N°122 / OCTOBRE 2016 / GRATUIT
HAUTS-DE-FRANCE & BELGIQUE Cultures et tendances urbaines
sommaire magazine
LM magazine n°122 - Octobre 2016
NEWS – 10 STYLE – 14
Northern Soul Fever, Flipper sur la ville, En mode vintage : hôtel, marchés, concerts, expos
PORTFOLIO – 30 Alessandro Gottardo (aka Shout) entre les lignes
RENCONTRE – 70 Claude Barras raconte sa Vie de Courgette
Le MusVerre, une histoire incassable
PORTRAIT – 92
9ème concept : l’art pour tous, tous pour l’art !
EN COULISSES – 108 Chris Esquerre, prince-sans-rire
Focus on the speech - Real Simple (2012) © Shout
VISITE – 80
sommaire sélection
LM magazine n°122 - Octobre 2016
MUSIQUE –
38
NAME Festival, Oscar, Dom La Nena, Warhaus, Emily Loizeau, Ultimate Painting, Whitney, PJ Harvey, Tourcoing Jazz Festival, Véronique Vincent & Aksak Maboul, Mon amourrr, The Liminañas, Petit Biscuit, Poliça, Allah-Las…
EXPOSITION –
86
Le MusVerre, Gérard Garouste, Luc Tuymans, 9ème Concept, Panorama 18, Hopkins, Helena Almeida, Peter Downsbrough... Âme © Michael Mann
THÉÂTRE & DANSE –
108
Chris Esquerre, L’Opéra de quat’sous, La Cenerentola, Angleterre, Angleterre, Réparer les vivants, Danseur, Mon Fric…
DISQUES –
64
Kishi Bashi, Nick Cave, Le Roi Angus, The Lemon Twigs, The Radio Dept.
LIVRES –
66
Le Chant de la machine (D. Blot & M. Cousin), Jérôme Momcilovic, Joyce Maynard, Henning Mankell, Marc Cerisuelo, Cuvillier, Galic & Kris
ÉCRANS –
70
Ma Vie de Courgette, Fuocoammare, Le Cancre, La Philo vagabonde, Les frères Dardenne s’exposent
LM magazine France & Belgique
28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07
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Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
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Couverture Alessandro Gottardo Plansponsor, Rabbit, 2015 www.alessandrogottardo.com Publicité pub@lm-magazine.com
Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)
Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Flora Beillouin, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Madeleine Bourgois, Hugo Dewasmes, Marine Durand, Alessandro Gottardo, Raphaël Nieuwjaer, Marie Tranchant et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
NEWS
© Julia Borzucka
L’incruste Julia Borzucka possède un joli coup de crayon, une sacrée imagination et une bonne connexion Internet. Celle-ci s’avère utile pour dénicher toutes sortes d’images, en particulier de lieux célèbres. L’illustratrice polonaise les détourne ensuite à sa guise, les peuplant de personnages gigantesques, telle cette dame qui aspire la mer avec une paille ! Espérons qu’elle en laisse un peu aux autres… www.byjuliab.tumblr.com
Affreux, sales et méchants Vous souvenez-vous des Crados ? Mais si, ces autocollants de personnages dégoûtants qu’on s’échangeait à la récré : Renée Morvoné, Pascal Trou-de-balle, etc. Eh bien la société Topps en inaugure une nouvelle série, cette fois version icônes pop-rock. Tandis que Robert Smith se noie dans ses larmes, ce gros bout de viande de Morrissey est harcelé par des burgers ou des saucisses… Une collection un poil (de cul) moins inspirée, non ? www.topps.com
© Sigalit Landau and Yotam From, Marlborough Contemporary
Tous en sel ! Mettons un peu de sel dans notre vie. Sigalit Landau a pris l’expression au pied de la lettre. Déjà connue pour avoir transformé des chaussures, un violon ou un vélo en sculptures salines grâce à un petit bain dans la mer Morte, l’artiste israélienne a récidivé en y plongeant cette fois une robe noire. Au bout de deux mois d’immersion, cette tenue hassidique traditionnelle en est ressortie sous la forme d’une statue blanche magnifique. Même si elle gratte un peu aux encolures… www.sigalitlandau.com
Style binaire
Mélodie en sous-sol Le métro de Bruxelles a 40 ans. La STIB a choisi de fêter l’anniversaire en musique. Ou plutôt, avec celle qu’écoutent ses usagers. La société publique de transport les a en effet invités à proposer, jusqu’au 23 septembre, leur propre playlist. Les morceaux ayant fait consensus seront diffusés dans les rames. Perso, on aimerait y entendre : Life Itself de Glass Animals, Lying Has to Stop de Sotf Hair, Am I Wrong d’Anderson .Paak et The Good Lie de Warhaus. www.stib-mivb.be
Après les caissières remplacées par de grosses machines vertes (et désagréables), voici CuratedAI, la première revue littéraire entièrement rédigée… par des robots. On doit cette formidable avancée pour l’espèce humaine à l’ingénieur Karmel Allison. Cette Britannique a en effet créé des algorithmes capables d’écrire en utilisant 190 000 mots. En attendant… @#&%µ£… zut… veillez excuser votre serviteur… qui doit aller recharger ses batteries… curatedai.com
© Nicolas Busser /©Cédric DR Jager / FEFFS
Eaux troubles
Yoga Joes Ces petits soldats ont décidé de lâcher les armes pour présenter leur salutation au soleil. Dans leur tête en plastique a en effet germé une idée pas si bête : plutôt que de tuer des gens, pourquoi ne pas se mettre au yoga ? Œuvres de l’Américain Dan Abramson , ces « Yoga Joes » ne vont sans doute pas réfréner les belliqueuses habitudes de l’humanité. Mais voilà un jouet de bonne guerre. www.yogajoes.com
Occupaïe, la suite
© Raubdruckerin
© Dan Abramson
Fin septembre, les organisateurs du Festival Européen du film fantastique de Strasbourg ont eu la bonne idée de projeter Les Dents de la mer dans une piscine. Assis dans des bouées, en maillots de bain, les spectateurs ont pu assister aux sanglants repas du requin de Spielberg les pieds dans l’eau. Réaliste, certes, mais à quand une séance dans la station spatiale internationale pour mater 2001, l’Odyssée de l’espace ?
Après nous avoir relaxés avec des siestes musicales, appris à réparer notre vélo ou à monter une comédie musicale, Occupaïe est de retour ! Le principe ? Occuper l’espace d’un théâtre autrement. Artistique, social, économique, ce projet a pour but d’inventer de nouvelles façons de (bien) vivre ensemble. Des ateliers, jeux ou discussions nous invitent à imaginer l’école idéale, des solutions écologiques, d’accueil des réfugiés… Bref, un monde meilleur… mais sans oublier de faire la fête ! ARMENTIÈRES - 20 > 29.10, Le Vivat, grat., levivat.net
Style – Reportage 14
L U O S
Gare aux idées reçues : les Britanniques ne se couchent pas tous après la fermeture des pubs. Les fans de Northern Soul dansent eux toute la nuit au son de la Motown et d’autres pépites afro-américaines des années 1960. Comme son nom l’indique, cette musique puise ses racines dans la soul. Découverte d’un mouvement unique, hors des modes, anti-commercial et presque cinquantenaire ! Texte & Photo Elisabeth Blanchet / Courtesy Adrian Croasdell - Ace Records
Un mouvement intemporel qui défie les modes et les codes vestimentaires (2016)
I
l est minuit au 100 Club. Le soussol de la boîte mythique d’Oxford Street se remplit tandis qu’un DJ joue ses vinyles de collection. A la fin de chaque 45 tours, les aficionados applaudissent avant de reprendre leurs mouvements ou, pour certains, leurs figures acrobatiques ! Bienvenue à un « all-nighter », une soirée Northern Soul où l’on virevolte toute la nuit. Ady Croasdell, tombé dans la marmite étant ado, devenu producteur de disques, organise ces rendez-vous au 100 Club chaque mois depuis 1986. « Ce phénomène est né à la fin des sixties, ce sont des fans
« ON ASSISTE À UNE EXPLOSION DE CRÉATIVITÉ, UN DÉSIR D’ÉMANCIPATION ET DE LIBERTÉ »
de la Motown des années 1964-65, souvent issus du mouvement Mod, qui l’ont lancé », explique-t-il. Pour résister à la plupart des clubs adoptant un virage « funky » à la fin de la décennie, ces inconditionnels ont monté leurs propres soirées. « On assiste alors à une explosion
Les habitués du 100 Club, à la grande époque
de créativité, un désir d’émancipation et de liberté ». Leur son reflète cet esprit : une secousse rythmique, proche des battements du cœur. Et cela quatre ou cinq ans avant l’avènement du disco et deux décennies plus tôt que la house music... « Les jeunes de l’époque prenaient d’ailleurs pas mal d’amphétamines », poursuit Ady. Désormais, au 100 Club, les « clubbeurs » tournent (apparemment) à la bière. Mais attention, pas d’alcool sur la piste, c’est bien la musique la star de la soirée. « Les adeptes veulent surtout danser. D’ailleurs, peu importe leur
âge, couleur de peau ou préférences sexuelles » constate John, professeur d’université à Oxford, lui aussi tombé dedans quand il était petit. DE LA OLD À LA NORTHERN SOUL
À la fin des années 1960, dans le nord de l’Angleterre, on recensait entre 1 000 et 2 000 passionnés estime Ady. Tout a commencé grâce au foot !
« À l’époque, un disquaire londonien fanatique de musique afroaméricaine, Dave Godin, a vu débarquer chaque samedi des groupes de supporters issus du nord du pays. Ils étaient tous dingues de Old Soul, d’artistes comme JJ Barnes... Alors, il a conçu des coffrets spécialement pour eux, étiquetés “Northern Soul” en raison de l’origine géographique des collectionneurs… ». Mais c’est au début des années 1970 que la scène s’est vraiment développée.
« LES ADEPTES VEULENT SURTOUT DANSER. PEU IMPORTE LEUR ÂGE, COULEUR DE PEAU OU PRÉFÉRENCES SEXUELLES »
Adrian (Ady) Croasdell, producteur chez Ace Records Ltd et dealer de Northern Soul
Les petites soirées organisées dans des “youth clubs” ou gares désaffectées investissent de grandes salles de spectacle, dont les plus emblématiques restent The Wigan Casino et The Torch. Une foule de “kids”, pour la plupart issus de la classe ouvrière, s’est mise à danser chaque samedi sur d’obscures pépites de musique noire américaine comme si leur vie en dépendait. Ils se sapaient et imaginaient des pas inouïs, se transformant en héros d’un soir. Ils étaient de Wigan ou de Stoke, villes plus grises que noires, se projetant dans une Amérique fantasmée. De leur quête frénétique est né ce mouvement. Les DJ’s, dépassés par l’appétit du public, furent obligés de traquer des morceaux oubliés jusqu’à Detroit
The Hesitations
ou New York. Eh oui : force est de reconnaître que leur matière première était une production de deuxième ordre, signée en marge de la Motown ou de Stax. Un filon particulièrement apprécié car regorgeant de productions plus brutes, délurées que celles dispensées sur les ondes consensuelles. Ainsi, les “disc-jockeys” ont réussi à propulser certains artistes peu cotés au rang de vedettes. Gloria Jones, l’inénarrable interprète de Tainted Love (repris par Soft Cell en 1981) en est l’illustration parfaite. CHACUN FAIT CE QUI LUI PLAÎT
Retour au 100 Club, un autre DJ a pris le relais. La piste est bondée.
Faut-il user d’une technique particulière ? « Non, ici on danse pour soi, on n’a pas besoin de partenaire. Du coup on se concentre sur la musique. C’est génial, surtout pour les timides ! », confie Ady. Pas non plus de “dress code” imposé, même si au début les Levi’s, Doc Martens et polos Fred Perry étaient la norme – héritage des Mods oblige. Dans le salon de son appartement de Hackney, John sort ses disques et passe un de ses 45 tours préférés.
Au 100 Club, jusqu’au bout de la nuit (2016)
« DURANT CES SOIRÉES VOUS VOUS SENTEZ VRAIMENT APPARTENIR À UNE SCÈNE, À SON ÉTERNELLE JEUNESSE »
Malgré quelques “infidélités” avec David Bowie, la New Wave et le Grunge, il entretient la flamme depuis l’âge de 12 ans. Pour lui, il s’agit d’une vraie communauté : « Quand vous avez mis le pied dedans, vous y êtes pour toujours.
Little Ann interprète Deep Shadows (1967)
Durant ces soirées vous vous sentez vraiment appartenir à une scène, vous captez son énergie, son éternelle jeunesse ». La Northern Soul fête bientôt ses 50 ans. Pourtant, les plus acharnés découvrent encore de “nouveaux” morceaux. « La source est intarissable, beaucoup d’enregistrements d’époque ne sont jamais sortis », explique Ady, dont l’un des boulots est de publier ces trésors en vinyles. La magie perdure, et s’exporte notamment en Espagne, Allemagne, Italie et un peu en France. Alors on danse !
NORTHERN SOUL, CARNET PRATIQUE Se rendre à un all-nighter ou à un weekender : www.6ts.info Acheter des disques de Northern Soul : acerecords.co.uk Leuven Northern Soul Nighter (05.11) : avant-première du film Miss Sharon Jones ! (20h) + LNS Nighter : This is sixties Soul ! (21h30)
À voir : Northern Soul d’Elaine Constantine (2014) // Soulboy, de Shimmy Marcus (2010) // The Commitments, d’Alan Paker (1991)
À écouter : Gloria Jones (Tainted Love) // Timebox (Beggin), Pointer Sisters (Send Him Back) // Fred Hughes (Baby Boy) // Jackie Wilson (Whispers Getting Louder)
Style – Rencontre 22
PINBALL MADNESS Billes en tête Texte Julien Damien Photo Julien Damien / Pinball Madness
« Et j’vis comme une boule de flipper, qui roule ! ». Ce n’est pas vraiment pour les beaux yeux de Corynne Charby qu’Emmanuel Marchand et Cédric de Vrieze collectionnent les machines à tilts. Plutôt pour renouer avec une vieille passion, un jeu vintage qui est en train de signer son grand retour dans nos contrées.
Perds pas la boule !
P
ourquoi le flipper ? « Disons que nous sommes de grands enfants », concèdent Emmanuel et Cédric. Aujourd’hui pères de famille, ces trentenaires voulaient revivre ce petit frisson adolescent. Celui des années lycée et des cafés d’antan. Avec leurs salles enfumées, les derniers juke-box et, surtout, ces jeux où ils ont laissé quelques pièces : billards, baby-foot et, donc, les flippers. Cédric a commencé par en acheter un, puis deux… jusqu’à en compter 26 ! Et cela dans toutes les thématiques imaginables : franchises hollywoodiennes (Dracula, Frankenstein…) ou créations originales. Si bien que le sous-sol de sa
maison, à Carvin (Pas-de-Calais) ressemble à un petit parc d’attraction, avec ses « bips » et ses lumières qui scintillent. Mais, au-delà de l’effet madeleine de Proust, qu’est-ce qui leur plaît tant ici ? Pas forcément le désir de « scorer ». « C’est une synthèse, explique Emmanuel, qui en possède 18. Il y a le graphisme, très artistique, les gadgets, les animations… ». Sa machine préférée ? Le modèle « Famille Addams », plus grand succès du genre : 20 000 exemplaires écoulés depuis sa fabrication, en 1992. Une démonstration s’impose. « On allume, et hop ! Voyez : d’emblée, la musique nous plonge dans le film ».
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À l’origine Le flipper, une invention américaine ? Tatata… Son ancêtre est à chercher à la fin du xviiie siècle, en France, et se nomme le jeu de Bagatelle. Il s’agissait de lancer des billes sur une planche en bois pleine de clous et de trous.
