LM magazine 128 - France Belgique

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N°128 / AVRIL 2017 / GRATUIT

HAUTS-DE-FRANCE & BELGIQUE Cultures et tendances urbaines



sommaire magazine

LM magazine n°128 - Avril 2017

NEWS – 08 SOCIÉTÉ – 12

40 ans de street art Magda Danysz

PORTFOLIO – 24 Philippe Debongnie Singulier pluriel

ÉVÉNEMENT – 68 Afriques capitales Voyage, voyage

PORTRAIT – 86

Family album - Gustave © Philippe Debongnie

Hicham Berrada L’alchimiste

RENCONTRE – 100 Guillermo Guiz Affreux, sale et marrant

PORTRAIT – 112 Jan Lauwers Il était une foi(s)

LE MOT DE LA FIN – 130 Julie Cockburn Retouche photo


sommaire sélection

LM magazine n°128 - Avril 2017

MUSIQUE – 32

Grandaddy, Run The Jewels, Weyes Blood, Totorro, L’âge d’or du rap français, Thundercat, Steve Gunn, Temples, Cigarettes After Sex, Pzzle Festival, Iron Maiden, Bob Dylan, Electric Guest, Alain Chamfort, Møme, Orkesta Mendoza, Agenda...

EXPOSITION – 68 Maison Martin Margiela A/H 1996-1997, Photo : Marina Faust

Street Generation(s), Afriques capitales, Le Baiser dans l’art, Éloge de la couleur, Margiela, les années Hermès, Le Mystère Le Nain, Yves Klein, Hicham Berrada, Révolution bande dessinée, Kader Attia, Agenda...

THÉÂTRE & DANSE – 100

Guillermo Guiz, 2017 comme possible, Festival À l’œuvre !, Nimis Groupe, Le Poète aveugle, La Beauté du désastre, Cie de Fil et d’Os, Le P’tit Monde, Youth is Great, La Clé, Les Turbulentes, Agenda...

DISQUES – 58

Clark, Sun Kil Moon, Karaocake, Joakim, Compilation Hustle ! Reggae Disco

LIVRES – 60

Jean-Michel Espitallier, Karim Madani, Philippe Baudouin, Laurent de Sutter, Dominique Legrand

ÉCRANS – 62

Félicité, Paris est une fête, Orpheline, A United Kingdom, Noma au Japon



LM magazine France & Belgique

28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07

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Couverture Philippe Debongnie JAZZ - Thelonious Monk www.philippedebongnie.be

Hugo Guyon info@lm-magazine.com

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Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles/Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Flora Beillouin, Julien Bourbiaux, Madeleine Bourgois, Mélissa Chevreuil, Mathieu Dauchy, Philippe Debongnie, Marine Durand, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT



Drifter © Studio Drift

NEWS

Laisse pas béton ! David Copperfield peut aller se rhabiller. Regardez ce que les Néerlandais du Studio Drift parviennent à faire léviter : un bloc de béton de quatre mètres sur deux ! Cette performance a été présentée en mars lors de l'Armory Show, la plus ancienne foire d'art contemporain de New York. Ces p'tits malins refusent d'expliquer comment ils obtiennent ce résultat – un magicien ne révèle jamais ses trucs. www.studiodrift.com

Banksy se lance dans l'hôtellerie. L' "artiviste " a ouvert en mars un établissement trois étoiles à Bethléem, pile en face du mur de séparation élevé par Israël, en Cisjordanie occupée. Le Walled Off Hotel ("l'hôtel coupé par le mur", référence au Waldorf Astoria) a été financé par ses soins et promet « la pire vue au monde ». Ses neuf chambres se louent entre 30 et 1 000 dollars la nuit et sont décorées de ses œuvres. Maintenant, on sait comment il dépense son argent. banksy.co.uk

The Walled Off Hotel © Banksy

Banksy au pied du mur


Desert X © Jennifer Bolande

Mirage publicitaire On connaissait les déboulonneurs, s'attaquant aux panneaux de pub en les tapissant de messages. Voici une autre manière de lutter contre le matraquage commercial. Cela se passe dans le désert, au bord d'une route traversant la vallée de Coachella, aux USA. Jennifer Bolande restitue le paysage obstrué par d'immenses billboards en les recouvrant de photos dudit panorama. Le trompe-l’œil se révèle ainsi à l'automobiliste à un instant précis de son trajet. Bien vu. jbolande.com

Party In The Back © Tino Razo

Salon du livre d'Arras

Au fond de la piscine Tino Razo et ses amis ont une grande passion : faire du skate dans des piscines abandonnées. Cet Américain a découvert cette pratique en 2010, à Los Angeles. Depuis, il passe son temps à chercher des spots dans les quartiers ruinés de la cité des anges pour photographier ces séances de glisse. Cela a donné un livre, Party in the Back, qui dégage une atmosphère de joyeuse fin du monde. Party in The Back de Tino Razo (Anthology Éditions), 192 p., 40 $ (37 € environ)

Sous-titré "d'expression populaire et de critique sociale", ce salon du livre a toujours mis les pieds dans le débat public. À plus forte raison cette année puisque cette 16e édition se tient entre les deux tours de la présidentielle. Organisé par Colères du présent, ce rendez-vous pose des questions éminemment actuelles : "concrétiser l'utopie", "c'est quoi ce travail ?" ou encore "le revenu universel". On y attend des auteurs comme Maylis de Kérangal ou Lydie Salvayre (Goncourt 2014) et des éditeurs précieux, dont FLBLB, grand défenseur du romanphoto. ARRAS – 01.05, Grand'Place, Place des Héros, Place d'Ipswich, 10 h > 19 h, gratuit, www.coleresdupresent.com


© Apis Cor

Imprime-moi une maison

© Christophe Benichou

© Andrew Benke, Claire Murphy

Cette maison de 38 m2 a été conçue en béton par une imprimante 3D... en moins de 24 heures ! Cet exploit est signé par l'entreprise russe Apis Cor, et a coûté moins de 10 000 euros. Ce petit pavillon circulaire comprend un coin cuisine, un salon et une salle de bains. Il jouirait aussi d'une durée de vie de 175 ans. De quoi résoudre la crise du logement ? Peut-être, mais en aggravant celle de l'emploi. apis-cor.com

Manteau-valise

Bien perché

Bon, question élégance, cette veste ne nous a pas forcément tapé dans l'œil. En revanche, elle s'avère bigrement pratique pour voyager en avion. Cet astucieux vêtement est en effet équipé d'une multitude de poches, permettant de transporter jusqu'à 15 kilos de bagages sur soi ! Chaussures, shampoing, ordinateur… (presque) tout ce que vous voulez. Plusieurs marques se sont déjà positionnées sur ce concept… fourre-tout.

Ce n'est encore qu'un projet, mais cette image numérique donne déjà le vertige. Ce cube placé en équilibre au sommet du pic Saint-Loup, perché à 658 mètres d'altitude dans l'arrière-pays héraultais, semble sur le point de basculer dans le vide ! Il a été penché, ou plutôt pensé, par l'architecte Christophe Benichou. Equipé de gradins, le belvédère offrirait son petit frisson et une vue sur le paysage des Cévennes... renversante. christophebenichou.com



LÉGENDES URBAINES

Société – Rencontre 12


Dondi White - Pre Altered States, Spray Paint on canvas, 180x185cm, 1984 - collection Henk Pijnenburg

Le street art selon Magda Danysz Propos recueillis par Julien Damien Photo Magda Danysz / Vhils © Celine Barrère

C’est l’une des expositions les plus attendues de ce printemps. La Condition Publique, à Roubaix, accueille une grande rétrospective consacrée au street art, Street Generation(s). Sa commissaire n’est autre que Magda Danysz, grande spécialiste du genre en France, et auteure d’une anthologie sur le sujet. Quelle est son histoire ? Sa spécificité? Ses grandes figures ? La galeriste parisienne décrypte pour nous un mouvement désormais quadragénaire.


Où et quand ce mouvement est-il né ? À Philadelphie, à la fin des années 1960. L’Histoire s’écrivant avec ceux qui parlent le plus fort, on ne retient que certains noms. Cornbread clame ainsi qu’il est le premier tagueur. Il inscrivait son nom un peu partout, au départ pour impressionner une fille. Certains ont pris cela pour un jeu et c’est devenu viral ! Mais cette première manifestation est vite retombée, morte dans l’œuf. Pourquoi ? Parce que le réseau des transports en commun n’était pas assez développé à Philadelphie. Or il stimule l’émulation, indispensable dans ce domaine. On aurait pu en rester là, mais le mouvement est réapparu au

tournant des années 1970, pas très loin, à New York. Notamment grâce à un coursier nommé Taki. Son métier lui permettant de sortir régulièrement de son quartier (Washington Heights), il en profita pour recouvrir toute la ville de sa signature, asticotant les jeunes des autres cités. Le métro ici incontournable, prend toute son importance car les jeunes s’envoyaient des messages par rames interposées, du Bronx à Harlem. En un an, celles-ci furent recouvertes du sol au plafond !

« LES JEUNES S’ENVOYAIENT DES MESSAGES PAR RAMES DE MÉTRO INTERPOSÉES »

A-One - The Babylon system, The prophet rides again, 1985 © Stephane Bisseuil


De haut en bas : Quik - 1980s - courtesy of the artist and Magda Danysz Futura - Untitled 4, 198 x 198 cm, 2014 - courtesy galerie Magda Danysz Swoon - Milton II, 23 x 33 cm - courtesy galerie Magda Danysz

Les premières manifestations du street art se résument-elles à des signatures ? Oui, le pseudo de l’auteur et, accolé, le numéro de sa rue. En l’occurrence 183 pour Taki. Il y avait très peu de couleurs. Les bombes aérosols, à l’époque, étaient rudimentaires. Peut-on parler d’art à ce moment-là ? Non, plutôt d’écriture, on parle de "writing", pas de tag ni de graffiti. Notons d’ailleurs que tous les protagonistes détestent le terme "street art". Celui-ci est apparu en 2007 et a été inventé par les maisons de ventes aux enchères, qui devaient bien mettre quelque chose sur leur catalogue ! Quand commence-t-on à s’éloigner de la "simple" écriture ? Entre 1971 et 1972, certains regrettent que devant un tel empilement, on ne distingue plus leur signature. Un type, Stay High, décide alors d’appliquer un fond de couleur sous son blaze, pour se démarquer. C’est la première évolution. Il est aussi l’un des premiers à ajouter des ornements : une main tenant une cigarette fumante, et crée même un personnage : la silhouette de la série Le Saint. Les choses s’enchaînent ensuite à toute vitesse. ☞


Société – Rencontre 16

Shepard Fairey - Collage on wall, 2000s - courtesy of the artist and Magda Danysz

On va toujours plus loin et plus haut ! En 1972, sous l’impulsion de Phase 2, les lettres deviennent des contours que l’on remplit : c’est l’apparition du lettrage. Le graffiti succède-t-il au tag à ce moment-là ? Exactement ! Mais ces mots sont apparus 10 ans plus tard. Le terme employé était alors "style writing" : on passe de l’écriture au style. La dimension artistique apparaît à cet instant, avec l’arrivée du graff. Qui sont les pères fondateurs ? Ils sont nés entre 1955 et 1958. Citons Seen, «the godfather of graffiti». Il a inventé des formes d’écriture avec lesquelles les jeunes se font encore la main. Il y a aussi Quik qui, très tôt, délivraient des

messages. Il dénonce la situation des noirs dans une Amérique profondément ségrégationniste. Il a ainsi reproduit Hitler à côté d’un membre du Ku Klux Klan sur tout un wagon, assimilant l’Amérique au nazisme ! Il était aussi anti-pub. Celle imposée dans le métro, véhiculant l’image d’une Amérique blanche avec femme au foyer et ce consumérisme à la sauce des années 1950… Quand le mouvement est-il sorti de New York pour inonder la planète ? On le date très précisément : 1983. En été, car la population se passionnant pour ce mouvement est jeune, scolarisée. Ceux qui parvenaient à se payer le voyage pour New York se sont pris une claque.


Jef Aerosol - Chuuuttt!!!, 2011 - courtesy galerie Magda Danysz


Société – Interview Portrait 18 18

Vhils - Wall in Shanghai, 2010s - courtesy of the artist and Magda Danysz

Ce fut le cas pour Bando ou Jef Aerosol, alors étudiant en art. L’arrivée de Futura en Europe a aussi été déterminante. Il fut invité sur la tournée des Clash en France, pour concevoir le fond de scène – une pièce visible à la Condition Publique. Cela a été une révolution visuelle pour beaucoup. Mogador, 1981, reste une date marquante.

« LE TERME STREET ART EST UNE INVENTION DES MAISONS DE VENTES AUX ENCHÈRES… » Le street art nourrit-il un lien privilégié avec le hip-hop ? C’est une image d’Epinal, renvoyant à un moment précis : à la fin des années 1970, le graffiti a été théorisé

par Afrika Bambaataa comme le quatrième pilier du hip-hop. Pour autant, dans les années 1960, le hiphop n’existait pas, les tagueurs ont indifféremment écouté du rock, du punk et du rap. On note aussi une culture du secret, de l’anonymat… Oui, elle est liée à la transgression. Le tag et le graff sont très réprimandés, les peines encourues lourdes. À Los Angeles, si vous portez des bombes de peinture dans votre sac, vous êtes déjà en infraction. Dans les années 1990, certains artistes comme Space Invader et plus tard Banksy, théorisent l’anonymat. Ils posent une question : « qu’est-ce qui compte ? Le nom ou le message ? ». Banksy dit : « je n’importe pas », dénonçant la mainmise de la signature, de la marque.


L’avènement du message dans les années 1990 constitue-t-il une deuxième évolution ? Oui, pour moi le symbole de ce virage reste Obey, avec ce célèbre visage appelant à la "désobéissance visuelle". Au début, les autres graffeurs l’insultaient, il est plutôt issu de la culture du skate. Mais, il s’est rapidement imposé en recouvrant les espaces publicitaires d’immenses affiches. En cela, il est complètement en phase avec Quik. On note l’apparition du message, donc, mais aussi de nouvelles formes.

dégâts moindres dans l’espace public. Finalement cette répression pousse les artistes à se surpasser.

(Éditions Alternatives, chez Gallimard), 288 p., 30 €, www.editionsalternatives.com

Qu’en est-il des pratiques actuelles ? L’invention est permanente. À l’image du Portugais Vhils, âgé de 30 ans, qui s’attaque directement au support. Il travaille les murs au marteau-piqueur pour les "faire parler", ou grave dans des "croûtes", des accumulations d’affiches pour révéler des visages. C’est drôle car à l’origine le terme graffiti signifie : « inciser le mur »… ☞

À lire Anthologie du street art, Magda Danysz

À visiter magdagallery.com

Comment ? À cause du contexte répressif. En étant pourchassés, les artistes privilégient certaines pratiques. Le pochoir notamment permet de gagner en rapidité et réduit les risques d’interpellation. D’un autre côté, le collage est moins réprimandé car il cause des

« LA RÉPRESSION A POUSSÉ LES ARTISTES À SE SURPASSER »

Space Invader - courtesy Magda Danysz and Space Invader


Société – Rencontre 20

New York Graffiti, 1980s - photo Stephane Bisseuil courtesy Magda Danysz


JonOne - Keeping them ats a distance jabs, 2013

Graffiti new-yorkais (années 1980) Photographe français passionné de street art, Stéphane Bisseuil a largement documenté le graffiti des années 1980-90. « Avec ce cliché, on touche du doigt la densité de couleurs et l’énergie qui faisaient vibrer New York à l’époque, commente Magda Danysz. On se rend compte à quel point le graff était omniprésent ! »

▲ JonOne (2013) Né à Harlem au début des années 1960, JonOne a commencé en "bombant" son quartier ou le métro. Installé à Paris depuis 1987, il s’illustre dans un style reconnaissable au premier coup d’œil, comme en témoigne cette acrylique sur bois. Au-delà de son remarquable travail sur la couleur, « il se distingue par une signature rappelant l’écriture automatique. Son nom est toujours là, sous-jacent. Il revisite la logique du tag et parvient à conserver l’énergie originelle pour la sublimer en une œuvre abstraite ».


Remi Rough - photo : Julien Damien

ROUBAIX - 31.03 > 18.06, La Condition Publique, mer > dim : 13 h > 19 h, 5 / 3 € / gratuit (-18 ans), visites guidées samedi 14 h 30 et dimanche 16 h, www.laconditionpublique.com

Street Generation(s), 40 ans d’art urbain

La rue est à eux !

