N°129
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MAI
2017
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GRATUIT
HAUTS-DE-FRANCE & BELGIQUE Cultures et tendances urbaines
sommaire magazine
LM magazine n°129 - Mai 2017
NEWS – 08
Il suffira d’un cil, Rubik’s Cake, BIAM, Rose fanée, Rap à gogo, Brie-Oncé, Commerce équitable, Paupiette pour tous !
SOCIÉTÉ
Le Familistère de Guise L’utopie réalisée – 12 Geoffroy Mottart Barbafleur – 20
PORTFOLIO – 24 Mária Švarbová Contre-plongée
REPORTAGE – 42 La Lune des Pirates Expédition spéciale
RENCONTRE – 68 Alain Passard Exposition trois étoiles
LE MOT DE LA FIN – 106 Filipe Vilas-Boas The Punishment
Le Familistère de Guise © Nicolas Pattou
sommaire sélection
LM magazine n°129 - Mai 2017
MUSIQUE – 32
Depeche Mode, Mustang, Erol Alkan, Midland, Les Nuits Botanique, Albin de la Simone, Les 30 ans de La Lune des Pirates, Julie Byrne, Deep Purple, The Beach Boys, Ballaké Sissoko, Shannon Wright, Peter Peter, Agenda…
EXPOSITION – 68
Open Museum Alain Passard, Le Mystère Le Nain, Sur les pas de Victor Hugo à Mons, Art nouveau ?¿ Art déco, Retrospective Peyo, Chocolate Secrets, Agenda…
THÉÂTRE & DANSE – 86
Depeche Mode © DR
DISQUES – 56 Jane Weaver, Gu’s Musics, Hoops, Soulwax, Inna De Yard
LIVRES – 58
Luz, Patrick Da Silva, Robert Greenfield, Christine Desrousseaux, Alberto Garlini, Sophie Wahnich
Philip Seymour Hoffman, par exemple, Pacadis, Amphitryon, Stadium, Les Franglaises, Hero Corp vs Montréal, On a dit on fait un spectacle, La Cordonnerie, Tout Mons Danse, 30 ans du Théâtre de chambre, Agenda…
ÉCRANS – 62
Sayōnara, I Am Not Your Negro, Tunnel, De toutes mes forces, Get Out
LM magazine France & Belgique
28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07
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Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com
Couverture Mária Švarbová www.mariasvarbova.com
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Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France/Belgique) ; Zoom On Art (Bruxelles)
Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, François Annycke, Rémi Boiteux, Mélissa Chevreuil, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Patricia Gorka, François Lecocq, Marie Pons, Raphaël Nieuwjaer, Mária Švarbová, Marie Tranchant et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
NEWS Lash Clock, 2014 © Bina Baitel
Une horloge au poil Cette horloge nous a tapé dans l'œil. Pour cause : elle donne l'heure avec… des cils ! Conçue par la designeuse française Bina Baitel, cette pendule sans aiguille, baptisée "Lash clock", est équipée d'un système écartant les fibres les unes des autres, à des vitesses et des endroits précis. Un espace indique l'heure et l'autre les minutes. On peut l'admirer durant des plombes, quitte à voir s'écouler la journée dans un battement de paupière. www.binabaitel.com
Pas moyen de finir ce satané Rubik's Cube ? Alors mangez-le ! C'est ce que propose Cédric Grolet. Le chef-pâtissier du Meurice a imaginé dès 2013 une série de desserts s'inspirant du jeu d'Ernö Rubik. On en trouve au caramel, au chocolat ou comme ici, dans sa toute dernière déclinaison, avec des petits cubes goût pistache, citron ou noisette. Un gâteau géométrique à partager sans prise de tête. Gaffe à l'indigestion quand même… www.instagram.com/cedricgrolet
Rubik's Cake © Cédric Grolet
Casse-tête gourmand
PSY © PI
Ils font le mur Portée par le collectif Renart, cette 3e édition de la Biennale internationale d'art mural (BIAM) transforme la rue en terrain d'expression. Six villes des Hauts-de-France accueillent durant plus d'un mois 70 d'artistes locaux, nationaux ou internationaux. Au programme : du pochoir, de la peinture, du graffiti… et 21 fresques qui ré-enchantent notre quotidien.
Rose fanée ?
© Stussy
À l'heure où nous écrivons ces lignes, nous ne savons pas si le PS a passé l'arme à gauche. Urban Outfitters n'a pas attendu les urnes pour l'enterrer. La chaîne américaine de prêt-à-porter a commercialisé en mars une série de tee-shirts imprimés de logos dits "vintage", parmi lesquels cette rose au poing, emblème des socialistes français ou espagnols. Ces derniers ont menacé de poursuivre la marque, qui a retiré le vêtement de la vente. À quand des fringues has-been du FN ?
Hip-hop en stock Est-il encore nécessaire de rappeler le dynamisme de la scène rap belge ? Oui ? Alors direction le Fire is Gold ! Installé à Vilvoorde, ce nouveau festival est tout entier dédié au genre, et fait la part belle au plat pays (Woodie Smalls, Roméo Elvis…). Sinon, Lille accueille la 2e édition du Rendez-vous Hip-Hop, mettant à l'honneur toutes les disciplines du mouvement : danse, musique, graff… Monte le son gros ! Fire is Gold : VILVOORDE – 14.05, Domaine des Trois Fontaines, 70 > 36 €, fire-is-gold.com Rendez-vous Hip-Hop : LILLE – 27.05 > 04.06, Flow, Gare Saint-Sauveur, 5 / 3 € / gratuit, flow.lille.fr
Wiley © Spencer Murphy
LILLE, HELLEMMES, SAINT-ANDRÉ, VILLENEUVE D'ASCQ, DENAIN, WAVRECHAIN-SOUS-DENAIN – jusqu'au 03.06, divers lieux, gratuit, www.facebook.com/collectif.renart
Brie-Oncé © David Bradley / DR
Brie-Oncé
© Paupiette/DR
© ReTuna Aterbruksgalleria / DR
Toutes les passions ne sont pas compatibles. Pour exemple celles de David Bradley. Cet Anglais aime la sculpture, le frometon et Beyoncé. Le résultat ? Brie-Oncé, soit une statue conçue avec 20 kilos de cheddar, s'inspirant de la célèbre photo de la chanteuse américaine posant enceinte. Cette œuvre un peu étrange a été réalisée lors du championnat de sculpture sur fromage, à Londres (oui oui). À quand une statue de Brie-Hanna ? De Lady Gouda ?
Le (re)cycle de la vie
Table ouverte
Après avoir inondé la planète de magasins de meubles à monter soi-même (et qui rendent fous), la Suède inaugure le premier centre commercial de produits recyclés. Installé dans la ville d'Eskilstuna et imaginé par des activistes environnementaux, le ReTuna Återbruksgalleria ne vend que des objets de seconde main : mobilier, vêtements… Ceux-ci ont été réparés ou transformés via une entreprise sociale. Oui, on peut consommer sans tout consumer.
Marre de s'empiffrer de cochonneries à midi ? Paupiette réunit seniors et étudiants le temps du déjeuner. Le principe ? Les mamies ou papis cuistots annoncent via ce site le menu qu'ils préparent et le nombre de convives qu'ils peuvent recevoir. Créé par la Bordelaise Enora Goulard, le concept (pour l'heure limité à Quimper, Bordeaux et Paris) lutte contre la solitude de nos aînés et offre aux plus jeunes de bons petits plats pas chers (de 4 à 7 e). Du win-win, comme on dit à la COGIP.
www.retuna.se
paupiettecuisine.wordpress.com
Société – Reportage 12
LE FAMILISTÈRE DE GUISE L’utopie réalisée Texte Julien Damien Photo Nicolas Pattou, Julien Damien, Xavier Renoux, Georges Fessy / Collection Familistère de Guise
Ce fut une utopie unique au monde. Au xixe siècle, Jean-Baptiste André Godin, un industriel français, éleva à Guise, petite ville de 5 000 âmes, une cité à destination des employés de son usine. Un modèle de société mettant le travail et le capital au service des hommes. À l’occasion du bicentenaire de la naissance de ce visionnaire, reportage au sein de son Familistère.
Société – Reportage 14
Moulage d’une baignoire dans la fonderie de l’usine Godin en 1899.
D
ans la campagne de l’Aisne, au bord de l’Oise, on trouve une cité atypique. Au cœur de cet espace de six hectares, entouré de jardins, se dressent de grandes bâtisses en briques rouges. Disposés en "U", autour d’une vaste place, ces édifices de trois étages prennent les atours d’un palais royal. D’ailleurs, ils s’inspirent des plans du château de Versailles. La comparaison s’arrête là. Nous sommes face au Palais social « construit par et pour les ouvriers ». La traduction architecturale d’une utopie offrant au travailleur le contrôle de sa destinée. Celle-ci dura près de 80 ans et a été imaginée par Jean-Baptiste André Godin. L’homme est né en 1817, à Esquéhéries, un village de l’Aisne. Il est issu d’un milieu modeste et se forme
« GODIN VEUT RENDRE À L’OUVRIER LA VALEUR DE SON TRAVAIL » auprès de son père, serrurier, au travail des métaux. À 17 ans, cet autodidacte entreprend un tour de France. « Il va alors être confronté à la misère du monde ouvrier », raconte Alexandre Vitel, directeuradjoint du Familistère de Guise. Ce grand lecteur du philosophe Charles Fourier se saisit ainsi de la question sociale. En 1846, il s’installe à Guise pour bâtir son usine de poêles en fonte qui emploiera jusqu’à 1 300 personnes. Godin est devenu un industriel prospère.
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Les ouvriers et employés n’ont que 200 mètres à parcourir pour rejoindre le "Palais social".
L’épicerie coopérative du Palais social en 1901. Divers services collectifs constituent un « prolongement du logis ».
Son entreprise est leader dans son domaine, mais il va utiliser les bénéfices pour concrétiser ses idées progressistes. « Il veut rendre à l’ouvrier la valeur de son travail en l’associant à la richesse qu’il produit », explique Jérôme Caron, responsable
« TRAVAILLER MOINS POUR GAGNER PLUS »
de la médiation. Il met alors en place un programme aux antipodes des logiques gouvernant la Révolution industrielle. Son argent est réinvesti pour mécaniser les ateliers, augmenter les salaires de 30 %, baisser la journée de labeur de 14 à 10 h et la semaine de 7 à 6 jours, instaurer un système de soins gratuit et interdire
les embauches avant 15 ans. Bref, il s’agit de « travailler moins pour gagner plus » (tiens tiens…)
Communauté Mais son ambition ne s’arrête pas là : « il veut accorder aux ouvriers ce qu’il nomme les équivalents de la richesse : un logement, une éducation… ». En 1859 est ainsi initiée la construction du Familistère, un lieu où ses employés et leurs familles peuvent, s’ils le souhaitent, vivre – pour un loyer équivalent à 5 % de leur paie. Cinq bâtiments pouvant accueillir 2 000 âmes voient le jour. Il y a là deux immeubles et les trois pavillons centraux, organisés autour d’une vaste cour intérieure couverte d’une verrière. Eau courante, système d’aération, vide-ordures à chaque étage… Une cité idéale en termes d’hygiène et de confort, n’établissant aucune
Société – Reportage 17
Scène d’intérieur de 1950, pavillon central du Palais social.
hiérarchie entre les Familistériens (contremaîtres ou ouvriers) et laïque. Poussent ensuite des magasins coopératifs et, en 1870, un théâtre et une école gratuite, obligatoire jusque 14 ans (bien avant Jules Ferry !) et mixte. Sans oublier une buanderie qui permet de laver son linge et se baigner dans une piscine chauffée !
Grandeur et décadence Dernière étape : en 1880, Godin crée l’Association coopérative du Capital et du Travail, transférant la propriété et la gestion du Familistère et de l’usine à ses employés. Les responsables sont désignés par scrutin majoritaire. Les femmes sont évidemment de la partie, 65 ans avant que la France ne leur accorde le droit de vote… Jean-Baptiste André Godin décède le 15 janvier 1888.
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La diversité de la production de l’usine est remarquable : poêles, cuisinières, torréfacteurs, ustensiles de cuisine, tuyaux et même cuisinières-jouets.
L’éducation des enfants et des travailleurs est une priorité du Familistère. Ici le théâtre (entouré de bâtiments scolaires) inauguré le 2 juin 1870.
« AUJOURD’HUI, ON ARRIVE AU BOUT D’UN SYSTÈME, ON REVOIT AUSSI NOTRE FAÇON DE TRAVAILLER » Pour autant, son œuvre perdure malgré deux guerres mondiales et le krach boursier. Mais, paradoxalement, décline en 1968. Face à l’avènement du chauffage électrique, la fonte et le charbon ne font plus le poids. Les bénéfices périclitent. Mais pourquoi l’usine ne s’est-elle pas développée ? « Les Familistériens se sont renfermés sur eux-mêmes. Ils n’ont pas innové, estime Jérôme Caron. De plus, sont apparus des conflits avec les autres employés de l’entreprise. Ils avaient l’impression de financer un mode de vie duquel ils étaient exclus ». À Guise, on raille
Maquette du Palais social, architecture sans architecte. Godin réinterprète d’une façon originale le modèle du phalanstère imaginé par Charles Fourier.
