N°123 / NOVEMBRE 2016 / GRATUIT
HAUTS-DE-FRANCE & BELGIQUE Cultures et tendances urbaines
sommaire magazine
LM magazine n°123 - Novembre 2016
NEWS – 08 SOCIÉTÉ – 12
Les makers, Damien Bertin : le monde de deux mains
STYLE – 22
Bellerby & Co Globemakers : on refait le monde
PORTFOLIO – 30 Emma Hanquist
RÉTROSPECTIVE – 76 Speedy Graphito : pop en stock
GRAPHISME – 82 La Triennale de l’affiche politique : dessins minés
Les Pinçon-Charlot, La Violence des riches
–
Les ouvrières de Samsonite et Hélène Desplanques : On n’est pas que des valises – 108
Bellerby and Co Globemakers © DR
RENCONTRE – 104
sommaire sélection
LM magazine n°123 - Novembre 2016
MUSIQUE – 38 Glass Animals, Agnes Obel, Michael Kiwanuka, Kevin Morby, Keren Ann, Klub des Loosers, Fatima Yamaha, The Divine Comedy, Scott Fagan, La Femme, Paradis, Brisa Roché, The Cure…
EXPOSITION – 76 Indices d’Orient, Saul Leiter, Shakespeare à la folie, Metamorphic Earth, Panorama, L’Histoire commence en Mésopotamie, Dorignac, Sacrebleu, Safet Zec...
Saul Leiter, Straw Hat, ca. 1955 © The Estate of Saul Leiter
THÉÂTRE & DANSE – 104 Vive l’armée !, Bovary, Une histoire du clitoris, Next festival, Johann Le Guillerm, Thomas Jolly, Espæce, Dans le nom, Quichotte, Valérie Lemercier…
DISQUES –
62
Maud Lübeck, Soft Hair, Leonard Cohen, Julien Barbagallo, Lambchop
LIVRES –
64
Richard Brautigan, Richard Adams, Kris & Maël, Maud Desmet, Isabel Alba
ÉCRANS –
66
Arras Film Festival, La Mort de Louis XIV, Ta’ang, Sing Street, The Young Pope, L’Attrape-rêves
LM magazine France & Belgique
28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07
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Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
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Couverture Emma Hanquist www.emmahan.com
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Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)
Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, François Annycke, Flora Beillouin, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Mélissa Chevreuil, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Emma Hanquist, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons, Marie Tranchant, et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
NEWS
Put Your Head into Gallery, Le Louvre Concept : Tezi Gabunia, Ucha Urushadze, Nika Maisuradze, Dato Tsanava Photo : Andro Eradze, Saba Shengelia, Chipo Pelicano, Giorgi Machavariani, Ani Beridze
Têtes de l’art Au secours, des géants attaquent nos musées ! Rassurez-vous, c’est un effet d’optique. Tezi Gabunia a miniaturisé de célèbres institutions comme le Louvre ou le Tate Modern. Cet artiste géorgien a ensuite invité des visiteurs à glisser leur bobine dans ces maquettes avant de les photographier. Il s’agit là d’« amener l’art aux gens, et non l’inverse ». Un défi de taille. tezigabunia.com
DUNKERQUE – 05 & 06.11, FRAC, sam : 13 h > 20 h 30, dim : 12 h > 18 h, gratuit, www.fracnpdc.fr
Frac Nord-Pas de Calais, 2016, Dunkerque © Ville de Dunkerque
Week-end des FRAC Et si on allait au FRAC ce week-end… Le quoi ? Le Fonds régional d’art contemporain. Ces institutions furent créées il y a 30 ans pour « faciliter l’accès à l’art d’aujourd’hui ». On en recense 23 en France et chacun nous ouvre ses portes. Celui du Nord-Pas de Calais se trouve à Dunkerque. L’occasion de rencontrer des créateurs étonnants, telle Judith Deschamps, ou de visiter les réserves protégeant des œuvres rarement visibles. Tentant, non ?
Making meteo © Richard Clarkson / Crealev
Dans les nuages En plus d’inspirer son lot de jeux de mots vaseux (il y a de la rumba dans l’air, ça plane pour elle, tout ça) cette enceinte en forme de nuage est vraiment chouette. Mise au point par le Néo-Zélandais Richard Clarkson, elle est composée de fibres de polyester, de LEDs (pour simuler les éclairs) et de deux aimants lui permettant de flotter cinq centimètres au-dessus de son socle. On a eu le coup de foudre ! www.richardclarkson.com
© Nadia D. Herrati
Citéphilo # 20
Street Dance Après un an de battles aux quatre coins du monde (du Sénégal à l’Angleterre, du Danemark à La Réunion) voici la grande finale de ces « jeux de danse » hip-hop. Sur scène, six équipes internationales improvisent face à un beatboxer, un DJ et sa playlist surprise... Le lendemain, tout ce petit monde continue de tourner sur la tête lors d’une block party au Flow (qui a dit « yo » ?!). LILLE – 26 & 27.11 : Wold Final Tour : Grand Sud, sam : 17 h, 9 > 3 €, www.lille.fr // On Track Block Party : Flow, dim : 15 h > 19 h, 3 €, flow.lille.fr
À l’heure du prêt-à-penser, des diatribes anonymes sur les réseaux sociaux, prenons le temps de réfléchir. Durant trois semaines et dans toute la région, plus de 80 rendez-vous gratuits (rencontres, débats, conférences) démocratisent la philosophie, sans trahir son exigence. Au programme de cette 20e édition, des thématiques qui résonnent avec l’actu : « la république et l’universel » ou « les violences contemporaines ». Allez, vous avez quatre heures. HAUTS-DE-FRANCE – 04 > 26.11, gratuit, www.citephilo.org
© Chiji ga Nippu ni campaign
Du cœur au ventre
© Le Bon Coin
© Hotel de Slaapfabriek / DR
« Le gouverneur est une femme enceinte ». Ce n’est pas le pitch d’un de ces jeux télés stupides dont le Japon a le secret, mais le nom d’une campagne antimachisme initiée par trois élus nippons. Ceux-ci ont porté durant une journée un faux ventre de 7 kilos, simulant une grossesse avancée. Le but ? Inciter leurs congénères à s’investir dans les tâches ménagères. Les parlementaires français, réputés sexistes, pourraient en prendre de la (petite) graine.
Fêlé-achat On trouve de tout sur le Bon Coin. La salle de concert toulousaine Le Bikini, ravagée par l’explosion de l’usine AZF en 2001, cherche toujours repreneur pour 340 000 €. Sinon, au rayon "bonnes affaires", la maison de Madame Doubtfire est aussi à vendre. Mais avant de swinguer en passant l’aspirateur, il vous faudra sortir 4 millions… Enfin, notons la mise aux enchères, à Paris, du revolver avec lequel Verlaine blessa Rimbaud en 1873 dans un hôtel bruxellois. Comptez 60 000 €. Mais qu’est-ce pour nous, mon cœur…
Imprime-moi un hôtel Dingue ce qu’on peut faire avec une imprimante 3D. Des sculptures en sucre, des glaçons en forme de temple (voir LM 101 et 107) et, bientôt... des bâtiments ! Voici le projet d’un hôtelier néerlandais, qui annonce pour juillet 2017 l’utilisation de cette technologie pour élever son établissement. Constitué d’une seule pièce, il sera fabriqué avec une très grosse machine, et augure la construction d’un hôtel entier... Le progrès on vous dit !
LES M À chaque révolution industrielle son courant culturel. Le développement des transports et l’idéologie du progrès scientifique ont stimulé la peinture à la fin du xixe siècle. L’informatique a engendré les arts numériques, les réseaux sociaux… Aujourd’hui, imprimantes 3D et consorts annoncent l’avènement des « makers ». Des bidouilleurs 2.0 qu’on aurait tort de mésestimer. Reportage à Lille, à la veille d’une première Maker Faire, où le mouvement ne cesse de croître. Texte Julien Damien Photo Cécile Fauré
AKERS Faire ou ne pas faire
L’Atelier des bricoleurs, quartier Moulins à Lille
Société – Reportage 14
Noël à l’imprimante 3D, atelier de maquettes de voitures en famille et brodeuse électronique
L
ille, quartier Moulins, un jeudi ordinaire à la maison Folie. Nous voici au sein de l’Atelier des bricoleurs. Dans cet espace longiligne et peuplé d’étranges machines*, l’ambiance est aussi studieuse que décontractée. Nous surprenons Fatima, en pleine rigolade avec ses copines. Cette mère de famille n’est pas peu fière d’exhiber ses créations : son linge de maison, ses djellabas et ses voiles sont tous personnalisés ! Il faut dire que cette brodeuse électronique lui facilite bien la tâche. « Il suffit d’y placer le tissu, de choisir les motifs et leurs couleurs en appuyant sur quelques boutons, et voilà le travail ! ». Plus loin, Noël fabrique un filtre en plastique qu’il souhaite insérer dans une conduite d’eau.
« C’EST LA LOGIQUE DU DO IT YOURSELF APPLIQUÉE AU MONDE DIGITAL »
Ce retraité a dessiné sa pièce grâce à un logiciel et celle-ci est doucement matérialisée dans cette imprimante 3D. Derrière lui, c’est la découpeuse laser qui s’active. Natacha la regarde usiner ses pièces en cuir. Cette jeune designer produit une collection de luminaires (FARO) alliant « matériaux nobles, tradition et modernité »… Bref, Fatima, Natacha et Noël n’ont pas les mêmes profils – certains sont là pour le plaisir,
La designer Natacha Kopec de KNGB creation La collection de luminaires FARO allie techniques traditionnelles et modernes. De petites plaques de chêne ou de cuir sont découpées et gravées au laser.
d’autres lancent leur startup – mais font partie de la même "famille" : celle des "makers". « Ils produisent grâce aux nouvelles technologies des objets de toutes sortes : vêtements, meubles… tout ce que vous voulez. C’est la logique du do it yourself appliquée au monde digital » selon Olivier Sergent, le directeur.
L’Atelier des bricoleurs est conçu sur le modèle des Fab Lab. Nés au début du millénaire au Massachussetts Institute of Technology, ces laboratoires de fabrication ont inspiré une communauté attachée à la créativité, la production hors des systèmes commerciaux et l’échange de savoirs. *prêtées par Leroy Merlin
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© Natacha Kopec
Fabulous Fab Lab
« L’idée du MIT était de mettre à disposition des étudiants des machines de prototypage rapide : imprimantes 3D, découpeuses laser… Tout cela dans un espace ouvert pour mieux partager son savoir, son expérience, explique Bertrand Baudry, coordinateur de l’Atelier des bricoleurs, lequel accueille près de 1 500 personnes par mois ! Au départ, il devait fonctionner quelques semaines mais son succès n’en finit plus de repousser sa fermeture.
Adepte du DIY, Laurent Albouy a créé la marque NOGS, des lunettes entièrement modulables. Le Fab Lab lui permet de concevoir ses prototypes.
« L’INNOVATION SE TROUVE AUJOURD’HUI DANS CES PETITS LABOS QUI NE SONT PLUS RÉSERVÉS AUX INGÉNIEURS, MAIS À TOUTE LA POPULATION »
Cet atelier a vu le jour le 26 septembre 2015, dans le cadre de Renaissance. Cet événement artistique et festif initié par lille3000 montrait comment des villes sinistrées ont su se réinventer. À Moulins, c’est Eindhoven qui fut à l’honneur. Pas un hasard. Décimée après la fermeture de l’usine Philips en 1990, cette ville a perdu 38 000 emplois… pour en gagner 45 000 autres dans le design et l’innovation ! Comment ? « L’école de design locale a investi les milliers de mètres carrés d’espaces délaissés. Elle y a installé des ateliers et invité la population à participer… Petit à petit une communauté de créateurs est née ». Les premiers makers, ce sont eux.
LA MAKER FAIRE LILLE Portée par le succès de l’Atelier des bricoleurs, Lille accueille sa première « Maker Faire ». Créé aux États-Unis par la société Maker Events et présenté ici par Leroy Merlin, ce rendez-vous se déploie dans les trois étages du Tripostal. Il s’affiche comme un grand salon des makers. Au programme ? Des stands, des ateliers, des conférences… Plus de 400 créateurs sont attendus, dont 60 % issus du Nord de la France. « On découvrira les startups de demain, et des idées surprenantes », assure Bertrand Baudry. Telle « la box à couture clés en mains » de Green Cheery ou le « Corobot » de Eva Corot – un petit génie de 10 ans ! – qui dessine à la craie sur le sol « pour faire sourire les gens » . LILLE – 05 & 06.11, Tripostal, 10 h > 18 h, 1 jour : 9 / 6 €, pass famille : 21 €, gratuit (-6 ans), www.lille3000.eu Bertrand Baudry, coordinateur de l’Atelier des bricoleurs et de la Maker Faire
Révolution ?
Loin du simple effet de mode, ce courant pourrait chambouler notre économie. « L’innovation se trouve aujourd’hui ici, dans ces petits labos qui ne sont plus réservés aux ingénieurs, mais à toute la population, selon Olivier Sergent. Ils nous permettent de nous réapproprier les moyens de production, donc d’en changer les règles, comme celles de la distribution, mais aussi de relocaliser l’économie, la plupart des objets manufacturés provenant d’Asie ». Bertrand Baudry nous le confirme : « Aujourd’hui, les gens commandent leur paire de baskets sur Internet. Dans dix ans, on peut imaginer qu’ils achèteront juste le fichier pour concevoir ces
chaussures avec leur imprimante 3D… ». Dans ce domaine la France, riche de son savoir-faire artisanal, n’est pas à la traîne, comptant plus de 100 Fab Lab. Lille s’affiche d’ailleurs comme une place forte. Et ce n’est pas près de s’arrêter. En sus de la Maker Faire au Tripostal (voir encadré), le quartier Bois-Blancs accueillera au printemps 2017 le Techshop de Leroy Merlin, soit un Fab Lab de 2 400 mètres carrés – le plus grand d’Europe. Allez, on se retrousse les manches !
☞ L’ATELIER DES BRICOLEURS maison Folie Moulins, 49 rue d’Arras à Lille, mer > jeu : 14 h > 18 h, ven & sam : 14 h > 20 h, dim : 14 h > 18 h, gratuit, maisonsfolie.lille.fr
Société – Portrait 18
« ON EST TOUS UN PEU AUTODIDACTES, IL N’Y A PAS D’ÉCOLE DE MAKERS »
Damien Bertin Sur-mesure Texte Marie Tranchant Photo Marie Tranchant / Nemus
Il y a quatre ans, Damien Bertin lançait Nemus, un concept de mobilier en bois massif et local au design épuré. Formé aux techniques traditionnelles d’ébénisterie à Tournai, le jeune entrepreneur nordiste utilise aujourd’hui logiciels en 3D et découpe laser. Avant de le découvrir à la Maker Faire, on s’est invité dans son atelier. Il a la modestie des makers. De ceux qui font mais ne disent pas. Pourtant, Damien Bertin ne se revendique pas comme tel : « Difficile de définir ce terme. Il y a le côté bidouilleur, celui qui répare sa machine à laver, et puis celui qui utilise des outils à commande numérique. C’est ce dernier point qui m’intéresse ». L’ébéniste de 34 ans a d’abord travaillé dans la communication avant de tout plaquer pour « fabriquer quelque chose de (ses) mains ».
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C’est après des études à l’Institut Saint-Luc de Tournai (Belgique) puis un séjour de deux ans dans un incubateur à Villeneuve d’Ascq que le Dunkerquois a lancé Nemus (« bois », en latin). En plus de sa maîtrise des techniques traditionnelles, il a découvert les logiciels 3D « en picorant un peu partout. On est tous un peu autodidactes, il n’y a pas d’école de makers, j’ai appris en discutant avec les autres ».
