LM magazine 117 - avril 2016

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n째117 / avril 2016 / GRATUIt

nord & belgique Cultures et tendances urbaines



Sommaire LM magazine n°117 - Avril 2016

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News 10

Style Bistronomie lilloise : Pop chefs

18 La Botike belge

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68

Musique

Exposition

Fatima Yamaha, Monika, Les Paradis Artificiels, Babyfather… Sélection concerts

Amedeo Modigliani, Premiers vidéastes, Jacques Charlier… Agenda

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Disques & Livres

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Portfolio Paul Fuentes : Mâche-up

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Littérature Salon du livre d’Arras

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Rencontre Kyan Khojandi débloqué

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Théâtre & Danse Interview : Nawell Madani, Comiques trip, Sœurs, Réparer les vivants, Les Turbulentes… Agenda

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Rencontre Christophe : Lui tout craché

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écrans D’Ardennen, L’Académie des muses, Taklub

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Le mot de la fin Petros Chrisostomou

Les épherites © A. Suergiu / Hamburger Cake © Paul Fuentes / Christophe © Lucie Bevilacqua / Jain © DR / Rosalie Blum © SND / A. Modigliani, Femme assise à la robe bleue (détail) © Moderna Museet, Stockholm / Nawell Madani © Franck Glenisson


LM magazine France & Belgique

28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 362 64 80 09 - fax : +33 3 62 64 80 07

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Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com

Couverture Paul Fuentes Jelly Burger www.instagram.com/ paulfuentes_design

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Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Madeleine Bourgois, Julien Collinet, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Paul Fuentes, Patricia Gorka, Benjamin Leclerc, François Lecocq, Raphaël Nieuwjaer et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



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© metro.co.uk

news

News

Gonflé Cette réplique de la montgolfière du dessin animé Là-haut a été aperçue dans le ciel australien en mars, lors d’un rassemblement aérien à Canberra. Point de ballons gonflés à l’hélium ici (ni de dabou qui parle ou de maison suspendue). Il s’agit d’un trompe-l’œil sur lequel ont été cousues 600 baudruches. Créé par le pilote Simon Askey à Bristol en 2009 pour la promo du film, l’aéronef doit aujourd’hui s’envoler pour un tour du monde. Russel et Carl n’auraient pas rêvé mieux. balloonspectacular.com.au

Aurora © Cosimo Terlizzi

L’Entorse L’art et le sport, deux mondes aux antipodes ? Eh bien rapprochons-les ! C’est le pari lancé par ce festival biennal. En marge de l’Euro 2016, le thème de cette 6e édition était tout trouvé : le foot, et plus largement les sports collectifs. Jeu, créativité... les passerelles sont nombreuses entre les disciplines, comme le montrent ces dizaines de rendez-vous déployés sur trois mois : théâtre, expos, concerts, ateliers... Une prog’ jamais hors-jeu. 01.04 > 10.07, Métropole lilloise, Bailleul, Béthune, Lens-Liévin, Valenciennes, entorse.org


Cauchemar en cuisine La cuisine vous bassine ? Pas avec ce très enrhumé séparateur de jaune et de blanc d’œuf. Si vous n’êtes pas plus emballés par le ménage, saisissez-vous de ce balai-serpillère en forme de bichon maltais. Il a du chien, non ? Bogey Man Egg Separator Jug, www.thepresentfinder.co.uk // YOU+MORE!, gcl.felissimo.jp

Year of the bus, ‘Punked’ © Valerie Osment

Anarchy in the UK En brûlant l’héritage de ses punks de parents, Joseph Corré les rendra sans doute fiers de lui. Le fils de la créatrice Vivienne Westwood et de (feu) Malcolm McLaren, ex-manager des Sex Pistols, souhaite réduire en cendres la collection familiale de disques, vêtements... des babioles estimées à plus de 6 millions d’euros. Il s’agit de décocher un gros « fuck » à la Reine qui soutient le 40e anniversaire du mouvement anarchiste. Joe estime qu’elle en fait « un putain de musée », le noyant dans le mainstream. Rendez-vous le 26 novembre sur les trottoirs londoniens.

Dame de metal Après Jacques Chirac en idole des hipsters, Bernadette sera-t-elle la nouvelle égérie des metalleux ? Ce tee-shirt ravira ceux que la poigne de fer de l’ex-première dame ne laisse pas insensibles (on en connaît). Et puis tous les autres qui aiment faire les malins en festival (on en connaît aussi). taupeclothing.bigcartel.com


8 Richard Tuschman, The Potato Eaters, 2014, série Once upon a time in Kazimierz

news

Photoshopper Ces clichés vous disent quelque chose ? Normal, ils reproduisent les toiles d’Edward Hopper. Pour les réaliser, Richard Tuschman a d’abord construit des petites maquettes recréant l’ambiance de ces décors si singuliers. Le New-Yorkais a ensuite photographié les modèles devant un fond uni, puis assemblé les deux images avec Photoshop. Un procédé qui restitue à merveille la mélancolie transpirant de l’œuvre du peintre américain, n’est-ce pas ?

© DR

© CNW-Group / Toys ‘R’Us Ltd

Exposition jusqu’au 09.04, New-York, Brooklyn, Klompching Gallery, www.richardtuschman.com

Whisky celt « hic » Tract vivant contre les méfaits de l’alcool, Shane MacGowan vient de lancer avec ses Pogues (mais toujours sans dents) sa propre marque de whisky. Sobrement (hic !) baptisé « The Pogues Irish Whiskey », le breuvage de la troupe folk-punk irlandaise promet « autant de caractère que le groupe lui-même »... dont le dernier album remonte à 1996. Du 20 ans d’âge.

Job en or Encore un géant du jouet qui fait bosser des gamins… Mais, rien d’inhumain cette fois. à 12 ans, Emile Burbidge vient d’être nommé PDG de Toys’R’US au Canada. Précisons : PDG pour président du « divertissement » général. Ce p’tit veinard a pour mission de « tester des jouets ». Car, pour le fabricant, les enfants sont les meilleurs juges dans ce domaine. Ça se tient… Alors, à quand un labrador à la tête de Royal Canin ?



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Bistronomie lilloise bles Dossier réalisé par François Lecocq Photo Nicolas Pourcheresse © DR La Table du Clarance © DR

Un tour de ta


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Après la disparition de ses deux derniers restaurants étoilés, Lille était devenue un désert gastronomique. L’arrivée d’une nouvelle génération de chefs a transformé la capitale des Flandres en oasis bistronomique avec une dizaine de tables mêlant grande cuisine, cadre décontracté et prix démocratiques. Enquête sur une tendance bouillonnante.

L’

annonce, le 1er février dernier, des promus du Bibendum a pris une saveur particulière à Lille avec l’intronisation du chef le plus tatoué de la place : Nicolas Pourcheresse, à La Table du Clarance. Une performance, un an après son ouverture, valorisant le prestigieux hôtel dans lequel l’ex-candidat de Top Chef (saison 6) s’exprime. Et une fierté pour la ville, qui récupérait du coup un restaurant étoilé… Ironie de l’histoire, cette distinction survient un an après la fermeture de L’Huîtrière, la plus ancienne (et célèbre) adresse lilloise. La fin d’une institution familiale créée en… 1928. Dans la presse locale, Antoine Proye, gérant depuis 2005, parle « d’un changement d’époque et de modèle économique pour la restauration haut de gamme… ». La disparition d’un monde, et le début d’un autre, avec l’arrivée d’une nouvelle génération de chefs proposant une cuisine inventive, >>>


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La Table du Clarance © DR

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« Les années 1980 où les clients étaient prêts à débourser une centaine d’euros chacun sont révolues » J.L. Germond

raffolant des bons produits, et plus abordable. Les ingrédients de la bistronomie, en somme.

Le potentiel lillois – Deux ans auparavant, Jean-Luc Germond, patron du Sébastopol, raccrochait son tablier après 46 ans d’une carrière qui l’avait vu officier au Flambard (deux étoiles dans les années 1980, liquidé en mars 1993) et au Restaurant de Jean-Paul et Ghislaine Arabian, autre deux étoiles lillois qui a fermé en 1992. à l’approche de la retraite, il a mis trois ans pour revendre son établissement… à un investisseur immobilier. « J’aurais aimé qu’un grand chef me succède, mais aucun repreneur sérieux ne s’est présenté ». De fait, le pari semble plus périlleux qu’autrefois. « Les années 1980 où les clients étaient prêts à débourser une centaine d’euros chacun sont révolues ». En sus, « le positionnement gastronomique impose aujourd’hui des moyens financiers qu’un débutant ne peut s’offrir avec, en prime, le risque de ne pas plaire, notamment aux guides », analyse Alexandre Gauthier, chef de la Grenouillère à La Madelaine-sous-Montreuil. Un contexte difficile qui n’entame pas l’enthousiasme des nouveaux cuistots. « En rivalisant d’inventivité à Lille, on confirme le potentiel de la ville en tant que carrefour entre Paris, Londres et Bruxelles ». >>>


Le Gabbro 3 questions à Simon Pagès et Matthieu Durand

L’offre bistronomique s’est bien développée à Lille ces cinq dernières années, comment l’expliquez-vous ? M. D. : Difficile à dire car, arrivés à Lille il y a huit ans, nous manquons de recul. Mais une dynamique est en marche, animée par une nouvelle génération de chefs créatifs, et dans un bon esprit. Cela dit, il ne faut pas oublier qu’il existait déjà de très bonnes tables dans la métropole lilloise, comme Le Goût du Jour, L’Atelier Gourmand, Le Carré des Sens ou Le Beau Jardin du Parc Barbieux, par exemple. La région est-elle un atout pour un chef ? S. P. : C’est une région riche, contrairement aux préjugés ! On y trouve des poissons formidables grâce à notre fournisseur Christophe Henry, du bœuf

© F. Lecocq

W

Simon Pagès, chef de 32 ans, et Matthieu Durand, sommelier de 27 ans, ont ouvert le Gabbro en août 2013. Coup de cœur du Gault & Millau en 2014, le Guide Michelin leur décernait en janvier un Bib Gourmand, récompensant une cuisine de qualité à prix modéré*.

et du cochon du Haut Pays, de très bons produits maraîchers, sans compter les nombreux fromages et les boulangers de qualité (Pitman et Brier). On parle souvent de la cuisine et un peu moins des vins... comment élaborez-vous votre carte ? M. D. : Je privilégie les vins que j’aime boire, épurés et sans trop de technicité, derrière lesquels le vigneron s’efface pour laisser parler le terroir. Il s’agit souvent d’élevages en biodynamie ou naturels, des Dard et Ribo par exemple. Pour favoriser les découvertes, je propose quatre rouges et autant de blancs au verre que je renouvelle chaque semaine. * Un Bib Gourmand distingue un menu ne dépassant pas 32 € en province et 38 € à Paris.

55 rue Saint André, Lille, lundi > vendredi, réservation indispensable au +33 (0)3 20 39 05 51


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« On assiste à l’arrivée d’une nouvelle génération de chefs proposant une cuisine inventive »

Parmi les précurseurs, on trouve Le Goût du Jour, créé rue de la Barre fin 2008, par le chef Jean-Louis Duchène et Laurent Chivorez. Ils proposent une bistronomie sophistiquée autour d’un menu surprise composé au retour du marché. Venus de Paris (17e) où ils ont exploité L’Abadache pendant six ans, Yann Piton et Emma Hauser ont eux ouvert le Sylmar, place Sébastopol, en mai 2011. Passé par L’Huîtrière, Yann Piton mitonne une cuisine maison et de saison, goûteuse et envoyée sans chichi. Sa femme Emma renoue, elle, avec ses origines anglaises en proposant notamment le meilleur fish&chips de la métropole, chaque samedi midi. L’effet Top Chef – Le passage de Florent Ladeyn à Top Chef en 2013 a vraiment boosté la scène lilloise. Finaliste, il perd à la surprise générale mais bénéficie d’un formidable élan de sympathie initié par deux fans qui lancent une collecte de fonds cumulant 15 000 €. De quoi l’aider à ouvrir, le 4 décembre 2013, son deuxième restaurant, Le Bloempot, rue des Bouchers dans le Vieux-Lille, avec son ami Kevin Rolland. On connaît la suite : le resto ne désemplit pas, et il n’est pas facile d’y trouver une table sans réserver longtemps à l’avance. Présent les mercredi et jeudi soirs, Florent a su s’entourer d’une jeune équipe qui prolonge les fondamentaux de sa cuisine de l’Auberge du Vert Mont, à Boeschepe, magnifiant les richesses du terroir et le respect des saisons. Dans la mouvance de Top Chef et du collectif « Mange, Lille ! », le Vieux-Lille a vu se développer un spot de bonnes adresses. Citons le Gabbro, le Pessoa et, en face, le Jaja (bar à vins), La Royale ou encore le Rouge Barre de Steven Ramon (demi-finaliste de Top Chef, saison 5). Sans oublier Maxime Schelstraete, chez Meert. Ailleurs, dans les quartiers République ou Lebas, Aux éphérites, La Consigne et le Triporteur complètent ce gourmand panorama. Tous se tiennent dans une fourchette de prix comprise entre 20 et 30 € le repas et se tirent la bourre (dans un bon esprit). Et ce n’est pas fini ! « Florent Ladeyn a des projets sous le coude », concède Marie-Laure Fréchet, la présidente de "Mange, Lille !". « Tous les professionnels du cru ou d’ailleurs se rendent compte du potentiel lillois, ça va bouger très prochainement », assure >>> Kevin Rolland. à suivre…


Bloempot Š Virginie Garnier


Garçon,

l'addition !