Société – Reportage 19 alors le "tas de briques". L’usine Godin est rachetée par le groupe Le Creuset, puis par Les Cheminées Philippe en 1988, et compte à ce jour 250 salariés. Les appartements sont vendus à des propriétaires privés, hélas incapables d’assurer l’entretien des parties communes. L’endroit sombre doucement. En 2000, le département de l’Aisne, soutenu par la Région, l’Etat et l’Europe, injecte 40 millions d’euros dans un plan de rénovation baptisé Utopia. Désormais, le Familistère est un musée, accueillant 65 000 visiteurs par an. L’école et le théâtre sont toujours utilisés. Classé monument historique, le site est encore habité par une vingtaine de personnes, vivant entre les appartements transformés en espaces d’expositions. « C’est une utopie en 3D, soulevant une réflexion
devenue nécessaire. Aujourd’hui, on arrive au bout d’un système, on pense à une nouvelle façon de travailler, de vivre ensemble… ». Oui, comme Godin, nous rêvons toujours d’un autre monde. Le Familistère de Guise Guise – Cité Familistère, tous les jours de mars à octobre : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-10 ans), +33 (0)3 23 61 35 36, www.familistere.com Les concerts du bicentenaire de Godin 30.04, place du Familistère, 15 h, gratuit programme : The Buns, Edgär, Be4T Slicer, Frànçois and the Atlas Mountains, Dick Annegarn, Radio Elvis, Prieur de la Marne Le 1er mai du Familistère 01.05, place du Familistère, pelouse du kiosque, jardins d’agrément et de la presqu’île, 10 h > 18 h Entrée Familistère : 3 € / gratuit (-12 ans), tous les spectacles sont gratuits programme : Robotic Drums (Ulik), Manège Titanos (Cie Titanos), Les Impairs (La Rhinofanpharyngite), Fanfare en déambulation (Sergent Pépère), Le prisonnier de l’Elysée (La Clique des Lunaisiens), L’affaire suit son cours (Les Urbaindigènes), Super Orion (Mazalda), La Piste à dansoire (Collectif Mobil Casbah)
Fête du 1er mai 2015
Société – Portrait 20
Hermès, janvier 2016
GEOFFROY MOTTART Flower Power Si vous vivez à Bruxelles, vous avez peut-être déjà admiré les "fleurissements de statues" de Geoffroy Mottart. Sinon, c’est en ligne que ses créations atypiques vous auront tapé dans l’œil. Il n’a pas fallu deux ans à ce Belge pour éclore. Et pour cause : personne n’avait osé coiffer Hermès de petites roses ou offrir à Victor Rousseau une superbe barbe de chrysanthèmes ! Pour Geoffroy Mottart, formé à l’art floral dans le Brabant wallon et fleuriste dans la capitale pendant plus de 10 ans, tout a commencé par un concours, à l’été 2015. « Parmi différents projets, j’ai soumis une série de photos de statues aux moustaches et aux chevelures fleuries. J’avais envie d’attirer l’attention sur ces œuvres qu’on croise dans les parcs sans les regarder, sur ces personnages qui ont fait notre histoire ». Pari gagné. Réalisées à la demande de communes ou chaque mois pour les caméras de Bruzz TV, les réalisations colorées de celui qui se rêvait enfant garde forestier aimantent les passants. Méfiants lorsqu’il réalise son moule à même les sculptures, les badauds retrouvent le sourire quand il revient trois jours plus tard avec ses curieux bouquets, composés en atelier. « C’est la partie que je préfère : éveiller un sentiment face à la redécouverte de ces statues », indique Geoffroy Mottart. Outre les personnages célèbres (« je me suis rendu compte que Léopold II était très controversé ») l’artiste compte multiplier les projets dans les friches. Mais pour le prochain festival Flowertime de Bruxelles, il caresse un autre rêve : « décorer les bustes du Palais de justice. Et pourquoi pas le Manneken-Pis ! ». Marine Durand / Photo courtesy G. Mottart
Geoffroy Mottart dans son atelier
Félix Vande Sande, août 2016
À visiter
www.geoffroymottart.com Émission Nothing But Flowers, www.bruzz.be
Flowertime BRUXELLES – 11 > 15.08, Grand-Place et Hôtel de Ville, 11.08 : 13 h > 19 h, 12 > 15.08 : 10 h > 22 h, 7 € / grat. (-10 ans), www.flowertime.be
▲ Léopold II, février 2017 /
Jean Delville, juin 2016
Portfolio – Portrait 24
MÁRIA ŠVARBOVÁ L’effet aquatique Texte Julien Damien
À visiter www.mariasvarbova.com Expositions MIAMI – 28.09, Leica Store, leicastoremiami.com NEW YORK – 01.10, 4501 Gallery, 4501gallery.com
À paraître Swimming Pool, Mária Švarbová, New Heroes and Pioneers, thenewheroesandpioneers.com
M
ária Švarbová a d’abord suivi des études d’archéologie, avant de se consacrer entièrement à la photographie, en 2010. Ses expositions et son style épuré, minimaliste, ont tapé dans l’œil de prestigieux clients comme Vogue, Forbes ou The Guardian. La série qui nous occupe a été initiée en 2014. La plupart des clichés ont été pris dans la piscine de Malacky, élevée dans les années 1930 aux abords de Bratislava « à une époque où la natation était plus un rite social qu’un plaisir ». Le décor idéal pour cette artiste slovaque pas encore trentenaire, qui affectionne les architectures et espaces publics typiques de l’ère socialiste. Elle joue ici avec les lignes, la symétrie, l’effet miroitant de l’eau, les formes géométriques, la lumière et les couleurs pour créer des tableaux aux teintes pastel
et saturées. Ceux-ci sont traversés par des nageuses figées dans des postures absurdes, prêtes à plonger ou en pleine brasse. Elles ressemblent à des mannequins sans expression ni émotion. Ces "femmes-automates" s’insèrent dans des compositions éthérées, déshumanisées, traduisant la solitude et l’isolement des êtres, noyés dans des environnements stériles. Minutieusement mises en scène, ces images sont très peu retouchées et obtenues après de longues séances. « Je prends généralement près de 300 photos pour n’en conserver qu’une ». Se dégagent ainsi de ces saynètes une sensation de froide sérénité, plongeant le spectateur dans une réalité autre, un espace-temps indéterminé entre passé et futur. Un rêve coloré et chloré.
Musique – Sélection 33
Depeche Mode Nouvelle vague à l’âme Texte Thibaut Allemand Photo DR
Malgré un dernier album franchement dispensable, Depeche Mode n’est pas un groupe à prendre à la légère. Autrefois raillé par les bas du front ("des pèdes moches" ouaf ouaf), le trio s’est imposé comme un mètre-étalon techno pop, alliant recherches soniques et succès populaire. Ce n’est pas rien. De Speak And Spell (1981) à Exciter (2001), la bande de Basildon a vécu plusieurs mues et conservé, intact, le sens de la mélodie parfaite et de l’arrangement moderne – voire avant-gardiste. À leurs débuts, les Britanniques ont composé la BO idéale des écrits du regretté Guillaume Dustan : backrooms SM et mélancolie. Si Joy Division ouvrait les eighties avec le sombre Unknown Pleasures, Depeche Mode les enterrait avec le tout aussi noir Violator (1989). La suite vit la formation se tourner vers un son plus rude, plus rock, bataillant avec les drogues avant de renaître avec Exciter – son dernier grand disque. Pourquoi ? Au fait, pourquoi applaudir Depeche Mode en 2017 ? Parce que ces chansons restent intouchables. Parce que Johnny Cash a repris Personal Jesus (pas dit que l’ancien connaissait le groupe, mais il a tiré de ce blues électronique un… blues, tout simplement). Parce que Depeche Mode a perdu son premier compositeur (Vince Clarke) dès 1981 mais s’en est trouvé un excellent second en la personne de Martin L. Gore. Parce que Dave Gahan, aussi poseur soit-il, conserve un charisme certain. Parce que What’s Your Name?, The Meaning of Love, Everything Counts, Master And Servant, Enjoy The Silence… Parce qu’on n’a jamais compris ce que fabriquait Andy Fletcher. Parce que du sublime au ridicule, il n’y a qu’un pas et que nos Anglais ont fait le chemin inverse. ANVERS – 09.05, Sportpaleis, complet ! LILLE – 29.05, Stade Pierre Mauroy, complet !
VILLENEUVE D’ASCQ – 29.05, La Ferme d’en Haut, 21 h, 7 / 4 / 2 €, www.villeneuvedascq.fr
AMIENS – 04.05, La Lune des Pirates, 20 h 30, 12 / 7 €, www.lalune.net (30 ans de La Lune des Pirates)
© Marie Planeille
Musique – Sélection 34
Mustang Voici peu, Emmanuel Macron était l’invité de France Culture. Matthieu Conquet lui fit écouter Salauds de pauvres, de Mustang. Évidemment d’accord avec son interlocuteur, le banquier reconverti déclara « beaucoup aimer » cette chanson. Sans savoir qu’il apparaissait dans la vidéo du morceau, aux côtés de Fillon, Sarkozy, Balkany… La crème, quoi. À l’heure où l’on écrit ces lignes, on ne sait si le marcheur est devenu PDG, mais nos suffrages vont toujours à Mustang. Le trio, qui n’a pas vu son contrat renouvelé par Sony, publie Karaboudjan, un EP en indépendant qui laisse présager d’un quatrième LP haut en couleur. Flirtant avec le ska, et signant au passage des pop songs dont ils ont le secret (Johanna et Dis-moi merde), Jean Felzine et les siens confirment tout le bien que l’on pense d’eux. Sans conjurer, hélas, l’idée que ce groupe œuvre définitivement pour la postérité. T.A.
© DR
Musique – Sélection 36
Midland Ce vague sosie de Freddie Mercury s’est fait remarquer en 2010 en télescopant UK garage, house, techno et disco. Harry Agius aka Midland se situe à "mi-chemin", donc, de toutes les influences. Pour preuve son succès avec l’Essential Mix. La mythique émission de la BBC Radio 1 a salué sa prestation comme la meilleure de 2016, au nez et à la barbe de Leon Vynehall ou Recondite. L’Anglais puise dans un répertoire (très) vaste, ouvrant son set avec le folkeux Nike Drake pour le clore avec le crooner Frankie Valli, en passant par Jon Hopkins, Grauzone, Four Tet… Vous voilà prévenus : notre homme brouille les pistes pour mieux les enflammer. J.D. LILLE – 12.05, Le Magazine Club, 23 h, 10 €, www.magazineclub.fr
Erol Alkan
BRUXELLES – 05.05, Fuse, 23 h, fuse.be (B2B Danny Daze) LILLE – 06.05, Le Magazine, 23 h, 10 €, www.magazineclub.fr
© DR
Depuis une grosse décennie (et la sortie de A Bugged Out Mix / A Bugged In Selection), Erol Alkan incarne l’une des têtes chercheuses du clubbing européen. Fondateur du Trash Club (sis à Londres), et du label Phantasy Sound (Connan Mockasin, Daniel Avery…), ce remixeur de premier plan a récemment réactivé le projet Beyond The Wizards Sleeve, dont le dernier LP lorgne du côté du jazz. Pour ce set, on peut donc s’attendre à tout – mais pas à n’importe quoi ! T.A.
Musique – Événement 38
Nuits Botanique Jardins divers
© Kim Hiorthøy
Les
À Bruxelles, Victor Hugo distingua « deux merveilles uniques au monde : la Grand Place et le panorama du Jardin Botanique ». Si la première n’a pas vraiment changé (ou si peu), le second est contrarié par quelques tours, mais vaut toujours le détour. Les "Nuits Bota" aussi : 130 concerts en moins d’un mois dans tous les styles. Entre pointures internationales et artistes locaux qui ne demandent qu’à éclore, voici déjà quatre valeurs sûres.
Kelly Lee Owens La Galloise installée à Londres ne s’en vante pas, mais elle a tenu la basse au sein de The History of Apple Pie, soit l’un des groupes les plus calamiteux du revival indie rock nineties. Elle est encore jeune, on lui pardonne tout, surtout à l’aune de ses apparitions chez Daniel Avery et, plus encore, à l’écoute de son premier LP. Paru chez Smalltown Supersound, cette œuvre mêle un timbre doux à des sons house, lorgnant parfois du côté d’un psychédélisme aventureux. On songe aux horizons dégagés par Erol Alkan et plus encore à Ghost Culture, autre Londonien pourvoyeur de musique électronique à écouter dans son salon comme en club. T.A. BRUXELLES – 13.05, Grand salon de concert, 19 h 30, 14 > 8 €
© Cara Robbins
© DR
Barbagallo
À l’écart des modes, Julien Barbagallo s’est construit un parcours sans faute. Jugez plutôt : le natif d’Albi a tenu la batterie d’Hyperclean, Aquaserge, Tahiti 80 ou Bertrand Burgalat. Désormais installé aux fûts de Tame Impala (la formation australienne la plus populaire de ces dernières années), le multi-instrumentiste compose une œuvre solitaire et intimiste où quelques voix filtrées s’entremêlent à des guitares acoustiques, caressées de subtiles touches synthétiques et d’un peu d’occitan. T.A. BRUXELLES – 15.05, Orangerie, 19 h 30, 20 > 14 €
Alex Cameron Tout est mal qui finit bien. Sorti en 2014 dans un total anonymat, le premier album de l’Australien, Jumping The Shark, fut ressuscité l’an passé par Secretly Canadian – et une belle publicité de Foxygen. On découvrait alors huit bijoux de synthpop mélancolique, interprétés lors de cette tournée avec un saxophoniste. On pense à Nick Cave, pour la voix abyssale et les textes foutrement bien écrits, à John Maus pour le minimalisme des compos et à David Carradine, dans la façon qu’a ce grand échalas de danser. Promis, on ne le loupera plus ! J.D. BRUXELLES – 19.05, La Rotonde, 20 h, 18 > 12 €
Sleaford Mods Y a-t-il une formule Sleaford Mods ? Oui, évidemment. Un grand type, coupe César et gouaille d’enfer, déverse sa bile au micro pendant que son acolyte enfile les hectolitres de bière en appuyant sur UN bouton. La formule tourne-t-elle en rond ? Non, et c’est surprenant. Après une palanquée d’albums le tandem parvient à se renouveler, trouve l’inspiration au coin de la rue ou dans les journaux. Parrains putatifs de Slaves, Fat White Family ou Shame, les quadras de Sleaford Mods représentent les angry old men dont l’Angleterre avait rudement besoin. T.A. BRUXELLES – 16.05, Sous chapiteau, 19 h 30, 20 > 14 €
BRUXELLES – 11 > 24.05, Botanique (+ Cirque Royal), 28 > 8 €, botanique.be Sélection : Isaac Delusion, Albin De La Simone… (11.05) // Camille, Superpoze, Jesca Hoop… (12.05) // Bachar Mar-Khalifé, Romare, Kelly Lee Owens… (13.05) // Tindersticks, Hercules & Love Affair, Fishbach… (14.05) // Magnus, Agar Agar, Barbagallo… (15.05) // Asgeir, Sleaford Mods, Shannon Wright… (16.05) // Jacques, Brns, Møme… (17.05) // Juliette Armanet, Thomas Azier… (18.05) // Broken Back, Caballero & Jeanjass, Alex Cameron… (19.05) // Warhaus, Papooz, L’impératrice, Babyfather, Frànçois And The Atlas Mountains… (20.05) // Arno, Girls In Hawaii, Mélanie De Biasio, Thee Oh Sees, Chassol… (21.05) // Mathieu Boogaerts… (22.05)
© Yann Rabanier
Musique – Sélection 40
Albin de la Simone D’abord, il y a ce nom – on y revient toujours, mais il vous façonne une personnalité, surtout lorsqu’il est difficile à porter. Mine de rien, on n’y fait plus attention. En tout cas, il ne prête plus à sourire. En une poignée de disques, le Picard s’est imposé comme un grand de la chanson française. Un multi-instrumentiste auquel ont fait appel Alain Souchon, Maxime Le Forestier, mais aussi Miossec, Salif Keita ou encore… Iggy Pop ! En solitaire, l’Amiénois élabore une œuvre intime, se remet souvent en question – ainsi, le richement arrangé L’un de nous (2017) fut d’abord composé en piano-voix. Une première pour lui. Une réussite absolue pour nos oreilles. Héritier de quelques-uns des noms précités (Souchon, Miossec, mais aussi Boogaerts), BRUXELLES – 11.05, Botanique, 19 h 30, 20 > 14 €, de la Simone ne remplira jamais botanique.be, (Les Nuits Botanique) les stades – à quoi bon ? Cette TOURNAI – 12 > 14.05, Maison de la Culture, voix en équilibre, qui conte nos En weekend avec Albin : 12 > 14.05 : Films fantômes, petites faiblesses quotidiennes exposition gratuite // 13.05 : Albin de la Simone + Nicolas Michaux, 20 h, 24 / 18 € // 14.05 : Sieste et déplore le temps qui passe, est acoustique (Françoiz Breut, Nicolas Michaux, Bastien faite pour être soufflée à l’oreille. Lallemant et Albin de la Simone), 16 h, 15 / 10 €, www.maisonculturetournai.com Et c’est très bien ainsi. T.A. AMIENS – 16.05, La Lune des Pirates, complet !, (les 30 ans de La Lune des Pirates)
J.C. Satàn
Musique – Reportage 43
LA LUNE DES PIRATE À l’abordage !
