LM magazine 134 novembre 2017

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n°134 / novembre 2017 / GRATUIt

Art & CulturE

Hauts-de-France / Belgique



sommaire - magazine

LM Magazine #134 Novembre 2017

News – 08 © Anne-Sophie Delmotte

Ton sur ton, Joli crochet, Chat alors !, Au-dessus des clous, La lampe Trump…

style – 14

événement

Roubaix Vintage Weekender – 16 Dans le rétro La Braderie de l'art – 18 Made in Roubaix

portrait – 20

Nadja Buttendorf Joujoux de famille

portfolio – 30 Sylwia Kowalczyk Passé recomposé

Gezichtsmasker, Simalungun (cultuur), Dolog Silou, Sumatera Utara, Collectie Wereldmuseum Rotterdam, G.L. Tichelman, 1937

Canard Street Au coin-coin de la rue

Rencontre © Jérôme Prébois / Gaumont Distribution

Walter Van Beirendonck – 24 Derrière le masque Magyd Cherfi – 38 Toujours motivé Sophian Fanen – 68 La musique libérée ? Albert Dupontel – 74 De bonne guerre Chloé Moglia – 118 En apesanteur

le mot de la fin – 130 Mantra Minute (gros) papillon


sommaire - sélection Musique – 38

Moses Sumney © Ibra Ake

Magyd Cherfi, Moses Sumney, Spoon, The Residents, Mount Kimbie, Tour de Chauffe, The Horrors, Ala.ni, The War on Drugs, John Maus, Madness, Mac DeMarco, Gorillaz, Front 242, Trisomie 21, Run The Jewels, Reverend & The Makers, Les Ogres de Barback, Agenda...

littérature – 68 JF Millet, Les dénicheurs de nids © PBA Lille / JM Dautel

Sophian Fanen, Boulevard du stream

exposition – 86

Top Secret !, Jean-François Millet, De Picasso à Séraphine, Rodin, Brancusi, Carl Andre... Le socle, Stéphane Couturier, Ai Weiwei - Mirror, Agenda…

théâtre & danse – 108

Next Festival, Le Vent souffle sur Erzebeth, Festival VIA, Le Dragon d'or, Rhizikon, La Spire, 7 x Rien, Slava's Snowshow, Les Fils de Hasard, Espérance et Bonne Fortune, Agenda...

Disques – 66

King Krule, Studio One Supreme : Maximum 70s and 80s Early Dancehall Sounds, Okay Monday, Space, Energy & Light, David West With Teardrops

Livres – 72

Joyce Carol Oates, Patrice Bride et Pierre Madiot, James Noël, Joël Baqué, Jean Dufaux et Jacques Terpant

écrans – 74

Au revoir là-haut, Arras Film Festival, Brooklyn Yiddish, Mise à mort du cerf sacré, American Vandal, Jeune femme, Ex Libris : The New York Public Library



Magazine LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F -

tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07

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Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Alexis Lerat info@lm-magazine.com

Couverture Sylwia Kowalczyk Lethe www.sylwiakowalczyk.com Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Selina Aït Karroum, Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Madeleine Bourgois, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Hugo Guyon, Simon Karyef, Sylwia Kowalczyk, François Lecocq, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons, Marie Tranchant et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



© Stefan Draschan

news

Toile de fond Stefan Draschan parcourt les expositions du monde entier avec son appareil photo. Pas pour immortaliser les tableaux, mais ceux qui les admirent. Cet Autrichien déambule dans les allées des musées en quête de cet instant où la ressemblance surgit entre le visiteur et l’œuvre regardée. à l’image de cette fillette dont les tresses et les vêtements se fondent dans cette Nuit étoilée sur le Rhône de Van Gogh. stefandraschan.com

© Benoit Jammes

talent aiguille Comment ça ? Le canevas serait has been ? Jetez donc un œil à la série Grandma would be proud of me de Benoit Jammes. Le Français remet au goût du jour la bonne vieille trame de sa mamie. Armé de ses aiguilles et bobines de laine, il entremêle les époques et références avec humour, tel ce berger allemand à la langue bien pendue. www.benoitjammes.com


© Harow

Sévèrement borné

© Eric Tadsen

© Yukiko Morita

Nostalgique des bornes d'arcade de votre adolescence ? Voilà le sofa idéal. S'inspirant du design de nos jeux d'antan et des icônes de la pop-culture des années 1980-90 (Goonies, Jurassik Park…) le studio Harow a conçu une série de meubles au look délicieusement rétro. Pressez "start" pour vous prélasser. www.harow.fr

