LM magazine 126 fevrier 2017

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n°126 / fÊvrier 2017 / GRATUIt

Hauts-de-france & belgique Cultures et tendances urbaines



sommaire magazine

LM magazine n°126 - Février 2017

News – 08 Portfolio – 12 Owen Davey Dans le rétro

société – 20 Le Carnaval à vos masques !

Rencontre – 52

Io Returns to Form, Directory of Illustration #33 © Owen Davey

Guillaume Canet & Marion Cotillard Mr & Mrs Has Been

style – 64

Mode in Taïwan Zoom sur 3 créateurs

événement – 68 Banksy Entre les murs

portrait – 94 Kate McIntosh Travaux publics

le mot de la fin – 106 Cinemetal Heavydemment


sommaire sélection

LM magazine n°126 - Février 2017

Musique – 28

Andy Shauf, Festival Antra’Zik, Lambchop, Romare, ciné-concert Ratatouille, Nick Waterhouse, Foxygen, Kadhja Bonet, Cass McCombs, The xx, Agenda...

exposition – 64

Mode in Tawaïn, The Art of Banksy, Pierre et Gilles, Art Up !, Le Frac NordPas de Calais, L’éloge de l’heure, Wim De Schamphelaere, SABENA, Agenda...

théâtre & danse – 88

Festival Les Petits Pas, Les Misérables, Prise Directe, In Many Hands, Poète-Pouet !, Rain, Fleur de cactus, Agenda... Rock’n’roll, Guillaume Canet © Jean Claude Lother

Disques –

48

Sinkane, Temperance, Dieter Moebius, La Féline, Fishbach

Livres –

50

Ta-Nehisi Coates, Eiríkur Örn Norddahl, Joseph Incardona, Blandine Rinkel, Sébastien Goethals

écrans –

52

Rock’n’Roll, Loving, Moonlight, Brothers of the Night, American Honey, The OA, FIFA



LM magazine France & Belgique

28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07

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Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

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Couverture Owen Davey Music Lover #1 www.owendavey.com

Hugo Guyon info@lm-magazine.com

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Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Thibaut Allemand, François Annycke, Flora Beillouin, Rémi Boiteux, Mélissa Chevreuil, Owen Davey, Marine Durand, Patricia Gorka, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons, Marie Tranchant et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



La voiture table de ping-pong, Maison Salvan, Labège, 2016 © Benedetto Bufalino

news

Sens dessus dessous

Libre-service Enfant, Monsieur BMX se rêvait rider. Hélas, il a vite atteint ses limites question backflip. Le Montpelliérain a pris sa revanche en encastrant des vélos dans les murs de la cité héraultaise. En janvier, ce mystérieux street-artist a décidé de servir une bonne cause. En résulte l’incrustation de ce caddie dans la façade d’un centre commercial, sur lequel on peut lire : « pour ceux qui en ont besoin ». Tout est dit. bmxstreetart.tumblr.com

Antigone, Montpellier, 2017 © Monsieur BMX

Votre vieux tacot ne vaut plus un clou ? Transformez-le en table de ping-pong ! Ou en jacuzzi. Ou en (gros) bac à fleurs... Bref, servez-vous de votre imagination, bon sang, comme Benedetto Bufalino ! Cabine téléphonique aquarium, table de pique-nique géante... Avec ses installations conçues dans l’espace public, cet artiste établi à Lyon fait dérailler notre train-train quotidien avec humour. www.benedettobufalino.com


Wildflower III © Danae Falliers

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Lignes de fuite

© facebook_domaine du levant

Il est pas beau ce champ de fleurs sauvages ? Un poil abstrait, peut-être... L’artiste Danae Falliers s’est fait une spécialité de capturer les paysages américains en sublimant leurs lignes et couleurs. Cette image, peut-être obtenue depuis un train à pleine vitesse, immortalise avec grâce le mouvement, quelque part entre la photographie et le dessin, et nous ouvre d’autres horizons. danae-falliers.com

C’est carnaval !

Un gisement techno dans les sous-sols d’une ancienne mine ? Le rêve pour les raveurs. Il devient réalité avec l’arrivée de Vision Room au Domaine du Levant à Cuesmes (Mons). à l’origine du projet, trois amis qui organisent depuis trois ans des soirées diffusées sur Youtube, à la manière de Boiler Room. Le collectif est désormais prêt à accueillir chaque mois 400 clubbers à partir de février. Les DJ sets et lives seront quant à eux toujours retransmis en direct sur leur page facebook. Mons – 11.02, ancien site minier du Soleil Levant, 21 h 30, gratuit, www.facebook.com/visionroommusic

© Mikko Umi

Club underground

Les Dunkerquois sont déjà familiers de ces œuvres rondes et colorées, tapissant les murs de la cité de Jean Bart. Ils reconnaîtront donc sans mal la patte du street-artist Mikko Umi dans l’affiche du prochain carnaval. On distingue notamment le maire jetant frites et harengs fumés de son balcon. Ça mérite bien un p’tit "zôt’che", non ? (voir p. 20). mikkoumi.fr


EARring & FINGERring © Nadja Buttendorf

Bijoux (très) fantaisie

© DR

© Netflix

Depuis le temps qu’on vous parle des méfaits d’une utilisation abusive du smartphone... Mais non, rassurez-vous, il ne s’agit pas là d’une mutation ! Plutôt d’une boucle d’oreille en forme... d’oreille. Fascinée par le concept de transhumanisme, l’artiste et designer berlinoise Nadja Buttendorf a imaginé des bijoux en silicone imitant organes et peau humaine. à assortir avec la bague en forme de doigt, évidemment. nadjabuttendorf.com

Tables d’attractions

Design en série

La cuisine italienne méritait bien un parc d’attractions, non ? Imaginez : 20 hectares consacrés aux pâtes fraîches, mozzarella, charcuteries et autres gelati. Outil promotionnel de l’entreprise de restauration Eataly, ce complexe situé à Bologne compte initier les visiteurs aux spécialités transalpines tout en leur expliquant la façon dont les aliments sont produits. Un deuxième site est prévu en France pour 2018. www.eataly.com

Davantage connue pour ses fictions, Netflix s’essaie depuis peu au documentaire. On se souvient du savoureux Chef’s Table, dont chaque épisode était dédié à un grand nom de la cuisine. Dans Abstract : The Art of Design, le concept est décliné au design. Parmi les créateurs mis à l’honneur, citons Bjarke Ingels, architecte danois qui a imaginé le nouveau World Trade Center ou Tinker Hatfield, inventeur pour Nike des iconiques Air Max et Air Jordan. Disponible le 10.02, sur Netflix



Portfolio – Portrait 12

Futur antérieur

à lire Requins, 36 p., 14,90 € // Singes, 36 p., 14,90 € // Les Merveilles de la nature, de M. Jolley et A. Wood, 112 p., 20 € // Le Grand flipper des sciences, de N. Arnold et I. Graham, 32 p., 23,90 € // Construis un robot, de S. Parker, 28 p., 19,95 € (Gallimard Jeunesse) // Laika : Astronaut Dog, Knight Night, Foxly’s Feats (Templar Publishing)

à visiter www.owendavey.com

owen davey

Texte Julien Damien

Si vous vous êtes déjà excités sur une partie de Two Dots, alors vous connaissez Owen Davey. En effet, c’est à lui qu’on doit le design minimaliste de ce (très addictif) jeu pour smartphone consistant à former des carrés en reliant des points. On y retrouve cette patte « simple, geometric and friendly » qui fait aussi le bonheur de The New York Times ou Facebook, Google, Sony… C’est également lui qui signe les illustrations de The Robot Factory, application pour iPad permettant de créer ses propres androïdes. Bref, cet Anglais installé à Leicester vit avec son temps. « Je passe des heures sur Instagram ou Pinterest à la recherche d’idées, confie-t-il. J’utilise aussi beaucoup Photoshop. Je trace l’image au crayon puis la scanne pour la travailler numériquement ». Paradoxalement, ce diplômé de la Falmouth University déploie une esthétique très vintage, notamment via une palette de couleurs limitée. « C’est vrai, je suis influencé par des œuvres du milieu et du début du siècle dernier », avoue-t-il. Autre contradiction : comme en témoigne la faune peuplant ce portfolio, notre geek puise surtout ses idées dans la nature. « J’aime dessiner tous les animaux mais préfère les oiseaux, plus commodes à réaliser que les mammifères... L’effet de fourrure se prête mal à mon style géométrique épuré ». Owen est d’ailleurs l’auteur de plusieurs livres pour enfants : sur les requins, les singes ou le célèbre chien astronaute Laïka ! Toute une époque.


Hank


Parade of Penguins / Les merveilles de la nature


Shark vs Octopus / Smart About Sharks


Deer Woods Trees Forest



Big Head People Factory / Cyrus Magazine


How health organisations tackled the Ebola crisis in Africa / Cyrus Magazine


Société – Reportage 20

Carnaval Le beau bazar

Texte Julien Damien Photo Carnaval de Binche © Olivier Desart Carnaval de Dunkerque © Ville de Dunkerque


Ouf, les fêtes de fin d’année sont enfin terminées. Place aux choses sérieuses : le carnaval ! La saison débute en février. Sur la Côte d’Opale, on s’apprête à revêtir son "beste clet’che" tandis qu’en Wallonie, on bichonne son Gille. Quand et comment cette tradition est-elle née ? Quels en sont les enjeux ? Réponses à Dunkerque et à Binche, deux monuments de la fête.

Le fameux Gille de Binche et son chapeau à plumes.


Attention lĂ -dessous, lancer de frites et de harengs !


C

’est parti pour deux mois et demi de folie ! Jusqu’à Pâques, le littoral du Nord de la France va s’enflammer, de Bray-Dunes à Bergues en passant par Petite-Synthe, Zuydcoote… Point d’orgue : le dimanche 26 février, lors du carnaval de Dunkerque ! Ses bals, ses déguisements interlopes, ses chahuts, ses chansons (« Elle a de grosses tototes ma tant’ Charlotte »… « Si tu veux pas qu’ta femme t’emmerde n’te marie pas, n’te marie pas »…), son lancer de harengs fumés (3  000  !) depuis la mairie et son rigodon final d’une heure autour de la statue de Jean Bart, où les carnavaleux chantent, se font des "zôt’ches" (des bisous) écrasés les uns contre les autres !

50 000 carnavaleux attendus le 26 février dans la cité de Jean Bart

Un sacré bazar donc, où l’on fait tout et n’importe quoi, mais pas n’importe comment. « C’est un vrai bordel, mais organisé » insiste Pascal Bonne, aka Cô Boont’che ("haricot"), le tambour-major. C’est l’homme qui mène la fameuse bande des pêcheurs ("Visscherbende") dans les rues. Pas une mince affaire : comptez près de 50  000 personnes déchaînées derrière "la clique" et ses 83 musiciens ! « Il y a des règles à respecter. Il faut connaître un répertoire de plus d’une cinquantaine de chants.

3 000 harengs fumés lancés depuis le balcon de la mairie de Dunkerque

Si vous n’êtes pas Dunkerquois il faut avoir un parrain ou une marraine pour entrer dans la bande ». Dans un autre genre, à Binche en Wallonie, on assiste cette fois à un véritable spectacle. élevé en 2003 au rang de chef-d’œuvre du patrimoine oral et immatériel de l’humanité par l’UNESCO, ce carnaval a lieu durant les trois jours gras (du dimanche au mardi) autour du célèbre Gille. Le Gille ? Un drôle de bonhomme à lunettes inspiré d’un personnage de la commedia dell’arte. Quasiment toute la ville le célèbre : près d’un millier de Binchois (sur 10  000 habitants) paradent au son des tambours, dans de somptueux costumes rouges, jaunes et noirs, avec chapeaux à plumes d’autruche, sabots en bois, p’tites cloches, suivis des Pierrots, Arlequins et Paysans… Deux styles donc, mais un même enthousiasme.

à l’origine Mais au fait, c’est quoi le carnaval ? « Un rituel païen très ancien, lié au cycle du temps. Il s’agit de célébrer la fin de l’hiver et d’appeler le printemps », indique Clémence Mathieu, collaboratrice scientifique au Musée International du Carnaval et du Masque de Binche.


à Dunkerque, quand vient le carnaval, On est tous joyeux comme des cigales, On se grime on s’met de la peinture, On s’en fout plein fegur’



Les masques des Gilles sont conçus par une famille d’artisans locaux : Pourbaix, père et fils.

Il reste typiquement européen. Celui de Rio, par exemple, a été importé ». Difficile de situer son origine, mais on lui trouve un ancêtre dès l’Antiquité romaine « où l’on remarque déjà des inversions sociales : les maîtres devenaient les esclaves et vice versa… Comme aujourd’hui ! ». Faut-il y voir une catharsis ? « C’est même essentiel. Il s’agit toujours d’ouvrir la soupape, c’est LE moment où l’on peut tout se permettre : les hommes deviennent des femmes, les riches des pauvres… ».