Chicago La Mecque du flipper, c’est Chicago, où des mécaniciens et électriciens au chômage ont créé ce jeu, après la crise de 1929. C’est donc ici que s’installèrent quasiment tous les constructeurs qui connaissent leur apogée dans les années 1960. Aujourd’hui n’en subsiste plus qu’une poignée, dont Stern Pinball qui produit encore deux modèles originaux par an.
Le flip c’est chic
Sur le plateau, on admire tout un tas de bumpers, de lumières, de gadgets… Soudain, une main surgit et attrape la bille… c’est la Chose ! « C’est très drôle, parfois le flipper se moque de nous – « haha, t’es un p’tit rigolo toi ! » – ou s’actionne tout seul, comme possédé ! » LA BARAKA !
Autre aspect, non-négligeable : « c’est un très bon jeu ». Eh oui, il ne s’agit pas d’appuyer sur les boutons comme un malotru. Il y a des règles à suivre. Par exemple le modèle « Créature du lagon noir », pour lequel en pince Cédric et qui nous renvoie en 1950. « Il est question d’adresse et de stratégie. Il faut viser là où ça clignote, mais dans un certain ordre, pour progresser, comme dans un jeu vidéo. Ici le but est de délivrer la fille prisonnière
du monstre ». Star des bistrots dès les années 1960, le flipper a peu à peu disparu. La faute, entre autres, à Pacman et consorts… Mais depuis quelques années, le vent est en train de tourner. Une ligue nationale (LNJF) a vu le jour en France, organisant une compétition à l’échelle de l’Hexagone. De leur coté, Emmanuel et Cédric ont créé une association, « Pinball Madness », chapeautant tous les ans, en juin, un grand rassemblement à Carvin : la Baraque à Flip. La première édition, en 2015, a attiré 850 curieux. La seconde… 1 200 ! Corynne Charby devrait songer à un remix.
À visiter Ligue nationale des joueurs
de flipper : lnjf.fr Ligue Pinball Nord : lpnord.wordpress.com Pinball madness : www.facebook.com/ labaraqueaflip
VINTAGE HOTEL
Style – Lieu 26
Passé recomposé Texte Julien Damien Photo Jean-Jacques Serol Petite Photography
Papier peint psychédélique, téléphones orange, mobilier rond comme une brioche, affiches de films de Jacques Tati… Pas de doute, nous voilà téléportés dans les années 1960 et 1970 ! En plein centre de Bruxelles, à deux pas de l’avenue Louise, le Vintage Hotel propose un savoureux voyage dans le temps. De plus, chacune des 29 chambres de cette ancienne maison de maître possède son style et, surtout, un meuble unique qui ravira les fans de design rétro. Tandis qu’on déguste le petit déjeuner en écoutant de vieux disques vinyles, le bar à vin nous accueille (un peu plus tard quand même...) sur une banquette issue de l’aéroport JFK et signée Charles et Ray Eames. Dès novembre, celuici sera accompagné d’un bar à bière et de huit nouvelles chambres. Que les accros aux nouvelles technologies se rassurent, l’établissement est tout de même équipé en wifi…
À visiter Bruxelles, 45 rue Dejoncker, une nuit pour deux personnes : 130 > 90 € +32 (0)2 533 99 80, www.vintagehotel.be
© lwood.fr
Style – Événement 28
Roubaix Vintage Weekender # 5 C’est LE rendez-vous rétro du Nord de la France. Mis sur pied par DJ Healer Selecta et Françoise Steibel – aka Miss Poodle Wah-Wah – le Roubaix Vintage Weekender attire près de 15 000 visiteurs. Au-delà du marché des exposants (70), proposant sapes, vinyles, mobilier… on assiste à des concerts nous renvoyant au bon vieux temps du rockabilly (avec Pat Capocci), du ska (King Hammond) ou de la soul. Côté expos, entre les pochoirs de Jef Aerosol et les collages de Lamaari Nacera (où Janis fait un jam avec Jimi !), JM Angles livre une démo de « pop sculptures » avec ses dioramas constitués de couvertures de pulps des sixties et des films de série Z. La classe, quoi. J.D. ROUBAIX – 11 > 13.11, La Condition Publique, ven : 15 h > 00 h, sam : 11 h > 00 h, dim : 11 h > 19 h, gratuit, www.laconditionpublique.com, vintageweekender.com
Brussels Vintage Market
BRUXELLES - Tous les premiers dimanches du mois, Halles SaintGéry, 12 h > 19 h, gratuit, brusselsvintagemarket.be
© DR
Rétro, c’est trop ? Bon, allez, un dernier bon plan pour la route. Incontournable pour le coup. Tous les premiers dimanches du mois, les Halles Saint-Géry de Bruxelles accueillent un marché réunissant vendeurs et designers spécialisés, des années 1950 à 1980. Le petit plus ? On chine entre les étals de chaussures, sacs, bijoux, meubles, vinyles... sur une bande-son de standards d’époque bien choisis. Dis, t’oublies pas de me ramener mon pattes d’eph’ cette fois ? J.D.
Portfolio – Portrait 30
Toute une histoire
dutchuncle.co.uk/shout
À visiter www.alessandrogottardo.com
ALESSANDRO GOTTARDO / SHOUT
Texte Julien Damien
Alessandro Gottardo s’est d’abord rêvé écrivain. « Mais j’étais plus doué en dessin », confie-t-il. Tant mieux ! On a peut-être perdu un grand romancier, mais gagné un formidable illustrateur. Ce Milanais fait ainsi le bonheur de prestigieux clients : le New York Times, le Washington Post, le New Yorker, mais aussi HBO et de célèbres maisons d’édition telles que Penguin ou Random House. Pour autant, malgré ses désillusions littéraires, on retrouve dans les œuvres minimalistes de ce grand fan de Raymond Carver (pour qui il a conçu la couverture d’une traduction transalpine) cette même envie de raconter des histoires : « j’aime les suggérer, pour que le public les termine luimême ». Quel monde parallèle ce petit garçon a-til déniché en soulevant la mer comme un tapis ? Vers où vogue cette gigantesque tortue portant un village sur sa carapace ? Qui sait… On remarque aussi cette esthétique vintage et un sens certain de l’ironie, notamment quand il détourne les sujets d’actualité. « Conceptuels, métaphysiques » comme il les définit, ses dessins sont toutefois exécutés avec simplicité : « je travaille d’abord au crayon, sur le papier. Je scanne ensuite ces croquis pour les finaliser numériquement ». Celui qui signe ses commandes sous le pseudo de « Shout » (et de son vrai nom pour ses projets personnels) demeure en tout cas très prolifique. « À un moment, je réalisais près de 300 illustrations par an, mais j’ai ralenti la cadence ces derniers mois… ». Le syndrome de la page blanche ? Plutôt la rançon du succès.
Drugs illusion - Nautilus (2014)
Drugs war - The New Yorker (2013)
Exxon - The New Yorker (2011)
A new Discovery - Seac Sub (2009)
Turtle - EOS (2013)
An american Town - Middlebury magazine (2015)
Einaudi - Where I’m calling from ? (Ray Carver’s novel) (2014)
Sélection – Musique 38
Fe s t i va l
On rave encore
Texte Thibaut Allemand Photo Maceo Plex © DR
En dépit d’une importante baisse de subventions, le NAME reste debout et se déploie sur trois lieux de la Métropole – en simultané. On vadrouillera donc entre la Gare Saint Sauveur lilloise, la Condition Publique de Roubaix et, nouveauté, deux chapiteaux dans le port fluvial d’Halluin. Laurent Garnier est de la partie. Scoop : Ellen Allien aussi. Mais on a envie d’évoquer d’autres noms, tout aussi prestigieux…
Maceo Plex
Ben Klock
Né à Cuba voici 38 ans, grandi à Dallas et désormais installé à Barcelone, Maceo Plex s’est d’abord fait un nom à Ibiza (au Space, à l’Amnesia), battant l’été dernier un record en enchaînant dix DJ-sets en 24 heures. Un temps pensionnaire du glorieux – et regretté – label Crosstown Rebels, le globe-trotter est passé maître dans l’art de productions à la fois deep et dotées d’un groove lorgnant vers les racines du funk – enfin, dans l’esprit. S’il forme un couple idéal avec Danny Daze (sous l’alias Jupiter Jazz), le petit génie débarque au NAME en solitaire et, une chose est sûre, il nous surprendra encore. Que voulez-vous : on ne connaît pas Maceo par cœur.
Ben Klock aime le rythme. La fureur. La puissance. Le boucan génial et harmonieux. Autant dire que lorsqu’il a débuté, il y a une grosse quinzaine d’années, la météo berlinoise – minimale et monotone – lui a semblé peu clémente. Autant dire, aussi, que l’ouverture du Berghain en 2004 lui a paru comme une belle bouffée d’air vicié, irrespirable et étouffant – tout ce qu’il aime. Depuis, ce proche de Marcel Dettmann incarne la certitude, au beau milieu de n’importe quelle affiche, la rage pure – le tout servi par un parfait gentleman.
HALLUIN – 08.10, Port fluvial, 02 h 30
HALLUIN – 07.10, Port fluvial, 02h
☞
© Michael Mann
© Shailevy
Recondite
Âme
(live)
Le premier essai de Recondite se nommait On Acid. On l’a écouté en T-Shirt smiley, le sifflet dans la poche – avant de se raviser. Profonde (mais pas deep), mélancolique et sophistiquée, l’electro minimale de l’Allemand joue la carte de l’intime, développée le long de quatre albums aux intitulés évocateurs : Hinterland (l’arrière-pays), Placid… Alors non, on ne criera pas Aciiiid! en levant les bras, mais ce live de Recondite saura nous faire bouger ET méditer. Ça vous laisse songeur ? C’est le but.
Âme, c’est avant tout un tube implacable, Rej (2005) : l’alliance de l’efficace et de l’élégant. Depuis, les cofondateurs du label Innervisions (avec Dixon) n’ont pas vraiment aligné les longs formats, privilégiant les maxis – citons l’aérien Tatischeff ou Erkki, bien perché – tout en conservant une certaine distance. Plutôt rares, donc, les Allemands auront la lourde tâche de clore le festival à la Condition Publique. De quoi insuffler un supplément d’âme, forcément. ROUBAIX – 09.10, La Condition Publique, 19 h
HALLUIN – 07.10, Port fluvial, 01 h
LILLE, ROUBAIX, HALLUIN – 07 > 09.10, Gare Saint Sauveur, La Condition Publique, Port fluvial, 1 nuit : 30 > 25 € Pass 2 nuits : 60 > 45 € Pass week-end : 70 > 55 € Closing : 15 > 12 € Name by Day : gratuit www.lenamefestival.com • NAME by Night 07 & 08.10, Halluin, Port fluvial, 22 h > 06 h Mainro, Kollektiv Turmstrasse (live), Seth Troxler, Laurent Garnier, Rafael Cerato, Stephan
Bodzin (live), Recondite (live), Ben Klock, Marcel Dettmann (07.10)… // Konvex & The Shadow, Frankey & Sandrino, Alex Niggemann, Maceo Plex, Apm001, Matthus Raman, Paula Temple, Ellen Allien, Rødhåd, Mind Against (08.10)… • NAME by Day Lille, Gare Saint Sauveur, ven : 18 h > 00 h, sam : 16 h > 00 h Remote, Marvin & Guy, Hap (07.10)… // Blac, Solee (live), The Drifter, Anthon Douran (08.10)…
• NAME Academy 06, 07 & 08.10, Roubaix, La Condition Publique Atelier 1 : Composer son track avec live par Flore Atelier 2 : Ableton live pour la scène par Krazy Baldheahd Atelier 3 : Launchpads vs Monome (06 & 07.10) // Conversation avec Ellen Allien (08.10) • Closing 09.10, Roubaix, La Condition Publique, 13 h > 22 h Âme, Alex Smoke, Alex Boman, Peo Watson, Loup Blaster (VJ set)
© Bella Howard
Sélection – Musique 42
BRUXELLES – 07.10, Botanique, 19 h 30, 14 > 8 €, www.botanique.be
AMIENS – 05.10, La Lune des Pirates, 20 h 30, 12 > 3 €, www.lalune.net
Oscar On a connu Oscar en 2013 avec son single Never Told You – ou comment mêler les beats de Paid In Full d’Eric B. & Rakim à un chant morrisséen. Ce bricolage inspiré rappelait également les débuts du génial Jens Lekman. Depuis, le jeune Britannique est (un peu) rentré dans le rang, et signait en mai dernier un album qui sautait à pieds joints dans un revival Britpop autrement plus inspiré et élégant que celui des Kaiser Chiefs (vous les avez oubliés ? tant mieux). Hélas, le succès ne fut pas vraiment au rendez-vous – pourtant, parmi les revivalistes de tout poil, Oscar s’en sort avec dignité (on ne signe pas des morceaux de la trempe de Sometimes ou Daffodil Days sans être un minimum doué) et un soupçon de malice érudite (Good Things évoque évidemment Saint Etienne). On ne sait pas grand-chose des musiciens qui l’accompagnent mais, pour avoir vu ce grand échalas sur les planches outre-Manche, on l’affirme : le gaillard sait tenir une scène. T.A.
© Jeremiah
Sélection – Musique 44
Dom La Nena On n’avait plus guère de nouvelles de Dom La Nena depuis l’excellent Soyo (2015). Sympa, la violoncelliste et chanteuse brésilienne n’a pas profité des JO pour réempaqueter quelques morceaux en triste best of. En revanche, cet automne, elle débaroule dans l’eurorégion avec en poche un EP qui témoigne, une fois encore, de ses appétits musicaux sans frontières. Entre deux relectures inspirées de maîtres sud-américains (Lupicinio Rodrigues et Violeta Parra), l’héritière de Lhasa de Sela reprend Scenic World de Beirut et Les Vieux de Jacques Brel. C’est doux, poignant, et sur scène, on s’attend à quelques moments sublimes. T.A. MOUSCRON – 04.10, Centre Culturel, 20 h 30, 5 € // LESQUIN – 05.10, Centre Culturel, 20 h 30, 5 / 3 € // BONDUES – 06.10 // LYS- LEZ-LANNOY- 07.10 // NEUVILLE EN FERRAIN – 08.10 // TOURCOING – 22.10, Complet !
