drucker, Gilles Cohen… Sortie le 06.01 d’autres à raconter, mais j’ai très envie de renouveler l’expérience. Les Chevaliers blancs, De Joachim *Diffusé le 16 décembre dernier sur Canal+ en ouverture de La nuit la plus courts.

Lafosse, avec Vincent Lindon, Louise Bourgoin, Valérie Donzelli, Reda Kateb… Sortie le 20.01


62 écrans

Pauline s’arrache

Ciné-thérapie Texte Raphaël Nieuwjaer Photo Jour2fête

Pour son premier passage derrière la caméra, Emilie Brisavoine a décidé de filmer sa famille. Quelque part entre un épisode de Strip-tease et Jonathan Caouette, Pauline s’arrache compose un portrait de groupe tout en éclats de voix et de lucidité. Drôle et touchant.

L

a musique du générique évoque Danny Elfman, le compositeur attitré de Tim Burton. En quelques cartons, une histoire ordinaire se déploie sous la forme d’un conte : une rencontre, des enfants, une rupture. Puis une nouvelle rencontre, et de nouveaux enfants. Le schéma idéal a déjà du plomb dans l’aile. Et ce n’est que le début. Sur un riff de guitare tonitruant, la petite famille danse bientôt au milieu d’une salle


des fêtes, tous joyeusement travestis. C’est dans cette famille recomposée qu’Emilie Brisavoine nous plonge. Les enfants se disputent, les portes claquent, le père (transformiste) essaie de calmer tout le monde en hurlant. Rien que de très banal. Et ce ne sont pas les excentricités parentales qui y changeront vraiment quoi que ce soit. Miroir – Pauline s’arrache n’est pas que l’histoire d’une famille « bizarre » ou de l’émancipation d’une ado. Sans prévenir, un raccord convoque des images d’archive. Le présent plonge dans le passé. Des douleurs enfouies remontent, des discussions se nouent enfin. S’engage alors une sorte de psychanalyse par les moyens du cinéma. Mais Emilie Brisavoine évite les écueils du voyeurisme grâce à la proximité affective qu’elle entretient avec ceux qu’elle capture. Elle négocie sa place au fil des séquences en quelque sorte. La caméra sert surtout aux protagonistes – de bouclier, de confessionnal. Comme si la cinéaste tendait un miroir brisé à sa famille D’Emilie Brisavoine, avec Pauline LloretBesson, Meaud Besson, Frédéric Lloret… pour l’aider à recoller les morceaux. En salle.


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Tangerine

Esprit vengeur On connaissait l’orange de Noël. Cette année, il faudra compter avec la mandarine ! Point de gastronomie toutefois dans le Tangerine de Sean Baker. Plutôt le nom du quartier de L.A. où il a posé ses valises pour réaliser cette comédie dramatique rafraîchissante. Nous sommes à la veille de Noël. Sin-Dee Rella, prostituée transsexuelle qui vient de passer un mois derrière les barreaux, apprend par sa meilleure amie que son boyfriend et mac l’a trompée durant son absence avec une « morue blanche ». Telle une tornade, la voilà qui s’élance illico à leurs trousses. Et nous avec. Car la mise en scène épouse parfaitement cette quête vengeresse, à la fois sauvage et romantique. Au-delà de l’intrigue, ce long-métrage déborde d’énergie et d’authenticité : le déroulement sur une journée, les lieux réels, et l’irrésistible partition de Kitana Kiki Rodriguez et Mya Taylor, débutantes et dans leur propre rôle, ou presque. Le film vaut pour son entraînante déambulation, dans laquelle l’humour est omniprésent (dialogues qui font mouche, situations cocasses). Mais cette épopée urbaine est également traversée de pauses mélancoliques, des instants fragiles. La solitude est saisie, sans angélisme ni misérabilisme, dans de beaux plans fixes baignés par le soleil ou nimbés du halo nocDe Sean Baker, avec Kitana Kiki Rodriguez, Mya Taylor, Karren turne de la ville. Au fait, vous a-t-on dit que le Karagulian, James Ransone… film a été tourné à l’aide de trois smartphones ? En salle. Un détail, vraiment. Audrey Jeamart

© courtesy of Magnolia Pictures

écrans


Photo © Ugo Ponte, o.n.l. - Lic 1 - 11083804 / 1-1083806 / 3-1083805

— Ciné concert — «

The Cameraman »

Bust er avec l’Orchestre Keaton National de Lille

Vendredi 29 janvier théâtre de béthune – 20h30

www.theatre-bethune.fr – FNAC, Ticketnet et Digitick


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Sweat Salami, jupe & bandana Mister Freeze


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NINII

L’épicurienne Texte Marine Durand Photo Servan-Edern Ilyne

Dernière recrue de la structure Maisons de Mode, Fanny Dheygere, 29 ans, n’a pas attendu longtemps pour s’attirer les commentaires élogieux de la presse et taper dans l’œil des blogueurs. Ode décalée au « jambon blanc » ou au « salami », sa première collection impose Ninii dans le cercle des griffes branchées pour filles (et garçons) à l’humour affirmé. Vous reprendrez bien une louche de cool ?


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Sweat De Panne Crop top Jambon Blanc, bandana Sorbet & boxing shorts Glitter pink

A

rborer un sweatshirt brodé d’un cornet de frites géant, déambuler en top imprimé de mini-saucisses ? « C’est vrai, il faut assumer », s’exclame en riant Fanny Dheygere, avant de préciser, presque inquiète : « Attention, je ne cherche pas à faire l’apologie de la malbouffe ! ». Plus fricadelle que McDonald’s, la native de Seclin affiche fièrement ses origines nordistes, tant dans l’esthétique que dans la fabrication des vêtements et accessoires de Ninii, sa toute jeune marque : « Ici, tout est made in Roubaix ! ». C’est aussi, en partie, dans l’ancienne capitale mondiale du textile qu’a mûri le goût de la jeune femme pour le stylisme. Après une formation en arts appliqués à l’Esaat, elle poursuit son cursus avec >>> un BTS création textile.