Clarance 32 Rue de la Barre, Lille +33 (0)3 59 36 35 59, www.clarancehotel.com

La Grenouillère 19 Rue de la Grenouillère, La Madelaine-sous-Montreuil +33 (0)3 21 06 07 22, www.lagrenouillere.fr

The Sylmar 2 Place Sébastopol, Lille +33 (0)3 20 57 14 39, www.thesylmar.com Le Bloempot 22 Rue des Bouchers, Lille www.bloempot.fr Auberge Du Vert Mont 1318 Rue du Mont Noir, Boeschepe www.vertmont.fr Pessoa 37 Rue Saint-André, Lille +33 (0)3 28 52 40 68, pessoa-lille.tumblr.com Jaja 36 Rue Saint-André, Lille +33 (0)3 20 51 83 73 La Royale 37 Rue Royale, Lille +33 (0)3 20 42 10 11, www.la-royale-lille.com Rouge Barre 50 Rue de la Halle, Lille +33 (0)3 20 67 08 84, rougebarre.fr Meert 27 rue Esquermoise, Lille +33 (0)3 20 57 93 93 23 rue de l’Espérance, Roubaix +33 (0)3 20 01 84 21 Galerie du Roi 7, Bruxelles +32 (0)2 503 29 44 www.meert.fr La Consigne 27 Boulevard Jean-Baptiste Lebas, Lille +33 (0)3 20 85 87 01, www.laconsigne.fr Le Triporteur 63 Boulevard Victor Hugo, Lille +33 (0)9 80 57 06 03

© A. Suergiu

Au Gout du Jour 22 Rue de la Barre, Lille +33 (0)3 20 51 23 45, www.augoutdujour.eu

Aux éphérites Fée maison Il a dû attendre six ans pour réunir les fonds suffisants pour créer son restaurant, à deux pas du Palais des beaux-arts de Lille, en mai 2014. Rodolphe Lefebvre, 32 ans, a surtout eu du nez en trouvant le chef qui compose la partition gourmande. Passé par l’étoilé Ô Saveurs de RouffiacTolosan, Alexandre Suergiu, 33 ans, reconnaissable à sa tignasse corbeau ébouriffée, fait preuve d’une imagination sans bornes. Addict du « terre-mer », dénicheur de produits rares qu’il sait rendre abordables (formule à 18 €), il excelle dans le fait-maison, de la terrine de gibier au foie gras, de la bresaola à la pasta, en hommage à sa famille sarde. Le duo associe sens du service (inspiré dans les vins) à une cuisine renouvelée et joyeuse. Celui-ci vient de s’enrichir de la pâtissière Annabelle Lévêque... encore une belle prise gastronomique ! 17 rue Nicolas Leblanc, Lille, lun > ven, +33 (0)9 81 31 55 24, www.auxepherites.com

Mickaël Braure © DR / La Royale © M. Braure / Jaja © Fred Challe / Steven Ramon © Rouge Barre / Meert © John Lelong


Les épicentriques Il hésitait entre les antiquités japonaises et les épices, et a finalement opté pour les secondes. Une reconversion osée, la cinquantaine venue, après une carrière de 18 ans dans la PAO. Suite à un licenciement économique, Jean-Paul Lafitte a donc créé sa boutique d’épices et de produits culinaires, dans les halles du marché de Wazemmes, en 2013. Baptisée Les épicentriques, elle s’adresse aux particuliers et fournit aussi les meilleures tables de la région. Grâce à un partenariat avec le « sourceur » belge, Rudy Smolarek, elle propose un riche assortiment de denrées aromatiques complété de toutes sortes d’huiles (Alexis Muñoz), vinaigres, cafés (l’Arbre à café), charcuteries (Bellota-Bellota) et autres douceurs (cacao Corallo, fruits confits, miels…). Une caverne d’Ali Baba qui s’enrichit au gré des découvertes de ce passionné. Et autant de produits rares qu’il est le seul à proposer dans la métropole lilloise.

© F. Lecocq

Halles de Wazemmes, Place de la nouvelle aventure, Lille, mar, mer, jeu : 9 h > 12 h, ven & sam : 9 h > 19 h, dim : 9 h > 14 h, +33 (0)3 61 97 16 27, lesepicentriques.blogspot.fr

Éric Delerue © Stal / Mange, Lille !

Épices and love

Mange, Lille ! Déjeuner sur l’herbe Inspiré par un équivalent bruxellois, le collectif « Mange, Lille ! » défend depuis fin 2013 le renouveau des tables lilloises et le dynamisme de leurs jeunes chefs. Localement, via des happenings culinaires avec une équipe à géométrie variable (Ladeyn, Pourcheresse, Ramon, Schelstraete, Rucheton, Delerue…) et à Paris à grands coups de lobby via sa présidente, la journaliste Marie-Laure Fréchet. Ce collectif a organisé une dizaine d’événements dans la capitale des Flandres, lors de Mons 2015, au Salon de l’agriculture… Mais le plus couru fut le grand pique-nique du parc Lebas à Lille, en septembre dernier (plus de 3 000 paniers repas servis). Quelles que soient les critiques, il faut reconnaître que le crew a réussi son pari. Il a revivifié la gastronomie régionale en tordant le cou aux clichés sur Ch’ti land, ses frites et son Maroilles ! Prochain rendez-vous : en septembre dans le centre de Lille ! à visiter / mangelille.com


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La Botike belge, 234 rue du Faubourg Saint-Martin, Paris Xe, facebook.com/labotikebelge mar : 16 h > 20 h, mer & ven : 11 h > 14 h 30, 16 h > 20 h, sam : 11 h > 20 h, dim : 10 h > 14 h


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La Botike belge La Belgitude des choses

Texte Marine Durand Photo Marine Durand / La Botike belge

L

a devanture est à la fois charmante et discrète, avec ses vitrines arquées surmontées de l’inscription « corsets » en doré fané. Nous voici devant l’ancienne corseterie Claverie. « Je passais devant tous les jours, se souvient Charlotte Smoos, installée à Paris depuis 15 ans. >>>

© Frederic Blondeel

Une enclave belge en plein 10e arrondissement parisien ? La Carolo Charlotte Smoos a osé, et ouvert en décembre la première « épicerie culturelle » dédiée au plat pays. Entre galerie d’art, comptoir gastronomique et boutique de créateurs, sa « Botike » (« petite échoppe » en wallon) attire déjà au-delà de la capitale.


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Quand j’ai vu que le commerce de prothèses qui s’y trouvait était en liquidation, j’ai eu envie de faire quelque chose pour sauvegarder ce lieu, et la mémoire ouvrière du quartier Louis Blanc ». Fière de ses racines, la scénographe ne tarde pas à trouver son concept : un cabinet de curiosités mettant en valeur les talents de son pays, soutenu commercialement par une épicerie. « C’était un défi, car il n’y a pas de lieu de ce genre à Paris. Mais j’ai pensé qu’un peu de folie belge serait bienvenue au milieu des conventions françaises ! ». La Belgique en bouteille Lait chocolaté Cécémel, cramique frais importé de Bruxelles, conserves

de carbonade ou de potjevleesch… Les marchandises exotiques s’alignent sur les étagères joliment désuètes de l’entrée. « Il y a les clients belges ou nordistes qui viennent chercher des produits de leur enfance, mais aussi des amateurs de belles choses, qui font fonctionner le bouche-àoreille ». Car la pièce adjacente, aux murs bleu nuit et à l’éclairage travaillé, accueille une sélection pointue d’œuvres d’art et de mobilier made in Belgium. Ce jour-là, les tableaux de François Jacob, rencontré sur les bancs des Beaux-Arts, côtoient les coiffes poétiques de Florence Coenraets, présentées sur une table chinée aux puces de la place du Jeu de balle, à Bruxelles. Un troisième


Le Pistolet espace, enfin, rassemble des livres dédiés à l’art belge et des Tintin ou Pierre Tombal glanés en vide-grenier. « Je fonctionne par trouvaille, au coup de cœur », indique Charlotte Smoos, qui réfléchit déjà à d’autres projets. Une formule déjeuner, prévue pour le printemps et comprenant chaque semaine deux recettes de pistolets préparées par un chef, et un évènement mensuel, mixant culture et gastronomie à l’heure de l’apéritif. « Une dégustation avec un chocolatier, un mini concert de jazz ou de musique de chambre… ». Après tout, pourquoi choisir entre nourriture du corps et de l’esprit ?

Rien de belliqueux ici : ce petit pain gonflé et fendu en son milieu s’achetait jadis pour une pistole, monnaie utilisée jusqu’au xixe siècle. Le secret d’un bon pistolet (avant de le garnir de fromage ou de charcuterie) ? Une mie moelleuse et une croûte croquante, comme l’assure l’un des boulangers et experts du genre, le bien nommé... Yves Guns !

Sauce Andalouse – vs – Dallas Mélange de mayo et de tomate relevé d’épices, la sauce andalouse est un hit chez les gourmets belges, mais inconnue en Andalousie… tout comme la sauce Dallas. Enfin, jusqu’à la sortie de Dikkenek, qui a boosté la carrière de cette douceur sucrée et piquante (« A dikkenek knows why » annonce le flacon...)

La Bière St-Feuillien Blonde ou brune ? Difficile de trancher. Ce n’est pas le bon Feuillien qui dira le contraire. Ce moine irlandais fut décapité dans la commune de Roeulx en 655. Une chapelle fut élevée en son nom, avant de devenir une abbaye au xiie siècle, où naquit ce breuvage fruité et épicé. Avec modération, hein ?

Le Cécémel Lait aromatisé avec différents (et mystérieux) cacaos, le Cécémel a été créé par des Hollandais et lancé en Belgique en 1949. Il s’appelait au départ Chocomel mais, le nom étant déjà pris, des lettres furent remplacées par des points (C.c.mel). Et fut donc baptisé comme il se prononçait.


Paul Fuentes Combinaison gagnante Texte Julien Damien & Anne Demange Photo Bold Balloon


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E

n fusionnant des images qui n’ont rien en commun, ce graphiste mexicain de 27 ans ré-enchante notre quotidien. Des ballons barbus et d’improbables mashups alimentaires : un tourne-citrons, un gâteau-serpent... S’agit-il de railler notre société hyper-consumériste ? « Un peu, oui, mais je veux surtout faire rire les gens et leur rappeler à quel point nous étions tous créatifs, enfants ». Visiblement, on a oublié de lui dire de ne pas jouer avec la nourriture quand il était petit... Tant mieux ! Pour réaliser ces drôles de combinaisons, Paul utilise des photos achetées sur des sites dédiés ou les prend lui-même. Généralement, deux clichés suffisent. Photoshop et son imagination débordante font le reste. On remarque aussi l’aspect très coloré de son travail. « Je m’inspire d’Andy Warhol et me sers beaucoup du pastel, un ton typiquement mexicain et dont se pare notre architecture ». Formé à la prestigieuse université d’Anàhuac, à Mexico City, Paul puise ses sujets dans la vie de tous les jours. « Je réponds aux blagues, aux dictons... et surtout à mon cercle d’amis : musiciens, artistes, écrivains ». Aux internautes aussi, qu’il régale de ses créations via les réseaux sociaux, en jonglant avec les calembours : Cheeskate, Sncake… « Il s’agit d’un jeu avec mes followers qui nourrit mon inventivité ». Eh oui, plus on est de fous, plus on mixe !

à visiter / www.paulfuentesdesign.com Retrouvez l’interview de Paul Fuentes sur lm-magazine.com


Sushi Drum


Lemon Dj


Cheeskate


Ice Cream Soldiers


Sncake


Octopus Ice Cream


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Christophe Le beau bazar

Propos recueillis par Rémi Boiteux Photo Lucie Bevilacqua

Avec ce 13e album, Les Vestiges du chaos – qui a failli s’appeler Moi tout craché –, Christophe a dû larguer ses dernières amarres. Le chanteur qui rassemble autant les fans de variétés que les adeptes des nouvelles sonorités renoue ici avec sa propre histoire. Et rencontre, enfin, le piano. Récit de la confection tumultueuse d’un chef-d’œuvre avec ce survivant revenu de tout, et en premier lieu de lui-même.

« J’ai tout craché

Comment est né Les Vestiges du chaos ? Je réalise un album sur 30 ans. de moi après avoir Je crée chaque jour et ne jette touché le fond » rien. Tout peut ressortir d’un coup comme ici, lorsque les idées s’emboîtent. Ce disque est donc un mélange de nouveautés et de choses anciennes. En même temps, ce fut le plus difficile à achever, j’ai été obligé de déclarer la guerre à beaucoup de gens. Mais c’est aussi celui dont je suis le plus fier. C’est moi. Il m’a appris à m’apprécier. Pourquoi celui-ci plus qu’un autre ? J’ai dû trouver ma route seul. J’ai failli arrêter, je m’étais brouillé avec toute l’équipe, j’en avais marre du showbiz, je voulais regagner ma maison à Tanger. Il a fallu que je reprenne confiance, que j’apprenne aux gens à me connaître et redonne une direction. >>>


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Concrètement, comment avez-vous travaillé ? Je suis un chineur plus qu’un chanteur. Mon truc, c’est la table de mixage, les effets. Ainsi, j’affiche ma couleur, ma différence. C’est difficile à expliquer car rien n’est formaté. Je ne travaille pas dans un studio mais chez moi, en tout petit comité. Je vis avec mes machines. Et avec le piano... Justement, vous vous êtes sérieusement mis au piano : qu’a-t-il changé ? Tout pour moi qui n’était en tout petit comité. pas pianiste. Maintenant Je vis avec mes machines. je suis libre. Je sais que je peux donner des concerts Et avec le piano... » seul au piano, pour moi c’est une embellie. Si je ne vends plus de disques je pourrais jouer dans les bars, débarquer dans un port et m’asseoir derrière les touches.

« Je travaille chez moi,

Ce piano est présent sur Lou qui évoque plusieurs facettes de votre carrière (Ce mec Lou, La dolce vita, Aline…) Après la cassure avec l’équipe, c’est la première chanson que j’ai réalisée. En quatre heures, la nuit, j’ai tout craché de moi après avoir touché le fond. Je n’étais pas loin de la dépression. Lou Reed est arrivé là-dessus par hasard, suite à un texte que j’avais écrit lors de ma dernière rencontre avec lui à l’Olympia. Claire Le Luhern et Muriel Teodori, qui a vécu ses derniers instants, ont participé à l’écriture. Continue-t-il de vous inspirer ? Bien sûr. Lou, Bowie, Elvis, je les écoute au quotidien. Comme Nick Cave, Thom Yorke, Trent Reznor. Les synthés dont je suis fier ici doivent beaucoup à Reznor. Penser à son travail m’aide à finir le collage, cela me donne des ailes. C’est un musicien tandis que moi je suis plutôt dans la trouvaille... Et qui retient votre attention du côté francophone ? J’aime Sébastien Tellier et des groupes décalés comme Sexy Sushi.


Booba aussi, c’est très large. Orties, le dernier De Palmas (La Beauté du geste)... Lui, depuis le début, j’ai pensé qu’il avait une dimension internationale. Je lui en ai parlé, il a rigolé. J’apprécie l’état d’esprit de Raphael, un vrai chineur lui aussi. J’aime les remixeurs. En ce moment, je commande des remixes qui ne sont exécutés que par des filles. Comment l’inspiration vous vient-elle encore ? Grâce à la technologie, aux nouveaux sons, je suis dans la libido. Et avec le piano je ne peux plus me perdre, je peux produire un album dans la nuit. J’adorerais ça, l’album d’une nuit. Dans une autre vie… à quoi peut-on s’attendre sur scène ? Il y aura du théâtre, je travaille avec le metteur en scène Jéremie Lippmann qui a monté La Vénus à la fourrure. Je prévois aussi des allers-retours, le groupe jouera rarement en même temps. Quelque chose de non formaté, de déconnant si j’ai envie, plutôt qu’un show à l’américaine. Vous avez une conception très cinématographique de votre art… En effet, je projette des images tout le temps. Pour cet album je regardais un film par nuit. J’ai été influencé par le cinéaste italien Silvano Agosti et je me sers de son D’Amore Si Vive dans E Justo. Pourtant, vous n’êtes pas intéressé par une carrière au cinéma... C’est vrai. Mais je vais peut-être apparaître dans le prochain film de Jean-Claude Brisseau (ndlr : Noce blanche, De bruit et de fureur), s’il accepte de réduire mes jours de tournage. Je l’aime beaucoup, Brisseau, c’est une sorte de Lou Reed du cinéma, non ?