Echappé de l’estimable Balthazar, ce petit cachotier de Maarten Devoldere dévoilait en septembre son projet solo, Warhaus. We Fucked a Flame Into Being, le titre de l’album, renvoie à une citation de L’Amant de Lady Chatterley. Il s’agit-là, selon le Flamand, de « rendre hommage à la décadence et l’intensité que peut offrir la vie ». Ce que réussit parfaitement ce dandy languide à la voix chaude, en convoquant sur la même scène (enfumée, évidemment) Leonard Cohen, Nick Cave ou Serge Gainsbourg. J.D. COURTRAI – 13.10, De Kreun, 20 h, 18 > 12 € // LIÈGE – 14.10, Reflektor, 19 h 30, 14 € // BRUXELLES – 15.10, Ancienne Belgique, 20 h, 15 € // LILLE – 27.10, L’Aéronef, 20 h, 18 > 5 € // NAMUR – 31.10, Piano Bar, 18 h, 14 / 11 € // GAND – 04.11, Vooruit, 19 h 30, 16,75 €
© Titus Simoens
Warhaus
L’envol Longtemps, on n’eut que faire d’Emily Loizeau. Et puis un beau jour, l’épiphanie. Étaitce elle, était-ce nous ? Un peu des deux, sans doute. Depuis, on prêche la bonne parole, et on ne rate aucun concert intimiste de cette folk singer méconnue. Emily Loizeau fut trop souvent rangée dans le mauvais versant de la chanson française – la variet’ – alors que la Franco-Britannique appartient à son côté solaire : la variété. Entre l’ubac et l’adret, elle a souvent hésité. D’où de nombreux malentendus. On l’a vue s’entourer d’amis encombrants : Olivia Ruiz, Mathias Malzieu, Tryo… Mais aussi de personnalités plus présentables : Herman Düne ou Andrew Bird. Snobisme ? Sans doute. En attendant, Loizeau mit du temps à maîtriser son souffle et ses éclats de voix, toujours à la limite, entre sublime et ridicule. Oui, Emily possède une voix. L’ennui, c’est qu’elle a passé trop de temps à le démontrer. Tout a changé avec Mothers & Tygers (2012). Un fabuleux disque pop, nourri au british folk et à une imagination débordante. Tandis que les snobs (on y revient) se délectaient d’une Mina Tindle, le grand public – nous, vous – dégustait chaque note de ce disque inespéré. Engagée, la chanteuse défendait les sans-papiers (non, ce n’est pas « bien-pensant », c’est réglo, point), et entamait une tournée acoustique éclairée à la bougie. Mona (2016) confirme tout le bien que l’on pense de la néo-quadra. Pas de quoi nous réconcilier avec ses œuvres de jeunesse. Tant mieux : une carrière parfaite, c’est lassant. Thibaut Allemand LILLE – 08.10, L’Aéronef, 20 h, 26 > 14 €, www.aeronef.fr ARRAS – 07.12, Théâtre, 20 h 30, 22 > 9 €, www.tandem-arrasdouai.eu
© Micky Clément
EMILY LOIZEAU
© DR
© John Sturdy
Ultimate Painting
Whitney
Jack Cooper (Mazes) et James Hoare (Veronica Falls) adorent le Velvet. Comme tout le monde, quoi ? Non, eux, ils aiment vraiment beaucoup, beaucoup le Velvet. Le troisième album – dit « au canapé » – en particulier : le versant apaisé (ou presque) de Lou Reed et Cie. Jamais surprenant mais toujours convaincant, Ultimate Painting assume totalement son partipris. Cela pourrait virer au revivalisme stérile, mais voilà : leurs chansons, à la fois solides et brinquebalantes, tiennent vraiment la route. Et c’est tout ce qui compte, non ? T.A.
La voix très haut-perchée – quelque part entre Curtis Mayfield et Neil Young – l’ex-Smith Westerns Julien Ehrlich, entonne une country soul parée de guitares cristallines, vernie de cuivres et nimbée de cordes. On songe, entre autres, au folk électrique des sixties, à la soul sophistiquée des seventies. Mais finalement, l’ensemble s’avère hors d’âge, tant cette pop mélodieuse se fiche du contexte historique. À l’image de Natalie Prass ou Matthew E. White, autres orfèvres qui, sans rejeter la tradition, insufflent un peu de leur âme dans chaque note. T.A.
BRUXELLES – 11.10, Botanique, 19 h 30, 14 > 8 €, botanique.be
BRUXELLES – 30.10, Ancienne Belgique, 15 h, 15 €, (et 20 h : complet !), www.abconcerts.be
Depuis l’inusable Dry (1992), PJ Harvey trace sa route, à la fois seule et bien entourée. Récemment, les atours arty de The Hope Six Demolition Project laissaient songeur (le public pouvait voir l’artiste en plein travail, comme dans une expo), mais le résultat, classique et viscéral, séduit tout de même. Sur scène, l’Anglaise assure un spectacle sous tension, à peine entaché d’un certain maniérisme. Qu’on se rassure : c’est toujours plus honnête que les tristes pantomimes made in H&M de ces andouilles de The Kills. T.A. BRUXELLES – 19.10, Forest National, 20 h, 49 > 39 €, forest-national.be
© Christie Goodwin
PJ Harvey
TOURCOING – 14 > 22.10, Théâtre Raymond Devos & Chapiteau Magic Mirrors (parvis St-Christophe), Le Colisée, Le Grand Mix, Centre culturel mouscronnois Marius Staquet, maison Folie Hospice d’Havré, Le Grand Mix, Théâtre de l’Idéal…, 34 € > gratuit, pass : 10 €, tourcoing-jazz-festival.com PROG : Quad sax (14.10) // Lisa Simone… (15.10) // Chucho Valdés (16.10) // Nardozza &
Devisscher, Airelle Besson Quartet… (17.10) // Autour de Chet, Electro Deluxe… (18.10) // Sarah Lenka chante Bessie Smith, Odeia, Yael Naim, Baptiste Trotignon & Minino Garay… (19.10) // Thomas Grimmonprez Trio, Christian Mc Bride Trio, Stacey Kent, Cory Henry… (20.10) // Anne Paceo, Kyle Eastwood, Henri Texier, Mélanie de Biasio… (21.10) // Acid Jazz Machine, Création Trans’Hip Hop Express, Dom La Nena, Lianne La Havas, Selah Sue, David Krakauer… (22.10)
Tourcoing Jazz Festival
Le bon tempo
Texte Hugo Dewasmes Photo Jose James & Airelle © Franco P Tettamenti
Alors que l’automne s’installe doucement sur les Hauts-de-France, une douce ambiance estivale perdure à Tourcoing, avec pas moins de 35 rendez-vous jazz durant neuf jours… Et ça fait 30 ans que ça dure ! Lorsqu’ils reprennent les rênes du festival, en 1999, Patrick Dréhan (directeur artistique) et Reno di Matteo (conseiller artistique) n’ont qu’une idée en tête : retirer l’image élitiste qui colle au jazz. Comment ? En démontrant via une programmation ambitieuse que la note bleue s’adresse à tous. « Ce genre musical aspire et inspire d’autres formes, rappelle Yann Subts, directeur de l’association culturelle tourquennoise. Nous proposons ainsi des métissages pour conquérir un nouveau public ». Illustration cette année, notamment, avec une première : la création de Trans’Hip Hop Express réunissant le Tire-Laine et les danseurs hip-hop de la compagnie Melting Spot de Farid Berki ! Club-sandwich « Le Magic Mirrors* est aussi un bel exemple de cette ouverture : des concerts gratuits s’y déroulent le midi, on peut y manger un sandwich en écoutant de la musique », poursuit Yann. La pédagogie demeure également une priorité : sur les solides fondations du festival naissait il y a 18 ans le département jazz du conservatoire de Tourcoing qui, cette année, invite l’immense Henri Texier. Loin de la démesure de certains grands raouts estivaux, l’affiche se veut ainsi éclectique, familiale mais exigeante. Entre David Krakauer et Stacey Kent, Chucho Valdés et Joe Lovano, on trouve des gens qui remplissent des Zéniths, telles Yael Naim, Mélanie de Biasio, Selah Sue… Voilà l’esprit : sans bling-bling, mais avec le souci du travail bien fait. *chapiteau restauré dans l’esprit du début du siècle.
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La preuve par 3
Théâtre municipal Raymond Devos, 15.10, 20 h, 25 > 18 €
Autour de Chet Plus que jamais, au-dessus du festival plane l’ombre de Chet Baker. Vingt ans après la mort du trompettiste et chanteur (en 1988), l’album Autour de Chet de Clément Ducol rendait grâce à l’auteur de My Funny Valentine. Evénement de cette édition, cette version scénique est portée par de grandes voix et instrumentistes. Citons Yael Naim, Camélia Jordana, Erik Truffaz, Hugh Coltman… Théâtre municipal Raymond Devos, 18.10, 20 h, 34 > 27 €
Camélia Jordana © Franco P. Tettamenti
Pas facile d’être « la fille de… ». Après un détour par l’US Air Force, Lisa Simone a longtemps hésité avant de prendre le micro. Affranchie de l’héritage maternel, elle se fait d’abord remarquer à Broadway avant d’éblouir le monde du jazz. C’est seulement en 2014, à 52 ans, qu’elle décide d’accoler son prénom, Lisa, à Simone. Et de se muer, à son tour, en diva de la scène et de la soul, comme l’atteste son second album, My World.
© Frank Loriou / Agence VU
Lisa Simone
Preuve de son ouverture d’esprit, le Tourcoing Jazz affiche une soirée des plus « pop ». C’est Dom La Nena qui ouvre les hostilités avec sa folk brésilienne teintée de saudade. Après un détour plus soul dans les pas de l’Anglaise Lianne la Havas, l’énergique belge Selah Sue ouvre des horizons plus r’n’b, jusqu’au bout de la nuit. Théâtre municipal Raymond Devos, 22.10, complet !
Lianne La Havas © John Paul Pietrus
One night alone with… Dom la Nena, Lianne La Havas, Selah Sue
Passage de témoin Quand Marc Hollander, patron de Crammed Discs, trouve le moyen de publier un disque de Véronique Vincent & Aksak Maboul abandonné voici trente ans, l’aventure repart de plus belle. De quoi exciter quelques nostalgiques et une poignée de nouveaux-venus, pensait-on. En fait, l’affaire prend des proportions réjouissantes. Revenons brièvement sur la folle histoire de Marc Hollander et Vincent Kenis, fondateurs d’Aksak Maboul. Après un premier LP inclassable et visionnaire en 1977, le tandem rejoint Les Tueurs de la Lune de Miel, au sein desquels sévit Véronique Vincent. En 1983, la troupe s’évanouit… jusqu’en 2014, où apparaît Ex-Futur Album, disque qui a trente ans de retard mais demeure en avance sur notre temps – et rejoint les préoccupations d’aujourd’hui, entre métissage tous azimuts et rétrofuturisme. Ce qui aurait pu n’être qu’anecdote prend le chemin d’une belle odyssée grâce à la relève. Une jeune garde nommée Aquaserge, Flavien Berger, Jaakko Eino Kalevi, Laetitia Sadier, Forever Pavot… Autant d’artistes signant aujourd’hui des œuvres singulières qui n’auraient peut-être pas vu le jour voici trente ans sans Aksak Maboul (ni Robert Wyatt, Kevin Ayers, Françoise Hardy…). Tous ont voulu rendre hommage et, surtout, s’approprier les pop songs de ce disque inespéré sur 16 Visions of Ex-Futur, à paraître en octobre. Aujourd’hui, (une partie de) cette joyeuse bande rejoint Hollander et les siens sur scène. Un beau pasAKSAK MABOUL ET AQUASERGE, JAAKKO EINO KALEVI, LAETITIA sage de relais, sans doute. Dont vous feriez bien SADIER… d’être les témoins. Thibaut Allemand BRUXELLES – 22.10, Botanique, 19 h 30, 20 > 14 €, botanique.be
© Marjolein Hoornaert
VÉRONIQUE VINCENT & AKSAK MABOUL
Prog – Carl Craig, Apollonia, Max Cooper, Jackmaster, N’To, Pional Musiq, Weval, Amelie Lens, Pierre, Cleveland
BRUXELLES – 29.10, Brussels Kart Expo, 21 h > 05 h, 30 €, www.monamourrr.be
Weval © Nick Helderman
Sélection – Musique 56
Mon Amourrr Déjà, notons la redondance du «r» qui témoigne, au choix, d’un accent à couper au couteau, ou d’un amour irraisonné pour la techno / house. Évidemment, on coche l’option n°2. Mise sur pied par l’équipe du festival de Dour, cette soirée fait écho aux plus chaudes ambiances de la ribouldingue de juillet. La formule ? Deux scènes où se côtoient têtes d’affiche et jeunes prodiges. Carl Craig, pionnier de la techno made in Detroit, assure la crédibilité du projet. L’Américain offre du même coup une visibilité bien méritée aux sets sombres et martiaux d’Amelie Lens (qui cumule le double emploi de DJ et de mannequin !), à la deep house d’Apollonia ou aux morceaux stratosphériques des Néerlandais de Weval, nouveaux chouchous du label Kompakt. À découvrirrr sans attendrrre. J.D.
© Benoît Fatou
Sélection – Musique 58
COMINES – (Festival Tour de Chauffe) 01.11, Le Nautilys, 20 h, 5 €, www.ville-comines.fr
The Limiñanas Merci, Franz Ferdinand. C’est par le biais d’un florilège concocté par les Écossais qu’on a découvert cette formation, en 2014. De fil en aiguille, on réalisait que Lionel Limiñana et son épouse, Marie, avaient signé une poignée d’albums, travaillé avec l’immense Pascal Comelade, furent remixés par Weatherall et encensés par Anton Newcombe, Bobby Gillespie ou même ce bon vieux Peter Hook, présent sur leur récent et sixième album (ce qui nous permet de placer la référence mensuelle à New Order). Au menu ? Un pincée de Suicide, une pop garage maline façon Dutronc, un zeste de Morricone, des guitares fuzz hérissées à la Stooges… Sur scène, les époux sont soutenus par quatre collègues – on n’est jamais trop de six pour reproduire des chansons pareilles ! T.A.
Sélection – Musique 60
Petit Biscuit
© Magdalena Lawniczak
Petit Biscuit est souvent présenté comme le petit prodige de l’électro. En cause ? Son âge : 16 ans. Méfions-nous : on se souvient (ou pas) de Madeon… Or, le talent de Mehdi Benjelloun (pour l’état-civil) n’a rien à voir avec la somme de ses printemps. Formé au violoncelle, enfant de Disclosure et de The XX, le Normand mêle percussions, guitares et claviers et compose des titres planants, où les rythmiques aquatiques répondent aux voix trafiquées. En attendant, le lycéen comble des salles extatiques mais, pour l’heure, uniquement durant les vacances scolaires. T.A. BRUXELLES – 24.10, TOURCOING – 25.10, complet !