[ le sweat Chubby ]

Derrière les formes imposantes et le coloris rose dragée du sweat Chubby (« potelé » en anglais) se cache une fois encore la passion de Fanny Dheygere pour la cochonnaille : « L’idée de départ est de récréer une chiffonnade de jambon en volume. Mais chacun y va de son interprétation, entre chantilly, cupcake et barbe à papa », s’exclame la gourmande créatrice. Tout en bandes de nylon et élasthanne froissées, cet incontournable de la première collection Ninii se porte sur une jupe près du corps pour une silhouette « équilibrée ». Taille unique, 315€, disponible en version « Jambon » ou « Epinards ».


Sweat Chubby jambon, Jupe Stone


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Casquette, collaboration Ninii / Neypo

Un passage à l’école d’art et de design Massana, à Barcelone, et la voilà propulsée dans le grand bain de la mode : « J’ai d’abord travaillé comme styliste à Wasquehal pour La Redoute ou Les 3 Suisses. Puis j’ai renoué à Paris avec ma passion première, la sérigraphie, en travaillant dans l’atelier de tissus d’Anne Gelbard pour le secteur du luxe ». Des grandes enseignes de vente à distance jusqu’à Chanel ou Vuitton, Fanny Dheygere ne craint pas le grand écart, perfectionnant plus tard sa connaissance du métier au sein de la marque de bijoux et accessoires Les Cakes de Bertrand. Du jambon à la poupée – Depuis qu’elle a rejoint en juillet l’incubateur lillois Maisons de Mode, la créatrice peut enfin développer à son compte l’univers pop et coloré qu’elle avait en tête « depuis toute petite ». Pièces en lycra ou néoprène, coupes simples et structurées, Ninii s’inspire du vestiaire sportif. Et si les jeunes femmes sont la

Ensemble Glitter blue

cible première – voir les petits shorts à paillettes ou bandanas satinés – certaines pièces, comme la casquette imprimée « rouleaux de jambon », ont été conçues dans une optique unisexe. Entre un partenariat avec la bloggeuse Alice sur le Gâteau et la mise en ligne du e-shop Ninii, le début d’année s’annonce appétissant, même si la thématique « food » laissera la place à une série « fairytale ». « Il y aura des jouets, de la couleur », promet Fanny. Et sans doute la touche de fantaisie qui permettra au charme d’opérer. Boutique : Le Jardin de Mode, 58-60 rue du Faubourg des Postes à Lille www.maisonsdemode.com/createur/ninii www.ninii.fr (E-shop en cours de création)



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Show 85 Men Summer 2014


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O

JonOne

Colore le monde Texte Julien Damien Photo Portrait JonOne © Philippe Bonan / Vue d’expo © Maxime Dufour

De la rue aux galeries d’art… jusqu’au Palais Bourbon ! Voici résumé le parcours de JonOne (prononcez « Djonouane »). Entre les deux, il est question de graffiti, de joie et de couleurs, comme en témoigne cette exposition lilloise. Rencontre avec un pionnier du street art, devenu l’un des peintres les plus respectés de sa génération.


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Dream Chasers, 2015, Acrylique et encre sur toile, 102 x 184 cm

à

bien y regarder, John Andrew Perello ne pouvait pas… ne pas devenir JonOne. Né à NewYork au début des années 1960, cet Américain d’origine dominicaine grandit dans le ghetto, à Harlem. « J’en garde un souvenir très “no future”, fait de tristesse et de dépression… je ne voyais pas comment m’en sortir », raconte l’artiste aujourd’hui âgé de 52 ans. Sa chance ? Celle d’avoir vu le jour dans le « berceau du graffiti », qui explose ici dans les années 1970. « La seule chose qui me permettait d’échapper à mon quotidien, c’était la peinture. Il y avait des tags et des graffs partout dans la rue ! J’y ai trouvé de la beauté, de la poésie ». Il a 17 ans lorsqu’il fait ses classes comme bien d’autres en « bombant » la nuit son quartier, les rames du métro...

« J’écrivais mon nom partout, c’était ma manière d’exister dans cette jungle de ciment ». Free-style – Au fil des rencontres il choisit de quitter les états-Unis pour Paris en 1987. Et s’installera définitivement en France. « J’aime ce pays, dit-il. Les gens y sont très réceptifs à l’art… et puis, aussi, parce que je suis tombé amoureux d’une fille », souritil. Débute alors une nouvelle conquête pour cet autodidacte : celle de la toile. JonOne reste l’un des premiers graffeurs à inviter l’art de la rue au musée. « Pas pour l’argent, plutôt à cause de cette angoisse de voir mon travail disparaître. Dans la rue, on peignait sur mes œuvres ! Ça m’a toujours dérangé : si mon travail est bon, pourquoi l’effacer >>> ou le recouvrir ?


Primary colours, 2013, Acrylique sur toile, 163 x 130 cm


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la vie ». Ses compositions, faites de répétitions de motifs qui s’entrelacent avec harmonie, s’inspirent du mouvement propre au hip-hop et notamment celui du breakdance.