Anarchy in ze Carnaval Peut-on parler, aussi, d’une tradition anarcho - libertaire ? « Oui, beaucoup de ces fêtes débutent par la remise des clés de la ville par le maire au prince carnaval. Un élément

100 000 personnes suivent le carnaval de Binche lors du Mardi Gras

symbolique signifiant : "le pouvoir n’est plus entre mes mains, mais entre les vôtres" ». Pour autant, et c’est remarquable surtout à Dunkerque, les débordements sont quasi-inexistants. « L’anarchie n’est absolument pas synonyme de chaos, précise Bruno Frère, sociologue, chercheur et professeur à l’Université Libre de Liège. Dans la pensée libertaire, la responsabilité individuelle est énorme. Ici, les citoyens parviennent à instiguer un ordre dans le désordre… voici la forme de responsabilisation


Les Pierrots ? De sacrés farceurs !

citoyenne la plus extrême ». Enfin, le carnaval défend aussi un patrimoine, une histoire. Celle de Dunkerque a débuté au xviie siècle. Avant de les envoyer en Islande pêcher la morue, les armateurs offraient à leurs marins une grande fête, coïncidant avec mardi gras. Il faut dire que la moitié d’entre eux ne revenait pas… C’est cet esprit transgressif qui perdure aujourd’hui. à Binche, il faut remonter encore plus loin. « Le carnaval est probablement né en même temps que la ville, au xiie siècle, selon Clémence Mathieu. Il y a une appropriation d’autant plus forte par les Binchois que le Gille est né ici, avant d’être copié dans les villes alentour au xixesiècle, de La Louvière à Maubeuge ». Reste une question : tout cela va-t-il

durer ? « Depuis 30 ans, on observe un net regain d’intérêt, sans doute en réaction à la mondialisation. Les gens ont besoin de s’accrocher à leur identité, et reviennent vers le carnaval de façon très fervente ». Alors mets ton beste clet’che ! Carnaval de Dunkerque et agglomération 07.01 > 29.04 Bande de Dunkerque – 26.02, carnaval-de-dunkerque.info, ville-dunkerque.fr Carnaval de Binche – 07 > 09.02, www.carnavaldebinche.be Le Musée International du Carnaval et du Masque de Binche Rue Saint Moustier, 10 - 71 30 Binche mar > ven : 9 h 30 > 17 h, sam & dim : 10 h 30 > 17 h, 8 > 3 €, www.museedumasque.be Masques de Soi – jusqu’au 19.03 La grande fabrique du carnaval de Charleroi – Atelier : 02 > 19.02, Eden, 11 h, gratuit, www.eden-charleroi.be Le carnaval aujourd’hui – (conférence avec Bruno Frère, Fabrice Laurent, Cécile Parthoens, Karel Vanhaesebrouck) : Charleroi, 15.02, Eden, 19 h, gratuit, www.eden-charleroi.be


© Rémi Theriault


Musique – Sélection 29

Andy Shauf Depuis 2009 et le joli premier essai Darker Days, le nom d’Andy Shauf se chuchotait de bouches averties à oreilles curieuses, comme un sésame vers un trésor de mélancolie mélodique – ou l’inverse. Troisième LP du Canadien, The Party touche enfin le plus grand nombre. Et c’est tant mieux. Aucune raison que ces chansons intimistes, héritières d’Elliott Smith (donc des Beatles), de l’architecte Sufjan Stevens et du versant noir des Beach Boys (la pop baroque d’Early to the Party) soient réservées à une poignée d’élus. Comme le précité Elliott, cet ex-punk a délaissé le boucan pour se mettre à nu, dévoilant un talent certain de songwriter. On songe plus d’une fois à son compatriote Tobias Jesso Jr. (dont on attend des nouvelles, au passage). Cordes sensibles et acoustiques, arrangements soignés et vague à l’âme, Andy (ré)Shauf nos cœurs fragiles. T.A.

Bruxelles – 16.02, Botanique, 19 h 30, 18 > 12 €, www.botanique.be Tourcoing – 20.02, Le Grand Mix, 20 h, 13 / 10 / 5 € (-18 ans), www.legrandmix.com


Chant lexical Si vous pensez que la chanson française se résume aux Lacs du Connemara et à la soupe pop de Vianney, passez donc votre chemin. Sinon : accordez une oreille aux six concerts mitonnés par l’Université de Lille 2. Durant trois jours, Antra’Zik retourne bien des clichés, entre audace et défrichage. Voilà neuf ans que ce festival « dépoussière l’image vieillotte dont souffre la chanson française », selon son programmateur, Maxime Demouveaux. Comment ? En invitant des artistes qu’on n’entend pas forcément sur les grandes ondes, mais cultivant un goût certain pour les mots et les mélodies soignées. C’est ici, dans l’intimiste Antre-2 (85 places assises), qu’on a ainsi découvert le rock lettré de Radio Elvis ou le flow futé de Ben Mazué. « Autre critère essentiel : ces musiciens doivent proposer quelque chose sur scène. Il ne s’agit pas simplement de dérouler un album ». Dans ce cas, on peut compter sur les Joyeux Urbains pour délivrer des shows bien barrés. Entre swing et ska, contrepèteries et ukulélé, le quintette fête ses 20 ans avec la même irrévérence. Le deuxième jour se place sous le haut patronage d’Alain Bashung : à la délicatesse des textes de Maissiat répondent en effet les morceaux rock et ciselés d’Hildebrandt. Tonycello clôt les festivités en offrant le spectacle hilarant d’un homme se débattant avec son violoncelle. Il chante, chute, reprend Boby Lapointe Lille – 08 >10.02, L’Antre-2, 20 h, 10 / 6 €, ou Brassens en enchaînant les gaffes. www.antrazik.fr Buster Keaton avec un archet, en somme, Prog : Olivier Volovitch + Les Joyeux Urbains (08.02) // Hildebrandt + Maissiat (09.02) // et une bonne bouffée d’air frais. Julien Damien Lénine Renaud + Tonycello (10.02)

Hildebrandt © Yann Orhan

Musique – Sélection 30

Festival Antra’Zik



© Elise Tyler

Musique – Sélection 32

Lambchop Figure majeure de l’alt-country, Lambchop s’est souvent dispersé pour mieux se retrouver. Un an après le projet électronique HeCTA (avec Kurt Wagner en tête pensante), le groupe de Nashville signe Flotus, où règne en maître un autotune doux et languide, tandis que les arrangements jazz et hip-hop se mêlent jusqu’à la confusion. Jeunisme ? Goût de l’aventure, plutôt. À apprécier sur scène, où la formation puise dans (et revisite) un répertoire très, très vaste… T.A. Bruxelles – 11.02, Botanique, 19 h 30, 26 > 20 €, www.botanique.be

Au tournant du siècle dernier, Moby enchaîna les tubes en samplant d’antédiluviens chants gospel et blues. C’était embarrassant. Le jeune Anglais Archie Fairhurst utilise peu ou prou la même technique (échantillons d’acétate et groove spartiate) mais le résultat est autrement tourneboulant. Romare compose des morceaux de house spatiale et spacieuse, nourris à la soul et aux trouvailles métisses. Il affectionne les grands écarts mais combine à merveille acoustique et électronique. Évidemment, le gaillard est signé chez Ninja Tune. T.A. Tourcoing – 22.02, Le Grand Mix, 20 h, 16 / 13 / 5 € (-18 ans), www.legrandmix.com (+ NUMéROBé)

© Chris J Rhodes

Romare



Musique – Sélection 34


Ratatouille Les petits plats dans les grands Texte Thibaut Allemand Photo Ugo Ponte, onl / Ratatouille © Buena Vista International / Disney Pixar

Un faramineux banquet de retrouvailles ! L’Orchestre national de Lille croise à nouveau la route du chef Ludwig Wicki. Ce dernier avait dirigé l’onl en 2014, pour un Fantasia 2000 anthologique. Cette fois, exit Mickey la souris, et place au petit rat Rémy. Du nectar pour les oreilles. Ratatouille a amorcé un nouvel âge d’or pour les studios Disney (via Pixar) après une longue traversée du désert – Le Roi Lion remontait à 1994. Suivront, question hauts-faits, Wall-E (2008) et Vice-Versa (2015). Ratatouille donc, ou l’histoire d’un rat gastronome, cuisinier clandestin d’un restaurant parisien. Un Paris idéalisé pour un récit s’adressant autant aux petits (gags en pagaille…) qu’aux plus âgés (la ratatouille en madeleine de Proust, la nostalgie, la naïveté perdue…). Les couleurs chaudes, automnales, et les dessins, ronds et fluides, participent au charme de ce long-métrage. Et la musique ? A priori moins marquante que celles de, au hasard, Star Wars ou du Livre de la Jungle, cette bande originale mérite d’être redécouverte. Savoureux À 49 ans, l’Oscarisé Michael Giacchino a signé les mélodies de quelques grands classiques, tous genres confondus : séries (Lost, Alias), jeux vidéo (Medal of Honor) et longs-métrages animés (Les Indestructibles, Là-haut, Vice-Versa…). Alerte et métissée, la BO de Ratatouille mêle la légèreté classique d’un Prokofiev à des ingrédients jazz, un fumet hispanique et des pincées de musette – touche française oblige. Pour restituer cette partition aux petits oignons, les 85 musiciens de l’onl retrouvent donc Ludwig Wicki. Cinéphile averti, il se refuse à hiérarchiser entre "grande" musique et soundtracks. Une démarche humble, à l’image de ce rat devenu cordon bleu. Lille – 16 > 18.02, Nouveau Siècle, 20 h sf samedi : 16 h, 30 > 5 €, www.onlille.com


Bruxelles – 19.02, Ancienne Belgique, 20 h, 19 €, www.abconcerts.be

© Erin Rambo

Sélection – Musique 36

Nick Waterhouse Passéiste, Nick Waterhouse ? Attaché à certaines traditions, plutôt. À 31 ans, le natif de Santa Ana (Californie) a conscience que sa musique n’atteindra pas le sommet des charts – mais on se fout un peu des classements, non ? Alors, l’Américain travaille, usine et boutique des chansons éternelles en artisan amoureux de son métier. Ne voyez pas ici un jeune godelureau embarqué dans la vague néo-soul (certains valent le coup, d’ailleurs). Non, les totems de Waterhouse se nomment Ray Charles, Ike Turner – un subtil dosage entre soul et blues. Du rhythm & blues, en fait. La façon dont ce blanc-bec s’empare de cet héritage noir en évoque d’autres – oui, on songe souvent à Van Morrison, à Eric Burdon (The Animals). Sur scène, avec trois albums en poche et un groupe soudé corps et âme, le Californien chante tout son saoul, forcément. T.A.



© Cara Robbins

Musique – Sélection 38

Foxygen Ah, Foxygen… En 2012, un premier essai fourre-tout et réjouissant contenait à peu près l’intégrale de leurs marottes : Beatles, Stones, Kinks, Bowie, T-Rex, MGMT… Un mash-up de greatest-hits à (re)découvrir, en somme. Et puis, plus rien ou presque, si ce n’est un deuxième album passablement raté et la production du premier LP de The Lemon Twigs. Fort heureusement, Hang voit les New-Yorkais redresser un tantinet la barre – en restant toujours aussi barrés. T.A. Bruxelles – 24.02, Botanique, 19 h 30, 20 > 14 €, www.botanique.be

Kadhja Bonet

Bruxelles – 28.02, Ancienne Belgique, 20 h, 15 €, www.abconcerts.be

© DR

Petite, sous le cagnard de Los Angeles, la jeune Kadhja étudiait la flûte, le violon… Puis elle a tout bazardé pour profiter du soleil. C’est bien légitime. Mais l’oisiveté n’a qu’un temps, et l’Américaine a retrouvé ses savoir-faire pour mettre en notes ses maux bleus. Le résultat ? The Visitor, un très court album qui évoque une Shirley Bassey produite par Terry Callier, le tout chez Stones Throw. Soit une soul jazz feutrée qui n’évacue jamais la modernité et laisse présager quelques sommets, dans les prochains mois… T.A.



Tourcoing – 23.02, Le Grand Mix, 20 h, 13 / 10 / 5 € (-18 ans), www.legrandmix.com

Louvain – 21.02, Het Depot, 20 h, 18 > 13 €, www.hetdepot.be

© DR

Sélection – Musique 40

Cass McCombs Persévérance est mère de sûreté. Pas dit qu’Alain Rey consignerait ce proverbe, mais franchement, il sonne plutôt pas mal et surtout, s’applique parfaitement à Cass McCombs. Un Américain tenace, pugnace, pas du genre à raccrocher au premier revers. À l’instar de ses héros – des Meat Puppets à John Cale, avec lesquels il a tourné. Alors, c’est vrai, McCombs en fait parfois trop : notre homme a déjà signé neuf albums en treize ans (il en a 39) et, reconnaissonsle, on décèle quelques similitudes entre certains morceaux. Oh, ce n’est pas grand-chose, un thème déjà entendu, une suite d’accords un peu éprouvés, un mi-bémol par-ci par-là. Pas de quoi entamer notre affection pour ce folkeux électrisant, dont la plume acide et le timbre habité donnent vie à des chansons qui, finalement, n’appartiennent qu’à lui – mais peuvent toucher chacun. T.A.