À visiter www.leblogdenemus.fr
Atelier « Fabriquer un meuble » : LILLE – 06.11, maison Folie Moulins, 14 h > 17 h
Kit ou double Maintenant, Damien crée des meubles en bois massif issu des forêts françaises. Il dessine ses étagères, bureaux, lampes, horloges sur ordinateur. Développant cette méthode, il propose des bibliothèques, dressings ou placards sur-mesure aux particuliers. Le design de ses meubles se distingue par son style sobre, moderne et coloré. Pour envisager concrètement leur fabrication, il se déplace dans un Fab Lab. Il recourt à des machines de pointe transformant la commande virtuelle en pièces à assembler. « J’utilise la découpe laser, la fraiseuse numérique » pour plus de précision et de rapidité. Les imprimantes UV et 3D permettent de concevoir des motifs sur certains objets. Dans l’atelier qu’il s’est bâti, au fond de son jardin, l’ébéniste montre des pièces trouées où viendront s’imbriquer les pieds d’une table. Les planches de chêne, hêtre, épicéa des Vosges et du Jura s’entassent. Prochainement, Nemus proposera aussi du mobilier modulable en kit, sur Internet : on pourra choisir une table de chevet avec essence de bois, tiroirs, portes ou pieds à son goût, et la faire évoluer en meuble à jouets, vaisselier... tout ce que vous voulez ! Sky is the limit.
Style – Reportage 54
GL O B E MAK E R S Planète à la carte L’enseigne est aussi discrète que l’homme. Peter Bellerby fabrique des mappemondes dans un vieil atelier du quartier hipster de Stoke Newington, à Londres. À l’écart d’une grande rue, en face d’un bâtiment abandonné, l’endroit nous projette dans un temps sans travail à la chaîne ni production en série. Chez Bellerby & Co Globemakers, chaque pièce est unique, sur-mesure, telle une véritable œuvre d’art.
Texte Elisabeth Blanchet Photo Tom Bunning / Jon Stuart Freedman / Gareth Pon / Julian Love
Peter Bellerby dans son atelier
« PERSONNE NE RÉALISAIT DE MAPPEMONDES DE FAÇON ARTISANALE »
«S
i un client habite un petit village du nord de la France ou de Belgique, il peut nous demander de le faire figurer seul sur le globe. Il deviendra le centre du monde ! », s’amuse Peter Bellerby. « Certains veulent des illustrations d’oiseaux survolant les mers, dans ce cas on les peint pour eux », poursuit-il. Eh oui, Peter et ses 12 acolytes réalisent tout de A à Z : de la sphère en fibre de verre à la peinture de la carte (aquarelle), en
passant par son élaboration (design sur Adobe Illustrator, impression, découpage et collage). Cette drôle d’aventure a débuté en 2008. Peter souhaite alors offrir à son père un globe terrestre pour ses 80 ans. Mais il est déçu par ceux qu’il trouve dans le commerce. « La plupart sont obsolètes car réalisés en masse. Une grande entreprise ne lance pas une nouvelle série lorsqu’un état est créé, comme le Soudan du Sud par exemple ». Il décide donc de fabriquer lui-même l’objet. « Je me suis donné trois mois, pensant que cela suffirait. C’était un peu fou puisqu’il m’a fallu deux années pour le finir, et ce cadeau m’est revenu à presque 225 000 euros ! ». Soit le coût du lancement de sa société. « J’ai fondé
Bellerby & Co Globemakers en 2008, investissant tout ce que j’avais, notamment ma belle Aston Martin. Et je n’ai vendu ma première pièce qu’en 2010. Personne n’en réalisait de façon artisanale dans le monde ». Notre Anglais n’a pas peur du risque. À 51 ans, il a déjà exercé plusieurs métiers. « J’ai été promoteur immobilier, retapé et décoré trois maisons. Je possédais aussi un club de musique en ville. Bref, je m’ennuie très vite. Finalement, la fabrication de globes, c’est l’activité que j’exerce depuis le plus longtemps », avouet-il, entouré de guirlandes de bouts de cartes aux couleurs pastel, en formes d’amandes, qui sèchent en attendant de trouver leur place sur la planète.
Des clients prestigieux On marche presque sur des œufs dans son studio. Tout y est délicat : des matériaux aux outils en passant par le travail des employés. Au rezde-chaussée, un établi de menuiserie côtoie la fonderie de bronze. Peter propose plusieurs types de support. En dévoilant un impressionnant anneau métallique censé entourer l’équateur, il cache discrètement un nom gravé. « Nous avons des clients très célèbres… », s’amuse-t-il. Car, depuis sa première vente, le nombre de commandes ne fait qu’augmenter. « Elles nous viennent du monde entier : des géographes et géologues, des amateurs de cartes ou de beaux objets faits-main », assure-t-il en montrant une mappemonde en partance pour un atoll du Pacifique.
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La palette d’aquarelles se décline en nuances de bleu, vert et ocre…
Le diamètre des globes varie de 23 à 127 cm pour le modèle Churchill
Jon tend les fuseaux de papier humidifiĂŠ
Style – Reportage 54
« LA FABRICATION D’UN GLOBE NÉCESSITE ENTRE SIX SEMAINES ET HUIT MOIS DE TRAVAIL ! »
À visiter
www.bellerbyandco.com
Il évoque aussi des acheteurs moldaves ou de Hong Kong pour lesquels il n’a pas encore terminé le design de la carte. Autre client notoire : Le Louvre ! Le musée français a en effet commandé à Bellerby & Co une réplique du globe céleste de Coronelli dont l’original fut créé pour Louis XIV en 1681. Toutefois, ces créations ne sont pas à la portée de tous : les prix varient de 1 200 euros (pour un globe d’un diamètre de 23 cm) à 6 500 euros pour le “Churchill” (127 cm). Il ne faut pas
non plus être trop pressé. « Un petit globe nécessite environ six semaines de travail, un moyen cinq mois et un grand huit mois, des délais à ajouter à notre liste d’attente d’un an et demi…». Car Bellerby & Co est la seule entreprise au monde à détenir ce savoir-faire combinant art et artisanat. Chaque commande accouche d’une œuvre unique. « Une niche à laquelle nous tenons, assure notre homme. Pas question de grossir démesurément. Cette année, nous aurons produit 100 globes, l’année prochaine entre 500 et 600. Mais quoi qu’il arrive, je ne veux pas dépasser les 1 000 par an. Le plus important reste de rendre nos clients heureux ». Tout comme le fut le père de Peter, même s’il a reçu son cadeau d’anniversaire un peu tard...
Isis applique une première couche d’aquarelle avant collage
Portfolio – Portrait 30
Unique en son genre
quist, Editions Cambourakis, 32 p., 14 €, www.cambourakis.com
Retrouvez l’interview d’Emma Hanquist sur www.lm-magazine.com
A lire *On fait des miettes, on imite le coucou, de Lina Ekdahl et Emma Han-
À visiter www.emmahan.com
EMMA HANQUIST
Texte Julien Damien
Mais d’où sort ce curieux détective qui nous ausculte avec sa loupe ? Qui sont ces gens bizarres peuplant nos pages ? S’agit-il d’hommes ? De femmes ? D’enfants ? Eh bien… les trois à la fois ! Les personnages d’Emma Hanquist sont en effet nés d’un joli méli-mélo. « Ils constituent l’essentiel de mon style. Leur visage est composé de multiples photographies que je découpe, colle puis mixe, explique la Suédoise. Certains traits sont ceux d’amis, de membres de la famille ou simplement dénichés sur le web. Le nez et la bouche peuvent provenir d’un homme et les yeux d’une femme. Ainsi, ces nouveaux êtres n’appartiennent à aucun genre ». Un point important pour cette artiste sensible à l’égalité des sexes, et engagée contre le racisme. « Si un client me demande, par exemple, d’illustrer un patron, je le ferais avec une femme noire », assure celle qui travaille surtout pour la presse et qui vient de publier un livre jeunesse*. Sa technique est aussi affaire de mélanges : « les arrière-plans de ces images sont des collages analogiques. J’y ajoute mes dessins réalisés numériquement puis assemble le tout avec Photoshop ». Née au cœur de la mer Baltique sur la petite île de Gotland, au sud de la Suède, Emma a appris son métier de l’autre côté de l’Atlantique, au Maryland Institute College of Art. Après avoir vadrouillé d’Amsterdam à San Francisco, de Baltimore à Göteborg, elle est finalement revenue s’installer sur ses terres natales. Elle y vit désormais avec son mari et leurs deux enfants, auxquels elle raconte de sacrées histoires...
Illustrations for ModernDrugs Psykologi, published 2010-2016. illusion - Nautilus (2014)
Illustrations for Fokus, published 2012-2016.
Illustrations for Modern Psykologi, published 2010-2016.
Illustrations for Fokus, published 2012-2016.
Illustrations for Scientific American Mind, published 2016.
Sélection – Musique 38
Glass Animals Dans les nuages
Texte Mathieu Dauchy Photo Liam Cushing
L’écosystème de Glass Animals est plutôt sans relief et luxuriant. C’est dans une jungle nommée Spotify que le groupe d’Oxford a imposé sa griffe : une pop synthétique soyeuse et audacieuse. Pas une mince affaire de tirer son épingle du jeu dans cette vaste discothèque impersonnelle. Mais, que trouve-t-on derrière cette gloire du streaming ? Peu d’entre nous ont acheté Zaba, le premier disque de Glass Animals. Il a pourtant été l’un des albums les plus écoutés en 2014, affolant les compteurs – très précis – des plateformes d’écoute en ligne. Le groupe de Dave Bayley est ainsi devenu le symbole « indé » du nouveau modèle économique de la musique enregistrée (celui qui permet de s’acheter une Twingo au bout d’un million d’écoutes). La pop aérienne des Oxfordiens se prêtait-elle particulièrement à une diffusion via les canaux dématérialisés du cloud ? Peut-être. Mais, cela n’a pas empêché le quatuor de rafler une nouvelle fois la mise lors d’une tournée mondiale - tandis que le RoyaumeUni restait relativement insensible à ses charmes. Les pieds sur terre Une assise hors-sol mais un talent incontestable si l’on écoute How To Be a Human Being, deuxième album paru fin août. Ce dernier est un réservoir de trouvailles mélodiques : des airs R’n’B brûlants, une finesse de production et cet aplomb qui permet à Glass Animals de doubler ses compatriotes Wild Beasts dans le couloir de la synth pop élégante. Gageons que ces animaux fragiles sauront redescendre des altitudes stratosphériques pour poser BRUXELLES – 03.11, Botanique, complet !, botanique.be, avec assurance leurs pattes de velours sur scène.
Agnes Obel ROUBAIX – 24.11, Le Colisée, 20 h 30, complet !
BRUXELLES – 02.11, Ancienne Belgique, 20 h, complet !
© Alex Brüel Flagstad
Sélection – Musique 40
Petit conseil : évitez de filmer ce concert avec votre smartphone. La Danoise n’est pas très branchée réseaux sociaux. Elle en a d’ailleurs fait le sujet de son dernier album. Citizen of Glass (« citoyen de verre ») dénonce en effet l’extrême transparence causée par Internet et la surveillance généralisée qu’elle entraîne. Pour illustrer ce thème « orwellien », cette admiratrice d’Erik Satie, Edgar Poe ou Joni Mitchell fragmente son chant en de multiples voix (comme autant d’identités). Elle use, aussi, d’un instrument mystérieux : le trautonium. Ce synthétiseur aux touches métalliques conçu dans les années 1920 simule le « cri » du verre – on l’entend dans Familiar, merveille de ballade hypnotique dont elle a le secret. Mais peu de chance d’apercevoir la machine sur scène. Celle-ci risque « d’électrocuter le public » prévient la chanteuse. Pas grave. Sa voix cristalline et son élégant jeu de piano nous électrisent déjà. J.D.
Tout son soul Voici quelques jours, sur Facebook, Etienne Daho se fendait d’un bref message : « J’ai vu le concert de Michael Kiwanuka ce lundi. Exceptionnel. ». Ça tombe bien : le Rennais résume parfaitement notre sentiment pour ce prodige soul. Et, en quelques mots, nous offre une belle intro. Fils d’exilés ougandais, né à Londres, Michael Kiwanuka, 24 ans, signait en 2012 un premier essai magistral, à la fois classique (aisément rattachable à une longue tradition soul et jazz) et profondément personnel (on le dégustait sans forcément se prêter au jeu des analogies). Ces dernières années, on revenait souvent vers Home Again, formidable capsule soul, mais rien ne nous préparait au choc de Love & Hate, deuxième essai de Kiwanuka. Les ambitions sont affichées, les totems défilent les uns après les autres : Van Morrison, Bill Withers, Terry Callier, Otis Redding, Curtis Mayfield, Marvin Gaye. Exagération ? Même pas. Ouvert avec le sentimental Cold Little Heart, suivi du politique Black Man in a White World (rupture amoureuse et discriminations raciales, vastes sujets…) le disque de Michael Kiwanuka impressionne par son ampleur. C’est Danger Mouse qui le coproduit, mais ça ne s’entend pas. Comprenez : jamais la souris ne modernise lourdement l’affaire, elle laisse juste de la place pour que chacun – guitares, cuivres, cordes – puisse s’exprimer librement. Comme sur scène, où l’improvisation est bien ANVERS – 03.11, Trix, 19 h, souvent de mise. Thibaut Allemand complet !, www.trixonline.be
© Phil Sharp
MICHAEL KIWANUKA
© Dusdin Condren
© Lamia Lahbabi
Oum
Kevin Morby
Oum est un prénom répandu au Maghreb. Mais dans la chanson, il peut être lourd à porter : on songe à Oum Kalthoum, LA diva égyptienne. Or, cette Marocaine, complice de Manu Dibango ou Blitz The Ambassador, s’est bâti un solide répertoire en quatre albums. Si le chant, la langue et les instruments utilisés (oud, qraqeb…) sont arabes, ses chansons se nourrissent aussi de soul et de jazz. Au-delà du simple melting-pot, la Casablancaise ouvre une nouvelle voie. T.A.
À la sortie d’Harlem River (2013) on a souvent cité Bob Dylan pour décrire le style de Morby. On aurait aussi pu invoquer le Bruce Springsteen de Nebraska (1982). Depuis, l’ex-Woods poursuit sa route. Surprend parfois, le temps d’une chanson plus électrique. Il nous rappelle également Leonard Cohen (son utilisation des chœurs féminins) et Lou Reed dans sa nonchalance vocale. Bref, une musique profondément américaine, nourrie de grands espaces et de chansons transmises de génération en génération. T.A.
LOMME – 05.11, maison Folie Beaulieu, 20 h 30, 9 / 5 €, ville-lomme.fr / BEAUVAIS – 10.11, La Maladrerie, 20 h 30, 10 / 5 €, maladrerie.fr / BRUXELLES – 14.12, Espace Senghor, 20 h 30, 14 > 12 €, senghor.be
TOURCOING – 09 .11, Le Grand Mix, 20 h, 16 > 5 €, legrandmix.com / BRUXELLES – 10.11, Botanique, 19 h 30, 19 > 13 €, botanique.be
Cinq ans d’absence, ce fut long. Très long, même. D’autant que la globe-trotteuse polyglotte nous a habitués à mille et une transformations. On se souvient de ses premières chansons un peu ennuyeuses puis de son virage electropop (l’inusable 101), en passant par le sobrement nommé Keren Ann, velvétien en diable. Elle a récemment signé You’re Gonna Get Love, un retour aux racines folk, brumeuses, tout en clairs-obscurs. On s’attend à un concert très intimiste et chaleureux. T.A. TOURCOING – 19.11, Le Grand Mix, 20 h, 23 > 5 €, legrandmix.com BRUXELLES – 10.12, Théâtre 140, 20 h 30, 32 €, theatre140.be DOUAI – 28.02.2017, L’Hippodrome / CHARLEROI – 25.03.2017, L’Eden
© Amit Israeli
Keren Ann
© Alexandre Perdereau
Sélection – Musique 46
Klub des Loosers Récemment réédité, Vive la Vie (2005) fut un exploit que son auteur n’a hélas jamais égalé – hormis quelques singles épars. Cette tournée fait la part belle à cette pierre de touche du rap français. Surtout, Fuzati, seul membre permanent du Klub, délaisse les samples et s’accompagne d’un « vrai » groupe. Exit, donc, l’échantillonnage érudit et les incunables jazz, pop psyché ou variété italienne qui émaillaient ses productions. Accompagné des ex-Shades, le Versaillais a les coudées franches pour dérouler son flow étrange et ses mots acides. Il est mort, le hip-hop ? Sans doute. Mais ses funérailles valent le détour ! T.A. ROUBAIX – 10.11, La Cave Aux Poètes, 19 h, 10 / 5 €, www.caveauxpoetes.com [dans le cadre du festival Haute Fréquence]
Non, Fatima Yamaha n’est ni japonaise ou turque, comme la légende le laisse croire. C’est juste un alias du Néerlandais Bas Bron. Plus drôle encore est le chemin du succès. What’s a Girl To Do, ritournelle electrofunk entêtante nimbée du timbre grave de la Scarlett, fut le succès inattendu de 2015. Ironie du sort : ce morceau était sorti dans l’anonymat complet… 11 ans plus tôt ! En avance sur son temps ? Tellement rétro qu’il en devient intemporel ? Un peu de tout cela… T.A. BRUXELLES – 11.11, Ancienne Belgique, complet !