Gamings, Acrylique sur toile, 183 x 100 cm

Il fallait que je laisse une trace car ma génération avait quelque chose à dire ». Son style reprend ainsi la liberté créatrice (« le free-style ») et les codes du street art tout en les sublimant. Ce qui saute d’abord aux yeux, c’est cette palette de couleurs vives (en opposition à la grisaille du ghetto) orchestrée comme une symphonie emplissant le tableau. Elle est la traduction de son « énergie » et de son vécu. JonOne veut exprimer « la joie, mais aussi la fragilité et l’urgence de

The Message – Une patte que l’on retrouve dans sa dernière série, The power of the Benjamins, présentée à la New Square Gallery de Lille – avec cette évolution : l’utilisation des espaces blancs. Il y détourne le billet de 100 dollars pour livrer une critique du marché de l’art qui, selon lui, dissout la valeur artistique dans le fric. Son travail lui a pourtant offert une reconnaissance internationale – ses toiles s’achètent des dizaines de milliers d’euros – l’amenant jusqu’au Palais Bourbon ! Dans le Salon des Mariannes trône en effet depuis janvier 2015 sa réinterprétation de La Liberté guidant le peuple de Delacroix. Intitulée Liberté, égalité, Fraternité, l’œuvre lui a été commandée par l’Assemblée nationale en quête d’une pièce alliant tradition et modernité. « Mais cette peinture a pour moi une plus haute dimension : elle représente aussi cette bataille pour la liberté à laquelle se livrent beaucoup de pays. C’est un message universel ». Qui prend encore plus de sens aujourd’hui...

The Power of the Benjamins Jusqu’au 09.01, Lille, New Square Gallery, mar > sam : 10h>12h, 14h>19h (aussi sur rdv), gratuit, www.newsquaregallery.fr à visiter / jonone.com



78 Antoine Watteau, Pèlerinage à l’île de Cythère, 1717 © Musée du Louvre, Dist. RMN-GP / Angèle Dequier

exposition

Dansez, embrassez qui vous voudrez

à la française Le Louvre-Lens célèbre en 220 œuvres la Fête galante et la Pastorale. Popularisées dans toute l’Europe au xviiie siècle, ces peintures, céramiques ou tapisseries témoignent de l’assouplissement des mœurs durant la Régence, sous Louis XV, du goût français et des délices de l’amour. Le titre renvoie bien sûr à cette comptine : Nous n’irons plus au bois. L’histoire veut qu’elle fut écrite par Madame de Pompadour. En fait, elle se serait inspirée d’une chanson narrant l’interdiction aux prostituées d’exercer dans les bois, reléguées qu’elles furent dans des cabanes (des bordes…). Eh oui : s’il y a un endroit où l’on peut avoir l’esprit mal tourné, c’est ici ! La première des sept salles du parcours nous montre les divertissements de la haute société de l’Europe du Nord au xviie siècle, terreau fertile sur lequel a poussé la Fête galante. Une peinture bardée de sous-entendus où l’on ne joue jamais de la flûte innocemment... Mais c’est bien le Valenciennois Antoine Watteau qui établit le genre. Son Pèlerinage à l’île de Cythère cristallise dès 1717 les codes de la Fête galante, retranscrivant à merveille l’expression du sentiment amoureux. Plus grivoise, la Pastorale de François Boucher nous montre des paysans idéalisés, plus intéressés par la chose que par le travail... Tandis que les sages toiles de Jean-Baptiste Oudry véhiculent l’image d’une France prospère, dont la campagne jouissait d’un climat salutaire. Une autre époque… qui ne durera pas. Quelques Jusqu’au 29.02, Lens, Louvre, tous les jours sauf mardi : 10h>18h, 10/5€ / gratuit (-18 ans), années plus tard les têtes ne tournent www.louvrelens.fr plus. Elles tombent ! Julien Damien



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Un meeting de campagne présidentielle au Parc Al Azhar. Le 2 avril 2012.

Pauline Beugnies – Génération Tahrir 2011. L’Egypte s’embrase, comme de nombreux pays du monde arabe. La place Tahrir, au Caire, devient le lieu de rassemblement de cette révolte. Pauline Beugnies, qui s’est installée dans cette capitale pour étudier, vit ce moment historique de l’intérieur – ce fameux « Printemps ». Entourée de ses proches et cernée par les forces de l’ordre, la photographe carolo accumule les images. Celles-ci nous montrent le soulèvement, les manifestations, les martyrs… Elles témoignent aussi de cette génération disparue de l’espace médiatique occidental mais qui, cinq ans après, continue pourtant de lutter pour ses idéaux. J.D.

David Hockney, Peter Goulds © Galerie Lelong, Paris

Jusqu’au 22.05, Charleroi, Musée de la Photographie, mar>dim : 10h>18h, 7/5/4€, grat -12 ans, www.museephoto.be

Cher Modèle Sans modèle, pas d’œuvres ! Encore faut-il les aimer. « Les mauvais dessins sont toujours ceux qui représentent des personnes pour lesquelles on n’éprouve rien », selon David Hockney. Tout le contraire de Charles Gadenne (1925-2012). Le sculpteur nordiste était connu pour sa capacité à saisir la vie de ses proches et muses grâce à cette complicité qu’il parvenait à nouer avec eux. L’exposition rend hommage à ces figures discrètes à travers des créations de cet artiste, mais aussi de Picasso, Matisse ou Giacometti. J.D. Jusqu’au 06.03, Gravelines, Musée du dessin et de l’estampe originale, ts les jrs sauf mardi : 14h>17h // sam & dim : 15h>18h, 3,50 / 2,50€ / grat (-15 ans), www.ville-gravelines.fr



Marc Garanger, Femmes algériennes (détail), 1960 © Coll. kunstenaar, Lamblore, Courtesy Galerie Binôme, Paris