Musique – Sélection 43

The xx Mélancoliques anonymes Texte Thibaut Allemand Photo Alasdair McLellan

The xx de retour ? Une belle surprise, pour plusieurs raisons : un troisième LP à la hauteur. Un Jamie xx décidément fidèle en amitié. Et, surtout, une longévité sur laquelle on n’aurait pas franchement parié voici huit ans en découvrant le précité Jamie xx, Romy Madley Croft et Oliver Sim. Non, on ne donnait pas cher de la peau de The xx après son premier LP, paru en 2009. Le trio londonien, peu enclin à la galéjade et plutôt porté sur le noir (des idées aux chandails) voyait un succès massif lui tomber sur le coin du nez. S’en relèverait-il ? On en doutait. Ces trois-là semblaient trop fragiles, trop sensibles. Leurs chansons frêles ne supporteraient pas d’être jouées, soir après soir, dans des salles toujours plus grandes. En revanche, elles tenaient bien à la réécoute – en témoigne ce fameux premier album inusable, un abîme de mélancolie qui jamais ne s’abîme. Bref, une réussite totale. Qui ne fut, évidemment, pas réitérée avec l’essai suivant. Renaissance Car il y eut un deuxième LP. Coexist (2012). Qui ne servait à rien, sinon de fairevaloir à son aîné. The xx caresserait-il à nouveau la grâce des débuts ? Jamie Smith, alias Jamie xx, semblait en douter. L’héritage de Young Marble Giants trop lourd à porter, le lad produisit l’ultime album de Gil Scott-Heron avant de signer le chef d’œuvre In Colour (2015). Afin de rompre définitivement avec les ténèbres ? En attendant, l’histoire continue, et The xx livre un troisième album, I See You. En deçà du premier, bien sûr. Mais supérieur au précédent. Ouvrant de nouvelles perspectives à la formation – dans les couleurs, les ambiances – tout en conservant ce qui fait le cœur de ce projet : l’art de sublimer la mélancolie. Bruxelles – 01 & 02.03, Forest National, 20 h, Complet !, www.forest-national.be


Musique – Sélection 44

Benjamin Biolay

© M/M

C’est vrai, les poses de dandy-maudit-rive-gauche de Benjamin Biolay peuvent agacer. Pourtant, le Lyonnais reste ce qui est arrivé de mieux à la chanson française depuis le début du siècle. Pour preuve son 7e album, Palermo Hollywood. Un disque magnifique, enregistré à Buenos Aires, que BB a adapté sur scène en tournant avec une vingtaine de musiciens. Il fallait bien ça pour restituer ce métissage de rythmes latinos et spokenword éraillé par l’abus d’alcool, de tabac et autres excès décidément salutaires. J.D. Roubaix – 08.02, Le Colisée, 20 h 30, 39 > 15 €, coliseeroubaix.com Bruxelles – 22.02, Ancienne Belgique, complet

Mer 01.02 Agar Agar + French 79 Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13>5e Symphonie pathétique (onl) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e

Ven 03.02 Skunk Anansie Anvers, Lotto Arena, 18h30, 45e Broken Back Beauvais, L’Ouvre-Boîte, 20h30, 16>11e Clarika Lens, Le Colisée, 20h30, 25>12,50e Orchestre du Belgistan Gand, Charlatan, 21h, 5e

Sam 04.02

Blick Bassy + Salif Keita Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 15>11e Nicoletta & Choeur Gospel Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 40>31e Benjamin Collier & Mounya Boudiaf Lille, maison Folie Moulins, 21h, 9>6e

Mar 07.02 Thomas Azier Bruxelles, AB, 20h, 15e Motorama + Rendez-Vous Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 13/8e

Mer 08.02 Motorama + Dear Deer Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 12>8e

Pouët : F. Hadji-Lazaro & Pigalle Dunkerque, Les 4 Ecluses, 14h30, 18h, 6/5e

FESTIVAL ANTRA’ZIK : LES JOYEUX URBAINS + OLIVIER VOLOVITCH Lille, L’Antre-2, 20h, 10/6e

Cali Bruay-La-Buissière, Espace Culturel Grossemy, 20h, 18>13e

SHARKO + MIDNIGHT STUBBLE Lille, L’Aéronef, 20h, 13>5e

Suarez Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 28e

L’Esprit Russe (direction Vladimir Verbitsky, piano Varvara) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5€

Vincent Delerm Mons, Le Manège, 20h, 25>18e Bror Gunnar Jansson + Karl Blau + William Z Villain Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e

Jeu 09.02 THE EXCITEMENTS Liège, Reflektor, 19h30, 12e Ed Harcourt Bruxelles, Botanique, 20h, 15>9e MAISSIAT + HILDEBRANDT Lille, L’Antre-2, 20h, 10/6e PIERS FACCINI + Moon Gogo Lille, L’Aéronef, 20h, 22>14e Charlélie Couture Tournai, Halle aux draps, 20h30, 32>28e

Ven 10.02 Lorenzo Di Maio + Y. Paduart feat. Manu Katché Tournai, Halle aux draps, 18h45, 32>18€ TONYCELLO + LENINE RENAUD Lille, L’Antre-2, 20h, 10/6e L’Esprit Russe (dir. Vladimir Verbitsky, piano Varvara) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5€


Fritz Kalkbrenner Lille, Le Splendid, 20h, 26,40e Radio Elvis Bruay-La-Buissière, Espace Culturel Grossemy, 20h, 13>8e Sages comme des sauvages Armentières, Le Vivat, 20h, 7e boisson offerte / gratuit -26ans Saule Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 24>21e PAUS + LYSISTRATA Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e Angel City Records Revue Show Béthune, Le Poche, 20h30, 8/6/3€

Manu Katché Quintet Tournai, Halle aux draps, 21h30, 26/22e

Mar 14.02 WILD NOTHING Anvers, Trix, 19h30, 15/13,50e VLADIMIR COSMA Lille, Le Zénith, 20h, 80>40e

Mer 15.02

Kyle Eastwood Tournai, Halle aux draps, 19h30, 24>20e Fritz Kalkbrenner + HRRSN Bruxelles, AB, 20h, 28/27e

Nick Waterhouse Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 19e

Lun 20.02 ANTHRAX + THE RAVEN AGE Anvers, Trix, 19h, 33/32e Bayonne Bruxelles, Botanique, 19h30, 14>8e

Milky Chance Bruxelles, Botanique, 20h, 26>20e

Andy Shauf + Tasseomancy Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13>5e

NUMéROBé Lille, maison Folie Wazemmes, 21h, 5/3e

COSMONAUTS + OMNI Lille, L’Aéronef, 20h, 12>5e

Jeu 16.02

Sam 11.02 Jacky Terrasson & Stephane Belmondo Tournai, Halle aux draps, 17h30, 22>18e

Dim 19.02

Bayonne Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, gratuit The Notwist Gand, Vooruit, 19h30, 21,75e Andy Shauf + Tasseomancy Bruxelles, Botanique, 20h, 18>12e

Sam 18.02

Lambchop Bruxelles, Botanique, 20h, 26>20e

LOUDBLAST Lille, Le Splendid, 19h30, 20e

Emily Loizeau + Ohayo Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13e

ARNAUD REBOTINI (Dj Set) + ZOMBIE PRINCE Lille, L’Aéronef, 21h, 12>5e

Mar 21.02 Cass McCombs Band Louvain, Het Depot, 20h, 18>13e

Mer 22.02 Pouët : François Hadji-Lazaro & Pigalle (jeune public) Roubaix, La Condition Publique, 14h30 & 18h, 6e Romare Live Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 16>5e

Jeu 23.02 Cass McCombs Band Tourcoing, Le Grand Mix, 19h, 13>5e

Maubeuge – 10.02, la Luna, 20 h, 25 > 15 €, www.lemanege.com Bruxelles – 11.02, Cirque Royal, 20 h, 57 > 30 €, cirque-royal.org Béthune – 17.03, Théâtre municipal, 20 h 30, 44 / 40 € Amiens – 21.03, Maison de la Culture, 20 h 30, 40 > 22 €

© Lucie Bevilacqua

Christophe Les Vestiges du chaos, nom du 13e album de Christophe sorti en 2016, sonnait comme un mauvais présage. Que nenni ! Véritable patchwork de sons cueillis au fil des ans, le résultat est un cocktail sombre mêlant habilement chansons à texte intimistes et pop envoûtante. Le charme continue d’agir sur scène où le laborantin enchaîne avec élégance nouvelles compositions et titres cultes, revisités seul au piano. Un sommet de beauté mélancolique qui nous met tous… chaos. H.G.


Musique – Sélection 46

Frustration

© Blaise Arnold

La bande mythique de Born Bad Records a cassé la baraque en 2016 : un 3e album plus brut que les précédents et encensé par la critique, des concerts partout en Europe où ils ont partagé l’affiche avec Ty Segall et leurs potes de Sleaford Mods, pour ne citer qu’eux. Autant dire que pour leur 15e année d’existence, les vétérans du post-punk à la française ne sont pas prêts de raccrocher les gants. On attend avec impatience la déferlante de guitares et synthés de ces dignes héritiers de The Fall ou Wire. H.G. Lille – 25.02, L’Aéronef, 20 h, 18 > 11 €, aeronef.fr (+ Rendez-vous)

FISHBACH + vertigo Lille, L’Aéronef, 20h, 15>5e DJ VADIM & BIG RED Boulogne-sur-Mer, Carré-Sam, 20h30, 10/8e

Ven 24.02 Wallis Bird Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 14>10e APOCALYPTICA Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 39/35e Foxygen Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e Didier Super + Boule Avion, Salle Jean Ferrat, 20h30, 16>10e MARCO BAILEY Lille, Le Magazine, 23h, 10e

Sam 25.02 FRUSTRATION + RENDEZ-VOUS Lille, L’Aéronef, 20h, 18>11e KARL BLAU Bruxelles, Botanique, 20h, 14>8e The Orwells Bruxelles, Botanique, 20h, 17>11e

Mar 28.02 Drake Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 97>52e AVENGED SEVENFOLD Lille, Le Zénith, 19h30, 49,90>46,60e

Juniore + Aquaserge Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13>5€ Les Fouteurs de Joie + Filstool (Les Enchanteurs) Oignies, Le Métaphone, 20h30, 15>9€

Kadhja Bonet Bruxelles, AB/club, 20h, 15e

Flavia Coelho + Thomas Albert Francisco (Les Enchanteurs) Arras, Le Pharos, 20h30, 7/3e

Afro Wild Zombies Hantay, Salle Jean Macé, 20h, 3€

Katerine Lens, Le Colisée, 20h30, 25>12,50e

Keren Ann Douai, L’Hippodrome, 20h, 22>9e

Manu Dibango Hem, Zéphyr, 20h30, 23/18e

mer 01.03 Drake Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 97>52e

mer 02.03 New Model Army Lille, Le Splendid, 20h, 28€

Ven 03.03 The Weeknd Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 53>39e

YURI BUENAVENTURA Béthune, Théâtre, 20h30, 34/30e

Sam 04.03 BLONDE REDHEAD Lille, L’Aéronef, 20h, 26>19e Dick Annegarn Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 28/22e Katerine Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 20>14e Les Fatals Picards Lille, Le Splendid, 20h, 27€



Disques – Chroniques 48

SINKANE

Life & Livin'It

(City Slang / PIAS)

Cet album, le quatrième de son auteur, a la mission difficile de succéder à Mean Love (2014), qui plaçait déjà la barre très, très haut. Ahmed Gallab, âme de Sinkane, est né au Soudan et a débarqué aux états-Unis à l'adolescence. Le jeune homme a fourbi ses premières armes sur la scène punk-rock de l'Ohio avant de rejoindre la Grosse Pomme où il devint un percussionniste couru (Yeasayer, Caribou, Of Montreal, Born Ruffians…). Depuis son premier essai, en 2008, ce petit génie gravit une à une les marches vers une reconnaissance amplement méritée. Il est aussi un admirateur de la figure du funk nigérian William Onyeabor, au point d'avoir monté Atomic Bomb !, projet hommage réunissant entre autres Damon Albarn, Blood Orange, Alexis Taylor (Hot Chip) ou Pat Mahoney (LCD Soundsystem). Sinkane signe ici un LP dans la continuité du précédent : on songe aux Anglais de Cymande (Theme From Life & Livin'It), au groove africain (Passenger) à l'electrofunk antique (Telephone) comme à la soul chromée de Curtis Mayfield (The Way). Cet album est un édifice magnifique. Il contient quelques pierres de touche des musiques noires, tandis que celles apportées par Sinkane subliment l'ensemble. Thibaut Allemand

TEMPERANCE (Dominique Dalcan) Temperance ([PIAS] Le Label / PIAS)

Depuis vingt ans, les choses semblaient simples : d'un côté, Dominique Dalcan, artisan trop discret d'une pop française accessible et sophistiquée. De l'autre, Snooze, son alter-ego électronique et anglophone. Deux ans après Hirundo, huitième LP de haute volée sous son nom de baptême, le Français s'invente un nouvel alias. Histoire, peutêtre, d'explorer de nouveaux territoires. Ceux-ci révèlent une soul en retenue, de l'electro-pop savamment dérangée et des expérimentations post-dubstep. L'essai dévoile un vaste horizon pop jalonné de cordes dignes d'un David Whitaker. En mêlant mélodies de crooner et recherches sonores, le divin chauve signe l'album que l'on attend, en vain, de Scott Walker depuis quarante ans. Thibaut Allemand


DIETER MOEBIUS

LA FÉLINE

Metropolis

(Kwaidan / !K7)

Triomphe

(Bureau B / La Baleine)

L'ex-Harmonia Dieter Moebius ne fut pas le premier à se frotter au chef-d’œuvre de Fritz Lang : on se souvient que d'autres se sont attaqué à ce monument de l’expressionnisme allemand. Citons Giorgio Moroder, Jeff Mills, Art Zoyd, mais aussi Christian Paboeuf ou encore Cult Of Luna. Récemment disparu, Moebius n'a pas pu achever son projet. Alors, son complice Jonas Förster s'en est chargé sans le trahir. De l'ouverture Schicht, lente, monochrome, industrieuse, au lumineux final fêlé Mittler, cette version est une œuvre forte. Seule regret : trop courte (40 minutes), on ne peut l'écouter en regardant le film (deux heures trente environ). Pas grave : la force de cette musique, c'est de convoquer ces fameuses images. Et d'en créer d'autres. Thibaut Allemand