© DR
Fatima Yamaha
BRUXELLES – 30.01.2017 - Cirque Royal, 20 h, 29 / 26 €, cirque-royal.org
LILLE – 14.11, Théâtre Sébastopol, 20 h, 29,70 €, www.theatre-sebastopol.fr
© Raphael Neal
Sélection – Musique 48
The Divine Comedy À l’heure où la pop s’encombre de machines, voilà deux décennies que Neil Hannon concocte des chansons savamment orchestrées (rehaussées de cuivres, harpes, violons…). Six ans après la sortie de Bang Goes The Knighthood, il revient avec un 11e album (Foreverland) et – dieu merci – rien n’a changé. Les morceaux de ce Nord-Irlandais s’écoutent comme autant de fables – de préférence calé au fond d’un siège moelleux. Elles constituent la BO d’un film tantôt drôle (Napoleon Complex taquine les hommes de petite taille aux grandes ambitions), tantôt triste, renvoyant à l’occasion Nino Ferrer chez Bowie. Celui qui se rêvait à ses débuts en nouveau Bono (rires) ne remplit pas de stades. Ce ne fut pas là son destin, mais il s’en dit aujourd’hui « heureux ». Nous aussi. J.D
Mélancolique carnaval L’Europe s’apprête à accueillir une légende secrète et bien vivante : l’immense Scott Fagan, songwriter approché par les Beatles et adulé par nombre d’artistes et autres amoureux de ses sublimes mélodies. L’occasion de faire la lumière sur un album mythique et un personnage chaleureux. La pop, c’est ce qui fait passer la lumière à travers les fêlures des cœurs brisés. À ce titre, l’une des plus grandes chansons du genre se nomme The Carnival is Ended et figure sur un chef-d’œuvre méconnu, South Atlantic Blues de Scott Fagan. Que le septuagénaire vienne jouer aujourd’hui ce disque de 1968 est une chance dont il faut mesurer l’importance à l’aune de son parcours. Débarqué à New York de ses Îles Vierges, il intègre le Brill Building au côté de la paire Pomus/Shuman, dont il apprend les secrets de confection de tubes intemporels. Écrivant et interprétant ensuite ses propres titres, sa voix qui lance un pont entre Mort Shuman et David Bowie illumine des compositions sonnant comme un équivalent côte Est des Californiens de Love. Ressorti l’année dernière, South Atlantic Blues n’a rien perdu de sa superbe et son auteur, qui est aussi le père de Stephin Merritt (de The Magnetic Fields) et un franc-tireur à la gouaille intarissable, aborde cette tournée dans les meilleures dispositions : « Je suis un tel mélange que, où que j’aille, j’ai l’impression de rentrer à la maison ! Je suis tellement heureux de venir ouvrir mon cœur en Europe… ». The Carnival is Ended ? Il ne fait que BRUXELLES – 15.11, Ancienne Belgique, (re)commencer ! Rémi Boiteux 20 h, 19 €, www.abconcerts.be
Scott Fagan in Pennsylvania, 1969 © Richie Matthews
SCOTT FAGAN
Sélection – Musique 52
La Femme
Esthètes à claques
Texte Thibaut Allemand Photo Jonathan Witt
Protéiforme, cette scène pop française enthousiasmante (Aline, Mustang, Lescop, Sarah Maison, Séverin…) n’a pas de chef de file attitré – comme ont pu l’être, malgré eux, Etienne Daho ou Dominique A. La Femme, peut-être ? Non plus ! À vrai dire, on s’en fiche un peu, puisque c’est ce caractère irréductible – aux modes, aux genres – qui séduit. Entre autres. Six ans que La Femme est dans le paysage. Six ans que l’étrange formation déchaîne les passions. Attise les haines, parfois. Oui, La Femme divise. Les sourdingues n’y voient qu’une « hype parisienne ». Arguments bien vides, face à cette bande de provinciaux venus de Biarritz ou de Bretagne. Qu’importe. Ce sextette est comparé à tout et (surtout) n’importe quoi, alors qu’il s’agit d’un des derniers groupes à proposer un, hum, univers. Pardon, on s’emballe, on devient vulgaire, mais oui, il y a bien un univers chez La Femme. Où se croisent yé-yé et punk rock, pop orchestrale et new wave, folk hexagonal et matins berlinois, poésie des grands soirs et lyrisme de comptoir. Un foutoir harmonieux On ne reviendra pas sur ce deuxième LP terrassant, où la pauvreté lexicale et l’approximation syntaxique donnent naissance à l’un des grands tubes de l’an 2016 (Où va le monde ?), où une maladie un peu honteuse nous envoie dans l’espace (Mycose) et où l’on perçoit des chansons crève-cœur l’air de rien (Elle ne t’aime pas). On pourrait bien sûr déplorer ces looks façon Au Bonheur des Dames. Le ramage ne se rapporte pas au plumage mais on n’en fera pas un fromage. Sur La Planche comme sur les planches, La Femme organise des bacchaBRUXELLES – 18.11, Botanique, complet !, nales esbaudissantes et c’est aussi pour www.botanique.be cela qu’on les défendra toujours. LILLE – 15.12, L’Aéronef, 20 h, 26 > 14 €, www.aeronef.fr
© Andrea Montano
Sélection – Musique 54
Paradis Paradis, soit le chaînon manquant entre Larry Heard et Alain Souchon ? Il y a un peu de ça. Ce duo parisien conjugue chanson française et house avec une certaine réussite. Bien sûr, tous les accords ne sont pas parfaits. Très attendu, le premier album de Simon Mény et Pierre Rousseau est un poil décevant au regard de ce qu’annonçaient leur version « deep » de La Ballade de Jim ou des titres comme Garde le pour toi. Néanmoins Recto Verso contient quelques pépites – Toi et moi pour n’en citer qu’une – promettant un concert nimbé d’une douce mélancolie mais propice au déhanchement. J.D. TOURCOING – 17.11, Le Grand Mix, 20 h, 19 > 5 €, www.legrandmix.com [dans le cadre du festival les inRocKs]
Brisa Roché, ou l’art de se réinventer. Cette Californienne est apparue à l’aube du millénaire dans les bars jazz de Paris, accouchant d’un album teinté de notes bleues (The Chase). C’est ensuite vers la folk (Takes), puis le rock (All Right Now) qu’elle s’est tournée. Notons que les titres des trois disques précités forment une phrase : « la chasse se poursuit ». Où ? Sur le dancefloor. Invisible 1, son dernier né, lorgne vers l’électronique et le disco. Oui, Brisa touche à tout avec succès. À vous de la suivre. J.D. BÉTHUNE – 18.11, Le Poche, 20 h 30, 8 > 3 €, www.lepoche.fr
© Ami Barwell
Brisa Roché
Quoi ? de neuf
ECHO & THE BUNNYMEN
Si vous pensez qu’un musicien a tout dit dans son premier album, passez votre chemin. Ici, on s’intéresse aux artisans qui, dix mille fois, remettent l’ouvrage sur le métier. Ces quatre noms font partie de notre décor – de celui de nos parents, parfois. Alors, chefs-d’œuvre en péril, baudruches cent fois rafistolées ou monuments incontournables ? Texte Thibaut Allemand Photo DR / Myrna Suarez / DR / Andy Vella
Parmi l’épidémie de reformations, Echo & The Bunnymen est l’un des rares groupes (avec Dinosaur Jr.) à avoir sorti des albums aussi passionnants que leurs essais inauguraux. Ajoutez à cela l’humour franc du collier de Ian McCulloch – une grande gueule comme on n’en fait plus, hélas – et des chansons au classicisme exquis, aussi foudroyantes qu’au premier jour (The Killing Moon évidemment, mais Ocean Rain également) et vous obtenez l’un des plus grands groupes anglais des trente dernières années. LOUVAIN – 05.11, Het Depot, complet !
PAUL SIMON Le petit brun au visage poupin fut souvent réduit à ses cinq albums (soit 47 immenses chansons) avec l’échevelé Art Garfunkel. Beaucoup s’en contenteraient. Via Vampire Weekend ou Fool’s Gold, la dernière décennie a revisité Graceland (1986), métissage réussi d’inspiration américaine et de sons africains. Au risque d’oublier d’autres grands disques – dont le dernier, Stranger To Stranger (2016), vaut franchement le détour. Ou comment, à 75 ans, se tourner vers l’avenir en refusant la nostalgie et le jeunisme. BRUXELLES – 01.11, Forest National, 20 h, 97 > 77 €, forest-national.be
GARBAGE En 1996 déjà, ce groupe était un peu embarrassant : trois darons – dont Butch Vig, l’homme qui produisit Nevermind de Nirvana – s’adjoignaient les services d’une Écossaise aguicheuse, qui jouait de ses charmes comme de son mal-être. Le tout sur fond de guitares post-grunge et d’un soupçon de techno. C’était l’époque où U2 sortait Discotheque et Télé Poche trouvait ça vachement osé. 20 ans plus tard, tout ce petit monde a vieilli, quant aux chansons, n’en parlons pas ! Nos éboueurs viennent de sortir un sixième LP. Voilà, voilà… BRUXELLES – 11.11, Cirque Royal, 20 h, 42 €, cirque-royal.org
THE CURE The Cure a noirci deux-trois pages importantes de la pop anglaise. Signé des disques essentiels (les débuts secs comme des coups de trique, puis la fameuse trilogie Seventeen Seconds / Faith / Pornography), et des horreurs absolues (Wild Mood Swings, franchement…). Aujourd’hui, The Cure fait partie de l’English Heritage, et Robert Smith assume toujours, à 57 ans, une dégaine absolument ridicule. Le pire : on n’y fait même plus attention. ANVERS – 12.11, Sportpaleis, 18 h, complet !, sportpaleis.be
Sélection – Musique 58
Tour de Chauffe
Grand Blanc © Philippe Mazzoni
Ce dispositif d’accompagnement est dédié à la pratique musicale amatrice (rap, techno, poprock…). Après un an de travail, une douzaine de groupes issus des Hauts-de-France ou de Belgique entrent en scène à l’occasion d’un festival, en première partie d’une « pointure » – citons Torb, Grand Blanc, The Limiñanas, Mesparrow. L’occasion idéale de (re)découvrir, pour une poignée d’euros, les « vedettes » d’aujourd’hui et de demain. J.D. EURORÉGION – 01 > 25.11, divers lieux, 7 > 4 € Prog : The Limiñanas + Space Alligators (Comines, 01.11) // Grand Blanc + November Polaroïd (Comines, 05.11) // Mesparrow + J.Keens (Villeneuve d’Ascq, 19.11) // Torb + Charly Nine (Lille, 24.11)…, www.tourdechauffe.fr
MAR 01.11 DINOSAUR JR. Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 28/27e PAUL SIMON Bruxelles, Forest National, 20h, 97>77e THE LIMIÑANAS Comines, Le Nautilys, 20h, 5e TINDERSTICKS Hasselt, Cultuurcentrum, 20h, 34e
JEU 03.11 MICHAEL KIWANUKA Anvers, Trix, 19h, 29,50e BADBADNOTGOOD Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26/25e
VEN 04.11
BLICK BASSY Marcq-en-Barœul, Théâtre de la Rianderie, 20h30, 9>5e DARK FUNERAL + KRISIUN + GOD OF DEATH Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12e MASS HYSTERIA + ADX Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 15>11e
SAM 05.11 APOCALYPTICA Lille, l’Aeronef, 19h, 28,60€ JAMIE T Bruxelles, Botanique, 19h30, 21>15e LA CAUTION + DAVE LUXE... Liège, Reflektor, 19h30, 19e FLUME Bruxelles, Forest National, 20h, 36e GRAND BLANC… Comines, Le Nautilys, 20h, 5e
JACQUES Bruxelles, Botanique, 19h30, 18>12e
ALDEBERT - ENFANTILLAGES 2 Béthune, Théâtre, 20h30, 22>10e
JEANNE ADDED Maubeuge, La Luna, 20h, 20>10e
LES INNOCENTS Lens, Le Colisée, 20h30, 25>12,50e
OUM Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5e
DIM 06.11 RED HOT CHILI PEPPERS Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 74>45e HORACE ANDY + KEN BOOTHE… Gand, Vooruit, 19h30, 29,75e
MAR 08.11 JAKE BUGG Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 30/29e JESSY LANZA / OLGA BELL Hasselt, Muziekodroom, 20h, 15>8e SWANS Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5€ RENAUD Bruxelles, Forest National, 20h, 51,50>39,50e
MER 09.11 ARNO Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 46/43e
KEVIN MORBY + MEG BAIRD Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16>5e
RADIO ELVIS + L’ENVIE Faches Thumesnil, Les Arcades, 20h, 5e
NORAH JONES Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 78,50>56,50e
GIEDRÉ Lille, Splendid, 20h, 24,80€
WESTBAM + JOEY BELTRAM + KEN ISHII + JACK DE MARSEILLE Bruxelles, Palais 12, 20h, 39/35e
JULIETTE ARMANET Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5€
RENAUD Bruxelles, Forest National, 20h, 51,50>39,50e SLAVES Courtrai, De Kreun, 20h, 15>12e HUGH COLTMAN Lille, L’Aéronef, 20h30, 26>14e DAYMÉ AROCENA Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5€ MICHEL CLOUP DUO Lille, L’Antre-2, 20h30, 10>2e
JEU 10.11
ADAMA DRAMÉ Oignies, Le Métaphone, 20h, 10/5€
VEN 11.11 KATE TEMPEST Liège, Reflektor, 19h30, 16e BLACK MOUNTAIN Charleroi, Eden, 20h, 21>15e GARBAGE Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 42e
SAM 12.11
KLUB DES LOOSERS… Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 10/5e
KATE TEMPEST + SUUNS + MYKKI BLANCO + JESSY LANZA... Courtrai, De Kreun, 13h, 34/31e
KEVIN MORBY + MEG BAIRD Bruxelles, Botanique, 19h30, 19>13e
THE CURE Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h, 77>40e
BLACK MOUNTAIN Courtrai, De Kreun, 20h, 21>15e
LOCAL NATIVES Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 26>20e
DIM 13.11 PUPPETMASTAZ + KILLASON Dunkerque, Les 4 Ecluses, 18h, 16/13e WOODIE SMALLS Gand, Vooruit, 19h30, 13,75e
LUN 14.11 RUFUS WAINWRIGHT Louvain, Het Depot, 20h, 36>30e THE CINEMATIC ORCHESTRA Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 29/28e THE DIVINE COMEDY Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 29,70e
MAR 15.11 FAKEAR Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26/25e
Ben Mazué © Martin Lagardere
Si ça vous chante ! 13e édition pour ce festival qui célèbre la chanson. Pendant que Sanseverino interprète son livre de chevet – Papillon, d’Henri Charrière – on retrouve avec bonheur Françoiz Breut, ses mélodies minimalistes, mélancoliques et gracieuses. Histoire de changer de refrain, Ben Mazué et Greg Houben triturent quant à eux la langue de Molière dans tous les sens : le premier la fait rapper (sans déraper), le second la mêle de sonorités brésiliennes, rehaussant la température d’un cran. J.D. LA LOUVIÈRE – 24 > 29.11, 20 h, 18 > 12 €, www.ccrc.be Prog : Le Tre Sorelle (24.11) // Un Belge à Rio Greg Houben (25.11) // Ben Mazué (26.11) // Françoiz Breut (27.11) // Sanseverino (29.11)
Sélection – Musique 60 MHD Lille, L’Aéronef, 20h, 28e
Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 19>5e
PEACHES Louvain, Het Depot, 20h, 21>16e
MIOSSEC + BAPTISTE W. HAMON Lille, L’Aéronef, 20h, 26>14e
TÉTÉ Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 23>5€ VINCENT DELERM Mouscron, Centre Culturel, 20h30, 33>29e
MER 16.11 BARCELLA Oignies, Le Métaphone, 15h, 11 > 5€ COCOON Lille, Le Splendid, 20h, 26e TONY JOE WHITE Louvain, Het Depot, 20h, 23>18e PARCELS + FRENCH 79 Lille, l’Aeronef, 20h, 13>5€ LA GRANDE SOPHIE Roubaix, Le Colisée, 20h30, 30>10e
JEU 17.11 SHARKO + ITALIAN BOYFRIEND Liège, Reflektor, 19h30, 15e LESCOP + HER + PARADIS
EMILY LOIZEAU Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 16/12e
VEN 18.11 MICHEL POLNAREFF Bruxelles, Forest National, 20h, 110>61e NO MONEY KIDS + CLARA LUCIANI Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 20h, 9/6e JAGWAR MA + LOST UNDER HEAVEN + RAT BOY Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 19>5e
ROOSEVELT Bruxelles, Beursschouwburg, 22h, 14 > 11e BAGARRE Lille, Le Magazine, 23h, 5e