S
Texte Julien Damien Photo Ludo Leleu / Julien Damien
Il y a 30 ans naissait à Amiens une salle de concert aux allures de club anglais. Intimiste, l’endroit est idéal pour savourer de délicates chansons pop et folk. C’est aussi le repaire tout trouvé pour transpirer sur de stratosphériques sets électroniques. On a marché sur la Lune avec quelques pirates, histoire d’en savoir plus.
L
ever de rideau sur le centre historique d’Amiens, sous le regard de sa célèbre cathédrale. Traversé de canaux et de ruelles, le quartier Saint-Leu demeure une cité populaire non dénuée de charme. Elevée au Moyen Âge près des hortillonnages, elle prend même des allures de petite Venise. Posée au bord de la Somme, sur le quai Bélu, au milieu d’une flopée de bars et de restaurants,
La Lune des Pirates prend place dans un décor de carte postale – et s’affiche comme l’un des 10 meilleurs spots où faire la fête en France, selon Lonely Planet. Oh, cela n’a pas toujours été le cas. « L’endroit a longtemps eu une sale réputation, c’était un vrai coupegorge », rappelle Antoine Grillon, directeur et programmateur depuis trois ans.
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Antoine Grillon & Marine Duquesnoy
Cette salle de concert fut le premier lieu culturel à s’implanter ici, initiant la résurrection d’un bourg en déshérence. C’était le 20 mai 1987. Une bande de potes, artistes ou militants baptisés Les Indiens Picards, investit ce qui était alors un entrepôt de bananes. Le nom, empreint de poésie, rend hommage à un chanteur amiénois disparu en 1983, Paul Boissard, et reprend le titre d’une de ses chansons. « À l’époque, c’était plutôt un cabaret. Petit à petit, il a mis l’accent sur la programmation musicale ». Et n’a pas tardé à en ressentir les secousses. Recouverts d’autocollants ou de graffs, les murs vibrent encore des prestations de Noir Désir ou Daniel Darc.
Risques Trente ans plus tard, La Lune des Pirates s’est bâti une solide réputation de défricheuse. Suivie par quelque 375 abonnés, elle a toujours défendu une ligne artistique « indie », accueille de jolis noms
Verlatour
« ON SENT LE POIDS DE L’HISTOIRE, IL SE PASSE UN TRUC ICI ».
(bientôt Mustang ou Andy Shauf) et revendique « la découverte ». De la scène locale, plutôt électronique (Verlatour, Renoizer, Emma de Sèze...) mais aussi de groupes plus rares. « Avec une jauge de 250 places on peut prendre des risques car nos ressources propres sont faibles, nous sommes financés à 80 % par des fonds publics ». C’est par exemple ici que Cigarettes After Sex, alors inconnu, a donné son premier concert français, en novembre. Les Américains ont découvert une caverne aux allures de club anglais pourvoyeuse de bonnes vibrations. « On sent le poids de l’Histoire, il se passe un truc ici ». Parler de proximité avec les artistes n’a rien de galvaudé. Imaginez : une scène de
Musique – Reportage 45
Skip & Die
Broken Ba
ck
quatre mètres de large faisant face à une fosse, des gradins, une mezzanine et une salle tapissée de briques rouges que les groupes doivent traverser pour regagner leurs loges... « Lorsqu’on affiche complet, ils jouent devant un mur de public et, croyezmoi, ils s’en souviennent. » Paul Boissard avait prévenu : « La lune des pirates elle t’éclate / Dans la gueule quand t’es seul dans ta boîte / Elle flotte sur les toits / Pour des milliards de gens comme toi ». Et quand elle est pleine, c’est tout Saint-Leu qui s’illumine.
AMIENS – 17 quai Bélu, www.lalune.net PROGRAMME SPÉCIAL 30 ANS En attendant les 30 ans 13.05 : Bruits de Lune + Apérolune + DJ-sets + exposition participative, 14 h, gratuit À La Lune des Pirates 15.05 : Shannon Wright + Richard Allen 16.05 : Albin de la Simone + Quelques Zic Zazous, complet ! // 17.05 : Sandra Nkaké + Toma Sidibé // 18.05 : Suuns + The Name + Vadim Vernay // 19.05 : Burning Heads + Molly’s + Pierrot Margerin 20 h 30, 1 jour : 10 €, pass 5 jours : 40 € Parc Saint-Pierre 20.05 : Peter Hook & The Light + Jabberwocky + French 79 + Louis Aguilar & les élèves du Conservatoire d’Amiens, 19 h, gratuit
La folk tranquille Pitchfork en est dingue, Kevin Morby l’écoute dans l’avion, Kurt Vile l’emmène en tournée… L’Ancienne Belgique accueille la très aérienne Julie Byrne, artiste folk aux envolées délicates. Une seule de ses chansons peut apporter la pluie ou le beau temps à l’autre bout du monde, dit-on. L’essayiste écologiste Pierre Rabhi ne renierait pas l’éloge de la sobriété qu’est Not Even Happiness, le second album de l’Américaine Julie Byrne. Pour l’illustrer, la nymphe s’affiche méditative, en noir et blanc. Et c’est bien de sérénité qu’il s’agit avec cette courte collection de ballades. Trois ans après Rooms With Walls and Windows, la jeune guitariste a délaissé toute considération matérielle pour mieux se consacrer à la paix de l’esprit. Avec Not Even Happiness, elle vise un sentiment de félicité s’égrenant en neuf titres d’un folk épuré. La recette de cette musique boisée a mûri au contact d’un père guitariste adepte de finger-picking (style de jeu associé aux musiques traditionnelles américaines) et au fil de voyages qui l’ont menée jusqu’à New York. Loin de s’y enterrer dans les caves, c’est en son poumon vert, à Central Park, que Julie Byrne s’est épanouie, à la faveur d’un job de ranger. Un tropisme über-bio qui traverse sa musique dénuée de gras, simplement ponctuée ici d’une flûte, là d’un clavier tempéré. Elle est la muse du coton éthique, la fée hipster et, avant tout, la voix d’un retour à la terre salutaire, dont le BRUXELLES – 01.06, Ancienne Belgique, chemin passe par Bruxelles. Mathieu Dauchy 20 h, 15 €, abconcerts.be
© Jonathan Bouknight
Musique – Sélection 46
JULIE BYRNE
Musique – Sélection 48 © Jim Rakete
Quoi ? de neuf Si vous pensez qu’un musicien aura toujours tout dit dans son premier album, alors passez votre chemin. Ici, on s’intéresse aux artisans qui, dix mille fois, remirent l’ouvrage sur le métier. Ces noms-là font partie de notre décor – de celui de nos parents, parfois. Alors, chefsd’œuvre en péril ou monuments incontournables ? Thibaut Allemand
Deep Purple Pionnier du hard rock anglais (avec Black Sabbath et Led Zeppelin) Deep Purple fait sa tournée d’adieu après un demi-siècle d’existence. L’année où Manœuvre prend sa retraite. Coïncidence ? On ne pense pas. Bref, les seniors vont pouvoir jouer de l’air guitar sur Smoke on the Water et prouver à leurs petits-enfants que la bande à Ian Gillan ne se limite pas à ce morceau. Attention : la dernière fois qu’on les a vus, ils reprenaient le générique de Star Wars. Alors, on émet un léger doute sur l’étendue du répertoire, en fait. LILLE – 01.06, Zénith, 20 h, 67,50 > 45.50 €, www.zenithdelille.com DESSEL – 17.06, Graspop Metal Meeting, 95 €, www.graspop.be
Roger Hodgson /
BRUXELLES – 09.06, Cirque Royal, complet !
© Brian Tierney
Supertramp
Supertramp est sujet de railleries régulières par quelques scribouillards frustrés. C’est dégoûtant. C’est pas nous qui dézinguerions des artistes en quelques lignes. Certes, le groupe est issu de la scène prog, mais a composé des tubes pop à la pelle (Dreamer, Give a Little Bit, The Logical Song, It’s Raining Again…). Des morceaux entonnés par Hodgson, cofondateur et chanteur durant l’âge d’or (1974-1982) qui a conservé sa voix haut perchée. Mine de rien, il y a du Supertramp chez Foxygen ou The Lemon Twigs. Et chez Phoenix aussi. À notre avis, il bénéficiera bientôt d’une réhabilitation. Ce sera amplement mérité.
The Beach Boys vs Brian Wilson Été sans fin et symphonies adolescentes, les thèmes abordés par The Beach Boys sont suffisamment éternels pour demeurer d’actualité cinquante ans plus tard. Hélas, le groupe fut souvent endeuillé (Dennis, puis Carl Wilson) et, de la véritable formation originelle, ne restent que Mike Love et Al Jardine. Et Brian Wilson ? Eh bien, le cerveau de l’affaire fête en solo les 50 ans du mythique Pet Sounds à l’occasion d’une vaste tournée... Dommage, mais cela faisait un moment qu’il avait quitté la planche. BRUXELLES – 02.06, Cirque Royal, 19 h 30, 90 > 60 €, www.cirque-royal.org + Tournée Pet Sounds (Brian Wilson) : OSTENDE – 04.07, Kurssal, 20 h, 94 > 64 €, www.kursaaloostende.be
© Paul Cox
Simple Minds Heureux, les enthousiastes qui bricolent, tentent des trucs, branchent du Kraftwerk dans la pop anglaise, s’électrocutent et se relèvent avec des albums de la trempe de Real To Real Cacophony (1979), Sons And Fascination (1981) ou New Gold Dream (1982). Hélas, on grandit, on vieillit, on grossit – les stades aussi – et Simple Minds sombre dans une médiocrité abyssale. Le pire groupe de la galaxie ? Allons, un peu de tenue, on n’est pas là pour assassiner gratuitement. Et puis, il y a U2. OSTENDE – 12 & 13.05, Kursaal, complet ! BRUXELLES – 15.05, Bozar, complet !