Deux ans après Adieu L'enfance, disque empreint d'une certaine nostalgie (les eighties, la jeunesse enfuie face à un présent gris) Agnès Gayraud prend la poudre d'escampette et signe l'œuvre pop et moderne dont on avait réellement besoin. La Féline joue (un peu) avec ses influences cold-wave pour mieux s'en défaire. Elle propose d'étonnants parcours dans une ruralité oubliée (l'ouverture Senga), et cosigne avec Mondkopf la chanson-titre, alliant des orgues hiératiques à un traitement légèrement noisy. Sur ces partitions dérangées se posent des textes sibyllins, aux mille et une interprétations possibles. Et puis, soudain, le tube. Limpide, immédiat, fatal : il se nomme Séparés, mais nous lie à jamais à La Féline. Thibaut Allemand

FISHBACH À ta merci (A+LSO / ENTREPRISE)

Il y a les disques appelant le c’était mieux avant et ceux, tel celui-ci, qui puisent dans le passé sans révérer un supposé bon goût. Et gagnent sur tous les tableaux : plaisir nostalgique et production terriblement contemporaine (voir les splendeurs d’Y crois-tu ou du très Hardy Un beau langage). Si Fishbach évoque tout un pan de la variété synth-pop francophone des années 1980 (de Niagara à Carole Laure en passant par les Rita Mitsouko, référence évidente du titre Éternité), l’Ardennaise excelle dans le piratage de nos souvenirs. Ainsi nimbe-t-elle ses mélodies immédiates d’une beauté vénéneuse que ne renieraient ni Bashung ni Christophe. Annoncé par le tube Mortel, le règne de Fishbach commence aujourd’hui. Rémi Boiteux


Livres – Chroniques 50

TA-NEHISI COATES Le Grand combat (éd. Autrement)

West Baltimore, 1986. Le jeune Ta-Nehisi partage ses journées entre des parties effrénées de Donjons et Dragons, sa passion naissante pour le catch et les cours qu’il suit souvent en rêvassant. Issu d’une fratrie de 7 enfants, l’adolescent est marqué par la puissante figure du paternel, ancien Black Panther avide de culture et de femmes. De sa banlieue ravagée par la violence il tente de se construire, contemplant un monde qu’il peine à comprendre. Depuis peu, le hiphop s’accapare les ondes et redonne du souffle aux mômes. Des tarés Beastie Boys aux stylés Run-DMC, la BO de la fin du xxe siècle se calque sur la rue... On a découvert Ta-Nehisi Coates bien tard de ce côté-ci de l’Atlantique. L’auteur de Colère Noire, consacré par le National Book Award en 2016, n’en était pas à son coup d’essai. La preuve avec cette autobiographie poignante écrite huit ans plus tôt. L’écrivain y ausculte une époque trouble, partagée entre le souvenir encore vif des luttes pour les droits civiques de Martin Luther à Malcolm et la tentation de céder aux démons des gangs et du crack. Petit, Coates observait son père mener le Grand Combat contre l’oppression, la culture pour seule arme. Aujourd’hui, l’élève a dépassé le maître. 270 p., 19 €. Sonia Abassi

Eiríkur Örn Norddahl Heimska. La stupidité

(Métailié)

Nous sommes dans un futur proche. L’agence surVeillance scrute nos moindres faits et gestes via un réseau de caméras accessible à tous. Impossible d’échapper au regard des autres... Bienvenue au royaume de la transparence ! À quelques encablures du cercle polaire, Áki et Lenita vivent une aventure de couple 2.0. Après une séparation tempétueuse, ces deux écrivains cherchent à atteindre l’autre en s’adonnant à des jeux sexuels devant les objectifs, finissant en parallèle un roman au titre identique... Voyeurisme, piratage, clonage artistique : cette dystopie exacerbe les logiques actuelles en posant la question du devoir de la littérature. La réponse prend une forme de manifeste : « prendre des risques ». C’est ce que fait l’auteur, et c’est ce qui nous enthousiasme. 160 p., 17 €. François Annycke


Joseph Incardona

Blandine RINKEL

Chaleur (Finitude)

L’abandon des prétentions (Fayard)

Niko est un Finlandais bâti comme une montagne, acteur porno au sommet de sa gloire, trois fois vainqueur des championnats du monde de sauna. Igor est un Russe modèle réduit, cachant derrière sa discrétion et son ascétisme de multiples blessures, dont celle de demeurer l’éternel second de la compétition. Le jour de la finale, il n’y aura qu’eux deux, et cette chaleur mortifère de 110°C épuisant les corps et sondant les tourments de l’âme. Cette année, Igor le sait, il ira jusqu’au bout... D’un fait divers à la fois cocasse et tragique, la mort d’un concurrent lors des championnats du monde de sauna en Finlande en 2010, Joseph Incardona tire un roman bref en forme de compte à rebours, brossant avec tendresse le portrait de deux antihéros en quête d’absolu. 160 p., 15,50 €. Marine Durand

Voici Jeanine. Dans sa cuisine garnie de post-it, elle reçoit toutes sortes de gens : hommes ou femmes, jeunes ou vieux, d’ici ou de là-bas. Bref, le monde. Qu’elle rend sans doute meilleur, à sa manière parfois maladroite mais tellement humaine... Humanité que ce portrait scrute à merveille. Il est signé par la fille de Jeanine (Blandine Rinkel), jeune plume au talent insolent. Son premier roman est un élégant tour de force embrassant l’intime et l’universel. Sans quitter du regard son sujet, elle laisse infuser l’époque, au fil emballant de courts chapitres. L’héroïne apparaît sous différents jours, composant un tableau humble et bouleversant. Il marque ainsi l’envol d’une romancière admirable. Quant à Jeanine : elle existe, et c’est un grand personnage de littérature. 248 p., 18 €. Rémi Boiteux

SÉBASTIEN GOETHALS Le Temps des sauvages (Futuropolis) France, dans un futur proche (décidément ! Voir ci-contre). C’est l’ère du post-humain. Nos congénères peuvent « s’augmenter » de chromosomes d’animaux. Ainsi, après l’entretien de licenciement d’une caissière qui tourne au drame, une traque s’engage entre quatre hommes-loups (les fils de la victime), leur otage, et un jeune agent de sécurité. Présenté ainsi, on ne comprend pas grand-chose, si ? Rassurez-vous, le trait de Sébastien Goethals nous éclaire, ajoutant une touche cinématographique à cette déclinaison du Manuel de survie à l’usage des incapables (2013), signé Thomas Gunzig. Bien que libre, l’adaptation ne trahit jamais le propos, très « ballardien », et conserve ce mélange d’humour, d’angoisse et d’absurde qui fit le charme du roman. 272 p., 26 €. Thibaut Allemand


Écrans – Rencontre 52

Guillaume Canet & Marion Cotillard Stars à domicile

Propos recueillis par Mélissa Chevreuil Photo Jean Claude Lother

On savait Guillaume Canet à l’aise devant comme derrière la caméra. Après s’être spécialisé dans le thriller (de Ne le dis à personne à Blood Ties), le réalisateur revient à ses premières amours : la comédie. Dans Rock’n’Roll, il s’attaque à la crise de la quarantaine, sa peur d’être "has been" et son quotidien avec Marion Cotillard. Rencontre avec le couple chouchou du cinéma français, à la frontière du réel et de la fiction.

Comment le film est-il né ? Guillaume : Suite à une interview. Une journaliste m’expliquait qu’entre ma femme, mon fils, ma maison de campagne et mes chevaux, ma vie n’était pas très sexy ! J’ai rapporté cette discussion au scénariste, Rodolphe Lauga, et lui ai rappelé un vieux projet : réaliser un faux documentaire sur ma vie, un peu comme

I’m Still Here de Casey Affleck et Joaquin Phoenix où celui-ci met en scène sa fausse descente aux enfers. à l’ère du selfie, je trouvais intéressant de montrer un film malmenant l’image des "stars" qui fascine parfois les gens. Voici comment est né Rock’n’Roll, un docu-fiction où Guillaume Canet, moi sans être moi, essaye de redevenir un jeune premier.


Quelle place réservez-vous au second degré ? Guillaume : Dès l’écriture, je savais qu’il s’agirait d’une comédie. Il fallait donc aller très loin. à la fin, le ridicule prend vraiment le dessus. Mon personnage est prêt à tout et n’importe quoi pour être "rock’n’roll".

« J’ai déjà ressenti ce sentiment d’être au creux de la vague » Marion, quelle fut votre réaction à la lecture de ce scénario surprenant ? Je l’ai d’abord lu comme une simple histoire, en me demandant si elle comportait une dimension universelle

ou si elle ne concernait que le cercle du cinéma. Il y a tant de niveaux de lecture que j’ai tout de suite été conquise. C’est un film atypique, pas seulement parce qu’on joue nos propres personnages… Avez-vous, comme à l’écran, peur de vieillir ? Guillaume : Absolument pas. Simplement, je n’aime pas avoir mal partout le matin en sortant du lit ! Concernant mon apparence, je n’ai aucun problème. Marion : Physiquement, vieillir est vraiment troublant. Surtout quand on exerce un métier d’image comme le nôtre. C’est pourquoi tant d’acteurs ont recours à la "retouche physique". Et on ne peut pas les juger.


Prendre de l’âge est compliqué pour un comédien. Pour le moment, je suis en totale adéquation avec moimême. J’espère que cela continuera.

on attend, soit on se retrousse les manches en devenant soi-même créateur. J’ai donc écrit Mon idole à ce moment-là.

« Je me suis dis : à mon tour de m’amuser maintenant »

Vous n’aviez pas réalisé de comédie aussi déjantée depuis Mon idole justement, en 2002. Après tous ces thrillers, était-ce une "respiration" nécessaire ?

Et craignez-vous vraiment, comme dans le film, d’être "has been" ? Guillaume : J’ai déjà ressenti ce sentiment d’être "au creux de la vague", après Vidocq notamment (ndlr en 2001)… Pendant un an et demi, plus rien ne se passait. Mais cela fait partie du métier. Les acteurs sont dépendants du désir des autres. Alors soit

Guillaume : J’étais devenu un vrai boulimique du travail et je me sentais sec, il me fallait me couper du cinéma. Alors, j’ai repris une licence professionnelle d’équitation et ça m’a fait beaucoup de bien. Cela m’a redonné l’insouciance perdue depuis Mon idole. Cette pause fut le déclic qui me poussa à revenir vers la comédie.


Une fois de plus, vous vous êtes entourés de vos proches (Yvan Attal, Gilles Lellouche…) qui jouent tous leur propre rôle. Pourquoi ? Guillaume : Il était inconcevable de ne pas m’entourer de mes potes pour ce projet. Ils n’ont quasiment pas improvisé. Ils ont tous joué le jeu, surtout mon ami Johnny (ndlr : Hallyday), qui a bien compris l’aspect burlesque du film. Lui-même s’amuse avec son image depuis des années. Il est tellement rock, c’est le roi ! Le voir coincé derrière les barreaux des chiottes chanter Les portes du pénitencier, c’est quand même pousser très loin l’autodérision !

Cherchez-vous à dénoncer l’omniprésence de l’image dans notre société ? Guillaume : Pas du tout. D’ailleurs, je ne cherche pas à contrôler mon image dans ce film. C’est juste une manière de s’amuser d’un thème qui fait jaser : ma "célébrité" ainsi que celle de mon couple. Je me suis dis, « à mon tour de m’amuser maintenant ». C’est aussi une manière de dire au public « ne croyez pas TOUT ce qu’on vous raconte ». Et pourquoi pas de nous interroger sur le selfie par exemple. Je ne comprends pas cette mode où les gens veulent obligatoirement se prendre en photo avec vous. Ils ne cherchent même pas à nous saluer et à discuter !