SAM 19.11 PLACEBO Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 54>42e DANNY BROWN Anvers, Trix, 19h30, 25>23,50e ODEZENNE Bruxelles, VK*, 19h30, 25/22e DIONYSOS Valenciennes, Le Phénix, 20h, 29>10e
BRISA ROCHÉ + LOUIS AGUILAR Béthune, Le Poche, 20h30, 8>3e
KEREN ANN Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 23>5e
PONY PONY RUN RUN Arras, Le Pharos, 20h30, 7>1,50e
TOTORRO + ROBERT LE MAGNIFIQUE Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e
BRUNO TOCANNE Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5€ PSYKOKONDRIAK Lille, l’Antre 2, 20h30, 10 > 2€ PEACHES + BARBI(E)TURIX Lille, L’Aéronef, 21h, 22>11e
FUR COAT + TERENCE FIXMER Lille, L’Aéronef, 21h, 12>5e MESPARROW + J. KEENS Villeneuve d’Ascq, La Ferme d’en Haut, 21h, 7/4e
Broken Back © DR
Heartbeats Festival # 2 Eh non, le festival Heartbeats n’est pas mort. Après une première édition en juin 2015 au Port Fluvial d’Halluin – et avant une prochaine date cet été ? – le revoici dans une version « indoor ». Niché à l’Aéronef, il associe toujours Français et Belges. Citons le rock sale et sans chichis des Bruxellois de The Black Box Revelation ou les mélodies sophistiquées (et un poil barrées) des Ostendais de The Van Jets. Pendant ce temps-là, l’electro-folk enjouée de Broken Back redonne la pêche à tout le monde. J.D. LILLE – 02 & 04.12, L’Aéronef, ven : 20 h, 9 > 5 € / dim : 10 h 30, gratuit Prog : The Black Box Revelation, Broken Back, Clement Bazin… (02.12) // Sunday Happy Funday : Angel, The Wolf Under The Moon, blind-test, brunch… (04.12), www.aeronef.fr
DIM 20.11 MICHEL POLNAREFF Lille, Le Zénith, 18h, 95>47e CHRISTIAN SCOTT Lille, L’Aeronef, 18h, 18>5€
MAR 22.11 CHARLES BRADLEY Lille, L’Aéronef, 20h, 26>14e
MER 23.11 A-WA Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 19>5€
JEU 24.11 KERY JAMES + YWILL Lille, L’Aéronef, 20h, 26>14e TORB + CHARLY NINE Lille, maison Folie Moulins, 20h, 5e DIONYSOS Béthune, Théâtre, 20h30, 34/30e DUKE ROBILLARD Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 15/12e
VEN 25.11 THE LEMON TWIGS Bruxelles, Botanique, 19h30, 15>9e PIXIES Anvers, Lotto Arena, 18h30, 45e
SAGE + AWIR LEON Béthune, Le Poche, 20h30, 8>3e
SAM 26.11 HISTOIRE D’EAU (ONL) Lille, Nouveau Siècle, 18h30, 50 > 5€ DIGITALISM (LIVE) Charleroi, Rockerill, 20h, 15e FFF Boulogne-sur-Mer, La Faïencerie, 20h30, 16>10e
DIM 27.11 FRANÇOIZ BREUT La Louvière, Le Palace, 20h, 15/12e M83 Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 28/27e
LUN 28.11 ARCHIVE Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 33e
MAR 29.11 BERTRAND BELIN Lens, Le Colisée, 20h30, 15>7,50e
MAR 30.11 TALIB KWELI Anvers, De Roma, 20h30, 20>18e
DIONYSOS Roubaix, Le Colisée, 20h30, 35>10e
LE CONCERT D’ASTRÉE : HÉROÏNES BAROQUES RAMEAU, CHARPENTIER, MARAIS Lille, Opéra, 20h, 34>5€
HYPHEN HYPHEN + JUNE BUG Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12e
L.E.J Longuenesse, Le Scénéo, 20h, 35,80/30,80€
LAS AVES + HER Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e
EL GATO NEGRO Lille, l’Antre 2, 20h30, 10>2€
Sélection – Disques 62
MAUD LÜBECK Toi Non Plus
(Finalistes / Modulor)
Peut-être ne faudrait-il pas préciser d’emblée que le sublime Toi Non Plus est un break-up record. Le genre (le disque de rupture donc) a beau avoir accouché de sommets, Blood on the Tracks (Bob Dylan, 1975) en tête, on redoute d'abord une œuvre amère et nombriliste. Or rien de cela ici. Sur ce deuxième album, véritable bond en avant après les ritournelles de La Fabrique, Maud Lübeck transcende les souffrances intimes pour livrer une collection de chansons parfaites. Tel le Dominique A de La Musique, elle trouve le point d’équilibre entre lyrisme et minimalisme, elle pare ses textes simples et puissants d’une pop délicatement électronique. En résultent des miniatures à la fois douces et implacables. Comme si la Varoise soignait sa lancinante douleur avec des mélodies entêtantes. Elle aborde les sentiments sans détour, renvoyant aux plus belles Chansons d’amour d’Alex Beaupain, et plus sûrement encore à celles d'Etienne Daho ou de Françoise Hardy. Les jeux langagiers (Je plus rire), le refrain bouleversant de La Noyée ou Encore, ce magnifique duo avec La Féline, sont autant de réussites éclatantes qui font de Toi Non Plus un chef-d’œuvre, un vrai. Rémi Boiteux
SOFT HAIR (SAM DUST & CONNAN MOCKASIN) Soft Hair
(Weird World / Domino Record)
Après la dissolution de Late of The Pier, Sam Dust dévoilait en 2015 un projet solo enthousiasmant : LA Priest (cf interview LM 109). Mais voilà cinq ans que ce fana d’oscilloscopes bosse secrètement avec un autre allumé des claviers : Connan Mockasin. Fruit (défendu) de cette collaboration, Soft Hair dispense une bonne dose de psychédélisme électrique, voire mystique (I.V. évoque les odes synthétiques de Vangelis). Sam et Connan distordent les basses et leurs voix jusqu’à les rendre démoniaques, ponctuant l’album d’un funk lubrique hérité de Prince (Jealous Lies, In Love). La pochette résume bien l’ambition de nos doux chevelus : un retour au Jardin d'Eden, soit la première idylle, divine, de l'Humanité. Un amour pur entre deux êtres égaux. Mais prêt à déraper… Julien Damien
LEONARD COHEN
JULIEN BARBAGALLO
You Want it Darker (Sony Music)
Grand Chien
Nombre de légendes nous ont quittés en 2016, mais Leonard Cohen prolonge sa carrière d'une belle et généreuse manière. Old Ideas, en 2012, avait opéré un retour en grâce inespéré, confirmé deux ans plus tard par Popular Problems et aujourd'hui on ne résiste pas au bien-nommé You Want it Darker. Caverneuse, la voix de Cohen pose ses visions faussement désabusées sur des arrangements dépouillés et délicats. Soul, blues et chœurs se joignent sur un disque à la spiritualité torturée mais inspirante, dont on ne regrette que la trop courte durée. Proche d’un Bob Dylan, la zone d’où parle Leo se situe quelque part entre l’Ouest et l'Est : entre l'Amérique des fifties et le klezmer des violonnistes juifs. Quelque part, surtout, au fond de l’âme. Rémi Boiteux
(Almost Musique / Sony Music)
Sous cette pochette signée Paul Davies, se cache l'un des plus beaux disques de pop française – pour le dire en deux mots, tant les idées se bousculent au portillon. Julien Barbagallo, ex-batteur d'Aquaserge et désormais préposé aux fûts chez Tame Impala, a composé le successeur d'Amor De Lonh en Australie, mais use encore de la langue de Bertrand Burgalat. Contemplatives et habitées, ces rêveries colorées sont des chansons de retrait, où se croisent les ombres de Michel Polnareff (pour la science mélodique) et François de Roubaix (pour les instruments atypiques, et leur étrange achalandage). Alors, pop, psyché, folk, appelez ça comme vous voulez. Il s'agit avant tout d'un album ambitieux réalisé avec modestie. Les plus émouvants. Thibaut Allemand
LAMBCHOP FLOTUS
(City Slang)
Si l’inaugural et long In Care Of 8675309 s’ouvre sur le terrain connu d’une guitare americana, l’arrivée du vocoder crée la surprise. Relative, pour qui se souvient que Damaged (2006) ou Mr M. (2012) affichaient déjà quelques expérimentations digitales. Ici elles teintent l’ensemble via des traitements vocaux, nappes synthétiques et programmations. Pour le reste, Lambchop conserve sa charpente soul-folk grandiose mais pas grandiloquente. Il faudra laisser mûrir cet album comme un bon breuvage avant de trancher – audacieux pas de côté ou haut du panier – mais des titres comme JFK ou Relatives #2 donnent raison à la bande de Nashville dans son entreprise de mise à jour éléctronique. Flotus dessine des arabesques nocturnes, définissant une Amérique rêvée. Rémi Boiteux
Sélection – Livres 64
RICHARD BRAUTIGAN
C’est tout ce que j’ai à déclarer (Œuvre poétique complète) (Le Castor Astral)
Lire la poésie de Richard Brautigan, c’est aborder sur son versant méconnu l’un des paysages les plus attachants de l’Amérique – celle des marges, des interlignes. Compagnon des bords de route de la Beat Generation, Brautigan est surtout connu pour quelques-uns de ses romans dont les atours facétieux recouvrent comme par politesse un certain désespoir (Un privé à Babylone ou le sublime Sucre de pastèque). Toute la force d’évocation et le bric-à-brac merveilleux de l’auteur irrigue son œuvre poétique, qui fait ici l’objet d’une titanesque et indispensable somme. Bilingue, cette édition permet d’apprécier la musicalité d’un style simple et audacieux, dans sa beauté originelle et à travers le travail de talentueux traducteurs. Parcimonieux et éclairant, l’appareil critique guide le lecteur dans un voyage entre inspiration zen et lumière de la Côte Ouest. C’est, littéralement, Baudelaire qui rencontre les mythes américains. On observe cette plume qui passe du prosaïque à l’épique en deux mots, mêlant le trivial et les profondeurs. Une petite musique qui finit par accompagner l’existence, comme un génie malicieux surgi d’une lampe de papier. 780 p., 32 €. Rémi Boiteux
RICHARD ADAMS Watership Down
(Monsieur Toussaint Louverture)
Si l’idée de passer 500 pages en compagnie de lapins vous laisse de marbre, il vous suffira de quelques lignes pour être emporté par ce conte épique. L’histoire ? Le rusé Hazel et son frère Fyveer sont saisis de visions : leur garenne est vouée à la destruction. Ils doivent donc sauver les leurs, et fuir… Dans l’esprit du Vent dans les Saules, ce roman symbolise avec élégance l’exode, le choc des cultures et la Terre Promise. Décrivant la nature à merveille, Watership Down s’inscrit surtout dans la lignée des grands récits d’aventure et de « communauté », de Sa Majesté des Mouches à Lost en passant par Le Seigneur des Anneaux. La limpidité de l’écriture est servie par cette nouvelle traduction. Celle-ci devrait rallier des adeptes à cette épopée animalière éloquente sur la société des Hommes. 544 p., 21,90 €. Rémi Boiteux
KRIS & MAËL
MAUD DESMET
Notre Amérique
Confessions du cadavre
(Futuropolis)
12 novembre 1918. La Grande Guerre est achevée. Le hasard réunit les soldats Julien Varin et Max Brunner. Le premier est français ("vainqueur" de cette boucherie) et le second alsacien (un "vaincu"). Parti à Paris, le tandem finira en Amérique. Ce n’était pas vraiment prévu, mais ils sont prêts à livrer un autre combat, pour une autre cause, un monde nouveau… Après Notre Mère la Guerre, Kris et Maël s’attellent à un autre récit en quatre tomes. Ce volume initial relève de la mise en place du décor, du contexte, et des personnages (certains étant plutôt inattendus). Le trait de Maël impressionne toujours et, si les dialogues de Kris sont parfois trop écrits, nuisant au réalisme au profit d’une approche quasi-cinématographique, on attend déjà – et impatiemment – la suite. 64 p., 16 €. Thibaut Allemand
(Rouge profond)
Découpés en rondelles, putréfiés ou « délavés » par un séjour au fond de l’eau, les cadavres sont partout. Les séries récentes les plus populaires – Dexter, Hannibal, Les Experts… – les ont élevés en motifs privilégiés. Ces exhibitions souvent atroces ne doivent pourtant pas masquer le fait que ces corps ne sont guère considérés pour eux-mêmes. Objets de discours scientifiques, ils n’engagent aucun travail de symbolisation ou de deuil. C’est l’une des thèses fortes du premier essai de Maud Desmet. S’appuyant sur des analyses serrées de séries et de films (notamment Seven et Le Silence des agneaux), elle interroge ainsi la place de la mort dans nos représentations. Académique dans la construction, Confessions du cadavre se révèle toujours stimulant. 256 p., 22 €. Raphaël Nieuwjaer
ISABEL ALBA Baby Spot
(La Contre Allée)
L’histoire se déroule dans une banlieue sordide de Madrid. D’emblée, on sait que l’on se trouve dans une de ces zones urbaines délaissées. On y croise quelques adultes, des ombres plus que des humains, et surtout des adolescents qui tentent de survivre. Tom, 12 ans, le narrateur, raconte dans une langue très inventive et cinématographique le quotidien de ce petit monde lorsqu’un mort vient en bousculer l’ordre… Très vite on accuse le caïd Le Zurdo du meurtre de Lucas. Mais Tom et son ami Martin doutent de la culpabilité de leur modèle et mènent leur propre enquête, qu’on suit au milieu de violences indicibles et de sauvages cruautés… Un livre court dont on ressort groggy et marqué pour longtemps. 96p., 13 €. François Annycke – Rencontre avec Isabel Alba et Lydie Salvayre, 08.11, Arras, Cinémovida, 14 h (Arras Film Festival)
Sélection – Écrans 66
ARRAS – 04 > 13.11, Grand’Place, Casino, Cinémovida, Hôtel de Ville, Hôtel de Guînes, Université d’Artois, 7 / 5 € la séance, pass : 60 €, 10 films : 45 €, 5 films : 27,50 €, www.arrasfilmfestival.com LEÇON DE CINÉMA DE STÉPHANE BRIZÉ : 10.11, Université d’Artois, 14 h 30, gratuit
Arras Film Toiles de fond Texte Julien Damien Photo Une vie © Michael Crotto
120 films internationaux, dont 80 avant-premières ou inédits, et puis des débats, des rencontres… Certes, Arras n’est pas Cannes mais, loin de la plage et des paillettes, on découvre dans ces salles obscures autant de regards éclairant notre monde. L’identité du festival du film d’Arras tient d’abord « dans la proximité qu’il entretient avec le public, notamment à travers les rencontres », selon Eric Miot, le délégué général. Citons les venues de Romain Duris, Gustave Kervern ou Edouard Baer qui présente Ouvert la nuit – l’histoire de Luigi qui a une nuit pour sauver son théâtre… Si on découvre à Arras les derniers longs-métrages de Mel Gibson (Tu ne tueras point) ou Jeff Nichols (Loving), on y célèbre avant tout le cinéma européen. Pas de thèmes imposés certes, mais des fils conducteurs. « Beaucoup de films parlent de la famille. Ils s’intéressent au regard que portent les enfants sur notre monde ». Maman a tort de Marc Fitoussi aborde ainsi la question du travail. Il met en scène une ado en stage dans la compagnie d’assurances où s’échine sa mère, avec ce que cela suppose de décalages… Leçon particulière « NOUS SOUHAITIONS Surtout, « nous souhaitions placer l’humain PLACER L’HUMAIN au cœur de cette programmation ». La préAU CŒUR DE CETTE sence de Stéphane Brizé incarne bien cette PROGRAMMATION » volonté. Le réalisateur de la Loi du marché assure la leçon de cinéma et dévoile son adaptation d’Une vie de Maupassant – « un choc émotionnel et esthétique ». Un rendez-vous « humain » donc, et engagé. Le festival consacre sa rétrospective à la guerre d’Espagne et son corollaire : le fascisme. Le sujet a été choisi « après les élections régionales », durant lesquelles le FN a battu des records. « On peut en effet apprendre beaucoup du cinéma… ». Bien vu.