SAM 01.10
MAR 04.10
WILLIAM SHELLER Charleroi, PBA, 20h, 52>40e
ARNO Calais, Le Channel, 20h, 7e
MICKEY3D Lille, Th. Sebastopol, 20h, 32e
BEACON + COLORADO + AZUR Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h30, 12>8e
LUCKY PETERSON Marcq-en-Barœul, Théâtre Charcot, 20h30, 20/16e SAGE + GENERAL ELEKTRIKS + BIRDY NAM NAM… Boulogne-sur-Mer, Garromanche, 20h30, Pass : 22e // Soirée : 15/14e I AM STRAMGRAM + DAN SAN… Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 12>6e MONDKOPF Lille, Le Magazine, 23h, 7e MOODYMANN… Bruxelles, Fuse, 23h, 10e
DIM 02.10 MARIANNE FAITHFULL Arras, Théâtre d’Arras, 17h, 35>20e OZARK HENRY Liège, Reflektor, 19h30, 23e
BACHAR MAR-KHALIFÉ + SSCK Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 15/10e
MER 05.10 OSCAR + HER Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12>3e
JEU 06.10 SUZANNE VEGA Anvers, De Roma, 20h30, 32/30e
VEN 07.10
OSCAR Bruxelles, Botanique, 19h30, 14>8e ABD AL MALIK + PIHPOH Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 20/16/14e PUGGY Béthune, Théâtre, 20h30, 34/30e NAME FESTIVAL : BEN KLOCK + LAURENT GARNIER + MARCEL DETTMANN + RECONDITE + STEPHAN BODZIN… Halluin, Port Fluvial, 22h, 30>25e pass : 60>45e
SAM 08.10 EMILY LOIZEAU + N. MICHAUX Lille, L’Aéronef, 20h, 26>14e SAPHO Faches Thumesnil, Les Arcades, 20h, 15>7e OZARK HENRY Courtrai, Schouwburg Kortrijk, 20h15, 28/26e
CALYPSO ROSE + RAYO DE SON Lille, L’Aéronef, 20h, 26>14e
J.C. SATÀN + DEWOLFF Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 14/9e
ELEPHANT + LOUISE ROAM… Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12>8e
LES FATALS PICARDS… Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13e
ELLEN ALLIEN + MACEO PLEX… Halluin, Port Fluvial, 22h, 30>25e pass : 60>45e
LA YEGROS + LA CHICA Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e
FEU! CHATTERTON Béthune, Théâtre, 20h30, 22/18e
WOVENHAND Charleroi, Eden, 20h, 26>20e
WILD BEASTS Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e
PÉGASE + LENPARROT… Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e
DIM 09.10 NAME : ÂME + AXEL BOMAN… Roubaix, La Condition Publique, 13h, 15>12e
LUN 10.10 WOVENHAND… Lille, L’Aéronef, 20h, 22>10e FEU! CHATTERTON Amiens, Maison de la Culture, 20h30, 36>16e
MAR 11.10 ULTIMATE PAINTING Bruxelles, Botanique, 19h30, 14>8e HIS CLANCYNESS… Lille, La Péniche, 20h, 13/11e IBRAHIM MAALOUF Lille, Le Zénith, 20h, 59>29e
MER 12.10 JIL IS LUCKY Lille, La Péniche, 20h, 16/15e
GRAND BLANC + GRIFON Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e
SAM 15.10 WARHAUS Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e
JEU 13.10 GRAND BLANC + PÉGASE Douai, L’Hippodrome, 20h, 10/8e
BAL NUMÉRIQUE Lomme, mF Beaulieu, 20h30, 5e
LES INSUS Bruxelles, Forest National, 20h, 76>46e WARHAUS Courtrai, De Kreun, 20h, 18>12e
ELMER FOOD BEAT Anzin, Théâtre, 20h30, 15e HILIGHT TRIBE + MAAKEDA Oignies, Le Métaphone, 21h, 18>12e
DIM 16.10
VEN 14.10 DIGITALISM + JACQUES Lille, L’Aéronef, 20h, 22>11e
CHUCHO VALDES & JOE LOVANO Roubaix, Le Colisée, 18h, 32/15e
PARQUET COURTS + PILL Bruxelles, Botanique, 20h, 21>15e
LUN 17.10
ST GERMAIN Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 49,50>38,50$€
LES INSUS Lille, Le Zénith, 20h, 88,40>38,90€
WILD BEASTS Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16>5e
MAXWELL & MARY J. BLIGE Bruxelles, Forest National, 20h, 75>55e
Poliça
© DR
Depuis 2011, le groupe de Minneapolis produit des chansons tristes mais (bizarrement) entraînantes en concassant synthpop, rock progressif et dance music. Cinq ans plus tard, Channy Leaneagh arbore encore une coupe garçonne et auto-tune à l’occasion sa voix d’écorchée vive qu’elle pose sur des compos vaguement expérimentales. Dans la continuité de Give You The Ghost et Shulamith, son United Crushers invite toujours à célébrer le chagrin – ou danser sous les bombes, pour citer Eudeline – collant plus que jamais à l’époque. J.D. BRUXELLES – 24.10, Ancienne Belgique, 20 h, 24 €, www.abconcerts.be
MAR 18.10 ALEXIS HK : GEORGES & MOI Dunkerque, Le Bateau-Feu, 20h, 12e AUTOUR DE CHET Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, 20h, 34>27€ BAXTER DURY Lille, L’Aéronef, 20h, 18>5e BEN HARPER Bruxelles, Forest National, 20h, 47>41e PUPPETMASTAZ + DEAD OBIES Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e
MER 19.10 PJ HARVEY Bruxelles, Forest National, 20h, 49>39e SOOM T Lille, L’Aéronef, 20h, 22>10e
JEU 20.10 BEN HARPER Lille, Le Zénith, 20h, 49,50>40,60e BERTRAND BELIN Tournai, Maison de la Culture, 20h, 24>18€ JAMIE LIDELL Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 30/29e
MER 26.10
PLAID + GUY ANDREWS Lille, L’Aéronef, 20h, 15>5e STACEY KENT (TOURCOING JAZZ) Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, 20h, 25>18e
VEN 21.10 KYLE EASTWOOD + HENRI TEXIER Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, 20h, 22>16e ROCKY + YOU MAN Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13>5e MÉLANIE DE BIASIO Tourcoing, Magic Mirrors, 21h, 17>12e DAN SAN + CONDOR GRUPPE Charleroi, Eden, 21h, 17>11€
SAM 22.10
MOTORAMA Bruxelles, Botanique, 19h30, 18>12e ODEZENNE Lille, L’Aéronef, 20h, 26>14e
JEU 27.10 COCOON + LA GRANDE SOPHIE + LES INNOCENTS + PUGGY + NICOLAS MICHAUX + SAULE… Bruxelles, La Madeleine, 18h, 30e WARHAUS Lille, L’Aéronef, 20h, 18>5e ZOMBIE ZOMBIE + L’OBJET Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e
VEN 28.10
V. VINCENT & AKSAK MABOUL Bruxelles, Botanique, 19h30, 20>14e
NAIVE NEW BEATERS + OMOH Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 18>5e
SAM 29.10
DIM 23.10
AUTECHRE Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e
JEAN-MICHEL JARRE Bruxelles, Palais 12, 20h, 79/59e
DIM 30.10
MAR 25.10 PORCHES + ITALIAN BOYFRIEND Lille, La Péniche, 20h, 13/12e
WHITNEY + JULIA JACKLIN Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e
Allah-Las Ces Californiens sont-ils vraiment bons ? Peu importe. À l’heure de la gratuité quasi-totale de l’accès à la musique, nous avons développé une indulgence plutôt criminelle, hélas. C’est ainsi que des groupes comme Allah-Las, dont la production réconforte davantage qu’elle n’émeut, remportent un joli succès. Pas manchots pour composer des inédits du Velvet (Could Be You aurait pu figurer sur Loaded), ils sont aussi doués sur scène, déroulant leur garage pop inoffensive. À voir. Mais ce n’est pas gratuit. T.A. © Laura Lynn Petrick
BRUXELLES – 26.10, Ancienne Belgique, 20 h, 22 / 21 €, www.abconcerts.be
Sélection – Disques 64
KISHI BASHI Sonderlust
(Joyful Noise / Differ-Ant)
Doté de solides accointances indie, l’Américain Kaoru Ishibashi dit avoir conçu son troisième album sous l’alias Kishi Bashi dans le chagrin et la douleur. Difficile à imaginer lors de la découverte de ce Sonderlust tout en titres pop et euphorisants. À l’instar des meilleurs disques de Of Montreal, dont Kishi Bashi est collaborateur (et dont le leader Kevin Barnes vient ici faire un tour), Sonderlust explose la dépression en mille bulles multicolores. Mais là où les hurluberlus d’Athens jouent la surenchère hystérique, Kishi retient les leçons de coolitude d’un Steely Dan mieux encore que nos chers Phoenix auxquels on pense sur Can’t Let Go, Juno. Si l’album commence par un chant très Divine Comedy, c’est pour mieux nous projeter dans un univers bariolé voire azimuté. Exactement à la manière d’un épisode des Simpson, de nombreux titres démarrent avec de fausses pistes avant de libérer toute leur vigueur pop (les incroyables Say Yeah ou Ode to My Next Life). Disco, rock seventies et synth-funk eighties orchestrent ainsi un feu d’artifice dont on se demande pourquoi il est allumé si tard : il contenait tous les tubes de l’été. Rémi Boiteux
NICK CAVE & THE BAD SEEDS Skeleton Tree
(Bad Seed / Kobalt / PIAS)
Les mots attendus pour évoquer le 16e album de Nick Cave – noir, douloureux, intense, courageux – sont évidemment justifiés, car associés au décès de son fils de 15 ans, survenu en juillet 2015. Mais Skeleton Tree confirme aussi que le son de l'Australien se renouvelle. Creusant, avec Warren Ellis, l’inflexion amorcée dans Push The Sky Away. L’editing et les arrangements synthétiques étonnent, nappes et boucles installent une atmosphère poisseuse et urbaine. On y trouve même, avec Rings Of Saturn, le meilleur morceau hiphop de 2016. La sécheresse au cœur du disque (Magneto, Anthrocene) pose un soleil anthracite au milieu d’une constellation de splendeurs – Girl in Amber. On y reviendra sans fin, au casque de préférence, pour explorer cette œuvre qui remue les entrailles. Rémi Boiteux
LE ROI ANGUS
THE LEMON TWIGS
Îles Essentiel
Do Hollywood
(Cheptel Records / Echo
(4AD / Beggars)
Orange / Boogie Drugstore)
Un cliché répandu affirme que la langue française ne convient pas à la « pop ». Heureusement, les exceptions pullulent pour rendre la règle caduque, et les Helvètes du Roi Angus en apportent une énième preuve avec Îles Essentiel. Tout d'abord, on se demande si chaque composition sera à la hauteur des prometteurs Brisbane Épidermique, Le Souffle ému des Vieux ou Triste Empire. Ce tiercé mêle textes poétiques et accords élégants, une sorte d'Eden beatlesien qui réconcilierait les fans de M et les amateurs de Frànçois and the Atlas Mountains. Puis, on retrouve cette aisance mélodique tout au long de l’album. Alors, à chaque écoute, l’envie se fait plus forte de crier « longue vie ! » au Roi Angus. Rémi Boiteux
En découvrant le premier essai – tourneboulant – de Lemon Twigs, on a songé à Foxygen. Ça tombe bien, il est produit par Jonathan Rado, de… Foxygen. Nous voici avec un quatuor mené par deux ados de Long Island. Leurs goûts, éclatés mais sûrs, se portent vers plusieurs pans de la pop moderne – depuis celle orchestrée par les Beach Boys jusqu'au néo-glam malin de Denim, de l'écriture middle-of-theroad de Supertramp au songwriting mélodieux d'Emitt Rhodes. On en cite quatre en en oubliant quinze. Alors, simple disque hommage ? Non ! Car chacun de ces dix morceaux en contient au moins huit. Les frangins D’Addario font rentrer au chausse-pied toutes leurs obsessions. Elles en ressortent froissées mais reconnaissables, dans des titres joliment tarabiscotés. Thibaut Allemand
THE RADIO DEPT. Running Out of Love
(Labrador Records / La Baleine)
The Radio Dept. n'est pas le plus médiatisé des fers de lance du shoegazing. Il fut pourtant le plus passionnant. On en parle au passé, car ces trois Suédois têtus changent leur fusil d'épaule avec ce quatrième album. Oh, les guitares et les pédales d'effet ne sont pas totalement délaissées mais le parti-pris de ce disque est avant tout le groove. L'ouverture Sloboda Narodu (« liberté pour le peuple » en serbe) évoque Primal Scream circa-Screamadelica, We Got Game salue Pet Shop Boys, quand Committed to The Cause traîne la patte sur des rythmes baggy. La production finaude et le songwriting malin évitent le revivalisme stérile, et le sous-texte politique (à gauche toute) tranche avec le tout-venant pop, globalement peu concerné, comme élevé hors-sol. Perfekt ! Thibaut Allemand
Sélection – Livres 66
Le Chant de la machine Electrochoc
Texte Rémi Boiteux
Que ce livre culte ressorte chez Allia, voilà une chose étonnante (les ouvrages dessinés n’étant pas une spécialité maison) mais cela semble aussi une évidence. Pourquoi ? Parce que cet éditeur a développé une remarquable collection de titres consacrés à l’histoire de la musique. Pour rappel, Le Chant de la machine narre l’odyssée de la house music en partant de ses racines disco. Le très beau film de Mia Hansen-Løve, Eden, évoquait d’ailleurs la génèse de cette BD à travers deux personnages inspirés par Mathias Cousin (le dessinateur crumbien suicidé en 2002) et David Blot (co-fondateur des soirées Respect, ici au scénario). Outre l’intégralité des deux volumes composant la fresque, cette nouvelle édition reprend la préface de 2011 signée Daft Punk et permet de redécouvrir un récit important de la (contre-) culture, augmenté de généreux bonus. On retrouve au fil de ces pages un regard mêlant encyclopédisme musical, enquête de terrain et réflexions intimes. Convoquant les anonymes, les génies et les stars, Blot et Cousin brossent un tableau en noir et blanc vibrant – dont le trait évolue vers l’épure au fil des chaDavid Blot et Mathias Cousin Le Chant de la machine pitres. Évidemment, après la lecture, c’est (Éditions Allia) 224 p., 20 €€ l’exploration des playlists qui transforme la nostalgie en extase renouvelée.
Sélection – Livres 68
JÉRÔME MOMCILOVIC
Prodiges d’Arnold Schwarzenegger
(Capricci)
Pour son premier ouvrage, paru chez l’éditeur préféré des cinéphiles chic, Capricci, le directeur des pages cinéma de Chro, Jérôme Momcilovic, a choisi un sujet sidérant. Schwarzie donc, dont le critique propose à la fois une analyse de la filmographie, une forme de biographie et surtout une approche pop-philosophique, convoquant Nietzsche, Baudrillard ou Walter Benjamin. Le corps travaillé de l’ex-gouverneur de Californie y apparaît comme un commentaire sur l’Homme (le mâle, le genre humain mais aussi le post-humain), qui inspire à l’auteur de fulgurantes réflexions et d’audacieuses constructions. De nombreux blockbusters à une poignée de très grands popcorn movies en passant par une petite récolte de navets, Arnold Schwarzenegger, nous dit ce livre foisonnant, offre au regard (souvent celui d’un enfant), une surface de prodiges aussi fantasmatique qu’incarnée. Progressant du freak show à la cybernétique, de l’esthétique au politique, du culturisme à la culture, la plume de Momcilovic virevolte mais ne perd jamais de vue l’ampleur de son sujet. Soit précisément « un enfant qui, rêvant d’Amérique, a commencé par devenir l’Amérique ». 264 p., 18 €. Rémi Boiteux
JOYCE MAYNARD Les Règles d’usage
(Philippe Rey)
Quinze ans après le drame, le roman post-11 Septembre est devenu un genre littéraire foisonnant chez les anglo-saxons. C’est au tour de Joyce Maynard de s’emparer, bien à sa façon, du sujet. Tout commence donc un matin de septembre, un jour comme un autre dans la vie de Wendy, 13 ans. À l’instar du pays qui bascule dans le doute, le petit monde de la jeune fille est chamboulé. Celle-ci quitte New-York pour la Californie, et retrouve son père qu’elle connaît à peine. Loin de ses racines, elle fait l’apprentissage du deuil, mais aussi des regrets avec lesquels il faudra désormais vivre. Renouant avec sa figure de prédilection, l’adolescente, Joyce Maynard conserve toute sa justesse. Ce texte embrasse pleinement cette épreuve intime, familiale et collective. 480 p., 22 €. Madeleine Bourgois
HENNING MANKELL
MARC CERISUELO
(Le Seuil)
(Capricci)
Les Bottes suédoises
Reclus sur une île d’un archipel suédois, Fredrik vit entouré de ses souvenirs et regrets, limitant les contacts humains au strict minimum. L’incendie de sa propre maison va contraindre ce vieil ours à bousculer ses habitudes. Tandis que l’incendiaire court toujours, sa fille ainsi qu’une troublante jeune femme font irruption dans son existence... Ce roman posthume du père de la série Wallender se dévore comme un polar, mais dépasse la simple intrigue policière. Henning Mankell dresse le portrait d’un homme hanté par la perspective de la mort. Celle-ci frappe autour de lui telle une menace imminente. La beauté hostile et pierreuse du paysage semble faire écho aux états d’âme du narrateur. 368 p., 21 €. Madeleine Bourgois
Lettre à Wes Anderson
Cinéaste singulier, Wes Anderson méritait bien un ouvrage critique qui outrepasse son supposé maniérisme. Plus que sa concision, c’est sa forme épistolaire qui étonne. L’universitaire Marc Cerisuelo s’adresse directement au cinéaste texan, avec un mélange de familiarité et d’admiration aussi amusant à la lecture que fécond dans la progression du discours. Au terme d’un texte élégant et subtilement rythmé (en cela au diapason de son sujet), le lecteur aura envie de revoir les films d’Anderson, ainsi qu’une poignée de classiques. Il ressentira aussi le souhait d’écouter quelques disques et de se plonger dans les romans qui font écho aux thématiques andersoniennes. Tout cela en 75 pages : on peut parler d’éclatante réussite. 80 p., 8,95 €. Rémi Boiteux
CUVILLIER, GALIC & KRIS Nuit noire sur Brest
(Futuropolis)
Brest, nid d’espions. Ce soir d’août 1937, un sous-marin républicain espagnol fait surface dans la rade du port breton. Tandis que les autorités françaises refusent de réparer le bâtiment – invoquant la neutralité dans ce conflit – les fascistes espagnols et français s’organisent pour prendre possession du navire. Se jouent alors des parties de billard à trois bandes entre les différentes factions, une jeune entraîneuse, un journaliste… Le tandem Kris-Galic (auteurs d’Un Maillot pour L’Algérie, 2016) s’adjoint les services du talentueux Cuvillier : ces aquarelles humides, ces couleurs nocturnes, ces reconstitutions du Brest d’avant-guerre ! En postface, l’historien Patrick Gourlay rappelle précisément les faits : aussi rocambolesque soit-il, ce récit est vrai. 80 p., 16 €. Thibaut Allemand
Écrans – Rencontre 70
Claude Barras, réalisateur
MA VIE DE COURGETTE Destins animés Propos recueillis par Julien Damien Photo Rita Productions / Claude Barras © Yohanne Lamoulère
Pas facile la vie de Courgette. Ce petit garçon vit seul avec sa maman, qui boit beaucoup de bière depuis que son papa s’est « envolé avec une poule ». Et puis un jour, elle « part au ciel ». Courgette atterrit dans un foyer. Avec Simon qui joue au caïd pour oublier ses parents toxicos, Béatrice qui attend sa maman expulsée… Mais ces bouts de chou qui n’ont « plus personne pour les aimer » vont se créer une nouvelle famille… Sensation du dernier festival de Cannes, ce film d’animation nous a fait autant pleurer que rire. Rencontre avec son réalisateur, le Suisse Claude Barras.