à écouter / Les Vestiges du chaos (Capitol/Universal), Sortie le 08.04

26.05, Reims, La Cartonnerie, 20 h, 39 > 30 €, www.cartonnerie.fr 11.06, Lille, L’Aéronef, 20 h, 33 > 20 €, www.aeronef-spectacles.com


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Listen ! © DR

Futuroscope Le nouveau festival bruxellois Listen ! entend rassembler le public et les professionnels des musiques électroniques. Il scrute le futur avec tous les acteurs du genre et des artistes qui percent sur la scène mondiale. La présence de Fatima Yamaha dans le line-up répond parfaitement à ce cahier des charges. Porté par les organisateurs des soirées Libertine Supersport, ce festival est lancé sur de bons rails. Dans divers lieux de la capitale européenne dont le Square, centre des congrès au cœur de la ville, les nuits et les jours se suivent sans se ressembler. Foires aux disques, workshops, conférences et expositions visent un public de connaisseurs, ceux-là mêmes qui connaissent le rôle fondamental de l'album E2-E4 dans l’histoire des musiques électroniques, et que Manuel Göttsching joue ici en live. Incarnation du passé donc, mais pour mettre le futur en perspective. Notamment en la personne (masculine) de Fatima Yamaha qui a signé un album (Imaginary Lines, 2015) incluant quelques titres visionnaires. Ce DJ-producteur néerlandais a déjà marqué l’histoire des clubs. Sa singulière carrière démarre grâce à What’s A Girl To Do, sorti en 2004. Un titre qui fut d'abord joué de façon confidentielle au Pulp, avant de tourner dans les flight-cases de quelques DJs avisés. Dix ans plus tard, l’EP coûte une 14 > 16.04, Bruxelles, divers lieux, blinde sur Discogs, tandis que ce morceau listenfestival.eu reposant sur un sample de Lost in Translation Fatima Yamaha + Rick Shiver, Antidemeure le tube underground de 2015. à la lope, Akase Live, Midland // Dc Salas, Red D, Omar S, Kong // Bafana, San Soda, harvey faveur de la sortie de l'album, il a fait l'objet Sutherland Live, Sixsixsixties : 16.04, d'une réédition, bien placé devant un Love Bruxelles, Square, 22 h, 20 € Manuel Göttsching : 16.04, Bruxelles, Invaders à son tour très inspiré. Mathieu Dauchy Square, 20 h, 25 € (+ night : 22 h > 06 h)



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Last Grexit to Brooklyn Il y a à peine un an, on ne la connaissait pas. Quelques mois plus tard, son disque enchantait les oreilles averties. Troisième LP d'une Athénienne en forme olympique, Secret in the Dark constitua la bande-son de l'hiver – et du printemps naissant… C'est l'histoire d'une résurrection – ou presque. Aurait-on entendu parler de Mónika Christodoúlou, 30 ans, si elle n'avait pris un billet pour les studios Daptone Records, sis à Brooklyn ? Surtout, l'aurait-on entendu chanter si elle n'avait survécu à une quasi-noyade, quelques mois auparavant ? Cet accident de bateau au large de la Grèce lui a donné envie de prendre la vie à bras le corps. Si boire la tasse lui offrit un second souffle, elle n'était pas vraiment au creux de la vague. Simplement, la belle hellène avait sorti deux albums de pop folk très middle of the road (quoique rudement plaisants) et connaissait le succès dans son pays natal, la Grèce. Elle y tournait même à guichets fermés – normal : avec l'austérité, ceux-ci sont rarement ouverts. Bref, décidée à célébrer la vie plutôt que les petits états d'âmes souffreteux, l'ex-étudiante en mathématiques se réinvente en héroïne disco funk avec un talent certain et l'aide de homer Steinweiss et Thomas Brenneck, présents sur le fameux Back to Black (2006) d'Amy Winehouse. Mais rien à voir avec une diva soul de plus : sur scène, la guitare en bandoulière, Monika chante 06.04, Tourcoing, Le Grand Mix, 19 h, sans en faire trop, privilégiant l'énergie (ces 12 / 5 € (-18 ans) / gratuit abonnés lignes de basse…) à la performance vocale. 21.05, Bruxelles, Botanique, 19 h 30, Thibaut Allemand

19 > 13 € [Les nuits botanique]

© Eilon Paz

Monika



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© DR

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A Place to Bury Strangers Total Sonic Annihilation. Fuzz War. Supersonic Fuzz Gun. Le nom de code de diverses opérations militaires en Syrie ? Non : trois pédales d'effets conçues et utilisées par Oliver Ackermann, chanteur et guitariste de A Place to Bury Strangers. Depuis 13 ans, la formation de Brooklyn sème le fuzz, la disto et la réverb' sur ce bas-monde. Même si ces quatre albums ont une certaine tendance à la redite (on préférera toujours le premier, paru en 2007), ces œuvres ne sont que des prétextes à des concerts foudroyants où planent les ombres de The Jesus and Mary Chain, Loop ou Serena-Maneesh. Ce boucan de tous les diables est toujours divin. T.A. 04.04, Lille, L'Aéronef, 20 h, 15 > 5 €, www.aeronef-spectacles.com 05.04, Hasselt, Muziekodroom, 20 h, 17 / 14 €, www.muziekodroom.be

The Pharcyde

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The Pharcyde a beau débarquer de South Central, berceau des émeutes de Los Angeles en 1992, il n'en demeure pas moins pourvoyeur d'un hip-hop malin et bon esprit. Donc « loin des clichés du rap » comme disent ceux qui n'aiment pas cette musique ? Ben non. Aux clichés gangsta, ces De la Soul de la Côte Ouest, complices de Rick James et feu J Dilla, en proposent d'autres, plus finauds. Certes, du quatuor originel, ne restent plus que Bootie Brown et Imani. Pourtant, pas question de manquer Runnin' ou Drop en live. T.A. 04.04, Bruxelles, VK, 20 h, 23 / 20 €, www.vkconcerts.be



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Les Paradis musique

Concerts d'enfer

Artificiels

Dix éditions déjà que les Paradis Artificiels annoncent le printemps. On vous épargne l'historique (et les habituels jeux de mots vaseux sur Baudelaire ou Polnareff) car le refrain est bien connu. Et a fait ses preuves : un rendez-vous à la fois pointu et fédérateur. On se souvient, aussi, qu'on y a découvert Stromae ou Benjamin Clementine. En épluchant le programme, on a trouvé six nouvelles raisons d'aller tous au(x) Paradis (mince...).

Jain

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Robe noire, col claudine blanc, chignon… Sous ses airs de petite fille modèle se cache une pétillante jeune femme. Difficile de qualifier, à brûlepourpoint, le premier album de cette Toulousaine de 24 ans. Son Zanaka, produit par Yodelice, repose sur un élégant mariage de pop, electro, reggae et folk. Jain explique qu'il porte la marque de ses nombreux voyages (Afrique, Moyen-Orient...). Sur scène, elle s'affiche souvent seule avec ses instruments, ses machines et sa console. Une formule confortant un allègre butinage musical. A.D. Jain + Shake Shake Go + Camp Claude : 20.04, Lille, Le Splendid, 20 h, Complet ! [ Jain : 17.05, Bruxelles, Botanique, 19 h, 23 / 20 / 17 € ]


Difficile de ne pas s’imaginer dansant sous le soleil argentin à l'écoute des rythmes de La Yegros. Originaire de Buenos Aires, la « Shegross » s'est fait connaître il y a deux ans avec Viene de Mi. On y découvrait sa version de la cumbia, genre musical né en Colombie auquel elle associait folk et electro. Cette tournée printanière porte Magnetismo (sorti en mars 2016) sur scène, trouvant le parfait équilibre entre acoustique et machines. La flamboyante interprète délivre dans la foulée une sacrée dose de bonne humeur. Indispensable. A.D.

© DR

Bigflo et Oli + La Yegros : 19.04, Lille, L’Aéronef, 20 h, 25 €

© Valentin Le Cron

La Yegros

Yanis Vous souvenez-vous de Wake Up, qui avait révélé Sliimy, ses bouclettes, ses lunettes à grosses montures et sa pop truffée d’arcsen-ciel (un poil agaçante...) ? Le revoici rasé, tatoué et percé. Eh oui, fini les rêves d’adulescents bariolés. Le Stéphanois revient sous son vrai prénom, Yanis, avec un premier EP. L’Heure bleue traduit cette métamorphose avec une élégance rare. Une force tranquille qui se manifeste au détour de titres aériens, un cocktail house et R&B des plus délicats. L’artiste de 27 ans choie toujours l'aspect visuel de son œuvre, notamment ses clips (Hypnotized, où l'on aperçoit une Charlotte Le Bon déchaînée), passe même derrière la caméra (Crave). Si internet l'a déjà adoubé (plus d'un million de vues sur YouTube), on l'attend de pied ferme sur scène ! A.D. Yanis + Tim Dup : 22.04, Lille, La Péniche, 20 h, 12 €

Georgio

© Romain Rigal

Ne vous fiez pas à sa bouille d’ado un peu blasé. à 23 ans, Georgio sort du lot grâce à des textes taillés au cordeau et portés par un flow haletant. Repéré sur la scène underground en 2011 suite à une première mixtape ravageuse (Une nuit blanche pour des idées noires), le rappeur enchaîne depuis les projets, seul ou accompagné. Koma, Vald, Nekfeu… ils sont nombreux à s’être frottés à son verbe désabusé, magnifié sur un premier album, Bleu noir. à suivre donc. S.A. Vald + Georgio + charly nine : 21.04, Tourcoing, Le Grand Mix, 20 h, 25,30 € [ Georgio : 17.05, Bruxelles, Botanique, 19 h 30, 20 / 17 / 14 € ]

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Paradis LesArtificiels

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© Mélanie Bordas Aubiès

musique

FISHBACH

Teleman

Au sommet de son EP, un titre, Mortel, résonne de façon troublante le 13 novembre 2015, une semaine à peine après sa sortie. Étrange et magnifique, mélancolique et addictif, ce morceau réveille un passé recomposé et rêve une pop francophone en apesanteur. Au-delà de ce tube potentiel, l’Ardennaise dévoile une personnalité singulière et envoûtante, une écriture proche de celle de Christophe et beaucoup d’autres surprises electro-pop. La Péniche sera le lieu idéal pour les découvrir.

Né sur les cendres des éphémères Pete and The Pirates, Teleman a su séduire son monde pop avec Breakfast, un premier album qui maîtrise à merveille la formule magique : vocaux mélancoliques et orchestration pétillante. L’habillage synthpop sied à ses chansons comme une paire de gants élégamment tricotés, idéal pour ramasser des tubes en flocons. Brilliant Sanity creuse ainsi ce sillon, entre Pixies, Pet Shop Boys et Franz Ferdinand, avec une ossature encore plus solide qui promet de radieux moments en live. R.B.

R.B.

Teleman + Meilyr Jones : 19.04, Lille, La Péniche, 20 h, 13 € // [ Teleman : 17.04, Bruxelles, Botanique, 19 h 30, 14 / 11 / 8 € ]

Fishbach : 23.04, Lille, La Péniche, 20 h, 14 €

Programme 19 > 23.04, métropole lilloise, www.lesparadisartificiels.fr Bigflo et Oli + La Yegros : 19.04, Lille, L’Aéronef, 20 h, 25 € Teleman : 19.04, Lille, La Péniche, 20 h, 13 € Alice On The Roof + Kazy Lambist : 19.04, Tourcoing, Le Granx Mix, 20 h, 22 € Matt Simons + Chris Ayer : 20.04, Tourcoing, Le Grand Mix, 20 h, 19,80 €

Jain + Shake Shake Go + Camp Claude : 20.04, Lille, Le Splendid, 20 h, Complet !

Pertubator + Carpenter Brut + Benjamin Collier : 22.04, Tourcoing, Le Grand Mix, 20 h, 20,90 €

The Big Moon : 20.04, Lille, La Péniche, 13 €

Yanis + Tim Dup : 22.04, Lille, La Péniche, 20 h, 12 €

Loyle Carner : 21.04, Lille, La Péniche, 20 h, 13 €

Gramatik + Method Man & Redman + N’to + Alpha Wann + Maestro : 23.04, Lille, Zénith, 19 h 30, 37 €

Vald + Georgio + Charly Nine : 21.04, Tourcoing, Le Grand Mix, 20 h, 25,30 €

Fishbach : 23.04, Lille, La Péniche, 20 h, 14 €



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Babyfather

Le Caméléon Savant un peu fou, Roy Nnawuchi alias Dean Blunt (ex moitié de Hype Williams) sort enfin de l'ombre. Plus déterminé que jamais, il revient seul sous le nom de Babyfather avec un projet repoussant les limites du hip-hop. Roy Nnawuchi a toujours fait parler de lui... sans rien dévoiler. Au grand dam des journalistes qu’il berne lors d’improbables interviews. Racontant qu’il a discrètement rejoint Nation of Islam ou qu’il fut arrêté pour avoir volé des ratons laveurs morts à un taxidermiste ! La musique est à l'image du personnage. Depuis 2011, Roy bâtit une œuvre iconoclaste, fondée sur un savant mix dub, hip-hop et postpunk. Il enchaîne les projets solo tel le mélancolique The Narcissist II (2012), dont les plages trip-hop sont magnifiées par une guitare sèche aux accords douxamers. Blunt souffle encore le chaud et le froid, avec maestria, sur Black Metal (2014). Un album au titre trompeur et à la beauté fascinante, rappelant les premières livraisons de Tricky. Toujours, il bouscule les codes de la pop et l'usage des instruments traditionnels (guitare, basse, batterie) pour accoucher de quelques symphonies embrumées, où jaillit régulièrement la lumière. Mais nous voici en 2016 et le prodige anglais déboule avec le non moins décapant Meditation. Babyfather saute à pieds joints dans le grime (ce hip-hop poisseux dont la perfide Albion a le secret). Moins exalté, il en devient d'autant plus fiévreux et captivant. à la recherche du beat idéal, il soutient une colère franche. Car sans avoir l’air d’y toucher notre homme se confie enfin. à nous de 15.04, Gand, Vooruit, 20 h 30, 14 €, vooruit.be l’écouter. Sur scène en priorité. Sonia Abassi

© Richard Blackwood

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© Lee Jeffries

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Bachar Mar-Khalifé Enfant de la balle (son père Marcel est une légende de l'oud), Bachar Mar-Khalifé est aussi un exilé. Débarqué de son Liban natal à Nanterre à l'âge de six ans, il découvre le piano, puis les percussions. Élève au Conservatoire, il nourrit aussi une passion pour le Wu-Tang ou Michael Jackson. Le locataire du précieux label InFiné signe un troisième LP en forme de consécration. Bien entouré, le multi-instrumentiste (mélodica, clavecin, nay…) mêle avec maestria ballades nostalgiques libanaises, rythmes entêtants, échos reggae… Sur scène, ces chansons festives ou plus tristes prennent toute leur dimension – cathartique et chamanique. T.A. 22.04, Faches Thumesnil, Les Arcades, 20 h, 15 / 12 / 7 €, www.ville-fachesthumesnil.fr 21.05, Bruxelles, Grand Salon de Concert, 19 h 30, 19 > 13 €, botanique.be [Les Nuits Botanique]

© Christophe Acker

Miossec Miossec… « En Petit Ensemble ». Ça n'a l'air de rien, mais c'est important. Depuis septembre dernier, accompagné de trois musiciens (accordéon, violon, mandoline, guitare, orgue), le Brestois dévoile de nouvelles chansons dans l'intimité de petites salles. Et à tarif très, très raisonnable. L'occasion également de redécouvrir quelques standards (Le défroqué, Les bières aujourd'hui…) en attendant un nouvel et dixième album, Mammifères, le 27 mai prochain. T.A. 22.04, Arras, Le Pharos, 20 h 30, 7 / 5 / 2,50 / 1,50  €, www.arras.fr