Sélection – Écrans 68
La Mort de Louis XIV Le Roi-Soleil exactement Texte Raphaël Nieuwjaer Photo Capprici
Le Roi-Soleil est en train de s’éteindre. Les médecins se pressent autour de lui, aussi sûrs d’eux-mêmes qu’impuissants. Passent aussi parfois un évêque et quelques dames de cour. Au centre de ce petit théâtre trône le plus génial des acteurs français, Jean-Pierre Léaud.
Albert Serra est un original. Il est venu au cinéma avec peu de moyens, et de grandes ambitions. Aucun mythe n’était trop grand pour lui. En 2006, il tournait ainsi Honor de cavallería, une libre adaptation de Don Quichotte. Il en confia le rôle-titre à nul autre que Lluís Carbó – un parfait inconnu qui vivait comme lui à Banyoles, une petite ville de Catalogne. Depuis, Serra a multiplié les projets extravagants. Ainsi des Trois Petits Cochons, (très) long-métrage de 101 heures où se croisaient Goethe, Fassbinder et Hitler. De ce point de vue, La Mort de Louis XIV semblera bien ordinaire.
C’est pourtant, sous son apparent minimalisme, un film magnifique sur la disparition d’un corps. Le roi est mort… Vive Léaud ! Passée la séquence d’ouverture, le récit ne s’aventurera plus hors de la chambre du roi. Serra magnifie ce huis-clos par l’élégance discrète de sa photographie et la précision de son découpage. Et puis il y a Léaud. Son visage, surmonté d’un imposant geyser de cheveux gris, condense toute l’émotion du film. Il faut l’entendre rire au début – c’est alors le gamin des 400 coups, ou l’étudiant
de La Chinoise qui réapparaît. Lui qui aura toujours eu ce génie de la diction, le voilà maintenant qui grogne, marmonne, presque incompréhensible. Puis il s’efface peu à peu, pauvre figure ridée, perdue au milieu de tant d’apparats. Rarement on aura filmé la mort d’aussi près, et avec autant de retenue. C’est ainsi que Serra et Léaud sont grands.
D’Albert Serra, avec Jean-Pierre Léaud, Patrick d’Assumçao, Marc Susini… Sortie le 02.11
En exil À la frontière entre la Chine et la Birmanie sévit un conflit ignoré en Europe. Opposant l’armée gouvernementale birmane à des groupes « ethniques », parmi lesquels les Ta’ang, il a entraîné l’exil de milliers de personnes. Ce sont elles que Wang Bing suit dans la campagne du Yunnan. Il faut le répéter : Wang Bing est l’un des plus grands cinéastes contemporains. Entamée au début des années 2000 avec À l’Ouest des rails, son œuvre n’a cessé d’explorer les marges de la Chine triomphante. Marges historiques (les victimes du maoïsme), géographiques (la région excentrée du Yunnan), sociales (ouvriers, paysans et autres gens de peu). Avec Ta’ang, il se situe encore à la lisière. Celle de deux pays et, surtout, de deux configurations : la guerre et la paix. Alors que les hommes restent à l’arrière pour s’occuper de leurs aïeux et de leur maison, femmes et enfants sont jetés sur les routes. La vie s’organise alors avec les moyens du bord. Depuis Fengming (2007), l’obscurité gagne les films de Wang. Mais jamais elle n’a eu cette densité. D’un fondu au noir à l’autre, les séquences se suivent et la nuit ne finit plus. Elle est devenue un abri où la parole éclot. Les enfants dorment, les femmes évoquent leur histoire, craintes et espoirs. Wang Bing leur ménage une pause, à l’écart du sentiment d’urgence. Ainsi le cinéaste saisit la condition humaine, cette capacité des êtres à se constituer un habitat dans l’endroit le plus rude. Certes, ceci constitue un témoignage fragile face à la violence de l’Histoire. Mais c’est peut-être ce que le cinéma offre de plus essentiel. Raphaël Nieuwjaer Documentaire de Wang Bing. En salle
© Acacias
TA’ANG
Esprit de groupe Les cinéastes britanniques visent souvent juste quand ils s’intéressent au fleuron de leur culture. Le pudding ? Mais non, la musique ! Le troisième film de John Carney nous téléporte ainsi dans les années 1980, aux côtés d’ados échappant à la grisaille dublinoise en créant un groupe pop. Conor, la quinzaine décoiffée, doit faire face au divorce de ses parents et quitter son bahut privé pour un lycée public où règnent misère et violence. Entre les baffes d’un prêtre sadique et celles d’un skinhead bas du front (pléonasme), notre héros « flashe » sur la belle Raphina. Pour la séduire, il lui raconte qu’il a monté un groupe et (logique) qu’il cherche une fille pour tourner dans ses clips. Eh oui, nous sommes au mitan des années 1980. L’émission Top of The Pops a détrôné la messe. Robert Smith et consorts ont donné des idées à nos jeunes romantiques, qui se maquillent comme des voitures volées sous leurs coupes de cheveux expérimentales. Ainsi naît Sing Street, quintette jouant une musique « happy sad » selon Conor. Soit « quelque chose qui te fait te sentir mal, mais avec entrain ». Cette définition s’applique aussi bien à cette comédie dramatique, inégale certes, mais boostée par une BO rafraîchissante – on dira ce qu’on voudra, In Between Days (The Cure, 1985) reste l’hymne de toute adolescence qui se respecte. Oui, la vie dans ce Dublin là, en pleine crise économique, n’est pas drôle tous les jours. Les affres d’un premier amour non plus. Mais quoi de mieux que la musique pour s’évader ? Le cinéma peut-être. Julien Damien
De John Carney, avec Ferdia Walsh-Peelo, Lucy Boynton, Jack Reynor… En salle
© Mars film
Sélection – Écrans 72
SING STREET
Sélection – Écrans 74
© Gianni Fiorito / 2015 Sky-HBO-Wildside-Canal+
© Jose Haro
The Young Pope
L’Attrape-rêves
Pardonnez-moi mon père, car j’ai péché. Ce n’est sans doute pas avec cette confession que débutera le règne de Pie XIII, premier pape (fictif) italoaméricain de l’Histoire. Un souverain manipulateur qui s’approche davantage d’une Cersei Lannister (la perfide reine de Game of Thrones) que d’un Jean-Paul II. Les cardinaux qui ont favorisé l’élection de ce dépravé – assumé – ont clairement une idée en tête… Mais laquelle ? C’est dans cet univers ultra sacralisé que le réalisateur Paolo Sorrentino (Youth, 2015) touche la grâce du petit doigt. Les plans sont extravagants, les personnages riches et les répliques taillées pour secouer Twitter. Un bijou blasphématoire porté par la belle gueule de Jude Law qui trouvera peut-être ici la rédemption qu’a vécue Matthew McConaughey avec True Detective. Amen. M.C.
À la fin de Melancholia, de Lars von Trier, les personnages se protégeaient de l’apocalypse dans un frêle abri constitué de branches. C’est une image similaire que cherche Claudia Llosa avec son troisième long-métrage, L’Attrape-rêves. Au milieu de constructions en rameaux, un mystérieux guérisseur soigne maladies et handicaps. Venue le consulter pour son fils, Nana découvre qu’elle possède elle aussi un don. Hélas, celui-ci ne lui est d’aucune aide pour soigner son enfant. Sur cette trame mélodramatique, la cinéaste bâtit un récit inutilement alambiqué. La main n’est pas non plus légère en ce qui concerne la symbolique. Dommage, car sa manière de protéger ses personnages des plus vives blessures par un cocon lumineux, presque cristallin, n’était pas sans élégance. R.N.
Série de Paolo Sorrentino, avec Jude Law, Diane Keaton, Cécile de France… Sur Canal +
De Claudia Llosa, avec Jennifer Connelly, Mélanie Laurent, Cillian Murphy… En salle
Sprayground, 2011, 100 X 80 cm
SPEEDY GRAPHITO Melting-pop Propos recueillis par Julien Damien Photo Speedy Graphito © The1Point8
Le Musée du Touquet-Paris-Plage consacre une grande rétrospective à un pionnier du street-art français. Olivier Rizzo, alias Speedy Graphito, s’est fait connaître dès les années 1980 avec ses graffs détournant la culture populaire. Celui qui se définit comme un « DJ des arts plastiques », jonglant entre la photo, la peinture, la sculpture, nous invite dans un monde où Picsou tague, Blanche-Neige croque la pomme d’Apple… Ses œuvres interrogent notre mémoire collective, l’histoire de l’art, le consumérisme. Alors… allons chez Speedy !
Atomised Bunny, 2013, 100 x 100 cm
Comment êtes-vous devenu artiste ? Très tôt. Dès la maternelle j’évitais les siestes pour dessiner (rires). À neuf ans, je me suis inscrit à un cours de dessin dans une maison des jeunes en banlieue parisienne où je vivais. Mon professeur concevait aussi des décors de théâtre pour une troupe locale, alors je l’ai aidé. Puis il a été victime d’un accident et j’ai dû, à 14 ans, accomplir cette tâche seul. Parallèlement, j’ai suivi des cours dans deux écoles d’art : celle de la rue Madame et puis l’école Estienne, à Paris. Pourquoi vous êtes-vous dirigé vers le street-art ? Quel a été lé déclic ? Quand j’ai commencé, le « streetart » n’existait pas. J’ai débuté dans un atelier avec le chevalet et la toile, à l’ancienne. À cette époque la figuration libre avait amené un nouveau souffle dans les galeries. Mais personne ne voulait de mon travail. J’ai alors reproduit mes tableaux dans la rue, à l’aide de pochoirs, avec mon numéro de téléphone inscrit dessous.
Broken World, 2006 100 x 100 cm
Ensuite ? Dehors j’ai rencontré d’autres artistes. Lorsque l’un d’entre-nous trouvait un lieu d’exposition il emmenait les autres avec lui pour monter des accrochages collectifs. Un jour des galeristes m’ont repéré, tout a démarré comme ça.
* LAPINTURE : « Ce personnage est né en 1987. J’avais envie de parler de la peinture comme d’une sorte de compagne, d’alter-ego capable de ressentir des émotions. La toile est toujours le miroir de l’artiste… »
Quelle était l’ambiance de l’époque ? C’était le début des années 1980, à Paris. Le quartier des Halles était en pleine transformation, on y construisait le Forum. Il y avait donc beaucoup de palissades en bois sur lesquelles je peignais. Les galeries contemporaines
Rétrospective – Exposition 79 s’étaient aussi regroupées dans ce quartier. La vie artistique était foisonnante, extrêmement festive et dynamique. Les arts se mélangeaient. Les Rita Mitsouko montraient de la peinture dans leurs clips, de jeunes créateurs de mode faisaient appel aux plasticiens… Quels sont vos thèmes de prédilection ? Il y a d’abord le rapport au consumérisme. Prenons ma série sur les villes : celles-ci sont dépourvues d’humanité, croulant sous une accumulation de marques que j’ai détournées pour illustrer l’uniformisation de nos modes de vie. Je me passionne aussi pour la culture populaire qui constitue un autre lien aux quatre coins du monde. Cela passe par les dessins animés, la BD… J’essaie de créer un langage universel dépassant les cultures et les langues. Est-ce pour cela que vos créations sont peuplées de personnages « J’ESSAIE DE CRÉER comme Mickey, Goldorak, UN LANGAGE UNIVERSEL Mario… ? DÉPASSANT LES CULTURES Oui, cela permet au spectateur ET LES LANGUES » d’aborder mes œuvres grâce à des éléments qu’il connaît. Une fois qu’il s’approche du tableau, je lui raconte mes propres histoires, en rapport avec mon vécu, mon ressenti sur l’époque. J’essaie aussi d’inventer un art multigénérationnel en mêlant les périodes. Une grand-mère et sa petite fille visitant l’expo auront chacune des clés pour appréhender mes œuvres. Cela crée un dialogue. Vous n’êtes pas en rupture avec les « Grands Maîtres » ? Non, je m’inscris dans une continuité. J’ai reproduit beaucoup de toiles d’art moderne : Vlamynck, Van Gogh… me suis souvent rendu au Louvre. Le tableau qui m’a le plus impressionné est Le Radeau de la Méduse de Géricault. Comment jugez-vous l’évolution du street-art ? C’est devenu un effet de mode, le côté underground a disparu. L’aspect « vandale » associé au graffiti perdure mais c’est aujourd’hui accepté par le grand public. Maintenant les gens me remercient de mettre de la couleur dans la ville. Même les personnes âgées m’encouragent. Peignez-vous en atelier, dans la rue ? Le plus souvent en atelier. J’interviens aussi sur des murs « officiels », pour des festivals… J’apprécie les deux. À l’extérieur on travaille davantage
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Malala, 1984, Acrylique sur tissu imprimé, 150 x 200 cm.
l’énergie, le rapport à l’espace. Lorsque j’ai réalisé la plus grande fresque d’Europe l’année dernière à Evry, j’étais face à un bâtiment de 3 000 mètres carrés, sur une nacelle à 30 mètres de haut alors que j’ai le vertige (rires). Mais j’aime me retrouver dans des situations extrêmes, histoire de voir ce dont je suis capable. Comment est née cette rétrospective ? J’avais envie de montrer mon travail dans sa globalité, du début des années 1980 jusqu’à aujourd’hui. Beaucoup de gens me connaissent, mais la jeune génération n’a vu que mes toiles sur Internet. Or rien de ce que j’ai réalisé avant 2003 n’y est visible. Que verra-t-on ? Les trois quarts des œuvres exposées proviennent de ma collection personnelle. J’en ai toujours gardé au moins une par période, dans l’espoir de les montrer dans leur ensemble. Cette rétrospective n’est pas forcément chronologique. On y entre par les années 1980, on découvre Lapinture* avant d’enchaîner avec les années 1990. Puis on aborde mes thématiques récentes : le consumérisme, Internet, mon interprétation de l’art moderne… Vous pénétrez SPEEDY GRAPHITO, UN ART DE VIVRE dans cet univers comme dans une maiTOUQUET – jusqu’au 21.05.2017, Musée du Touquet-Paris-Plage, tlj sauf mar : son hantée de fête foraine : d’un seul 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), coup, vos sensations sont chahutées. www.letouquet-musee.com
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13e Triennale internationale de l’affiche politique
Les maux par l’image
Texte Julien Damien Photo Michal Batory - France
Créée en 1978 par le Centre culturel de Mons (aujourd’hui Le Manège), la Triennale internationale de l’affiche politique est devenue un rendez-vous incontournable pour les graphistes de la planète. Leurs créations sont autant des vecteurs de messages que des œuvres d’art. La preuve – par l’image, évidemment.