Rock’n’ Roll De Guillaume Canet, avec Guillaume Canet, Marion Cotillard, Gilles Lellouche, Yvan Attal… Sortie le 15.02


Écrans – Sélection 56


Loving Amour suprême

Texte Raphaël Nieuwjaer Photo Mars Distribution

En 1958, Mildred Jeter et Richard Loving décident de se marier. Rien de plus banal ? Rien de plus courageux, en réalité : Mildred est noire, Richard est blanc, et ils habitent l’état alors ségrégationniste de Virginie. à travers cette histoire vraie, Jeff Nichols montre la lente évolution d’une nation. Il fut un temps où Jeff Nichols était le grand espoir du cinéma indépendant américain. Avec Shotgun Stories et surtout Take Shelter, il avait réussi à allier l’exploration des marges – sociales, géographiques, psychiques – à un véritable art du récit et du spectacle. Depuis Midnight Special, sorti l’an dernier, il semble chercher le consensus, le mainstream. Loving ne démentira pas tout à fait ce sentiment… Alors que dans les années 1950-60, les militants pour les droits civiques s’organisent et luttent, le réalisateur choisit de montrer un couple n’opposant à la violence sociale que son amour. Persévérance On le sait, la grande affaire de Nichols est la croyance. Ici, il s’agit de croire, entre autres, que le bon sens s’imposera, contre la société du Sud et sa culture centenaire. Aussi passe-t-il à côté de la question politique : qu’est-ce qui rend, concrètement, l’impossible possible dans une société ? Cette étrange mise à distance de la grande l’Histoire n’occulte toutefois pas les qualités du film. Notamment la bienveillance portée au quotidien du couple et de leurs familles, héros taiseux confrontés au racisme ordinaire mais refusant l’exemplarité. Par la répétition des gestes au travail, Nichols leur ménage une sorte d’abri contre les tourments du monde. La persévérance, ici des époux Loving, comme valeur ultime ? Après tout, la Cour Suprême leur donnera raison. De Jeff Nichols, avec Joel Edgerton, Ruth Negga, Michael Shannon, Nick Kroll… Sortie le 15.02


La métamorphose Sorti de nulle part, Moonlight a conquis les festivals du monde entier avant de triompher aux Golden Globes (meilleur film dramatique). Un Oscar semble même possible. Le deuxième long-métrage de Barry Jenkins mérite-t-il vraiment sa réputation ? D’emblée, Moonlight cherche à en imposer. La musique est puissante, la caméra virevolte comme une toupie. Le spectateur pourrait se sentir emporté, ou agacé. Certes, en racontant la vie de Chiron en trois chapitres, depuis l’enfance jusqu’à l’âge adulte en passant par l’adolescence, Jenkins a décidé de ne pas faire simple. Cette façon de rouler des mécaniques rencontre cependant la trajectoire de son personnage. Il est question d’un homme issu de la rue, noir et homosexuel, viril et vulnérable, essayant de s’affirmer dans un monde violent. Moonlight est d’abord l’histoire d’une métamorphose, ou comment un gringalet martyrisé est contraint de devenir une montagne de muscles. Né dans un quartier défavorisé de Miami, Chiron a une vie difficile. Sa mère se drogue, son père est absent. Puis un jour il rencontre Juan. Loin des clichés, il n’est pas sauvé par une assistante sociale, mais par un dealer. Un homme d’une douceur infinie, le seul capable de laisser s’épanouir l’enfant. Car Moonlight est aussi le récit d’une sensibilité qui ne se résout pas à disparaître derrière une silhouette. Barry Jenkins lui donne chair, grâce à ses trois acteurs (la mine butée d’Alex Hibbert, la démarche dégingandée d’Ashton Sanders, le sourire retenu de Trevante Rhodes). En ce sens, c’est une réussite. Raphaël Nieuwjaer De Barry Jenkins, avec Alex R. Hibbert, Trevante Rhodes, Ashton Sanders… Sortie le 01.02

© Mars Distribution

Moonlight


Par ici les sorties !

www.lm-magazine.com


© Epicentre films

© Diaphana Distribution

Écrans – Sélection 60

Brothers of the Night

American Honey

Les « frères de la nuit » sont des jeunes Roms de Bulgarie qui vendent régulièrement leurs charmes dans les bars de Vienne. Loin du reportage à sensation glauque, Patric Chiha leur réserve un écrin digne de Werner Schroeter ou de Rainer W. Fassbinder. Les lumières, dans les teintes bleues, roses et jaunes, parent ainsi de façon resplendissante des propos souvent crus. Il sourd de ce film une évidente violence sociale. Mais aussi une manière de négocier les rapports de pouvoir au sein de la relation tarifée. C’est la force du documentaire : un art de l’ambivalence, du masque, du jeu, permettant aux hommes filmés d’apparaître dans toute leur complexité. Aux plus démunis, Patric Chiha sert une chose précieuse : l’image de la fraternité. Raphaël Nieuwjaer

Révélée en 2009 avec Fish Tank, Andrea Arnold est devenue l’une des grandes cinéastes actuelles de la jeunesse. Pour son premier film tourné aux états-Unis, elle suit une poignée de filles et de garçons lancée sur les routes pour se « faire du fric ». Gorgée de hip-hop, cette variation autour du Magicien d’Oz est un portrait impressionniste de l’Amérique, entre rêve et cauchemar. De fait, l’utopie de la communauté semble intimement liée à la violence de l’ultra-capitalisme. Contre le dollar-roi, Arnold offre néanmoins à ses personnages quelques troublantes échappées. La présence de la nature, des animaux – du moustique à l’ours –, donne au film son souffle, son ampleur. Dans ses meilleurs moments, American Honey se révèle d’une puissance cosmique. Raphaël Nieuwjaer

Documentaire de Patric Chiha. Sortie le 08.02

D’Andrea Arnold, avec Sasha Lane, Shia LaBeouf, Riley Keough… Sortie le 08.02



Écrans – Sélection 62

The OA Lorsque Prairie Johnson réapparaît après sept ans d’absence, ses parents ont du mal à reconnaître leur fille. Aveugle depuis l’enfance, elle a recouvré la vue… et affirme dorénavant s’appeler The OA. A-t-elle été enlevée ? Que cache-t-elle ? C’est à des adolescents atypiques et leur enseignante déboussolée que l’héroïne confiera son étrange histoire. Signée Zal Batmanglij et Brit Marling (aussi actrice principale), la série accumule les mystères. Elle floute les frontières entre science-fiction, thriller sophistiqué et rêverie mystique, dans une réalisation léchée et épurée. Réflexion sur le contact humain, le show révèle aussi rapidement un intérêt crucial pour les near death experiences. Mais en parlant de la mort, The OA aborde la vie avec passion. Sonia Abassi De Zal Batmanglij et Brit Marling, avec Brit Marling, Emory Cohen, Scott Wilson, Phyllis Smith… Disponible sur Netflix

Allergiques aux films à l’eau de rose, n’ayez crainte. Si le festival du film d’amour de Mons assume sa part de romantisme, il explore une palette de sentiments bien plus vaste. Le programme dispense d’abord une dose d’espoir plutôt bienvenue en 2017. Comme l’atteste la présence de Grand Corps Malade, venu défendre Patients, adapté de son propre livre, retraçant son expérience de rééducation après un grave accident. Il croise ici des invités comme Béatrice Dalle ou Jean-Marie Bigard ! Cette 33e édition s’annonce pour le moins iconoclaste… Citons Jesús (Guzzoni) qui dresse un sulfureux portrait de la jeunesse chilienne, ou Le Teckel de Todd Solondz. Sans oublier cette conférence sur le sexe à l’écran avec des personnalités du X ! Un choix logique pour Maxime Dieu, programmateur du festival : « la pornographie peut être liée à l’amour ou au manque d’amour ». Soit. Hugo Guyon Mons – 10 > 17.02, Plaza Art, Imagix Mons, Congres Hotel Mons Van der Valk, Théâtre royal, pass illimité : 30 €, pass 4 places : 20 €, ticket unique : 7 / 5 €, www.fifa-mons.be

© Mandarin Production / Gaumont

© Jojo Whilden / Netflix

FIFA




Style – Portrait 65

Dans la dentelle

Texte Marine Durand Photo Mei-Hui Liu, Whishing Dress, Pe 2015 © Regan Chen

Aussi brillants soient-ils, les stylistes belges ne sont pas les seuls à bousculer les codes de la haute couture. La Cité de la dentelle et de la mode de Calais déroule ainsi le tapis rouge à la jeune garde taïwanaise. Apujan, Shao-Yen Chen, Mei-Hui Liu : trois créateurs, trois univers, et autant de facettes d’une industrie encore méconnue.

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l aura fallu attendre 2017 pour qu’un musée français s’intéresse aux couturiers taïwanais. « Nous avons travaillé main dans la main avec deux commissaires locaux qui ont sélectionné des profils très différents », explique Shazia Boucher, responsable des expositions à la Cité de la dentelle. Entre un alchimiste mariant techniques artisanales et impression numérique, un ex de la Central Saint Martins fasciné par le surréalisme et une autodidacte adepte de l’upcycling, « les trois stylistes présentés, dont deux résident à Londres, montrent que la mode taïwanaise est ouverte sur le monde ».

créateur et par collection. On s’arrêtera sur le tricot virtuose d’Apujan, associé à des imprimés colorés, sur les silhouettes toutes en excroissances de Shao-Yen Chen, ou sur l’exubérante « wishing dress » de Mei-Hui Liu, où se mêlent les matières. Point d’orgue du parcours : la présentation, dans un même écrin, de trois créations spécialement réalisées pour l’exposition avec de la dentelle de Calais-Caudry (voir encadré p. 66). « C’est une façon de mettre en valeur notre savoir-faire régional », relève Shazia Boucher. Et peut-être de la faire rayonner, un jour, jusqu’à Taïwan.

Pont entre les cultures Dans un espace clair-obscur planté de vitrines sans vitres, pour désacraliser l’accès aux vêtements, prennent place environ 75 pièces réparties par

Calais – jusqu’au 23.04, Cité de la dentelle et de la mode, tous les jours sauf mardi : 10 h > 17 h (10 h > 18 h à partir du 01.04), 4 / 3 € / gratuit (-5 ans), www.cite-dentelle.fr


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Focus créations 1. Apujan Quand la rugosité de la laine et des tissages uniques d’Apujan rencontre la délicatesse de la dentelle calaisienne de My Desseilles, cela donne une robe longue pleine de contrastes, représentative du travail du Taïwanais. Le corsage croisé met en valeur les épaules, le chapeau tulipe réalisé au crochet apporte une touche mutine à cette élégante tenue de soirée.

2. Shao-Yen Chen Tout en s’appuyant sur les motifs ronds et triangulaires de la dentelle fournie par la maison caudrésienne Sophie Hallette, ce couturier signe une œuvre très personnelle. Racée et futuriste, sa tunique asymétrique ornée d’un œil couvrant un pantalon brodé abolit les frontières entre mode et art.

3. Mei-Hui Liu Seule créatrice du trio habituée à travailler la dentelle, notamment celle de l’époque victorienne, Mei-Hui Liu s’empare de l’étoffe noire à dessin géométrique offerte par la manufacture Darquer pour réaliser une robe fluide et glamour. Reposant sur des morceaux de tissu vintage, cette pièce renvoie au New York des années folles.



Premier plan : David Arrière plan : Media at War


Exposition – événement 69

Banksy Au pied du mur

Texte Julien Damien Photo Vues d’exposition © Julien Damien

Depuis près de 20 ans Banksy entretient le mystère. L’ambiguïté, aussi. Ses œuvres dénoncent les grands maux du monde (la guerre, l’ultra-capitalisme…) mais se vendent parfois plus d’un million d’euros, le couronnant roi d’un marché qu’il critique pourtant. Alors, artiste engagé ou génie du marketing ? Vandale ou vendu ? à vous de juger, à la lueur de cette exposition anversoise.

The Art of Banksy n’échappe pas à la contradiction qui entoure son sujet. Tout au moins dans la forme. Les œuvres de l’"artiviste" millionnaire sont accrochées au Shopping Stadsfeestzaal… un vaste centre commercial. Du genre clinquant. Imaginez : une quarantaine de boutiques lovées dans un espace de 20 000 m2 avec parquet en chêne et verrière dorée. Notons aussi le prix du ticket d’entrée, flirtant avec les 20 euros. Faute de goût ? Provocation ? « Chacun se fera sa propre opinion, mais notre but reste de toucher le plus de monde possible et l’endroit, par sa surface, est idéal » répond Chris Ford, collaborateur de Steve Lazarides.

Sale Ends

Police Kids


Napalm

à la décharge de Banksy, l’exposition n’est pas organisée avec son consentement. C’est son ex-agent (Lazarides, donc) qui en est l’initiateur. Le galeriste anglais a rassemblé plus de 80 pièces (sérigraphies, peintures, photos, sculptures…) issues de sa collection et d’autres, privées. Elles datent du début du millénaire. Leur collaboration s’étant achevée en 2007, cette rétrospective reste incomplète, mais révèle les multiples facettes d’un artiste fascinant. à commencer par cet esprit sarcastique constituant sa marque de fabrique, entre jeux de mots et détournements d’images. Ronald et Mickey Dans le monde revu par Banksy, des gamins s’ébattent gaiement avec des gilets pare-balles, des femmes pleurent la fin des soldes comme la perte d’un enfant, un émeutier balance un bouquet de fleurs tel un cocktail Molotov. Plus loin, Napalm met en scène Kim Phuc, cette fillette photographiée durant la guerre du Vietnam, nue et hurlant de douleur. Elle tient la main de Ronald McDonald et de Mickey, dézinguant dans un même geste la société de consommation et la politique étrangère de l’oncle Sam. Bref, le Bristolien n’épargne aucun sujet de société. « Selon moi, il est apprécié parce qu’il distille une idée, une émotion de façon très succincte, en une image. Vous pouvez montrer


Kate Moss

La Petite fille au ballon rouge en Chine ou à Londres, les gens comprendront toujours. Son langage est universel ». Si l’accrochage présente des œuvres iconiques (ces portraits warholiens de Kate Moss), on découvre aussi un pan plus méconnu de son travail. Tel ce tableau représentant un Christ crucifié, tenant à bout de bras des sacs de courses. C’est sur cette critique du consumérisme que le visiteur quitte l’exposition… pour se retrouver sous les dorures d’un temple de la consommation. Faites le mur, qu’il disait ! The Art of Banksy Anvers – jusqu’au 19.03, Shopping Stadsfeestzaal, tous les jours : 11 h > 19 h, 19,50 / 8,50 € (-16 ans) / gratuit (-6 ans), pass famille : 39,50 € (2 adultes + 2 enfants), theartofbanksy.be

Consumer Jesus



Exposition – Sélection 73

Pierre et Gilles Sacrés portraits

Texte Julien Damien Photo Ci-contre : Stromae Forever, 2014, Collection privée © Pierre et Gilles