Attention, événement ! La Condition publique consacre une grande rétrospective à l’art urbain. Street Generation(s) retrace l’histoire « du mouvement le plus important de la fin du xxe et du début du xxie siècle », selon sa commissaire, Magda Danysz. Poussant les portes des 1 500 m2 de la Halle B de l’ancienne usine textile, le visiteur entre dans une ville-musée. Le parcours de Street Generation(s) a été conçu comme une mégalopole à échelle réduite, avec des hauteurs de mur différentes. 150 œuvres y sont disposées chronologiquement. On trouve-là des pièces légendaires (signées JR, Obey, Banksy, JonOne…) mais aussi des photos, vidéos et des créations in situ (Jef Aerosol, Sten Lex, Vhils...). À la faveur de ce labyrinthe, on appréhende ce nouveau pan de l’histoire de l’art, découvrant un large éventail de styles et de techniques – bombe, pochoir, collage… « Il s’agit de montrer comment les générations se sont succédé, reprenant les codes des précédentes pour les réinventer », détaille Jean-Christophe Levassor, directeur de la Condition Publique. Très complète, l’exposition déborde jusque dans le quartier du Pile, dont les briques rouges se parent de graffs d’artistes internationaux, telle cette grande fresque géométrique du Londonien Remi Rough. « Après l’exposition, je souhaite poursuivre ce travail, annonce Jean-Christophe. Il s’agit d’investir le quartier avec l’art, de le transformer en musée à ciel ouvert ». On re(fait) le mur ? Julien Damien



Portfolio – Portrait 24


PHILIPPE DEBONGNIE A priori, difficile d’établir des liens entre ces images. Pourtant, ils existent. D’abord, elles ont le même auteur : Philippe Debongnie. Surtout, elles dégagent une même puissance narrative. « Dans chacune de mes créations je réserve une place à l’imagination du spectateur », explique ce Bruxellois de 41 ans, qui refuse de se cantonner à un style. Que d’histoires, en effet, peut-on inventer face à ces portraits antédiluviens affublés de faciès animaux ! L’artiste s’est ici servi de vieux albums de famille pour donner vie à des personnages fantasmagoriques. Dans un autre genre, sa série de jazzmen est obtenue en mélangeant de l’eau et de l’encre. On y reconnaît John Coltrane, Louis Armstrong ou la Carolo Melanie de Biasio. Et ce même souci de « ne pas perfectionner l’image ». « J’essaie de trouver un équilibre entre réalisme et abstraction, espérant que le public se dise : "c’est dingue, ces taches dessinent un visage !" ». Pour autant, cet enseignant à l’Institut St-Luc de Bruxelles aborde aussi des sujets plus sensibles. Notamment avec ces paysages traversés par des éléments typographiques, incrustés sur des clichés surannés. Cette photo issue d’une autre époque, où des ouvriers confectionnent des logos de grandes marques, dézingue ainsi la mondialisation. « Il s’agit de montrer que rien n’a changé au fil du temps. L’exploitation humaine persiste. C’est pour moi un impératif moral de questionner ces faits de société ». Et pour nous un plaisir de réfléchir devant ces illustrations. Julien Damien

Family album - George

Family album - Marin

À visiter www.philippedebongnie.be www.commonplacesartgallery.com

À lire l’interview de Philippe Debongnie sur

www.lm-magazine.com


Family album - Serge


Family album - Marthe


Jazz - Louis Armstrong


Jazz - MĂŠlanie De Biasio


Typography Landscape - Mondialisation



© DR


Musique – Sélection 33

Grandaddy Certes, tous les groupes s’étant reformés sauf The Smiths, on ne peut plus dire d’un come-back qu’il est inespéré. N’empêche, le retour de Grandaddy fait rudement plaisir : la preuve, on a élu Last Place album du mois en mars. En avril, la clique de Modesto propose trois haltes dans l’eurorégion. Ça tombe bien, d’autant qu’à priori, la bande barbue n’est pas prête à faire des tournées mondiales. La faute à des vies de darons plus ou moins installés et très heureux ainsi. De la troupe, seuls le discret leader Jason Lytle et le guitariste Jim Fairchild sont des musiciens "pour de vrai". Les autres ont opté pour des boulots alimentaires et mal payés (une vie tristement normale, quoi). Mais vous savez quoi ? Cela nous les rend d’autant plus sympathiques. Les génies intouchables, c’est bien, la légende en a besoin. Mais quand c’est votre voisin de palier qui signe les plus belles chansons entendues depuis des lustres, ça prend tout de suite une autre dimension, non ? T.A. BRUXELLES – 05.04, Ancienne Belgique, complet !, www.abconcerts.be GENK – 08.04, C-Mine (Little Waves Festival), complet !, www.c-mine.be LILLE – 09.04, L’Aéronef, 18 h, 26 / 23 / 19 €, www.aeronef.fr DOUR – 15.07, Plaine de la Machine à Feu, 65 €, (Festival de Dour), www.dourfestival.eu


Remise à flow Avec Run The Jewels, le rap revient à l’essentiel et fait entendre la voix des déclassés. Il redevient le vecteur populaire d’un message politique scandé sur des rythmes lourds, dopant un flow ultra-précis. Deux micros et un DJ suffisent donc pour retourner l’Ancienne Belgique. La joint-venture de "Killer" Mike Render et de Jaime "El-P" Meline est la meilleure chose advenue au rap depuis des années d’escalade dans l’ego trip et le vocoder. Habitués de l’underground chacun de leur côté, les deux MCs américains réalisaient en 2013 un petit miracle avec un premier album éponyme qui pétrifiait le rap-jeu, faisant de l’ombre aux très attendus Yeezus de Kanye West et Long. Live. A$AP. d’A$AP Rocky. Leur signature ? Deux flows sacrément complémentaires posés sur les beats d’El Producto. De fait, RTJ revendique l’héritage des pionniers, celui d’un rap engagé. Après un deuxième disque triomphal l’année suivante (dont la déclinaison en samples de chats Meow the Jewels ne marquera pas les annales de la musique politique), ils réaffirment leur militantisme dans le contexte de la course à la Maison Blanche. Ils soutiennent ainsi clairement Bernie Sanders et dénoncent les glissements populistes de Trump. Pour répondre à l’élection du magnat républicain, ils ont précipité la sortie et la diffusion gratuite de RTJ3, troisième opus qui atteint les sommets des plus virulents titres de Public Enemy. Cette bordée révolutionnaire a forcément une visée universelle. C’est donc en tournée, lors de harangues BRUXELLES – 06.04, Ancienne Belgique, féroces, qu’il faut la saisir. Mathieu Dauchy complet !, www.abconcerts.be

© Tim Saccenti

Musique – Sélection 34

RUN THE JEWELS



Sang froid Natalie Mering n’a pas encore 30 ans mais a déjà consacré plus du tiers de sa vie à la musique. Après des débuts noise et "expérimentaux" comme on dit poliment, l’Américaine a nettoyé son jeu et compose désormais des chansons plus sages certes, mais qui devraient sans difficulté passer l’épreuve du temps. Weyes Blood and the Dark Juices ou Weyes Bluhd. Voici quelques-uns des alias choisis par Natalie Mering pour débuter, il y a 10 ans, un parcours qui la vit passer de cassettes au son crapoteux à des albums à la sophistication éblouissante. Bref, la native de Santa Monica (Californie) a longtemps cherché sa voie avant d’imposer sa voix – un timbre hiératique et bouleversant. Dès 2014, elle publiait The Innocents, un recueil folk qui lui valut de nombreuses comparaisons avec Nico. « On reconnaît une grande chanson au fait qu’on peut la reprendre sans arrangement car elle tient debout toute seule » nous confiait Natalie Mering voici trois ans. On ne doute pas un seul instant que les titres qui composent son dernier LP en date, le formidable Front Row Seat to Earth (2016), auraient de la gueule sans orchestration. Cependant, le charme de ces morceaux tient aussi à ces enluminures, l’ensemble accueillant son timbre faussement glacial. Renouant plus que jamais avec la tradition pop folk des seventies, et entourée d’un groupe solide, cette proche d’Ariel Pink déroule et revisite son répertoire, s’autorisant quelques reprises plus ou moins étonnantes, de Perfect Day (de Lou Reed) à Moonlight Shadow de Mike Oldfield. TOURCOING – 07.04, Le Grand Mix, 19 h, Thibaut Allemand

13 / 5 € (-18 ans) / gratuit (abonnés), www.legrandmix.com

© Katie Miller

Musique – Sélection 36

WEYES BLOOD



© Florian Renault

Musique – Sélection 38

Totorro Genre très souvent instrumental, le math rock laisse libre cours aux titres abscons et aux jeux de mots vaseux. On se souvient de Chou Crâne de Pneu, ou de Conan Le Bästard par Marvin. Issu peu ou prou de la même scène (noisy et DIY), Totorro maintient le niveau avec Brocolissimo ou Beverly Pills. Marquée par Mono et Mogwai, la formation rennaise ne réinvente pas les règles du genre, mais l’aborde avec une décontraction éminemment pop et un sens de la légèreté qui fait un bien fou. Cette démarche (technique, mais pas ostentatoire) les rapproche d’ailleurs de Papaye, autre gloire française du style. T.A. LOUVROIL – 07.04, Espace culturel Casadesus, 20 h, 9 / 6 €, www.espace-casadesus-louvroil.com ANVERS – 17.04, Trix, 19 h 30, 15 / 13,50 €, www.trixonline.be BAILLEUL – 07.07, Festival en Nord Beat, www.ennordbeat.fr

Pour qui a eu entre 15 et 25 ans dans les années 1990, les noms d’Assassin, Expression Direkt ou Ministère A.M.E.R. résonnent sûrement. Sans eux, le rap actuel n’aurait pas la même gueule. Fils de bonne famille jouant les tiers-mondistes ou tough guys écoulant de la guimauve parce qu’il faut bien vivre : le rap français a toujours oscillé entre intégrisme underground et variété embarrassante. Jouant à fond la carte de la nostalgie, cette tournée réunit ceux qui ayant un jour goûté à l’or, ont désormais l’âge de faire le bilan – calmement, forcément. T.A. LILLE – 02.04, Le Zénith, 18 h, 47 > 37 €, www.zenithdelille.com

© Jérôme Chion

L’âge d’or du rap français




Musique – Sélection 41

Thundercat Chat perché

Texte Thibaut Allemand Photo Eddie Alcazar

A priori, tout artiste logé chez Brainfeeder nous intéresse. Il nous intrigue plus encore lorsqu’il signe un troisième LP aussi dantesque que Drunk. Enfin, un gonze qui choisit un pseudonyme aussi parfait que Thundercat (soit les Cosmocats, par chez nous) jouit de notre éternelle sympathie, entre deux coups de griffe. Qui est Thundercat ? À question bateau, réponse évidente : un bassiste californien né en 1984 dans le ghetto de South Central (quartier black de Los Angeles). Un instrumentiste virtuose et très, très demandé : on l’a vu traîner sa quatre-cordes partout, de Flying Lotus à Erykah Badu, de Kamasi Washington à Mac Miller en passant par Keziah Jones ou… Suicidal Tendencies. Auteur de deux disques plutôt remarqués, l’Américain livre son grand œuvre avec Drunk, troisième LP bourré… d’invités et comportant pas loin de 23 pistes. Oui, bon, d’accord. Mais au-delà de ces brillants faits d’armes, on s’interrogeait plutôt sur la démarche du bonhomme. À rebrousse-poil Alors, virtuose vantard ou génie allumé ? Oh, les deux sans doute. Il y a du Weather Report chez ce technicien hors pair. Un compliment ? Que nenni ! Une bonne définition de l’horreur, plutôt. Heureusement, on devine également un poil de Zappa dans l’approche faussement foutraque et les divagations jouant avec le mainstream et la recherche formelle, le R’n’B et l’avant-garde. Ne nous emballons pas : là où Zappa prônait la satire sociale, Thundercat se contente de jouer les branleurs, en bon entertainer. Les guest-stars s’entassent (citons Kendrick Lamar, Wiz Khalifa, Pharrell…) et l’on ressort de cette œuvre à la fois étonné et fourbu. Quant à la scène, sachez que le félin y assure bien plus que le minoumum syndical ! BRUXELLES – 09.04, Ancienne Belgique, 16 h, 24 / 23 €, (festival BRDCST), www.abconcerts.be


© Constance Mensh GAND – 12.04, Vooruit, 20 h , 12 €, www.vooruit.be

BRUXELLES – 11.04, Les Ateliers Claus, complet !, www.lesateliersclaus.com

Steve Gunn Steve Gunn est new-yorkais. Il est surtout américain. Et ça s’entend. Dans ces chansons disséminées le long de sept albums, ce guitariste impétueux laisse planer les nuages folk et tomber la pluie blues. Récemment, il s’échappait avec les hérauts du genre (The Black Twig Pickers) pour un disque détonnant et loin des mélodies éculées. Car les sentiers battus, le jeune prodige les évite comme la peste, s’inspirant pour cela de quelques aventuriers – citons Bert Jansch, John Martyn ou Roy Harper. Refusant donc de tourner en rond avec les sempiternels mêmes accords, ce complice de Kurt Vile furète également du côté du jazz (on songe parfois à Wes Montgomery), afin d’amener ses histoires de voyage, de solitude, de grands espaces (bref, l’Amérique) vers un ailleurs inédit. Loin d’être un énième revivaliste, Steve Gunn prouve que l’on peut encore innover et émouvoir avec une simple six-cordes – et beaucoup d’inspiration. T.A.



© Ed Miles

Musique – Sélection 44

Temples En 2017, à quoi bon écouter des morceaux bâtis sur les décombres psychés des Zombies ou de Pink Floyd (période Syd Barrett) ? La question, valable pour Jacco Gardner ou Foxygen s’applique aussi bien à ces Anglais. Et appelle la même réponse : parce que ce glorieux passé n’entame pas la fraîcheur de leurs compositions. Mieux, la production, mine de rien, très contemporaine, ressuscite cet héritage de manière inédite. Vendu par Noel Gallagher comme le « meilleur groupe de Grande-Bretagne », Temples instaure un nouveau dialogue entre synthés et guitares. Un pont entre hier et demain. J.D. BRUXELLES – 18.04, Le Botanique, 19 h 30, 20 / 17 / 14 €, botanique.be TOURCOING – 19.04, Le Grand Mix, 20 h, 20 / 16 / 5 € (-18 ans), www.legrandmix.com

© Shervin Lainez

Cigarettes After Sex Portés par la voix androgyne de son chanteur à la mine déconfite (Greg Gonzales), les morceaux de ces fumeurs un poil dépressifs (logique) rappellent les atmosphères minimalistes de Steve Roach. Voire les ballades langoureuses de Chris Isaak (deux références assumées du groupe d’El Paso). Plus moite qu’incendiaire, mélancolique que romantique (logique), cette pop éthérée s’apprécie blottis dans la pénombre d’une salle de concerts. Sans mégoter. J.D. ANVERS – 14.04, Trix, 19 h 30, complet ! TOURCOING – 15.04, Le Grand Mix, 20 h, 17 / 13 / 5 € (-18 ans) WERCHTER – 29.06, Festivalpark (Rock Werchter), pass 1 jour : 100 e, pass 4 jours : 236 €, www.rockwerchter.be



Pièces maîtresses La culture indé, un vaste fourre-tout ? Que nenni ! Le temps d’un week-end, cette troisième édition du Pzzle festival nous plonge dans l’histoire d’une musique à contrecourant, à travers des concerts, conférences, rencontres... Bref, il remet les points sur les i, perdant une lettre au passage. Normal, il n’attend que « u » (vous) pour débuter. Chic, les beaux jours sont de retour ! La maison Folie Moulins inaugure la saison des festivals avec une affiche captivante. Pour preuve la venue des Bristoliens de Beak>, à l’occasion d’une de leurs rares apparitions sur le sol français. Projet de Geoff Barrow, batteur et claviériste de Portishead, ce groupe devrait taquiner les murs de la mFM avec son krautrock bardé de synthés. On attend aussi le trio de math rock PVT, les ex-Pivot qui ont perdu quelques voyelles depuis 2010 (utile dans le cas d’une recherche via Google, aussi prisé par MGMT, SBTRKT...). Dans un autre style, Oiseaux-Tempête déverse son post-rock sombre mêlant habilement stoner et influences punk. En plus des concerts, PZZLE propose des activités gratuites : un marché d’artisanat local, des ateliers, une exposition du dessinateur de BD David Snug (l’auteur des décapantes Cronique d’1 journaliste proffessionel indaipandant) et, bien sûr, des LILLE – 28 > 30.04, maison Folie Moulins, ven : 18 h > 01 h, sam : 12 h > 02 h, dim : conférences. Samedi, le Rennais Christophe 12 h > 20 h, concert : 1 soir : 14 € / 2 soirs : 22 / 20 €, autres activités : gratuit, Brault balaie un demi-siècle de rock garage. pzzlefestival.com Il est suivi d’Olivier Pernot, spécialiste de Oiseaux-Tempête, Dälek, Beak>... (28.04) // Tang, Housewives, PVT, Peru Peru... + hip-hop, et d’Arthur Dhainaut qui s’intéresse conférence : Histoire du rock garage, Les à l’influence de Polnareff sur la musique pop. racines du hip-hop (29.04) // Heimat, Pointe du Lac + conférence : L’influence On s’éparpille ? Oui, mais façon pzzle. H. Guyon de M. Polnareff sur la musique pop (30.04)

Oiseaux-Tempête 2017 © As Human Pattern

Musique – Sélection 46

PZZLE FESTIVAL



Musique – Sélection 48

Quoi ? de neuf Si vous pensez qu’un musicien a tout dit dans son premier album, passez votre chemin. Ici, on s’intéresse aux artisans qui, dix mille fois, remettent l’ouvrage sur le métier. Ces quatre noms font partie de notre décor – de celui de nos parents, souvent. Alors, chefs-d’œuvre en péril, baudruches cent fois rafistolées ou monuments incontournables ? Thibaut Allemand

The Jesus And Mary Chain

© DR

Évidemment, ce come-back foutait les jetons : signataires d’une œuvre fondatrice (Psychocandy, 1985) et de quelques immenses disques, les frères Reid remettent le couvert 19 ans après Munki (1998). On craignait le pire. On a eu tort. Les deux teignes britanniques signent avec Damage and Joy (2017), un digne successeur de Stoned and Dethroned (1994). De quoi retrouver la vraie tendresse planquée derrière les déflagrations rageuses. Rabibochée sur scène depuis 10 ans, la fratrie joue "sérieusement". Finis, les attentats sonores de 20 minutes et puis s’en vont. Dommage, peut-être. Mais au prix du billet… BRUXELLES – 18.04, Ancienne Belgique, 20 h, 39 / 38 €, www.abconcerts.be


Bob Dylan

ANVERS – 24.04, Lotto Arena, 20 h 30, 99 > 66 €, www.lotto-arena.be

© DR

À la différence d’autres légendes du rock et du folk, il n’est pas difficile de voir plusieurs fois Bob Dylan au cours de sa vie : depuis qu’il s’est lancé dans son Never Ending Tour, voici bientôt 30 ans, l’Américain passe souvent sous nos latitudes. Mais comme d’habitude, c’est quitte ou double, tout dépend de l’humeur du barde. Ne vous attendez pas à reconnaître ses tubes – il les remanie à chaque fois, maugréant les paroles ou préférant exhumer d’antiques folk songs. Un passeur ? Oui, mais qui demande un petit effort.