Signée du Français Michal Batory, cette croix formée par un crayon et une douille illustre bien les menaces qui pèsent sur la liberté d’expression. Tout comme cet homme au visage progressivement effacé sous la chaîne qui lui sert de bâillon. C’est ce dessin du Mexicain Santiago Solis Montes de Oca qui a remporté le premier prix de cette 13e Triennale. On le voit, cet art est aussi engagé qu’incisif. « Une affiche doit être un coup de poing visuel », selon la coordinatrice de l’événement, Anne-Thérèse Verschueren. En cela, l’humour est une arme bienvenue – tel cet astucieux miroir-smartphone de la Belge Catherine Chalon, sans équivoque sur le narcissisme contemporain. Air du temps Après avoir accueilli les caricaturistes du monde entier lors de l’exposition Ceci n’est pas l’Europe, le Mons Memorial Museum titille à nouveau nos consciences. Sur 1 000 affiches reçues d’artistes internationaux, 115 ont été retenues. ☞
Wesam Mazhar HADDAD - Jordanie
Li MINGLIANG - Chine
Ellina BERLIOZ - France
Santiago SOLIS - Mexique
Alireza NOSRATI - Iran
Piotr DEPTA - Pologne
Sha FENG - Chine
Agata KULCZYK - Pologne
Catherine CHALON - Belgique
MONS – jusqu’au 25.06.2017, Mons Memorial Museum, mar > dim : 10 h > 18 h, 3 €, monsmemorialmuseum. mons.be
Claude BAILLARGEON - France
Triste hasard, le jury a délibéré le jour des attentats de Zaventem. Forcément, « le terrorisme demeure un grand thème de cette édition ». Avec ses corollaires : l’immigration, le populisme… L’environnement reste aussi une grande préoccupation. « Les travaux sélectionnés évoquent l’actualité des trois dernières années. L’accrochage résume ainsi bien l’état du monde ». Disposées sur des murs ou colonnes Morris de façon thématique, ces œuvres dévoilent aussi une belle diversité de techniques (graphisme, dessin, photographie…). Citons ce cliché de Claude Baillargeon, qui figure l’austérité via un pauvre hère déposant sa pièce dans le haut-de-forme d’un nanti. On y trouve également des images plus « léchées », comme celle du Jordanien Wesam Mazhar Haddad qui présente un œil en forme de bonde pleurant une (dernière ?) larme sur un visage rouillé. Une vision prophétique ? À vous de voir…
Sélection – Exposition 88
Saul Leiter
Mise au point
Texte Julien Damien Photo Snow, 1960 © The Estate of Saul Leiter
Pionnier de la photographie couleur, l’Américain Saul Leiter (1923 - 2013) fut toutefois longtemps méconnu. Son travail personnel, mené dans la rue, fut redécouvert au milieu des années 1990. Depuis lors, il est unanimement salué. Cette rétrospective à Anvers célèbre cet artiste dont les clichés ressemblent à des peintures, bouleversant notre regard sur la ville. Des silhouettes floues se dessinent derrière des vitres embuées, des personnages se reflètent dans la fenêtre d’un bar, sortent du cadre… Il faut parfois du temps pour comprendre ces images, mais on est d’emblée frappés par leurs couleurs. De fait, utilisant son objectif comme un pinceau, Saul Leiter transformait le réel en un monde onirique (on pense à Rothko). Certes, les rues de New-York furent son principal terrain de chasse – comme Weegee ou Garry Winogrand. Mais à la différence de ses contemporains, « il ne cherchait pas à immortaliser la petite histoire, ni à documenter un lieu ou une époque, selon Rein Deslé, co-commissaire de cette rétrospective. Pour lui, seule la composition importait ». Secret Ce fils de rabbin s’adonna d’ailleurs à la peinture avant de courir les rues avec son Leica, dans les années 1940. Il faut dire que la photo couleur est alors dénigrée par le milieu artistique. « Jusqu’en 1970, seuls les clichés en noir et blanc sont reconnus. Saul Leiter a ainsi longtemps caché son travail ». Celui-ci est (re)découvert par hasard, en 1993. Une grande rétrospective fut consacrée à cet homme discret à Hambourg en… 2012. C’est cet accrochage réunissant plus de 300 pièces que reprend le Fomu. Disposées sur un mur de 28 mètres, ces images dévoilent un regard poétique. Tout autour, sa production (alimentaire) pour des magazines de mode ou SAUL LEITER - RÉTROSPECTIVE ses tableaux révèlent un artiste complet, et ANVERS – jusqu’au 29.01.2017, Fomu, une œuvre nimbée de mystère. mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 3 €, gratuit (-18 ans), www.fotomuseum.be
Mille et une vies Avant l’ouverture de l’antenne de l’Institut du monde arabe à Tourcoing (le 18 novembre) et alors que Le Fresnoy vibre au gré des œuvres numériques de Panorama, le thème de la nouvelle exposition du MUba était tout trouvé : l’Orient, vu ou fantasmé par des vidéastes de tous horizons. Qu’on ne s’y trompe pas : il ne s’agit pas là d’un voyage. « Plutôt de découvrir des récits d’expérience », indique Pascale Pronnier, directrice artistique du Fresnoy dont sont issus ces 13 créateurs. « Ceux-ci nous parlent de politique, d’actualité… mais toujours à travers une histoire intime » complète Yannick Courbès, conservateur-adjoint du MUba. Citons la vidéo poétique du Franco-Marocain Hicham Berrada, nous dévoilant l’éclosion d’un pissenlit accélérée artificiellement grâce à une lampe à Tungstène, laissant le champ libre aux interprétations (telle « une métaphore des printemps arabes »). Plus politique : Tehran-Geles offre un survol nocturne au-dessus de Los Angeles. Ces images de mégalopole futuriste d’Arash Nassiri sont truffées de messages publicitaires en persan. L’artiste imagine ainsi « ce qu’aurait pu devenir Téhéran si l’américanisation des années 1970 s’était poursuivie ». Plus loin, Buffer Zone (« mémoire tampon ») du Syrien Samer Najari, expose des tranches de vies de réfugiés, saisies entre Calais et Douvres en… 2003. Des histoires dont les traces subsistent brièvement « pour ensuite s’effacer à jamais… » selon l’artiste. Celles-ci demeurent pourtant – hélas – INDICES D’ORIENT - LA MÉMOIRE, LE TÉMOIN ET LE SCRUTATEUR terriblement d’actualité. Julien Damien
TOURCOING – jusqu’au 08.01.2017, MUba Eugène Leroy, tlj sauf mar : 13 h > 18 h, 5 > 3 € / gratuit (-18 ans), www.muba-tourcoing.fr
Tehran-Geles, 2014 © Arash Nassiri
INDICES D’ORIENT
© Gast Bouschet & Nadine Hilbert
Sélection – Exposition 92
Metamorphic Earth & Panorama Œuvre de Nadine Hilbert et Gast Bouschet, Metamorphic Earth nous plonge dans un monde aussi fascinant qu’inquiétant. Constituée de projections vidéo et de constructions sonores complexes, cette installation immersive brouille les repères du visiteur. Elle interroge les métamorphoses de la Terre, à l’heure de l’anthropocène, soit une ère où l’activité humaine aura modifié plus de la moitié des écosystèmes. En parallèle de ce message d’alerte, l’exposition Panorama rappelle les beautés de notre planète via une quarantaine d’œuvres contemporaines revisitant le genre du paysage. Deux accrochages complémentaires et nécessaires. J.D.
L’Histoire commence en Mésopotamie La Mésopotamie – peu ou prou l’Irak – demeure le berceau de l’économie et de l’écriture, là où commence l’Histoire, donc. C’est cette civilisation méconnue que le Louvre Lens met à l’honneur via 400 objets couvrant une période de… 3 000 ans ! On y découvre ainsi cette figurine en bronze du démon Pazuzu (oui, celui du film l’Exorciste) ou cette tablette dite « de l’Esagil », qui a inspiré le mythe de Babel. Voila ce qui s’appelle remonter le temps. J.D. LENS – 02.11 > 23.01.2017, Louvre, tlj sauf mardi : 10 h > 18 h, 10 / 5 € / gratuit (-18 ans), www.louvrelens.fr
Figurine du démon Pazuzu © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Thierry Ollivier
CHARLEROI – jusqu’au 22.01.2017, BPS22, mar > dim : 11 h > 19 h, 6 > 3 € / gratuit (-12 ans), www.bps22.be
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Shakespeare à la folie En haut de l’affiche
Texte Marine Durand Photo Othello, 2011 © Michel Bouvet - France
Quatre cents ans après sa mort, William Shakespeare reste le dramaturge le plus joué au monde. À l’occasion de cet anniversaire, le Centre de la gravure et de l’image imprimée de la Louvière accueille l’exposition Shakespeare à la folie, démontrant que l’affiche de théâtre, rarement considérée, s’élève aussi au rang d’œuvre d’art.
Imaginée par Diego Zaccaria, le directeur du Centre de graphisme d’Echirolles (Isère), Shakespeare à la folie a pris ses quartiers à la Louvière dans une version légèrement augmentée. « Nous y avons intégré une dizaine de pièces de notre collection », explique Marie Van Bosterhaut. La régisseuse des expositions au Centre de la gravure souligne la « dimension universelle » de l’œuvre du maître : « Il y a une affiche du Polonais Jan Lenica, la plus ancienne, datant de 1968, une autre du Tchèque Maciej Urbaniec, mais aussi des œuvres venues d’Allemagne ou de Belgique ». Affiche Roméo et Juliette, 1993 © Helmut Feliks Büttner - Allemagne
Pièces cultes En ouverture du parcours, la sentence « Tout le monde joue la comédie », qui fut gravée sur le fronton du théâtre du Globe, à Londres, donne le ton.
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Affiche King Lear, 2008 © Yann Legendre - France
Affiche Othello, 1990 © Erhard Grüttner - Allemagne Affiche Richard III, 1988 © Karel Misek - Prague
Les affiches, regroupées par pièces, surprennent par leur intensité. Il y a le saisissant Richard III de Karel Misek, dont les seuls attributs royaux, la couronne et le manteau d’hermine taché de sang se détachent sur un fond noir. La bouche monstrueuse d’Othello, vu par le Japonais Eriko Hasumi, ou le poing brandi, enfermé dans un gant de cuir, dans la version de Michel Bouvet. Et puis il y a les majestueux Roméo et Juliette d’Enki Bilal (1,80 m x 1,30 m), aussi déchirants que sensuels pour le ballet d’Angelin Preljocaj (1990). Chacune à leur façon, ces affiches racontent la vie et la mort, les drames et les passions, les jeux de pouvoir et les trahisons, dans une parfaite communion avec les œuvres qu’elles représentent.
LA LOUVIÈRE – Jusqu’au 08.01.2017, Centre de la gravure et de l’image imprimée, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 3 € / gratuit (-12 ans), www.centredelagravure.be
Arman, Théière Demi Tasse, Sucrier Demi Tasse, Pot à lait Demi Tasse, 1990 © DR
Homme avec chemise blanche tâchée, 2010-2015 © photo Francesco Allegretto
Safet Zec
Sacrebleu
Figure de proue du « réalisme poétique », Safet Zec livre une vision à la fois précise et mélancolique du monde. « Ma peinture est pleine de souvenirs, de symboles… », explique cet artiste bosniaque. À travers ses représentations de façades vénitiennes, de draps blancs ou de corps (souvent sans visage), l’émotion est toujours là, presque tangible, comme on le découvre en admirant ces tableaux réalisés après 2 000. Soit 15 années d’un travail fascinant. J.D.
Voilà une exposition haute en couleur. Celle-ci se penche sur l’utilisation du bleu dans l’histoire de l’art, du Moyen-Âge à nos jours, à travers des peintures, dessins, manuscrits, sculptures… De Jean Pénicaud à Jan Fabre, en passant par Picasso ou Yves Klein – qui fit breveter le sien – nombre d’artistes furent épris du bleu. Le parcours retrace sur plus de 600 m2 son aspect historique, technique et symbolique, qu’il soit azur, outremer, indigo, turquoise, ou lapis-lazuli. J.D.
SAFET ZEC. LA PEINTURE ET LA VIE LILLE – Jusqu’au 15.01.2017, Musée de l’Hospice Comtesse, lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 5 / 4 €, mhc.lille.fr
ARRAS – Jusqu’au 06.02.2017, Musée des Beaux-Arts, lun, mer, jeu & ven : 11 h > 18 h, we : 10 h > 18 h 30, 6 / 3 € / gratuit (-18 ans), arras.fr
Soutenu par Modigliani ou Soutine, Georges Dorignac demeure une figure inclassable du début du xxe siècle. Les dessins du Bordelais, exécutés à la sanguine ou au fusain, semblent avoir été sculptés dans le papier, comme le remarqua aussi Rodin. Ses feuilles monumentales montrent des nus ou des portraits, souvent de travailleurs et de paysans. Surtout, elles illustrent le fascinant équilibre entre la lumière, l’ombre ou les volumes que maîtrisait cet artiste (trop) méconnu. J.D. GEORGES DORIGNAC (1879 - 1925). LE TRAIT SCULPTÉ ROUBAIX – 19.11 > 05.03.2017, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, we : 13 h > 18 h, 5,50 / 4 € / gratuit (-18 ans)
Georges Dorignac, Portrait noir de face, 1913 © Photo : Alain Leprince
Georges Dorignac
Sélection – Exposition 100
HELENA ALMEIDA : CORPUS Peinture, photographie, vidéo… Corpus dévoile l’étendue des modes d’expression de l’artiste portugaise, et le rôle central du corps – en particulier le sien – dans sa pratique, des années 1960 à nos jours. La fille du sculpteur Leopoldo de Almeida se situe à rebours des codes traditionnels, cherchant les limites de l’espace pictural. L’une de ses œuvres les plus spectaculaires, Pintura habitada, donne l’impression de la voir peindre à l’intérieur d’un cliché d’ellemême ! À découvrir d’urgence. BRUXELLES – jusqu’au 11.12, Wiels, mar > dim : 11 h > 18 h, 10 > 1,25 € / gratuit (-12 ans), www.wiels.org
© Serralves Museum 2015, photo de Filipe Braga
WEEGEE BY WEEGEE
PETER DOWNSBROUGH
Figure légendaire du photojournalisme, Usher Fellig (1899-1968), alias “Weegee”, a passé une partie de sa vie à sillonner la nuit new-yorkaise, la radio de sa Chevrolet branchée sur les fréquences de la police, immortalisant les crimes, faits divers, bars ou boîtes de strip-tease… Drôles ou choquantes, ces images en noir et blanc révèlent l’envers du « rêve américain ». Elles dressent un portrait universel de la métropole moderne.
Drôle de façon de donner de ses nouvelles. Depuis les années 1980, Peter Downsbrough envoie à ses amis de banales cartes postales touristiques… mais sur lesquelles il a ajouté un tas de lettres et de lignes droites. Son but ? Modifier notre perception des espaces. En sus, les visiteurs découvrent une installation conçue pour l’occasion. Ils peuvent aussi envoyer, à la personne de leur choix, une carte postale du Grand-Hornu réalisée par cet artiste américain !
CHARLEROI – jusqu’au 04.12, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 4 €, gratuit (-12 ans), www.museephoto.be
HORNU – jusqu’au 08.01.2017, Mac’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 1,25 € / gratuit (-6 ans), mac-s.be
HOPKINS Ecrin de verre et de bois posé au bord de la Deûle, le Colysée de Lambersart prolonge jusqu’en décembre les couleurs de l’été en accueillant le travail des frères (jumeaux) Hopkins. Tandis que les grandes peintures paysagistes (ou « Landscapes ») de Gordon révèlent toute la gaîté de la nature – à contre-pied de la morosité ambiante – les sculptures de Mark combinent avec harmonie matières (bois, tissus, papier) et tonalités. Oui, ça fait du bien. LAMBERSART – jusqu’au 04.12, Le Colysée, mer > sam : 13 h > 18 h, dim : 13 h > 19 h, gratuit, www.lambersart.fr
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Sélection – Exposition 102
9ÈME CONCEPT Que ce soit à travers ses stickers, les bouteilles ou vêtements customisés, mais aussi ses tatouages tribaux, peintures... 9ème Concept a marqué l’histoire moderne de l’art. Ce collectif mélange des styles a priori inconciliables (de l’art figuratif à la calligraphie) et place au centre de sa démarche l’interaction avec le public. La preuve : cette rétrospective nous convie à participer à des sessions de collage de motifs en forme de goutte partout en ville ! 9ÈME CONCEPT - 25 ANS DE CRÉATION COLLECTIVE LILLE – jusqu’au 11.12, Le Flow, mer & jeu : 14 h > 18 h, ven : 14 h > 20 h, sam : 13 h > 20 h, dim : 13 h > 18 h, gratuit
© Jules Hidrot
GÉRARD GAROUSTE
PANORAMA 18
Des corps tortueux hantent les toiles immenses de leurs anamorphoses. Les membres sens dessus dessous, en apesanteur, semblent arrachés aux couleurs magnétiques du fond (violet épiscopal, rouge sang). Des visages angoissés, euphoriques, se mêlent aux bestiaires mythiques... Voici un parcours inédit à travers le monde extatique du peintre français. Rassemblant près de 80 œuvres – huiles sur toile, gravures, dessins, gouaches, sculptures – celui-ci traduit la pensée d’un illustre « intranquille ».