Comment ce film est-il né ? De ma lecture du roman de Gilles Paris, Autobiographie d’une Courgette. Cela a été un coup de foudre. Il est question d’un petit garçon qui a perdu sa mère, se retrouve en foyer et rencontre d’autres enfants aux parcours difficiles. Cela pourrait être triste mais ce qui se passe entre eux, cette nouvelle famille qu’ils sont en train de créer, c’est très beau. L’ensemble est écrit du point de vue d’un enfant qui porte un regard naïf sur le monde des adultes. On essaie de traduire cette émotion dans ce film. Qu’est-ce que l’enfance pour vous ? C’est un paradis perdu. Il y a une part d’enfant qui subsiste en nous et c’est elle que je veux réveiller. Le film évoque des thématiques « UN FILM D’ANIMATION sociales dures, inhabituelles dans INSPIRÉ DU RÉALISME ce genre de format… SOCIAL » Oui, je souhaitais réaliser un film d’animation inspiré du réalisme social, comme chez Ken Loach ou les frères Dardenne, que j’admire. Je voulais ouvrir les plus jeunes à ce type de cinéma. C’était un pari. Il fallait rester subtil, notamment sur le passé douloureux des personnages, pour ne pas heurter le jeune public et préserver l’intérêt des adultes. Comment les figurines ont-elles été réalisées ? On les a d’abord dessinées avant de les sculpter en pâte à modeler. À partir de ces sculptures de 15 cm, le chef constructeur des marionnettes a moulé les parties du corps en silicone et mousse de latex. Puis des équipes ont construit des armatures en acier à l’intérieur pour leur prêter des mouvements. De leur côté, les costumières ont fabriqué de petits vêtements. La tête est une coque vide imprimée en 3D, les yeux sont deux boules fixées à l’intérieur. Enfin, il y a un système d’aimantation permettant de jouer avec les bouches, les paupières et varier les expressions du visage.
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Comment tout cela est-il animé ? En stop motion, image par image. Mais l’animation s’appuie sur le travail avec les enfants. On a d’abord enregistré leur voix. Ils ont joué chaque scène l’une après l’autre, découvrant progressivement le film. Ont-ils vraiment interprété chaque personnage ? Oui. Souvent, dans les films d’animation, chacun récite sa partie derrière un micro et dans son coin. Mais ici, dans un souci de réalité, on a choisi des enfants qui n’étaient pas acteurs mais dont la personnalité était proche de celles des personnages. Puis, les mani« NOUS AVONS pulateurs ont synchronisé leurs paroles CONSERVÉ AU MAXIMUM aux bouches des figurines. L’originalité LE LANGAGE ENFANTIN » du film repose en partie sur le réalisme des voix. Vous avez conservé beaucoup d’erreurs de langage qui donnent aussi du charme au film… L’idée était de préserver un langage enfantin naturel. Cela contraste avec l’univers graphique qui est assez décalé : de grosses boules avec de gros yeux en guise de tête, des décors épurés… Le réalisme repose plutôt sur les dialogues, le tissu des vêtements ou l’éclairage, qui fait briller les yeux.
Pourquoi avoir privilégié une esthétique assez « simple » ? Pour que l’on s’attache aux personnages. Plus ils semblent réels et moins on parvient à y projeter nos émotions. Paradoxalement, plus on imite graphiquement la réalité, notamment avec la 3D, et plus il devient difficile de ne pas voir que c’est faux. On ne peut s’empêcher de penser à Tim Burton ici… Oui, c’est une de mes sources d’inspiration. J’adore ses premiers films d’animation, surtout L’Étrange Noël de monsieur Jack. Êtes-vous intervenu pour la bande-son ? Oui, alors que, question musique, j’avais un déficit. Les producteurs m’ont donc incité à choisir des morceaux que j’aimais. C’est pourquoi, on entend Eisbaer de Grauzone, les Béruriers Noirs et la reprise de Le vent nous portera par Sophie Hunger. C’est elle qui a composé la BO. Votre prochaine réalisation sera aussi un film d’animation ? Oui, je ferai du stop motion toute ma vie ! En ce moment, il y a d’ailleurs un orang-outan qui s’accroche Film d’animation de Claude Barras, Sortie le 19.10 à moi…
À lire Autobiographie d’une Courgette,
de Gilles Paris (Flammarion), 284 p., 4,90 €
EN FAMILLE
Naufrage européen Un enfant chasse les oiseaux avec sa fronde. Un bateau de migrants fait naufrage. Ces deux réalités constituent désormais le quotidien de Lampedusa, petite île entre la Sicile et l’Afrique. Avec Fuocoammare, Ours d’or à Berlin, Gianfranco Rosi saisit en un même mouvement la banalité et l’horreur. Depuis 20 ans, 400 000 migrants ont atteint Lampedusa. 15 000 ont péri en mer. Comme Calais, l’île est devenue le symbole de l’incapacité de l’Europe à construire une politique d’accueil digne de ses principes – et du droit international. Rosi qualifie d’ailleurs la situation de « plus grande tragédie européenne depuis l’Holocauste ». L’Italien ne fait cependant pas de son documentaire un réquisitoire. Celui-ci mêle la petite et la grande histoire. D’un côté, la vie quotidienne de quelques habitants, au centre desquels le jeune Samuele. De l’autre, un système « militaro-humanitaire » déployé autant pour arraisonner les navires illégaux que pour secourir leurs occupants. Rosi rend avant tout sensible une séparation. Jamais autochtones et migrants ne se croiseront. Depuis la mise en place de l’opération « Mare nostrum », fin 2013, et celle d’un centre de rétention, l’impératif éthique de l’accueil s’est dissous dans les techniques de « gestion de flux ». Fuocoammare montre ainsi une politique qui a rendu indiscernable le sauvetage – l’« humanisme » – et le contrôle. Par son montage, il tisse aussi des liens secrets entre les êtres, nous rappelant qu’en deçà des barrières, le monde n’est fait que d’une seule chair vibrante. Raphaël Nieuwjaer Documentaire de Gianfranco Rosi. En salle
© 21 Unoproductions / Stemalentertainement / Les Films d’Ici / Arte France Cinema
FUOCOAMMARE
En toute liberté À 85 ans, Paul Vecchiali tourne plus que jamais. Les moyens sont faibles ? Qu’importe, une maison peut bien accueillir une équipe fidèle. Et les amis sont là, devant comme derrière la caméra. Si bien que se poursuit, envers et contre tout, une des œuvres les plus singulières du cinéma français. Les femmes défilent, les souvenirs reviennent. Le Cancre pourrait être une histoire de fantômes. Mais l’honnêteté de Paul Vecchiali face à son vieillissement se double toujours d’une forme de malice. Il n’y a donc rien de « testamentaire » dans ce film qui, pourtant, n’oublie jamais l’imminence de la mort. Les corps sont marqués, mais allègres. La langue ne manque pas de rebondir, de calembours en chansons. Mieux qu’aucun autre, le cinéaste sait que le miroir lui renvoyant l’image de son visage ridé est aussi une scène. On joue donc beaucoup, dans Le Cancre. On joue même à être vieux. Et l’on se déguise, ici en cambrioleur, là en nonne. Vecchiali incarne ainsi un dandy à la recherche de son premier amour, accompagnant d’une écharpe de lin son survêtement Adidas. Face à lui, un fils espiègle et fragile, interprété par Pascal Cervo. Et des femmes, ou avant tout des actrices. D’Annie Cordy à Catherine Deneuve, chacune incarne une idée certaine du cinéma, outrepassant les barrières entre le populaire et l’« auteurisme ». Au début des années 2010, Vecchiali avait consacré 1 500 pages aux cinéastes français des années 1930*. C’est cet idéal-là, d’un 7e art ne se refusant ni la fantaisie, ni le mélodrame, qu’il fait perdurer à l’heure numérique. Raphaël Nieuwjaer *L’Encinéclopédie, en deux tomes, aux Éditions de l’œil. De Paul Vecchiali, avec Pascal Cervo, Paul Vecchiali, Catherine Deneuve… Sortie le 05.10
© Shellac
LE CANCRE
Alain Guyard © Les Films des deux rives
Sélection – Écrans 78
La Philo vagabonde Alain Guyard est un « philosophe forain ». Cet ex-enseignant porte la parole des grands penseurs à travers la France et ses villages, « loin des intellectuels maniérés ». Ce documentaire le suit au milieu d’un champ, dans une grotte, en prison... exposant au citoyen lambda (nous, vous) les idées de Platon, Socrate, Nietzsche... Entre le one-man-show et le cours magistral, « Coluche et la métaphysique », ce drôle de type – un poil anticapitaliste – vulgarise avec humour de grands concepts (la liberté, la justice…) sans les dénaturer. Réveillant en nous ce petit truc... ah, comment on appelle ça déjà ? Oui, voilà : la réflexion. J.D. Documentaire de Yohan Laffort, avec Alain Guyard. Sortie le 05.10
Depuis 1986, la photographe Christine Plenus participe à tous les tournages des frères Dardenne. Elle est l’œil qui capture les instants « off » du plateau, des séances de maquillage aux répétitions. On y voit par exemple les cinéastes recoiffer eux-mêmes Emilie Dequenne dans Rosetta, ou des images presque volées des acteurs – Olivier Gourmet, Marion Cotillard… Très serrés, intimistes, ses cadrages révèlent l’envers (la magie ?) d’un décor singulier de l’histoire du 7e art. J.D. CHARLEROI – jusqu’au 04.12, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 4 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be
Rosetta © Christine Plenus
Sur les plateaux des Dardenne
Exposition – Lieu 80
LE MUSVERRE Nouveau souffle Texte Julien Damien Photo Vues du musée © Julien Damien
Et hop, un nouveau musée dans le Nord-Pas de Calais, qui en compte déjà près de 200. Soit la région la mieux lotie dans l’Hexagone, derrière l’Île-de-France. Une particularité : celui-ci est dédié au verre, matériau qui fait la fierté de Sars-Poteries, commune de 1 500 âmes lovée dans l’Avesnois. Et pour cause…
Chaseling Scott, Freedom © P. Louis
E
ntre Sars-Poteries et le verre, c’est une longue histoire. Celle« LE MUSVERRE S’AFFICHE ci débute en 1801 avec la famille COMME UN FER DE LANCE Imbert, qui ouvre ici deux verreries. DU DÉVELOPPEMENT SOCIAL Hélas, cette production semi-indusET ÉCONOMIQUE DE CE trielle s’éteint en 1937, victime de la TERRITOIRE SINISTRÉ » concurrence de manufactures plus automatisées. L’affaire aurait pu s’arrêter là… sans l’arrivée en 1958 d’un homme providentiel : Louis Mériaux. Confronté à des habitants qui ont perdu travail et fierté, le curé saisit vite l’importance de ce savoir-faire, dénichant chez ses ouailles de véritables trésors : les bousillés. « Il s’agit de petits objets que les ouvriers créaient durant leur pause. Destinés à un usage personnel, ils expriment toute leur fantaisie et leur créativité » explique Aude Cordonnier, la directrice du MusVerre. Lampions, vaisselles, cannes… En 1967, Louis Mériaux monte avec ses trouvailles une première exposition au château Imbert – alors acquis par l’Église – attirant près de 15 000 visiteurs ! C’est ainsi que le musée naquit. Il est suivi en 1976 d’un atelier puis d’un Symposium, en 1982. « Plus d’une centaine de créateurs internationaux sont invités. Cet événement fera de Sars-Poteries un lieu
LaMonte Karen, Seated dress impression with drapery © Ph. Robin
Teschmacher Winnie, Trinité © P.Louis
incontournable du verre, artistique cette fois ». En 1994, la départementalisation du site permet une ambitieuse politique de résidence et d’acquisition. Les œuvres s’accumulent… jusqu’à rendre cette grande maison bourgeoise trop étroite. VERDURE ET PIERRE BLEUE
C’est donc pour accueillir comme il se doit cette collection de plus de 3 500 pièces que le Département du Nord a imaginé cet écrin. Et le terme n’a rien de galvaudé. Le MusVerre comprend une surface de 3 500 m2 dont 1 000 consacrés aux expositions. Tout en pierre bleue (autre spécialité locale), le bâtiment adopte la forme d’un cristal de silice épousant un paysage en dénivelé.
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LE MUSVERRE, EN QUELQUES CHIFFRES millions d’euros : soit le coût du MusVerre, projet porté par le département du Nord – dont 2, 25 millions d’euros de l’État (Plan Musées) visiteurs attendus dès la première année. tonnes de pierres bleues utilisées pour la construction du MusVerre. bousillés conservés au MusVerre œuvres contemporaines en verre appartiennent au musée, soit la plus importante collection publique française.
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Gaufrette CL9 Pink, Ann Veronica Janssens © Andrea Rosseti, Courtesy Gallery Esther
Verre « deux sous-quat’sous » © P. Beurtheret
LE MUSVERRE Sars-Poteries, 76 rue du Général de Gaulle, tous les jours (sauf le lundi) : 11 h > 18 h, gratuit jusqu’au 31 décembre !*, +33 (0)3 59 73 16 16, musverre@lenord.fr *Tarifs normaux dès À l’intérieur, au sein de larges espaces blancs ou janvier 2017 : Exposition noirs, sur deux étages, on découvre une fabuleuse permanente et temporaire : 6 / 4 / 1,50 €, pass annuel histoire de l’art, entre tradition et création contemindividuel : 12 / 4 € poraine. L’exposition permanente s’ouvre sur ces fameux bousillés, éminemment poétiques, telles ces pipes translucides ou ce verre « deux sous-quat’sous », utile au bistrot pour les débuts de mois heureux comme ses fins plus difficiles (voir photo ci-dessus)… En progressant, on voit comme la création s’émancipe de l’industrie pour l’art pur, à l’exemple du mouvement américain Studio Glass. Plus loin, une grande vitre offre un joli panorama sur le bocage et baigne de lumière cette robe en verre de Karen LaMonte, tandis que des alcôves offrent une lecture plus intimiste d’œuvres classées par thème (la nature, l’étrange…). Celles-ci démontrent toute la virtuosité de ce matériau si difficile à apprivoiser. À l’image de la plasticienne belge Ann Veronica Janssens qui inaugure l’endroit, ce 1er octobre, avec une installation se jouant de nos sens. Désormais, le MusVerre s’affiche « comme un fer de lance du développement social et économique de ce territoire sinistré ». Il n’attendait qu’un nouveau souffle.