Musique – Sélection 50
Les rencontres fructueuses entre jazzmen et musiciens africains traditionnels sont monnaie courante. Celle entre le violoncelle de Vincent Segal et la kora (harpe-luth d’Afrique de l’Ouest) de Ballaké Sissoko a donné naissance à deux albums mirifiques. Le dernier en date, Musique de nuit, est une perle contemplative enregistrée dans la pénombre de Bamako. Le charme opère sur scène où le style classique du Rémois se mêle gracieusement au répertoire mandingue du Malien, nous embarquant sur les eaux calmes d’un Niger fantasmé. H.G. OIGNIES – 05.05, Le Métaphone, 20 h 30, 19 > 13 €, 9-9bis.com
MAR 02.05 NABUCCO (FALVETTI) Lille, Opéra, 20h, 34>5e THOMAS DYBDAHL Anvers, De Roma, 20h30, 18>16e
MER 03.05 K'S CHOICE + JIM BAUER Lille, Le Splendid, 20h, 28,60e VALERIE JUNE Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26/25e THE PIROUETTES Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e
JEU 04.05 FINK Louvain, Het Depot, 20h, 22>17e MUSTANG + THE SORE LOSER Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e CLUB CHEVAL + THE BABEL ORCHESTRA + GLOBUL Charleroi, Rockerill, 21h, Gratuit
© Claude Gassian
Ballaké Sissoko & Vincent Segal
VEN 05.05 CABALLERO & JEANJASS + BEN L'ONCLE RAP Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e H-BURNS + TAHITI 80 Béthune, Le Poche, 20h30, 8e
SAM 06.05 LOST FREQUENCIES Anvers, Lotto Arena, 18h30, 35e BRONX BLOC PARTY : DJ JAZZY JAY + DJ CHARLIE CHASE… Roubaix, La Condition Publique, 19h, 18>12e SPARKLEHORSE + GLITTERPAARD Bruges, Cactus Muziekcentrum, 19h30, 15>5e
THE MONOCHROME SET Lille, L'Aéronef, 20h, 18>5e FRANÇOIZ BREUT Huy, Acte 2, 20h30, 15 e EROL ALKAN + PÉO WATSON Lille, Le Magazine, 23h, 10e
MAR 09.05 LAETITIA SADIER (STEREOLAB) Lille, Le Biplan, 20h15, 12/10,50e
MER 10.05 TONY MELVIL + USMAR Oignies, Le Métaphone, 15h, 8/5e LES PÊCHEURS DE PERLES (DIRECTION : ALEXANDRE BLOCH) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e MAGMA Lille, Le Splendid, 20h, 32e
KLUB DES LOOSERS + LABOTANIQUE Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17>5e
CAMILLE Lille, L'Aéronef, 20h, 30/27e
SUPERBUS Hem, Zéphyr, 20h, 34,20e
DISIZ LA PESTE + A2H … Lille, Le Flow , 20h, 16>12 e
TAMIKREST Bruxelles, Botanique, 20h, 22>16e
ISAAC DELUSION + LAS AVES… Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e
JEU 11.05
ALBIN DE LA SIMONE Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e
VEN 12.05 BLACK M Lille, Le Zénith, 20h, 48>34e DEE DEE BRIDGEWATER + CHINA MOSES Liège, Le Forum, 20h, 37,50e
FKJ + ROMARE… Bruxelles, Botanique, 19h, 23>17e ALBIN DE LA SIMONE & NICOLAS MICHAUX Tournai, Maison de la culture, 20h, 24>18e FRÀNÇOIS & THE ATLAS MOUNTAINS + O Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17>5e
FISHBACH + CLÉA VINCENT… Bruxelles, Botanique, 19h30, 20>14e
LUN 15.05 MAGNUS + AGAR AGAR Bruxelles, Botanique, 19h, 23>17e BARBAGALLO + ALIOCHA Bruxelles, Botanique, 19h30, 20>14e
KELLY LEE OWENS… Bruxelles, Botanique, 20h, 14>8e
SIMPLE MINDS Bruxelles, Palais des Beaux-Arts, 20h, 74>42e
JESCA HOOP Bruxelles, Botanique, 20h, 18>12e
COCK ROBIN Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 37>31e
MAR 16.05
CAMILLE Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 41>35e
THE MAGICIAN + FABRICE LIG… Charleroi, Rockerill, 22h, 15€
THE ANIMEN + OKAY MONDAY Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 20h, 9 / 6 e JUNIORE + LAURA CAHEN Béthune, Le Poche, 20h30, 9>6e BURIDANE Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2€ MIDLAND Lille, Le Magazine, 23h, 10e
SAM 13.05 BACHAR MAR-KHALIFÉ… Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 25>19e
DIM 14.05 AN PIERLÉ & FRIENDS Louvain, Ferme du Biéreau, 17h30, 16>9e
SLEAFORD MODS… Bruxelles, Botanique, 19h, 20>14e ÁSGEIR… Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 23>17e SNARKY PUPPY + BECCA STEVENS Lille, L'Aéronef, 20h, 31>24e
LUDWIG VON 88… Bruxelles, Magasin 4, 18h, 10e
MER 17.05
SOPRANO Longuenesse, Sceneo, 18h, 49>34e
JACQUES + BRNS… Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 21>15e
HERCULES & LOVE AFFAIR + ROCKY Bruxelles, Botanique, 19h, 21>15e
AVISHAI COHEN Aulnoye-Aymeries, 232U, 20h, 12/9e
TINDERSTICKS Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 34>28e
SANDRA NKAKÉ Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 10e
Shannon Wright Originaire de Jacksonville, cette songwriter noue un lien particulier avec la France. On l’a entendue sur le Corpo Inferno de Mansfield Tya et, souvent, avec Yann Tiersen. Division, son 11e album, est paru chez les Bordelais de Vicious Circle. Ecorchée vive, elle utilise la musique telle une catharsis (comme tant d'autres). Sur scène, on perçoit ses larmes et sa rage dans des chansons folknoise qui collent le frisson (comme peu d'autres). J.D. AMIENS – 15.05, La Lune des Pirates, 20 h 30, 10 €, www.lalune.net (+ Richard Allen : Les 30 ans de La Lune des Pirates) BRUXELLES – 16.05, Botanique, 19 h 30, 19 > 13 €, botanique.be DUNKERQUE – 18.05, Les 4 Ecluses, 20 h 30, 12 / 9 € (+ Ma Main)
© Jason Maris
SUPERPOZE + TOUT VA BIEN… Bruxelles, Botanique, 20h, 22>16e
Musique – Sélection 54
LIÈGE – 17.05, Reflektor, 20 h, 14 €, www.reflekor.be // TOURCOING – 19.05, Le Grand Mix, 20 h, 16 > 5 € (+ Requin Chagrin), www.legrandmix.com // SPA – 20.07, Les Francofolies de SPA, pass 1 jour : 30,50 €, francofolies.be
JEU 18.05 SUAREZ + JULIETTE ARMANET Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 28>22e SUUNS + THE NAME… Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 10e SAGES COMME DES SAUVAGES Lille, L'Antre-2, 20 h 30, 10 > 2 €
VEN 19.05 TONY MELVIL + HILDEBRANDT Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 12>8e CABALLERO & JEANJASS… Bruxelles, Botanique, 19h30, 18>12e ALEX CAMERON… Bruxelles, Botanique, 20h, 18>12e BLICK BASSY + SALIF KEITA Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 15e
SAM 20.05 JABBERWOCKY + PETER HOOK… Amiens, Parc St-Pierre, 19h, Gratuit BAGARRE + PAPOOZ + HER + L'IMPÉRATRICE Bruxelles, Botanique, 19h, 20>14e
AGNES OBEL Liège, Forum de Liège, 20h, 38>23e BA CISSOKO Carvin, Salle des fêtes, 20h, 11/8e
© Paul Rousteau
Peter Peter La scène musicale québécoise n’a pas fini d’émouvoir de ce côté-ci de l’Atlantique. En atteste le succès de cette génération de trentenaires dont fait partie Peter Peter. Installé à Paris depuis trois ans, l’ex-Montréalais séduit grâce à une pop androgyne. Dans son dernier album, Noir Eden, le plus accessible, il rapporte ses rêveries mélancoliques sur un tapis électronique. Pour partager ces pièces de « variété maudite » sur scène, il s’est entouré de trois musiciens aguerris. Merci merci Peter Peter. H.G.
MAGIC MALIK ORCHESTRA Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5e
SAM 27.05
IMANY Lille, L'Aéronef, 20h, 28>20e
JACQUES GREENE Anvers, Trix, 20h, 18/16,5e
FRÀNÇOIS & THE ATLAS MOUNTAINS Bruxelles, Botanique, 20h, 19>13e
ANTHONY JOSEPH + SUPAGROOVALISTIC Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 12/9e
XIU XIU Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 17>5e
DIM 21.05 ARNO + GIRLS IN HAWAII + MÉLANIE DE BIASIO Bruxelles, Cirque Royal, 19h, 21/18/15e
MER 24.05 PNL Lille, Le Zénith, 20h, 39,60>35,20e
JEU 25.05 KEN ISHII + JASON HEAT… Charleroi, Rockerill, 21h, gratuit
VEN 26.05 MAX ROMEO + HIGH'R ITES Louvain, Het Depot, 20h, 24>18e
WAZEMMES L’ACCORDÉON : LES COUTEAUX TWIST + BALKAN BOXON Lille, maison Folie Wazemmes, 21h, Gratuit
DIM 28.05 OMAR SOULEYMAN Gand, Vooruit, 19h30, 24>21,75e
LUN 29.05 DEPECHE MODE Villeneuve d'Ascq, Stade Pierre Mauroy, 19h45, 89,5>56,5e MUSTANG + ALI DANEL DUO Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 21h, 7/4e
MAR 30.05 MORGAN DELT + RYLEY WALKER + WILLIAM Z VILLAIN Lille, L'Aéronef, 20h, 13>5e
Disques – Chroniques 56
JANE WEAVER
Modern Kosmology
(Fire Records / Differ-Ant)
À l’œuvre depuis le début des années 1990 au sein du groupe Kill Laura, managé par Rob Gretton (qui s'occupait également de New Order), Jane Weaver peut être considérée comme une vétéran de la scène pop mancunienne. Mais quelle discrétion ! Si la compagne d'Andy Votel a publié son premier album solo voici 15 ans, on ne l'a découverte qu'en 2015 avec The Silver Globe / The Amber Light, double album irréprochable. Son successeur ne déçoit jamais. Oh, rien de vraiment neuf ici : une allégeance au krautrock, depuis la batterie motorik portant l'ouverture H>A>K à la participation de Malcolm Mooney (premier vocaliste de Can). Ailleurs, la pop psychédélique (Loops In The Secret Society) voisine avec le freak folk occulte (Ravenspoint), l'ensemble se clôturant avec un I Wish d'anthologie, d'une simplicité enfantine, où la jouissance le dispute à l'hypnose. Mais c'est bien à Stereolab (la chanson-titre) et davantage à Broadcast (The Lightning Back) que l'on songe le plus souvent ici. À l'instar de Gwenno, Death And Vanilla ou Vanishing Twin, Jane Weaver s'inscrit dans le sillage discret du trio de Birmingham et signe une œuvre qui, on en prend le pari, défiera le temps et les modes. Thibaut Allemand
GU’S MUSICS Happening
(Microcultures)
Les premiers abords sont trompeurs : les titres en anglais des deux premiers morceaux, l’ouverture bondée de synthés élégiaques... Ce que révèle ce deuxième disque après Aquaplaning, c’est avant tout le paysage mental construit par Gérald Chifflot, musicien et interprète tourangeau, sur les textes vénéneux du poète brestois Yan Kouton. En parlant de Brest, on songera à Miossec (À quoi bon et son désenchantement lancinant) mais c’est surtout la face introspective d’un Jean-Louis Murat qui vient à l’esprit. Les atours rêches de ses chansons en font aussi le cousin d’un Mendelson. Sur les hauteurs du disque (le magnifique À l’entour), lyrisme pop et ingrédients rock doucement dark font des étincelles dans la nuit, en se frottant à une voix monocorde aux éloquentes aspérités. Rémi Boiteux
HOOPS
SOULWAX
Routines
From Deewee
(Fat Possum / Differ-Ant)
(Deewee / PIAS)
Deux lois parmi celles qui font tourner la pop : syncrétisme (cette volonté de réunir différents principes en un) et éternel retour. Hoops, groupe de l’Indiana, illustre sur ce premier album ces deux préceptes de façon exemplaire. L’écoute de Routines renvoie à une foule de sentiments passés, dont l’épicentre se situe à la fin des années 1980. Guitares sautillantes enveloppées d’une épaisse production, claviers aussi rêveurs que les voix réverbérées : on se croirait chez Prefab Sprout. Tout ici évoque la pop léchée d’alors, à la fois précieuse, énergique et mélancolique. Mais le quatuor agrémente cette patine de marques éclectiques, de l’ambient aux bricoleurs de Brooklyn. En résulte un disque qui n’invente que de l’ancien, mais le fait avec une rare élégance. Rémi Boiteux
Deewee, c'est le nom du studio des frères Dewaele, âmes de Soulwax. Arpentant les clubs du monde entier avec 2manyDJs, les Gantois passent le reste du temps dans cet antre gavée de matériel plus ou moins vintage : basses Hofner, synthés Oberheim Two-Voice Pro et OB-Mx, Sequential Prophet 6, un Mellotron… On en passe ! De cette matière analogique, la formation tire le grand disque “electro-mais-pas-que” de ce printemps. Les morceaux n'oublient jamais le dancefloor, mais se parent de mille et un atours leur conférant une véritable profondeur (citons Do You Want To Get Into Trouble? ou Trespassers). Autrefois rangé dans le fourre-tout electro-rock, Soulwax prouve une fois encore qu'il vaut bien plus que cette triste étiquette. Deewee ? On ne dit pas non. Thibaut Allemand
INNA DE YARD The Soul Of Jamaica
(Chapter Two Records / Wagram)
Au début des années 2000, le projet Inna De Yard proposait à des légendes jamaïcaines (Junior Murvin, The Viceroys…) de revisiter leur répertoire en prise directe et dans un jardin ou une arrière-cour (Inna de yard, en VO). Le second volet de cette série, enregistré en quatre jours, voit Cedric Myton (des mythiques Congos), Lloyd Parks, The Viceroys (encore) ou l'intouchable Ken Boothe (l'Otis Redding de Kingston) entonner des classiques en plein air, à la coule. Le parti pris acoustique ajoute à l'intimisme – on entend même souffler le vent. Cette merveille paraît sur un label hexagonal (de quoi faire oublier les horreurs parues dans la langue de Molière : de Sinsemilia à Broussaï). En France, on n'a pas de riddim, mais on a des idées. Thibaut Allemand
Littérature – Sélection 59
LUZ
Toujours vivant
Texte Thibaut Allemand Illustration Luz / Futuropolis
De grands éclats de rire. Et de la tristesse, aussi. Avec Alive (double référence à Daft Punk et Kiss), Luz fait le solde de tout compte avec la musique ou, en tout cas, avec la pratique des concerts. Restent des planches à contempler et des dizaines d’anecdotes narrées avec un humour – et un coup de crayon – dévastateurs. Des Intellos (qui brocardait allègrement BHL et Cie) aux Mégret gèrent la ville, Luz a marqué de son empreinte le dessin de presse satirique. Ce mélomane averti avait évoqué sa passion dans Claudiquant sur le dancefloor, Faire danser les filles ou encore The Joke, consacré à Mark E. Smith de The Fall. Et signait de nombreuses planches dans Charlie Hebdo, magic, Tsugi, Les Inrocks ou ses propres fanzines. Cette somme regroupe ces croquis pris en concert (de Primal Scream aux Nuits Sonores, de Bashung aux Lillois de Cercueil !), une interview imaginaire de Gorillaz en forme d’élucubration, et mille et un Alive, de Luz (Éd. Futuropolis) moments captés sur le vif. Le jeune papa glisse également 400 p., 36 € des clins d’œil à sa condition de père – la transmission, ce genre de choses. On salue la qualité graphique de l’objet et la mise en page, intelligente, qui conserve le format original de parution, en longues planches verticales. On referme le livre un peu ému : cette époque est révolue, cet ex de Charlie ne pouvant plus se rendre à un concert, protection policière oblige. Et puis on songe à ses récents ouvrages (Catharsis, Ô vous, frères humains, Puppy…). Finalement, Luz est toujours vivant. Alive. Et ce n’est pas plus mal.