Ils renouvellent l’art du portrait depuis quatre décennies. Leurs images mêlent photographie et peinture, humanisant les stars de ce monde ou magnifiant des inconnus. Le musée d’Ixelles consacre une grande rétrospective au duo formé par Pierre Commoy et Gilles Blanchard, plus connu sous le nom de… Pierre et Gilles, bien sûr ! à moins d’habiter une grotte au fin fond de l’Alaska, difficile d’ignorer Pierre et Gilles. « Oui, leurs œuvres appartiennent à l’imaginaire collectif, acquiesce Sophie Duplaix, commissaire de cette exposition. Pour autant, leur travail est parfois jugé "léger". Ils abhorrent par exemple l’adjectif "kitsch" qu’on leur prête souvent. Cet accrochage reconsidère ainsi leur art dans toute sa complexité ». Celui-ci se caractérise par une technique sophistiquée. Le Nina Hagen, 1993, Collection privée © Pierre et Gilles couple esquisse un dessin avant de façonner le décor… « Pierre effectue ensuite la prise de vue en studio, et Gilles peint sur ce tirage unique ». Une méthode précise, au service d’une esthétique reconnaissable au premier regard. Ces tableaux télescopent culture populaire (cinéma, BD, porno…) et références tous azimuts, issues de la mythologie, des religions, des contes…


Les deux marins Pierre et Gilles, 1993, Museum of Fine Arts, Houston © Pierre et Gilles

Jeunesse éternelle Un point commun traverse toutefois ces portraits, de Nina Hagen vêtue de cuir et attachée à une chaise jusqu’à Stromae en larmes, en passant par Zahia en Marianne, toute poitrine dehors : « Pierre et Gilles mettent en scène la fragilité de l’humanité. Ils nous en livrent une image idéalisée ». Cristallisant pour l’éternité la jeunesse et la beauté, avant que les corps se fanent à jamais. « On sent aussi chez eux une profonde empathie pour l’Homme. Ils l’accueillent dans toute sa diversité, sans jamais introduire de jugement moral ». Cette rétrospective révèle Marianne (Zahia Dehar), 2015, Collection privée une centaine d’œuvres, des années 1970 © Pierre et Gilles à nos jours. Thématique, le parcours s’articule autour d’alcôves rassemblant "des familles" : les saints, les voyous, les marins… « Ces tableaux suscitent l’imagination et de beaux dialogues, Pierre et Gilles, clair-obscur on va raconter beaucoup d’histoires ». Bruxelles – 16.02 > 14.05, Musée d’Ixelles, mar > dim : 9 h 30 > 17 h, 8 / 5 € / gratuit (-18 ans), On n’en doute pas ! www.museedixelles.irisnet.be


Mercure (Enzo Junior), 2001, Collection privée, Courtesy Noirmontartproduction, Paris © Pierre et Gilles


Art Up ! Pièces de collection

Texte Marine Durand Photo Knokke Heist © Socorristas de Biarritz X-X

Déjà dix bougies pour Art Up !, devenue la première foire d’art contemporain en région. Si Didier Vesse, son directeur, y voit « le signe d’une certaine maturité », il veille à améliorer constamment cette manifestation qu’il pilote depuis 2010. Focus sur les grands axes de cette édition. « Attirer le public, et surtout faire en sorte qu’il revienne ». Voilà le leitmotiv qui anime Didier Vesse depuis sa première participation à la foire d’art contemporain de Lille, comme exposant, en 2008. à l’écoute des visiteurs, toujours plus nombreux (31 000 l’an dernier), mais aussi des 100 galeristes du monde entier, le maître de cérémonie n’a pas perdu de vue son objectif : « transformer les néophytes en amateurs, puis en acheteurs et, enfin, en collectionneurs ».

Archi favorite Pour laisser plus de place aux œuvres dans l’enceinte de Lille Grand Palais, et provoquer le coup de cœur, le nombre d’artistes a été réduit à 300, tandis que le thème « Ar(t)chitectures » gagne en surface. « On le retrouve dans l’espace Révélation by Art Up !, qui montre le travail de jeunes artistes issus d’écoles de la région, dans plusieurs conférences et sur un quart des stands. C’était une évidence tant l’architecture, au carrefour de toutes les formes d’art,

Lille – 02 > 05.03, Lille Grand Palais, jeu : 11 h > 23 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 10 h > 20 h, 10 > 7 € / gratuit (-10 ans), revisite offerte, www.art-up.com


Exposition – Sélection 77

a retrouvé de l’importance sur la scène culturelle ». Performance live du street-artist Jiem, partenariats avec LaSécu et la Maison de la photographie, Nuit de l’art, plusieurs temps forts sont à découvrir au milieu de l’abondance de peintures, sculptures ou installations en 3D qui font le succès de la foire. De quoi être surpris, fasciné, émerveillé… et vouloir revenir l’année d’après.


Catherine Rannou, L’Agence Internationale (détail), 2014 © Catherine Rannou

FRAC Nord-Pas de Calais

Nouvelle ère Keren Detton, directrice du FRAC Nord-Pas de Calais depuis avril dernier, inaugure en 2017 sa propre programmation artistique. « Fermé pour montage » en janvier, l’impressionnant édifice de verre, sis face à la mer dans le quartier du Grand Large de Dunkerque, rouvre avec trois expositions confrontant l’art contemporain à d’autres champs. Après une période de transition nécessaire à la direction du FRAC, Keren Detton a recentré le projet sur les fondamentaux. « Je souhaite mettre en valeur la collection, avec un nouveau cycle annuel de sept expositions in situ combiné à une importante diffusion hors les murs », explique la directrice. L’exposition Les objets domestiquent, qui prend place au 4e étage, met en lumière les liens entre l’art et le design. De la composition de mobilier de Dejanov et Heger (Plenty Objects of Desire) à l’armoire sans fond détournée par Maurizio Cattelan (Sans titre), les pièces sélectionnées questionnent aussi notre rapport d’attraction/répulsion aux objets du quotidien. Un étage plus bas, le visiteur peut pousser la porte de L’Agence internationale, sorte d’agence d’architecture imaginée par Catherine Rannou après deux mois d’exploration du Dunkerquois et inventoriant des constructions étonnantes. Le troisième temps fort salue la mémoire du photographe belge Michel Vanden Eeckhoudt, décédé en 2015. Ses représentations d’animaux « faisaient partie de la première salve d’acquisiLes objets domestiquent : jusqu’au 27.08 tions du FRAC, en 1983 », note Keren L’Agence internationale, Anne, Jean-Philippe et Richard de Catherine Rannou : jusqu’au 09.04 Detton. Une exposition-hommage à ne Michel Vanden Eeckhoudt : jusqu’au 30.04 Dunkerque – Frac, mer > ven : 14 h > 18 h, sam & pas manquer. Marine Durand

dim : 11 h > 19 h, 3 / 2 € / gratuit (-18 ans), fracnpdc.fr



Animas, Havana Cuba, 2016 © Wim de Shampheleare

Standard Time © Mark Formanek

L’éloge de l’heure

Wim De Schamphelaere

Comment représenter l’heure ? Un sujet simple qui n’en est pas moins intrigant. Cette exposition a été conçue par le MUDAC de Lausanne, ville réputée pour son horlogerie. En faisant dialoguer leurs œuvres avec des objets du xvie siècle à nos jours, les artistes et designers rivalisent d’inventivité pour détourner les traditions, telle cette pendule qui tricote les minutes au fil du temps. Une manière élégante (et pratique) de sortir du cadran. H.G.

Pas banales, ces photographies. Par la taille déjà. Ces images peuvent mesurer jusqu’à 8 mètres de long. Elles se distinguent aussi par la technique employée : ces clichés de paysages du monde entier (de Cuba à l’Ethiopie) sont en réalité constitués de centaines de prises de vue ! Le globe-trotter anversois recompose sur ordinateur diverses scènes d’un même lieu qu’il a capturées, rassemblant des êtres qui ne se trouvaient pas là au même instant. La réalité augmentée en quelque sorte. J.D.

Hornu – jusqu’au 30.04, CID, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be

Charleroi – jusqu’au 07.05, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 2 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be

Bruxelles – jusqu’au 10.09, L’Atomium, tlj : 10 h > 18 h, 12 > 6 € /  gratuit (-6 ans), atomium.be

© Curatele Sabena / kmkg-mrah

SABENA - Voyager glamour SABENA, un acronyme qui réveillera des souvenirs chez certains mais qui ne dira rien aux plus jeunes. Pourtant, il fut un temps où la compagnie aérienne était le joyau d’une Belgique rayonnant à travers le monde. L’Atomium dévoile à travers des modèles réduits, costumes ou affiches vintage, l’histoire de cette pionnière chic de l’aviation, des débuts jusqu’à sa faillite brutale en 2001. Un vol direct pour une aventure humaine de 78 ans. Parés au décollage ! H.G.



Exposition – Sélection 82

Que l’on ait lu ou non ces albums, on a tous à l’esprit l’image d’On a marché sur la Lune, signée Hergé, ou de La Marque jaune, par Edgar P. Jacobs. Ni chronologique ni exhaustif (tâche impossible), l’accrochage se penche sur les étapes de la conception d’une couverture, du premier jet à l’achèvement, en passant par la composition, le choix des couleurs… Enrichi de vidéos très instructives, il réunit des dizaines de moyens et grands formats qui ont marqué l’histoire de la BD. Bruxelles – jusqu’au 28.05, CBBD, tlj : 10 h > 18 h, 10 > 3,50 €, www.cbbd.be

en famille

Poison

Jeanloup Sieff

Des mygales velues, des serpents de toutes les couleurs, des grenouilles qu’il ne vaut mieux pas embrasser… Répartie dans 24 terrariums derrière des vitres blindées (!), une centaine de bestioles bien vivantes et venimeuses révèle toutes les facettes du poison. Si certaines peuvent nous liquider en moins de deux, d’autres nous sauveraient la vie. La toxine de ce mocassin à tête cuivrée (une vipère) aurait ainsi le pouvoir d’enrayer le cancer. Moche, mais sympa.

On s’est tous arrêtés devant une photographie de Jeanloup Sieff. Ses tirages en noir et blanc de mode, de nus féminins ou ses portraits des icônes du siècle passé ont marqué notre histoire moderne. Citons ce cliché d’Yves Saint Laurent nu et assis en tailleur, celui d’un Coluche songeur ou encore de Serge Gainsbourg et Jane Birkin tendrement enlacés. Disposés chronologiquement, près de 180 de ses clichés dévoilent une œuvre foisonnante.

Bruxelles – jusqu’au 03.09, Muséum des sciences naturelles, mar > ven : 9 h 30 > 17 h, sam & dim : 10 h > 18  h, 9,50 > 7 € / gratuit (-6 ans), www.naturalsciences.be en famille

Charleroi – jusqu’au 07.05, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 2 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be

Ceci n’est pas une copie Le plagiat, c’est mal. Pour autant, la créativité n’est-elle pas une forme de recyclage inspiré ? Les artistes ne sont-ils pas influencés par ce qui a été conçu avant eux ? à l’heure du « copié-collé » généralisé, le CID se penche sur la question de l’imitation à travers une série d’œuvres, telle Kiosk, l’intriguant scanner 3D du duo belgonéerlandais Unfold. Celui-ci nous projette dans un avenir (proche) où chacun peut imprimer les objets qu’il souhaite. Avec quelles conséquences ? Hornu – jusqu’au 26.02, CID, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 5 / 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be

© CBBD / DR

L’art de la couverture



Exposition – Sélection 84

LaToya Ruby Frazier et Lewis Baltz LaToya Ruby Frazier a grandi à Braddock, cité sidérurgique emblématique des états-Unis. Ses photos témoignent de l’impact de la désindustrialisation sur l’Homme. Lors de sa résidence au MAC’s, elle s’est aussi penchée sur le Borinage en rencontrant d’anciens mineurs, dessinant à travers ces deux œuvres une histoire universelle. En parallèle, on découvre les clichés de Lewis Baltz, disparu il y a deux ans, et en particulier ses Sites of Technology, série dénonçant le revers d’une société technoscientifique. Hornu – 19.02 > 21.05, Mac’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be

Flénu, Borinage © LaToya Ruby Frazier

Christian Voltz. Poésie bidouillée

Alechinsky. Marginalia, plume et pinceau

Bienvenue dans un monde en fil de fer, carton et bouts de tissu ! Auteur et illustrateur de livres pour enfants, voilà plus de 20 ans que Christian Voltz conte des histoires peuplées de petits personnages conçus avec des matériaux de récupération. Entre les jouets revisités à la sauce bidouille (un aspirateur-fusée, un garage en bidons…) ou ses drôles de bonshommes et animaux, on découvre aussi des céramiques, des gravures… soit les multiples facettes d’un inventeur génial.

Pierre Alechinsky est réputé pour son travail mêlant expressionnisme et surréalisme. C’est toutefois une facette plus méconnue du Belge qui est dévoilée ici : son œuvre autour des mots. Un retour aux origines pour celui qui a d’abord étudié l’illustration du livre à La Cambre, à Bruxelles. On découvre ainsi des images accompagnant des ouvrages de Balzac ou Michel Butor, des gravures et lithographies réalisées avec ses amis écrivains ou ces encres inspirées par les vers de Cendrars.