Plein la lampe Avant de vous casser les dents sur les pâtisseries de Shayna Leib (voir ci-contre), vous vous électrocuterez bien en croquant ces viennoiseries lumineuses ? Sortis du four par le designer japonais Yukiko Morita, ces croissants, brioches ou baguettes sont effectivement de très jolies lampes. L'ami du petit déjeuner, l'ami éclairé... pampshade.com

Pas du gâteau

s w ne

Chez Shayna Leib, les pâtisseries se dévorent avec les yeux. Il vaut mieux : elles sont toutes en porcelaine et en verre. Qu'ils soient glacés, feuilletés ou nappés, ces faux desserts sont confondants de réalisme. Cette Américaine a-t-elle une dent contre ces gourmandises ? Eh bien oui : la pauvre y est allergique… Si elle ne peut pas les manger, vous non plus ! shaynaleib.com


Meubles au poil Rien n'est trop beau pour nos matous. Ils ont déjà leurs vêtements, de bonnes petites pâtées et même leurs bars (voir LM 133)... Alors, pourquoi pas leur dédier une série de meubles identiques aux nôtres, mais adaptés à leur taille ? C'est l'idée que caresse Okawa Kagu. Ce collectif regroupant une douzaine d’artisans japonais conçoit des mini-lits ou canapés à hauteur de Grosminet. On a hâte de se faire les ongles dessus... www.okawa-kagu.net

Au départ, ça partait d'un bon sentiment. Pour inciter les automobilistes à ralentir à l'approche des passages piétons, la commune d’Ísafjörour, en Islande, a installé une série de trompe-l'œil. Ceux-ci donnent l'illusion que ces bandes blanches sont des blocs de béton en relief. De quoi lever le pied... ou d'écraser brutalement la pédale de frein – qui (sur)vivra verra ? L’idée a en tout cas déjà fait ses preuves en Inde, à Ahmedabad, où le nombre de victimes serait passé de 100 000 à zéro en six mois.

© DR

Cat Furniture © Neko Kagu

Hors des clous

© ParseError

visite éclair Sympa cette lampe en forme de nuage. Conçue par le Marseillais ParseError, la Political Lamp est connectée à Twitter, et s'illumine d'un éclair à chaque fois que Donald Trump y poste une bêtise. On ne sait pas si l'homme à la mèche peroxydée brillera un jour pour son intelligence, mais une chose est sûre : votre facture d'électricité risque d'un prendre un coup. parseerror.ufunk.net





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Canard Street

Le bon coin-coin

# 14

Après un an sous les halles de Wazemmes à Lille, Canard Street prend son envol. Ce concept original de street-food atterrit dans l'artère piétonne la plus courue de la capitale des Flandres (rue de Béthune), avant de se poser à Paris dès l'an prochain ! C'est une belle start-up. Elle ne fait pas florès dans l'e-commerce, mais le street-food. Qui plus est, en s'appuyant sur un produit ultra-traditionnel : le canard. Cette drôle d'aventure est née un peu par hasard. Tout juste diplômés de l'Edhec, Nicolas Drouault et Grégoire de Scorbiac, 54 balais cumulés, hésitent à intégrer un grand groupe ou créer leur business. Lors d'un stage à Hong-

Kong, Nicolas découvre la passion locale pour le canard laqué. Il se dit que le palmipède, très réputé dans la gastronomie hexagonale, mérite une approche renouvelée. « En mars 2016, on s'est donnés six mois pour élaborer des recettes street-food à partir du canard français ». Après quelques essais auprès de leurs potes, la carte valorise magrets, burgers, croustillants et autres tartares.


© Anne-Sophie Delmotte

Rehaussé de sauces maison, le menu est accompagné de patates sautées à la graisse de coin-coin (ticket moyen : 12 €). Le bec dans l'huile à peine ouvert, en septembre 2016 sous les halles du marché couvert de Wazemmes, Canard Street fait un carton, attirant plus de 10 000 clients en sept mois ! Nicolas et Grégoire voient plus grand et inaugurent leur deuxième resto, cette fois sur 100 m2, dans l'ancienne boutique Mango, rue de Béthune. Et ce n'est pas terminé ! Canard Street a

remporté le Grand prix des jeunes créateurs du commerce*. Courant 2018, ils se poseront aux Halles ou aux 4 Temps, à Paris. « Puis ce sera New York et Hong-Kong, et la saga du canard sera bouclée ! ». Pas des perdreaux de l'année… François Lecocq * créé par la foncière de centres commerciaux Unibail Rodamco.