Gérard Garouste Dans les pas de « l’intranquille » Texte Flora Beillouin Photo Gérard Garouste, Raba Bar Bar’Hana, 2016. Huile sur toile.Diptyque. Collection de l’artiste © Galerie Daniel Templon, Paris/Bruxelles – Bertrand Huet, Tutti Image
Le Musée des beaux-arts de Mons propose un parcours initiatique inédit à travers l’univers extatique du peintre iconoclaste. L’exposition rassemble près de 80 œuvres – huiles sur toile, gravures, dessins, gouaches, sculptures – dont certaines de dimensions monumentales. « Duchamp prétendait que la rétine n’avait pas d’intelligence. L’œuvre de Gérard Garouste prouve le contraire ». Pour Xavier Roland, commissaire d’exposition aux côtés de Bernard Marcelis, les créations monumentales de l’artiste puisent dans un inconscient universel, qui les rend immédiatement accessibles malgré l’érudition dont elles témoignent. « C’est un travail immersif, plongeant le spectateur dans une expérience aussi visuelle que La Rosace de Notre-Dame de la Nativité. Carton pour physique ». Des corps tortueux, violes vitraux de l’église Notre-Dame de Talant, 1995. Collection de l’artiste © Galerie Daniel Templon, lemment contrastés, hantent les toiles Paris/Bruxelles © Bertrand Huet, Tutti Image immenses de leurs anamorphoses. Les membres sens dessus dessous, en apesanteur, semblent comme arrachés aux couleurs magnétiques du fond – violet épiscopal, rouge sang – où des visages angoissés, euphoriques, se mêlent aux bestiaires mythiques, aux visions oniriques, à une cosmogonie fascinante. Folie Considéré comme l’un des plus importants peintres français contemporains, sa démarche n’a pas toujours fait consensus. Son choix de la figuration, son recours virtuose aux savoir-faire anciens – pigments, toile de lin, gravure, terre
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Gérard Garouste, Le théâtre de Don et bronze – lui ont attiré, à ses débuts, les Quichotte, 2012. Huile sur toile. Collection foudres de la critique. C’est pourtant cette Hervé Lancelin, Luxembourg © Galerie Daniel Templon, Paris/Bruxelles faculté à dresser des passerelles entre tra© Bertrand Huet, Tutti Image dition et modernité qui a séduit le BAM. « La fresque qu’il avait réalisée en 2000 pour la salle des mariages, revisitant le mythe de Saint-Georges, avait suscité l’adhésion des habitants. Lorsque Mons a été désignée capitale européenne de la culture, nous avons naturellement pensé à ce regard contemporain qu’il porte sur l’Histoire ». La folie qu’il a lui même explorée, les affres du doute, l’enfer de Dante, les aventures de Don Quichotte ou l’exégèse conflictuelle de la Bible et du Talmud sont autant d’inspirations pour le peintre, qui en livre une interprétation picturale actuelle et singulière. L’exposition fuit la chronologie pour suivre les méandres de sa pensée, son cheminement intuitif d’un thème à l’autre. Le voyage au cœur de cette œuvre à tiroirs s’achève par « l’Ellipse », une installation labyrinthique conçue pour l’occasion. Car, comme l’affirmait jadis le peintre : « Le labyrinthe est à l’image de la vie. Vous êtes dedans sans qu’on vous ait demandé votre avis. Mais ne demandez jamais MONS – jusqu’au 29.01.2017, BAM (et salle Saint-Georges), mar > dim : votre chemin à quelqu’un qui le connaît, car 10 h > 18 h, 9 / 6 € /gratuit (-12 ans), vous pourriez ne pas vous égarer ». www.bam.mons.be
Sélection – Exposition 90
Prémonitions Arrêt sur images
Texte Julien Damien Photo Luc Tuymans, The Worshipper, 2004. Huile sur toile ; 193 x 147,5 cm. Collection privée. Courtesy Zeno X Gallery, Anvers (Belgique). Photo : DR. © Luc Tuymans, 2016.
À une époque saturée d’images, du plus sordide à l’affligeant, Luc Tuymans est un artiste nécessaire. Son travail de transformation du réel reste toutefois méconnu en France. Le LaM répare cet impair en consacrant à « l’un des plus grands peintres belges contemporains » une exposition d’envergure inédite dans l’Hexagone. Visite avec Marc Donnadieu, commissaire de ces Prémonitions. Après Modigliani et Dubuffet, le LaM s’intéresse à un peintre figuratif contemporain, et à une démarche unique. « À la base du travail de Luc Tuymans, il y a toujours une photo, détaille Marc Donnadieu. Qu’il prend lui-même ou déniche sur le web, dans la presse, à la télévision… ». Dans ce dernier cas, il effectue un arrêt sur image et l’immortalise avec un polaroid ou un smartphone. C’est à partir de ce matériau qu’il conçoit ses peintures, aquarelles, estampes… Gommant ou accentuant certains aspects, il métamorphose ces clichés, crée des tableaux mystérieux, comme surgis d’un songe. Distance Un procédé que l’artiste qualifie de « falsification authentique ». « Il considère que ces images présentées comme vraies sont des leurres. Noyées de détails et d’informations, elles n’offrent plus rien à voir du réel. Luc Tuymans restitue une distance en livrant un point de vue ». Il attire ainsi notre regard sur un contenu, et pas seulement sur une apparence. Ici, une cinquantaine d’œuvres réalisées par l’Anversois entre 1985 et 2016 sont réparties en cinq salles. Les thèmes abordés sont nombreux : les natures mortes, le décor, mais aussi le nazisme. « À l’heure de la montée des populismes, il s’appuie sur des albums intimes trouvés, notamment, chez des dignitaires nazis, questionnant leur basculement ». Car la réalité a, VILLENEUVE D’ASCQ – Jusqu’au 08.01.2017, LaM, mar > dim : parfois, besoin d’être autrement décryptée pour 10 h > 18 h, 10 > 7 €, gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr ne pas sombrer dans l’oubli.
9ème Concept Esprit d’équipe
Texte Julien Damien Photo Alchimie © Bruno Pellarin
9ème Concept s’est trouvé un nouvel atelier. Le collectif parisien pose ses pinceaux, ses autocollants et tout son attirail jusqu’en décembre au Flow, à Lille. Cette rétrospective explore un travail protéiforme, collaboratif, mené depuis 25 ans !
9ème Concept, c’est d’abord l’histoire de trois potes. Stéphane Carricondo, Jerk45 et Ned se sont croisés à l’orée des années 1990 dans une école de graphisme parisienne – qu’ils ont vite quittée. Trois types qui ne partagent pas les mêmes goûts – l’un baigne dans le hip-hop, les deux autres dans le punk ou la BD – mais sont d’accord sur une chose : « prouver qu’on peut gagner sa vie avec la peinture », selon Stéphane. Surtout, ils ont une conception forte de leur art : le rendre accessible au grand public, gratuitement et sans attendre le concours d’un galeriste. Ils sont ainsi parmi les premiers à recouvrir Paris de stickers. Un support qui ne les quittera plus. « On en a imprimé plus de « PROUVER QU’ON PEUT 3 000 modèles… Pourquoi les autoGAGNER SA VIE AVEC collants ? Parce qu’on peut les donner LA PEINTURE » et se les échanger ». Interactif C’est leur rencontre avec Mike Sylla qui s’avère décisive. Le styliste qui habille les stars (des Nubians à Yannick Noah) leur propose de peindre sur ses vêtements. « On a réalisé plus de 600 pièces en deux ans. Ça nous a permis de casser notre ligne et d’aborder tous les supports : vestes en tissu, cuir, sacs, chaussures… Ces habits furent très médiatisés, mais à côté on vivait toujours
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9ème concept au WIP Villette © Jules Hidrot
dans un squat… ». Comme Giscard avant eux, nos lascars n’ont certes pas d’argent – encore moins de pétrole – mais ils ont des idées. Dont celle-ci : « utiliser les marques pour financer nos créations, en toute liberté, et les mettre à disposition du public ». Ils sont ainsi les premiers à initier le tatouage éphémère en collaboration avec des alcooliers qui, bridés par la loi Evin, cherchent une nouvelle façon de communiquer. Les tournées dans les bars et boîtes s’enchaînent, comme les contrats avec les marques – citons Reef, ou Canal+ avec Groland dont ils ont réalisé la charte graphique (habillage du plateau et de l’émission). Progressivement, le collectif s’étoffe et imagine des concepts toujours plus novateurs et interactifs… jusqu’à entrer dans les musées. Citons l’exposition Sang9, en 1999, qui a voyagé de Paris à Barcelone en détournant des feuilles de sécu, des pansements… Ou encore le « Labyrinthe » inauguré sur la plage d’Anglet, soit une expo évolutive où les artistes créent en live sur 250 m2 de murs vierges. C’est avec ce concept là qu’ils poussent en 2007 les portes du Centre Pompidou. Tous collés Surtout pas cantonné au street-art, le collectif se caractérise par une ligne « ethnique », mariant des styles a priori inconciliables. Il dresse des ponts entre
Le « Labyrinthe » inauguré sur la plage d’Anglet © DR
Collaboration avec Baïfall Dream, collectif artistique créé par Malick (Mike) Sylla. Création d’œuvres sur des pièces en cuir vintage.
Scratchpaper © DR
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la peinture et le collage, le graphisme et la figuration libre et narrative (ils ont collaboré avec Robert Combas, Peter Klasen), la BD, la calligraphie, la photo, le graff… on en passe. C’est cette histoire de l’art singulière qu’on découvre au Flow. À côté d’une « Urban Forest » formée d’autocollants, on admire leur pharmacie détournée, les tatouages tribaux, les bouteilles collector pour Desperados, les planches de skate ou vêtements customisés… On contemple aussi un grand mur où des artistes 9ÈME CONCEPT – 25 ANS DE CRÉATION COLLECTIVE peignent « non-stop » tandis que LILLE – 07.10 > 11.12, Le Flow, mer, jeu & dim : leur nouveau projet, « Les Francs 14 h > 18 h, ven & sam : 14 h > 20 h, gratuit, flow.lille.fr Colleurs », nous convie à des + Vernissage festif : Des passionnés du collectif, sessions de « stickage » de momais aussi des artistes de la région, ont pour seule consigne de passer chacun 9 vinyles jusqu’à 2 h tifs en forme de goutte partout en du matin. ville ! « À Lille, on retrace notre 06.10, Lille, maison Folie Moulins, 18 h 30, gratuit, maisonsfolie.lille.fr histoire certes, mais celle-ci n’est + Conférence-rencontre avec les membres fondateurs de 9ème Concept : 18.11, Lille, maison Folie Moulins, pas figée, l’expo invite le public à 18 h 30, gratuit, maisonsfolie.lille.fr créer, elle est vivante… ». À vous + Block party : 11.12, Lille, Flow, 14 h > 19 h d’y participer ! + Atelier les samedis : 22 & 29.10, 26.11, 03.12
Alexandru Petru Badelita, I made you, I kill you, Film, 2016. 14 minutes
PANORAMA 18 Échange de vues Texte Marine Durand Photo Production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains
« Le rôle du commissaire est habituellement associé à l’idée de choix. Or, ici, on ne choisit ni l’équipe, ni les œuvres, ni le lieu », relève d’emblée le président du Musée Picasso de Paris. Laurent Le Bon s’est toutefois autorisé quelques libertés par rapport à ses prédécesseurs : « Je n’ai pas souhaité de sous-titre, le mot "Panorama" était déjà si beau ! ». Partant de sa définition originelle – disposition circulaire d’une représentation, qui permet au spectateur, situé au centre, de voir la totalité de celle-ci – il a demandé au spécialiste du cinéma Dominique Païni de réaliser un montage d’extraits des films des élèves, projeté sur un écran géant suspendu dans la grande Nef.
Prenons de la hauteur Autour, les « installations sonores », « sculptures robotiques » ou « vidéos interactives » s’égrènent et se répondent. Poétiques pour certaines, comme Écriture divine (Chia-Wei Hsu) évoquant la légende taïwanaise du dieu grenouille, ou plus politiques, telles ces deux réalisations évoquant les camps de réfugiés. Dernière nouveauté de cette édition, à laquelle participent notamment les cinéastes João Pedro Rodrigues et Mario Côté, la coursive en hauteur a été mise à profit pour présenter la matière utilisée par chaque artiste : « De l’étage, on découvre le processus créatif tout en surplombant l’œuvre finie ». Un immanquable… panorama.
TOURCOING – 08.10 > 31.12, Le Fresnoy, mer, jeu et dim : 14 h > 19 h, ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.lefresnoy.net
Durant plusieurs mois, les 48 étudiants du Fresnoy ont peaufiné leur projet de fin d’année, réalisant installations ou courtsmétrages sans autre contrainte qu’un espace et un budget. Commissaire du 18e Panorama, Laurent Le Bon a reçu pour mission de structurer cette « anti-exposition », mêlant aux productions des novices celles de six artistes-professeurs invités.
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PANORAMA 18
© Olivier Gain
© Julien Guillery
La preuve par 3
Rajwa Tohmé
Olivier Gain
Lignes de fuite (Installation, Liban)
[SLI]ders (Installation, France)
De Beyrouth à Calais, de Calais à Beyrouth. Marquée par le « bouillonnement de vie » qu’elle a trouvé dans les camps de réfugiés, Rajwa Tohmé a décidé de les cartographier, immortalisant l’existence de ces non-villes et les itinéraires des migrants. Lignes de fuite prend la forme d’une carte évolutive et interactive, permettant au spectateur de découvrir, derrière chaque point lumineux, l’histoire du campement racontée d’une voix douce par l’artiste.
Lorsque vous marchez la nuit dans la rue, n’est-il pas fréquent que les réverbères s’éteignent, sans raison apparente, sur votre passage ? Vous êtes probablement un « slider ». À partir de la légende urbaine des Street Light Interferences (SLI), reliant ces pannes d’éclairage public à un phénomène paranormal, Olivier Gain met en scène des lampes au comportement mystérieux, refuge de verre et de métal pour des fantômes malmenés par les technologies numériques.
Jacob Wiener
© Jacob Wiener
Hauts-de-France (Film, États-Unis) Passionné par les propriétés des pellicules de film, Jacob Wiener a imaginé un procédé chimique inédit permettant de révéler des images de 16 mm… au vin rouge ! À l’écran, les paysages et lumières du Nord en hiver, les visages, en noir et blanc, de ceux qui y habitent, grésillent, vacillent, et peu à peu s’évanouissent, renvoyant à une lecture poétique et personnelle de la région.
Mons, Port de plaisance du GrandLarge© Edit. Thill S.A. Bruxelles
Colors In My Head © Hopkins
Hopkins
Peter Downsbrough
Ecrin de verre et de bois posé au bord de la Deûle, le Colysée de Lambersart prolonge jusqu’en décembre les couleurs de l’été en accueillant le travail des frères (jumeaux) Hopkins. Tandis que les grandes peintures paysagistes (ou « Landscapes ») de Gordon révèlent toute la gaîté de la nature – à contre-pied de la morosité ambiante – les sculptures de Mark combinent avec harmonie matières (bois, tissus, papier) et tonalités. Oui, ça fait du bien. J.D.
Drôle de façon de donner de ses nouvelles. Depuis les années 1980, Peter Downsbrough envoie à ses amis de banales cartes postales touristiques… mais sur lesquelles il a ajouté un tas de lettres et de lignes droites. Son but ? Modifier notre perception des espaces. En sus, les visiteurs du Mac’s découvrent une installation spécialement conçue pour l’occasion. Ils peuvent aussi envoyer, gratuitement et à la personne de leur choix, une carte postale du Grand-Hornu réalisée par cet artiste américain ! J.D.