Iron Maiden s’est joliment mis en danger en confiant la production de son dernier album à Kraftwerk. D’autant qu’un autre invité de marque, Stuart A. Staples (crooner ténébreux des légendaires Tindersticks) pose son vibrato légendaire sur une version rocksteady et acoustique de The Number of the Beast. Et l’on n’a même pas évoqué les arrangements de Michel Legrand et la chorégraphie de Jan Fabre qui… Bon, sérieusement : quoi de neuf ? Rien. Et c’est très bien ainsi. ANVERS – 22.04, Antwerp Sportpaleis, 18 h 30, complet !

© Ryan Anderson

Sting De la Loi Travail à l’affaire Théo, la rue l’a clamé bien haut : tout le monde déteste The Police ! Et c’est vrai qu’il n’y a pas grand-chose à sauver de ce groupe propre, aseptisé et… policé, tout simplement. De Sting, on ne retiendra pas grand-chose non plus. Si ce n’est son rôle d’Ace Face (Quadrophenia, 1979). Et peut-être aussi ce disque, If on a Winter’s Night (2009), où il reprenait des classiques Schubert et Bach. C’est plutôt prétentieux, le chant demeure limité, mais c’est toujours mieux que ses propres compositions. BRUXELLES – 02.04, Forest National, 20 h, complet ! LILLE – 25.06, Stade Pierre Mauroy (North Summer Festival), 12 h, 100,50 > 34,50 €, www.stade-pierre-mauroy.com


Musique – Sélection 50

LILLE – 13.04, L’Aéronef, 20 h, 18 > 5 €, www.aeronef.fr BRUXELLES – 30.04, Ancienne Belgique, 20 h, 15 €, www.abconcerts.be

SAM 01.04 ETIENNE DE CRECY + ROMÉO ELVIS & LE MOTEL + ZION TRAIN + DJ AMELIE LENS Charleroi, Rockerill, 18h, 20e BENJAMIN SCHOOS Bruxelles, Botanique, 19h30, 17/14/11e SUAREZ Mons, Le Manège, 20h, 25>18e WARHAUS + ROBBING MILLIONS Charleroi, Eden, 20h, 21>15e AN PIERLÉ Béthune, Le Poche, 20h30, 9e ANGGUN Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 31>25e JOHANNES HEIL Lille, Le Magazine, 23h, 10e

DIM 02.04 ORLANDO FURIOSO / VIVALDI Tourcoing, Théâtre Municipal R. Devos, 15h30, 45>33e L’ÂGE D’OR DU RAP FRANÇAIS Lille, Le Zénith, 18h, 47>37e THE LEMON TWIGS Tourcoing, Le Grand Mix, 19h, 17>5e

© Nick Walker

Electric Guest Les jolis cœurs d’Electric Guest sont de retour en Europe à la faveur d’un deuxième album radieux, Plural. Il y a cinq ans leur premier opus gorgé de mélodies entêtantes avait conquis les ondes – souvenez-vous de This Head I Hold. Les Américains creusent le même sillon : la voix haut perchée d’Asa Taccone répond à des synthés un brin funky et rétro. C’est dans les vieux pots qu’on fait la meilleure pop ! H.G.

JOHN MAYALL Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 32/31e

MAR 04.04

VEN 07.04 AN PIERLÉ Mons, Eglise St-Nicolas, 20h, 25>18e

ORLANDO FURIOSO / VIVALDI Tourcoing, Théâtre Municipal Raymond Devos, 20h, 45>33e

WOLF EYES Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e

LE VAISSEAU FANTÔME / WAGNER Lille, Opéra, 20h, 69>5e

LE VAISSEAU FANTÔME / WAGNER Lille, Opéra, 20h, 69>5e

MER 05.04

MOHDD Armentières, Le Vivat, 20h, 7e boisson offerte / gratuit -26 ans

LE MESSIE / HAENDEL - DIR. : JAN WILLEM DE VRIEND (ONL) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e OLIVIA RUIZ Lille, L’Aéronef, 20h, 28>15e ISAAC DELUSION Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 10>5e (étudiants)

JEU 06.04 LAST TRAIN + VALEERO Liège, Reflektor, 20h, 14e LE MESSIE / HAENDEL - DIR : JAN WILLEM DE VRIEND (ONL) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e BLACK MIRRORS Anvers, Trix, 22h, Gratuit

ROPOPOROSE + MESPARROW Bruxelles, Atelier 210, 20h, 12>9e TOTORRO Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 20h, 9/6e WEYES BLOOD Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 12 / 5 e / gratuit pour les abonnés AWEK Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 15/12e MAXENCE CYRIN Arras, Le Pharos, 20h30, 7>1,50e MOTIVÉS (LES ENCHANTEURS) Billy-Montigny, Espace Léon Delfosse, 20h30, 16>10e



OLIVIA RUIZ Béthune, Théâtre, 20h30, 34/30e KOLLEKTIV TURMSTRASSE Lille, Le Magazine, 23h, 15e

SAM 08.04

MER 12.04 STEVE GUNN + MICHAEL CHAPMAN Gand, Vooruit, 20h, 17>12e STICK TO YOUR GUNS Lille, L’Aeronef, 20 h, 15 > 5 €

JEU 13.04

FROM PUNK GARAGE TO TECHNO ACID... Charleroi, Rockerill, 18h, 15/13e

ROMEO ELVIS & LE MOTEL Liège, Reflektor, 19h, 18e

MONS STREET FESTIVAL CLOSING PARTY Mons, Maison Folie - Site des Arbalestriers, 19h, 5e

THE PSYCHOTIC MONKS + YÉTI LANE + BAINS DE MINUIT Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 8/6e/gratuit abonnés

SUAREZ Liège, Reflektor, 20h, 25e

MULATU ASTATKE Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 30/29e

TRISTESSE CONTEMPORAINE Lille, L’Aéronef, 20h, 18>11€ MIOSSEC + LOUIS AGUILAR Oignies, Le Métaphone, 20h30, 21>12e

DIM 09.04 BRDCST - THUNDERCAT + SHOBALEADER ONE + SHABAKA AND THE ANCESTORS + YUSSEF KAMAAL Bruxelles, Ancienne Belgique, 16h, 24>23e GRANDADDY Lille, L’Aéronef, 18h, 26>19e

FÉFÉ (LES ENCHANTEURS) Noyelles-Godault, Espace Bernard Giraudeau, 20h30, 16>10e

VEN 14.04 DOG EAT DOG Liège, Reflektor, 20h, 18e LAST TRAIN + WALLACE VANBORN Lille, L’Aéronef, 20h, 18>11e TRIO DAKSHIN + SHANTALA SUBRAMANYAM Lille, maison Folie Wazemmes, 20 h, 5 €

AUSTRA + PIXX Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 14/9e SIDI WACHO (LES ENCHANTEURS) Divion, Salle Carpentier, 20h30, 16>10e AMELIE LENS Lille, Le Magazine, 23h, 10e

SAM 15.04 CIGARETTES AFTER SEX Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17>5e CIRCA WAVES + INHEAVEN Bruxelles, Botanique, 20h, 17>11e LAST TRAIN + COLT SILVERS Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e CLARK + BLANCK MASS + ASH KOOSHA Bruges, Concertgebouw, 22h, 20/17e

DIM 16.04 AUSTRA + PIXX Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 20/19e

LUN 17.04 TIMBER TIMBRE Tourcoing, Le Grand Mix, 18h, 20>5e

L’homme a connu des hauts (on ne cite plus ses tubes, si ?) et des bas : on se souvient avec quelle délicatesse sa maison de disques, Delabel, l’avait lourdé en 2003. Or, Alain Chamfort bénéficie ces derniers temps d’une véritable reconnaissance. En témoigne Versions revisitées (2016), hommage au maître par la génération electro (Scratch Massive, Ivan Smagghe, on en passe). Il doit également ce regain de tension à son inspiration : son dernier LP, Alain Chamfort (2015), écrit par le légendaire Jacques Duvall, est une réussite absolue. T.A. HAZEBROUCK – 14.04, Centre André Malraux, 20 h, 32 / 29 € WOLUWE SAINT-PIERRE – 20.04, W:Hall, 20 h 30, 32 / 30 € ARLON – 21.04, Maison de la Culture, 20 h 30, 35 €

© Boris Camaca

Alain Chamfort



Musique – Sélection 54

Bientôt 30 ans que la tournée Ricard S.A Live Music sert des concerts à travers l’Hexagone. Au programme : deux têtes d’affiche et des petits nouveaux. MØME, tenancier d’une chillwave à la française colorée, annonce l’été sans passer par la case printemps (Aloha) tandis que MAI LAN ravive la flamme. La Parisienne a fait du chemin depuis Gentiment je t’immole, entendu dans Sheitan. La revoici avec un projet entre pop et R’n’B. Enfin, LYSISTRATA, lauréat du prix "découvertes", maintient la tension avec son post-rock énervé. À consommer sans modération. J.D. LILLE – 26.04, L’Aeronef, 19 h 30, gratuit, aeronef.fr (Ricard S.A Live Music)

TOTORRO Anvers, Trix, 19h30, 15/13,50e

MAR 18.04

WARHAUS + JUNIORE Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12>7e

VEN 21.04

SAEZ Bruxelles, Forest National, 20h, 45e

BEN L’ONCLE SOUL Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 32/31e

TEMPLES Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e

CHOCOLAT + SHADOW MOTEL Lille, mF Wazemmes, 20h, 10/9e

THE JESUS AND MARY CHAIN Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 39/38e

MER 19.04 FACTEUR CHEVAL + CASTUS Bruxelles, Atelier 210, 19h30, 10/7e TEMPLES Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e INNA DE YARD Lille, L’Aeronef, 20h, 18>11€ JOSÉ JAMES Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 25>24e TRANS AM + BIG BERNIE Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e

PVT Gand, Charlatan, 20h, 15/12e PLACEBO Lille, Le Zénith, 20h, 48,40 > 39,60e J. BERNARDT Courtrai, De Kreun, 20h, 18>12e (Gratuit multipass) STEF KAMIL CARLENS + MATT WATTS Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 21>5e VALERIE JUNE Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e

SAM 22.04 ARNO Hasselt, Muziekodroom, 20h, 34>28e

Mail Lan © Panamaera

Møme + Mai Lan + Lysistrata

PARADIS Bruxelles, Botanique, 20h, 21>15e SEUN KUTI & EGYPT 80 Louvain, Het Depot, 20h, 24>19e THE BLACK HEART REBELLION Bruges, Cinema Liberty, 20h, 18>5e

LUN 24.04 BOB DYLAN Anvers, Lotto Arena, 20h30, 99>88e

MAR 25.04 ARNO Louvain, Het Depot, 20h, 33>27e

MER 26.04 DAAN Liège, Reflektor, 20h, 20e THOMAS FERSEN Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 30/29e CYRIL MOKAÏESH + L’ENVIE (TOUR DE CHAUFFE 2016) Lille, La Ferme d’en Haut, 21h, 7/4€



JEU 27.04 FAKEAR Lille, L’Aéronef, 20h, 32e SETH GUEKO Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 20>5e JAPANDROÏDS + DASHER Bruxelles, Botanique, 20h, 18>12e OISEAUX-TEMPÊTE + MICHEL CLOUP DUO Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e

VEN 28.04 PZZLE FESTIVAL # 3 : OISEAUX TEMPÊTE + TROTSKI NAUTIQUE Lille, maison Folie Moulins, 18h, 14e THE BEAUTIFUL SWAMP BLUES FESTIVAL : RAPHAËL IMBERT & CO + RUSTY ZINN Calais, La Grande Halle, 19h, 10 e SCHOOL IS COOL Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e EMILY WELLS Anvers, Arenbergschouwburg, 20h30, 9/7e DAVE CLARKE Lille, Le Magazine, 23h, 10e

SAM 29.04 PZZLE FESTIVAL # 3 : TANG + HOUSEWIVES + PVT Lille, maison Folie Moulins, 18h, 14e POLSKI RAP FESTIVAL BRUKSELA Bruxelles, VK*, 19h, 40/35e THE BEAUTIFUL SWAMP BLUES FESTIVAL : SUGARAY RAYFORD Calais, La Grande Halle, 19h, 10e JOE GODDARD (HOT CHIP) Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e OZARK HENRY Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 35/34e DARKEST HOUR + DEAD SEASON Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 12/9e MIOSSEC Boulogne-sur-Mer, Espace de la Faïencerie, 20h30, 25>20e PUGGY + EVRST Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12e

DIM 30.04 LINDA LEE HOPKINS & THE SPIRIT AND TRUTH SINGERS Calais, La Grande Halle, 15h30, 10e

DUNKERQUE – 27.04, Les 4 Ecluses, 20 h 30, 5 € / gratuit LIÈGE – 19.05, Les Grignoux (Brasserie Sauvenière), 20 h 30, 16 / 13 € // BRUXELLES – 21.05, Ancienne Belgique, 19 h 30, 15 €

© Josh Harrison

Orkesta Mendoza Projet mené par Sergio Mendoza, homme-orchestre de l’estimable Calexico, et le baryton Salvador Duran, ce big band rapproche un peu plus le Mexique des États-Unis. En résulte un métissage réussi de joyeusetés latinos (cumbia, mambo, mariachi...), rock psychédélique et relevé d’une pointe d’electro (apportée par Camilo Lara, aka Mexican Institute Of Sound). Un cocktail hallucinogène et festif à la sauce tex-mex qui se consomme sans retenue, n’en déplaise à Donald. J.D.