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Honte

Entrez sans gêne Situé au cœur du plus ancien centre psychiatrique de Belgique, le musée Dr. Guislain propose des expositions entre art et science. L’institution gantoise s’intéresse cette fois à la honte. Une centaine de pièces – peintures, sculptures, photos – nous dévoilent ses déclinaisons à travers les sociétés. Sans tabou ni pudibonderie. Ce sentiment qui nous étreint et nous rosit les joues marque d’abord la fin d’un paradis. Celui d’Adam et Eve, condamnés à la honte pour avoir goûté au fruit défendu, et sommés de couvrir leur innocente nudité. Le parcours thématique s’ouvre ainsi sur les panneaux de l’Agneau mystique des frères Van Eyck… Ou, plutôt, la copie réalisée par Victor Lagye à la demande de la cathédrale SaintBavon de Gand, en 1860. Une pudeur dont n’avaient que faire les premiers naturistes belges (en témoignent leurs joyeux clichés des années 1930) et surtout ces Congolais… avant d’être vêtus de force par les missionnaires au début du xxe siècle. La honte est une question de corps donc, et puis de regard. Celui de cette fille aux yeux baissés de Michaël Borremans (Gone, 2003). Le nôtre, aussi, qui devient voyeur dans La Chambre de la cinéaste Chantal Akerman. Et que dire face à ceux, insoumis, des Femmes algériennes (littéralement) dévoilées par le photographe Marc Garanger (1960) ? Comparées aux plagistes en bikinis « olé olé » capturées par Seymour Jacobs à Brighton dans les années 1970, elles nous rappellent que la honte reste Jusqu’au 29.05, Gand, Musée Dr Guislain, une valeur culturelle. Très subjective... mar>ven : 9h>17h // sam & dim : 13h>17h, Julien Damien

8/6/3/1€/gratuit (–12 ans)



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Le château de Versailles en 100 chefs-d’œuvre Après Roulez carrosses ! place à une sélection de pièces emblématiques provenant du domaine du Roi Soleil. Des chefs-d’œuvre qui pour beaucoup quittent leur écrin d’origine pour la première fois. La scénographie en trompe-l’œil nous projette d’abord dans les fastueux appartements privés puis à l’extérieur du château, entre les fontaines, les bosquets et le groupe sculpté Apollon servi par les nymphes. Arras, jusqu’au 20.03, Musée des beaux-arts, lun>ven (sf mar), 11h>18h // sam & dim, 10h>18h30, 7,50/5€ / gratuit (-18 ans), www.versaillesarras.com

Dessus Dessous

Les Mondes Inversés

Annette Messager investit le Musée des beaux-arts et la Cité de la dentelle et de la mode de Calais pour créer 19 œuvres et installations. Le travail de cette figure de l’art contemporain, empreint de féminisme, mêle les formes et les matériaux, le tragique et le ludique. Dans Dessus Dessous, il est ainsi question d’odyssée, de déplacements, de Rodin mais aussi de mode, de couturières, de collants et de soutiens-gorge.

Cette exposition dévoile une quarantaine d’œuvres qui mêlent art contemporain et cultures populaires. Cet accrochage marquant la réouverture du BPS22 n’a d’autre but que de bousculer l’ordre établi, quel qu’il soit – politique, moral, esthétique, économique... Comment ? à travers des pièces iconoclastes, telles que Scramble for Africa de Yinka Shonibare, revisitant à sa manière la conférence de Berlin qui vit les Européens se partager l’Afrique.

Calais, jusqu’au 15.05, Musée des beaux-arts : ts les jours sauf lun : 10h>12h & 14h>17h // dim : 14h>17h, 4/3€ // Cité de la dentelle et de la mode : ts les jours sauf mar : 10h>17h, 5/3,50€ // pass deux musées : 7/5€

Charleroi, jusqu’au 31.01, BPS22, mar>dim : 11h>19h, 6/4/3€ / gratuit (-12 ans), www.bps22.be

François Schuiten Célèbre pour Les Cités Obscures, réalisées avec Benoît Peteers, François Schuiten révèle des mondes imaginaires dans une exposition qui mêle planches originales, sérigraphies, lithographies, affiches… Pour l’occasion, le dessinateur de BD a créé une nouvelle planche en relation avec un lieu emblématique de la région, la Tour St-Albert à Binche. Un voyage urbain fascinant, entre futurisme et mystères. La Louvière, jusqu’au 07.02, Centre de la gravure et de l’image imprimée, mar>dim : 10h>18h, 7>2€ / gratuit (-12 ans), www.centredelagravure.be

Louis XV enfant, Augustin Justinat © Château de Versailles, Dist RMN / © Jean-Marc Manal

théâtre exposition & danse

Agenda



Agenda

Verlaine. Cellule 252 Après Van Gogh, c’est Verlaine qui est honoré au BAM. Grâce à un parcours bien chapitré et, surtout, riche d’objets et de documents – lettres, manuscrits, dessins – souvent inédits, on découvre comment Mons fut une page déterminante dans sa vie d’écrivain. Il fut enfermé dans la prison locale durant deux ans après avoir tiré sur son amant, Rimbaud. Une histoire méconnue mais qui ne demande qu’à être vue. Et lue. Mons, jusqu’au 24.01, BAM, mar>dim : 10h>18h, 12/3€ (ticket combiné avec l’exposition Parade sauvage), www.bam.mons.be

Marc Chagall : Les Sources de la Musique

Chagall De la palette au métier

Quelle est la place de la musique dans l’œuvre de Chagall ? Immense. Que ce soit dans ses thèmes ou son langage plastique. En s’appuyant sur plus de 200 œuvres (peintures, dessins, gravures, céramiques, vitraux…), réparties en cinq sections, cette exposition montée en partenariat avec le Musée de la Musique – Philharmonie de Paris décortique cette relation qu’entretiennent les sons et les couleurs dans le travail de l’artiste.

Encore méconnue du grand public, l’œuvre tissée de Marc Chagall demeure pourtant puissamment expressive. à l’occasion du 30e anniversaire de la mort du peintre franco-russe, le MUba présente une des toutes premières expositions consacrées à ce sujet. On y découvre ainsi une série de tapisseries réalisées par Yvette Cauquil-Prince, qui fut la maître d’œuvre de cet artiste qui n’en finit plus de surprendre.