DIIV

© Zachary Chick

Des drogues (dures), de l’indie-rock, du spleen et de la réverb’ à gogo… Bref, rien de nouveau sous le soleil. D’ailleurs ce groupe s’appelait au départ Dive, en hommage à un morceau de Nirvana (c'est dire) avant de changer de blaze à la demande d’un homonyme belge. Toutefois, malgré la référence appuyée à l’avant-garde d’hier (Sonic Youth, surtout) on se laisse volontiers happer par ce revival nineties à la fois speed et cotonneux. Quitte à ressortir les chemises à gros carreaux ? Faut quand même pas déconner. J.D. 07.04, Bruxelles, Botanique, Complet !

certs Csoén lection Ven 01.04 Anne Sila Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 38>28e At the Drive-In Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 34e

General Elektriks Beauvais, L'Ouvre-Boîte, 20h30, 18>13e Hippocampe Fou Annay-sous-Lens, Centre social, 20h30, 10>6e

Mer 06.04 Monika Tourcoing, Le Grand Mix, 19h, 12/5e/ gratuit (abonnés)

Nekfeu Lille, Le Zénith, 20h, 40>35e

Stephan Eicher Caudry, Théâtre, 20h30, 42>32e

Amérique(s) entre Nord et Sud, onl : D. Hindoyan / F. Tristano Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e

Tony Allen Lens, Le Colisée, 20h30, 10/7/5e

flashforward : Technasia + Fabrice Lig Charleroi, Rockerill, 22h, 10e

Hooverphonic Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 35e

UB 40 Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 34/31e

Dim 03.04

Jeu 07.04

Sam 02.04

Jérémie Ternoy Trio Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 17h, 7/4e

Toxic Waste + Burning Heads Lille, L'Aéronef, 19h, 22>10 e

Bojan Z et Julien Lourau… Lille, L'Aéronef, 18h, 18>5e

Amérique(s) entre Nord et Sud, onl : D. Hindoyan / F. Tristano Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e

Bertrand Belin Arras, Théâtre, 20h, 20>9e

Born Ruffians Lille, La Péniche, 18h, 17/16e

Fat Freddy's Drop + Mc Slave Lille, L'Aéronef, 20h, 26>14e

Lun 04.04

Marcus Miller Louvain, Het Depot, 20h, 29e

DJ Vadim feat Big Red Roubaix, Vélodrome, 20h, 15/12e Melody Gardot Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 73>40e

The Pharcyde + Aral & Sauzé Bruxelles, VK*, 19h30, 23/20e A place to Bury Strangers Lille, L'Aéronef, 20h, 15>5e

Mansfield Tya + Samba de la Muerte Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 14/9e


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Ven 08.04 Buzz Booster : Busta Flex Lille, Le Flow, 19h, gratuit Amérique(s) entre Nord et Sud, onl Dunkerque, Le Bateau-Feu, 20h, 15e Asian Dub Foundation Louvain, Het Depot, 20h, 24>18€

Sam 09.04 Giant Sand & Jason Lytle Bruxelles, Botanique/Orangerie, 19h30, 23>17e Kode9 + Darkstar Bruges, Concertgebouw, 22h45, 18>5e

Dim 10.04 Mami Chan & Pascal Moreau Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 17h, 4e Tricky Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 23>5e Damien Jurado Bruxelles, Botanique / Orangerie, 19h30, 20/17/14e

Jil Is Lucky + Tim Dup Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e

Lun 11.04 Tricky Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26/25e

Sam 16.04

Mar 12.04 Get Well Soon Bruxelles, Botanique/Orangerie, 19h30, 18/15/12e Scout Niblett Bruxelles, Beursschouwburg, 20h, 13/10e

JoeyStarr & Nathty Lille, L'Aéronef, 20h, 26>14e

Dim 17.04 Noel Gallagher Bruxelles, Forest National, 18h30, 41e The apartments + Udo und brigitte Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 18h, 7/4e

Jeu 14.04 Hooverphonic Anvers, De Roma, 20h30, 32>28e

Lun 18.04

Guts Bruxelles, VK*, 21h, 17/14e

Matias Aguayo Lille, La Péniche, 20h, 17/16e

Ven 15.04

Mar 19.04

Dope D.O.D Bruxelles, VK*, 19h30, 15/12e

Alice On The Roof Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e

Get Well Soon Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17>5e

Bigflo & Oli + La Yegros Lille, L'Aéronef, 20h, 25e Arno Amiens, Maison de la Culture, 20h30, 33>15e

Babyfather Gand, Vooruit, 20h30, 14e

Xiu Xiu

Festival More Music, 06 > 09.04, Bruges, Concertgebouw, www.moremusicfestival.be // Xiu Xiu, 09.04, 22 h 45, 18 / 15 €

© DR

Parmi les propositions du festival More Music (Pere Ubu, Kode9, Efterklang), on retient la plus intrigante : Xiu Xiu (prononcer « tchou-tchou ») qui reprend la musique de Twin Peaks (prononcer « touine pixe »). Vu le caractère emphatique et torturé de l’œuvre de Lynch, on n'est guère étonnés. Bruit blanc, drones, noise synthétique s'infiltrent dans les thèmes obsédants, jadis composés par Badalamenti. Cette reprise en main n'enlève rien à l'étrangeté des partitions originales. À déguster avec un bon café et une part de tarte aux cerises, évidemment. T.A.


Club Cheval

© Priscillia Saada

Première édition pour l'Opex Festival, qui fait honneur aux musiques « zélectroniques ». Quel est le moteur de ce line-up ? Les Lillois de Club Cheval, dont les cavalcades house et r’n'b leur ont déjà valu d'être comparés à Daft Punk outre-Atlantique ! Sam Tiba, Pantheros 666, Canblaster et Myd se sont rencontrés à la fac il y a un moment, mais viennent de sortir leur premier album : Discipline. Autant dire que ces poulains de Bromance (le label de Brodinski et Manu Barron) promettent un sacré rodéo. J.D. 08.04, Roubaix, La Condition Publique, 21h > 06 h, 34 €, www.laconditionpublique.com [Opex FestivaL]

Maissiat Lens, Médiathèque Robert Cousin, 20h30, 10>5e

Jeu 21.04 Hooverphonic Gand, Capitole, 20h, 49/29/34e Vald + Georgio Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 23>5e

Ven 22.04 Bachar Mar-Khalifé Faches Thumesnil, Les Arcades, 20h, 15>7e Yanis + Tim Dup Lille, La Péniche, 20h, 13/12e Alice On The Roof + Holy Two Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e

Deluxe Lille, L'Aéronef, 20h, 22>10e Rone Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 25e L'Eliogabalo Calais, Grand Théâtre, 20h30, 12/7/4€

La Grande Sophie Bruay-La-Buissière, Espace Cult. Grossemy, 20h, 20>10e

Dim 24.04 Festival Prog-résiste Soignies, Centre culturel, 12h, 58>30e Calexico + Gaby Moreno Lille, L'Aéronef, 18h, 26>14e

Lun 25.04 personne ici (Piers Faccini) Lille, Th. du Nord, 20h, 20/10e

Mar 26.04

Babx Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5e

Kink Bruxelles, Botanique/Orangerie, 19h30, 23/20/17e

Miossec + Cyril Arras, Le Pharos, 20h30, 7>1,50e

Aka Moon Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 15/10e

Deetron Lille, Le Magazine, 23h, 10e

Sam 23.04 Festival Prog-résiste Soignies, Ctre cult., 13h, 58>30e

Ven 29.04 Otis Taylor + Eric Bibb & J-J. Milteau + Big James… Calais, Centre culturel Gérard Philipe, 19h, 7e

Mer 27.04

Mansfield. Tya + Benoît Lizen Arlon, Campus de l'ULg, 20h, 16/13e Les Ogres de Barback + Cyril Arras, Casino, 20h30, 29/25e Sur les chemins de Patti Smith Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 14/8e Sarah Mc Coy Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 19h30, 8/6€

Sam 30.04 Danny Elfman’s Music from the films of Tim Burton Bruxelles, Palais 12, 20h, 85>49e General Lee Lille, L'Aéronef, 20h, 12>5e

Avenue Z + Wild Racoon Lille, L'Antre-2, 20h30, 8/5/1e

Imany Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 34>25e

Psykokondriak Lille, maison Folie Wazemmes, 21h, 5,50/3,50/2€

La Grande Sophie Oignies, Le Métaphone, 20h30, 20>14e



52 disques

Disque du mois

J Dilla The Diary (Mass Appeal Records / Differ-Ant)

Encore un album de J Dilla ! On peut dire que l'Américain est drôlement prolifique, avec six disques depuis 2006… date de sa mort. Inédits, compilations, etc. Les sorties posthumes furent en effet nombreuses et d’intérêt variable. Celle-ci tient la barre assez haut. Pour notre plus grand plaisir, on entend rapper l'artiste surtout connu pour ses talents de producteur. Souvenons-nous en effet que « Jay Dee » a largement contribué au succès de Common, A Tribe Called Quest, Busta Rhymes, Talib Kweli ou encore Erykah Badu. D'ailleurs, c'est Nas qui se charge de déterrer cet album enregistré en 2001 puis rangé au placard. Cette sortie constitue un instantané d’une période bénie du genre (le tournant des années 2000) maniant des thèmes bien connus (les diamants, la police, le quartier) et des hymnes old-school façon hip-hop de Détroit. C’est sur la seconde partie du disque qu’on retrouve la note plus personnelle de J Dilla, sa maîtrise de la production, son goût du jazz et des samples hétéroclites (puisés dans des classique soul autant que dans la new wave de Gary Numan pour Trucks). Son art atteint des sommets sur le dernier titre, très touchant : The Diary. Un sacré témoignage. Benjamin Leclerc

Boulevards Groove !

(Captured Tracks / Differ-Ant)

Hébergeant des artistes aussi divers que Mac DeMarco, Charlie Hilton ou Chris Cohen, rééditant The Monochrome Set comme The Cleaners From Venus, le label Captured Tracks est l'un des plus intéressants de la décennie. Il surprend à nouveau avec ce pas de côté vers le funk. Jamil Rashad, alias Boulevards, a fait ses armes dans le punk rock mais signe un disque placé sous les auspices de Rick James, Chic et Michael Jackson période Off the Wall (1979). On compte quelques tubes immédiats (Set the Tone, Up on your Love, Move and Shout ou Running Back). De quoi ravir le temps d'un EP, mais l'affaire tourne rapidement en rond et finit par lasser. N'empêche, cette incursion de Captured Tracks sur le terrain des musiques afro-américaines promet peut-être de beaux lendemains. Thibaut Allemand


Parquet Courts

Tim Hecker

Human Performance

Love Streams

(Rough Trade / Beggars)

(4AD / Beggars)

De doués continuateurs des Modern Lovers, le groupe de Brooklyn était devenu une machine à blagues pop, vrais-faux side-projects (Parkay Quarts) ou mini-albums tordus (Monastic Living). Le copieux Human Performance signe un sérieux retour aux affaires et surtout un saut en division supérieure. Entre assurance goguenarde et bord du gouffre, le chant d’Andrew Savage largue des bombes bien serrées, nonobstant les six minutes de One Man, No City qui font figure d’exception – en durée, pas en excellence. Ces 14 titres renvoient autant à Pavement ou Sebadoh qu’aux La’s ou à Costello. On y retrouve cette paradoxale tension détendue qui fait toute leur new-yorkaise différence. Plus que jamais sur cet album aux riffs évidents, assurément leur meilleur. R.B.

Avec des merveilles comme Music of the Air, préparezvous à être emportés par une vague ambient-noise irrésistible. Certes, le Canadien Tim Hecker est réputé pour ses titres pointus, et dire que les choses changent radicalement avec ce Love Streams précis et brumeux serait exagéré. Pourtant, il suffit de plonger dans ses nappes enveloppantes trouées d’accidents lumineux pour ressentir une émotion qui dépasse de loin la seule excitation expérimentale. Hecker s’est souvent appliqué à digresser sur les formules de précurseurs comme Fennesz ou Lopatin. En parcourant les terres du glitch comme une forme classique, il trouve ici sa propre voie, solennelle et fragile. D’une effarante beauté. Rémi Boiteux

Yeasayer Amen & Goodbye (Mute / Boogie Drugstore)

Comme Parquet Courts, un autre groupe de Brooklyn sort ce mois-ci un opus ambitieux. La comparaison s’arrête là car aux notes rêches et analogiques des premiers répondent ici les sons ultra-travaillés des bidouillages de studio. Les deux précédents Yeasayer ressemblaient à des uchronies pop (sur Odd Blood, ils posent cette question : « et si Toto ou Europe avaient été brillants ? »). Sous influences seventies et derrière la pochette façon Sgt Pepper, pas de formule immédiatement identifiable, cette fois. Plutôt une aspiration à l’œuvre totale, sans choisir entre Abbey Road, sommet beatlesien d’alors, et meta-Bee Gees du futur. Même s’ils restent d’éternels seconds couteaux, leur écriture, qui rassemble ambition formelle et goût de l’efficacité, les rend précieux. Rémi Boiteux


Livre du mois

Carl Wilson Let’s Talk About Love - Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût (Le Mot & Le Reste)

La collection 33 1/3 réunit des essais consacrés à quelques albums phares de la pop moderne (des Kinks à Aphex Twin, des Smiths à Danger Mouse). Au milieu de cet étalage de bon goût, Carl Wilson signait, en 2007, Let’s Talk About Love, et se penchait sur… Céline Dion. Eh oui. Coming-out ou provocation ? Ni l’un ni l’autre. En fait, le critique se demande pourquoi il hait Céline Dion, pourquoi la plupart des critiques « sérieux » la détestent également, et pourquoi autant de gens l’admirent. Pour ce faire, il questionne ses goûts, ses préjugés et mène une véritable enquête sur la musique et le parcours de la Canadienne hystérique. Au point de nous la faire apprécier ? Faut pas déconner. En revanche, s’appuyant sur l’œuvre de Pierre Bourdieu (La Distinction en tête), Wilson démontre que rien n’est inné ou naturel dans ce que l’on adore et ce que l’on abhorre. Tout est affaire de construction, de reconnaissance, d’ego – et varie évidemment d’une classe sociale à l’autre. Outre-Atlantique, ce livre érudit et drôle fit presque autant de bruit qu’une vocalise de la Québécoise. En témoignent, dans cette édition française, des textes signés de quelques grands noms – dont l’écrivain Nick Hornby, le comédien James Franco, le musicien Owen Pallett ou l’ex-Nirvana Krist Novoselic – enrichissant les débats. 320 p., 23 €. Thibaut Allemand

Alberto Madrigal et Mathilde Ramadier Berlin 2.0 (Futuropolis)

Margot, 23 ans, débarque à Berlin, dont elle ne connaissait que les bons côtés (fêtes et vie sans stress). Cherchant un emploi, elle ne trouve que des « minijobs », précaires et sous-payés, mis en place par Gerhard Schröder (dont s’inspire le gouvernement socialiste français actuel…). Un peu lisse, le trait de Madrigal se met au service du propos très (trop) pédagogue de l’auteure. Partageant sa révolte face à cette précarisation générale acceptée par des Allemands résignés, on s’attache finalement davantage aux détails du quotidien (soirées en chaussettes, mélanges vin blanc-limonade…). Contraints par le one-shot, les auteurs n’approfondissent pas les nombreuses questions soulevées par une telle situation, et déroulent un exposé sans relief. Dommage. 96 p., 18 €. Thibaut Allemand


55 livres

Jonathan Evison Les Fondamentaux de l’aide à la personne revus et corrigés (Monsieur Toussaint Louverture)

Jadis père de famille, Benjamin Benjamin a tout perdu suite à un accident qui a tué ses deux enfants. Sans emploi, harcelé par son ex-femme qui demande le divorce et incapable de surmonter ce deuil, il devient auxiliaire de vie, plus par nécessité que vocation. Le voilà en charge de Trevor, un ado cloué par la maladie dans un fauteuil roulant, mais à l’esprit drôlement vif. Le début d’une amitié détonante et d’un road-trip farfelu en minibus qui vont leur redonner goût à la vie… Quelque part entre Little Miss Sunshine et Alabama Monroe, Jonathan Evison nous montre avec une infinie tendresse et un humour redoutable que l’espoir se niche partout, y compris dans les endroits les plus sombres de la tragédie. Une lecture fondamentale. 352 p., 20 €. J.D.