CONCERT DU BICENTENAIRE DE GODIN Guise, Familistère, 17h, gratuit OSCAR AND THE WOLF Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 47>37e CIVIL WAR + NIGHTMARE Courtrai, De Kreun, 20h, 25>17e

MAR 02.05 THOMAS DYBDAHL + BROOKE SHARKEY Anvers, De Roma, 20h30, 18>16e

MER 03.05 KING BISCUIT Oignies, Le Métaphone, 15h, 5/2e DAAN Gand, Vooruit, 19h30, 27>24,75e K’S CHOICE Lille, Le Splendid, 20h, 28,60e KATERINE Mons, Le Manège, 20h, 25>18e VALERIE JUNE Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26/25e THE PIROUETTES Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e



Disques – Chroniques 58

CLARK

Death Peak

(Warp / PIAS)

Seize ans que Clark rôde dans les parages. Déjà ? Déjà. Bien sûr, le succès ne fut pas immédiatement au rendez-vous, mais on se souvient de l'impact provoqué coup sur coup par les albums Turning Dragon (2008) et Totems Flare (2009). Aphex Twin parti ailleurs et Mike Paradinas (alias µ-Ziq) se faisant discret, l’Anglais était intronisé illico nouveau héraut de l'IDM. La belle affaire ! Ce stakhanoviste n'en avait cure, s'enticha de guitares et livrait l'indigeste Iradelphic (2012) qui en laissa paradoxalement plus d'un sur sa faim. Cinq ans et deux albums dignes plus tard, le natif de St Albans revient en très grande forme. Utilisant des voix samplées et redécoupées, du simple souffle à la chorale d'enfant, le trentenaire joue également avec les ambiances, de la planante Peak Magnetic à la paranoïaque Hoova, maltraitant les dancefloors masochistes (Slap Drones, Butterfly Prowler). Non, Death Peak ne réinvente pas l'IDM (quelle triste étiquette, tout de même), mais joue avec ses codes et varie sons et instruments, dans une approche plus pop et accessible que celle de Daniel Lopatin, au hasard. Un sans faute. Et une ravissante surprise. Thibaut Allemand

SUN KIL MOON Common as Light and Love Are Red Valleys of Blood (Rough Trade / Beggars)

Depuis la fin de son groupe (Red House Painters), Mark Kozelek creuse un sillon unique dans le paysage indie. Une carrière qui, sous l’alias Sun Kil Moon, avait atteint un premier zénith avec le très émouvant Benji. L’Américain l’a fait suivre de disques de plus en plus confidentiels, dans tous les sens du terme, et de sautes d’humeur légendaires. Ce très long (l’écoute in extenso relève de l’expérience extrême) Common as… représente un nouvel aboutissement de ce projet. Entre journal intime, blog acide et flot de conscience, avec de très convaincantes inflexions hip-hop, Kozelek signe un des grands albums du moment. Avec son folk lo-fi il réinvente le blues tout comme Tricky cherchait à le faire jadis à coup de trip-hop expérimental. Rémi Boiteux


KARAOCAKE

JOAKIM

Here and Now

Samurai

(Objet Disque)

(Because Music)

La disparition d’un label aimé guette tout mélomane. On trouvait ainsi au catalogue du regretté Clapping Music Rows & Stitches, premier opus de Karaocake. Le duo est de retour avec un superbe Here and Now, disque qui conviendra aux âmes mélancoliques. Dépouillée comme celle des Young Marble Giants, leur pop laisse les claviers dessiner avec trois fois rien un paysage synthétique, où s’épanouissent les mots et la voix de Camille Chambon. Aux machines, Stéphane "Domotic" Laporte approfondit un travail précis – acidulé, avec un soupçon de douceur. Les ritournelles electropop des Français parviennent toujours à nous emmener ailleurs, plus loin qu’on ne l’aurait imaginé. Less is more, décidément. Rémi Boiteux

Érudit et touche-à-tout, Joakim a connu ses premiers émois au son des musiques contemporaines et autres recherches free jazz (en témoigne son premier LP, paru sous l'alias Joakim Lone Octet). D'où, peut-être, cette volonté de toujours faire table rase du passé – comme le prouve ce sixième essai nimbé de field recordings et capable du meilleur (l'ouverture In The Beginning, l'évidence d'Exile et Not Because You're Sad) comme du, hum, un peu moins bien (le sax dégoulinant de Late Night New City). Entouré de synthétiseurs antiques, le grand escogriffe renoue avec les ambiances kosmische d'Harmonia (Green Echo Mecha), et emmène Ryuichi Sakamoto dans le Spacelab de Kraftwerk (Mind Bent). Inégal, pas facile, mais ô combien stimulant ! Thibaut Allemand

COMPILATION Hustle! Reggae Disco

(Soul Jazz Records)

Invitons tous ceux qui pensent que « le reggae, c'est toujours pareil », à jeter une oreille à cette compilation. Bon, on triche un peu : ce n'est pas exactement du reggae. N'empêche, on retrouve tout le savoir-faire jamaïcain. À commencer par l'art du détournement : après avoir repris la soul et le R'n'B à leur sauce (donnant naissance au rocksteady) plusieurs producteurs (dont Joe Gibbs) s'entichaient de disco et de rap. Et, là encore, y mettaient leur grain de sel : lourdes basses et effets dub. On redécouvre alors, éberlué, des standards du genre tels Don't Stop Til You Get Enough (Michael Jackson), Ring my Bell (Anita Ward) ou Upside Down (Diana Ross). Excepté un décalque stérile (Rapper's Delight), ce florilège de haute volée fait très souvent oublier les originaux. Thibaut Allemand


Livres – Chroniques 60

JEAN-MICHEL ESPITALLIER Syd Barrett, le rock et autres trucs (Le Mot & Le Reste)

Inutile de retracer le bref parcours de Syd Barrett, génie brisé de Pink Floyd, brûlé aux acides et au Mandrax à 22 ans. S’ensuivront deux albums (indispensables) dans les seventies et la mort (physique) en 2006. Qui ne surprit pas – après tout, il était déjà parti. Son histoire, aussi triste que fascinante, a fait l’objet de moult ouvrages. Pourquoi évoquer celui-ci ? Car il ne s’agit pas à proprement parler d’une biographie. Oh, Espitallier est un fan du natif de Cambridge, et ce livre dépeint cette vie chaotique. Mais là n’est pas l’essentiel : le Français emprunte une autre voie pour évoquer son idole. Intime, sa prose éminemment littéraire se penche sur son propre rapport au songwriter (le fil rouge étant sa rencontre "manquée" avec Syd) et, n’oubliant pas le collectif (vous, nous), interroge la mythologie du rock et la fascination pour le tragique. Il s’intéresse aussi à la réception (et au souvenir) des sixties dans la mémoire populaire. Dressant un judicieux parallèle entre Barrett et Rimbaud, il achève sa quête en passant en revue tous les disparus, de Bettie Page à W. De Kooning, de Greta Garbo à Ambrose Bierce, au fil de pages s’effaçant peu à peu – au sens propre. Parfait. 160 p., 15 €. Thibaut Allemand

KARIM MADANI Jewish Gangsta (Éditions Marchialy) Fin des années 1980, à New York. Un mouvement créé par des voyous juifs regroupant « blancs déclassés et noirs inclassables » se forme : les goons. Jane Berkowitz aka Jewish Jane, monte un gang de filles dans le Queens pour s’opposer aux cliques latinos. Nom de famille : les Cee Jay. Ethan Horowitz, 17 ans, est déjà une légende du vol de voitures lorsqu’il rejoint les Lo-Life, une bande de Brooklyn spécialisée dans le pillage. Citons aussi les frères Ill Bill et Necro, des rappeurs et dealers « vraiment tarés », adeptes de black metal, de films gores et de rap. Non sans humour, l’enquête de Karim Madani ausculte les bas-fonds de la mégalopole et de sa criminalité, où une culture se réclamant de la vieille Jewish Connection émerge dans « le sang, la sueur et les rimes ». 96 p., 18 €. Julien Bourbiaux


PHILIPPE BAUDOUIN

LAURENT DE SUTTER

Les Forces de l’ordre invisible (Le Murmure)

Poétique de la police

Twin Peaks va enfin revenir sur les écrans. Mais saviez-vous que Dale Cooper, comme après lui Fox Mulder, possède un ancêtre bien réel en France ? Le philosophe et homme de radio Philippe Baudouin propose ici une plongée dans les archives d’Emile Tizané. À ses heures perdues ce gendarme appliqué travaillait sur ses propres affaires non classées : maisons hantées, esprits frappeurs et cas de possession. Des documents venus des tréfonds du xxe siècle nous font vivre à la fois une époque, une quête, et la radiographie d’un paysage empli de zones d’ombre. De stimulantes réflexions redoublent l’intérêt d’un ouvrage fétichiste et abondamment illustré. Pas de doute : ce (beau) livre est hanté par le meilleur des esprits. 272 p., 39 €. Rémi Boiteux

(Rouge Profond)

Bien que publié chez Rouge Profond, Poétique de la police n’est pas un essai sur le cinéma. Des films, bien sûr, sont évoqués. Mais au même titre que des affaires ayant marqué le système judiciaire et policier (américain et hong-kongais, surtout). C’est d’ailleurs l’un des intérêts du livre. Racontés sur le même mode, fictions et faits réels voient leurs frontières se troubler. Plutôt qu’une histoire du flic au cinéma, Laurent de Sutter essaie de percer l’imaginaire qui sous-tend le fonctionnement de la police. Qui est, selon lui, un dispositif pour empêcher le réel d’advenir. Alternant réflexions philosophiques et récits, Poétique de la police affiche un certain ronronnement qui ne rend pas justice à la radicalité de ces propositions théoriques. 180 p., 17 €. Raphaël Nieuwjaer

DOMINIQUE LEGRAND Les Territoires interdits de Tobe Hooper (Playlist Society) Tobe Hooper ? Ah oui, Massacre à la Tronçonneuse et Poltergeist. Mais encore… ? Eh bien, c’est à peu près tout ce que l’on connaissait du réalisateur américain avant de dévorer ce livre passionnant. Bien évidemment, l’ouvrage rappelle quelques évidences – dont le caractère éminemment politique de ce cinéma souvent pris de haut (songez à Romero, à Carpenter). Et revient plus en détail sur le parcours sinueux d’un maverick s’étant souvent (toujours ?) penché sur les marginaux, les déclassés, les misfits d’une Amérique blanche et triomphante. Ne sacrifiant jamais à une simple lecture sociale ou politique de l’œuvre, Dominique Legrand étudie longuement l’aspect, formel et esthétique de films qui méritent d’être redécouverts. Ou découverts, tout simplement. 144 p., 14 €. Thibaut Allemand


Félicité L’amour à mort

Texte Mélissa Chevreuil Photo Jour2Fête

Il a bouleversé le festival de Berlin en faisant tantôt danser, tantôt pleurer les spectateurs. Le cinéaste franco-sénégalais Alain Gomis (Andalucia en 2008 et Aujourd’hui en 2012) raconte l’histoire de Félicité, amoureuse par hasard, brave par nécessité. Mais surtout, chanteuse dans un petit troquet. Un détail pour vous mais qui, filmé par Gomis, veut dire beaucoup… Félicité (magistrale Véronique Beya Mputu) gagne sa croûte en donnant de la voix dans un café à Kinshasa. Son modeste quotidien est chamboulé quand son frigidaire tombe en

panne et que survient Tabu, réparateur un peu bourru. Cela ressemble au scénario d’un mauvais film érotique du dimanche soir. C’est en fait le début d’une fulgurante histoire


Écrans – Sélection 63

d’amour. Une romance interrompue quand le fils de Félicité est victime d’un accident de moto. Comment récupérer l’argent nécessaire dans les temps pour le sauver ? La voilà lancée dans une course effrénée au cœur de la bouillonnante ville congolaise. Périple onirique Par son style si singulier, Alain Gomis propose ici une odyssée multi-sensorielle. Des compositions modernisées de Kasai Allstars aux mouvements de caméra virevoltants, le spectateur est transporté dans un paysage hypnotique et onirique. L’idylle entre Tabu, ivrogne au grand cœur et Félicité, archétype

de la mère courage, traverse et balaie tous les désastres économiques, sanitaires et politiques du pays. Satire sociale ? Ode musicale ? Comédie romantique ? Portrait de femme ? Félicité est un peu tout cela et rien à la fois : il s’agit d’un film de genre sans genre, inclassable. Ou alors dans une seule catégorie : celle des films à voir.

De Alain Gomis, avec Véronique Beya Mputu, Papi Mpaka, Gaetan Claudia… En salle


Le réveil de l’Histoire Cinéaste-chiffonnier, Sylvain George ramasse objets et discours pour essayer d’en extraire la logique de notre monde. Cinéaste-poète, il compose avec Paris est une fête un documentaire expérimental révolté et surprenant. Paris est une fête ? Il fallait, au lendemain des attaques contre Charlie Hebdo et l’Hyper Cacher, un certain courage pour l’affirmer. Mais le titre du roman d’Hemingway a cristallisé le désir de surmonter ensemble cette épreuve. En le reprenant, Sylvain George fait cependant entendre toute son ambivalence. Oui, il y a bien eu, sur la Place de la République devenue un temps monument aux morts, une fête. Celle d’une démocratie qui aurait enfin retrouvé la rue comme espace de dialogue et de décision privilégié. Comme dans Vers Madrid (2012), le cinéaste filme les foules assemblées, la parole qui circule, un espace-temps qui s’invente collectivement. Mais Paris est une fête est, comme son sous-titre l’indique, « un film en 18 vagues ». Pas de flux sans reflux. Les élans se brisent contre la répression de l’État. Cela vaut aussi bien pour Nuit debout que pour les exilés tentant de trouver un bout de trottoir où dormir. Car, c’est la force du documentaire, George ne reste pas en place. Il se glisse dans les interstices de la ville jusqu’à ses bordures les plus violentes. Et mesure l’écart qu’il y a entre Paris et la banlieue, les hyper-lieux et les non-lieux, le peuple dans la rue et les gens à la rue. Aucun angélisme donc, mais des points de rapprochement. Une constellation secrète qui illumine notre regard. Raphaël Nieuwjaer

Documentaire de Sylvain George. Sortie le 12.04

© Stephen Rozen

PARIS EST UNE FÊTE


Écrans – Sélection 65

© Les Films Hatari / Les Films d’Ici

De Arnaud des Pallières, avec Adèle Haenel, Adèle Exarchopoulos, Solène Rigot, Sergi López… En salle

© Stanislav Honzik

Orpheline Co-écrit par Arnaud des Pallières et Christelle Berthevas, Orpheline retrace les étapes chaotiques de la vie d’une jeune femme. Pour mieux souligner les différentes époques, le réalisateur fait appel à quatre actrices. Alternativement, on découvre une future mère rattrapée par ses démons, une fille fauchée collectionnant les amants, une adolescente fuyant la violence paternelle et une fillette placée au centre d’un jeu qui tourne mal. Cette construction par couches successives cherche à cerner la psychologie de l’héroïne. Malgré ce parti pris audacieux, et un casting impeccable (López, Haenel, Exarchopoulos), le récit souffre de l’absence de lien entre les chapitres, éloignant le spectateur du propos. Dommage. Hugo Guyon

A United Kingdom Dans les salons londoniens, en 1947, Seretse Khama savoure ses derniers moments d’insouciance avant de monter sur le trône du Bechuanaland, protectorat britannique frontalier de l’Afrique du Sud. Son mariage, avant son départ, avec la dactylo anglaise Ruth Williams, va provoquer une crise diplomatique… Ruth et Seretse tombent amoureux sur un air de jazz. Des unes de journaux tourbillonnantes témoignent du scandale, et le jeune roi noir parvient à imposer sa reine blanche après un discours grandiloquent devant son peuple. Hélas, il n’y a pas une idée neuve dans ce film de facture très classique, qui émeut rarement, malgré la bonne volonté des acteurs. C’est d’autant plus regrettable que la véritable histoire de la naissance du Botswana est passionnante. Marine Durand De Amma Asante, avec David Oyelowo, Rosamund Pike, Tom Felton… En salle


Dessous de table À l’heure où les cuistots sont érigés en nouveaux héros, où les émissions culinaires poussent comme des champignons sur nos écrans (du plus alléchant à l’indigeste), quoi de plus logique de consacrer un documentaire au Noma ? Pour autant, le Néerlandais Maurice Dekkers ne s’intéresse pas vraiment à la nourriture ici… En 2015, le Noma était désigné meilleur restaurant du monde. Rien que de très habituel pour cet établissement primé quatre fois, se distinguant par une cuisine de saison et inspirée par la nature environnante. C’est justement pour « sortir de la routine » que son chef, René Redzepi, déménagea deux mois durant toute sa tribu de Copenhague au Mandarin Oriental de Tokyo, au Japon. Un pays dont il ne connaît rien, mais où il compte concevoir un nouveau menu. On suit ainsi nos vikings à travers l’archipel, s’imprégnant de la tradition et saveurs locales, goûtant par exemple les feuilles à même les arbres, avant de les retrouver aux fourneaux. Tourné caméra à l’épaule, sans effet de lumière, le premier longmétrage du Maurice Dekkers vise la même épure, la radicalité dont font œuvre ces Lars Von Trier de l’assiette. Entre flash-back et interviews se dévoile ainsi peu à peu le vrai sujet du film : le processus de création. Il s’agit ici de se réinventer à l’aune d’une autre culture, pour imaginer 14 plats inédits (tarte aux palourdes, bouillon froid au pin et roses sauvages…). C’est passionnant, haletant et parfois émouvant. Un seul regret : on ne peut rien goûter ! Julien Damien Documentaire de Maurice Dekkers, Sortie le 26.04

© Pierre Deschamps

NOMA AU JAPON



Tchamba © Nicola Lo Calzo / L’agence, Paris


Exposition – Événement 69

AFRIQUES CAPITALES

Meshac Gaba, Sweetness, 2006 © Galleria Continua, San Gimignano, Beijing, Les Moulins, Habana, Photo Henk Nieman (détail)


Exposition – Événement 70

Nomad’s land Texte Julien Damien Photo Ci-dessous : Kwma Akoto Almighty God, My God, please heal me, huile sur panneau de bois, 60x60cm © photo Pierre Schwartz

La création contemporaine africaine s’affiche à Lille dans toute sa diversité, avec des artistes pour certains jamais vus en France. Sous-titrée Vers le Cap de Bonne-Espérance, cette exposition invite à parcourir un continent complexe, entre mythes, symboles ou problématiques actuelles. Un voyage poétique et salutaire, à l’heure où l’Europe se replie sur elle-même.