Livres – Chroniques 60
PATRICK DA SILVA Au cirque (Le Tripode)
Cette enquête policière nous plonge au cœur d’une tragédie familiale jouée par six personnages : deux frères, deux sœurs et leurs parents. La mère est retrouvée pendue, le père affreusement mutilé, mais encore vivant. Un collier de grande valeur a disparu. Dès lors, les questions minent les personnages : qui a tué ? Qui a volé ? Étaient-ils plusieurs ? Pouvaient-ils venir de l’extérieur ? Les habitants de cette maison sont-ils responsables ? « Allons ! Nous poserons ce que nous savons. C’est par là que nous commencerons ». L’auteur s’insinue ainsi par petites touches au cœur du mal, dévoilant peu à peu les coulisses du décor familial. Les clowns grimacent, les paroles se libèrent, les masques tombent. On avance à tâtons dans ce clair-obscur, en revenant toujours à la formule rituelle, comme une ritournelle « Allons ! Les termes, l’histoire, l’arithmétique : ce que nous posons, ce que nous déduisons, ce que nous résolvons ». Sa scansion est entrecoupée de dialogues étranges, où ceux qui restent s’éloignent peu à peu les uns des autres, où tout ce qui semblait établi est mis en doute. Le cirque est tragique. Celui, peut-être, de l’âme humaine. 128 p., 15 €. François Annycke
ROBERT GREENFIELD Exile on Main Street : Une saison en enfer avec les Rolling Stones (Le Mot & Le Reste)
En 1972, le critique R. Greenfield suivait The Rolling Stones en tournée aux États-Unis. Il en avait tiré S.T.P., à travers l’Amérique avec les Rolling Stones, véritable épopée aux USA. Quelques années plus tard, il publiait cet ouvrage, narrant les conditions ahurissantes dans lesquelles fut enregistré leur dernier chef-d’œuvre. Blues cramé, testament rock’n’roll… On peut ressasser d’autres clichés, histoire d’oublier qu’il s’agit d’un disque mis en boîte du côté de Nice par des exilés fiscaux shootés à l’héro. C’est ce que nous rappelle aussi Greenfield dans ce récit épique et subjectif (prenant ouvertement parti pour Richards contre Jagger). Drames, trahisons, perdition… Derrière son titre rimbaldien, une tragédie shakespearienne. Édifiant et passionnant. 240 p., 21 €. Thibaut Allemand
CHRISTINE DESROUSSEAUX
ALBERTO GARLINI
Mer agitée (Kero)
(Folio Policier)
Après plusieurs polars, Christine Desrousseaux réussit son passage à la littérature blanche. Ce livre prend la forme d’un journal, celui des baignades de Jean, un grandpère vivant sur une île de La Manche. À la fin de l’été, alors que la mer refroidit, il continue d’y plonger. Il consigne ses impressions sensorielles mais aussi les questions concernant l’état psychologique de son petit-fils Léo, militaire revenu d’Afghanistan. L’ambiance devient pesante quand celui-ci agresse une jeune fille, puis résolument morbide lorsqu’on retrouve le corps sans vie d’une adolescente violée. Léo devient alors un coupable idéal. Jean va-t-il réussir à l’innocenter ? Entremêlant les destinées des membres d’une même famille, ce roman nous captive. 232 p., 18,90 €. François Lecocq
Les noirs et les rouges
Derrière ce titre stendhalien, se cache un autre roman d’initiation. Celle de Stefano Guerra, étudiant fasciste durant les années de plomb italiennes. Si cette décennie fut déjà contée, ce fut le plus souvent du côté des rouges. Ici, Garlini (Un Sacrifice italien, 2008) suit le parcours d’un militant d’extrêmedroite, devenu meurtrier "par hasard" ou presque. La force de l’auteur est d’éviter tout manichéisme et de se situer, durant 900 pages, au plus près de son (anti) héros. On perçoit alors, derrière le geste bravache et la nostalgie de Mussolini, les efforts désespérés d’un jeune homme perdu qui trouve réconfort dans la fraternité virile et la violence. Est-il pardonnable ? Là n’est pas la question. Trouvera-t-il la rédemption ? C’en est une autre. 928 p., 9,80 €. Thibaut Allemand
SOPHIE WAHNICH Le Radeau démocratique (Éditions Lignes) Spécialiste de la Révolution française, Sophie Wahnich a réuni dans ces « chroniques des temps incertains » une série d’interventions autour de faits d’actualité ou politiques. Celles-ci sont autant de mises en perspective de notre monde contemporain à l’aune de la pensée et de la pratique révolutionnaires. Jouant sur les genres, comme dans un « entretien avec le fantôme de Maximilien de Robespierre », l’auteure ausculte avec sagacité les points de crispation en France et en Europe, que ce soit sur le rapport à la Libération ou à l’accueil des étrangers. Guidé par le souci de rappeler, par le prisme de l’Histoire, que « la République est un effort [pour obtenir le bonheur et la liberté], pas une donnée », ce travail s’avère d’une impérieuse nécessité. 320 p., 21 €. Raphaël Nieuwjaer
Sayōnara L’automne du monde
Texte Raphaël Nieuwjaer Photo Phantom Film - Survivance
Généreusement accueilli par la critique française, Au revoir l’été (2014) ne laissait guère présager de l’audace de son réalisateur. Avec Sayōnara, Kōji Fukada quitte les terres balisées du chassé-croisé sentimental pour aborder les horizons métaphysiques de la fiction post-apocalyptique.
D
u Godzilla de Tomoyuki Tanaka jusqu’aux fantômes de Kiyoshi Kurosawa, le péril atomique hante le cinéma japonais depuis maintenant plus de 70 ans. Après 2011 s’est
ajoutée au traumatisme de Hiroshima et Nagasaki la catastrophe, toujours en cours, de Fukushima. C’est évidemment à cela que l’on pense face aux premières images crépusculaires
Écrans – Sélection 63
de Sayōnara. Mais, plutôt que de s’inscrire dans l’actualité immédiate, Kōji Fukada prend le parti de la science-fiction. Robot-acteur Après une attaque terroriste contre une centrale, Tanya vit isolée dans son chalet avec Geminoid F. Tandis que la population est lentement évacuée, le face-à-face se resserre entre l’humain et l’androïde. Cela pourrait n’être qu’une performance. Sayōnara est en effet le premier film à faire jouer ensemble une actrice et une humanoïde (créée par le roboticien Hiroshi Ishiguro). Pourtant, cette
étrangeté n’est jamais mise en avant pour elle-même. Elle n’est au fond qu’une autre manière de confronter l’humanité à son imminente disparition. Celle-ci se traduit aussi dans les nuances de beige et de brun qui recouvrent une nature comme suspendue. L’intelligence de Fukada est de ne pas réduire la fin du monde à un "bang", mais de la montrer comme une longue et douce agonie. Saisie dans toutes ses variations, la lumière devient alors un terrible et bouleversant linceul. De Kōji Fukada, Avec Bryerly Long, Geminoid F, Hirofumi Arai... Sortie le 10.05
Colère noire Disparu en 1987, James Baldwin a laissé une œuvre foisonnante où se mêlent romans, pièces de théâtre et essais. Ami de Martin Luther King et de Malcolm X, il fut aussi l’un des grands témoins de la lutte pour les droits civiques. Avec I Am Not Your Negro, Raoul Peck ressuscite cette voix essentielle de l’Amérique. Quelques plans suffisent au réalisateur de Lumumba (2000) pour raccorder le passé et le présent, la parole insurgée de James Baldwin et les revendications du mouvement « Black Lives Matter ». On le comprend, I Am Not Your Negro est un film de lutte. Celle-ci est double. Elle consiste à montrer comment le racisme n’en finit pas de structurer l’imaginaire américain. Et comment l’histoire des années 1950-60 a été écrite pour en effacer la part la plus radicale, politique. Le récit officiel voudrait en effet distinguer le bon pasteur King du dangereux Malcolm X. A l’un le pacifisme, voire l’angélisme, à l’autre les armes. Or, nous rappelle Baldwin, la pensée des deux hommes n’a cessé de converger. Ce rapprochement, l’écrivain souhaitait le mettre en évidence dans un livre resté inachevé, Remember This House, qui devait rendre hommage à un autre grand militant assassiné, Medgar Evers. En voix off, Peck nous fait entendre ce qu’il reste de ce projet, mais aussi des bribes d’autres écrits. Ce documentaire s’avère ainsi un montage passionnant, mettant constamment en tension la voix et les images. C’est que le racisme n’est pas d’abord un problème moral, mais une affaire de représentations, ici déconstruites. Raphaël Nieuwjaer Documentaire de Raoul Peck. Sortie le 10.05
© Spider Martin
I AM NOT YOUR NEGRO
Écrans – Sélection 65
© VO Condor
De Kim Seong-hoon, avec Ha Jung-Woo, Doona Bae, Dal-Su Oh... Sortie le 03.05
© Michaël Crotto / TS Productions
Tunnel Après l’effondrement d’un tunnel, Lee Jung-soo se retrouve enseveli au volant de sa voiture. Une opération de sauvetage gargantuesque se met alors en place, scrutée (et donc entravée) par l’omniprésence des médias et des politiques, bien décidés à profiter de l’accident. Pendant ce temps, Lee se démène sous les décombres, menacé par un nouvel éboulement… Adaptation du roman éponyme de So Jae-won, ce thriller sud-coréen prend à contre-pied le genre du film catastrophe, grande marotte hollywoodienne. Kim Seong-hoon ne vise pas le sensationnel tire-larmes mais la dramédie, il cultive le tragi-comique avec génie. Aussi burlesque qu’angoissant, Tunnel s’avère le remède miracle contre la taphophobie ! Mélissa Chevreuil
De toutes mes forces Nassim semble appartenir à cette jeunesse dorée insouciante. Tous les matins, il trimballe son look de dandy dans l’un des plus prestigieux lycées parisiens. En réalité, il vient de perdre sa mère et dort tous les soirs dans un foyer... L’orphelin doit rivaliser d’adresse pour éviter que ces deux mondes ne s’entrechoquent. Auréolé du prix de la critique ainsi que de celui des étudiants lors du dernier Festival 2 Valenciennes, De toutes mes forces est une jolie surprise. Au-delà du portrait d’un jeune homme fragile, le film interroge notre rapport à la normalité et à la marginalité. Difficile de rester insensible devant ce drame d’une grande justesse, porté par le minois juvénile de Khaled Alouach et l’irrésistible Yolande Moreau. Mélissa Chevreuil De Chad Chenouga, avec Khaled Alouach, Yolande Moreau, Laurent Xu... Sortie le 03.05
Un racisme effrayant Véritable phénomène de société aux USA, Get Out est sur toutes les lèvres. À mille lieues des superproductions, la critique comme le public semblent fascinés par ce thriller. En écho aux tensions raciales qui traversent le pays, Jordan Peel signe un film entre frisson et réflexion. Tout baigne entre Chris et Rose. Une histoire d’amour sans faille qui, in fine, aboutit à la terrible épreuve de la rencontre des parents de mademoiselle. Précision : Rose est blanche, Chris est noir. Si la jeune femme jure que ses géniteurs sont ouverts d’esprit, notre héros sent l’atmosphère particulièrement tendue lors de ce week-end chez sa potentielle belle-famille. Et les incidents étranges qui se succèdent ne vont pas le contredire… Un pitch digne d’une comédie d’Eddie Murphy, dont l’un des spectacles aurait inspiré le réalisateur Jordan Peele. Mais, gardons-nous de réduire Get Out à une dénonciation du racisme ordinaire. Effrayant mais pas dénué de respirations comiques, ce longmétrage sans prétention bouscule le genre autrement. Aucun zombie, fantôme ou monstre gavé d’effets 3D ne rôdent à l’horizon. Une attention particulière est ainsi accordée à l’écriture, à la psychologie des personnages. Les spectateurs parlent d’une expérience à vivre, les professionnels d’un coup de génie. À partir d’un sujet sensible, Get Out réunit toutes les conditions pour susciter la même ferveur chez nous. Mélissa Chevreuil De Jordan Peele, avec Daniel Kaluuya, Allison Williams, Catherine Keener... Sortie le 03.05
© Universal Pictures
GET OUT
Exposition – Rencontre 69
Open Museum ALAIN PASSARD Exposition trois étoiles Texte Marie Tranchant Photo Portrait Alain Passard © Bernhard Winkelmann / Émotion pourpre au parmesan, collage © Alain Passard
Pour sa quatrième édition, l’Open Museum du Palais des beaux-arts de Lille ouvre ses collections à Alain Passard. Replaçant le jardin au centre de l’assiette, ce chef avant-gardiste est une référence de la gastronomie française. Étonnante et alléchante, l’exposition allie cuisine et art, sans faute de goût.
« U
n cuisinier réveille le palais ». C’est avec ce jeu de mots que le Palais des beaux-arts de Lille annonce son nouvel Open Museum. Celui-ci est consacré à
Alain Passard, à la tête du restaurant parisien l’Arpège, trois étoiles au Guide Michelin. Cette carte blanche étonne au premier abord, mais le musée n’en est pas à son premier
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Exposition – Rencontre 70 coup d’éclat : après les musiciens de Air, le collectif d’artistes InterDuck et le dessinateur Zep, Bruno Girveau pousse le concept encore plus loin.
« LA MAIN DU CUISINIER EST COMME CELLE DE L’ARTISTE »
« Je me suis souvenu d’une discussion avec Alain Passard il y a 15 ans, raconte-t-il. Il me confiait que l’art était pour lui une source d’inspiration ». Le conservateur lillois a de la mémoire et de l’audace. Le chef étoilé, lui, « aime faire les choses où (il) apprend ». La rencontre était évidente. Une fois le rendez-vous fixé,
restait à « meubler la maison », investir ces « 22 hectares de jardin ». Épaulé par la commissaire Valentine Meyer, le maître des papilles a voulu donner à cette exposition « une harmonie, un côté très gourmand », et mettre en valeur les cinq sens.
Par le menu Ce parcours atypique révèle des œuvres d’art contemporain choisies par le chef, mais aussi quelques-unes de ses propres créations. Ce dernier pratiquait le collage avant même d’œuvrer derrière les fourneaux à 13 ans. On découvre des « bouts de papier assemblés » qui renvoient à ses recettes de légumes, entre autres. Dès l’entrée, des pinces de homard géantes en bronze façonnées par Pilar Albarracin, Marmites enragées
© Galerie GP & N Vallois / Marie Tranchant
© Alain Passard / J-M Dautel Alain Passard, Combat de dormeurs, Bronze
Alain Passard accueillent le visiteur. Dans l’atrium, des cocottes-minutes fument. Certes, il est question de cuisine, mais aussi de nature, de saison, comme avec cette installation de Rudy Decelière où des feuilles de magnolia remuent et bruissent, suspendues à des fils de cuivre. Plus loin, Jean-Bernard Métais, artiste-vigneron, capture l’esprit d’un vin de Jasnières de 1898 dans une œuvre en verre, revisitant la Grande Ombre d’Auguste Rodin qui date de la même année. Vin et art, tel un appel à l’hédonisme encore plus marqué.