Lambersart – jusqu’au 26.02, Le Colysée, mer > sam : 13 h > 18 h, dim : 13 h > 19 h, gratuit, lambersart.fr

Le Cateau-Cambrésis – jusqu’au 12.03, Musée Matisse, tlj sf mardi : 10 h > 18 h, 5 / 3 € /  gratuit (-18 ans), museematisse.lenord.fr

en famille

Speedy Graphito, un art de vivre Le Musée du Touquet-Paris-Plage consacre une grande rétrospective à un pionnier du street-art français. Speedy Graphito s’est fait connaître dès les années 1980 avec ses graffs détournant la culture populaire. Celui qui se définit comme un « DJ des arts plastiques », jonglant avec la photo, la peinture, la sculpture, invente un monde où Picsou tague tandis que Blanche-Neige croque la pomme d’Apple. Ses œuvres interrogent notre mémoire collective, l’histoire de l’art ou le consumérisme. Le Touquet – jusqu’au 21.05, tlj sf mardi : 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.letouquet-musee.com



Miroirs Révélateur ou trompeur, le miroir demeure un objet familier de l’histoire de l’art. Une trentaine d’œuvres issues de l’Antiquité à nos jours en révèlent ici les multiples facettes. Il reste bien sûr l’accessoire de beauté, comme le montre cette eau forte de Marcel Gromaire, mais est aussi synonyme de vérité et surtout d’illusion : citons le facétieux Markus Raetz, dont les glaces font apparaître une image différente de l’objet reflété ! à réfléchir… Lens – jusqu’au 18.09, Louvre, tlj sf mar : 10 h > 18 h, gratuit, www.louvrelens.fr

Emmanuelle Flandre En chantier

Georges Dorignac Le trait sculpté

« être créateur, c’est mettre en relation des choses qui existent déjà et que personne n’a mises ensemble », selon Jean Nouvel. Emmanuelle Flandre le prend au pied de la lettre. Tréteaux, escabeaux… Les objets du quotidien constituent en effet la matière première de ses créations. La plasticienne les détourne de leur fonction pour réaliser des sculptures, images ou installations. Celles-ci questionnent ainsi leur nature même, et notre propre perception de l’art.

Soutenu par Modigliani ou Soutine, Georges Dorignac demeure une figure inclassable du début du xxe siècle. Les dessins du Bordelais, exécutés à la sanguine ou au fusain, semblent avoir été sculptés dans le papier. Ses grandes feuilles montrent des nus ou des portraits, souvent de travailleurs et de paysans. Surtout, elles illustrent le fascinant équilibre entre la lumière, l’ombre ou les volumes que maîtrisait cet artiste méconnu.

Lille – jusqu’au 12.02, maison Folie Moulins, mer, jeu & dim : 14 h > 18 h, ven & sam : 14 h > 19 h, gratuit, maisonsfolie.lille.fr

Roubaix – jusqu’au 05.03, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, we : 13 h > 18 h, 5,50 / 4 € / gratuit (-18 ans), roubaix-lapiscine.com

Michel Nedjar, introspective Evoquer Michel Nedjar, c’est d’abord penser à ses célèbres et effrayantes poupées, constituées de chiffons ramassés ça et là et trempés dans des bains de boue ou de sang. Pour autant, sa production s’avère bien plus vaste. On découvre ici, en plus de ces œuvres en tissu, des sculptures, dessins, peintures ou films expérimentaux, à travers un parcours chronologique et thématique rassemblant plus de 350 pièces. Un voyage entre magie et enfance, vie et mort. Villeneuve d’Ascq – 24.02 > 04.06, LaM, mar > dim : 10 h  > 18 h, 10 / 7 € / gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr

François Grenier de Saint Martin, La Prudence, 1818, Bergues, Musée du Mont-de-Piété © Musée du Mont-de-Piété / Ville de Bergues

Exposition – Sélection 86



Théâtre & danse – Sélection 88


Les Petits Pas Grand mouvement

Texte Patricia Gorka Photo R+O © Cyril Entzman

Pleins feux sur la 12e édition du festival Les Petits Pas, temps fort jeune public du centre chorégraphique le Gymnase. Sa particularité ? Il est exclusivement consacré à la danse. Au programme : une dizaine de spectacles, de jolies rencontres artistiques et des ateliers pour se mettre… au pas. D’emblée, on allonge la foulée pour suivre le festival : du Gymnase au Grand Bleu, de la Rose des Vents au Prato, en passant par la maison Folie Beaulieu… Durant une semaine, les propositions chorégraphiques fleurissent dans la métropole lilloise. Pas glissé, chassé, de deux ou de trois… les façons d’appréhender le mouvement sont nombreuses. Cela tombe bien, le thème principal de cette 12e édition est la perception. « Chaque spectacle aborde la question à sa manière, explique Célia Bernard, la programmatrice. Nous tenons surtout à amener la danse où les spectateurs l’attendent le moins… ». Jeux de mains Parmi les belles surprises, citons la création de Nabil Ouelhadj, à deux mains, où les doigts des interprètes servent une drôle de chorégraphie inspirée du hiphop. Dans un autre registre, virtuel cette fois, Méduses du street-artist Vincent Glowinski (aka Bonom) et de Jean-François Roversi donne la parole au corps via un dialogue entre un danseur et des dessins réalisés en direct sur grand écran. Les artistes évoluent dans l’obscurité, sont peints en blanc et éclairés d’une lumière fluo. Leurs gestes sont Métropole lilloise – 03 > 11.02, Gymnase, Studio du CDC, Ballet du captés par une caméra puis projetés Nord, Baraka (Roubaix), Le Grand Bleu, en arrière-plan. Le résultat est blufle Prato (Lille), La Rose des Vents (Villeneuve d’Ascq), maison Folie Beaulieu (Lomme), Institut fant. Enfin, rejoignant le cirque, deux du Monde Arabe (Tourcoing), Château de Robersart (Wambrechies), divers horaires, 1 spectacle : acrobates se jouent avec poésie de 15 > 3 €, pass duo (1 adulte + 1 enfant) : 10 €, la gravité dans le vertigineux R+O de Le Petit Pas Pass : 20 € / 5 places, www.gymnase-cdc.com Kitsou Dubois. Diverses pistes donc, Sélection : Méduses (V. Glowinski & J.-F. Roversi) mais pas de faux pas pour ce festival (03.02) // Un Cerf au sabot d’argent (Nathalie dont la prochaine édition est déjà préBaldo) (05 > 07.02) // à deux mains (Nabil Ouelhadj) (05 > 09.02) // R+O (Kitsou Dubois) (07.02) vue en décembre. // Happy Manif (David Rolland) (10 & 11.02)… en famille


Théâtre & danse – Sélection 90


Les Karyatides Pas si classiques

Texte Flora Beillouin Photo Yves Gabriel

Depuis près de dix ans, cette compagnie belge révise nos classiques sur un petit plateau de théâtre. En moins d’une heure, Les Karyatides réveillent les mythes de la littérature à l’aide de santons ou de vieilles boîtes de biscuits ! Cette fois, ce sont Les Misérables qui passent à table, subisssant quelques gentils « anachronismes et sabotages ». Rencontre avec un « théâtre populaire, visuel et poétique ». Après Madame Bovary et Carmen, Marie Delhaye et Karine Birgé visaient une œuvre politique, en accord avec leur fibre « sociale et révolutionnaire ». Les Karyatides ont alors retenu Les Misérables et le souffle de Victor Hugo qui a nourri leur imaginaire romantique. La compagnie, qui compte deux comédiennes et pas moins de 19 travailleurs de l’ombre, revendique une certaine lenteur. Ce « travail laborieux d’ouvrières » repose sur d’innombrables allersretours entre plateau, marché aux puces, écriture, collecte de documents. « On glane, on aime beaucoup Agnès Varda ! glisse Karine. Nous laissons infuser nos pièces deux ou trois ans, comme un bon thé, pour en révéler tout l’arôme ». Fidèle Ce temps leur permet d’esquiver l’écueil du résumé. « Nous tentons de garder l’esprit d’Hugo, tout en trahissant sa langue ». L’esthétique, elle aussi, est conçue sur-mesure, en écho à l’univers du livre. Représenter Jean Valjean s’est avéré délicat. « Le plastique ? Quelle tristesse ! ». Les comédiennes Les Misérables se sont donc tournées vers le bois : un vieux La Louvière – 03.02, Le Palace, santon, de ceux qui représentent les petits ven : 20 h, 13 / 10 €, www.ccrc.be Arlon – 15 & 17.02, Maison de la métiers. D’autres sont en terre cuite de ProCulture, 20 h 30, Complet ! vence ou en porcelaine. « Des objets déglingués, Liège – 10.03, Les Chiroux, 19 h 45, 8 / 5 €, www.chiroux.be pas tout neufs, c’est idéal pour raconter des Carmen histoires ! ». Pour le reste, elles font confiance Bruxelles – 21 > 22.02, à l’imagination des spectateurs, stimulée Théâtre des Martyrs, mar : 19 h, mer : comme jamais. 20 h 15, 13  >  7 €, theatre-martyrs.be en famille


La plume dans la plaie Troisième édition déjà pour ce festival biennal. Initié par le Théâtre du Prisme, il dévoile de jeunes auteurs méconnus à travers des lectures théâtralisées « en prise directe » avec notre actualité. Les mots pour dire les maux, en somme. Comment décrire une lecture-spectacle ? « C’est simple : un texte est lu par un ou plusieurs comédiens dans une mise en espace très épurée. Cela dure souvent moins d’une heure », éclaire Capucine Lange, la directrice du festival. Lieu de rencontres artistiques, Prise Directe encourage volontiers les formes hybrides. Citons le documentaire-spectacle sur la Palestine Décris-Ravage, d’Adeline Rosenstein, soit « du journalisme vivant, nourri d’interviews, de documents d’archives et même de danse ». Défricheur dans la forme donc, mais aussi le fond. Ce festival révèle des auteurs contemporains, dénichés à l’étranger. « Certains textes sont même traduits pour le festival ». Leur point commun ? « Ils abordent tous des questions sociales, politiques ou humaines très actuelles », comme la place des femmes, les réfugiés ou encore le monde du travail, tel que développé dans 7 minutes de l’Italien Stefano Massini, et interprété par des professionnelles et amatrices. L’histoire ? « 11 ouvrières négocient la sauvegarde de leur usine avec des patrons… L’entreprise peut survivre mais en contrepartie, leur pause d’un quart d’heure doit être Métropole lilloise + Mouscron – 03 > 10.02, maisons Folie Wazemmes et Moulins, Le Prato, Le Grand Bleu, amputée de 7 minutes. Un sacriL’Antre-2, Librairie Dialogues Théâtre, Ferme d’en Haut, Université de Lille 1, Théâtre de l’Oiseau-Mouche, fice pas si anodin… ». Et terribleBibliothèque de Mouscron, 1 j. : 10 > 6 € / gratuit, ment actuel, hélas. Julien Damien www.prisedirecte-festival.fr

© Manuella Anckaert

Théâtre & danse – Sélection 92

Prise Directe



Théâtre & danse – Portrait 94

Abracadabrante Texte Marie Pons Photo Danny Willems


Venue de Nouvelle-Zélande et installée à Bruxelles depuis plusieurs années, Kate McIntosh concocte des pièces surprenantes, emplies d’objets détournés, d’humour absurde et de réflexions scientifico-magiques sur l’existence. Portrait d’une illusionniste de la performance.

D

ans un spectacle de Kate McIntosh, rien ne se perd et tout se transforme. Quelques chaises et des sacs en papier traînés sur le sol simulent une pluie battante tandis que le bruit de notre respiration sert la bande son (All Ears). Parfois, on est même invités à rafistoler des bibelots détruits par d’autres spectateurs (Worktable). Son monde ressemble à une fabrique surréaliste où, en laborantine espiègle, elle manie les objets et les idées avec la même aisance. Qu’elle expose les lois de l’univers en robe à paillettes vertes dans Dark Matter ou ausculte nos émotions telle une météorologue dans All Ears, la Néo-Zélandaise brouille la frontière entre le tangible et le mystérieux.

Interaction Formée à la danse classique et contemporaine en Australie, Kate McIntosh débarque en Europe à l’âge de 19 ans. Elle rejoint d’abord de grands chorégraphes en tant qu’interprète, dont Michèle Anne De Mey et Tim Etchells. C’est en 2004 qu’elle développe ses propres projets... Elle embrasse alors toutes les possibilités qu’offre la performance : elle crée des installations vidéo,

devient membre du collectif belge PONI, s’inspire des arts plastiques. « Surtout, j’ai pris la parole, commencé à communiquer avec le public. Ce fut sacrément libérateur » se souvient-elle. Ce lien avec les spectateurs devient le moteur de son art. « J’aime les pièces qui n’imposent pas un point de vue. Je m’adresse à l’imaginaire de chacun » préciset-elle. Une démarche à l’origine de In Many Hands, sa dernière création, qui place le public au centre de l’action. On s’installe autour d’une table dans la pénombre pour faire circuler des objets énigmatiques, suscitant des réactions spontanées et mettant en jeu le toucher, l’odorat et l’ouïe de chacun. « La pièce dépend du groupe, de la sensibilité et la façon dont chaque individu perçoit le monde ». Lequel devient dès lors fascinant.