Olivier Bourdeaut En attendant Bojangles (Finitude)

Georges et Louise s’aiment follement. Au sens littéral du terme. Fuyant comme la peste l’ennui, ils font de leur vie une fête perpétuelle. Lui l’appelle d’un prénom différent chaque jour, elle adopte pour animal de compagnie une grue de Numidie, qui les regarde virevolter sur Mr Bojangles, la chanson mélancolique de Nina Simone... Sans se soucier des factures ni de la démence qui guette la (trop) fantasque Louise. « Cette musique était comme Maman, note le jeune narrateur. Triste et gaie à la fois ». à l’image de ce roman. Car, comme toutes les histoires d’amour, celle-ci finira mal. Raconté par la candide voix du petit garçon du couple, ce récit n’en demeure que plus touchant. Il nous prouve que les bons sentiments accouchent parfois de jolis livres. 160 p., 15,50 €. Julien Damien

One & Yusuke Murata One Punch Man Tomes 1 et 2 (Kurokawa)

Imaginez-vous si puissant que, d’un simple coup, vous terrassiez votre ennemi. Le rêve ? Pas pour Saitama, chômeur devenu héros à la frappe fatale à force d’entraînement ! Né en 2009 de l’imagination fantasque de l’anonyme One et dessiné par Yusuke Murata, l’homme au poing dévastateur est un personnage auquel on s’attache, vanne après vanne. Car c’est là que réside la force de ce manga culte au graphisme très fin. Ce crâne d’œuf lassé de ne pouvoir trouver d’adversaire à sa taille brille par un humour pince-sans-rire ! On regrette toutefois que les jeux de mots originaux soient malmenés par la traduction française. Que voulez-vous, tout le monde ne peut pas être aussi balèze que ce « type qui joue les super-héros pour passer le temps » ! Tome 1 : 192 p., 6,80 € // Tome 2 : 208 p., 6,80 €. Sonia Abassi


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© Jean-Luc Loyer (Détail)

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Littérature

Salon du Livre d’Arras

Des gifles et des lettres Démocratie qui vacille, replis communautaires, fermeture des frontières... quelle époque formidable ! Enfin, surtout pour nos auteurs contemporains, qui en tirent matière à réflexion. L’association Colères du Présent restitue ce bouillonnement d’idées via trois grands thèmes, une myriade de débats et, surtout, de très bons livres. La démocratie ne fonctionne plus ? Eh bien imaginons en une autre ! Voilà le premier thème de cette 15e édition du Salon du Livre d’Arras. Pour l’illustrer, des figures de Podemos montrent comment « convertir l’indignation en changement politique ». Indignés, on l’est un peu en lisant Etienne Davodeau et Benoît Collombat. Dans leur BD, Cher pays de notre enfance, ils nous emmènent dans l’arrière-boutique de la ve République (l’assassinat du juge Renaud, les barbouzes du service d’action civique de De Gaulle...). Quand il s’agit de saler quelques plaies ouvertes, on peut aussi compter sur Eva Joly, qui présente un essai très critique contre l’Europe. Bref, autant de sujets politiques et iconoclastes – « mais pas partisans ». Tenez : la fabrique des sans-papiers. Eh oui, ils sont bien utiles ces pauvres hères ! Sous-payés, non-déclarés, ils font les beaux jours de patrons du BTP, comme le dénonce Claire Braud dans Chantier interdit au public. Question délires contemporains, on s’interroge enfin sur la pertinence de notre mode de consommation. Jean-Luc Loyer et Xavier Bétaucourt évoquent dans Le grand A la genèse du 01.05, Arras, Grand’Place, 10 h > 19 h, gratuit, plus grand Auchan de France, à Noyelles-Godault. www.coleresdupresent.com Un nouveau monde à lui seul. Celui de demain ? J.D.



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Kyan Khojandi Bref, il a le premier rôle Propos recueillis par Julien Damien Photo SND

Après de discrètes apparitions chez Klapisch ou les Suricates, Kyan Khojandi décroche enfin son premier grand rôle au cinéma. Dans Rosalie Blum de Julien Rappeneau, adapté d’une BD de Camille Jourdy, il incarne Vincent Machot, un coiffeur qui a hérité du salon de son père, coincé dans une existence étriquée et étouffé par sa mère (Anémone). Un jour, il se met à suivre une mystérieuse femme (Noémie Lvovsky), persuadé de l’avoir déjà rencontrée. Le voilà lancé dans une enquête qui va bouleverser sa vie… Et dans un registre tendre et candide, bien loin des programmes qu’il produit comme Bref ou Bloqués. Entre deux vannes, Kyan nous parle aussi de ses pulsions, dont il a tiré un surprenant one-man-show. Entretien avec un type très occupé.


Attendiez-vous depuis longtemps ce « premier premier rôle » au cinéma ? Non, parce que je n’ai pas vraiment de plan de carrière, mais je cherchais une bonne histoire et Rosalie Blum en est une. C’est un film bien ficelé, loin des clichés... une vraie bulle d’air. Qu’est-ce qui vous a séduit dans cette histoire ? J’ai été très touché par ce personnage. étrangement, il me ressemble beaucoup à une période où je tenais le magasin de tapis de mon père – d’ailleurs, si vous en cherchez un n’hésitez pas ! – où j’avais une copine qui n’était pas vraiment ma copine… Mais je sentais que quelque-chose d’autre m’attendait. Moi, je n’ai pas rencontré Rosalie Blum comme Vincent Machot, mais le théâtre. Comment présenteriez-vous ce film ? C’est un thriller avec des gens qui cherchent à sortir du train-train quotidien. Cette histoire devrait résonner en vous si vous sentez que votre vie n’est pas celle que vous avez choisie. L’ensemble est remarquablement écrit, on ne donne pas de leçon, c’est très pur. >>>


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Comment avez-vous composé ce rôle ? Je me suis entraîné en Alaska en courant dans la neige tous les jours… j’adorerais dire ça un jour en interview (rires). Non, comme je le disais ce personnage est très proche de moi. On peut penser que j’ai une vie très active, comique, mais en réalité j’aime rester chez moi, je suis très contemplatif, comme Vincent Machot qui préfère vivre dans sa bulle sans déranger les gens...

« En revenant sur les planches, je n’avais pas

Qu’en est-il de votre spectacle, Pulsions, dans lequel vous parlez aussi beaucoup de vous ?

Je l’ai testé et écrit avec le public grâce auquel j’ai pu essayer plein envie de raconter de de choses. J’ai commencé ma tournée à Bruxelles il y a quatre vieilles blagues » mois car c’est un endroit qui donne énormément confiance. En fait j’ai suivi les conseils de Jamel qui m’a dit : « va dans le Nord, en Belgique, à Liège, à Bruxelles... tu verras les gens vont te donner des ailes ». C’est le cas. Quel est le sujet de ce stand-up ? à travers ma série Bref j’ai bien exploré l’intimité d’un jeune trentenaire… Ici, je voulais aller plus loin en évoquant un truc assez tabou : les pulsions, et comment apprendre à vivre avec. De quelles pulsions s’agit-il ? Sexuelles, de violence, de faim… tout ce qu’on essaie de réfréner chaque jour. Ces pulsions perturbent notre volonté d’être des gens parfaits et c’est très intéressant à exploiter d’un point de vue comique. Quel est votre rapport à la scène ? C’est là que j’ai commencé il y a dix ans. Ensuite j’ai réalisé ma série et mis mon spectacle de côté. En revenant sur les planches, je n’avais pas envie de raconter de vieilles blagues mais des choses plus profondes. Durant 1 h 20, je livre des histoires très personnelles. C’est un exercice très exigeant et c’est pourquoi j’ai testé ce spectacle en Rosalie Blum public. Chaque blague a été réécrite De Julien Rappeneau, avec Kyan Khojandi, Noémie Lvovsky, Alice Isaaz... En salle et améliorée… C’est un retour à la Pulsions simplicité totale. Jusqu’au 30.04, Paris, L’Européen // 15.11,

Bruxelles, W:Halll // 03.12, Lille, le Splendid



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Les Ardennes

Frères de sang Texte Julien Collinet Photo Diaphana

Pour son premier long-métrage, le jeune réalisateur Robin Pront, 29 ans, signe un thriller sombre et suffocant sur fond de misère sociale. Une démonstration supplémentaire de la bonne santé du cinéma flamand, qui s’exporte au-delà de la frontière linguistique.

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erchem, quartier déshérité d’Anvers. Kenneth, un colosse psychopathe, sort d’un long séjour en prison suite à un cambriolage foireux. Son jeune frère Dave tente de le remettre dans le droit chemin, tout en lui cachant sa liaison avec son ex petite-amie, Sylvie (Veerle Baetens, héroïne d’Alabama Monroe). L’instabilité de l’ancien taulard, désormais employé dans un car-wash poisseux, entraînera la fratrie dans un road trip aux tréfonds des Ardennes belges...


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Barakis sauce flamande – À l’image de Bullhead, autre réussite du cinéma flamand, D’Ardennen (Les Ardennes) tisse son intrigue au sein des décors industriels du plat pays, dans une esthétique lugubre où l’image révèle une composition chirurgicale. Robin Pront a travaillé trois longues années sur un scénario où se côtoient des personnages malsains aux vies brisées, davantage adeptes des salles de musculation et des discothèques malfamées que des cafés-concepts raffinés des cités flamandes. Rythmé par une bande originale composée de classiques de la « trance » belge des années 1990, le film tient en haleine le spectateur jusqu’au générique. Difficile de ne pas penser au Fargo des frères Coen, pour lesquels le cinéaste ne cache d’ailleurs pas son admiration. Véritable succès dans le nord du pays, D’Ardennen y a largement passé le cap des 150 000 entrées. Il est déjà promis à une distribution De Robin Pront, avec Jeroen Perceval, outre-Atlantique où il fera même Kevin Janssens, Veerle Baetens... l’objet... d’un remake. Sortie le 13.04


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L’Académie des muses

C’est l’amour Mis à l’honneur en 2012 par le Centre Pompidou, José Luis Guerin est encore trop méconnu. Son œuvre, entamée il y a trois décennies, compte pourtant parmi les plus délicates du cinéma contemporain. Variation sur le sentiment amoureux et le langage, L’Académie des muses en offre une nouvelle fois la preuve. Guerin n’a jamais eu le goût des frontières trop étanches. Notamment celle qui sépare la fiction du documentaire. Qu’est-ce qui est « réel » dans L’Académie des muses ? La fonction de chacun, sans doute. On rencontre ainsi un professeur de philologie, son épouse elle-même philologue, et des étudiant(e)s. Ensemble, ils discutent de Béatrice et Dante, d’Eurydice et Orphée, de Guenièvre et Lancelot. Conversations érudites, certes, mais dont ne sont jamais exclus les sentiments. Car l’enjeu est bien existentiel : qu’est-ce qu’une muse aujourd’hui ? Comment dire l’amour revient (ou non) à le faire ? Comédie de l’amour et du savoir, L’Académie des muses traverse a priori des terres bien arpentées, notamment par Rohmer. Mais ce qui frappe, c’est la manière dont Guerin ouvre le petit théâtre de l’intime à tout ce qui l’entoure. En sortant de l’amphithéâtre, d’abord, pour aller par exemple écouter le chant des bergers sardes (superbe séquence). Ou encore en jouant des reflets. Les visages se confondent ainsi avec les paysages qui les entourent, les pénètrent, les colorent. Les variations « climatiques » se font peu à peu le relais des affects. Simple, la mise en De José Luis Guerin, avec Raffaele scène s’avère encore le meilleur chemin vers la Pinto, Emanuela Forgetta, Rosa Delor Muns... Sortie le 13.04 grâce. Et l’amour. Raphaël Nieuwjaer

© Los film de Orfeo

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© New Story

Taklub

Après le déluge En novembre 2013, le typhon Haiyan dévaste une partie des côtes philippines. La ville de Tacloban voit périr dix milles de ses habitants. Un an plus tard, les êtres et les paysages sont encore bouleversés. C’est ce que saisit avec pudeur et détermination Brillante Mendoza dans son 13e long-métrage. Des cabanes éventrées, des arbres arrachés, des bateaux échoués. L’image est presque familière depuis que les catastrophes sont retransmises en direct à la télévision. Le typhon est pourtant loin au moment où la caméra de Brillante Mendoza parcourt ce bord de mer. C’est la principale force de Taklub : il ne cherche pas à reconstituer l’événement. Ni à se situer trop près de la plaie. Celle-ci est de fait encore vive. Dans ce récit éclaté, chacun essaie de survivre alors que la tragédie semble ne jamais devoir s’arrêter. Avec plus ou moins de subtilité, le cinéaste philippin a toujours tenu à se frotter à la réalité sociale et politique de son pays. Dans John John (2007), il abordait la question de l’adoption, alors que Captive (2012) s’attachait au problème des indépendantistes musulmans. Taklub montre une administration défaillante, incapable d’aider les habitants. Mais ce qui semble porter Mendoza, ce sont les manières dont les individus font face au deuil, et comment ils tentent de recomposer une communauté. D’où l’importance qu’il accorde aux scènes de repas ou de chant. C’est parfois un peu sulpicien, mais n’entame qu’à peine la De Brillante Mendoza, puissance de ce film empli d’une infinie compassion avec Nora Aunor, Julio Diaz, Aaron Rivera... pour ses personnages. Et les morts. Raphaël Nieuwjaer En salle



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Amedeo Modigliani, l’œil intérieur Un autre regard Texte Madeleine Bourgois & Julien Damien Photo Nicolas Pattou

120 œuvres, trois ans de travail, 150 000 visiteurs attendus… L’exposition Amedeo Modigliani, l’œil intérieur marque déjà l’histoire du LaM, qui possède l’une des plus belles collections publiques de l’artiste. Au-delà du phénomène, cette rétrospective éclaire de manière inédite l’œuvre d’un grand portraitiste du xxe siècle.