Le chant du feu « La main du cuisinier est comme celle de l’artiste, insiste Alain Passard, il y a la même grâce dans certains plats ». Les enfants des cantines
lilloises ont pu l’expérimenter autour d’un menu élaboré par ses soins, le jour du vernissage : mousseline de petits pois, légumes croquants, compotée de rhubarbe. Le chef partage ainsi un souvenir d’enfance : « Il n’y avait pas de thermostat quand j’étais gamin. Ma grand-mère me disait souvent : "Écoute le chant du feu" ». La cuisine est une affaire d’ouïe, d’odorat, de toucher... « Il faut rappeler l’importance des sens. (…) Cette exposition est une conjugaison de saveurs, de textures, de parfums. Je veux qu’en sortant, vous alliez vous faire une belle assiette ». Pari réussi, cette visite donne l’eau à la bouche ! LILLE – jusqu’au 16.07, Palais des beaux-arts, lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 7 / 4 € / gratuit (-12 ans et à partir de 16 h 30 en semaine), pba-lille.fr
Louis Le Nain, Vénus dans la forge de Vulcain, 1641, Reims, musée des Beaux-Arts © C. Devleeschauwer
Exposition – Sélection 73
Le Mystère Le Nain La preuve par trois
Trois frères peintres, un même atelier, une signature identique (Le Nain) et seulement 70 toiles retrouvées sur, sans doute, des centaines produites. Comment travaillaient-ils ? Que signifiaient leurs tableaux ? Un casse-tête pour les experts, mais un plaisir pour le visiteur de pénétrer ce mystère.
Leurs toiles ont disparu il y a trois siècles, et furent redécouvertes au hasard, lors de brocantes, dans des greniers… Les expositions sont donc rares. La dernière eut lieu à Paris en 1978. Celle qui nous occupe aujourd'hui a été initiée aux États-Unis. Pour autant, le parcours du Louvre-Lens est différent de celui des Américains. L'approche religieuse cède la place à l'exploration de scènes réalistes. L'attribution des tableaux demeure aussi un enjeu majeur. « Ici, le spectateur participe à notre enquête » selon Luc Piralla, co-commissaire de cet accrochage jalonné d’indices. Tels ces films dévoilant, grâce à la radiographie, des personnages dissimulés dans certaines œuvres ! Regards 55 des toiles de ces Picards nés à Laon au xviie siècle sont réparties en trois sections : à chaque frère la sienne. Un partage inédit, mais supposé. La première salle dévoile les tableaux de Louis, « le génie de la famille ». Ses scènes magnifient des paysans alors ridiculisés par la peinture flamande. Antoine, l'aîné, se distingue quant à lui par la finesse de ses miniatures. Et, il faut le dire, quelques compositions maladroites. La production de Mathieu, le cadet, est aussi inégale, mais fascine par son aspect « caravagesque », tel ce Reniement de Saint-Pierre, clair-obscur ponctué de teintes vives, révélant un coloriste hors-pair. Aussi disparates soient-elles, les créations de la fratrie ont un point commun. « L'humanité de leurs personnages est manifeste. L'intensité de leur regard accroche constamment celui du spectateur ». Pour ne plus le quitter. Julien Damien LENS – jusqu’au 26.06, Louvre-Lens, tlj sf mar : 10 h > 18 h, 10 / 5 € / gratuit (-18 ans), www.louvrelens.fr
Lettre à Adèle (sa femme), 18 août 1837, en arrière plan, le beffroi de Mons © BNF (Paris)
Exposition – Sélection 74
SUR LES PAS DE VICTOR HUGO À MONS
Balade poétique Mine de rien, Mons a vu passer du beau monde. Van Gogh a appris à peindre dans le Borinage tandis que Verlaine écrivit ses plus beaux vers dans la prison locale. Nous voici cette fois sur les pas de Victor Hugo, qui élut domicile dans cette cité il y a pile 180 ans. Du 16 août au 23 septembre 1837, l'auteur des Misérables entreprit un premier périple en Belgique. Une de ces petites excursions romantiques qu'il s'octroyait avec Juliette Drouet, sa maîtresse. Avant de visiter Bruxelles, Gand ou Bruges, c'est donc à Mons qu'ils s'arrêtèrent. En témoigne cette lettre qu'il écrivit à sa femme Adèle (sic), agrémentée d'un petit croquis du beffroi. Pour l'occasion, celui-ci accueille les installations sonores et interactives de François Cys et Eric Van Osselaer, inspirées par les textes du poète. Citons aussi cette "murder party", une enquête grandeur nature où 30 personnages en tenues d'époque nous aident à résoudre le meurtre (fictif, on s’entend) du carillonneur local, tandis que le génie français quitte la ville… À l'Artothèque, au milieu d'œuvres restituant le Mons du xixe siècle, on découvre également, jusqu'à fin août, le pupitre de voyage et un dessin original de Victor Hugo, représentant une ville flamande. Et puis, nous arpentons les lieux qu’il a visités grâce à une carte illustrée avant de rejoindre le parcours agrémenté de collages urMONS – jusqu'au 12.11, Parcours en ville, bains imaginé par l'artiste montoise Artothèque : jeu > dim, 10 h > 16 h, Sara Conti. Une balade entre réel et Beffroi : mar > dim, 10 h > 18 h, 10 / 7 € (ticket combiné pour les deux lieux), www.polemuseal.mons.be imaginaire, histoire et poésie. PouMurder Party : 13 & 14.05, Beffroi, 14 h > 20 h, 6 / 3 € vait-il en être autrement ? Julien Damien (durée d'une partie : 2 h)
Exposition – Sélection 76
▲ Art nouveau : Gustave Strauven, maison Saint-Cyr, 11 square Ambiorix à Bruxelles, 1900-1903. Art nouveau : Paul Saintenoy, Old England, rue Montagne de la Cour à Bruxelles, 1898. Art déco : Alexis Dumont, façade de l’Institut des Arts et Métiers, 50 bd de l’Abattoir à Bruxelles, 1928-1933.
Art nouveau ? ¿ Art déco Pignons sur rue Texte Hugo Guyon Photo Bastin-Evrard © SPRB / Philippe De Gobert © Fondation CIVA, Département Architecture moderne
Art nouveau ou déco ? Difficile de s’y retrouver dans la capitale belge tant les mouvements architecturaux s’y entrelacent. Si bien que, lorsque le CIVA (lieu de l'exposition) a annoncé son déménagement dans le centre Citroën, un journal vanta les mérites de ce splendide bâtiment au style Art nouveau, alors qu’il s’agissait d’un non moins superbe immeuble… Art déco ! Une confusion qui a motivé la tenue de cet accrochage didactique. Il n'est pas si évident de différencier ces courants artistiques majeurs du début du xxe siècle. Les matériaux et techniques qu’ils mobilisent sont similaires. Pourtant sur le plan esthétique, le contraste entre les deux est palpable. Alors que l’Art nouveau se caractérise par des courbes et références végétales, son successeur privilégie les lignes brisées inspirées du progrès technologique de l'époque (la voiture, l’aviation). Cette évolution répond d'ailleurs à des questions économiques. « Il a fallu contenter une bourgeoisie au capital amoindri par la Grande guerre » explique Laureline Tissot, co-commissaire de l’exposition. D’où l’émergence de l’Art déco, plus épuré et à la symétrie impeccable, frappante dans le cas de l’hôtel Haerens conçu par Antoine Courtens. Un travail d'orfèvre Cet événement recense les plus beaux exemples belges des deux courants. Il s’ouvre sur une présentation de l’hôtel Tassel de Victor Horta, véritable manifeste Art nouveau, construit en 1893. Un travail d’une grande minutie : « Rien n’est laissé au hasard, de l’encadrement des portes jusqu'à la petite cuillère » raconte la curatrice. Enfin, un segment est dédié à l’image de la femme et notamment l’évolution de sa silhouette. Tandis que l’Art nouveau affiche des lignes souples, l’Art déco défend l’image d’un corps plat, androgyne et libéré, en phase avec son temps. Plus moderne, en somme. BRUXELLES – Jusqu’au 28.05, Fondation CIVA, mar > dim : 10 h 30 > 18 h, 10 > 5 € / gratuit -18 ans), www.fondationciva.brussels
© Peyo
Exposition – Sélection 78
Peyo - A Retrospective Contrairement à Hergé ou son ami Franquin, Peyo n'avait jamais bénéficié de rétrospective. Etonnant, au vu du succès de ses Schtroumpfs qui, 25 ans après sa mort, pullulent : 35 millions d'albums vendus dans 90 pays, une adaptation à la télé, au cinéma… Pour autant leur naissance, en octobre 1958 dans Le Journal de Spirou, reste accidentelle. Ils n'étaient que les personnages secondaires d'un épisode de Johan et Pirlouit… avant d'éclipser toutes les créations du Bruxellois – tel Benoît Brisefer. C'est cette histoire hors norme qu'on découvre via ces planches originales, croquis, photos… Soit 150 pièces prêtées par la famille du dessinateur. Schtroumpf alors ! J.D. LA HULPE – jusqu'au 27.08, Fondation Folon, mar > ven : 9 h > 17 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 9 > 5 € / gratuit (-6 ans), fondationfolon.be
Chocolate Secrets
ANVERS – Jusqu’au 03.09, MAS, mar > ven : 10 h > 17 h, sam & dim : 10 h > 18 h, gratuit, www.mas.be
© MAS
Une exposition sur le chocolat à Anvers ? Rien de plus logique, tant le savoir-faire flamand est réputé en la matière. Une idylle qui remonte au xviie siècle avec l’acheminement des fèves de cacao par les conquistadors espagnols. C’est toute cette histoire que le MAS déballe à travers une multitude d’objets, des coupes cérémonielles mayas jusqu’aux affiches publicitaires de grands noms comme Meurisse. On n’exclut pas d’y trouver quelques pépites ! H.G.
Exposition – Sélection 80
Le nom évoque une avant-garde typiquement belge plus que le faste d’une maison de luxe française. De 1997 à 2003, c’est pourtant chez Hermès que le plus mystérieux des couturiers officia comme directeur artistique. Peu connue du grand public, cette ère mode fait pour la première fois l’objet d’une rétrospective. Transformé en garde-robe géante, le MoMu présente en miroir 110 pièces imaginées pour Hermès et Maison Martin Margiela. ANVERS – jusqu’au 27.08, MoMu, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 6 / 3 € / gratuit (-17 ans), www.momu.be
YVES KLEIN. LE THÉÂTRE DU VIDE
LE BAISER, DE RODIN À NOS JOURS
Mort à seulement 34 ans, entré dans la postérité grâce à ses monochromes bleus outremer (le fameux bleu Klein), l’artiste touchait à toutes les disciplines : peinture, sculpture, musique, théâtre et même architecture ! C’est cette carrière protéiforme que met en lumière cette monographie exceptionnelle. Celle-ci explore l’œuvre du plasticien dans toute sa radicalité, de ses Reliefs planétaires à ses Peintures de feu, réalisées... au lance-flammes !
Pour célébrer le centenaire de la mort du sculpteur avec originalité, le Musée des beaux-arts de Calais se penche sur un thème populaire de l’histoire de l’art : le baiser. Depuis l’Antiquité jusqu’aux dessins animés Disney, cette figure s’interprète et se réinvente en peinture, sculpture, photo, BD, musique, danse et, évidemment, au cinéma. Autant de disciplines présentes dans cette sélection d’œuvres qui débute en 1882, date du premier bécot en plâtre d’A. Rodin.
BRUXELLES – jusqu’au 20.08, Bozar, mar > dim : 10 h > 18 h, jeu : 10 h > 21 h, 16 / 4 / 2 € (-26 ans et demandeurs d’emploi), www.bozar.be
CALAIS – jusqu’au 17.09, Musée des beaux-arts, mar > dim : 13 h > 18 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans), www.calais.fr
LES OBJETS DOMESTIQUENT Le FRAC Nord-Pas de Calais inaugure trois nouvelles expositions confrontant la création contemporaine à d’autres champs. Celle-ci met en lumière les liens entre l’art et le design. De la composition de mobilier de Dejanov et Heger (Plenty Objects of Desire) à l’armoire sans fond détournée par Maurizio Cattelan (Sans titre), les pièces sélectionnées questionnent aussi notre rapport d’attraction / répulsion aux objets du quotidien. DUNKERQUE – jusqu’au 27.08, FRAC, mer > ven : 14 h > 18 h, sam & dim : 11 h > 19 h, 3 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.fracnpdc.fr
Hermès A/H 2001-2002 © Ralph Mecke
MARGIELA, LES ANNÉES HERMÈS
Exposition – Sélection 82
LATOYA RUBY FRAZIER ET LEWIS BALTZ
Flénu, Borinage © LaToya Ruby Frazier
LaToya Ruby Frazier a grandi à Braddock, cité sidérurgique emblématique des États-Unis. Ses photos témoignent de l’impact de la désindustrialisation sur les hommes. Lors de sa résidence au MAC’s, elle s’est penchée sur le Borinage en rencontrant d’anciens mineurs, dessinant à travers ces deux œuvres une histoire universelle. En parallèle, on découvre les clichés de Lewis Baltz, disparu il y a deux ans, et en particulier ses Sites of Technology, série dénonçant le revers d’une société technoscientifique.
HORNU – jusqu’au 21.05, MAC’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be
AFRIQUES CAPITALES. VERS LE CAP DE BONNE-ESPÉRANCE
COLLECTIONS INVISIBLES
La création contemporaine africaine s’affiche à Lille dans toute sa diversité, avec des artistes pour certains jamais vus en France. Installations, vidéos, photos, peintures, sculptures… Cette exposition collective rassemble les œuvres de plus d’une trentaine de noms. On découvre ainsi un vaste panorama de techniques et de sujets. Une invitation à parcourir un continent complexe, entre mythes, symboles ou problématiques actuelles.