Durant plusieurs mois, les 48 étudiants du Fresnoy ont peaufiné leur projet de fin d’année, réalisant leurs œuvres sans autre contrainte qu’un espace et un budget. Installations sonores, courts-métrages, sculptures robotiques ou vidéos interactives se répondent. Elles dévoilent des visions poétiques, comme Écriture divine (Chia Wei Hsu) qui narre la légende taïwanaise du dieu grenouille, ou plus politiques, telles ces réalisations évoquant les camps de réfugiés.
MONS – jusqu’au 29.01.2017, BAM (+ salle SaintGeorges), mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-12 ans), www.bam.mons.be
TOURCOING – jusqu’au 31.12, Le Fresnoy, mer, jeu & dim : 14 h > 19 h, ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.lefresnoy.net
LUC TUYMANS. PRÉMONITIONS À une époque saturée d’images, Luc Tuymans est un artiste nécessaire. Son travail reste toutefois méconnu en France. Le LaM répare cet impair en présentant l’un des plus grands peintres belges contemporains, et une démarche unique. Derrière chaque tableau, aquarelle ou estampe il y a en effet, toujours, une photo dénichée dans la presse, sur le web… En la modifiant, l’artiste nous livre son point de vue sur des représentations (de l’histoire et de l’actualité) qu’il considère comme biaisées. VILLENEUVE D’ASCQ - jusqu’au 08.01.2017, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 7 €, gratuit (-12 ans), musee-lam.fr
Rencontre – Théâtre & danse 104
LES PINÇONCHARLOT Contre mauvaise fortune Propos recueillis par François Annycke Photo Spectacle La violence des riches à la fête de l’Huma © Albert Facelly / DR
Parmi les visages de la sociologie, impossible de manquer ce couple. Chercheurs au CNRS jusqu’en 2007, Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon étudient depuis 30 ans les « riches », la grande bourgeoisie, cette classe qui s’accapare les richesses économiques et culturelles… Les « Pinçon-Charlot » dissèquent leurs comportements de clan et liens avec le pouvoir. À l’occasion de la toute première adaptation sur scène de leurs travaux, rencontre avec deux éternels révoltés.
Quelle est la genèse de votre livre, La Violence des riches ? Monique : Il a vu le jour après 30 ans de recherches sur la grande bourgeoisie. Nous nous sommes concentrés sur les très riches, ceux qui dans l’ombre s’approprient toutes les formes de richesse et de pouvoir. Ce livre rend visible ce qui ne l’est pas. Michel : Nous nous sommes mis dans leur peau pour comprendre comment ils fonctionnent. Nous avons établi qu’ils se comportaient comme une véritable classe sociale mobilisée pour leurs propres intérêts. Nous avons aussi analysé toutes les violences, y compris symboliques, qu’ils font subir au reste de la population (ndlr : destruction de l’emploi, peur
« LES RICHES CONSTITUENT UNE CLASSE SOCIALE À PART ENTIÈRE QUI REFUSE DE SE MÉLANGER » sociale d’accéder à des endroits dits « de luxe », victoire de la finance sur l’économie…). Comment la situation a-t-elle évolué en 30 ans ? Monique : La violence exercée aujourd’hui est bien plus forte ! À tel point que les gens sont sidérés, tétanisés, dans l’incapacité d’imaginer le changement.
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Selon vous, que faut-il faire pour que cela change ?
l’importance de manifester dans les beaux quartiers. Nous devons pratiquer une vigilance oligarchique. On a observé la colère de ces bourgeois, par exemple, face au projet de centre provisoire pour les sansabris, dans le 16e arrondissement (ndlr : l’annonce de l’ouverture de ce centre, en mars 2016, a dégénéré : manifestations, injures envers la maire de Paris…). On voit à quel point ils sont fragiles.
Monique : D’abord, je conseille d’assister à cette pièce (voir encadré ci-contre) qui est à la fois pédagogique, drôle et poétique. On vit là une expérience forte, tous ensemble. Ensuite, en tant que spécialistes de la grande bourgeoisie, nous insistons sur
Michel : Oui, et ce qui s’est passé là est intéressant. Ce projet s’avérait insupportable pour ces gens habitués à tout contrôler. Cela bouscule l’un de leur principe fondamental : l’entre-soi. Ils n’acceptent pas n’importe qui dans leur rang.
Les riches dominent tout. On ne peut pas accepter ce genre de système oligarchique. C’est pourquoi nous avons dépassé la simple étude sociologique. Nous dénonçons aussi des comportements que l’on peut qualifier de « criminels » : la fermeture volontaire d’entreprises qui font des bénéfices, la fraude fiscale…
Monique : Notons que cette classe sociale restreinte est aussi consciente d’elle-même. Elle refuse de se mélanger. C’est l’une des clés de son fonctionnement : une solidarité très forte qui a presque disparu dans les autres couches de la population. La compagnie Vaguement compétitifs adapte vos théories sur les planches. Comment vous êtes-vous rencontrés ? Monique : Il y a trois ans, lors du Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale à Arras. On a bien suivi l’évolution de son travail. Michel : Cette expérience me fait penser à ce qui s’est passé en 1936. À cette époque, des artistes comme Renoir ou Prévert ont rompu avec la bourgeoisie. Aujourd’hui, des pièces comme celle-ci ou le film de François Ruffin (Merci Patron !) sont décisifs pour lutter contre le type de société que nous impose cette oligarchie. Il devient urgent d’engager aussi une bataille culturelle, en proposant des alternatives à la culture dominante. Avec des propositions artistiques conçues pour (et avec) les plus opprimés, traitant de la vie des travailleurs et des injustices sociales.
À lire : La Violence des riches, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Éditions La Découverte, 256 p., 10 € Tentative d’évasion fiscale, Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, Éditions La Découverte, 256 p., 17 €
LA VIOLENCE DES RICHES PAR LA CIE VAGUEMENT COMPÉTITIFS
Comment porter sur scène un travail scientifique ? La compagnie Vaguement compétitifs relève le défi en montant un spectacle drôle et critique à partir des deux essais des Pinçon-Charlot : La Violence des riches et Tentative d’évasion fiscale. « Je ne voulais pas d’une forme qui s’apparente à une conférence, puisqu’ils le font très bien eux-mêmes » annonce Stéphane Gornikowski, l’auteur de cette adaptation. Celle-ci illustre la thèse des sociologues en s’appuyant sur des situations concrètes. La pièce se nourrit de témoignages de quidams, notamment, lors d’ateliers d’écriture. Un rapport direct avec la parole de l’autre qui se poursuit par le biais de questionnaires distribués au public et dont les résultats sont pris en compte d’une représentation à l’autre. Il s’agit de faire du théâtre une expression collective. F.A. LILLE – 16.11, maison Folie Wazemmes, 20 h, 12 > 3 €, maisonsfolie.lille.fr ARRAS - 24.11, Théâtre d’Arras, 19 h, prix libre, www.coleresdupresent.com [Dans le cadre du Cabaret des colères organisé par Colères du présent]
Rencontre – Théâtre & danse 108
La lutte continue aux USA
On n’est pas que des valises !
Le sens du combat
Texte Flora Beillouin Photo Courtesy Cie Atmosphère théâtre / DR
Dix ans après son documentaire Liquidation totale, sur le licenciement frauduleux subi par les ouvriers de Samsonite à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), la journaliste Hélène Desplanques invite sept anciennes salariées à rejouer leur histoire. Une pièce aux allures de récit initiatique. Flash-back. Nous sommes en 2007. La multinationale américaine Bain Capital, propriétaire du bagagiste Samsonite, fait croire à un projet de reprise par l’entreprise Energy Plast, afin d’économiser les millions d’indemnités de licenciement qu’elle doit aux 205 salariés. Quelques semaines plus tard, celle-ci met la clef sous la porte, s’avérant être une société écran. Durant dix ans, aux côtés de « l’avocat rouge » Fiodor Rilov, des ouvrières n’ont cessé de lutter pour leurs droits. Elles ont encaissé les coups : la trahison d’un employeur, la précarité, la prescription pour tout verdict après quatre ans de procès contre Bain Capital. Elles ont aussi remporté des batailles : le tribunal de Béthune a reconnu la nullité du contrat de cession, les Prud’Hommes de Lens ont condamné l’entreprise à s’acquitter de sa dette…
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Au-delà de l’obtention d’indemnités, l’enjeu est symbolique : une société où l’économie est mondialisée se doit d’appliquer une justice mondialisée.
HÉNIN-BEAUMONT – 18.11, L’Escapade, 20 h, 11,50 > 6 €, dès 10 ans, www.escapadetheatre.fr DOUCHY-LES-MINES – 21.01.2017, L’Imaginaire, 11 / 6 €, 20 h, douchy-les-mines.com
Transmission CARVIN – 03.02.2017, Centre Culturel Jean Effel Désormais retraitées, reconverties ou en recherche SALLAUMINES – 24.03.2017, Maison d’emploi, les sept femmes qui montent sur scène de l’Art et de la Communication / LENS – 31.03.2017, Le Colisée… ne sont plus tout à fait les ouvrières d’autrefois. Elles ont été amenées à vivre des expériences À visiter : atmosphere-theatre.fr facebook.com/Samsonitetheatre inattendues, sont allées jusqu’aux États-Unis pour se battre. Une mue s’est opérée. « La pièce montre qu’une lutte sociale, avant de bousculer l’ordre du monde, change la vie de ceux qui la mènent », selon Hélène Desplanques. Aussi, quand elle leur propose de monter sur les planches pour incarner leur propre rôle, ce n’est qu’un défi de plus à relever. C’est sur les questions de Maëva, 10 ans, que s’ouvre la pièce, dont le thème central est bien la transmission. Le récit croise la trajectoire de Geneviève, ouvrière racontant sa « révolution de mamie » à sa petite-fille, à celle de Mitt Romney, PDG de Bain Capital et candidat républicain à la Maison Blanche en 2012. « L’idée de recourir au théâtre s’est imposée quand le FN venait de passer à Hénin-Beaumont. Je veux que les gens sortent galvanisés de la pièce, qu’ils aient envie de se battre davantage, de dire non à la fatalité autrement qu’en glissant ce type de bulletin dans l’urne ».
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Vive l’armée !
La guerre des mondes
Texte Julien Damien Photo Superamas
Vive l’armée ! Les habitués des productions de Superamas auront sans doute perçu l’ironie du titre. Les autres vont découvrir un théâtre détonnant, entre le divertissement et la critique sociétale. Le sujet de cette création ? La guerre, revue et corrigée. « Le point de départ de la pièce fut le centenaire de la guerre 1914-18. On s’interrogeait sur les vraies raisons de cette boucherie, avant d’être rattrapés par l’actu. » Les attentats, l’état d’urgence… et cette déclaration de Manuel Valls : « Oui, la France est en guerre… » Mais qu’est-ce que la guerre ? Peutelle être juste ? Légitime ? Pour qui, pour quoi ? À une époque où l’armée est vénérée, le collectif franco-belgo-autrichien se penche sur les conflits d’hier et d’aujourd’hui, multipliant les angles d’attaque en mêlant les formes. Ici, le théâtre dialogue avec la vidéo. Hollywood Il y a d’abord un film réalisé avec des lycéens amiénois autour des travaux de Jacques Pauwels. Cet historien offre une lecture marxiste de la Grande Guerre, examinant les enjeux socio-économiques qui ont conduit le peuple à se sacrifier. En parallèle, sur scène, les comédiens nous projettent en 2020. La France a élu une présidente et son régime autoritaire (tiens tiens…). Nous voilà dans une soirée mondaine attaquée par des terroristes (résistants ?) réclamant le rétablissement de l’état de droit. Prise d’otages, intervention des forces spéciales… Le sujet est sensible, mais traité avec décalage, « en utilisant les poncifs hollywoodiens du genre ». Avec ses héros aux gros flingues – comme à la télé ! Certes, il y a là une distance, « mais ce n’est AMIENS – 07 > 10.11, Maison de La Culture, pas une comédie » précise Supelun & mer : 20 h 30, mar & jeu : 19 h 30, 23 > 10 €, www.maisondelaculture-amiens.com ramas, plus décidé que jamais à TOURNAI – 18 & 19.11, Maison de la Culture, 20 h, nous faire réfléchir. Julien Damien 21 > 8 €, www.larose.fr [Next festival, voir page 118] BRUXELLES – 19 & 20.01.2017, Kaaitheater, 20 h 30, 16 > 8 €, kaaitheater.be
Faites entrer l’accusé Encore une adaptation du chef-d’œuvre de Flaubert ? Pas tout à fait. Dans Bovary, Tiago Rodrigues met en scène le procès intenté en 1857 à l’écrivain pour outrage aux bonnes mœurs et à la religion. À travers cet angle original, le directeur du Théâtre national de Lisbonne pose la question de la liberté artistique. Pas la moins contemporaine… « J’ai lu Madame Bovary à 13 ans et, d’une certaine façon, elle m’a donné la fièvre. Celle de la littérature », confie Tiago Rodrigues. Malades, beaucoup d’autres l’ont été à la sortie du roman. Pas pour les mêmes raisons. Car ce fut à l’époque un scandale pour la bonne société de lire les aventures de cette femme dont la liberté « insultait » la morale. On traîna donc le romancier devant les tribunaux. C’est à partir de cette affaire que le Portugais a créé son spectacle. « Ce n’est pas une pièce documentaire mais une fiction, précise-t-il. J’ai réécrit le procès en y incluant des passages de l’œuvre ». Sur scène, au milieu de pages éparpillées, cinq comédiens interprètent une dizaine de personnages : les avocats de la défense, de l’accusation, Emma, Flaubert… Ils rejouent ainsi ces joutes judiciaires et les scènes incriminées. En filigrane, cette question : un livre est-il dangereux ? Contient-il cette « fièvre contagieuse » pervertissant nos chastes âmes, comme l’avance le procureur ? Autrement dit : « la loi peut-elle imposer ses règles à l’art ? Voilà qui me semble encore d’actuaBRUXELLES – 08 & 09.11, Théâtre les Tanneurs, lité… Mais je ne veux pas livrer de complet !, www.lestanneurs.be message, plutôt une interrogation ». BÉTHUNE – 15 > 18.11, La Comédie, 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org Alors, à la barre ! Julien Damien VALENCIENNES – 07 & 08.02.2017, Le Phénix
© Pierre Grosbois
Sélection – Théâtre & danse 114
BOVARY
© DR
VOLCAN - UNE HISTOIRE DU CLITORIS
Voyage au centre du plaisir Créé par Nathalie et Inbal Yalon, les jumelles terribles de la scène belge, ce spectacle co-produit par le Théâtre de Poche de Bruxelles retrace l’histoire chaotique de l’organe du plaisir à travers les âges. Alors célébrons « l’art de la joie du corps » ! Tout a commencé il y a trois ans. Lancée lors d’une table ronde féministe en 2013, l’idée met tout le monde d’accord : il faut libérer la parole autour de cet organe méconnu. Elle se matérialise d’abord sous la forme d’une conférence inspirée du livre La fabuleuse histoire du clitoris, de Jean-Claude Piquard. Désormais, la petite troupe va plus loin. « Nous proposons une expérience sensorielle qui renoue avec l’imaginaire, réconcilie les genres, reconnecte l’esprit au corps. On fait de ce dernier une terre d’aventure qui n’est pas polluée par les logiques de domination ou de consommation », explique Natalie Yalon. De la conférence initiale, ne restent que des bribes de discours scientifiques, mêlées à d’autres voix et séquences : anatomiques, plastiques, poétiques, érotiques. Ces fragments composent une fresque complexe, magistralement incarnée par trois comédiens – deux femmes, un homme. Natalie a gagné son pari : faire de la pièce un ovni. « On pourrait parler de méditation érotique, de fable-cabaret rock… ou de voyage tantrique ? » Le but ? Déstabiliser le spectateur, lequel oscille du rire à la peur, de la frustration à l’extase. « Nous nous adressons à son intimité, sans violence, mais ne pouvions décemment pas faire l’éconoBRUXELLES – 08.11 > 03.12, Théâtre de Poche, 20 h 30, mie de la provocation ». Flora Beillouin 19 > 13 € (-26 ans), poche.be
Next Festival
Faire tomber les barrières
Transfrontalier par nature, puisqu’il mobilise six structures culturelles de France et de Belgique, Next assume un peu plus encore son rôle fédérateur. Au programme de cette 9e édition, des projets citoyens misant sur le vivre-ensemble, et une sélection toujours aussi pointue de performances dénichées au-delà de l’Eurométropole.