M

onter une rétrospective consacrée à Modigliani constitue un vrai défi. L’artiste, né en Italie en 1884, a eu une existence brève : il s’éteint à Paris à 35 ans. De plus, il a peu écrit et de son vivant n’a guère attiré le regard des critiques, à la différence par exemple d’un Picasso. Résultat, « c’est un artiste adulé par le public, mais à propos duquel on manque de sources, de choses concrètes », explique Marie-Amélie Senot, l’une des commissaires de l’exposition. Il a donc fallu trouver des témoignages, notamment des marchands d’arts, des collectionneurs… Une traque comme les aiment les historiens d’art. Avec un objectif : dépasser l’image d’un génie détruit par l’alcool et la maladie, pour se concentrer sur sa démarche artistique qui échappe aux courants de l’époque, ni cubiste, ni fauviste. La métamorphose –­ S’appuyant sur une centaine d’œuvres issues du monde entier, et 14 autres de son fonds propre, le LaM a réussi son pari. Composée de trois parties, cette visite s’avère en effet riche en surprises. Première d’entre elles : Modigliani se rêvait sculpteur. En témoignent les visages en marbre exposés (déjà, cette obsession pour les portraits) qui reflètent l’éclectisme de ses influences, de l’Asie à l’Egypte antique. L’Italien étanche cette soif de découvertes en arpentant les musées parisiens. Au moment où éclate la Première Guerre mondiale, >>>


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Modigliani abandonne finalement la sculpture pour les pinceaux. Problèmes de santé ? Raisons financières ? On l’ignore… Quoi qu’il en soit c’est à cette époque qu’il affirme son style inimitable. Grands yeux sans pupille en forme d’amande, visages ovales légèrement penchés, longs cous... à Paris, il croque ceux qui l’entourent, anonymes ou artistes. Au détour d’une salle, le LaM expose cette vie de bohème où Picasso côtoie Soutine.

© N. Dewitte

En marge – Plus loin, on découvre le Portrait de l’artiste en costume de Pierrot. Un œil plein, un autre vide, qui regarde en soi : c’est le fameux « œil intérieur » qui donne son nom à l’exposition. « Il nous semblait indispensable d’obtenir cette œuvre, précise la commissaire, car Modigliani a peint très peu d’autoportraits. Ici il se représente en costume, comme un personnage en marge de la société ». La dernière partie insiste sur la fin de la vie de l’artiste, sa rencontre avec le collectionneur Roger Dutilleul, dont une partie du fonds appartient aujourd’hui au LaM (voir ci-contre). Sa santé déclinant, il séjourne dans le Sud. Ses toiles, dans les tons pastel, rappellent alors les portraits de Paul Cézanne. Le peintre nous fait ses adieux avec cette Jeune fille brune, assise au teint de porcelaine. On quitte alors le musée, habité par ces visages mélancoliques qui semblent nous regarder Jusqu’au 05.06, Villeneuve d’Ascq, LaM, avec bienveillance. Le mystère plane encore mar > ven : 11 h > 18 h, sam & dim : sur l’art de Modigliani... Et tant mieux. M.B. 10 h > 18 h, 10 / 7 €, www.musee-lam.fr

En aparté

Jeanne-Bathilde Lacourt Conservatrice en charge de l’art moderne au LaM Propos recueillis par Julien Damien

Que dévoile cette exposition ? On croit connaître Modigliani mais en y regardant de près on découvre une œuvre très diversifiée : il a fait de la sculpture, vécu une phase d’expérimentation picturale dans les années 1915-16... Il a mis des années à forger son style si reconnaissable. Derrière une apparente simplicité, on veut aussi montrer que son art est très intellectuel et cultivé. Modigliani a beaucoup étudié l’art extra-occidental, ancien et celui de ses contemporains. Qu’est-ce-qui caractérise son style ? Le travail de la ligne et, finalement, une forme de synthèse. Il ne pratique pas la


Amedeo Modigliani, Portrait de Roger Dutilleul, juin 1919. Huile sur toile 100,4 x 64,7 cm. Collection particulière, États-Unis. Photo : Sotheby’s / Art Digital Studio

Amedeo Modigliani, Chaïm Soutine, 1915. Huile sur toile, 36 x 27,5cm. Staatsgalerie, Stuttgart. Photo : Staatsgalerie, Stuttgart

déconstruction puis la reconstruction des volumes comme Picasso à cette même époque, à travers le cubisme. Il cultive quelque-chose de plus organique, fluide, en quête d’harmonie.

beauté idéale, universelle, synthétique. Il souhaitait rassembler toutes les cultures, les religions, les civilisations en une seule image : une œuvre de Modigliani.

Quelle a été son évolution ? Il a commencé par la peinture, observant ce qui se passait à Paris. Ses premiers tableaux portent les traces du Picasso de la période bleue, de Lautrec... Puis en 1909-1910, il se lance dans la sculpture, en réalise une petite trentaine mais surtout des centaines de dessins, des esquisses… Il est obsédé par ce moyen d’expression, avait l’ambition de dédier un temple à l’humanité, cherchant une

En quoi a-t-il renouvelé l’art du portrait ? Il essaie de réconcilier l’irréconciliable : une forme de beauté universelle (qu’il poursuivait à travers la sculpture) avec l’individualité du modèle qu’il peint. Pour cela il expérimente beaucoup, surtout à travers les portraits d’artistes, comme s’il se confrontait à eux pour innover.

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Huile sur toile, 92 x 67,5 cm. Donation Geneviève et Jean Masurel. LaM, Villeneuve d’Ascq. Photo : Philip Bernard

entées Œuvres comm ilde Lacourt par Jeanne-Bath

Nu assis à la chemise (1917) On retrouve dans ce tableau l’inspiration de l’art africain : cette ligne continue entre le haut de l’œil et l’arête du nez, des yeux très noirs, comme les trous d’un masque et enfin la chevelure. Pour créer ces stries propres aux coiffes de ces effigies, Modigliani a retourné son pinceau, creusant ainsi la peinture avec le manche.


Tête de femme (1913) Modigliani a surtout taillé la pierre mais, en 1913, il a séjourné à Carrare, ville italienne réputée pour ses carrières de marbre. Voici la seule sculpture réalisée dans ce matériau qu’on ait conservée de lui. C’est une œuvre qui semble inachevée. Il ne s’intéresse qu’à une face, laissant les trois autres à peine esquissées. A-t-il abandonné en cours de route ? Cet élément devait-il rejoindre un ensemble plus vaste ? On l’ignore. Mais on remarque le traitement du visage, cette forme ovale très similaire aux idoles cycladiques qu’il a pu admirer au Louvre. On note aussi l’arête du nez, très géométrique, également visible dans les masques africains. Et puis la forme des yeux en amande et sans pupille, propre à son style et inspiré donc, peutêtre, par l’art des Cyclades.

à la fin de la guerre Modigliani s’installe à Nice. Il y retrouve toute une communauté artistique : Renoir, Matisse et Survage, dont il peint le portrait. Celui-ci est typique de cette époque avec un cadrage très cézannien, quoique plus serré, d’habitude on voit les mains du personnage posées sur les genoux. On note les épaules tombantes, le cou allongé, les arcades sourcilières et le nez qui se rejoignent... Mais le plus intéressant ici ce sont les yeux. L’un avec une pupille, l’autre sans. Modigliani expliquera à un Survage interloqué : «avec l’un de tes yeux, tu regardes le monde extérieur et avec l’autre tu regardes en toi». Une dimension spirituelle propre à ses portraits et, peut-être, à sa vision de l’artiste dont le rôle serait de porter ce double regard sur le monde.

Ateneum Art Museum. Helsinky, Finnish National Gallery. Photo : Nicolas Pattou

Marbre, 50,8 x 15,5 x 23,5 cm. Dépôt du Centre Pompidou, Musée national d’art moderne, Paris, au LaM, Villeneuve d’Ascq. Photo : Philip Bernard

Portrait de l’artiste Léopold Survage (1918)


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Premiers vidéastes

Retour sur image

Terry Fox, Virtual volume, 1970 Photo : Barry Klinger Estate of Terry Fox, Cologne

exposition

En marge du festival Via, l’exposition Premiers vidéastes s’intéresse, non pas aux nouvelles tendances des arts numériques, mais à ses débuts. Le BAM met ainsi à l’honneur deux pionniers de l’utilisation de la vidéo : Bill Viola et Terry Fox, décédé en 2008, et qui bénéficie là d’un éclairage inédit en Belgique. Voilà deux artistes différents, mais qui partagent un point commun : « ils sont les premiers à avoir élevé la vidéo au rang d’art », explique Xavier Roland, le directeur du pôle muséal de Mons. L’accrochage montre comment ces Américains se sont appropriés ce média au début des années 1970, pour en faire chacun un usage très singulier. Terry Fox, pionner de l’art conceptuel, s’en servait pour garder des traces de son travail, très sensitif et par essence éphémère. En effet, « il employait son corps comme un outil pour des performances ou installations qu’il nommait des « situations », éclaire la commissaire de l’exposition, Nikola Doll. Celles-ci pouvaient se produire dans la rue, son studio ou une galerie. Il utilisait aussi des matériaux simples : de la poussière, des cuillères.… ». De son côté, Bill Viola exploite les technologies pour créer des œuvres immersives. « Elles prennent littéralement le visiteur en otage, les plongeant dans l’image ». Démontrant ainsi « son pouvoir ». Voici un aspect essentiel de ce parcours. « La vidéo fait aujourd’hui partie de notre quotidien : tout le monde en prend, indique Xavier Roland. C’est notre rôle de la replacer dans une perspective historique, en nous intéressant Jusqu’au 12.06, Mons, BAM, mar > dim : aux fondateurs du genre ». Julien Damien 10 h > 18 h, 9 / 6 €, www.bam.mons.be



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Banquet © Cabinet de Fumisterie Appliquée

Horizon 2050 Que mangerons-nous dans le futur ? Le Cabinet de Fumisterie Appliquée met les pieds dans le plat. Entre installation et performance, hypothèse scientifique et scénario catastrophe, Horizon 2050 propose une dystopie dressant « un portrait-robot des pratiques alimentaires durant la seconde moitié du xxie siècle ». On découvre ainsi des repas fictifs (quoique...) nous régalant, entre autres terrines de limace, de viande de soi (« conçue à partir de nos propres cellules ») ou d’eau dessalée. Plus inquiétant, on apprend comment le petit peuple s’approvisionnera dans des « BigBang Self » d’une nourriture potentiellement pathogène, tandis que les élites se gaveront de mets raffinés – tels ces verres de lait humain, à voir lors de l’exposition Banquet. J.D. BigBang Self : 22.04 > 19.06, Lille, Espace Le Carré // Banquet : 26.04 > 01.05, Lille, Palais Rihour // Rencontre et projection du film Soleil vert : 22.04, Lille, 20 h, L’Hybride, gratuit

Untitled, series Superimpositions, 1968-75 © Boris Mikhailov, courtesy CAMERA – Centro Italiano per la Fotografia

Boris Mikhailov Ukraine Viré de son boulot d’ingénieur par le KGB dans les années 1960 parce qu’il prenait des clichés de sa femme nue, Boris Mikhailov est dès lors devenu... photographe. Livrant une vision sans concession de « son » Ukraine, ses images fissurent le vernis de la propagande officielle pour dévoiler la déchéance et les damnés du monde soviétique et post-soviétique. En dix séries, cette rétrospective nous montre des visages tuméfiés, édentés, des corps difformes et crasseux, des enfants drogués... Entre le travail documentaire et l’art contemporain, le natif de Kharkov nous plonge dans une société minée par la misère et l’alcool (Tea, Coffee, Cappuccino) où le peuple vit sous la coupe d’un régime violent (Red Series). Une œuvre parfois trash, voire insoutenable, mais puissamment évocatrice. J.D. Jusqu’au 05.06, Anvers, Fomu, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 6 / 3 € / grat. (-18 ans), www.fotomuseum.be



Jacques Charlier

Le jeu de la vérité Texte Julien Damien Photo Jacques Charlier, Peintures sous hypnose, acrylique sur toile, 100 x 120 cm, 2015

L’art contemporain est-il une vaste fumisterie ? Sommes-nous libres d’apprécier la qualité d’une œuvre ? Peut-on faire confiance aux critiques ? Voilà les questions qu’on se pose en visitant l’exposition que le MAC’s consacre à Jacques Charlier. Depuis les années 1960, le Liégeois ne cesse de pasticher l’histoire de l’art en utilisant tous les médias, de la sculpture à la chanson en passant par la BD, la photographie. Centrée sur ses peintures, cette rétrospective donne à voir autant qu’à rire. Et à réfléchir.


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Jacques Charlier, Peinture cannibale 4, acrylique sur toile 60 x 90 cm, 2015

« C’

est crédible, hein ? » Jacques Charlier se marre comme un enfant qui vient de jouer un vilain tour. Nous voici dans la première salle du parcours. Une quinzaine de toiles aux styles divers sont accrochées aux murs : figuration, abstraction… « Ah, regardez ! Voici le fameux Alexandre Brodinski ». Vous ne connaissiez pas cet artiste russe ? C’est normal, il n’existe pas. Pas plus que l’Italien Marangoni, figure de l’« Ultima visive », ou encore l’Allemand Kirchenfeld, auteur de fresques souterraines dans une carrière autrichienne en 1938… Eh oui, tous ces artistes sortent de l’imagination de Jacques Charlier. Conçue en 1988,

cette série constitue le point de départ de Peintures pour tous !, qu’on peut appréhender comme une grande installation. « J’ai scénarisé l’espace du MAC’s pour lui donner l’apparence d’un musée sur la peinture, en revisitant l’art moderne de manière déconcertante ». Un bel exercice de pastiche pour ce caméléon qui s’est « beaucoup amusé » à réaliser tous ces tableaux. Au-delà des caricatures dont l’autodidacte a le secret, on trouve ainsi dans ce « faux musée » de la peinture italienne, des toiles expressionnistes, des aquarelles fractales qui semblent plus vraies que nature. >>>


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© Ph. De Gobert

exposition

Manipulation ? – En jouant avec les codes de la peinture, cet « éclectique radical » fustige le marché de l’art qui, selon lui, « emprisonne » le créateur dans un style tout en imposant au public sa définition du beau. « Jacques fonctionne comme un antidote dans ce système, éclaire Denis Gielen, le directeur du MAC’s. Il pose un regard critique sur la façon dont ce monde influence notre manière de percevoir tel ou tel artiste. Il rééduque notre œil ». Un message qui s’incarne dans une pièce créée spécialement pour l’exposition : une chambre d’illusion d’optique. à l’intérieur, le visiteur voit ses proportions bouleversées, se muant tantôt en géant, tantôt en nain. « C’est une parabole montrant que notre perception du monde est un scénario : ce que nous croyons être la réalité est écrite par la pensée

dominante. Ainsi l’histoire de l’art, et même l’Histoire en général, jusqu’au JT de De Brigode, nous imposent une vision. » Voilà une œuvre iconoclaste, drôle, certes, « mais l’humour est une chose sérieuse, tempère Jacques Charlier. Pour moi il ne s’agit pas d’une distraction comme dans Le Petit Journal où l’on ridiculise la politique… Moi je ne ridiculise pas l’art, je souhaite au contraire qu’on s’y intéresse davantage. L’humour n’est qu’une manière de nous mettre à l’aise, ici on ne s’agenouille pas devant les tableaux. » Mais on se gratte sacrément la tête...