R

éhabilitée en haut lieu culturel en 2009, la Gare Saint Sauveur

renoue jusqu’en septembre avec sa vocation historique : le voyage. Et quel

cette exposition collective rassemble les œuvres de plus d’une trentaine d’artistes contemporains africains. Installations, vidéos, photos, peintures, sculptures…

voyage ! Afriques capitales embrasse un territoire qui s’étend du Maghreb jusqu’au Cap de Bonne-Espérance, soit la pointe de l’Afrique du Sud. Orchestrée par Simon Njami, commis-

« L’AFRIQUE EST UN CONTINENT TRÈS CONTRASTÉ, RICHE D’UNE MULTITUDE D’HISTOIRES »

saire de la dernière Biennale de Dakar, On découvre un vaste panorama de techniques et de supports. De sujets, aussi. « Rappelons que l’Afrique n’est pas un pays mais un continent très contrasté, riche d’une multitude d’histoires. Vous ne vivez pas la même chose au Caire et au Cap. Il n’existe pas une sorte d’homo-africanus générique, insiste l’écrivain et essayiste.


En haut : Moataz Nasr, I’m Free © Galleria Continua, San Gimignano, Beijing, Les Moulins, Habana

En bas : Leila Alaoui, Crossings, 2013 © Fondation Leila Alaoui


Cet accrochage révèle ainsi des préoccupations très variées : certaines sociétales, d’autres plus joyeuses ou personnelles ». Histoire immédiate Pour autant, il est beaucoup question de politique. Poussant les portes de "Saint So", nous sommes accueillis par une installation monumentale. Signée par Moataz Nasr, représentant de l’Égypte à la Biennale de Venise en mai, celle-ci ressemble à une pyramide sur laquelle le public est invité à grimper. Arrivé au sommet, des ailes se déploient dans le dos du visiteur, mais aussi une inscription, « I’m free », en référence aux slogans de la révolution égyptienne. Tout aussi engagée,

À gauche : Abdoulaye Konaté, Calao, 2016 © Primo Marella Gallery, Milano À droite : Hassan Hajjaj, Carpet Seller, 2012 © Hassan Hajjaj

Crossings, de Leila Alaoui, tuée à Ouagadougou en 2016 lors de l’attaque du Cappuccino, relate le calvaire de migrants subsahariens, traversant la Méditerranée pour gagner une terre qu’ils imaginent meilleure. Mêlant témoignages réels et fiction, cette installation vidéo montre à quel point l’Europe persiste dans l’imaginaire africain comme un eldorado, une utopie toxique. La planète est devenue un village global où les chances de départ sont très aléatoires.



Exposition – Événement 74

Le Béninois Meschac Gaba réinterprète cette idée avec poésie. Sweetness se présente ainsi comme la maquette d’une ville rassemblant des monuments historiques du monde entier, tout en sucre (voir page 69). Pour l’occasion, l’artiste y a ajouté le Beffroi de Lille. Cette cité symbolise donc une société unifiée mais fragile. Celle-ci Kwame Akoto Almighty God, King of Music, huile sur panneau de bois, 120x62cm © photo Marc Domage

est bâtie avec une substance renvoyant aux heures sombres de l’Histoire : ce sont les esclaves africains, déracinés par les Portugais, qui s’échinèrent dans les plantations de sucre brésiliennes jusqu'à la fin du xixe siècle… Terres intérieures Ni thématique, ni chronologique (« j’ai horreur de ça »), ce parcours est avant tout conçu comme une déambulation, instaurant un dialogue entre les œuvres.

« VOUS NE VIVEZ PAS LA MÊME CHOSE AU CAIRE ET AU CAP »

Pour exemple Calao, cette tenture du Malien Abdoulaye Konaté, qui montre l’oiseau sacré des Sénoufos chargé de transporter les âmes des défunts. Elle est placée en face des photos chamarrées du Marocain Hassan Hajjaj, magnifiant les vendeurs de Marrakech. « Voici deux déclinaisons sur le thème du voyage : l’un est spirituel, l’autre physique… commente Simon Njami. J’invite le spectateur à explorer des terres étrangères, pas à un cours de géographie ni d’histoire de l’art, il s’agit de se découvrir soi-même. Comme dans tous les voyages ».

Afriques capitales. Vers le Cap de Bonne-Espérance LILLE – 06.04 > 03.09, Gare Saint Sauveur, mer > dim : 12 h > 19 h, gratuit, lille3000.com, www.garesaintsauveur.com



Auguste Rodin, Le Baiser, grand modèle, 1888-1898. Plâtre, 184 x 112 x 110 cm © Musée Rodin, Paris photo : Adam Rzepka


Exposition – Sélection 77

Le Baiser, de Rodin à nos jours Embrassez qui vous voudrez Texte Marine Durand Photo © ADAGP, Paris 2017

2017, année Rodin ! Pour célébrer le centenaire de la mort du sculpteur avec originalité, le Musée des beaux-arts de Calais se penche sur un thème populaire de l’histoire de l’art, le baiser, à partir de l’œuvre fondatrice du génie français. La commissaire Florence Guionneau-Joie nous dévoile le parcours de l’exposition.

PUPSAM, Selfkiss – Eric, 2006, 76-78Tirage lambda contrecollé sur dibond, 120 x 80 cm © Pupsam, David Puel et Thomas Libé

Du Centre Pompidou au musée Bourdelle en passant par le LaM de Villeneuve d’Ascq, une vingtaine d’institutions, galeries ou artistes ont prêté des œuvres pour Le Baiser, de Rodin à nos jours. L’accrochage est visible à Calais jusqu’à mi-septembre. « J’ai senti un réel engouement pour le sujet, moins représenté dans les expositions actuelles que l’amour ou la sexualité », relève Florence Guionneau-Joie. Et quel sujet ! Depuis l’Antiquité jusqu’aux dessins animés Disney, le baiser s’interprète et se réinvente en peinture, sculpture, photo, BD, musique, danse et, évidemment, au cinéma. Autant de disciplines présentes dans la sélection de la commissaire, qui démarre en 1882, date du premier bécot en plâtre d’Auguste Rodin.

À pleine bouche Réunies dans le hall d’accueil, quatre sculptures majeures du maître (Le Minotaure, Les Femmes damnées, L’Éternel printemps, L’Idylle)


encadrent le célèbre Baiser, et renvoient chacune à un thème du parcours. Place ensuite au sujet, dans toute sa diversité. Pur et déconnecté du plaisir charnel, voilà le « baiser d’amour », représenté chez Vasarely (Les Amoureux) avant sa période « art optique », ou dans la chanson Kiss Me Forever de Julien Doré. Plus érotique, le « baiser prédateur » navigue de Brigitte Zieger (Counter Memories #9) au couple Schneider / Delon (La Piscine, de Jacques Deray), tandis que son « souffle » renvoie au geste salvateur, capable de sortir l’être aimé du sommeil éternel (La Belle au bois dormant). « Destructeur » chez Jan Van Oost (Kiss of Death) ou Pierre et Gilles (Amour défunt), le "smack" devient politique sous l’impulsion de Warhol (Kiss), et même de Clémentine Célarié embrassant un séropositif lors du Sidaction 1994. « Les œuvres sont variées, mais les artistes exposés conçoivent tous le baiser comme un langage, un dialogue entre deux êtres », souligne la commissaire. L’ultime section, consacrée au « baiser esthétisé », celui de Robert Doisneau (Le Baiser de l’hôtel de ville), Jacques Monory (Baiser) ou Wim Delvoye (Kiss), montre comment sa mise en scène est devenue un sujet à part entière. CALAIS – 08.04 > 17.09, Musée des beaux-arts, mar > dim : 13 h > 18 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans), www.calais.fr

Pierre et Gilles, Amour défunt, 2007. Photographie peinte, pièce unique, tirage pigment sur toile, 89 x 130 cm © Pierre et Gilles



Exposition – Sélection 80

Bernard LASSUS, Gamme de couleurs émaillées, 1967 -1970 © Don de l’artiste, 2015 / Collection Centre Pompidou, Paris, photo RMN-GP / Philippe Migeat

Éloge de la couleur Nouveau prisme

Quelle est la fonction de la couleur dans notre environnement urbain ? Comment choisir la nuance de bleu adéquate pour la façade d’une usine ? Autant de questions qui ont fait naître un métier : le colorisme-conseil. Pour son 40e anniversaire, le Centre Pompidou prête au musée de La Piscine un fonds artistique jamais dévoilé, mettant en lumière un travail méconnu. Au cours des années 1950, un groupe d’artistes français mené par Georges Patrix, Jacques Fillacier et Bernard Lassus s’associe à des architectes pour revoir l’esthétique des sites industriels. « Il fallait ré-enchanter un monde dévasté par la guerre » affirme Sylvette Botella-Gaudichon, co-commissaire de l’exposition. Héritiers du Bauhaus et de Le Corbusier, ces créateurs repensent les couleurs des bâtiments à partir de l’environnement naturel : le ciel, la végétation, la terre... D’où l’impression de grandes masses colorées s’étirant sur les façades. L’objectif ? Identifier ces constructions au premier abord et valoriser le cadre


Jean-Philippe LENCLOS, École de Maradas, Cergy-Pontoise, Étude de façade, 1972 © Don du designer coloriste, 2010 / Coll. Centre Pompidou, Paris, photo RMN-GP / Georges Meguerditchian

de vie des ouvriers. Cependant, cette réflexion dépasse le contexte de l’usine, envisageant la cité dans son ensemble (réseau autoroutier, espaces publics...). Dans l’atelier Ces coloristes expérimentent en mélangeant des pigments naturels. Une partie de l’accrochage est consacrée à leurs pratiques en atelier, présentant des gammes, nuanciers ou dessins préparatoires. Citons aussi ces maquettes de cheminées d’usines aux couleurs psychédéliques fabriquées par le japonais Ryoichi Shigeta à la fin des années 1960. Elles traduisent parfaitement cette volonté de rompre la monotonie propre aux quartiers des villes nouvelles. Conçus comme de "simples" instruments de travail, ces objets sont ici élevés au rang d’œuvres d’art. Hugo Guyon

ROUBAIX – 01.04 > 11.06, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 13 h > 18 h, 5,50 > 4 € / grat. (-18 ans), www.roubaix-lapiscine.com

Ryoichi SHIGETA, Cheminée des usines Dainichi Seika, Tokyo, 1969 © Don de l’artiste en 2010 / Collection Centre Pompidou, Paris, photo RMN-GP / Philippe Migeat


Hermès A/H 2001-2002, Veste sans col et pantalon en cachemire et soie, pull col haut en cachemire et soie, ‘Losange’ en crêpe de soie, Le Monde d’Hermès


Exposition – Sélection 83

Margiela, les années Hermès Le chic en héritage

Texte Marine Durand Photo Ralph Mecke

Martin Margiela. Le nom évoque une avant-garde typiquement belge plus que le faste d’une maison de luxe française. De 1997 à 2003, c’est pourtant chez Hermès que le plus mystérieux des couturiers officia comme directeur artistique. Peu connue du grand public, cette ère mode fait pour la première fois l’objet d’une rétrospective, au MoMu d’Anvers. Margiela chez Hermès, un choc des cultures promettant de beaux scandales ? « La presse s’attendait à des pièces radicales, déconstruites, mais Martin Margiela a surpris avec un travail beaucoup plus classique de celui qu’il proposait dans sa propre maison, détaille Karen Van Godtsenhoven, conservatrice au MoMu. En pleine logomania, il a épuré le style Hermès, abandonné les carrés de soie chatoyants et imposé un luxe discret, conçu pour soi plus que pour les autres ». Des vêtements simples et fonctionnels de COS aux manteaux oversize de Céline, « l’influence de cette période se retrouve aujourd’hui dans de nombreuses maisons. » Un couturier, deux conceptions de la mode Transformé en garde-robe géante, l’espace d’exposition présente en miroir 110 pièces imaginées par le couturier pour Hermès et pour Maison Martin Margiela. Orange signature face à « blanc de Meudon », deux styles s’opposent tout en partageant lignes intemporelles et amour des belles matières. « C’est un peu comme si on avait d’un côté un laboratoire, de l’autre une vitrine », analyse Karen Van Godtsenhoven, qui remarque le virage minimaliste de Maison Martin Margiela au fil des années Hermès. Une dernière salle, enfin, se concentre sur les pièces fortes héritées des 12 collections Hermès x Margiela : le trikini, le trench transformable, la montre bracelet à double tour. 100% cultes ! ANVERS – 31.03 > 27.08, MoMu, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 6 / 3 € / gratuit (-17 ans). www.momu.be


Louis Le Nain, Saint Jérôme, 1643, Paris, collection particulière © Sotheby’s/Art Digital Studio

Exposition – Sélection 84

Le Mystère Le Nain Les œuvres des frères Le Nain n’ont pas fini d'intriguer tant leur signification demeure énigmatique. Seulement 75 peintures ont été attribuées à ces maîtres picards du xviie siècle (originaires de Laon) sans que l’on sache avec certitude lesquelles sont de Louis, Mathieu ou Antoine. C’est ce mystère que le Louvre-Lens démêle avec cet accrochage, le premier depuis 40 ans. On admire ici 55 toiles magnifiant des humbles, généralement des paysans affichant des expressions mélancoliques. Ces artistes bouleversaient ainsi les hiérarchies sociales établies. Un travail de géant. H.G. LENS – jusqu’au 26.06, Louvre-Lens, tlj sf mar : 10 h > 18 h, 10 / 5 € / gratuit (-18 ans), www.louvrelens.fr

Mort à seulement 34 ans, entré dans la postérité grâce à ses monochromes bleus outremer (le fameux bleu Klein), l’artiste touchait à toutes les disciplines : peinture, sculpture, musique, théâtre et même architecture ! C'est cette carrière protéiforme que met en lumière cette monographie exceptionnelle. Celle-ci explore l’œuvre du plasticien dans toute sa radicalité, de ses Reliefs planétaires à ses Peintures de feu, réalisées... au lance-flammes ! H.G. Yves Klein. Le Théâtre du vide BRUXELLES – jusqu’au 20.08, Bozar, mar > dim : 10 h > 18 h, jeu : 10 h > 21 h, 16 / 4 / 2 € (-26 ans et demandeurs d’emploi), www.bozar.be

Yves Klein, Untitled Color Fire Painting, (FC 28), 1962 © Yves Klein, ADAGP, Paris / SABAM, Bruxelles, 2017

Yves Klein



Exposition – Portrait 86

Supernature Texte Julien Damien

Hicha m Berrad a

Hicham Berrada met la science au service de l’art. Il crée des tableaux vivants à partir de réactions chimiques, donnant vie à des paysages aux formes chimériques. Une expérience à vivre au Fresnoy, à Tourcoing, à l’occasion de l’exposition collective Poétique des sciences.


Présage, 2015, Paysage chimique en évolution ralentie dans une cuve en verre, 28 x 37 x 5 cm, Vue de l’exposition « Climats artificiels », Espace Fondation EDF, Paris, 2015 © ADAGP Hicham Berrada / Photo Laurent Lecat, Courtesy the artist and Kamel Mennour, Paris/London


C’est un peintre d’un nouveau genre. Un artiste-laborantin qui allie science et poésie. Hicham Berrada use de la classification périodique des éléments comme d’une palette de couleurs. Potassium, chlorure de fer, nitrate de cuivre… Le Franco-Marocain mélange des produits chimiques dans de petits aquariums remplis d’acide ou de soude, provoquant d’étranges réactions. Celles-ci dessinent en quelques minutes de fascinants paysages. « Ici, la toile est remplacée par un bocal où j’agis en modifiant divers paramètres : la température, le PH… ». En résultent des tableaux vivants aux couleurs fluorescentes et aux formes cristallines, tel que le dévoile la série Présage. « Pour la réaliser, j’ai utilisé des métaux de degrés d’oxydation différents. Je marie ainsi plusieurs réactions à la fois. Dans ce milieu très basique, les produits sont attaqués rapidement, provoquant des dégagements d’hydrogène ». Vidéoprojetés sur un grand écran courbé, ces panoramas nous précipitent sur une autre planète… pas si lointaine, à bien y regarder. « Je ne fais que révéler des mondes existant autour de nous. Un infime changement de température ou d’humidité sur Terre ferait éclore des formes très différentes… ». Beautés cachées Né à Casablanca voilà 31 ans, Hicham Berrada a d’abord obtenu un bac scientifique avant de se diriger vers les Beaux-arts de Paris, puis Le Fresnoy, d’où il est sorti en 2013. Dans son

atelier parisien, il réalise des centaines d’expériences, observe, note, recommence jusqu’à établir un protocole précis qu’il reproduit en direct. Pour autant, Hicham Berrada n’est pas qu’un agité du bocal. Il lui arrive de dessiner directement sur le ciel (!) « Les artistes de la Renaissance représentaient les nuages de façon plus alambiquée qu’ils ne le sont. Je les ai reproduits avec du bleu de cobalt, créant une matière dense mais capable de flotter ».