Roubaix, jusqu’au 31.01, La Piscine, mar>jeu : 11h>18h // ven : 11h>20h // sam & dim : 13h>18h, 10/7€/ gratuit (-18 ans), www.roubaix-lapiscine.com

Tourcoing, jusqu’au 07.02, MUba Eugène Leroy, tlj sauf mar : 13h>18h, 5/3€/gratuit (-18 ans), www.muba-tourcoing.fr

Robert Combas : la fougue du pinceau Au-delà du cadre, délicieux – une villa du début des années 1900 – cette exposition nous plonge dans l’univers du leader de la « Figuration libre », mouvement né dans les années 1980 – pensez Jean-Michel Basquiat. Cette « peinture rock » comme la qualifie lui-même Robert Combas, se distingue par un foisonnement de couleurs, un geste instinctif, des thèmes nourris de pop culture (BD, TV, graffitis, etc.) et ces fameuses « coulures », marques d’un style ô combien réjouissant. Le Touquet, jusqu’au 22.05, Musée du Touquet-Paris-Plage, tlj sf mar : 14h>18h, 3,50/ 2,50€ / gratuit (-18 ans)

Paul Marsan dit Dornac, Paul Verlaine au café François 1er à Paris, 1892 © Bibliothèque littéraire Jacques Doucet

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O Cie Zaoum

La fesse cachée de Bernadette A Texte Julien Damien Photo Fesses © Antoine Chartier

Clown, conteuse, femme-enfant… mais qui est Bernadette A ? L’auteure, metteure en scène et comédienne lilloise nous dévoile son parcours singulier. On a parlé un peu de fesses aussi pour mieux accrocher le lecteur ! Il faut dire qu’en ce moment, elle se mêle beaucoup des nôtres. Mais il ne s’agit pas forcément de ce que l’on croit…


89 théâtre & danse

D

« à travers nos fesses,

ans son dernier solo, la je parle d’émancipation, Nordiste se penche sur d’audace et de liberté » notre séant, sujet concernant s’il en est. Une entreprise de prime abord grivoise, mais pas sans fondement. Fesses embarque le spectateur dans une aventure drôle et poétique, faite d’associations d’idées autour du postérieur. La mise en scène épurée évoque les films de Gondry, tandis qu’une structure géante de forme rebondie, allégorie de notre popotin, est propice à d’étonnantes circonvolutions corporelles. Il est ici question Abattoir © Sébastien Pouilly de sensualité, d’histoire de l’art, de désir… mais pas seulement. Ce derrière est un prétexte « pour raconter des choses plus profondes… sans jeu de mots ! » Si Bernadette A nous plonge dans cette brèche (« la plus longue de notre corps ») marquant la différence entre les fesses et le cul (entre la crudité et la vulgarité, la beauté et la vanité), c’est pour mieux sonder la condiéloge de Fesses © Eric Legrand tion humaine. « On vit une époque où il faut être efficace, ne jamais dire un mot plus haut que l’autre … c’est le règne de la perfection. Alors je dis : heureux les fêlés ! Car c’est par cette fissure que passent le rêve et la folie. à travers nos fesses, je parle d’émancipation, d’audace et de liberté ». C’est aussi sa propre histoire qu’elle livre. Car il lui fallut être culottée pour réaliser ses rêves de scène. Alice au pays de l’abattoir – Née à Courrières (dans le Pas-de-Calais), Bernadette grandit loin du milieu artistique, dans l’abattoir que tenaient ses parents – une enfance narrée dans son précédent spectacle, Abattoir.

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La femme de l’Ogre © Sébastien Pouilly

à 20 ans, elle fuit ses études de biologie – et une vie qui n’est pas la sienne – pour un poste d’assistante de professeur de français aux états-Unis, dans le Wisconsin, où elle s’initie au 6e art en « acting classes ». De retour en Europe, un temps enseignante pour des institutions étrangères, la voilà admise à 30 ans au Samovar, cette « école pour les clowns, burlesques et excentriques ». Mais c’est à Lille qu’elle entame véritablement sa carrière de comédienne, auprès des enfants hospitalisés au sein des Clowns de l’Espoir. En 2006, cette autodidacte qui s’est perfectionnée auprès de Joël Pommerat, David Bobée ou Jos Houben, fonde sa compagnie : Zaoum. Son premier solo, Vak’Harms, est un hommage à l’auteur russe Daniil Harms. Ce collage de textes courts et surréalistes annonce son style. Une écriture fragmentaire tout en « carambolage d’idées » où s’entrelacent situations drôles et étranges, dérangeantes et oniriques. Riche de revendications, aussi. Militante, elle fait partie du collectif HF Nord-Pas de Calais, luttant pour l’égalité des sexes. Une conviction qui transpire dans La femme de Fesses 15.01, Calais, Le Channel, 14h30 & 20h, gratuit l’ogre (2009), relecture du Petit (réservation indispensable : + 33 3 21 46 77 00), Poucet raillant le manichéisme lechannel.fr 19.01, Maubeuge, Théâtre le Manège, 20h, 11/8€, des contes de fées « où l’on enwww.lemanege.com ferme les petites filles dans des éloge de Fesses rôles de princesses qui attendent 02 & 03.04, Calais, Le Channel 14.05, Douai, musée de la Chartreuse un héros ». Qui ferait mieux de à visiter / www.ciezaoum.fr s’occuper de ses fesses !



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Schitz

Affreux, sales et méchants David Strosberg avait mis en scène Schitz en néerlandais au KVS en 2004. C’est au début de l’année dernière, à la demande du théâtre parisien de la Bastille, qu’il l’a remonté en français. La version actualisée de cette farce gargantuesque du dramaturge israélien Hanokh Levin n’a rien perdu de son mordant. D’Hanokh Levin, David Strosberg dit qu’il « fait partie des grands auteurs, car il y a tout chez lui : le tragique, le comique, l’écriture directe, sans stratégie ni demi-mesure. » Point de retenue en effet dans la galerie de personnages de Schitz. La passion du père pour la nourriture n’a d’égale que son goût pour l’argent, la mère ne songe qu’à se trouver un amant, la fille, boulimique et grossière, à épouser un bon parti. Quant au gendre, seule silhouette longiligne au milieu de cette tribu ventripotente, il obtient une promesse de mariage au terme d’âpres négociations. Revenu de la guerre, il ne tarde pas à révéler ses intentions : déplumer beau-papa et belle-maman. Pour accueillir une famille si méchamment caricaturale, le directeur du Théâtre Les Tanneurs a misé sur la sobriété. Le décor est minimaliste, laissant toute la place à ses monstrueux protagonistes, hilarants dans les passages dansés et chantés. « Ce que montre Levin, c’est une société où tout est payable, 09.01, Louvain, 30 CC, 20e, 18>8€ mais où plus rien finalement n’a de valeur », 14>16.01, Arras, Théâtre, jeu : 20h30 // analyse David Strosberg, soulignant la diven & sam : 20h, 20>9€, www.tandem-arrasdouai.eu mension politique de cette pièce écrite en 1975. Elle n’a visiblement pas pris une ride. 19 >23.01, Bruxelles, Théâtre Les Marine Durand