Jacques Charlier - Peintures pour tous ! Jusqu’au 22.05, Hornu, MAC’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 5 / 2 / 1,25 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be à lire / L’interview de Jacques Charlier sur www.lm-magazine.fr



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Agenda

Game Changers - Réinventer la silhouette du xxe siècle Comme des Garçons, A/W 2012-13 © Mark Segal

La mode, une succession de tendances, de collections, de créatures longilignes défilant fièrement sur un podium ? Non, un outil de libération du corps de la femme ! Ce que démontrent des créateurs tels que Paul Poiret, Coco Chanel ou Cristóbal Balenciaga. Faisant valser les corsets et s’affranchissant de la silhouette « sablier », ils ont transformé le profil féminin au siècle dernier. Anvers, jusqu’au 14.08, MoMu, mar > dim, 10 h > 18 h, 8 / 6 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.momu.be

Andres Serrano

Dessus Dessous

C’est à lui qu’on doit le fameux Piss Christ, soit ce cliché d’un crucifix immergé dans un bain d’urine qui avait déclenché l’ire de catholiques intégristes en 2011. Voici l’une des plus importantes rétrospectives consacrées au photographe américain Andres Serrano. L’occasion de découvrir une œuvre sulfureuse, marquée par la religion, le sexe ou la violence. En parallèle sera dévoilée dans différents lieux de la capitale sa série Denizens of Brussels, constituée de portraits de SDF.

Annette Messager investit le Musée des beaux-arts et la Cité de la dentelle et de la mode de Calais pour créer 19 œuvres et installations. Le travail de cette figure de l’art contemporain, empreint de féminisme, mêle les formes et les matériaux, le tragique et le ludique. Dans Dessus Dessous, il est ainsi question d’odyssée, de déplacements, de Rodin mais aussi de mode, de couturières, de collants et de soutiens-gorge.

Bruxelles, jusqu’ au 21.08, Musées Royaux des Beaux-Arts, mar > ven : 10 h > 17 h, sam & dim : 11 h > 18 h, 14,50 > 8 € / gratuit (-6 ans)

Calais, jusqu’au 15.05, Musée des beaux-arts : mar > dim : 13 h > 18 h , 4 / 3 € // Cité de la dentelle et de la mode : tlj sauf mar : 10 h > 18 h, 5 / 3,50 €, pass 2 musées : 7 / 5 €

Pauline Beugnies - Génération Tahrir 2011. L’égypte s’embrase. Au Caire, la place Tahrir devient le cœur de cette révolte. Pauline Beugnies, qui s’est installée dans cette capitale pour étudier, vit ce fameux « Printemps » de l’intérieur. La photographe carolo accumule les images montrant le soulèvement, les martyrs… Elle témoigne aussi de cette génération disparue de l’espace médiatique occidental mais qui, cinq ans après, continue de lutter pour ses idéaux. Charleroi, jusqu’au 22.05, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 / 5 / 4 €, gratuit (-12 ans), www.museephoto.be



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Agenda

Elsa D. et son coffret de Unes du journal L’Équipe © Musée du Louvre-Lens, DR

RC Louvre Mémoires Sang & Or Lens, son musée, ses terrils... et son club de foot, pardi ! Quand deux grandes institutions locales se rencontrent cela donne... le RC Louvre. En marge de l’Euro 2016, le LouvreLens propose un éclairage inédit sur les « Sang et Or ». Un patrimoine revisité à travers des objets inédits (tel le classeur d’entraînement de Daniel Leclercq !) et des témoignages de ses supporters ou d’anciennes gloires (citons Tony Vairelles ou les frères Lech). Lens, 20.04 > 07.11, Louvre-Lens, tlj sauf mar : 10 h > 18 h, gratuit, www.louvrelens.fr

Ceci n’est pas l’Europe !

Braïtou-Sala. L’élégance d’un monde en péril

Coproduite par le Mons Memorial Museum et l’association Cartooning for Peace (créée par Plantu et Kofi Annan) cette exposition rassemble 120 caricatures. Teintées d’ironie, d’humour ou d’émotion, ces œuvres d’auteurs européens (Pierre Kroll, Nicolas Vadot ou Plantu) russes ou américains suscitent le débat. Ces petits dessins nous invitent notamment à réfléchir sur les grands desseins qui agitent une Europe en pleine crise identitaire.

Tombé dans l’oubli après sa mort, Braïtou-Sala fut un peintre célèbre durant les Années folles. Il signa des centaines de portraits mondains, dont ceux des plus grandes actrices de l’époque (Renée Corciade, Jane Faber, Cléo de Mérode, etc.). La Piscine éclaire à nouveau ce travail, en rassemblant des œuvres très élégantes qui subliment la beauté de la femme, et d’autres plus rares, conçues dans l’intimité familiale.

Mons, jusqu’au 26.06, Mons Memorial Museum, mar > dim : 10 h > 18 h, 6 / 4 €, www.monsmemorialmuseum.mons.be

Roubaix, jusqu’au 05.06, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 13 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-18 ans)

Drôles de trames ! La trame renvoie bien-sûr à l’histoire textile du Nord de la France. Mais en tirant sur ce fil, un récit apparaît. On observe à travers le temps une permanence de ce motif, qu’il soit conceptuel ou artisanal. Celui-ci constitue la toile, qui signifie à la fois le web, un tableau, un film... S’appuyant sur les créations d’artistes internationaux, ce parcours poétique tisse un pont entre les âges où se mêlent matières, arts et technologies. Tourcoing, jusqu’au 08.05, Le Fresnoy, mar, jeu, dim : 14 h > 19 h // ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans)



Nawell Madani Les maux pour rire Propos recueillis par Sonia Abassi Photo Jayr

à 32 ans, Nawell Madani a déjà plusieurs vies derrière elle. Danseuse, chorégraphe, animatrice télé… La jeune humoriste a fait du chemin avant d’exploser, en 2011, sur la scène du Jamel Comedy Club. La voilà avec un premier spectacle, C’est moi la plus belge !, et des projets plein la caboche. Rencontre.


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Comment définir votre humour ? J’aime le comique d’observation, rire de moi et tourner les choses du quotidien en dérision. Ainsi, ce qui est personnel devient universel. Même des instants de galère peuvent devenir de grands moments de comédie. Pourtant, votre vie n’a pas démarré de la plus drôle des façons : à deux ans vous êtes tombée dans une friteuse, la tête la première. Brûlée au 3e degré, en partie chauve, vous avez essuyé quelques moqueries… Oui, et cela a forgé mon caractère. Ma mère me disait toujours « la meilleure défense c’est l’attaque » ! Il fallait scruter les défauts des enfants qui se moquaient de moi afin d’avoir le mot juste pour les désarmer. Elle m’a initiée à la « être belge c’est rire vanne et à l’autodérision. Un peu à de soi avant que les la manière d’Eminem dans 8 Mile en pleine battle… Une fois que je autres ne le fassent » me suis traitée de chauve, qui va le faire ? Vous avez d’abord été chorégraphe, n’est-ce pas ? Oui, pour des artistes connus qui eux-mêmes me disaient de me lancer dans l’humour ! Pendant que mes danseuses étaient sur scène, je faisais le clown en coulisses. Comment êtes-vous devenue humoriste ? J’ai pris des cours de comédie parallèlement à la danse. Ma coach m’a poussée à monter sur les planches. Certes, je pouvais faire rire mes potes mais pas forcément une salle remplie d’inconnus… Finalement j’ai suivi un ami lors d’une une scène ouverte dans la salle parisienne du Pranzo. Je me suis dit : « si ça marche je continue, sinon j’oublie ». Je m’en souviendrai toute ma vie. J’y ai mis tout mon cœur et le public a suivi. Sûrement parce que j’y suis allée sans réfléchir !


Que retenez-vous de votre passage au Jamel Comedy Club ? Je l’ai vécu comme une formation accélérée. C’est le meilleur endroit pour apprendre le stand-up. Comme au foot, je me suis retrouvée au milieu tous ces mecs talentueux, sur le terrain depuis des années, et j’ai dû me battre pour obtenir ma place.

« Je me dis que si on

On vous taxait vos vannes en coulisses ? Tout le monde le fait. C’est dur alors on peut vivre mais c’est le métier qui veut ça. Il est commun chez les humoristes ensemble » français de traduire les blagues de comiques américains et de se les approprier ! On m’a piqué mes vannes plus d’une fois juste avant de monter sur scène et je me retrouvais comme une conne.

peut rire ensemble,

Votre spectacle s’intitule C’est moi la plus belge ! Mais qu’est-ce qu’être belge ? Ne pas se prendre au sérieux, rire de soi avant que les autres ne le fassent, pratiquer l’autodérision. Les Belges s’amusent de leur accent, des blagues pourries qu’on raconte sur eux. On a plus de mal à plaisanter sur les Français, nettement plus susceptibles (rires). Vous qualifiez vos spectacles de « Sketchup », pourquoi ? Parce que c’est un mélange de sketchs et de stand-up. Sur scène je peux camper un personnage avec un texte très écrit, sans interpeller le public. Et de temps en temps je reviens au stand-up, j’improvise, interroge la salle. C’est du spectacle vivant, il faut se laisser embarquer. En étant sur le fil du rasoir, on est plus souvent touché par la grâce ! Une démarche rappelant celle du hip-hop... C’est vrai. Ma sœur adhérant à la Zulu Nation, j’ai baigné dans cette culture. Quand j’ai voulu m’impliquer, on ne m’a pas demandé si j’étais grosse ou mince, noire ou blanche ! Avec le hip-hop, tu n’as pas besoin d’argent, juste du bon son, un baggy, un tee-shirt large et c’est fait. Sur scène j’essaye d’insuffler cet esprit positif, fondé sur le partage,


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en y intégrant de la danse et de la musique. Je ne joue pas pour des Arabes, des belges ou des français, mais pour tout le monde. Je me dis que si on peut rire ensemble, alors on peut vivre ensemble. Etes-vous intéressée par le cinéma ? Oui, j’ai écrit un premier film que je co-réalise. Il s’appelle C’est tout pour moi, l’histoire d’une jeune fille délaissant le cocon familial pour vivre son rêve à Paris. Elle se déchire avec son père et n’attend qu’une chose : qu’il vienne l’applaudir. Et en juin je tournerai avec Philippe Lacheau (Babysitting, ndlr). Avez-vous d’autres projets ? J’essaie de monter un festival d’humour en Algérie. Je tente aussi de créer un plateau radio exclusivement féminin pour y parler hip-hop, humour… Le théâtre est également dans ma ligne de mire, je souhaiterais monter une pièce.

21.04, Lille, Théâtre Sébastopol, 20 h, 38 €, www.theatre-sebastopol.fr 23.04, Bruxelles, Forest National, 20 h, 38 > 35 €, www.forest-national.be/fr 12.05, Wasmes Colfontaine, Espace Magnum, 20 h, 38 €, www.espacemagnum.be 09.02.2017 (report du 12.04.2016), Saint-Amand-les-Eaux, Pasino, 20 h, 38 > 35 €, www.casinosaintamand.com


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n n a v

!

désabusés es, absurdes, Ils sont cyniqu ngue aux di ur De la drague lo ou poétiques. nent aucun rg pa n’é s pingouins, ils le r pa t an ss ent près attentats en pa gaudriole arriv urs sûres de la le va re at me qu s mo nt... sujet. Ce in d’eux en ce On a bien beso . us vo ez ch de

re z l e s

© Pascalito

Arnaud Tsamere Révélé par On n’demande qu’à en rire (France 2), Arnaud Tsamere livre des Confidences sur pas mal de trucs plus ou moins confidentiels : de son rapport aux Kinder Surprise à ceux avec les pingouins… Partant du principe que la société se bidonne trop, il a décidé de parler de lui pour stopper cette spirale du rire. évidemment, c’est un échec. Entre improvisation et joyeux bordel (forcément, c’est co-écrit avec François Rollin), l’homme à la barbichette pratique un humour absurde et léger, car « les problèmes de grands ne [lui] parlent pas ». ça tombe bien, nous non plus. A.D. 27.04, Louvain, Aula Magna, 20 h, 37 > 27,50 € // 28.04, Tournai, Maison de la Culture, 20 h, 39 / 35 € // 29.04, Caudry, Théâtre de Caudry, 20 h 30, 42 > 32 €

Jérémy Ferrari

© André D.

Il a le même agent que Dieudonné (Manuel Valls, qui l’a rendu célèbre lors d’un clash chez Ruquier) et les mêmes sujets de galéjade (les attentats, la religion)… mais la ressemblance s’arrête-là (ouf !). Jérémy Ferrari parvient – lui – à nous faire rire de thèmes fâcheux sans virer facho. Dans son dernier one-man-show, Vends 2 pièces à Beyrouth, il s’amuse de la guerre (« T’avais pas un attentat-suicide ce matin ? Et alors, ça s’est bien passé ? ») en tentant « d’être plus drôle que choquant ». Peut-être ça le secret... J.D. 12.04, Bruxelles, Centre Culturel d’Uccle, Complet ! // 13.04, Braine-Le Comte, Espace Baudouin V, Complet ! // 14.04, Bastogne, Centre culturel, Complet ! // 15.04, Huy, centre culturel, Complet ! // 16.04, Dunkerque, Kursaal, 20 h 30, 35 € // 23.04, Saint-Amand, Pasino, Complet ! // 08.11, Bruxelles, Cirque Royal, 20 h, 36 / 31 €, cirque-royal.org


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© Fabrice Florent

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Bérengère Krief Le plan cul régulier de Kyan Khojandi (dans Bref) brille dans un one-woman-show très girly. Elle y autopsie les délicats rapports filles-garçons, sans pincettes et avec une sacrée gouaille. Cette Lyonnaise de 32 ans n’a pas son pareil pour soulever des questions existentielles : « Est-ce vraiment une bonne idée de monter dans une Opel Corsa en pleine nuit avec quatre inconnus ? ». Son cours de répartie anti-relou ou sa « journée inversée » parlent aussi à tout le monde… Mieux vaut l’avoir pour amie que comme ennemie ! A.D. 29.04, Roubaix, Le Colisée, 20 h 30, 32 > 10 €, coliseeroubaix.com 13.05, Saint-Amand-Les-Eaux, Théâtre des Sources, 20 h 30, 18 > 8 €

© Francois Darmigny

Gaspard Proust Annoncé comme la énième résurrection de Desproges (mais qu’on lui foute la paix, bon sang !), Gaspard Proust a d’abord raté une belle carrière de banquier suisse. Il a fini par trouver un vrai métier en balançant des horreurs sur scène, provoquant des « rhôô » outragés à tire-larigot (au hasard : « J’ai très longtemps voulu faire prêtre. Mais j’étais trop timide pour aborder les enfants »). D’origine Slovène, comme la femme de Donald Trump, il s’est finalement fait piquer toutes ses vannes par le futur président des USA. C’est dire la férocité du bonhomme... J.D. 14.05, Seraing, Centre culturel, 20 h, 40  / 35 € 15.04, Bruxelles, Théâtre 140, Complet !



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Sœurs

Famille décomposée Texte Marine Durand Photo Pascal Gely

Après son monologue performance dans Seuls (2008), et avant de créer Frères, Père et Mère, Wajdi Mouawad présente le deuxième opus de son cycle théâtral sur la quête d’identité. Dans Sœurs, inspiré de sa propre sœur Nayla, le LibanoCanadien retrouve la comédienne Annick Bergeron (inoubliable Nawal dans Incendies), à qui il offre un double rôle de femmes au bord de la crise de nerfs.