Canard Street Béthune - 62 rue de Béthune, Lille, lun > sam : 12 h > 22 h 30, dim : 19 h > 22 h 30, +33 (0)3 20 94 46 40, www.canard-street.fr Canard Street Wazemmes (actuellement en travaux) - Halles de Wazemmes, Lille, mar > ven : 11 h > 14 h & 17 h > 20 h, dim : 09 h > 15 h, +33 (0)3 20 51 26 06


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o r t é r e l s n a er D nd

eke e W e g a t n aix Vi

Photos © L.Desbois aka Lwood

Roub

du rupture y, une t lle r e a v u M ence une no s roduit te évid p u re o t a t u s 'a p e « D -tem . En d espace tielle » le n m il e u e u u m c in e c t n a con lique no-évé ion Pub ce chro nder, Condit séquen Weeke a L e g ? a t c o in V D ce. , baix la Fran termes du Rou ord de N ns u e édition a d s , ro la 6 es pas ous rét quelqu ndez-v n re e E e L u soit d'époq m. change plutoniu Ici, on uée au q fi a r t n a DeLore


Monstres et Cie C'est dans cet esprit qu'il a créé le Roubaix Vintage Weekender. Il s'articule autour d'un grand marché attirant près de 30 000 visiteurs. Concocté par la Lilloise Miss Poodle Wah-Wah, l'évènement rassemble une centaine de stands proposant sapes, disques ou mobilier, des années 1940 jusqu'à la fin des eighties. Part belle est aussi faite aux expositions, à l'image de Monster Weekender de Numa Roda-Gil, dédiée aux Cramps et leurs monstres de série Z.

Mais ce grand raout rétro « reste avant tout un festival de musique ». On assiste ainsi à des concerts nous renvoyant au bon vieux temps du blues (Jerron Paxton), de la surf music (The Reverbly Ones), du reggae (Legend)... à chacun son vintage ! Julien Damien Roubaix, 10 > 12.11, La Condition Publique, ven & sam : 17 > 00 h, dim : 11 h > 19 h, gratuit, vintageweekender.com Musique : The Reverbly Ones, Legend... (10.11) // Nico Duportal, The Limboos, Jerron Paxton... (11.11) // Barny & The Rhythm All Stars, The Pathfinders... (12.11) Exposition : Monster Weekender de Numa Roda-Gil // Prieur de la Marne, JM Angles, Régis Lagoeyte, Graphikstreet... (10 > 12.11) Cinéma : The Cameraman de Buster Keaton réinterprété par Prieur de la Marne (11 & 12.12)

# 17

Yvan Serrano, aka DJ Healer Selecta, a toujours vécu à rebours du temps et des modes. « J'étais ado dans les années 1980. Tout le monde achetait les CD de Madonna ou Michael Jackson et moi je collectionnais les vinyles des Cramps ou des Ramones. En creusant, j'ai découvert que la plupart de leurs titres étaient des reprises de groupes plus anciens comme les Sonics ». L'enfant de Tulle s'est alors fait une spécialité de dénicher des pépites oubliées dans la soul, le ska, le rockabilly… Nourris de tubes rétros, ses sets lui ont offert une belle notoriété. Il fut même désigné "Français le plus influent de Londres" en 2012, et considère le vintage comme « une contre-culture ».


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La Braderie de l'Art

à pied d'œuvre Dans le Nord de la France, il y a la braderie de Lille, et puis celle de l'art. Pour les moules, on repassera. Par contre, question créativité, improvisation ou débrouillardise, vous êtes au bon endroit. Où ça ? à la Condition Publique, pardi ! 27e édition déjà pour la Braderie de l'Art. Et un principe bien rodé : près de 150 artistes s'enferment durant 24 heures à la Condition Publique. Sous le regard des visiteurs, ils y conçoivent un tas d'œuvres et d'objets hétéroclites (meubles, lampes, sculptures...) en puisant dans un "hyper stock" de 3 000 m3 de matériaux de récupération. Ceux-ci sont ensuite vendus entre 1 et 300 euros. Plus qu'un marché ou une foire, cet événement reste un gigantesque workshop – d'où vous pourrez repartir avec un cadeau unique, à la veille de Noël !

# 18

Au service du collectif Né en 1991 sur une idée de Fanny Bouyagui, qui souhaitait « rendre l'art accessible à tous », cette braderie n'a jamais aussi bien collé aux préoccupations actuelles : le recyclage,

le partage, ce fameux esprit "Do it Yourself"... « Oui, je retrouve chez beaucoup de créateurs actuels cette énergie collective qu'on avait au début des années 1990 », remarque Sabine Duthoit, la porte-parole d'Art Point M. Parmi les designers, illustrateurs, pochoiristes, soudeurs (on en passe) présents à Roubaix, citons les Marseillais de Yes We Camp, notamment responsables des "Grands Voisins", un mini-village collaboratif et solidaire qui a poussé dans l'ancien hôpital Saint-Vincent de Paul, à Paris. Ils croisent ici les Lillois de Faubourg 132, passés maîtres dans l'art de redonner une vie aux objets, en initiant des projets participatifs. Que vont-ils imaginer encore ? Ça, c'est à vous de le découvrir... Julien Damien Roubaix, 02 & 03.12, La Condition Publique, sam : 19 h > 2 h 30, dim : 8 h 30 > 19 h, gratuit, labraderiedelart.com // laconditionpublique.com