Tanneurs, mar>sam : 20h30 // mer : 19h, 12/8/5€, www.lestanneurs.be

© Danny Willems

théâtre & danse



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Les Croisés © Willi Filz

Week-End Poil à Gratter Et si on riait un peu ? Noble aspiration à laquelle cette 7e édition du Week-End Poil à Gratter répond en mettant à l’honneur la « belgian touch ». Soit cinq spectacles marqués du sceau d’un humour distancié et ironique, mais terriblement subtil. En cela l’Agora Theater et son spectacle d’éclopés divins (Les Croisés) restent un bel exemple. « Bon, on va tous mourir », nous rappelle de son côté Jean-Luc Piraux, avant de nous faire part de ses angoisses existentielles qui dérivent fatalement vers l’absurde. La mort, c’est aussi ce qui taraude le vieil homme de Soleil Couchant, en fait une marionnette portée par Alain Moreau avec qui se noue une relation tendre et surréaliste. J.D. 22>24.01, Hazebrouck, Centre André Malraux – Espace Flandre, 10/7/6€, pass 24€, www.centreandremalraux.com Sélection : 22.01 : Six pieds sur Terre (Jean-Luc Piraux), Soleil Couchant (Alain Moreau) // 23.01 : Les Croisés (Agora Theater) // 24.01 : Trac ! (Bruno Coppens), Fritüür (Chorale punk végétaline...)

Wow ! « Wow ! », c’est la célèbre exclamation de l’astrophysicien Jerry R. Ehman suite à sa découverte, en 1977, d’un signal radio-stellaire suspect dans l’univers. C’est aussi la 5e conférence azimutée de Frédéric Ferrer. Ce géographe de formation pose ce problème : la Terre est condamnée, il nous faut donc partir… Mais où ? Comment ? Bien que fondée sur de solides données, sa démonstration glisse rapidement vers une cosmique absurdité. Oui, nous sommes perdus. Mais c’est drôle non ? J.D.

© NASA / JPL Frederic Ferrer

12.01, Jeumont, Gare, 20h, 11/8€, www.lemanege.com // 19>22.01, Villeneuve d’Ascq, la Rose des Vents, 19h sf jeu : 21h, 21>12€, www.larose.fr



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Vivat la danse !

Libérés, délivrés Texte Marie Pons Photo Latifa Laâbissi © Caroline Ablain

« Même pas peur ! » clame Le Vivat. Le mot d’ordre est donné, on résiste avec énergie. Pour cette 19e édition du festival, près d’une vingtaine de chorégraphes investissent Armentières et l’Eurométropole (Lille-Kortrijk-Tournai), en formant une farandole de rites profanes ou sacrés. Tout un programme !

V

ivat la danse ! ne baisse pas la garde. Plus que jamais, il s’agit de mobiliser les consciences grâce à des corps qui vibrent avec notre époque, et d’en exorciser la part la plus sombre. Eliane Dheygere, la directrice des lieux, nous rappelle qu’aujourd’hui il y a « un vrai besoin de se rassurer, de revenir à ce qui nous fonde… et ce qui nous fait du bien ! ». Alors les glissements entre sacré et profane se dessinent au gré d’apparitions et de figures mystérieuses, comme avec Latifa Laâbissi qui, en maîtresse de cérémonie, convoque fantômes, rituels et voix multiples au détour de trois pièces. Danses et transes – L’humour a aussi toute sa place, comme un rempart, avec le Sexe symbole de Jonas Chéreau et Madeleine Fournier, une joute tendre autour de la question du masculin et du féminin. On peut aussi s’aventurer du côté du Brésil avec la transe de Vânia Vaneau (Blanc) qui déconstruit le corps pour le déployer comme un paysage. Aussi spectaculaires sont les métamorphoses tout en grimaces de Marcela Santander et Volmir Cordeiro, qui miment Vivat la danse ! la colère, l’effroi ou la joie avec Sacrés profanes et autres rituels pour conjurer la peur 21 > 30.01, Armentières, Le Vivat, COOP Lycée Eiffel, une maestria salvatrice (époque). Maison des artistes, Lille, maison Folie Wazemmes, Le dernier soir, on entre dans la Roubaix, Garage – Théâtre de l’Oiseau-Mouche, divers horaires, 7€ par spectacle, pass : 49€, www.levivat.net danse durant la soirée voguing. Sélection : 22.01 : Influences of a closet chant (Albert Après une initiation, chacun peut Khoza) ; Pourvu qu’on ait l’ivresse (Latifa Laâbissi)... // rejoindre un dancefloor qui de23.01 : époque (Marcela Santander & Volmir Cordeiro), Sexe symbole (Jonas Chéreau & Madeleine Fournier)... // vient exutoire. Et mieux conjurer 26.01 : écran somnambule (Latifa Laâbissi)... // 27.01 : ses démons… La part du rite (Latifa Laâbissi), Blanc (Vânia Vaneau) // 30.01 : Clôture du festival : soirée voguing (Lasseindra Ninja & Rémi Hollant)