D’

abord, elle est Geneviève. Avocate montréalaise et grande spécialiste du langage, en route pour Ottawa afin de donner une énième conférence internationale. Seule au volant de sa Ford, la musique de Ginette Reno pour unique compagne, la quinquagénaire se retrouve bloquée par une tempête de neige et fait halte dans un Novotel dernier cri. Seulement voilà : le système de reconnaissance vocale lui refuse le droit de parler son français maternel. Et dans cette chambre d’hôtel à la voix désincarnée, Geneviève, la professionnelle reconnue qui n’a pas réussi à combler ses manques intérieurs, pète les plombs. Annick Bergeron sera ensuite Layla. L’agent d’assurance dépêchée sur les lieux pour évaluer les dégâts. L’experte en sinistres aux prises avec ses propres névroses familiales, qui remet soudain en question ses choix de vie. Du rire aux larmes – « Wajdi Mouawad montre avec puissance les difficultés auxquelles nous sommes tous confrontés, et interroge : fait-on les choses pour soi, ou pour respecter les conventions sociales ? », analyse Patrick Colpé, le directeur du Théâtre royal de Namur, fidèle depuis six ans au metteur en scène. Sur un plateau intégrant habilement dessins, projections vidéo et montages sonores, Annick Bergeron jongle entre les registres et fusionne les 12 & 13.04, Namur, Théâtre royal de Namur, douleurs de deux êtres, dans un spec20 h 30, 21,50 > 6,50 €, www.theatredenamur.be // tacle intime à la résonance forcément 15 & 16.04, Charleroi, Palais des Beaux-Arts, universelle. 20 h, 15 > 10 €, www.pba.be


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© Leslie Artamonow

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Liebman renégat Intellectuel de renom, Marcel Liebman fut aussi perçu comme un renégat. Il faut dire que ce juif belge prit position pour les Palestiniens contre Israël, qu’il accusait d’avoir pillé les terres arabes... En voici un portrait drôle et touchant signé par son comédien de fils (en vrac : le petit surdoué dans Préparez vos mouchoirs et réalisateur de Je suis supporter du Standard). Dans un solo orchestré par David Murgia, accompagné par le musicien Philippe Orivel, Riton Liebman livre ses souvenirs d’enfance et revisite l’universelle histoire des relations père-fils et du militantisme. Ou comment parler de la grande Histoire à travers la petite. J.D. 14.04, Bruxelles, Wolubilis, 20 h 30, 15 > 9 €, www.wolubilis.be 26.04 > 07.05, Bruxelles, Théâtre Varia, 20 h 30 (sf mer : 19 h 30), 18 > 7 €, varia.be

© François Blin

Cheer Leader Les cheerleaders, ce sont ces filles qui s’agitent au bord des terrains de sport américains en haranguant le public. Jusqu’en 1950, le cheerlaeading constitua aussi une étape dans la formation des hommes politiques pour mobiliser les électeurs - Reagan et Bush ont débuté ainsi. Karim Bel Kacem et Maud Blandel associent ici de vraies pom-pom girls à des danseuses et comédiens pour mieux disséquer cet art de manipuler les foules, décidément trop sentimentales. J.D. 21 & 22.04, Valenciennes, Le Phénix, 20 h, 9 €, www.lephenix.fr (dans le cadre du festival de L’Entorse)



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Réparer les vivants

La mécanique du cœur Sylvain Maurice, directeur du théâtre de Sartrouville, adapte Réparer les vivants de Maylis de Kerangal, le récit bouleversant d’une transplantation cardiaque. Le titre du roman, tiré lui-même d’une réplique du Platonov de Tchekhov, attirait déjà ce texte sur la scène. Opération réussie. Depuis 1959, on peut être mort avec un cœur qui continue de battre. C’est le cas du jeune Simon, dans le coma suite à un accident de voiture. De son côté, Claire, la cinquantaine attend un palpitant pour ne pas mourir : c’est celui de Simon qui la sauvera. Réparer les vivants est une histoire intime mais à portée universelle. Elle se déploie sur 24 heures, un sprint durant lequel il s’agit de prendre les bonnes décisions : accepter la mort et un prélèvement d’organe d’un côté, redonner espoir, prolonger la vie via une greffe de l’autre. Une famille brisée est ainsi plongée dans un monde médical soumis à bien des protocoles. Sur scène ? Un dispositif dépouillé repose sur un tapis roulant sur lequel évolue Vincent Dissez, acteur en perpétuel mouvement. Il est encadré par un portique sur lequel trône le musicien Joachim Latarjet. Les pulsations de la lumière, des bruitages et de la musique rythment les mots du comédien. Celui-ci incarne quasiment tous les personnages et entraîne les spectateurs dans sa course effrénée. Adapter au théâtre un roman aussi puissant tenait du défi. Sylvain Maurice le relève haut la main, avec cette adaptation qui trouve le ton juste, portée par 27 > 29.04, Béthune, La Comédie de Béthune, une interprétation saisissante. Patricia Gorka 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org

© E. Carecchio

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Les Turbulentes # 18

Echappées (re)belles Et si on mettait toute une ville entre parenthèses le temps d’un week-end ? En la transformant en grand terrain de jeu ? Avec des spectacles gratuits ? Voici l’idée farfelue qui a germé il y a 18 ans dans le Valenciennois. Précisément à VieuxCondé, au Boulon, un ancien site industriel devenu Centre national des arts de la rue... où l’on fabriqua jadis les rivets de la Tour Eiffel. Perchés, on vous dit ! Même les habitants s’y mettent. Ils ont mitonné une scénographie « cousue de fil blanc » (thème de cette édition), habillant les contours de cette ancienne cité minière de 10 000 âmes avec des cocons, des nuages... Un cadre idéalement poétique pour accueillir la trentaine de compagnies venues ré-enchanter les lieux. Théâtre, cirque, marionnettes... Difficile de choisir parmi toutes les propositions insolites, entre un concours de beauté bien barré (Dames de France, des Sœurs Goudron) ou un opéra électro-lyrique joué en plein air (La symphonie des sapins, Oposito)... Alors citons Do Not Clean de KompleXKapharnaüM, qui s’intéresse aux déchets que produit notre société. Matériels, mais surtout... humains. Le spectacle s’appuie sur des témoignages vidéo (réels) de « marginaux » projetés sur les murs, livrant une métaphore insolente de notre monde gâté par l’argent. Dans le même registre (en plus drôle) on relève aussi Economic Strip (Annibal et ses éléphants), chronique de la chute d’une entreprise, mais traitée comme une BD grandeur nature. Entre audace des formes et profondeur des sujets, ces arts de la rue n’ont pas fini de 29.04 > 01.05, Vieux-Condé, au Boulon nous étonner. Julien Damien et en centre-ville, gratuit, leboulon.fr

Adhok compagnie © Bruno Maurey

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Agenda

Money ! Françoise Bloch / Zoo Théâtre

© Antonio Gomez Garcia

Savez-vous ce qu’est une obligation, une Sicav, une action ? Non ? Alors on ne saurait trop vous conseiller d’aller voir Money ! Ce spectacle narre les mésaventures d’un homme qui, candidement, entre dans une banque pour demander où va son argent. Chemin faisant, il est confronté à un ballet de chaises roulantes, de chiffres et de graphiques. Aussi drôle qu’instructive, cette pièce décrypte les dérives du capitalisme. 12 > 17.04, Bruxelles, Théâtre National, Complet ! // 03.05, Nivelles, Centre culturel, 20 h, 20 > 10 € // 10 > 13.05, Louvain-la-Neuve, Aula Magna (Atelier Thêatre Jean Vilar), 20 h 30, sf jeu : 19 h 30, 20 > 10 €

Voyage d’hiver

Aux suivants

Franz Schubert / William Kentridge

Charlotte Lagrange / Cie La Chair du monde

Ce dernier cycle de Schubert pour piano et chant narre l’odyssée d’un homme transi par le froid et la douleur : celle causée par le rejet de la femme qu’il aime. Considéré comme l’un des plus grands interprètes du lied allemand, le baryton Matthias Goerne est accompagné par le pianiste Markus Hinterhäuser. Sur scène, le plasticien William Kentridge a choisi de projeter des croquis animés et des dessins, composant en arrière-plan le mouvement d’un voyage intime.

Dans cette création, Charlotte Lagrange interroge l’héritage et la transmission, au sens global du terme. Aux suivants mêle ainsi des histoires intimes à des événements politiques. Le spectacle est structuré comme une constellation d’intrigues : un conflit familial autour de la dette d’une jeune fille, la rencontre d’un groupe de jeunes gens rêvant de révolution, la démission d’un chef de gouvernement... On observe alors notre monde à travers plusieurs angles.

03, 05 & 06.04, Lille, Opéra de Lille, mar & mer : 20 h, dim : 16 h, 34 > 5 €, www.opera-lille.fr

19 > 21.04, Béthune, La Comédie de Béthune, 20 h, 20 > 6€, www.comediedebethune.org

Naked Lunch Guy Weizman et Roni Haver

En 1951, William S. Burroughs, ivre, tue accidentellement sa femme d’une balle dans la tête. Un épisode que l’écrivain raconte dans Le Festin nu (Naked Lunch) en se mettant dans la peau d’un junkie voyageant entre rêve et réalité. C’est cette « interzone » psychédélique que recréent sur scène les Israéliens Guy Weizman et Roni Haver. Un opéra-rock acrobatique et chorégraphique où se meuvent acteurs, chanteurs, percussionnistes et danseurs. Un sacré trip ! 19 > 21.04, Villeneuve d’Ascq, La Rose des Vents, mar : 20 h, 21 > 5 € (mer et jeu : Complet !), larose.fr



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Agenda

théâtre & danse

Pixel Mourad Merzouki / Cie Käfig

© Gilles Aguilar

Familier des créations hybrides, Mourad Merzouki pousse la recherche encore plus loin avec Pixel. Il s’offre ici les services d’un duo spécialisé dans les arts numériques. Projetées sur un voile transparent ou sur scène, des vidéos entament un dialogue virtuose avec 11 interprètes venus du hiphop ou de la contorsion. Poétique, ce ballet croise danse et mapping, et le public ne sait plus si les images sont enregistrées ou dirigées en temps réel. 19.04, Roubaix, le Colisée, Complet !, www.coliseeroubaix.com // 26 & 27.04, Valenciennes, Le Phénix, 19 h, 22 > 9 €, www.lephenix.fr // 10.05, Hasselt, cultuurcentrum, 20 h, 20 > 18 €, www.ccha.be

Potiche

Cuisine & confessions

Barillet et Grédy / Nathalie Uffner

Les 7 doigts de la main

Suzanne Pujol est une potiche. Soumise à son riche industriel de mari, elle occupe ses journées avec ses rosiers, son jogging… Jusqu’au jour où elle se retrouve propulsée à la tête de l’entreprise de son époux, qui a été chassé par le personnel. Elle révèle alors un visage inattendu… Auteurs d’une trentaine de comédies depuis les années 1950, Barillet et Grédy s’amusent de l’actualité économique et politique avec un sens certain du burlesque et beaucoup d’à propos.

La recette d’un bon spectacle ? Une pincée d’originalité, un zeste d’humour et surtout, un cocktail d’acrobaties, de chants, de musiques et de numéros de jonglage ! Dans son 13e spectacle, la troupe montréalaise Les 7 doigts de la main nous invite dans une grande cuisine. Entre petits plats et vaisselle sale, les voltigeurs reviennent sur les saveurs favorites de leur enfance, pour mieux réinviter l’art du cirque. Miam !

20.04 > 15.05, Bruxelles, Théâtre royale des Galeries, mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 25 > 12 €, www.trg.be

15 > 17.04, Arlon, Maison de la culture, ven & sam : 20 h 30, dim : 16 h, 35 > 15 € // 21 > 24.04, Bruxelles, Wolubilis, 20 h 30 (+ 15 h le sam), dim : 17 h, 38,50 > 16,50 €

Cold Blood Michèle Anne De Mey / Jaco Van Dormael / Thomas Gunzig

Après Kiss and Cry, voici le second spectacle d’un collectif formé par le réalisateur Jaco Van Dormael, la chorégraphe Michèle Anne De Mey et l’auteur Thomas Gunzig. Le trio a donné vie à une nouvelle façon de raconter des histoires. Un nano-monde narré du bout des doigts – en live – confrontant cinéma, musique, danse, théâtre et bricolage génial. à ce jeu de mains pas vilain s’ajoutent cette fois les pieds, les genoux, l’épaule… et toujours autant de poésie. 22.04 > 01.05, Namur, Théâtre, Complet ! // 15 > 25.09, Bruxelles, KVS… // 08 > 12.10, Charleroi, PBA…



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Agenda

La commission centrale de l’enfance

© Béatrice Logeais

David Lescot

Seul sur scène, assis sur un tabouret et guitare à la main, David Lescot raconte ses souvenirs de vacances d’été. Plus précisément au sein des colonies de la Commission centrale de l’enfance, une association créée par les juifs communistes français après la Seconde Guerre mondiale. Un poème chanté ou parlé où il est question de conscience politique, de canoëkayak, d’éveil des sens... et reliant « la petite et la grande Histoire ». 22 > 30.04, Lille, Théâtre du Nord, ven & sam : 19 h, dim : 16 h, 27 > 7 €, www.theatredunord.fr

Orestie (une comédie organique ?) Roméo Castellucci / D’après Eschyle

20 ans après sa création, Roméo Castellucci ressuscite Orestie. Adaptation des trois pièces d’Eschyle (Agamemnon, les Choéphores, les Euménides), ce spectacle donne à voir un théâtre émotionnel et fondé sur la totalité des arts. Sur le plateau : une Clytemnestre obèse, un Agamemnon trisomique… Ces scènes restituent la violence de la tragédie grecque, comme autant de tableaux vivants de Francis Bacon redessinés par une Alice aux pays des merveilles SM. 26 & 27.04, Douai, Hippodrome, 20 h, 20 > 9 €, www.tandem-arrasdouai.eu (déconseillé aux -16 ans)

May B Maguy Marin

Créé il y a près de 35 ans, ce classique du répertoire de la danse contemporaine n’a pas pris une ride. Ballet sous haute influence de Beckett, May B met en scène dix interprètes en guenilles et couverts de poussières. Sont-ils les rescapés d’une guerre ? De l’apocalypse ? Les premiers ou les derniers des humains ? Hésitant ou s’affirmant, drôles ou apeurés, ils forment un seul corps occupant l’espace-temps avec absurdité. Vivant sans l’avoir décidé. 29.04, Amiens, Maison de la Culture, 20 h 30, 29 > 13 €, www.maisondelaculture-amiens.com

Le Vivier des noms Valère Novarina

La pièce tire son titre d’un carnet où Valère Novarina accumule ce qu’il appelle des logaèdres, logolithes, logogrammes et anthropoglyphes. Soit une multitudes de noms qui deviennent les personnages loufoques de ses pièces. Entre lapsus et paroles enfantines, ils sont 1 100 à défiler au gré de 52 scènes pour livrer d’étranges récits : le mode d’emploi de l’euthanasie, une affabulation sur les cendres parentales... On l’aura compris : point de héros ici, si ce n’est le langage. Jouissif. 29.04, Dunkerque, Le Bateau-Feu, 20 h, 8 €, www.lebateaufeu.com



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Wasted Youth (25 Ashbourne Ave), 2008 © Petros Chrisostomou

le mot de la fin

Petros Chrisostomou –

Mais quel animal a bien pu pondre des œufs de cette taille ? Une poule géante ? Un dinosaure ? Que nenni ! Petros Chrisostomou introduit des objets du quotidien dans ses décors miniatures. En jouant avec les échelles, les photographies de cet artiste new-yorkais dégagent une ambiance plutôt fantastique. www.petrosc.com




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