LAMBERSART – jusqu’au 04.12, Le Colysée, mer > sam : 13 h > 18 h, dim : 13 h > 19 h, gratuit, www.lambersart.fr
HORNU – 08.01.17, Mac’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 1,25 € / gratuit (–6 ans), www.mac-s.be
Peinture, photographie, vidéo… Corpus dévoile l’étendue des modes d’expression de l’artiste portugaise, et le rôle central du corps – en particulier le sien – dans sa pratique, des années 1960 à nos jours. La fille du sculpteur Leopoldo de Almeida fuit les codes traditionnels, cherchant les limites de l’espace pictural. L’une de ses œuvres les plus spectaculaires, Pintura Habitada, donne l’impression de la voir peindre à l’intérieur d’un cliché d’elle-même ! À découvrir d’urgence. J.D. BRUXELLES – jusqu’au 11.12, Wiels, mar > dim : 11 h > 18 h, 10 > 1,25 € / gratuit (-12 ans), www.wiels.org
Serralves Museum, 2015, Helena Almeida FS 0554 Pintura Habitada © Filipe Braga
Helena Almeida
Sélection – Exposition 104
EXTRAORDINAIRES MACHINES EN FAMILLE
Les Calaisiens garderont longtemps en tête les joutes de Long-Ma et Kumo, soit un spectacle de François Delarozière mettant en scène un cheval-dragon de 12 mètres et une araignée de 38 tonnes, en plein cœur de la ville ! Cette exposition prolonge la magie en nous immergeant dans cet imaginaire peuplé de géniaux automates et de grosses bestioles. On y découvre des instruments jouant de la musique tout seuls, un dîner de petites mécaniques ou des croquis de «monstres» inédits de la compagnie La Machine. CALAIS – jusqu’au 27.11, Musée des Beaux-Arts, mar > dim : 13 h > 18 h, 4 / 3 €, gratuit (-5 ans), calais.fr
© Fred Collier - Ville de Calais
METAMORPHIC EARTH / PANORAMA
WEEGEE BY WEEGEE
Œuvre du duo Nadine Hilbert et Gast Bouschet, Metamorphic Earth plonge le visiteur dans un monde inquiétant via des vidéos et constructions sonores complexes. Il s’agit d’interroger les métamorphoses de la Terre, à l’heure de l’anthropocène. Soit une ère où l’activité humaine aura modifié plus de la moitié des écosystèmes mondiaux. En parallèle, Panorama magnifie notre belle planète grâce à des œuvres contemporaines revisitant le genre du paysage. Deux accrochages complémentaires, et nécessaires.
Figure légendaire du photojournalisme, Usher Fellig (1899-1968), alias « Weegee », a passé une partie de sa vie à sillonner la nuit new-yorkaise, la radio de sa Chevrolet branchée sur les fréquences de la police, immortalisant les crimes, faits divers, bars ou boîtes de strip-tease… Drôles ou choquantes, ces images en noir et blanc révèlent l’envers du « rêve américain ». Elles dressent un portrait universel de la métropole moderne.
CHARLEROI – jusqu’au 22.01.2017, BPS22, mar > dim : 11 h > 19 h, 6 > 3 € / gratuit (-12 ans), bps22.be
CHARLEROI – jusqu’au 04.12, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 4 €, gratuit (-12 ans), www.museephoto.be
DES FIGURATIONS. ACTE 1 La figuration, ou l’art de peindre en s’appuyant sur les objets (et les figures) du réel. Prenons par exemple les personnages tragicomiques de Goran Djurovic, qui parlent à des écrans vides ou s’isolent au milieu d’une foule, évoquant la difficulté de vivre ensemble. Ou encore les masques caricaturaux mais terriblement expressifs de François Jacob, les êtres effacés de Julien Spianti… Un troublant reflet de notre époque à découvrir lors de trois expositions, jusqu’en janvier. LA LOUVIÈRE – jusqu’au 06.11, Musée Ianchelevici, mar > ven : 11 h > 17 h, sam & dim : 14 h > 18 h, 3 > 1,25 € / gratuit (-12 ans), www.ianchelevici.be
Sélection – Exposition 106
SHAKESPEARE À LA FOLIE
Othello, 2011 © Michel Bouvet
En 2016, Shakespeare aurait eu 452 ans. L’homme n’est pas immortel certes, mais son œuvre, oui. Célébrant le quatrième centenaire de sa disparition, la Louvière présente 80 affiches signées de grands graphistes internationaux – Michal Batory, Anthon Beeke, Michel Bouvet, pour ne citer qu’eux. Ici, chacun s’est emparé d’une pièce pour créer des œuvre uniques, s’inspirant de figures universelles : Othello le jaloux, Macbeth l’usurpateur, Richard III le sanguinaire... LA LOUVIÈRE – jusqu’au 08.01.2017, Centre de la Gravure et de l’Image Imprimée, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 2 € / gratuit (-12 ans), www.centredelagravure.be
NÉS QUELQUE PART Ce n’est ni une exposition, ni tout à fait un spectacle. Ici, il y a des comédiens, des histoires, un décor, comme au théâtre, et un parcours thématique, comme au musée. Le visiteur est plongé dans le quotidien d’un habitant du Cambodge, de Colombie, du Nigeria… À chaque personnage son combat, son monde auquel on est confrontés. Avec un objectif : nous sensibiliser à leurs défis (la montée des eaux, la déforestation...) tout en mettant en valeur les initiatives positives. ROUBAIX – jusqu’au 30.10, La Condition Publique, mer > dim : 13 h 40, 15 h 20 et 17 h, 20 / 6 €, résa obligatoire (+10 ans), www.laconditionpublique.com
DUBUFFET. JEAN DES VILLES, JEAN DES CHAMPS Fondateur du concept d’ « art brut » cher au LaM, Jean Dubuffet porta une attention toute particulière à « l’homme du commun », résidant au cœur du monde. C’est cette relation entre l’être humain et le territoire urbain (« Jean des villes ») ou naturel (« Jean des champs ») que l’on retrouve questionnée, sublimée, dans ses « paysages grotesques » ou ce Petit jardinier, soit une quinzaine d’œuvres datées de 1949 à 1982 et rarement vues. VILLENEUVE D’ASCQ – jusqu’au 08.01.2017, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 €, www.musee-lam.fr
DE STARGATE AUX COMICS LES DIEUX ÉGYPTIENS DANS LA CULTURE GEEK (1975 - 2015) L’influence de l’Égypte antique et de ses dieux sur la culture populaire ne se dément pas, du cinéma (Stargate, Le Retour de la momie) aux comics (Thor, Batman). En partie financée grâce à une campagne de crowdfunding, cette exposition confronte aux mythes ancestraux des planches de BD, des costumes ou objets issus de célèbres films et provenant de collections privées de fans (tel ce casque de Jaffa !). MORLANWELZ – jusqu’au 20.11, Musée royal de Mariemont, tlj sauf lun : 10 h > 18 h, 5 > 1,25 € / gratuit (-12 ans), www.musee-mariemont.be
Rencontre – Théâtre & danse 108
CHRIS ESQUERRE Lunaire de rien Propos recueillis par Julien Damien Photo Augustin Detienne / Jean Tholance
On n’en menait pas large au moment d’interviewer Chris Esquerre. Après s’être bidonnés devant sa « revue de presse des journaux que personne ne lit », on a eu un peu peur de l’inspirer… Mais derrière ce visage juvénile (malgré ses 41 ans) se cache un vrai gentil. Et l’un des types les plus drôles de France. Avant de revenir sur Canal+ au printemps avec Importantissime, ce prince (sans-rire) du nonsense dévoile son nouveau spectacle à Lille, au Prato.
Comment définir ton humour ? J’évite d’utiliser le mot « absurde », il prend vite une connotation « rasoir ». Beaucoup en font un truc « chiant »… Sinon, on dit de moi que je suis « pince-sans-rire ». Effectivement, je reste sérieux sur scène, maniant un humour au second degré. Mais il ne s’agit pas de stand-up car je joue un personnage. Tu as aussi cette particularité de ne pas être « méchant ». Tu te moques surtout de toi-même… Oui, parce que cela me met mal à l’aise d’égratigner les gens. Et puis il est plus intéressant de creuser son propre ridicule. De toute façon je ne sais pas balancer de vannes, j’ai donc dû cultiver autre chose.
« IL EST INTÉRESSANT DE CREUSER SON PROPRE RIDICULE »
Ton parcours est assez atypique. Tu as d’abord été consultant chez Andersen Consulting… Effectivement, on ne peut pas être plus loin de l’humour ! J’étais en costume-cravate, essayant de donner le change… ça a duré un an. Ensuite j’ai travaillé pour une petite société de conseil en communication.
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Société qui s’appelait d’ailleurs… Humour Consulting Group ! Oui. Mais elle avait un objectif très sérieux : utiliser l’humour pour déverrouiller un tas de situations dans les entreprises… pas pour licencier des gens ou annoncer des mauvaises nouvelles ! C’était cool mais au bout de deux ans je m’ennuyais, et puis j’étais déjà n°2 de ce groupe de trois personnes, alors à part attendre la mort de mon patron… Tu t’es donc dirigé vers la radio… Oui, je ne connaissais personne dans le milieu alors j’ai envoyé des maquettes de faux reportages un peu partout. Il s’agissait de petits projets enregistrés avec un micro dans la rue. Ça a démarré comme ça.
« J’AIME LA LANGUE FRANÇAISE, ÇA TOURNE À L’OBSESSION »
Et ensuite ? Je suis passé par France Bleu, j’ai réalisé des portraits d’invités sur Nova qui me rapportaient 50 balles par semaine, donc à côté je conduisais des camionnettes, faisais des petits boulots… Puis Canal m’a appelé. Finalement, tu as mis du temps avant de monter sur scène… C’est vrai, cela ne m’intéressait pas. Je trouvais suspect, voire malhonnête de rabâcher tous les soirs la même chose à des gens qui attendent dans le noir et qui ont payé pour ça. Qu’est-ce qui t’a motivé ? Au bout de trois ans de télévision j’étais rincé. Je ne parvenais plus à écrire de chronique. Dans ce cas il ne faut surtout pas persévérer car tout le monde voit que tu deviens mauvais. Je me suis donc dit : « puisque tu t’es spécialisé dans l’humour, il faut monter sur scène ». J’y suis donc allé un peu à reculons mais je n’avais
pas le choix. Il fallait bien que je vive et je n’avais pas envie de remettre mon costard ! Tu as donc abordé la scène comme une épreuve ? Oui. Cela me faisait peur parce que je ne n’avais rien joué d’autre que cinq minutes du Bourgeois gentilhomme en CM2, ce qui est assez limité en terme d’expérience théâtrale. Mais le plaisir est venu progressivement. Quel est le sujet de Sur rendezvous, ton nouveau spectacle ? C’est un seul en scène, pas une suite de sketchs. Il sera question de la création au sens large…. mais je ne veux pas déflorer le sujet. De plus c’est irracontable, comme essayer d’expliquer à quelqu’un le goût du chocolat ! On ne lui donnera pas envie d’en manger. Est-il dans la continuité du premier spectacle ? Oui, c’est le même personnage, sauf qu’il n’y a plus de revue de presse ni de projection, ce n’est plus une conférence. Ceux qui ont aimé le premier spectacle apprécieront aussi celui-ci.
Quant à ceux qui ne me connaissent pas, je leur conseille de regarder des vidéos sur le Net pour se faire une idée de mon style. J’ai lu que tu travaillais toujours avec un Grevisse ? Oui, j’aime la langue française, ça tourne à l’obsession. Je peux passer une heure à m’interroger sur la place de quelques mots. Mais on est obligé de faire des entorses sur scène car il faut aussi parvenir à faire oublier que c’est écrit pour être dit. C’est passionnant. Pourquoi jouer la première au Prato ? Parce que Gilles Defacque est le premier avoir accueilli mes spectacles. C’est quelque-chose qu’on n’oublie pas. Et puis j’étais un fidèle du Prato quand je vivais à Lille, depuis la fin du collège jusqu’à mon deug d’éco. Je me sens bien ici. SUR RENDEZ-VOUS (dans le cadre de «On est tous des quelqu’uns») LILLE – 11 & 12.10, Le Prato, 20 h, 17 > 5 €, www.leprato.fr
À visiter chris.esquerre.free.fr
Sélection – Théâtre & danse 112
L’Opéra de quat’sous
Le temps des brigands
Texte Julien Damien Photo DR / Marionnettes, Emilie Valantin
NE PAS SE FIER AU TITRE. IL NE S’AGIT PAS LÀ D’UN OPÉRA. PLUTÔT DE THÉÂTRE, DE MUSIQUE, DE DANSE, DE MARIONNETTES… EN S’EMPARANT DE L’OPÉRA DE QUAT’SOUS*, LE THÉÂTRE DE LA CROIX-ROUSSE RÉINTERPRÈTE UN CHEF-D’ŒUVRE POPULAIRE QUI BOULEVERSA LES CODES DE LA SCÈNE. Il est d’abord question d’un choc. Celui que vécurent les Berlinois en 1928, en découvrant cette œuvre signée Bertolt Brecht et Kurt Weill. « Ils inventent un mélange alors inédit où la musique dynamite le théâtre, selon Jean Lacornerie, directeur du Théâtre de la Croix-Rousse. Au milieu d’une scène, soudain, les acteurs chantent, s’adressent au public… ». L’intrigue, inspirée de L’Opéra des gueux de John Gay, peint elle des personnages pas vraiment habitués aux planches : mendiants, malfrats, flics, putains… Organisés en groupes, ils luttent pour le contrôle d’un territoire dans les bas-fonds de Londres, où la seule règle est l’argent. Engagée, la pièce raille la brutalité de l’Homme envers son prochain, sur fond de cabaret, de jazz… Et reste l’une des plus jouées au monde. Mais la connaissons-nous vraiment ? Pas sûr.
À l’origine « Brecht et Weill ont vite cessé de travailler ensemble, mais Brecht a beaucoup retouché son texte… sans Weill. Ainsi, au fil du temps, cet équilibre entre la musique et le texte a perdu en fluidité ». C’est pour retrouver cette symbiose originelle que Jean Lacornerie ressuscite les textes et partitions de 1928, tandis que Jean-Robert Lay dirige l’orchestre avec sa trompette « comme au temps des jazz-bands » ! Dans un décor contemporain, les CALAIS – 01 & 02.10, Le Channel, sam : 19 h 30, dim : 17 h, 7 € acteurs parlent dans la langue de Molière et ARQUES – 07 & 08.10, La Barcarolle, chantent dans celle de Goethe au milieu d’éton20 h 30, 10 > 7 € HÉNIN-BEAUMONT – 14 & 15.10, nantes marionnettes. Créées par Emilie Valantin, L’Escapade, 20 h, 11,50 > 6 € « elles apportent humour et légèreté » à une ROUBAIX – 18.10, Le Colisée, 20 h 30, 39 > 10 € œuvre décidément éternelle. *Une production La Clef des Chants
AMIENS – 17.01.2017, Maison de la Culture, 20 h 30, 36 > 16 € www.laclefdeschants.com
Sélection – Théâtre & danse 114
La Cenerentola
Cendrillon au pays des vélos
Texte Marie Tranchant Photo Répétitions de La Cenerentola © Simon Gosselin
Nouvelle production de l’Opéra de Lille, La Cenerentola ou Le Triomphe de la bonté, de Rossini, est mise en scène par Jean Bellorini. Il donne à voir sur le plateau des machines, des vélos et un univers onirique qui caractérise son travail. L’une des représentations est diffusée gratuitement sur la place du Théâtre de Lille et dans neuf villes de la région, le 14 octobre. Populaire, on vous dit ! Il y a la Cendrillon de Charles Perrault, celle des frères Grimm (et son lot de pieds coupés) puis celle de Disney, avec sa citrouille et sa pantoufle. Celle de Rossini perd un bracelet plutôt qu’une chaussure, a un beau-père et non une belle-mère, mais rencontre bien un prince charmant. Pour sa nouvelle production, l’Opéra de Lille fait appel à Jean Bellorini, habitué au théâtre, qui a présenté Karamazov d’après Dostoïevski au festival d’Avignon 2016 et s’essaie « pour la première fois » à une œuvre lyrique. « Tout est différent ici. Pour moi qui travaille avec des acteurs fidèles, le changement le plus important consiste à découvrir des chan-
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teurs », commente le directeur du Théâtre Gérard-Philipe (Saint-Denis). Jean Bellorini a aussi pour habitude de composer la musique. Là, « il n’y a pas cette place ». Mais peu importe : « C’est dans les contraintes qu’on trouve les libertés ».