« JE NE FAIS QUE RÉVÉLER DES MONDES EXISTANT AUTOUR DE NOUS » Enregistrée en vidéo cette expérience (Céleste) montre ainsi une fumée bleue virevoltant dans les airs, et obtenue sur le terrain, à partir de minerais issus du sol. Citons aussi la vidéo Bloom, où on le voit accélérer l’éclosion d’un pissenlit à l’aide d’une lampe à tungstène… « Mon travail est proche de celui d’un peintre. Je substitue simplement sa technique par ma connaissance du monde physique et utilise des supports sur lesquels ma main n’intervient pas. J’oriente les énergies, m’immisçant dans des processus naturels. Je ne suis qu’un serviteur de la nature ». De la beauté, aussi.

À visiter : www.hichamberrada.com Poétique des sciences TOURCOING – jusqu’au 07.05, Le Fresnoy, mer, jeu, dim : 14 h > 19 h, ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.lefresnoy.net




Exposition – Sélection 91

Révolution bande dessinée

Planches de salut

Texte Thibaut Allemand Photo Couvertures Métal Hurlant n°33 bis, 09, 48 & (À SUIVRE) n°31-32, 13

Neuvième art, mitan des seventies : la bande dessinée entre de plain-pied dans l’âge adulte grâce à deux revues : Métal Hurlant et (À Suivre). Essentiels, ces deux magazines se partageaient quelques auteurs et, surtout, la volonté de tirer le genre vers d’autres horizons. Héritiers de la revue Pilote, Métal Hurlant apparaît en 1975 et (À Suivre) trois ans plus tard. La première était orientée SF et fantastique et la seconde, plus littéraire – pour le dire à grands traits. Dans les deux titres, Pratt, Tardi, Comès, Manara, Forest, Sokal ou Baru pouvaient exploser les codes, les cadres, la narration, et donner libre cours à leur imagination. Aucune rivalité, juste une saine émulation entre les deux revues – de nombreux pinceaux faisaient l’allerretour de l’une à l’autre. Ainsi, cette exposition propose de feuilleter la toute première BD de Tardi parue dans Métal : une élucubration SF reniée par son auteur, mais qui vaut le coup d’œil. Pas encore casé En quelque 300 planches originales présentées en vis-à-vis, les deux titres s’offrent dans toute leur beauté. De nombreux entretiens vidéo (citons Dionnet, Schuiten, Druillet, Bilal, Margerin, Nicolas de Crécy ou le jeune retraité Philippe Manœuvre) ponctuent un parcours riche d’enseignements. Présentée pour la troisième fois (après Landerneau et Angoulême), Révolution bande dessinée tient également à faire prendre conscience aux grands musées (français et belges) de la nécessité d’acquérir des planches originales, véritables œuvres au même titre qu’une estampe ou un bronze. Cependant, et sans rien enlever à son apport à l’histoire des arts, on s’interroge : cette école buissonnière, née du moment post-68 et revitalisée par la contre-culture, a-t-elle LIÈGE – jusqu’au 11.06, La Boverie, mar > dim : besoin d’être légitimée ? Vaste débat… 10 h > 18 h, 12 / 9 / 6 € / gratuit (-14 ans), www.laboverie.com


Kader Attia, Repair Analysis, Installation view MMK Museum für Moderne Kunst, Frankfurt am Main, 2014, Photo: Axel Schneider © MMK Frankfurt, Courtesy the artist, MMK Frankfurt and Galerie Nagel Draxler, Berlin/Cologne GAND – 31.03 > 01.10, S.M.A.K., mar > ven : 9 h 30 > 17 h 30, sam & dim : 10 h > 18 h, 8 / 6 / 2 € / gratuit (-19 ans), smak.be

Kader Attia Réparer l'invisible Kader Attia travaille sur un thème unique : la réparation. Protéiforme, philosophique, son œuvre s'intéresse aux blessures des individus mais aussi de l'Histoire. Une réflexion incarnée dans ses miroirs brisés et reconstitués avec des attaches métalliques. Ou plus encore dans la vidéo Réfléchir la mémoire, pour laquelle il reçut le prix Marcel Duchamp en 2016 et présentée pour la première fois en Belgique. Ce film s'intéresse aux personnes amputées vivant le phénomène du "membre fantôme" – l'organe perdu est toujours ressenti. Une allégorie de la négation de la perte, et de la douleur invisible, que l'artiste franco-algérien transpose à une échelle collective : l'esclavagisme, le colonialisme ou les génocides. Il nous incite à penser et panser ces traumatismes à une époque où les spectres du passé hantent notre quotidien et menacent l'avenir. À l'occasion de cette exposition, Kader Attia dévoile aussi une installation constituée d'objets en divers tissus africains, dont les raccommodages sont visibles, figurant les balafres et la reconstruction des identités postcoloniales. J.D.



Exposition – Sélection 94

Le travail de Pierre et Gilles est bien connu. Leurs photographies peintes croisent culture populaire (BD, cinéma…) et références tous azimuts, de la mythologie aux contes en passant par les religions. Elles magnifient des inconnus ou humanisent les stars de ce monde. À l’occasion des 40 ans du duo, cette rétrospective révèle une centaine d’œuvres, des années 1970 à nos jours, à travers un parcours thématique riche en surprises. BRUXELLES – jusqu’au 14.05, musée d’Ixelles, mar > dim : 9 h 30 > 17 h, 8 / 5 € / gratuit (-18 ans), museedixelles.irisnet.be

GIPI OU LA FORCE DE L’ÉMOTION

MODE IN TAÏWAN

Révélé dans nos contrées avec Notes pour une histoire de guerre (2005), Gipi est l’une des figures majeures de la bande dessinée transalpine. Il s’est détaché des comics et des Fumetti de son enfance pour raconter le réel, en le sublimant. Il a bousculé les codes au sein d’un même album (noir et blanc ou couleur, aquarelle ou trait fin) jouant avec les phylactères ou appuyant la dichotomie entre les récitatifs et le dessin, comme le révèle ce parcours garni de dizaines de planches.

Il aura fallu attendre 2017 pour qu’un musée français s’intéresse aux couturiers taïwanais. On découvre ici le tricot virtuose d’Apujan, les silhouettes en excroissances de Shao-Yen Chen ou l’exubérante « wishing dress » de Mei-Hui Liu. Dans un espace clairobscur jalonné de vitrines sans vitres prennent place près de 75 pièces. Point d’orgue du parcours : trois créations avec de la dentelle de CalaisCaudry.

BRUXELLES – jusqu’au 03.09, CBBD, tous les jours : 10 h > 18 h, 10 > 3,50 € (-12 ans), www.cbbd.be

CALAIS – jusqu’au 23.04, Cité de la dentelle et de la mode, tlj sf mar : 10 h > 18 h, 4 / 3 € /  gratuit (-5 ans), www.cite-dentelle.fr

À POILS ET À PLUMES L’Odyssée des animaux se prolonge de belle manière au Musée de Flandre. Après avoir observé la faune dans la peinture flamande du xviie siècle, ce deuxième volet explore le vivant via la création contemporaine belge. Ainsi, Jan Fabre, Wim Delvoye ou Marie-Jo Lafontaine composent une étrange Arche de Noé. La bête est tantôt le sujet, tantôt le support, fournissant des matières incongrues : carapaces de tortue, élytres de scarabée… CASSEL – jusqu’au 09.07, Musée de Flandre, mar > sam : 10 h > 12 h 30 & 14 h > 18 h, dim : 10 h > 18 h, 6 > 4 € / gratuit (-18 ans), www.museedeflandre.cg59.fr

Pierre et Gilles, For ever Stromae, 2014, Collection privée © Pierre et Gilles

PIERRE ET GILLES. CLAIR-OBSCUR



JEANLOUP SIEFF On s’est tous arrêtés devant une photographie de Jeanloup Sieff. Ses tirages en noir et blanc de mode, de nus féminins ou ses portraits des icônes du siècle passé ont marqué notre histoire moderne. Citons ce cliché d’Yves Saint Laurent nu et assis en tailleur, celui d’un Coluche songeur ou encore de Serge Gainsbourg et Jane Birkin tendrement enlacés. Disposés chronologiquement, près de 180 de ses œuvres dévoilent un travail foisonnant. CHARLEROI – jusqu’au 07.05, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 2 € / gratuit (-12 ans), museephoto.be

Jeanloup Sieff, Serge Gainsbourg et Jane Birkin, Paris, 1970 © Estate Jeanloup Sieff

Exposition – Sélection 96

LES OBJETS DOMESTIQUENT

L’ÉLOGE DE L’HEURE

Le FRAC Nord-Pas de Calais inaugure trois nouvelles expositions confrontant la création contemporaine à d’autres champs. Celle-ci met en lumière les liens entre l’art et le design. De la composition de mobilier de Dejanov et Heger (Plenty Objects of Desire) à l’armoire sans fond détournée par Maurizio Cattelan (Sans titre), les pièces sélectionnées questionnent aussi notre rapport d’attraction / répulsion aux objets du quotidien.

Comment représenter l’heure ? Un sujet simple qui n’en est pas moins intrigant. Cette exposition a été conçue par le MUDAC de Lausanne, ville réputée pour son horlogerie. En faisant dialoguer leurs œuvres avec des objets du xvie siècle à nos jours, les artistes et designers rivalisent d’inventivité pour détourner les traditions, telle cette pendule qui tricote les minutes au fil du temps. Une manière élégante (et pratique) de sortir du cadran.

DUNKERQUE – jusqu’au 27.08, FRAC, mer >  ven : 14 h > 18 h, sam & dim : 11 h > 19 h, 3 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.fracnpdc.fr

HORNU – jusqu’au 30.04, CID, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be

LATOYA RUBY FRAZIER ET LEWIS BALTZ LaToya Ruby Frazier a grandi à Braddock, cité sidérurgique emblématique des États-Unis. Ses photos témoignent de l’impact de la désindustrialisation sur les hommes. Lors de sa résidence au MAC’s, elle s’est aussi penchée sur le Borinage en rencontrant d’anciens mineurs, dessinant à travers ces deux œuvres une histoire universelle. En parallèle, on découvre les clichés de Lewis Baltz, disparu il y a deux ans, et en particulier ses Sites of Technology, série dénonçant le revers d’une société technoscientifique. HORNU – jusqu’au 21.05, MAC’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be



Exposition – Sélection 98

Le Musée du Touquet-Paris-Plage consacre une grande rétrospective à un pionnier du street-art français. Speedy Graphito s’est fait connaître dès les années 1980 avec ses graffs détournant la culture populaire. Celui qui se définit comme un « DJ des arts plastiques », jonglant avec la photo, la peinture, la sculpture, invente un monde où Picsou tague tandis que Blanche-Neige croque la pomme d’Apple. Ses œuvres interrogent notre mémoire collective, l’histoire de l’art ou le consumérisme. LE TOUQUET – jusqu’au 21.05, tlj sf mardi : 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), letouquet-musee.com

OPEN MUSEUM : ALAIN PASSARD À chaque printemps depuis 2014, le Palais des beaux-arts donne carte blanche à une personnalité inattendue. Après Air, Donald Duck (oui oui) et Zep, c’est au tour du cuisinier Alain Passard de se prêter à l’exercice. Replaçant le jardin au centre de l’assiette, ce chef avant-gardiste est une référence de la gastronomie française. Le parcours qu’il a mitonné révèle ses bronzes ou collages et fait la part belle aux artistes contemporains (Claude Lévêque, Jean-Luc Verna…) autour de thèmes comme la marée, le feu ou la gourmandise, évidemment. LILLE – 08.04 > 16.07, Palais des beaux-arts, lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 7 / 4 € / gratuit (-12 ans et à partir de 16 h 30 en semaine), pba-lille.fr

EN FAMILLE

LE MONDE ARABE DANS LE MIROIR DES ARTS L’IMA réunit des productions contemporaines du Proche et Moyen-Orient issues du fonds culturel de l’institut parisien ainsi que des objets d’art traditionnel prêtés par le Louvre. Ces créations dialoguent avec des œuvres occidentales, dont Les Femmes d’Alger d’après Delacroix de Fantin-Latour. Dans cet espace, ce sont deux visions artistiques qui cohabitent, entre figuration réaliste du monde en Occident et représentation plus poétique, idéalisée, chez son alter-ego oriental. TOURCOING – jusqu’au 31.12, mar : 13 h > 18 h, dim : 10 h > 18 h, 3 / 2 €, ima-tourcoing.fr

MICHEL NEDJAR. INTROSPECTIVE Évoquer Michel Nedjar, c’est d’abord penser à ses célèbres et effrayantes poupées, constituées de chiffons ramassés çà et là et trempées dans des bains de boue ou de sang. Pour autant, son œuvre s’avère bien plus vaste. Au-delà de ces créations en tissu, on découvre ici des sculptures, dessins, peintures ou films expérimentaux, à travers un parcours chronologique et thématique rassemblant plus de 350 pièces. Un voyage entre magie et enfance, vie et mort. VILLENEUVE D’ASCQ – jusqu’au 04.06, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € / gratuit (-12 ans) , www.musee-lam.fr

Speedy Graphito, Atomised Bunny, 2013

SPEEDY GRAPHITO, UN ART DE VIVRE



GUILLERMO

GUIZ Get up, Stand-up Propos recueillis par Julien Damien Photo Philippe Mazzoni / Olympia Production


Théâtre & danse – Rencontre 101

Footballeur, journaliste, gérant de discothèque… À 35 ans, Guillermo Guiz a déjà plusieurs vies derrière lui. Le voici humoriste, grossissant les rangs de la nouvelle génération du stand-up francophone (Fary, Nawell Madani, Kyan Khojandi). Depuis la rentrée, il ravit aussi les auditeurs de La Bande originale sur France Inter avec sa verve absurde et corrosive. Le ket d’Anderlecht a-t-il un bon fond, comme l’annonce son spectacle ? Pas sûr…

Quel est votre parcours ? J’ai étudié les sciences politiques à Bruxelles avant de devenir journaliste pour la presse écrite belge, notamment Le Soir. J’ai ensuite rejoint le monde de la nuit en gérant des boîtes, à Knokke-le-Zoute et à Bruxelles… Puis tout s’est cassé la gueule, alors je me suis reconverti dans l’humour. Vous avez aussi été footballeur… Oui, j’ai mené une petite carrière chez les jeunes et failli devenir pro, mais mon corps étant aussi décevant que mon âme, ça n’a pas marché non plus (rires). Ma vie est un enchaînement de bizarreries. Comment avez-vous décidé de monter sur scène ? À la suite de ce lamentable échec dans le milieu de la nuit je me suis retrouvé au pied du mur. Je n’avais

plus de perspective, d’argent, de logement. Il fallait redonner du sens à ma vie. Je regardais beaucoup de stand-up américain à ce moment-là et un jour je me suis dit : « pourquoi pas moi ? »

« MON CORPS EST AUSSI DÉCEVANT QUE MON ÂME »

Vous évoquez souvent Louis C.K… Oui, ce type m’a bouleversé. Il porte un regard désabusé mais tellement lucide sur la nature humaine. Je me suis reconnu dans sa noirceur. Je n’ai jamais été le mec le plus joyeux de ma génération mais j’ai toujours gardé le sens de l’humour.


Théâtre & danse – Rencontre 102

Faites-vous des liens entre l’humour et le journalisme ? J’applique en général sur scène les questions fondamentales du journalisme : « Qui ? Où ? Quand ? Comment ? Pourquoi ? » Mon spectacle est ainsi constitué d’histoires, d’anecdotes et contient peu de vannes gratuites. Dans une salle de rédaction, on essaie de dénicher le moyen de traiter l’actualité en se démarquant du canard concurrent. Moi j’essaie d’être différent des autres humoristes en utilisant des mots et des angles originaux.