Collectionneur avisé, philanthrope, Raoul Warocqué légua à l’État belge sa propriété de Morlanwelz, devenu depuis le musée royal de Mariemont. Celui-ci abrite aujourd’hui un riche fonds de vases, porcelaines ou pièces issues des civilisations chinoises ou helléniques. Célébrant les 100 ans de la disparition du mécène, l’institution dévoile des objets restés jusqu’ici invisibles : la fameuse "boule en ivoire", des tablettes cunéiformes et bien d’autres trésors cachés.
LILLE – jusqu’au 03.09, Gare Saint Sauveur, mer > dim : 12 h > 19 h, gratuit, lille3000.com, www.garesaintsauveur.com
MORLANWELZ – 29.04 > 26.11, Musée Royal de Mariemont, mar > dim : 10 h > 18 h, 5 > 2 € / gratuit (-12 ans), www.musee-mariemont.be
ÉLOGE DE LA COULEUR Quelle est la fonction de la couleur dans notre environnement urbain ? Comment choisir la nuance de bleu idéale pour la façade d’une usine ? Autant de questions qui ont fait naître un métier : le colorisme-conseil. Pour son 40e anniversaire, le Centre Pompidou prête au musée La Piscine un fonds artistique jamais dévoilé. Conçus comme de "simples" instruments de travail, ces gammes, nuanciers, dessins préparatoires ou maquettes sont ici élevés au rang d’œuvres d’art. ROUBAIX – jusqu’à 11.06, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 13 h > 18 h, 5,50 > 4 € / gratuit (-18 ans), www.roubaix-lapiscine.com
STREET GENERATION(S) Poussant les portes des 1 500 m2 de la Halle B de l’ancienne usine textile, le visiteur entre dans une ville-musée. Ce parcours a été conçu comme une mégalopole à échelle réduite. 150 œuvres y sont disposées chronologiquement. On trouve-là des pièces légendaires (signées JR, Banksy, JonOne…) mais aussi des photos, vidéos et des créations in situ (Jef Aerosol, Sten Lex, Vhils...), retraçant l’histoire d’un courant désormais quadragénaire. ROUBAIX – jusqu’au 18.06, La Condition Publique, mer > dim : 13 h > 19 h, 5 / 3 € / gratuit (-18 ans), visites guidées samedi 14 h 30 et dimanche 16 h, www.laconditionpublique.com
EN FAMILLE
TU SAIS CE QU’ELLE TE DIT... MA CONCIERGE ?!
LE MONDE ARABE DANS LE MIROIR DES ARTS
L’anadiplose est une figure de style consistant à reprendre le dernier mot d’une phrase au début de celle qui suit. Cette exposition adapte ce principe avec des toiles, en prenant pour point d’appui le Portrait de ma concierge, de Jean Fautrier. Débute alors un dialogue fascinant entre les époques et les œuvres, dont celles de Picasso, Rembrandt ou Eugène Leroy. Il s’agit-là de s’interroger sur l’interaction des couleurs, la composition, le décor... à travers l’histoire de l’art.
L’IMA réunit des productions contemporaines du Proche et Moyen-Orient issues du fonds culturel de l’institut parisien ainsi que des objets d’art traditionnel prêtés par le Louvre. Ces créations dialoguent avec des œuvres occidentales, dont Les Femmes d’Alger d’après Delacroix de Fantin-Latour. Dans cet espace, ce sont deux visions artistiques qui cohabitent, entre figuration réaliste du monde en Occident et représentation plus poétique, idéalisée, chez son alter-ego oriental.
TOURCOING – jusqu’au 18.09, MUba Eugène Leroy, tous les jours sauf mar : 13 h > 18 h, 5 / 3 €, www.muba-tourcoing.fr
TOURCOING – jusqu’au 31.12, Institut du Monde Arabe, mar : 13 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 3 / 2 €, ima-tourcoing.fr
MICHEL NEDJAR. INTROSPECTIVE Évoquer Michel Nedjar, c’est d’abord penser à ses célèbres et effrayantes poupées, constituées de chiffons ramassés çà et là et trempées dans des bains de boue ou de sang. Pour autant, son œuvre s’avère bien plus vaste. Au-delà de ces créations en tissu, on découvre ici des sculptures, dessins, peintures ou films expérimentaux, à travers un parcours chronologique et thématique rassemblant plus de 350 pièces. Un voyage entre magie et enfance, vie et mort. VILLENEUVE D’ASCQ – jusqu’au 04.06, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € / gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr
Jef Aerosol, Chuuuttt!!!, 2011 courtesy galerie Magda Danysz © Jigsaw / La Condition Publique
Exposition – Sélection 84
Théâtre & danse – Sélection 87
Philip Seymour Hoffman, par exemple Identité malheureuse Texte Hugo Guyon Illustration Stéphane De Groef
Le décès brutal du comédien Philip Seymour Hoffman, en 2014, a marqué une génération. Admiratif de l’homme, le collectif Transquinquennal y a vu le point de départ idéal d'une nouvelle pièce. Mais point de biopic ici. L’icône américaine sert plutôt de prétexte à une réflexion sur la célébrité et une comédie grinçante. À l’origine, il y eut une commande passée au dramaturge argentin Rafael Spregelburd. Un auteur que la troupe connaît bien puisqu’il avait signé le texte de La Estupidez, une de leurs précédentes créations. La compagnie belge souhaitait cette fois mettre en scène la figure d’Hoffman. « Il était ce que l’on pourrait appeler une anti-star, explique Miguel Decleire, membre de Transquinquennal. Il y avait une inadéquation entre son comportement et son statut, ce qui renforçait paradoxalement son aura ». Et puis, il disparut en plein tournage du troisième volet de la saga Hunger Games. Le réalisateur voulut alors le remplacer par un hologramme, histoire d’intégrer cet avatar dans les scènes que l’homme n’avait pu tourner… Un sacrilège qui insuffla l’idée de ce spectacle. Écriture télévisuelle L’intrigue suit tour à tour trois personnages : un acteur belge tentant sa chance à Los Angeles et ressemblant à l’icône américaine, un comédien japonais poursuivi par une groupie et, enfin, Philip Seymour Hoffman lui-même, que des escrocs persuadent de passer pour mort afin de berner l’industrie du cinéma et lui vendre… son avatar 3D. « La narration est semblable à celle d’une série comme Game of Thrones où l’on jongle avec les points de vue » précise le comédien Bernard Breuse. Avec, au BRUXELLES – 11 > 14.05 (+ 07 > 21.12), final, ces interrogations : notre idenThéâtre Varia (Kunstenfetivaldesarts), jeu > sam : 20 h 30, dim : 18 h, 18 / 14 €, tité profonde coïncide-t-elle avec l'image www.kfda.be qu'on dégage ? Sommes-nous seulement NAMUR – 11 > 13.10, Théâtre de Namur LIÈGE – 17 > 21.10, Théâtre de Liège réels ? Vastes questions… MONS – 24 > 26.10, Mars (Théâtre le Manège)
Pacadis La nuit lui appartient
Texte Julien Damien Photo Christophe Piret
Plus de 30 ans après sa disparition, Alain "death trip" Pacadis incarne la quintessence du dandy glam-trash, l'âme chic et torturée des seventies et du début des eighties, qu'il chroniqua comme personne. C'est ce personnage borderline mais attachant que ressuscite la Compagnie 2L, dans un spectacle mêlant théâtre et musique.
C
hroniqueur musical, alter-mondain, « reporter de l’underground » comme il se signait, Pacadis fit d'abord connaître le punk en France, au milieu des années 1970. Surtout, ce petit homme malingre et d'aspect faussement négligé (tel son ami Gainsbourg), rendit compte comme personne du
night-clubbing dans divers lieux de perdition, Le Palace en tête. Ses articles, publiés dans Libération, viraient au journal intime. Ils brossaient le portrait d’une époque extravagante, sans doute plus libre qu'aujourd'hui, mais en train de vaciller. "Paca" y parlait sexualité, des artistes qu'il côtoyait,
de sa vie, de la mort des idéaux des années 1970… À bien des égards, il fut le précurseur du journalisme gonzo dans l'Hexagone. C'est à partir de ces textes bardés de cynisme et de spleen qu'est né ce spectacle. Celui-ci se concentre sur ses années fastes, entre 1977 et 1981, juste avant sa déchéance dans la solitude et la misère. Trop humain Créée par Anne Lepla et Guick Yansen en 2008, « avec la volonté de croiser le théâtre et la musique », la Compagnie 2L n'entend pas pour autant livrer un biopic de ce drôle de gonze. Sur scène, entouré de deux musiciens, un comédien (Damien Olivier) déclame certes ses mots mais incarne un personnage fantasmé. « On a inventé notre propre Pacadis. Celui-ci cultive
un côté Iggy Pop dans sa manière de bouger », explique Anne Lepla. « Il s'agit avant tout d'un collage poétique de moments de sa vie. Ce n'est pas narratif. On le suit dans ses délires, écoutant du Mahler en se soûlant chez lui ou s'éclatant au Palace en slip ». Pour cette pièce-concert, Anne Lepla et Guick Yansen ont composé une dizaine de morceaux dans le pur style coldwave et novö, qu'ils jouent en direct. Ils dépeignent une époque chancelante, racontée par un type drôle et désespéré, "no future", fuyant le monde dans le rêve ou les paradis artificiels, nous invitant « à danser au bord du gouffre ». ROUBAIX – 03 & 04.05, Théâtre de l'OiseauMouche, mer : 19 h, jeu : 20 h 30, 12 > 6 €, oiseau-mouche.org
Amitié franco-russe Si Molière reste une valeur sûre, rares sont les metteurs en scène à se frotter à son Amphitryon (1668). Mais Christophe Rauck, le directeur du Théâtre du Nord, ne fait rien comme tout le monde. Acclamée lors de sa création à Moscou en janvier, sa relecture du classique est présentée à Lille en russe surtitré. Reconnu en Russie où il a monté en 2010 Le Mariage de Figaro, Christophe Rauck souhaitait de longue date travailler avec les Fomenki, surnom donné aux premiers élèves-acteurs du maître moscovite Piotr Fomenko. Ne restait qu’à trouver le bon projet. Moins célèbre que les "tubes" de Molière tels Tartuffe ou Le Misanthrope, Amphitryon, « plus libre » d’un point de vue dramaturgique et stylistique selon le metteur en scène, s’est finalement imposé. Petit rappel de l’intrigue ? Jupiter, tombé sous le charme de la jeune Alcmène, descend sur Terre sous les traits de son époux Amphitryon, parti à la guerre. Aidé de Mercure, il s’offre une nuit d’amour avec la belle, tandis que le roi victorieux rentre à Thèbes plus tôt que prévu… Plus que la mise en scène d’une traduction de Molière, cet Amphitryon est un objet théâtral hors du commun, à mi-chemin entre les cultures russe et française. « Christophe, premier étranger à diriger les Fomenki, a réussi un spectacle très visuel, en trompe-l’œil permanent grâce à un miroir au centre du plateau dédoublant chaque geste », décrit Anne-Marie Peigné, la directrice des publics du Théâtre du Nord. Une scénographie délicate, que n’aurait sans doute pas reniée LILLE – 05 > 17.05, Théâtre du Nord, mar, mer, ven : Piotr Fomenko. Marine Durand 20 h, sam & jeu : 19 h, dim : 16 h, 27 > 7 €, www.theatredunord.fr
© Larissa Guerassimtchouk
Théâtre & danse – Sélection 90
AMPHITRYON
Théâtre & danse – Sélection 93
Stadium Jeu collectif
Texte Marie Pons Photo Fred Hocké
Qu’il mette en scène la vie d’une femme de ménage (Moi, Corinne Dadat) ou celle de 53 supporters du RC Lens, Mohamed El Khatib soumet les clichés à l’épreuve du réel. Stadium nous plonge ainsi au cœur d’un monde "Sang et Or" plus complexe qu’on ne le croit… « Qui n’est jamais allé dans la tribune Marek du stade Bollaert ne sait pas ce qu’est le spectacle vivant ! » s’exclame Mohamed El Khatib. D’entrée de jeu le ton est donné. Le football comme le théâtre, c’est d’abord une affaire personnelle. « J’ai moi-même joué longtemps, et mon père est un passionné. Cette figure du supporter soulève des questions politiques. La tribune est probablement le dernier endroit de mixité sociale ». Pendant deux ans, l'auteur et metteur en scène a ainsi côtoyé le Kop Sang et Or ou les Bollaert Boys à Lens. Ces échanges ont eu lieu au stade, au bar ou à domicile. Les langues se sont alors déliées sur des sujets les préoccupant : la récupération capitaliste du football, l’importance du collectif, la place de cette passion dévorante dans leur vie, les problèmes qui en découlent… Tribune libre « C’est comme si on avait prélevé un bout de la tribune pour le poser sur scène. Les participants restent eux-mêmes, je ne leur demande pas de jouer » explique Mohamed El Khatib. On y découvre Yvette Dupuis, 84 ans et inconditionnelle du club, des petits-fils de mineurs, des médecins ou ultras « engagés du lundi au dimanche dans la vie du RC Lens ». Entre portraits individuels et chants entonnés en chœur, la parole de chacun circule. Cette rencontre entre public de théâtre et supporters entend « abolir une distance sociale, géographique et symbolique ». De la pelouse aux planches, il n’y a qu’un passement de jambes ! DOUAI – 16 & 17.05, L’Hippodrome, 20 h, 22 > 9 €, www.tandem-arrasdouai.eu
© Kobayashi
© Emmanuel Lafay
Les Franglaises
Hero Corp vs Montréal
"Tu dis oui, je dis non. Tu dis stop et je dis va, va, va. Je ne sais pas pourquoi tu dis au revoir, je dis bonjour…" Mais qui a pu signer cette chanson bizarre ? Bravo, il s'agit bien des Beatles ! Ou plutôt des scarabées… Qu'ils interprètent les garçons de la plage ou Michel fils-de-Jacques, les 12 loustics des Franglaises traduisent dans la langue de Molière, le plus littéralement possible, des tubes anglo-saxons que l'on croyait connaître. Un feelgood… pardon, un "ressentir-bien" spectacle musical déjanté.