LILLE – 04 > 17.10, Opéra de Lille, lun, mar, jeu et ven : 20 h, dim : 16 h, 69 > 5 €, www.opera-lille.fr Diffusion en direct et gratuite à 20h : Valenciennes, Le Phénix // Dunkerque, Le Bateau Feu // Lomme, maison Folie Beaulieu // Armentières, Le Vivat // Roubaix, La Condition Publique // Saint-Omer, La Barcarolle // La Scène du Louvre Lens // Arenberg, Arenberg Creative Mine // Hirson, cinéma le Sonhir
Drame comique Et quelles libertés ! Sur scène, il déploie une vaste machinerie, soutenue par des effets de lumière pour « composer des gros plans en direct, à travers divers prismes », conférant ainsi un aspect cinématographique au conte. Les chanteurs pédalent sur des vélos, souvent dans le vide. « Ce qui me touche ici, c’est l’équilibre entre la nostalgie de Cenerentola et la nécessité vitale de joie (…). Hurler de joie est un antibiotique nécessaire aujourd’hui ! ». Cette œuvre de Rossini est perçue par le metteur en scène comme « un divertissement au sens noble du terme, quelque chose de bénéfique pour l’humanité ». La collaboration avec le chef d’orchestre italien Antonello Allemandi laisse ainsi une place au rire. Ensemble, ils recherchent l’équilibre entre le drame qui se noue et l’humour propre au facétieux compositeur italien. Et Jean Bellorini de citer Ariane Mnouchkine, avec qui il a travaillé : « Le rire, c’est la tragédie déguisée ».
© Yves Kerstius
Sélection – Théâtre & danse 118
ANGLETERRE, ANGLETERRE
Le mal de mer Aiat Fayez n’est pas le premier dramaturge à mettre en mots l’immigration clandestine et la tragédie du commerce des êtres humains. Rares sont ceux, pourtant, qui osent donner la parole aux passeurs et à s’interroger, non sans dérision, sur leurs motivations. À découvrir au Théâtre de Poche dans une mise en scène inédite de la compagnie Hamadi. Prendre le contre-pied de ce sujet si actuel, resurgissant dans les journaux au gré des naufrages en Méditerranée, n’est-ce pas une provocation ? « Lorsqu’il y a une convergence entre les politiques, les médias et les intellectuels, l’artiste se doit d’être vigilant, car il est le dernier rempart contre l’opinion commune, justifie l’auteur. Il existe une forme d’unanimité sur la figure du passeur, considéré comme le mal absolu. Mais le déshumaniser ainsi, c’est une façon pour les sociétés occidentales de se déresponsabiliser ! ». À travers son texte, bloc dense, étouffant, Aiat Fayez montre « comment ce type, qui n’est pas né passeur, en est arrivé là ». Pour cela, il place le début de sa pièce à Calais, dans ce camp retenant les réfugiés aux portes de l’Eldorado anglais et dont il exècre le surnom de « jungle » – « les étrangers sont-ils des animaux ? ». Le « monstre » y raconte, sans filtre, les cyniques formules « all-inclusive », l’incroyable organisation des intermédiaires d’un continent à l’autre. Mais aussi, grâce à des flashbacks, son enfance et ses aspirations : posséder, réussir… BRUXELLES – 11 > 29.10, quitte à écraser tout le monde autour de soi. Si Théâtre de Poche, mar > sam : 20 h 30, 18 > 1,25 €, poche.be différent, vraiment ? Marine Durand
Sélection – Théâtre & danse 120
Réparer les vivants
Du cœur à l’ouvrage
Texte Madeleine Bourgois Photo Aglaé Bory
En 2014, Réparer les vivants fut « le » roman à lire. Cette saison, il pourrait bien devenir « le » spectacle à voir. Auteur de l’adaptation de ce livre signé Maylis de Kerangal, Emmanuel Noblet donne vie, ou presque, à tous les personnages de ce récit bouleversant.
Cette rentrée prend des airs de marathon pour Emmanuel Noblet. Après un mois au théâtre du Rond-Point, à Paris, il démarre à La Rose des Vents une tournée de plus de 100 dates à travers la France. Réparer les vivants raconte la folle épopée d’une transplantation : celle du cœur de Simon, 19 ans, en état de mort cérébrale suite à un accident de la route, dans la poitrine de Claire, 50 ans, condamnée par la maladie. Selon le comédien, le succès du spectacle repose avant tout sur l’enjeu de société et les valeurs que porte le « LE SPECTACLE REPOSE texte. Il y voit « une écriture du xxie SUR UNE ÉCRITURE DU XXIE siècle répondant à un besoin de sens SIÈCLE RÉPONDANT À UN dans une époque dépressive ». Entre BESOIN DE SENS DANS UNE le Parisien et le roman de Maylis de ÉPOQUE DÉPRESSIVE » Kerangal, l’histoire remonte à 2014. Elle commence comme une évidence. « J’étais à la recherche d’un projet personnel, raconte-t-il. Quand je suis tombé sur ce livre, j’ai tout de suite pensé qu’il y avait matière à théâtre : le sujet, la galerie de personnages, le récit en 24 heures… ».
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Sentiment d’urgence Pour donner vie à la chaîne humaine qui se constitue au fil de la narration, Emmanuel Noblet décide d’être seul face aux spectateurs : « Pour stimuler leur imagination ». La mise en scène, très sobre, permet de focaliser sur cette course contre la mort. Le décor se résume à une planche de surf et deux chaises, traversé de quelques extraits sonores et des vidéos… À la fois précise et poétique, très rythmée, la langue de Maylis de Kerangal gagne en puissance à l’oral. VILLENEUVE D’ASCQ – 11 > 21.10, La Rose des Vents, 20 h (sf jeu & Lorsqu’on est seul au théâtre, soir après sam : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr, soir, il n’y a pas de place pour les baisses www.theatredunord.fr COMPIÈGNE – 24.01.2017, Espace d’énergie. « Il faut être assez en forme, Jean Legendre, 20 h 30, 21 > 13 €, www.espacejeanlegendre.com reconnaît le quadragénaire. Et certain de BEAUVAIS – 25 > 27. 01.2017, ce qu’on raconte. Or, je ne suis pas près Théâtre du Beauvaisis, 19 h 30 (sauf jeu : 20 h 30), 24 €, de m’en lasser ». Autre source d’énergie : www.theatredubeauvaisis.com le public. « Le silence dans la salle est BRUXELLES – 07 > 11.02.2017, Théâtre les Tanneurs, 20 h 30 (sf mer différent d’une représentation à l’autre. Sa 19 h), 12 > 5 €, www.lestanneurs.be densité varie. C’est une histoire qui force VALENCIENNES – 28 > 31.03.2017, Le Phénix, 20 h (sf mer : 18 h), l’écoute, et j’adore ça ». Nous aussi. 17 > 10 €, www.lephenix.fr
Le tour du monde des danses urbaines… © Pierre Ricci
Sélection – Théâtre & danse 124
Danseur Sous-titré « festival de figures libres et émergentes », ce rendez-vous consacré à la danse aurait pu ajouter « éclectique ». En effet, entre les circonvolutions soul de David Zambrano, Le tour du monde des danses urbaines en dix villes de François Chaignaud, Ana Pi et Cecilia Bengalea, ou la création d’influence marocaine de Marta Izquierdo Muñoz, on se dit qu’il faut être sacrément difficile pour ne pas se laisser séduire. Pour les plus exigeants, dans Haltérophile, Lorenzo De Angelis pousse le bouchon jusqu’à dédier à une personne du public assis en cercle autour de lui, une chorégraphie qu’elle lui inspire. Du sur-mesure. J.D. BRUXELLES – 13 > 16.10, La Raffinerie, divers horaires, 1 soir : 15 €, programme : www.charleroi-danses.be
Parlons peu, parlons fric. Ecrite par David Lescot et mise en scène par Cécile Backès, cette pièce nous raconte la vie de « Moi », de sa naissance en 1972 à sa mort en 2040, mais sous le prisme de l’argent. Comment le gagner ? Le dépenser ? Peut-on vivre sans ? En s’adressant au public ou à des personnages azimutés (du baba-cool à la flambeuse) notre homme peint avec humour un monde étrange, habité d’obsessions plus ou moins rationnelles. Le nôtre, en fait… J.D. BÉTHUNE – 11 > 14.10 (+ 28.03 > 01.04.2017), La Comédie, mar, mer : 20 h, jeu : 18 h, ven : 14 h 30 & 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org
© atelier graphique Malte Martin
Mon Fric
Sélection – Théâtre & danse 126
ÇA IRA (1) FIN DE LOUIS
© E. Carecchio
Joël Pommerat / Cie Louis Brouillard
4 h 30 de spectacle et un thème hautement romanesque : la Révolution française. Dans cette succession de scènes comprises entre 1786 et les prémices de la Terreur (1792), les points de vue alternent entre le cœur du pouvoir et celui de l’Assemblée constituante, où les députés font l’apprentissage de la démocratie. Pommerat s’autorise aussi des libertés avec l’Histoire, tel ce selfie raté avec le roi. Pour mieux mettre l’accent sur des valeurs républicaines remises en cause ? AMIENS – 05 & 06.10, Maison de la Culture, 19 h, 29 > 13 € // BRUXELLES – 11 > 15.10, Théâtre National, 19 h, 20 > 11 € // CALAIS – 16 & 17.12, Le Channel, ven : 20 h, sam : 19 h 30, 7 €
SANS LAISSER DE TRACE…
LES FABLES DE JEAN DE LES ÉGOUTS
Rachid Bouali / Nicolas Ducron / Cie La Langue Pendue
La Générale d’Imaginaire
Dans sa nouvelle pièce, l’auteur et comédien roubaisien se penche sur les frontières et ceux qui les traversent. Migrants, passeurs, habitants qui voient se construire un camp de réfugiés devant chez eux… Ce sont ces histoires singulières que Bouali nous raconte. Accompagné sur scène par le musicien Nicolas Ducron, il incarne différentes existences, avec un humour décalé et la volonté de « comprendre leurs conditions de vie pour mettre en avant leur humanité ».
Jean de Les Égouts, le célèbre « trourat-dour » et son orchestre de poumtchak-urbain parcourent la ville pour résoudre pacifiquement et en musique les conflits entre animaux… Cette relecture des fables de la Fontaine et d’Esope mêle rap, beatbox et accordéon, intégrant des « partitions graphiques » en direct. Elle offre à nos bouts de chou un reflet des conflits agitant notre société, de façon ludique et imaginative.
LILLE – 05 > 07.10, Le Prato, 20 h, 17 > 5 €, leprato.fr
CAMBLAIN-CHÂTELIN – 08.10, SMOB, 17 h, gratuit // WASQUEHAL – 23 & 24.10, Esp. Gérard Philipe, dim : 17 h, lun : 15 h, 8 / 6 € // V. D’ASCQ – 30.10, La Ferme d’en Haut, 17 h, 7 / 4 €
UNE ANTIGONE DE PAPIER Brice Berthoud et Camille Trouvé / Cie Les Anges au Plafond
La compagnie Les Anges au Plafond dépoussière, ou plutôt « défroisse » le mythe d’Antigone en le racontant dans un décor et avec des marionnettes de papier. Manipulant tous les personnages dans une petite arène, accompagnés par deux violoncellistes, Camille Trouvé et Brice Berthoud ressuscitent avec poésie le combat de la jeune femme qui résista à son oncle Créon, interdisant d’ensevelir son frère Polynice. DUNKERQUE – 11 > 13.10, Le Bateau Feu, mar : 20 h, mer : 19 h, jeu : 14 h 30 & 19 h, 8 €, www.lebateaufeu.com
ICIBALAO EN FAMILLE
Presque Oui / Sophie Forte / Eric Bouvron
© Pidz
Icibalao, c’est l’histoire d’une rencontre entre deux enfants. Thibaud, qui est plutôt du genre trouillard et Nina qui n’a peur de rien. Et pour cause : cette fillette sait qu’elle n’en a plus pour longtemps… Elle vit donc à cent à l’heure, entraînant dans des aventures saugrenues, et bien malgré lui, le petit garçon… Sur fond de trombone, guitare et batterie, ce conte musical à hauteur de môme s’avère aussi drôle qu’émouvant. LILLE – 13 > 15.10, Le Grand Bleu, jeu : 14 h 30, ven : 10 h & 14 h 30, sam : 10 h & 18 h, 13 > 5 €, www.legrandbleu.com // FACHES THUMESNIL – 19.10, Les Arcades, 15 h 30, 6 €, www.ville-fachesthumesnil.fr
LES TAILLEURS
CONCRETE
Célèbre pour sa pierre bleue, Écaussinnes est en train de se faire une jolie place dans le calendrier des festivals des arts de la rue. Coincé entre Mons et Soignies, ce village accueille la troisième édition des Tailleurs. Au détour d’une ruelle, sous un pont, dans une église ou chez l’habitant, on assiste à des spectacles « insolites et insolents ». En vrac : un clown en maillot de bain, un gentleman-jongleur, un cabaret dans une roulotte ou le seul en scène du dessinateur Pierre Kroll… qui taille à tout va !
Maud Le Pladec / Cie Léda / Ensemble Ictus
Est-ce un concert ? De la danse ? Un spectacle visuel ? Plutôt une parfaite symbiose des trois. Sur scène, cinq interprètes traduisent avec leur corps ce que leur inspire Trance, œuvre culte du compositeur américain Michael Gordon, ici jouée par neuf musiciens de l’Ensemble Ictus. S’ajoute à leur chorégraphie tantôt survoltée, tantôt immobile, un subtil jeu avec la lumière. Ou comment fusionner, concrètement, les divers flux des sens.
ECAUSSINNES – 14 > 16.10, IN payant, 1 j. : 10 / 5 €, pass : 30 / 15 €, OFF gratuit, lestailleurs.be
DOUAI – 18.10, L’Hippodrome, 20 h, 22 > 9 €, www.tandem-arrasdouai.eu
LES PETITS POLARS DE LA LICORNE Claire Dancoisne / Arthur Lefebvre / La Licorne
Tenancière d’un théâtre mêlant jeu d’acteurs, de masques et d’objets, La Licorne livre deux petits polars à l’humour noir et pas piqués des hannetons ! Macbêtes - Les Nuits tragiques, revisite avec des insectes l’histoire de Macbeth, où des tyrans règnent sur un peuple de bestioles grouillantes qu’ils dévorent… Sweet Home met en scène la folie d’une femme prête à tout pour récupérer son immeuble, son royaume, son home sweet home… LILLE – 22 & 23.10, maison Folie Moulins (M Festival) // HAZEBROUCK – 19 > 22.01.17, Centre André Malraux LENS – 28.01.2017, Scène du Louvre-Lens // CALAIS – 06 > 12.03.2017, Le Channel // VILLENEUVE D’ASCQ – 11 > 13.05.2017, La Rose des vents + TOURNÉE «HORS LES MURS» – 02 > 20.10, www.lebateaufeu.com
Le mot de la fin 130
HuskMitNavn – Cet artiste danois est friand d’effets spéciaux. Hélas, son portefeuille est aussi vide que le regard d’une vache. Heureusement, il lui reste du papier, des crayons et une sacrée imagination. En pliant, découpant ou déchirant astucieusement certaines parties de ses feuilles pour les adapter aux postures de ses personnages, il insuffle à ses dessins un dynamisme et un relief qui n’ont rien à envier à Pixar. La 3D du pauvre, quoi. www.huskmitnavn.dk