« GUY, ÇA PUE LE SEXE ENTRE VIEUX » Vous revendiquez-vous du stand-up ? Absolument, je suis debout sur scène, sans aucun artifice, musique ni lumière. Je parle durant une heure aux gens comme si j’étais dans leur salon, c’est très épuré. On vous voit sur scène, on vous entend aussi à la radio… Avez-vous d’autres projets ? Rien de très concret dans ma besace. En tout cas, je ne vais pas cartonner tout de suite au cinéma… J’ai déjà joué la comédie dans une capsule humoristique, et je suis sans doute le pire acteur dans un rayon de 600 kilomètres (rires).

Quel est le sujet de votre spectacle ? C’est l’histoire d’un trentenaire réalisant qu’il n’est pas devenu la personne qu’il souhaitait être. Je me demande donc, à travers une série d’exemples, si j’ai un bon ou un mauvais fond, si je suis quelqu’un de bien ou une merde. Je digresse ainsi sur divers sujets de société. Comment qualifieriez-vous votre humour ? Désabusé mais pas "noir", je ne suis pas cynique. Je balance des blagues parfois "rentre-dedans" mais ne règle pas mes comptes. Les cas sociaux, les handicapés, les arabes… personne ne peut se sentir agressé par mes propos. Ils sont tellement absurdes. D’ailleurs, le cas le plus dramatique de mon spectacle, c’est moi (rires). Vous n’êtes pas non plus tendre avec Anderlecht, d’où vous êtes originaire. Vous dites par exemple que ses vrais habitants « portent un maillot du Sporting avec le numéro 21 »… Oui, en hommage à la trisomie ! Évidemment, je force le trait mais qui aime bien châtie bien ! Je parle de choses qui me touchent. J’ai du mal à blaguer sur la bourgeoisie, très éloignée de mon vécu, tandis que le côté "plouc" propre à Anderlecht fait partie de moi. Je m’en moque avec bienveillance. Relative tout de même…


Pourquoi utiliser un surnom plutôt que votre identité réelle, Guy Verstraeten ? Parce que j’ai un nom de comptable, voire de boucher chevalin, en tout cas pas un nom de music-hall. J’ai donc dû m’adapter. Guillermo Guiz est la juxtaposition de mes deux surnoms. Une espèce d’hybride bizarroïde de mon prénom dégueulasse. Vous n’aimez pas votre prénom ? Guy, ça pue le sexe entre vieux. J’ai grandi dans les années 1980. Il faut se mettre dans la peau d’un ado de 17 ans, timide, en boîte et essayant d’aborder une fille. Quand

il y parvient péniblement, il faut lui avouer comment il s’appelle… Ça fait partie des moments douloureux de la vie. Je n’ai jamais compris mes parents. C’est pourtant long une grossesse, on a un peu le temps de voir venir, t’as pas un pistolet sur la tempe t’obligeant à choisir entre Marcel, Guy ou Raymond ! Finalement, est-ce que vous avez un bon fond ? Hélas, je suis quelqu’un de vraiment décevant (rires). Ce spectacle est un peu une thérapie. Il me donne l’occasion de m’améliorer. Je ne suis pas certain d’avoir un bon fond, mais j’essaie d’être meilleur.

BRUXELLES – jusqu’au 27.05, Théâtre de la Toison d’Or, tous les vendredis & samedis + jeudis 20.04 et 04.05, 20 h 30, 23 > 8 €, www.ttotheatre.com


2017

comme possible


Théâtre & danse – Événement 105

Jouez, jeunesse ! Texte Madeleine Bourgois Photo Emilia Stéfan Law

Un vent de fraîcheur souffle sur les scènes du Nord de la France. 17 adolescents dirigés par Didier Ruiz jouent 2017 comme possible, fruit de cinq mois d’ateliers dans des conditions professionnelles. Tous issus de la métropole lilloise, ils nous parlent d’amour, de travail, de leurs rêves… interrogent la place des "jeunes", aujourd’hui, à rebours des clichés. Authenticité garantie.

G

rand sourire, Astrid s’avance au devant de l’espace de jeu. « Je ne suis jamais tombée amoureuse. Je suis pas pressée non plus… J’ai que 17 ans ! ». Puis Anousone se livre : « La première fois qu’on me voit, on me dit toujours que je suis chinois ! ». Les apprentis comédiens de 2017 comme possible sont encadrés ce jour-là par Céline Hilbich, l’assistante du metteur en scène Didier Ruiz. Au programme de l’atelier, « les questions » : chaque ado doit réagir, par un témoignage sincère, à différentes idées ou interrogations, du type : « est-ce que tu es libre ? », « l’amour », « un souvenir d’odeur ». L’un après l’autre, ils se lèvent. Le regard droit et la voix claire, se racontent. C’est à la fois drôle et émouvant, maladroit et délicat, pudique, parfois très intime.


Un théâtre de la parole Cette aventure a commencé en octobre, par une rencontre avec Didier Ruiz. Le metteur en scène a choisi ces neuf filles et huit garçons, parmi la soixantaine de candidats, « pour la clarté de leur motivation, précise-til, pas parce qu’ils venaient d’une école particulière ». Ainsi, Elsa, des années de théâtre au compteur, côtoie Anousone, jusqu’ici plutôt accro au parkour qu’à la scène. Cette diversité – d’expérience, de corps, de voix – joue beaucoup dans la grâce du collectif. Il n’y a pas de texte, ce spectacle repose sur la parole des comédiens. Lever de rideau Le 24 avril, la tribu quittera sa « bulle », comme dit Margot, pour dévoiler sur la scène du Théâtre du Nord, puis au Grand Bleu et à la maison Folie Wazemmes, le résultat de cinq mois de travail. Après Paris

ou Barcelone, Lille accueille ainsi la cinquième déclinaison du projet « comme possible ». Aucune lassitude dans la voix du chef d’orchestre. « Je les trouve plus rugueux cette année. Ils ont du relief, des vécus forts. Ça vient peut-être aussi de mon regard, moins candide qu’au début. » Habitué à diriger des adultes, Didier Ruiz n’a pas le sentiment, pour autant, d’aborder cette tranche d’âge différemment. « Le niveau d’exigence reste le même. La spécificité des interprètes réside dans leur énergie, propre à l’adolescence ». La séance se clôt avec Léna, chantant l’India Song de Jeanne Moreau. Les garçons l’entourent peu à peu, ombres de grands frères, d’amis ou d’amoureux. Une image simple. Et forte. LILLE – 24.04, Théâtre du Nord, 20 h, gratuit, www.theatredunord.fr LILLE – 26.04, Le Grand Bleu, 19 h, gratuit, legrandbleu.com (Youth is Great, page 122) LILLE – 28.04, maison Folie Wazemmes, 20 h, gratuit, maisonsfolie.lille.fr



© Courtesy Cie Atmosphère théâtre

Théâtre & danse – Sélection 108

À l’œuvre ! En cette période électorale tristement minée par les "affaires", le festival À l’œuvre ! insuffle un peu de fond dans le débat. Conçue par le collectif la Générale d’Imaginaire, avec les maisons Folie Wazemmes et Moulins, cette deuxième édition porte sur « les dominations, les questions de genre et les luttes au sens global » selon Caroline Mirailles, une des organisatrices. Le projet s’inscrit dans une démarche d’éducation populaire menée par cette structure lilloise. La programmation mêle théâtre, scène ouverte, musique, lectures et débats sur la question du travail. Citons ainsi On n’est pas que des valises d’Hélène Desplanques et Marie Liagre (voir LM 123). La pièce raconte le périple américain d’ouvrières d’Hénin-Beaumont dont l’usine a été LILLE – 31.03 > 09.04, maison Folie Wazemmes liquidée par le fonds d’investissement & Moulins (+ Roubaix, Archives Nationales du Bain Capital, dirigé par un certain Mitt monde du travail), 12 > 3 € / gratuit, divers horaires, www.slam-lille.com Romney, alors candidat républicain à Sélection : Laissez l’emploi pour reprendre le la Maison Blanche ! Les travailleuses Travail ? (débat avec F. Vatin) (31.03) // On n’est pas que des valises (H. Desplanques & M. Liagre), y interprètent leurs propres rôles. En Domino-Domina (scène ouverte animée par S. clôture, Florent Vintrigner, parolier de Gornikowski) (06.04) // H.arcelor (pop industrielle) (07.04) // Vide-quartiers (Mwano, Renoizier, La Rue Kétanou, troque l’accordéon Z. Serrano, J. Vulbeau), Dyke’s Sbires (rap'n'b pour la guitare et revisite les textes de queer féministe) (08.04) // La Femme brouillon (A. Dhée), J’ai écrit une chanson pour Mac Victor Hugo au sein de La Green Box. Gyver (E. Boëlle), Coins de réel (Cie Les Yeux de Un joli bouquet final. Hugo Guyon l’Inconnu), La Green Box (F. Vintrigner) (09.04)…




Théâtre & danse – Sélection 111

Nimis Groupe Les voix de l’exil

Texte Marie Pons Photo Véronique Vercheval

À l’heure où l’Europe se claquemure, laissant des milliers de personnes mourir à ses portes, le Nimis Groupe donne la parole aux réfugiés. Ce collectif d’artistes interroge la politique migratoire du Vieux Continent depuis la scène et livre une pièce profondément humaniste. Nimis Groupe s’intéresse depuis 2009 à la politique migratoire européenne. Plus particulièrement au sujet peu discuté du business qui régit la fermeture des frontières, avec le rôle de l’agence Frontex en ligne de mire. « On a rencontré celles et ceux qui subissent directement ces décisions dans des centres de rétention » explique Sarah Testa, comédienne. Au fil d’ateliers, cette troupe de comédiens franco-belges a recueilli de multiples récits d’exilés. Au bout de trois ans, six réfugiés originaires d’Afrique (toujours en attente de régularisation) ont rejoint le collectif. Ensemble, ils ont mis en mots leurs histoires, transformant chiffres et flux anonymes dont nous abreuvent les médias en une narration à 13 voix. Résistance La mise en scène révèle un patchwork de situations. Les migrants prennent la parole, retracent leur vie d’avant, leurs rêves ou la traversée du continent. Un studio de cinéma reconstitué permet de rejouer des épisodes malheureux, entre calvaire administratif et absurdité législative. Le tour de force de la pièce est d’employer l’humour Ceux que j’ai rencontrés ne m’ont peut être pas vu pour démonter les aberrations du système. « Ce CHARLEROI – 25.04, Charleroi sont eux qui ont adopté le rire comme un moyen Danses, 14 h & 20 h30, 14 > 7 €, de résistance, une mise à distance, avec une irowww.ancre.be nie parfois grinçante » souligne Sarah Testa. Un TOURNAI – 03 > 05.05, Maison de la Culture, 20 h, 20 > 12 €, travail essentiel, à découvrir de toute urgence. www.maisonculturetournai.com


JAN LAUWERS


Le temps retrouvé Texte Julien Damien Photo Le Poète aveugle © Maarten Vanden Abeele

Un spectacle de Needcompany est toujours un événement. Une expérience visuelle, émotionnelle et engagée. Dans Le Poète aveugle, créé en 2015, sept acteurs explorent leur arbre généalogique pour remonter jusqu’aux Croisades, dévoilant un Islam rayonnant. À travers un grand moment de théâtre, Jan Lauwers interroge le passé pour mieux comprendre le présent.

N

eedcompany célèbre ses 30 ans. Depuis mars, elle est installée dans le quartier bruxellois de Molenbeek. Un endroit plus tout à fait comme les autres, pour une compagnie tout aussi singulière. À la tête de cette tribu : Jan Lauwers, 60 ans. Le Flamand est metteur en scène, cinéaste, plasticien… Il présente d’ailleurs deux expositions, Restlessness et

Silent Stories, à Bozar. Son nom a fait le tour de la planète en 2004, suite à la présentation de La Chambre d’Isabella. On découvrait alors un théâtre musical et dansé, baroque et polyglotte où s’articulent le réel et la fiction. Beaucoup de pièces ont suivi, telle La Maison des cerfs, inspirée par la mort du frère d’une


Théâtre & danse – Portrait 114

de ses danseuses, journaliste tué au Kosovo. Oui, Jan Lauwers aime ses acteurs. « C’est pour eux que j’écris, dit-il. Pour moi, l’important n’est pas la technique, je peux monter une pièce sans décor, seulement avec des hommes et des femmes ». Le Poète aveugle ne déroge pas à la règle. « C’est l’un de nos meilleurs spectacles. Celui qui nous correspond le mieux ».

Monde perdu Pour le créer, Jan Lauwers a demandé à ses comédiens de remonter leur arbre généalogique. Devant le public se succèdent ainsi sept interprètes. Chacun d’eux dresse son portrait en commençant par « Je suis… ». Ils

s’expriment tous dans leur langue : norvégien, anglais, arabe… « C’est leur propre vie qu’ils racontent sur scène. Tout ce qu’ils disent est vrai, il y a des choses très intimes, drôles, parfois dures ». Très vite, ces romans personnels rejoignent la grande Histoire, nous emmenant au xie siècle, au temps des Croisades où l’un des membres de la compagnie a un ancêtre armurier… Nous voici sur les traces du Syrien Abû-l-Alâ' Al-Ma'arrî, le fameux poète aveugle, plongeant dans une époque méconnue : celle d’un Islam des Lumières, à Cordoue. Il y a mille ans, c’était une ville de près d’un million d’âmes, comptant 600 000 livres, dix fois plus


que Paris et ses 30 000 habitants, son Charlemagne analphabète… « Dans cette société l’athéisme était courant, les femmes demeuraient égales aux hommes, traduisaient Platon, à tel point que les chrétiens les jugeaient trop libres… Je me suis alors rendu compte en découvrant cela qu’on ne connaissait rien de l’Histoire ». Celle-ci est écrite par les vainqueurs, dit-on, amputant le présent d’une part de vérité essentielle à sa compréhension. À l’heure de la montée des nationalismes en Europe, Needcompany pose une réflexion sur l’identité. Sur le plateau, les sept monologues sont entrecoupés de danses, de musique live.

« C’est du théâtre porté par l’énergie d’un concert de rock ». Et une bonne dose d’humour. Une arme redoutable, autant qu’une injonction à l’optimisme, « même si ça n’est pas toujours facile ». Le Poète aveugle VILLENEUVE D’ASCQ – 25 > 27.04, La Rose des Vents, mar & mer : 20 h, jeu : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr BRUXELLES – 09 & 10.06, Kaaitheater, 20 h 30, 20 > 8 €, www.kaaitheater.be Restlessness BRUXELLES – jusqu’au 06.05, Bozar, mar > dim : 10 h > 18 h, jeu : 10 h > 21 h, 6 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.bozar.be Silent Stories BRUXELLES – jusqu’au 25.06, Bozar, mar > dim : 10 h > 18 h, jeu : 10 h > 21 h,  gratuit, www.bozar.be

À visiter www.needcompany.org


Lignes de fuite Au Japon, près de 100 000 personnes "s’évaporent" dans la nature chaque année. En France, elles seraient 10 000 à organiser leur "disparition volontaire", pour échapper à des problèmes ou se construire une nouvelle identité. De quoi piquer la curiosité de Lara Ceulemans, qui interroge ce phénomène dans La Beauté du désastre, créé à Mons. La Beauté du désastre a d’abord été le projet de fin d’études de Lara Ceulemans. La Bruxelloise de 25 ans s’est bien documentée avant d’entrer dans le vif du sujet. « Disparaître de soi, du sociologue David Le Breton, s’intéresse à ces gens qui décident de tout quitter du jour au lendemain. Cela m’a semblé un bon moyen d’aborder les thèmes de la rupture et du déchirement de l’homme contemporain », raconte cette diplômée du Conservatoire royal de Mons (2015). Pour cette deuxième mise en scène, elle s’est entourée d’anciens camarades et enseignants. « Chaque comédien a travaillé sur sa vision de la disparition, avant que l’auteur Thomas Depryck n’organise ces réflexions ». Bande-son jouée en direct, création vidéo répondant au jeu des acteurs : Lara Ceulemans n’imaginait pas le spectacle autrement que pluridisciplinaire. L’intrigue, elle, se résume en quelques mots. Après avoir flirté avec une femme qui n’était pas la sienne, Adrien disparaît et démarre une vie d’ermite. Bien que quelques pistes soient suggérées, « on ne connaît jamais les raisons précises de sa décision ». Libre à chacun de l’interpréter en fonction de son rapport « à la fuite, à la solitude ou à la société ».