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Festival Les Petits pas

Les enfants d’abord Jeune public

Imité partout en France, le festival de danse pour enfants Les Petits pas poursuit son travail d’éducation culturelle. Comment ? Grâce à une programmation exigeante sans être didactique. Du Roubaisien Brahim Bouchelaghem à l’Italienne Ambra Senatore, cette 11e édition offre à des chorégraphes reconnus une première expérience au contact du jeune public. Quatre spectacles en 2006, près de quarante représentations, temps forts et ateliers en 2016. En une décennie, Les Petits pas sont devenus grands, mais l’ambition n’a pas changé : amener les tout-petits à s’émerveiller devant des propositions variées, permettre aux plus âgés de découvrir une scène contemporaine innovante. Dans Boys don’t cry, Sylvain Huc démonte tous les stéréotypes masculins, montrant les corps mâles dans leur fragilité, tandis que le Néerlandais Herman Diephuis met en scène les différentes facettes de la peur (Bang !). Loïc Touzé et Ambra Senatore s’emparent du projet « Au pied de la lettre », créant chacun une variation liant les mots aux mouvements. Le cru 2016 renforce aussi sa dimension participative : Pol Coussement collabore à nouveau avec des CM2 de l’école Jules Michelet, qui accueillent leurs spectateurs avant de monter sur scène. « Ce projet résume bien notre ambition : mettre en relation les publics, 29.01>06.02, Métropole lilloise (Roubaix, Lille, Tourcoing, les œuvres et les artistes », note la Villeneuve d’Ascq, Armentières…), divers lieux, 12>2€, pass : 20€ (5 places), www.gymnase-cdc.com programmatrice, Célia Bernard. Et de Sélection : 29 & 31.01, 01 & 02.02 : Au pied de la s’enthousiasmer : « C’est magique de lettre 2 (Ambra Senatore & Loïc Touzé) // 30.01 : Bang ! (Herman Diephuis)... // 03.02 : Boys don’t cry (Sylvain Huc) voir en plateau ces enfants qui se sont // 03 & 04.02 : Miroir (Pol Coussement) // 05.02 : Criiiic ! investis comme de vrais danseurs. » On (B. Bouchelaghem) / Let’s dance (Bérénice Legrand)... acquiesce. Marine Durand

Boys Dont Cry © Loran Chourrau

théâtre & danse



100 théâtre & danse

Marcel

© Pascal Victor, ArtComArt

Agenda

Jos Houben & Marcello Magni

Marcel ? « C’est un peu L’Art du rire appliqué, mais avec nos corps usés, moins souples. L’esprit, lui, est toujours aussi indomptable » nous confiait Jos Houben en mars dernier. Le Belge met ici l’accent sur les silences et le jeu du corps. Dans la peau d’un examinateur un peu sadique, il fait passer une audition très physique à un artiste vieillissant pour un obscur spectacle. Mais celui-ci compense l’âge par son agilité d’esprit enfantin. Ou comment élever le gag au rang de poésie. 05.01, Feignies, Espace Gérard Philipe, 20h, 11/8€, www.lemanege.com // 07.01, Calais, Grand Théâtre, 20h30, 12/7/4€, www.calais.fr

Vortex Temporum

Journal d’un corps

Anne Teresa De Keersmaeker / Cie Rosas & Ictus

Daniel Pennac / Clara Bauer

À l’origine, une œuvre pour un piano et cinq instruments, composée entre 1994 et 1996 par Gérard Grisey, maître de la musique spectrale. Son Tourbillon du Temps traduit une obsession pour la spirale et sa métamorphose. On retrouve ce goût des turbulences dans cette chorégraphie d’Anne Teresa De Keersmaeker. Avec les danseurs de Rosas et les musiciens d’Ictus, elle explore les variations du temps, pour s’emparer en mouvement de la théorie de la relativité.

Dans son texte éponyme, Daniel Pennac bravait toutes les impudeurs en nous narrant la vie de sa propre enveloppe charnelle. Et cela dans les moindres détails, des narines jusqu’aux sphincters, en passant par la masturbation. Un exercice de style et un beau défi que de l’adapter sur scène… Réussi par Clara Bauer. Dans une mise en scène épurée, derrière sa table, l’écrivain délivre ce drôle de journal, soit une lecture théâtrale très intimiste.

06>10.01, Bruxelles, Kaaitheater, 20h30 sf dim : 15h, 25/20/8€, www.kaaitheater.be

08.01, Dunkerque, Le Bateau Feu, 20h, 8€, www.lebateaufeu.com

Le Trouvère Roberto Rizzi Brignoli / Richard Brunel

épris de Leonora, le comte De Luna veut tuer son rival, un mystérieux trouvère dont il ignore qu’il est son frère, Manrico. Celui-ci, que tous croyaient mort, a été élevé par Azucena, la fille d’une bohémienne que le comte a tuée. Ivre de vengeance, elle garde l’identité de Manrico secrète jusqu’à son supplice… D’où l’analyse de cet opéra de Verdi par Richard Brunel : « plus qu’une lutte entre deux hommes pour la même femme, Le Trouvère est une lutte de deux femmes pour le même homme »... 14.01>06.02, Lille, Opéra, 20h, sf 17.01 : 16h, 23.01 & 06.02 : 18h, 69>5€, opera-lille.fr



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Agenda Scintille © AF immagini

théâtre & danse

étincelles

Laura Sicignano / Patricia Pekmezian

Cette pièce s’inspire de l’incendie de la Triangle Shirtwaist Company, qui eut lieu le 25 mars 1911 à New-York. Une des plus grandes catastrophes de l’histoire américaine, tuant 146 travailleuses de cette usine de confection, immigrées d’Italie ou d’Europe de l’Est. Laura Sicignano livre ici un « seul en scène » pour l’actrice lilloise Patricia Pekmenzian qui incarne toutes ces femmes, jouant leur espoirs placés ou brisés dans le « Rêve américain », jusqu’à la tragédie. 21.01>06.02, Tourcoing, La Virgule, mar & jeu : 19h30 // mer, ven & sam : 20h30 // dim : 15h30, 20>8€, www.lavirgule.com

Freaks

LA 432

Cie Les Rémouleurs

Les Chiche Capon / Karim Adda & R. Raymondson

Freaks, c’est d’abord un film de Tod Browning sorti dans les années 1930, et qui dut faire face à la censure et de nombreuses critiques. L’histoire d’un cirque pas comme les autres, constitué de phénomènes de foires : nains, hommes-troncs, sœurs siamoises… Les Rémouleurs s’emparent de cette réflexion sur la monstruosité, et la différence, en confiant ces rôles à des marionnettes, qui nous convient à dépasser le stade de l’apparence. Troublant.