Hero Corp, c'est une série signée Simon Astier mettant en scène des super-héros dans un village perdu en Lozère. Plutôt barrée la série, mais quoi d'autre de la part du chevalier au lion de Kaamelott ? En 2011, les comédiens avaient monté une redoutable équipe d'improvisation théâtrale. Ils se retrouvent pour une série de dix matchs face à cinq Montréalais parmi les meilleurs vanneurs. Le principe ? Un combat verbal reprenant les règles du hockey où les vainqueurs sont élus par le public. Attention, tous les coups sont permis !
FOURMIES – 13.05, Th. Jean Ferrat, 20 h 30, 25 / 22 € BÉTHUNE – 19.05, Théâtre municipal, 20 h 30, 34 / 30 €
LILLE – 10.05, Théâtre Sébastopol, 20 h, 27 €
© DR
On a dit on fait un spectacle À la fois concert et numéro de music-hall, cet objet scénique non-identifié est construit comme une rêverie musicale. Imaginé par Sonia Bester, il revisite un répertoire s'étendant de Madame rêve de Bashung à Sweet Dreams d’Eurythmics. Bref, des envolées lyriques, des enchaînements burlesques et un sacré casting : des invités prestigieux, chaque soir différents, rejoignent la petite troupe ! On attend notamment Judith Chemla ou JP Nataf (Les Innocents). Plus on est de fous… plus on rêve. ARRAS – 19.05, Théâtre, 20 h, 22 > 9 €, www.tandem-arrasdouai.eu LENS – 20.05, Scène du Louvre-Lens, 19 h, 14 > 10 € (-18 ans)
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La Cordonnerie À rebours du conte
Texte Patricia Gorka Photo Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin © Sébastien Dumas
Ceci n’est pas un collectif de rafistoleurs de chaussures, mais une compagnie née il y a 20 ans, du côté de Lyon, qui s'est fait connaître avec ses "ciné-spectacles". 1 000 représentations plus tard et des tournées dans le monde entier, elle a quitté la cordonnerie des premières répétitions et revient de la grosse pomme (oui oui, New York !) direction le Nord de la France, qui accueille trois de ses créations. La spécialité de Métilde Weyergans et Samuel Hercule ? Le ciné-spectacle, soit un genre hybride entre cinéma, concert et théâtre. Ils puisent leur matière dans les contes et œuvres du répertoire. Des histoires qu'ils adaptent en réalisant un film muet dans lequel ils jouent eux-mêmes. Le long-métrage est ensuite diffusé sur grand écran tandis qu'au plateau Samuel s’occupe des bruitages et Métilde des voix. Des musiciens les rejoignent selon les créations. « Nous aimons tordre les contes, sortir des cases et décloisonner les genres » raconte Samuel Hercule. Les niveaux de lecture de ces créations sont multiples. Petits ou grands enfants, chacun y trouve… son conte. Il était une fois… le père de Blanche Neige Ces récits que l'on croyait bien connaître sont déformés, parfois développés, et transposés à notre époque. Dans Hansel et Gretel par exemple, ce ne sont pas des enfants qui sont abandonnés dans la forêt, mais deux personnes âgées… Leur Blanche Neige gothique, plongée en Udo, complètement à l’est pleine guerre froide, en surprendra aussi LILLE – 17 > 20.05, Théâtre du Nord, plus d’un avec son chewing-gum et son mer : 15 h, ven : 19 h, sam : 15 h & 19 h, 15 > 5 €, www.theatredunord.fr tee-shirt de The Cure. Tout comme son Hansel et Gretel père (imaginaire), le roi trapéziste et LILLE – 18 et 20.05, Le Grand Bleu, amnésique Udo (!) qui nous emmène jeu : 19 h, sam : 18 h, 20 > 5 €, aux confins de l'URSS, dans un voyage www.legrandbleu.com « complètement à l'est ». Mais ceci est Blanche Neige ou la chute du mur de Berlin une autre histoire… TOURCOING – 31.05 > 03.06, Théâtre de l'Idéal, mer : 14 h 30, ven : 20 h, sam : 19 h, 15 > 5 €, www.theatredunord.fr
Jinx 103 © Gregory Batardon MONS – 18 > 21.05, Grand Place, Théâtre Le Manège, BAM, Piscine du Grand Large, Cours du 106, Place du Manège, gratuit (sf événements au Manège : 20 > 3 €, parcours intimes : 15 > 9 € et au BAM : 4 / 2 €), programme complet : surmars.be
Tout Mons danse Initié par Mars, la Ville de Mons et la Fondation Mons 2025, ce nouveau festival invite la cité du Doudou à entrer dans la danse. D'abord, il nous place sur les pas de grands créateurs. Citons Christian Rizzo (D'après une histoire vraie) ou Thomas Chaussebourg, qui dévoile le fascinant ballet d'un homme et d'un cheval, sur la musique d'Alain Bashung (Ma Bête noire). Puis, les parcours intimes révèlent des spectacles de 20 minutes dans des lieux mystérieux… Le lendemain, c'est à vous de démontrer vos talents ! Mais, avant de vous déhancher lors du bal de clôture, il convient de réviser quelques mouvements. Pour cela, il suffit de participer aux cours de salsa, tango, flamenco ou rock acrobatique. Enfin, rien de tel qu'un pas de côté pour se libérer de tout complexe. On arpente la ville avec loufoquerie, se jouant de la signalétique et des codes du piéton grâce aux Promenades idiotes, inspirées de Jacques Tati et du sketch "Ministry of Silly Walks" des Monty Python. Le grand écart ? Oui, mais sans se faire mal. Julien Damien
Marquer le territoire Ne pas se fier à son nom : le Théâtre de chambre aime prendre l’air, se donner en spectacle sur les places publiques, dans les usines ou chez l’habitant. Implantée à Aulnoye-Aymeries, la ville de son directeur Christophe Piret, cette compagnie célèbre ses 30 ans. L’occasion de lui tirer le portrait ! L’enracinement local n’a pas toujours été une évidence pour Christophe Piret. Attiré par les lumières parisiennes, l'enfant d’Aulnoye a d'abord fui sa terre natale avant de choisir l’Avesnois, en 1987, pour y installer son Théâtre de chambre. Précoce – il a monté son premier spectacle à 17 ans – il fait aussi figure de précurseur. « Bien avant que la pratique ne se démocratise, il a associé des amateurs à ses pièces, relève Clémentine Coulon, chargée de développement de la compagnie. Avec ses créations pluridisciplinaires, à l’époque, il passait un peu pour un ovni ! ». Mettre en scène la parole du quotidien, se nourrir de la vie du voisin comme celle du bout du monde, telle est la méthode Piret. Elle s’incarne aussi bien dans une série de propositions en caravane (Camping complet, 2008-2014) que dans une pièce mêlant français, anglais et russe (Via Stalingrad, 2015). Doté depuis 2010 d’un espace de création, le 232U, le Théâtre de chambre y fête ses 30 ans. Au programme ? Un concert folk, un spectacle jeune public, une carte blanche au collectif de hip-hop Secteur 7, une soirée clubbing… Mais aussi des formes courtes présentées toute la journée par d’anciens comAULNOYE-AYMERIES / LEVAL – 27.05, 232U (ZAE La Florentine), concerts, spectacles et perforplices, comme autant de cadeaux mances, dès 9 h 30, journée + soirée : 5 €, soirée : d’anniversaire. Marine Durand 10 € / gratuit (-13 ans), www.theatredechambre.com
© Guick Yansen
Théâtre & danse – Sélection 100
30 ANS DU THÉÂTRE DE CHAMBRE
Théâtre & danse – Sélection 102 Michael Frayn / John Thomas
Ecrit au début des années 1980 par l’Anglais Michael Frayn, ce vaudeville n’est pas tout à fait comme les autres. Certes, on y retrouve tous les ingrédients : portes qui claquent, quiproquos, maîtresse dans le placard… Sauf que celui-ci raconte les péripéties d’une troupe au bord de la crise de nerf, en train de répéter… un vaudeville ! Une mise en abyme futée où le spectateur découvre l’envers, ou plutôt l’enfer du décor. BRUXELLES – jusqu’au 14.05, Théâtre des Galeries, 20 h 15 (+ 15 h : 23, 29.04 & 30.04, 07 & 14.05), 25 > 10 €, www.trg.be
SALOON
LE PÈRE
Cirque Eloize
Julien Gosselin / Si vous pouviez lécher mon cœur
Bientôt 25 ans que ces Québécois redessinent les contours du cirque. Nourris de danse, de théâtre, de musique et moult acrobaties, leurs spectacles se déploient dans un contexte original. Leur 11e création nous emmène cette fois au Far West. Un accordeur de piano pénètre dans un saloon fréquenté par des cow-boys patibulaires et tombe amoureux de la belle chanteuse. Débute alors une cavale sur fond de folk, digne des plus grands westerns !
Entre les deux fresques théâtrales que sont Les Particules élémentaires et 2666, Julien Gosselin a créé un spectacle plus intimiste. Inspiré de L’Homme incertain de S. Chaillou, celui-ci raconte le désespoir d’un paysan en faillite. Seul sur le plateau, noyé dans la brume, Laurent Sauvage incarne cet être qui a tout perdu et raconte ses rêves déchus. Un monologue ingénieusement mis en scène faisant surgir en arrière-plan les mots de ses enfants et leurs souvenirs. Une pièce poignante et puissante.
NAMUR – 02 > 06.05, Théâtre Royal, 20 h 30, 33,50 > 9,50 € // MONS – 24.05, Théâtre Royal, 18 h, 25 > 18 € // BRUXELLES – 26 > 28.05, Cirque Royal, 20 h (sauf dim : 15 h), 48 > 38 €
VALENCIENNES – 04 & 05.05, Le Phénix, 20 h, 23 > 6 €, complet 05.05, scenenationale.lephenix.fr BÉTHUNE – 10 > 12.05, Le Comédie (Le Palace), 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org
EN ATTENDANT GODOT Samuel Beckett / V. Dhelin et O. Menu / Les fous à réAction [associés]
Estragon et Vladimir ont rendez-vous avec Godot, qui ne viendra jamais. Alors ils attendent. Ce chef-d’œuvre de l’absurde de Samuel Beckett interroge le sens de la vie. Revue par Les fous à réAction [associés], la pièce se déroule sur un plateau de théâtre où les personnages sont conscients d’être des acteurs. Et, forcément, à force de tourner en rond, ils ont envie de parler aux spectateurs… Une relecture subtile doublée d’une réflexion sur la fragilité de l’instant présent. LILLE – 04 > 06.05, Théâtre de la Découverte à La Verrière, jeu & sam : 19 h, ven : 20 h, 15 > 5 €, www.theatreverriere-decouverte.org // HÉNIN-BEAUMONT – 11.05, L’Escapade, 20 h, 11,50 > 8 €, www.escapadetheatre.fr
© Martin Gallone
SILENCE EN COULISSES
Théâtre & danse – Sélection 104
LA BEAUTÉ DU DÉSASTRE
BRUXELLES – 09 > 13.05, Théâtre National, 20 h 30 (sf mer : 19 h 30), 20 > 11 €, www.theatrenational.be
L’OS DU CŒUR
LA VÉRITÉ SUR PINOCCHIO
Cie de Fil et d’Os
Didier Galas / Cie Les Hauts Parleurs / d’après C. Collodi
Inspiré d’une fable inuit et co-signée par Carole Martinez, le spectacle nous emmène aux confins de la nuit polaire. Sur la banquise étincelante, un pêcheur aux accents russes conjure sa solitude, lorsqu’une femme squelette s’accroche à son hameçon. Jetée à la mer par son père, celle-ci reprend chair grâce à ses larmes et battements de cœur… Sur scène, deux jeunes comédiennes donnent vie à cette histoire en mêlant théâtre d’ombre et marionnette, humour et poésie.
Le conte de Carlo Collodi est bien connu. À la fois danseur, acteur ou marionnettiste, Didier Galas interprète seul ce Pinocchio d’un genre particulier. Le petit pantin a bien grandi, est devenu un homme et travaille désormais… dans un salon de coiffure. Il nous raconte comment il est passé du bois à la chair et, quand il ment, arrive ce qui doit arriver ! Mais là n’est pas l’essentiel. Cette marionnette voulant devenir humaine dit avant tout notre soif de vivre, que l’on ait 7 ou 107 ans.
DUNKERQUE – 17 > 19.05, Le Bateau Feu, mer & jeu : 19 h, ven : 20 h, 8 € // VIEUX-CONDÉ – 07.06, Le Boulon, 18 h 30, 9 / 6 €
LA LOUVIÈRE – 18.05, Le Palace, 20 h, 15 > 8 €, www.ccrc.be
MOEDER Gabriela Carrizo & Franck Chartier / Cie Peeping Tom
Après Vader, qui mettait en scène un vieil homme dément dans une maison de repos, et avant Kinderen en 2018, le duo franco-argentin poursuit sa trilogie père-mère-enfants avec Moeder. Brouillant les pistes entre théâtre et danse, réel et fiction, il nous invite cette fois dans un curieux musée. Ici les œuvres sont vivantes, une femme tombe amoureuse d’une machine à café, une autre vole un tableau… Loufoque et mélancolique, la pièce explore la mémoire et le subconscient d’une mère universelle. VILLENEUVE D’ASCQ – 30.05 > 01.06, La Rose des Vents, mar & mer : 20 h, jeu : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr
© Todd Hido / Graine de photographe
Lara Ceulemans / Thomas Depryck
Au Japon, près de 100 000 personnes "s’évaporent" dans la nature chaque année. En France, elles seraient 10 000 à organiser leur "disparition volontaire". De quoi piquer la curiosité de Lara Ceulemans, qui interroge ce phénomène dans cette pièce mêlant musique et vidéo. L’intrigue est simple : après avoir flirté avec une femme qui n’était pas la sienne, Adrien disparaît et entame une vie d’ermite. Pourquoi ? À vous de l’imaginer, dans ce spectacle entre fiction et réalité…
The Punishment © Filipe Vilas-Boas
Le mot de la fin 106
The Punishment – Mais quelle bêtise a commis ce robot pour être ainsi puni ? Comme Bart Simpson, ce bras articulé tenant un crayon est condamné à copier des lignes. « I must not hurt humans » écrit-il à l’infini. Conçue par l’artiste Filipe Vilas-Boas et l’architecte Paul Coudamy, cette installation interroge une ère où l’intelligence artificielle se substitue à l’Homme. Jusqu’à lui faire du mal ?… Vilaine machine ! filipevilasboas.com