Marine Durand

MONS – 25 > 27.04, maison Folie, 20 h, 15 > 9 €, surmars.be BRUXELLES – 09 > 13.05, Théâtre National, 20 h 30 (sf mer : 19 h 30), 20 > 11 €, www.theatrenational.be

© Todd Hido / Graine de photographe

Théâtre & danse – Sélection 116

LA BEAUTÉ DU DÉSASTRE



L’Os du cœur ARRAS – 26.04, Le Pharos, 16 h, 7 > 1,50 €, www.arras.fr DUNKERQUE – 17 > 19.05, Le Bateau Feu, mer & jeu : 19 h, ven : 20 h, 8 €, www.lebateaufeu.com VIEUX-CONDÉ – 07.06, Le Boulon, 18 h 30, 9 / 6 €, leboulon.fr Cœur cousu HAZEBROUCK – 26.04, CARRC, 19 h, 7 > 4 €, www.centreandremalraux.com (voir Le P’tit Monde, page 120) DUNKERQUE – 17.06, Halle du Théâtre La Licorne, 15 h & 18 h, gratuit, www.lebateaufeu.com

EN FAMILLE


Théâtre & danse – Portrait 119

De Fil et d’Os Ombre est lumière

Texte Flora Beillouin Photo Horric

Après le succès de son adaptation du roman Le Cœur cousu, la compagnie lilloise De fil et d’os peaufine son théâtre de marionnettes onirique et puissant. La revoici avec L’Os du cœur, inspirée d’une fable inuit, La Femme squelette, à nouveau co-signée par Carole Martinez. « De fil et d’os est né il y a deux ans, au retour d’un festival où nous avions joué Cœur cousu », explique la comédienne Julie Canadas. À l’époque, le spectacle demeure une production de la compagnie Les Baltringues. Mais Julie, Alexandra, Vaïssa et Cassandre souhaitent explorer plus avant l’art de la marionnette. Au sein de leur nouvelle troupe, elles écrivent, cousent, prêtent tour à tour leur voix et leurs mains à ces êtres de chiffon. « Cœur cousu, c’est une année de travail délirante à bricoler dans le salon avec un budget de 2 000 euros ! », poursuit Julie. Récompensée par le « Prix du public » au dernier festival d’Avignon, la pièce ouvre la voie à deux nouvelles créations, dont L’Os du cœur. Résurrection Ce spectacle nous emmène aux confins de la nuit polaire. Sur la banquise étincelante, un pêcheur aux accents russes conjure sa solitude en égrenant les noms de ses chiens affamés, lorsqu’une femme squelette s’accroche à son hameçon. Jetée à la mer par son père, celle-ci reprend chair grâce à ses larmes et battements de cœur, sous l’œil goguenard d’un corbeau omniscient et grotesque. La pièce conjugue ainsi humour et poésie. « J’ai toujours adoré ce conte traditionnel, j’imaginais depuis longtemps une réécriture où la marionnette se mêlerait au théâtre d’ombre ». La magie opère aussi grâce à la bande-son de Simon Demouveaux. De la scène s’échappent des râles fauves et des crissements de pas dans la neige, insufflant encore un peu plus de vie à ces bouts de tissu.


White © Jassy Earl

Le P'tit Monde C'est un rendez-vous incontournable de la scène jeune public dans les Hauts-deFrance. Sous-titré "festival pour petits, grands et vieux enfants", Le P'tit Monde multiplie les formats (théâtre d'objets, d'ombres, concert…) et les sujets, s'adressant à tous. En cela Les Pieds Nickelés réveilleront sans doute quelques souvenirs chez les plus âgés, tout en parlant à la nouvelle génération. Cette adaptation par la Franche Connexion des aventures de Croquignol, Filochard et Ribouldingue (qui datent de 1908 !) télescope burlesque, clownerie et critique sociale. Au rayon "œuvres cultes", on trouve aussi Le Ballon rouge (Peuplum Cactus), relecture avec des marionnettes du court-métrage d'Albert Lamorisse 25.04 > 05.05, HAZEBROUCK – (1956), ode poétique au pouvoir Centre André Malraux et autres lieux BAILLEUL – Salle Marguerite Yourcenar de l'imagination, narrant l'histoire MERVILLE – Espace culturel Robert Hosd'amitié entre un petit garçon solitaire sein, 7 > 4 €, pass 3 spectacles : 12 €, www.centreandremalraux.com et une baudruche. De son côté, la Toute petite compagnie achève de Sélection : Cœur Cousu (Cie de Fil et d'os) (26.04) // Mange tes ronces ! (Cie Brigand Rouge / Boîtes nous convaincre de la pertinence du à Clous) (27.04) // Le Ballon rouge (Cie Peuplum recyclage. Elle transforme de vieux Cactus), White (Catherine Wheels Theatre Company) (29.04)… // Les Pieds Nickelés (Franche gants ramassés çà et là en héros de Connexion) (30.04) // Boîte à gants (La Toute petite music-hall ou d'une guerre des étoiles compagnie)… / Quand je serai petit (Cie Illimitée, Tony Melvil et Usmar) (03.05) // M c'est comme hilarante, entre chansons loufoques et aimer (Mila Baleva) (04.05) // Mon Royaume pour inventions étonnantes. J.D. un cheval (Théâtre des Crescite) (05.05) EN FAMILLE



The Shaggs © Frederic Sonntag

Théâtre & danse – Sélection 122

Youth is Great Conçue pour et avec les ados, cette seconde édition de Youth is Great fait la part belle aux spectacles participatifs, tels que 2017 comme possible (voir page 104), mais aussi à la musique. En composant des morceaux dans sa piaule, Karl, 14 ans, rêve de gloire et s'interroge sur lui-même (Dans ma chambre de S. Gallet). Il devrait s'intéresser au destin des sœurs Wiggin, membres de The Shaggs, le plus mauvais groupe de tous les temps. Une histoire vraie dont la compagnie Asanisimasa tire un conte à rebours de la mythologie du rock : forcées de monter sur scène par leur père, elles sont détestées mais connaissent la gloire à leur disparition. J.D. LILLE, ROUBAIX – 31.03 > 06.05, Le Grand Bleu, Libraire Dialogues Théâtre, La Condition Publique, 13 € > gratuit, www.legrandbleu.com // Sélection : The Shaggs, Cie Asanisimasa (04.04) // Master, Extime Compagnie (05.04) // Dans ma chambre, Jonathan Pontier, Samuel Gallet (06 > 08.04) // 2017 comme possible, Didier Ruiz (26.04) // Le Cri ces carpes, Cie Tourneboulé (29.04)...

La Clé

© Kurt Van der Elst

EN FAMILLE

Adaptée d'un roman du Japonais Junichiro Tanizaki, cette pièce de Josse de Pauw présente un étrange couple. Ces époux se communiquent leurs fantasmes à travers leurs journaux intimes, qu'ils laissent délibérément ouverts. Le jeu prend une autre tournure lorsque le vieil homme y fait entrer le prétendant de sa fille... Sur scène, une percussionniste rythme les danses et dialogues des personnages, tandis que le metteur en scène flamand lit des extraits desdits journaux, révélant les ressorts du désir. J.D. HASSELT – 22.04, Cultuurcentrum, 20 h, 18 > 9 €, www.ccha.be MAUBEUGE – 27.04, Théâtre Le Manège, 20 h, 12 / 9 €, www.lemanege.com VILLENEUVE D'ASCQ – 03 > 05.05, La Rose des Vents, mer & ven : 20 h, jeu : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr


En attendant Godot

/ Samuel Beckett

Les fous à réAction [associés] Mer 26 et jeu 27 avril |19h| Ven 28 avril |14h30| Sam 29 avril |20h| Le Bateau Feu - DUNKERQUE Jeu 4 mai |14h30 & 19h| Ven 5 mai |14h30 & 20h| Sam 6 mai |19h| Théâtre de la Verrière - LILLE

© Xavier Cantat

Compagnie soutenue par la Drac Hauts-de-France, la Région Hauts-de-France, le Département du Nord & La Ville d’Armentières

Jeu 11 mai |14h30 & 20h| L’Escapade - HENIN BEAUMONT

lesfousareaction.fr


Š Vincent Vanhecke


Théâtre & danse – Sélection 125

Les Turbulentes Le haut du pavé

C’est le même refrain depuis 19 printemps, mais on ne s’en lasse guère. Le temps d’un week-end, Vieux-Condé vibre au rythme des Turbulentes. Organisé par le Boulon, ce festival des arts de la rue révèle la crème de la création contemporaine, offrant un moment de partage salutaire entre les habitants et les artistes. Durant trois jours, l’ancienne cité minière du Valenciennois se ré-enchante. L’espace public devient une scène géante à ciel ouvert, accueillant 35 000 festivaliers et une trentaine de compagnies internationales. Théâtre, cirque, marionnettes… « On ouvre une parenthèse utopique », prévient Virginie Foucault, la directrice du Boulon. Une agora, aussi. Il s’agit de découvrir, certes, mais également de réfléchir. Le festival a toujours soutenu des artistes novateurs dans la forme, et engagés sur le fond. À plus forte raison cette année : cette 19e édition se déroule pile entre les deux tours de la présidentielle… Droit de vote Relevons ainsi la pertinence de Fight Night des Gantois de Ontroerend Goed. Armé d’un petit boîtier électronique, le public est invité à élire son favori parmi cinq candidats. Ceux-ci convoitent notre suffrage en usant de tous les stratagèmes (il y a "la voix de la raison", "l’anti-système"…). Entre émission de téléréalité et politique spectacle, cette pièce participative dissèque avec humour les mécanismes de la démocratie (et du populisme) sans citer aucun parti. Plus métaphorique, Leurre H de la compagnie Escale figure l’acte de résistance, au VIEUX-CONDÉ – 28 > 30.04, au Boulon et en centre-ville, gratuit, sein d’une société penchant à l’extrêmeprogramme complet : leboulon.fr droite. Voltigeant 15 mètres au-dessus Sélection : Leurre H (Cie Escale) // We Meet in Paradise (TheatreFragile) // Tentative(s) du sol, les acrobates s’engagent physide Résistance(s) (Cie Bouche à Bouche) // quement, dans une roue de la mort ou Fight Night (Ontroerend Goed) // Chansons à risques (Duo Benito) // Ivan le Terrible suspendus à un trapèze, évoquant la (Théâtre du Rugissant) // Ma Bête noire (Éclats de Rock) // More Aura (Véronique prise de risques ou la nécessité de faire Tuaillon) // Urban et Orbitch (Microsillon) // confiance aux autres. À bon entendeur. Germinal (Les Batteurs de Pavés)… EN FAMILLE

Julien Damien


Théâtre & danse – Sélection 126

LE VAISSEAU FANTÔME

LILLE – Jusqu’au 13.04, Opéra, 20 h, sf sam : 18 h, 69 > 5 €, www.opera-lille.fr

© Jean-Louis Fernandez

Richard Wagner / Àlex Ollé / Eivind Gullberg Jensen

Premier chef-d’œuvre de Richard Wagner, Le Vaisseau fantôme est tiré d’une légende de marins popularisée au xixe siècle. Le Hollandais maudit est condamné à errer éternellement sur les océans pour avoir défié Dieu. Seul l’amour d’une femme peut mettre fin à sa damnation… La compagnie catalane La Fura dels Baus propose une mise en scène novatrice de cet opéra fantastique, sans rien trahir de la puissance de sa musique et de son émotion.

JE SUIS LA HONTE DE LA FAMILLE

NOUS VOIR NOUS Antoine Lemaire / Guillaume Corbeil / Compagnie Thec

Arnaud Cathrine / Thomas Piasecki / Spoutnik Theater

Place au grand spectacle de la vie. Enfin, telle qu’elle est mise en scène sur Internet. Sur un plateau quasiment nu, cinq comédiens s’adressent au public, exposant tour à tour ce qu’ils sont, aiment, connaissent, fantasment. D’abord bon enfant, l’énumération se mue en compétition féroce... Mêlant théâtre et vidéo, Antoine Lemaire adapte une pièce du Québécois Guillaume Corbeil, montrant avec justesse comment les réseaux sociaux effacent notre identité.

Martin a dix ans, et sept jours pour trouver l’amour. Car dans sa famille, tout le monde est marié ! La honte, quoi. Le voilà donc à la recherche de l’âme sœur. Une quête bien compliquée... Cette pièce à destination des plus jeunes est adaptée du roman d’Arnaud Cathrine. Sur le plateau, un comédien-musicien raconte l’histoire tandis que les divagations du p’tit Dom Juan sont projetées en vidéo. Un spectacle tendrement drôle, et sacrément pertinent.

ARRAS – 04 & 05.04, Théâtre, mar : 20 h 30, mer : 20 h, 22 > 9 €, www.tandem-arrasdouai.eu

BÉTHUNE – 04 & 05.04, La Comédie, mar : 19 h, mer : 14 h 30 & 19 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org

DÉPAYSEMENT Ascanio Celestini

Ascanio Celestini nous parle des petites gens. Ceux qu’on croise sans les voir. Sur une scène sans décor, l’artiste et activiste est accompagné d’un autre comédien, d’un accordéoniste et d’une traductrice. Ils interprètent tour à tour une caissière de supermarché, un gitan, une prostituée, un travailleur sans papiers. Derrière un micro, ils racontent des tranches de vie marquées par la violence, l’exploitation, la misère... Un moment de théâtre-oral profondément humain. BRUXELLES – 18 > 29.04, Théâtre National, 20 h 15, sf mer : 19 h 30, 20 > 11 €, www.theatrenational.be



Théâtre & danse – Sélection 128

EN ATTENDANT GODOT Estragon et Vladimir ont rendez-vous avec Godot, qui ne viendra jamais. Alors ils attendent. Ce chefd’œuvre de l’absurde de Samuel Beckett interroge le sens de la vie. Revue par Les fous à réAction [associés], la pièce se déroule sur un plateau de théâtre où les personnages sont conscients d’être des acteurs. Et, forcément, à force de tourner en rond, ils ont envie de parler aux spectateurs... Une relecture subtile doublée d’une réflexion sur la fragilité de l’instant présent. DUNKERQUE – 26 > 29.04, Le Bateau Feu, mer & jeu : 19 h, ven : 14 h 30, sam : 20 h, 8 € // LILLE – 04 > 06.05, Théâtre La Verrière, jeu & sam : 19 h, ven : 20 h, 15 > 5 € // HÉNIN-BEAUMONT – 11.05, L’Escapade, 20 h, 11,50 > 8 €

SILENCE EN COULISSES

TARTUFFE D’APRÈS TARTUFFE D’APRÈS TARTUFFE D’APRÈS MOLIÈRE

Michael Frayn / John Thomas

Ecrit au début des années 1980 par l’Anglais Michael Frayn, ce vaudeville n’est pas tout à fait comme les autres. Certes, on y retrouve tous les ingrédients : portes qui claquent, quiproquos, maîtresse dans le placard... Sauf que celui-ci raconte les péripéties d’une troupe au bord de la crise de nerf, en train de répéter... un vaudeville ! Une mise en abyme futée où le spectateur découvre l’envers, ou plutôt l’enfer du décor. BRUXELLES – 19.04 > 14.05, Théâtre des Galeries, 20 h 15 (+ 15 h : 23, 29.04 & 30.04, 07 & 14.05), 25 > 10 €, www.trg.be

Guillaume Bailliart / Groupe Fantomas

Plus qu’un spectacle, une performance. Comédien-caméléon, Guillaume Bailliart revisite Molière en jouant seul la majeure partie des rôles de Tartuffe... les yeux fermés ! Sur scène ? Rien qu’une table. Sur le sol sont inscrits les noms des personnages, comme une grande marelle sur laquelle il sautille pour mieux guider le public dans l’histoire. En résulte une sorte de fièvre théâtrale. Tartuffe avait deux visage, dit-on. Guillaume Bailliart en compte lui sept ! ARMENTIÈRES – 27.04, Le Vivat, 20 h, 14 / 7 € LILLE – 29.04, Théâtre Massenet, 20 h, 9 > 3 €

DANS LE NOM Tiphaine Raffier

Quelque part dans la campagne française, les difficultés s’abattent sur Davy, éleveur bovin... Mais qu’on ne s’y trompe pas : cette pièce ne s’intéresse pas tant au réalisme social qu’au langage. Inspirée des récits de l’ethnologue Jeanne Favret-Saada sur la sorcellerie paysanne, ce spectacle oscille entre conte fantastique et philosophique. Sur une scène nue, face à un écran, six personnages tentent de comprendre. Est-ce une malédiction ? Les mots ont beau s’enchaîner, la vérité se dérobe... LENS – 29.04, Scène du Louvre-Lens, 19 h, 14 / 12 / 10 €, www.louvrelens.fr

© Xavier Cantat

Samuel Beckett / V. Dhelin et O. Menu / Les fous à réAction [associés]



Honeymoon Period 7 © Julie Cockburn

Le mot de la fin 130

Julie Cockburn – En brodant des motifs colorés et géométriques sur de vieux clichés, cette Londonienne donne un tout autre sens à la retouche photo. Cousues de fil de soie, ses images intriguent le spectateur. Elles l’invitent par exemple à deviner ce qui se cache sous les cercles pastel couvrant les visages de ce couple d’anonymes. On vous laisse broder votre propre histoire. www.juliecockburn.com




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