Quand les Chiche Capon s’intéressent à la musique, cela donne un spectacle forcément azimuté. Voici notre quatuor de clowns en quête du « LA 432 », cette note universelle qui sert à accorder les instruments d’un bout à l’autre de la planète. Mais point de nez rouge ici. Plutôt un défilé de costumes kitsch, de gags absurdes et de personnages loufoques. Ou comment un cow-boy ou un beatboxer pataphysicien revisitent l’histoire de la musique à leur sauce : bien déjantée.

26>30.01, Béthune, la Comédie de Béthune, 20h sf sam : 18h, 20>6€, www.comediedebethune.org // 21.01, Béthune, Le Nautylus, 20h… // + 22.01, Divion, bar le Clarence, 20h…

23.01, Béthune, Théâtre de Béthune, 20h30, 16/14€, www.theatre-bethune.fr

Kraftwerk, l’homme machine Cabaret Contemporain / Linda Olah

Bien plus qu’un concert, le Cabaret Contemporain (Moondog) livre un hommage à Kraftwerk avec... des instruments acoustiques ! Là où deux étudiants du Conservatoire de Düsseldorf avaient révolutionné la musique en utilisant des synthétiseurs, ces improvisateurs restituent avec malice ces mélodies électroniques en utilisant contrebasse, piano ou guitare, grattés ou frottés avec de la patafix® et des pinces à linge ! Oui, il y a beaucoup d’humanité dans ces robots. 23 & 24.01, Calais, Le Channel, sam : 19h30 // dim : 17h, 10/5€, lechannel.fr



Agenda

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En avant, marche !

théâtre & danse

© Phile Deprez

Les ballets C de la B, NTGent

Le chorégraphe Alain Platel, le compositeur Steven Prengels et le metteur en scène Frank Van Laecke se retrouvent autour d’En avant, marche ! Inspiré d’une série du photographe flamand Stephan Vanfleteren sur les fanfares, le spectacle emprunte à Pirandello l’argument de La fleur aux lèvres : un homme atteint d’une tumeur incurable choisit de repousser la femme qu’il aime. Ici, le trio imagine un joueur de trombone malade prenant les cymbales pour ne pas se retirer de l’ensemble. Le résultat navigue entre théâtre dansé et concert chorégraphié. 26.01, Douai, L’Hippodrome, 20h, 20>9€ // 28.01, Courtrai, Schouwburg, 20h15, 18/16,20€ // 06.02, Gand, C-Mine // 17.02, Louvain, 30 CC // 02>04.03, Namur, Théâtre Royal...

La Revue des Galeries

Contact

Bernard Lefrancq / David Michels

Philippe Decouflé / Cie DCA

Au Théâtre des Galeries, fin d’année rime avec… actualité. Enfin, plutôt décalée. Dans la grande tradition du théâtre de boulevard, La Revue passe les grands événements de l’année 2015 – graves ou légers, belges ou internationaux – à la moulinette de l’humour. Sketchs, imitations, chansons mais aussi chorégraphies, music-hall… Un menu soulevant des vagues de rires et d’émotion, pour aborder 2016 du bon pied.

Le dernier spectacle du chorégrapheillusionniste Philippe Decouflé est une forme hybride mêlant concert, danse, cirque et hommage à la comédie musicale hollywoodienne. Sur scène, seize personnages protéiformes (dont Christophe Salengro, le très savoureux Président de Groland) se débattent dans une sorte de revue féérique et fantasque où s’enchaînent les numéros (claquettes, acrobaties, pantomime, voguing…). Un show aussi foisonnant que subtil.

Jusqu’au 24.01, Bruxelles, Théâtre des Galeries, 20h15 (sauf dim et le 09.01, le 16.01, le 20.01 & le 23.01: 15h), 29>10€, www.trg.b

28 & 29.01, Roubaix, Le Colisée, 20h30, 39>10€, www.coliseeroubaix.com

Dans la république du bonheur Elise Vigier & Marcial Di Fonzo Bo / Martin Crimp

Nous voilà au soir de Noël. Une famille est réunie autour du sapin. Parents, grandsparents, enfants… Puis surgissent l’Oncle Bob et Madeleine, son épouse. Ils n’étaient pas invités. Ils annoncent qu’ils mettent les voiles mais, avant de partir, ont décidé de balancer à chacun leurs quatre vérités, revendiquant « les cinq libertés essentielles à l’individu ». Elise Vigier et Marcial Di Fonzo Bo adaptent le dernier texte de Martin Crimp (traduit par Philippe Djian) façon music-hall. Drôle et cruel. 27>31.01, Lille, Théâtre du Nord, mer & ven : 20h // jeu & sam : 19h // dim : 16h, 27>7€, www.theatredunord.fr



106 le mot de la fin

Le cynisme illustré –

Voilà un regard sans concession sur notre époque. Ce pauvre hère qui brandit ce totem « facebookien » est issu du livre d’Eduardo Salles où l’on trouve moult scènes du quotidien détournées. Cet illustrateur mexicain manie l’humour (noir) aussi sûrement qu’un scalpel. Une bonne image vaudra toujours mieux qu’un long discours. cinismoilustrado.com




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