In Many Hands Courtrai – 17 & 18.02, Kunstencentrum Buda, 20 h 30, 5 €, www.budakortrijk.be Valenciennes – 02 & 03.03, Le Phenix, jeu : 19 h, ven : 16 h & 20 h, 10 > 4 €, www.lephenix.fr (Cabaret de Curiosités) Bruxelles – 31.03 & 01.04, Kaaitheater, ven : 20 h 30, sam : 19 h, 12 > 6 €, kaaitheater.be

à visiter : www.spinspin.be


à travers chants Fidèle à ses (nouvelles) habitudes, le Théâtre du Nord propose une forme hybride, empruntant autant au théâtre qu’à la musique et à la littérature. François Morel crée ici Poète-Pouet !, une lecture un peu spéciale, en forme d’hommage à des auteurs tels que René Fallet ou Francis Blanche. « La poésie du quotidien (…), celle du verre de rouge et de l’accordéon, celle des sémaphores et des fleurs sauvages (…). La poésie du presque rien, de la banalité. » Dans sa note d’intention, François Morel annonce une soirée avec « des flonflons, des chansons et des frissons ». L’humoriste, chanteur, acteur et chroniqueur promet un joli moment avec cette lecture musicale, créée pour le Théâtre du Nord. Lors de cette première, il est accompagné du musicien Antoine Sahler, multi-instrumentiste, et plus virtuellement des artistes qu’il affectionne : Jean Tardieu, Aristide Bruant ou Fernand Raynaud. Une carte blanche, donc, que le Centre dramatique national se plaît à offrir. « Le projet que nous défendons depuis 2014 est fondé sur l’ouverture », détaille Anne-Marie Peigné, directrice des publics et du développement. Résultat : de beaux moments, comme un concert de Rosemary Standley, un spectacle d’Alexis HK saluant Georges Brassens ou encore, bientôt, la lecture musicale proposée par Gaël Faye, Goncourt des Lycéens 2016 pour Petit pays (le 14 avril). Anne-Marie Peigné apprécie ces « pas de côté » : « On aime bien quand le cadre n’est pas tout à fait fixe. Cela rend l’ensemble plus vivant. » Nous aussi. Marie Tranchant

Lille – 14.02, Théâtre du Nord, 20 h, 20 > 10 €, theatredunord.fr

François Morel & Antoine Sahler © Manuelle Toussaint

Théâtre & danse – Sélection 96

Poète-Pouet !



© Anne Van Aerschot

Théâtre & danse – Sélection 98

Rain Depuis les années 1980, Anne Teresa De Keersmaeker ne cesse de renouveler le langage chorégraphique. Dans son répertoire, cette pièce tient une place de choix, acquérant un statut d’œuvre culte. Créé en 2001, ce ballet offre un concentré du style ATDK : la répétition, la forme mathématique, la spirale… Encerclés par un rideau de pluie formé de cordelettes, dix danseurs suivent la musique entêtante de Steve Reich (Music for 18 Musicians) jouée en direct par l’ensemble Ictus. Le mouvement devient une sorte de folie, « qui passe de corps en corps sans jamais s’arrêter sur personne », donnant vie à une énergie contagieuse. J.D. Lille – 08 > 10.02, 20 h, 23 > 5 €, www.opera-lille.fr // Louvain – 08 > 10.03, 30CC, 20 h, 30 > 22 €, www.30cc.be Charleroi – 14.03, Palais des Beaux-Arts, 20 h, 15 > 10 €, www.charleroi-danses.be

Un dentiste annonce à son amante qu’il quitte sa femme pour elle. Problème : cette dernière tient à rencontrer l’épouse éconduite… qui n’existe pas ! Notre mythomane propose donc à son assistante de jouer le rôle de la divorcée, alors qu’elle est secrètement éprise de lui… Michel Fau et Catherine Frot prolongent leur complicité aperçue dans le film Marguerite, au service de ce vaudeville féministe de Barillet et Grédy écrit en 1964, mais toujours aussi piquant. J.D. Roubaix – 02 & 03.03, Le Colisée, 20 h 30, 50 > 15 €, www.coliseeroubaix.com Boulogne-sur-Mer – 03.05, Théâtre Monsigny, 20 h, 26 > 18 €, www.ville-boulogne-sur-mer.fr

© Marcel Hartman

Fleur de cactus



Théâtre & danse – Sélection 100

Black Clouds

Liège – 03 & 04.02, Manège de la Caserne Fonck, 20 h 15, 16 > 14 € Bruxelles – 17 > 24.02, Théâtre National, mar & jeu > sam : 20 h 15, mer : 19 h 30, dim : 15 h, 20 > 11 €, www.theatrenational.be Mons – 17 & 18.03, Théâtre le Manège, 20 h, 15 > 9 €, surmars.be

La Cambiale di matrimonio

Bovary

Gioacchino Rossini / J.C. Malgoire / Laurent Serrano

Gustave Flaubert / Tiago Rodrigues

Un négociant anglais décide de vendre par correspondance sa fille unique (amoureuse d’un pauvre) à un propriétaire canadien. S’enchaînent alors quiproquos et coups de théâtre… dans un délire jubilatoire. écrite par un Rossini à peine âgé de 18 ans, cette farsa comica en un acte est mise en scène par Laurent Serrano, sous la direction musicale de Jean Claude Malgoire. Leur version restitue l’œuvre originale en la jouant avec des instruments d’époque !

Encore une adaptation du chefd’œuvre de Flaubert ? Pas tout à fait. Dans Bovary, Tiago Rodrigues met en scène le procès intenté en 1857 à l’écrivain pour outrage aux bonnes mœurs et à la religion. Sur scène, au milieu de pages éparpillées, cinq comédiens interprètent une dizaine de personnages, rejouant les joutes judiciaires. Le directeur du Théâtre national de Lisbonne pose ici la question de la liberté artistique. Pas la moins contemporaine…

Tourcoing – 05, 07 & 09.02, Théâtre municipal Raymond Devos, dim : 15 h 30, mar & jeu : 20 h, 45 > 33 €, www.atelierlyriquedetourcoing.fr

Valenciennes – 07 & 08.02, Le Phénix, 20 h, 23 > 10 €, www.lephenix.fr

Le Garçon incassable Florence Seyvos / Laurent Vacher / Cie du Bredin

Adaptée du roman de Florence Seyvos, cette pièce de Laurent Vacher met en scène une jeune femme enquêtant sur la vie de Buster Keaton. Elle observe des points communs avec l’histoire de son "frère" handicapé Henri. Pour soutenir le parallèle, le jeu de la comédienne est accompagné d’une projection de Steamboat Bill Jr. du cinéaste muet et des tours de fakir de Benoît Dattez. Une façon subtile d’illustrer notre rapport au corps et à la douleur. Béthune – 07 > 10.02, La Comédie, 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org

© Andréa Dainef

Fabrice Murgia / Cie Artara

Fabrice Murgia pousse toujours plus loin la réflexion sur les frontières. Dans sa nouvelle création, il s’intéresse à Internet. Des escroqueries orchestrées par les brouteurs, ces pirates du web ivoiriens qui séduisent des Occidentaux, à la fracture numérique Nord-Sud, voici une plongée drôle et poétique dans le deep web. Interprétée par quatre comédiens, nourrie de vidéos, voici une pièce onirique et, pourtant, terriblement réaliste.



Speak ! Stand Up Tall Productions / Sanja Mitrovic

© Bea Borgers

120 ans après l’essai de Gustave Le Bon, l’artiste serbe Sanja Mitrovic tente de décrypter la psychologie des foules. Au cours de huit joutes oratoires, les discours de figures historiques comme Gandhi, Jean Jaurès, Gorbatchev ou Saddam Hussein s’opposent. Le public est mis à contribution en votant pour la rhétorique qu’il juge la plus convaincante. Une œuvre singulière sur le pouvoir des mots, salutaire en ce contexte électoraliste propice à la démagogie. Villeneuve-d’Ascq – 07 > 10.02, La Rose des Vents, mar, mer, ven : 20 h, jeu : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr

Réparer les vivants

Un temps de chien

Emmanuel Noblet / Maylis de Kerangal

Brigitte Duc / Fabrice Gardin

Réparer les vivants raconte la folle épopée d’une transplantation : celle du cœur de Simon, 19 ans, en état de mort cérébrale suite à un accident de la route, dans la poitrine de Claire, 50 ans, condamnée par la maladie. Emmanuel Noblet donne vie à la chaîne humaine se constituant au fil du récit en incarnant seul (presque) tous les personnages. Le décor se résume à une planche de surf et deux chaises… Précise et poétique, la langue de Maylis de Kerangal n’en est que sublimée.

Trois inconnues se retrouvent coincées dans une arrière-salle de café. Il y a là une femme d’affaires débordée, une mère célibataire et une fille un peu paumée... Sous le regard goguenard d’un garçon de café misogyne, elles exposent leurs déboires sentimentaux. Au fil de la pièce, ces femmes vont s’entraider pour reprendre pied. Deuxième pièce écrite par Brigitte Buc, ce huis clos envisage la perte des repères dans notre société de manière drôle et poétique.

Bruxelles – 07 > 11.02, Théâtre Les Tanneurs, 20 h 30 (sf mer : 19 h 30), 12 > 5 €, lestanneurs.be Valenciennes – 28 > 31.03, Le Phénix, 20 h, sf mer : 18 h, 17 > 10 €, www.lephenix.fr

Bruxelles – 08.02 > 05.03, Théâtre des Galeries, 20 h 15 + 15 h (12 / 18 & 19.02) // 15 h : 26.02 & 05.03), 25 > 12 €, www.trg.be

Regarde les lumières mon amour Les fous à réAction [associés] / Annie Ernaux

Tenanciers d’un « théâtre nomade de proximité », Les fous à réAction adaptent Regarde les lumières mon amour, d’Annie Ernaux. Soit le récit de ses escapades dans un hypermarché, ce « grand rendez-vous humain » contemporain. Sur le plateau, une comédienne seule restitue les mots de l’auteur dans un décor épuré, et des témoignages vidéo d’usagers livrant leurs anecdotes de grandes surfaces sont intégrés au spectacle. Non, vous ne ferez plus vos courses comme avant. Saint-Pol-sur-Mer – 10.02, Maison de quartier Guéhenno, 17 h, gratuit, www.lebateaufeu.com Somain – 04.03, Centre socio-culturel Adolphe Largiller, 20 h, gratuit, cscmlargiller.jimdo.com Dunkerque – 31.03, Maison de quartier de Rosendaël centre, 18 h, gratuit, www.lebateaufeu.com



Théâtre & danse – Sélection 104

Vends 2 pièces à Beyrouth Jérémy Ferrari

Jérémy Ferrari fait rire de thèmes fâcheux sans virer facho – contrairement à d’autres. Dans son dernier one-man-show, il s’amuse de la guerre (« T’avais pas un attentat-suicide ce matin ? Et alors, ça s’est bien passé ? ») en tentant « d’être plus drôle que choquant ». Peut-être est-ce le secret ? à noter : il ouvre le Smile and Song Festival du Cirque Royal de Bruxelles avec ses "duos impossibles", conviant entre autres Eric Antoine, Anthony Kavanagh, Ahmed Sylla... © DR

Bruxelles – 17.02, Cirque Royal, 20 h, 35 > 29 €, cirque-royal.org Saint-Omer – 01.03, Sceneo, 20 h 30, 41 €, www.sceneo-caso.fr Lille – 14.03, Le Zénith, 20 h 30, 41 €, www.zenithdelille.com

Alex Vizorek est une œuvre d’art

Savoir vivre Pierre Desproges / Catherine Matisse et Michel Didym

Alex Vizorek / Stéphanie Bataille

Quel rapport entre Magritte, Visconti, Luis Fernandez et Paris Hilton ? A priori aucun, si ce n’est Alex Vizorek. Le compagnon de jeu de Charline Vanhoenacker sur France Inter (dans l’émission Si tu écoutes, j’annule tout) s’amuse de l’histoire de l’art et de la culture. Dans ce one-man-show, le Belge aborde la littérature, la musique ou le cinéma… en passant du coq à l’âne. Son But ? Faire rire intelligemment, c’està-dire en nous apprenant des choses. Hazebrouck – 18.02, Centre André Malraux, 20 h, 20 > 14 €, www.centreandremalraux.com Ath – 14.04, Maison Culturelle (Le Palace), 20 h, 15 > 6 € // Lille – 11.05, Le Splendid, 20 h, 28 €

Pour sa troisième pièce tirée de l’œuvre de Desproges, Michel Didym a choisi d’adapter des extraits du Manuel de savoir-vivre à l’usage des rustres et des malpolis. La mise en scène sobre mais efficace est entièrement portée par ses deux interprètes, Didym et Catherine Matisse. Sur les planches, le duo raconte l’ordre des choses depuis la Genèse par l’œil de Monsieur Cyclopède. En résulte une comédie acide où l’absurde côtoie l’humour le plus noir. Feignies – 28.02, Espace Gérard Philipe, 20 h, 11 > 8 €, www.lemanege.com

Pulsions Kyan Khojandi

Le héros de Bref remonte sur scène pour examiner ses (nos ?) pulsions. Une heure de stand-up où il parle de sexe, de nourriture, de mort... Bref, de la vie de tous les jours. Véritable chirurgien de la vanne, l’éternel « bon pote un peu loser mais attachant » livre ses déboires tout en disséquant nos travers et pertes de contrôle en société. Après ça, vous ne rentrerez plus vos lèvres dans votre bouche pour danser en boîte de nuit... Armentières – 28.02, Le Vivat, 20 h, 21 > 7 €, levivat.net // Arras – 06.10, Casino, 20 h, 35 / 31 €, www.arras.fr Lille – 13.10, Théâtre Sebastopol, 20 h, 35 €, www.theatre-sebastopol.fr



Le mot de la fin 106

Cinemetal –

Quel lien entre Martin Scorsese et les (ex) chevelus de Scorpions ? Pas grand-chose, si ce n’est un t-shirt. Fondée en 2005, l’entreprise américaine Cinemetal associe nos réalisateurs préférés à des logos de groupes heavy cultes. Perso, on craque pour le Lars Von Trier à la sauce Van Halen. Et vous ?

www.cinemetaltshirts.com Scorsese / Scorpions - Ingmar Bergman / Iron Maiden - Lars Von Trier / Van Halen - Almodóvar / Aerosmith




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