EUROMÉTROPOLE LILLE-KORTRIJK-TOURNAI + VALENCIENNES – 17.11 > 03.12, divers lieux, 21 > 8 €, programme : www.nextfestival.eu Sélection Nicht Schlafen, Alain Platel et les Ballets C de la B (17 > 19.11) / Vive l’armée !, Superamas (18 & 19.11) / MDLSX, Motus (18 > 20.11) / The Common People, Jan Martens (19 & 20.11) / Guilty Landscapes, Dries Verhoeven (19.11 > 03.12) / Acceso, Pablo Larraín (25 > 29.11) / Petite nature, Cie l’Unanime (30.11) / Residency, Arkadi Zaides (03.12) / Tenir le temps, Rachid Ouramdane (03.12)…
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Comme toujours avec Next, « aucune thématique n’a déterminé la programmation », indique le coordinateur du festival, Benoît Geers. Toutefois, parmi les 36 ballets, pièces de théâtre ou projections proposés durant deux semaines, quelques points communs émergent. « Notre époque traduit un malaise, en particulier face à la question des migrations. Cela se reflète, de façon directe ou indirecte, dans le travail des artistes ». Échanges En première ligne, on retrouve l’installation vidéo du Néerlandais DRIES VERHOEVEN (Guilty Landscapes), interrogeant la relation entre les hommes qui souffrent et ceux qui les observent. Le chorégraphe israélien ARKADI ZAIDES revient à Next pour présenter Residency, où il étudie la façon dont les frontières contraignent le mouvement, tandis que le cinéaste chilien PABLO LARRAIN dresse, pour ses débuts au théâtre, l’émouvant portrait d’un marginal (Acceso). Entre grands noms et jeunes pousses, spectacles rodés et premières françaises (Nicht Schlafen, ALAIN PLATEL) ou belges (Vive l’armée !, SUPERAMAS, voir page 113), Next invite aussi les citoyens à échanger via la nouvelle plateforme Citizen Map. Et réserve une place à des instants de poésie. « Ne manquez pas Tenir le temps, de RACHID OURAMDANE, en clôture, souffle Benoît Geers. Une chorégraphie incroyable, de la beauté à l’état pur ».
Texte Marine Durand Photo Tenir le temps © Patrick Imbert
Les lois de l’attraction Johann Le Guillerm, équilibriste, constructeur et manipulateur d’objets, bâtit un monde singulier, peuplé de machines semblant dotées d’une vie propre. Ce circassien d’un nouveau genre déploie à Arras et Douai des spectacles éminemment poétiques. Depuis sa formation au Centre national des arts du cirque, Johann Le Guillerm élabore un cirque « non-traditionnel » énigmatique. Sans cesse il interroge l’équilibre, les formes et le mouvement. Pour cela, ce fils de plasticiens conçoit des installations qui tiennent comme par magie, sans clous ni vis, ou des squelettes de bois s’enroulant sur eux-mêmes et sur lesquels il grimpe. Car Johann se plaît à défier la gravité. Il perturbe les évidences, se joue des éléments. À l’image du spectacle Secret, dans lequel il reconfigure au gré des représentations sa relation à la matière : au bois, au métal ou même à la poussière. Chercheur inlassable, l’équilibriste s’intéresse à la physique, l’astronomie ou la botanique. Ses étranges machines nous conduisent dans le labo d’un savant fou. Telles les mécaniques des Imperceptibles, vouées au mouvement naturel, la drôle de sculpture végétale La Motte – « qui va plus vite qu’un escargot et moins vite qu’un homme se rendant à son travail ». Sans ARRAS & DOUAI – 26.11 > 04.12, Festival Multipistes, oublier La Transumante, instal22 > 3 ,, Programme complet : www.tandem-arrasdouai.eu La Transumante : ARRAS – 26.11, Place des Héros, lation mobile de 150 morceaux 16 h > 22 h, gratuit Secret (temps 2) : DOUAI – 29.11 > 04.12, Place du Barlet de bois, qui forme une créature (sous chapiteau), 20 h (sf dim : 17 h), 22 > 9 € en mouvement dans la ville, où Parcours-installations : La Motte (Prototype IV), Les Imaginographes, Les Imperceptibles, Le Comble l’on se surprend soudain à rêver. Les Architextures : DOUAI – 28.11 > 04.12, Hippodrome, Marie Pons
divers horaires, 5 / 3 € (gratuit pour les spectateurs de Secret)
Secret © Philippe Cibille
Sélection – Théâtre & danse 120
JOHANN LE GUILLERM
EN FAMILLE
Richard III © Nicolas Joubard
Sélection – Théâtre & danse 122
Thomas Jolly Depuis son adaptation fleuve (18 heures !) de Henri VI, Thomas Jolly est devenu une « star » du théâtre. Le metteur en scène de 33 ans boucle sa saga shakespearienne avec RICHARD III, monarque qui usurpe le trône en assassinant à tout-va… Celui qui veut rendre son art populaire sans rien trahir de son exigence sert cette réflexion sur la soif de pouvoir dans un environnement gothique, sur fond d’effets laser et de rythmes electropunk. Bref, une version ultra-contemporaine, comme l’est aussi celle d’ARLEQUIN POLI PAR L’AMOUR, de Marivaux, où une fée kidnappe le bouffon dont elle est éprise… J.D. RICHARD III : LILLE – 17 > 20.11, Théâtre du Nord, 19 h (sf dim : 16 h), 27 > 7 € // ANVERS – 03 & 04.12, deSingel // CHARLEROI – 12 & 13.05.2017, Palais des Beaux-Arts, ven : 19 h, sam : 18 h, 15 > 10 € ARLEQUIN POLI PAR L’AMOUR : DUNKERQUE – 29.11 > 01.12, Le Bateau Feu, mar : 20 h, mer & jeu : 19 h, 8 €
« Vivre c’est passer d’un espace à l’autre en essayant le plus possible de ne pas se cogner ». Cette phrase de Georges Perec introduit la nouvelle pièce d’Aurélien Bory, passé maître dans l’art de défier les lois de la physique. Sur scène, cinq interprètes – acrobate, danseur, chanteuse… – évoluent face à un grand mur en mouvement, essayant de respecter cette règle. Jusqu’à la remettre en cause, poussant ou pliant le décor, dans une métaphore tragi-comique de notre condition. J.D. DOUAI – 09 & 10.11, Hippodrome, 20 h, 22 > 9 €, tandem-arrasdouai.eu LILLE - 04 > 08.01.2017, Théâtre du Nord, mer & ven : 20 h, jeu & sam : 19 h, dim : 16 h, 27 > 7 €, theatredunord.fr
© Aglae Bory
Espæce
© Guick Yansen
© Simon Gosselin
Dans le nom
Quichotte
Dans la campagne française, de nos jours. Les difficultés s’abattent sur Davy, éleveur de bovins... Cette pièce de Tiphaine Raffier ne s’intéresse pas tant au réalisme social qu’au langage. Inspiré des récits de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada sur la sorcellerie paysanne, le spectacle se situe entre fantastique et philosophie. Sur une scène nue, face à un écran, six personnages tentent d’expliquer leurs malheurs. Est-ce une malédiction ? Malgré les mots, la vérité se dérobe… J.D.
On connaît l’imagination débordante de Don Quichotte, laquelle lui montre dans chaque auberge un château, chaque paysanne une princesse... Revue par la compagnie L’Interlude, cette version se déroule dans un motel. La gérante espère le retour de son chevalier, qui l’a séduite il y a des années. Un beau jour, il revient mais... pour mourir. Adapté du seul livret d’opéra de Lagarce, ce cabaret pop exprime la force de nos rêves, dans une mise en abyme poétique. Forcément cruelle. J.D.
LILLE – 03 > 10.11, Théâtre du Nord, jeu & sam : 19 h, mar, mer & ven : 20 h, dim : 16 h, 27 > 7 €, www.theatredunord.fr
VILLENEUVE D’ASCQ – 08 > 11.11, La Rose des Vents, mar, mer & ven : 20 h, jeu : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr / DUNKERQUE – 22 & 23.11, Le Bateau Feu, mar : 20 h, mer : 19 h, 8 €, lebateaufeu.com
Sept ans après son dernier one-woman-show, Valérie Lemercier remonte sur scène. Pas besoin de décors ni d’accessoires pour ce sosie féminin de François Hollande (c’est elle qui le dit). Ici, ce sont les personnages, imitations et mimiques qui comptent. Du lascar à la coach sportive, en passant par le veuf qui raconte à son fils que sa mère n’était pas la dernière « pour aller à la sucette » (oui, c’est un peu cru), l’icône de l’irrévérence n’a pas – non plus – la langue dans sa poche. J.D. MAUBEUGE – 22.11, La Luna, 20 h, 30 / 20 €, lemanege.com ROUBAIX – 17.12, Le Colisée, 20 h 30, 50 > 15 €, coliseeroubaix.com BRUXELLES – 21 & 22.12, Cirque Royal, 20 h, 65 > 40 €, cirque-royal.org
© David Zagdoun
Valérie Lemercier
Sélection – Théâtre & danse 126 ANCIEN MALADE DES HÔPITAUX DE PARIS Daniel Pennac / Benjamin Guillard / Olivier Saladin
© Emmanuel Noblet
Adaptée d’un texte de Daniel Pennac, cette pièce raconte la folle nuit d’un médecin confronté à un patient qui lui en fait voir de toutes les couleurs. C’est bien simple : il est malade de tout ! Seul sur scène, Olivier Saladin incarne une galerie de personnages, du chirurgien à l’infirmière, en passant par l’hypocondriaque. L’ancien Deschiens nous embarque dans une course-poursuite comique et absurde dans les couloirs de l’hôpital. Et tout ça sans Gibolin ! VALENCIENNES – 04.11, Le Phénix, 20 h, 29 > 10 €, www.lephenix.fr
ALEX VIZOREK EST UNE ŒUVRE D’ART
ALEX LUTZ Alex Lutz / Tom Dingler
Secrétaire azimutée sur Canal + dans Catherine et Liliane, Alex Lutz possède un drôle de pouvoir : celui de changer de visage, de sexe et d’âge à volonté. Sur scène, ce danseur de formation incarne mille personnages : une vendeuse pimbêche, un directeur de casting abruti, un acteur porno débordé ou même… un cheval ! Dans cette « formule enrichie avec encore plus de Lutz dedans », ce mime, dialoguiste acéré et imitateur de génie dissèque nos petits travers avec maestria. LE TOUQUET-PARIS-PLAGE – 05.11, Palais des Congrès, 20 h 30, 36,40 > 25 € // LILLE – 06.11, Théâtre du Casino Barrière, 16 h, 34 > 28 € BÉTHUNE – 26.05.2017, Théâtre municipal VALENCIENNES – 27.05.2017, Le Phénix
Alex Vizorek / Stéphanie Bataille
Quel rapport entre Magritte, Visconti, Luis Fernandez et Paris Hilton ? A priori aucun, si ce n’est Alex Vizorek. Le compagnon de jeu de Charline Vanhoenacker sur France Inter (dans l’émission Si tu écoutes, j’annule tout) s’amuse de l’histoire de l’art et de la culture. Dans ce one-man-show, le Belge aborde la littérature, la musique ou le cinéma… en passant du coq à l’âne. Son But ? Faire rire intelligemment, c’est-à-dire en nous apprenant des choses. MONS – 05.11, Théâtre Royal, 20 h, 25 €, www.lemanege.com // HAZEBROUCK – 18.02.2017, Centre André Malraux, 20 h, 20 > 14 €, www.centreandremalraux.com
LE PREMIER MEURTRE Arthur Lavandier / Federico Flamminio / Ted Huffman / Maxime Pascal / Le Balcon
Cet opéra nous plonge dans un xixe siècle imaginaire. Gabriel reçoit un appel. Cet écrivain doit tout quitter et créer sa pièce au cours d’un long voyage. Il remarque alors que des narrateurs "cachés" semblent raconter sa propre vie. Qui contrôle qui ? Ce récit comporte deux niveaux, comme la mise en scène : d’un côté, les personnages jouent leur rôle accompagnés d’un orchestre. De l’autre, des "invisibles" narrent l’histoire et guident ces destins. Mais des passerelles vont se créer entre les deux mondes, et les acteurs se rebeller… LILLE – 06 > 09.11, Opéra, dim : 16 h, mar & mer : 20 h, 23 > 5 €, www.opera-lille.fr
OPÉRATION BLACKBIRD Julien Fišera / Cie Espace Commun
© atelier graphique Malte Martin
Comment la musique résonne-t-elle en nous ? Quel est son pouvoir ? Voici les questions que soulève cette pièce. L’histoire ? Un inventeur crée une machine restituant la sensation d’écoute de la musique dans nos corps, car il est sourd. Pour parfaire son rêve, il va kidnapper Paul McCartney, éminent membre des Beatles… La mise en scène illustre à merveille le propos puisque le spectacle mêle comédiens sourds et entendants, soit une interprétation en deux langues : l’une parlée, l’autre signée. BÉTHUNE – 08 > 10.11, La Comédie, 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org ARMENTIÈRES – 15.11, Le Vivat, 20 h, 14 / 7 €, www.levivat.net
CELUI QUI TOMBE
# HASHTAG
Yoann Bourgeois
Pockemon Crew
Six interprètes luttent pour rester debout sur un sol qui se dérobe sous leurs pieds. Voilà pour l’argument. Simple, mais servant un spectacle diablement efficace. À la croisée du cirque et de la danse contemporaine, Yoann Bourgeois imagine depuis 2010 des œuvres défiant les lois de la gravité. Celui-ci élève la chute au rang d’art, et révèle avec poésie la condition de l’Homme, en perpétuel déséquilibre face au temps qui s’écoule.
Qu’elles soient sportives ou artistiques, les performances de cette compagnie de hip-hop lyonnaise nous bluffent toujours. Pour sa neuvième création, elle s’attaque cette fois à un sujet très contemporain : les réseaux sociaux. En imitant nos comportements (le fait de marcher les yeux rivés sur un écran) et à travers moult acrobaties, les Pockemon Crew raillent le règne du tout-numérique, où le hastag ponctue désormais nos échanges.
MAUBEUGE – 17 & 18.11, La Luna, 20 h, 12 / 9 €, www.lemanege.com
BÉTHUNE – 19.11, Théâtre municipal, 20 h 30, 22 / 18 €, www.theatre-bethune.fr
PETITE NATURE Compagnie l’Unanime
Des types en short assemblent des branches de sapin, d’autres dirigent des caddies comme des moutons… Ceux qui ont vu ses vidéos sur le net le savent : il est question d’absurde avec la compagnie L’Unanime. Sa première création théâtrale nous embarque dans une randonnée en pleine montagne, avec quatre garçons pas forcément dans le vent. Ceux-ci vont confronter leur petite nature à la grande, aussi fascinante qu’effrayante… et nous servir un grand bol d’air frais. ARMENTIÈRES – 30.11, Le Vivat, 20 h, 14 / 7 €, www.levivat.net (Next Festival, voir page 118) LILLE – 19.05.2017, maison Folie Wazemmes…
© Rafael Pérez Martinez
Le mot de la fin 130
Christo Guelov - Funnycross Difficile de traverser hors des clous à Madrid. En utilisant des formes géométriques simples et des couleurs vives, le Bulgare Christo Guelov a transformé les passages piétons et leurs mornes rectangles blancs en œuvres d’art, les rendant ainsi beaucoup plus visibles – pour les marcheurs comme les automobilistes. Le seul hic : on a plus envie de regarder par terre que devant soi… christo-guelov.net