© Jacob Khrist

Cecile Busson © M. Colin

Christophe Henry © M. Colin


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Nadja Buttendorf Bijoux (très) fantaisie Nadja Buttendorf n’est pas une créatrice comme les autres. Une rapide recherche Google suffit pour s’en convaincre. « Les bijoux pour aliens sont importants », clame le site de cette artiste résidant à Berlin. Conçus comme des extensions du corps humain, ses colliers en câble USB et faux ongles chevelus ou aimantés s’affranchissent avec humour des canons du genre. La preuve. On ne l’aurait pas forcément parié, mais c’est en orfèvrerie que Nadja Buttendorf s’est d’abord formée. « Ensuite, je suis entrée dans une université d’art et de design où nous

# 20

1 Euro Jewellery : Brooch & Necklace, since 2015

devions oublier tout ce que nous savions pour trouver notre propre façon de créer. J'ai dû me débarrasser des connaissances académiques », égrène, un brin suite

// Router Pop, modem, ethernetwire, 2016


Yes, it's a real EARring!, art piece, silicone in different skin color tones, silver, 2015


moqueuse, cette native de Dresde. Les conventions, les normes, le classicisme ? Très peu pour celle qui se définit comme une artiste visuelle pluridisciplinaire et détourne avec ironie les objets de notre quotidien. Envie de partir à l’aventure sans jamais perdre votre réseau ? Passez la "chaine Wifi" de Nadja autour du cou. Besoin de vous distinguer de la foule ? Osez la broche couteau de cuisine, ou l’assiette en carton doré à votre poignet. Souvent bricolées et sans prétention, les « prothèses posthumaines » de la créatrice

« Je souhaite libérer notre corps des normes répressives » nécessitent parfois des techniques poussées. Ainsi de ses œuvres les plus emblématiques : FINGERring, une bague index en silicone (qui n’a jamais rêvé d’avoir un sixième doigt ?) et des boucles d’oreilles en forme d’oreille (EARrings) criantes de réalisme, déclinées dans une trentaine de teintes. « Nous passons notre temps à prolonger notre corps : avec nos vêtements, nos

FINGERring, replica of the artists left-hand ring finger, silicone in different skin color tones, life-size, 2016


Charging, Data & Beauty Cable, Bling Jewellery, Smartphone USB Charging & Data Cable, gold-plated, 2016

téléphones… mais les bijouteries ne proposent elles que des choses extrêmement ordinaires. Soyons plus subversifs ! », lance-t-elle. La vérité est ailleurs Si Nadja Buttendorf a fait du corps humain son principal sujet de recherche, souhaitant le libérer des « stéréotypes et des normes répressives », elle n’en oublie pas les aliens, revendiquant la paternité d’un type de « joaillerie spéculative pour extraterrestres ». D’où vient cette fascination pour la vie au-delà de notre planète ? Ridley Scott ou Steven Spielberg n’ont rien à voir là-dedans. « J’utilise les extraterrestres comme un modèle

de pensée pour ce qui est inconcevable », éclaire la jeune femme de 33 ans. « Il s’agit de créer des choses dans une perpective radicalement nouvelle ». Jamais à court de concepts innovants, elle entend aussi se pencher sur la fusion entre l’homme et la machine, en cogitant sur un système de calcul inédit. Exit les "pieds" et "pouces" d’antan. « Pour mesurer quelque chose, vous n’auriez plus besoin que de votre smartphone, constituant déjà une partie de nous-mêmes ». Il mérite sans doute, lui aussi, sa propre ligne de bijoux. Marine Durand nadjabuttendorf.com nadjas-nail-art-studio.org


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Walter Van Beirendonck Interview

Propos recueillis par Marine Durand

Hauts les masques !

Comment galvaniser un musée d’ethnographie plus que centenaire ? En ouvrant ses portes au créateur de mode Walter Van Beirendonck ! Pour sa première exposition au Wereldmuseum de Rotterdam, le plus excentrique des "Six d’Anvers" explore la puissance du masque. Objet cultuel ancestral ou accessoire ludique, il traverse aussi l’histoire de l’art. En témoignent les pièces de Basquiat, Picasso ou Sherman jalonnant cet accrochage. Co-commissaires de Powermask, le styliste belge et la conservatrice Alexandra Van Dongen lèvent le voile sur un parcours où le symbolisme est célébré au même titre que la beauté pure.


Walter Van Beirendonck, Hand on Heart, Herfst/Winter 2011–2012 Photo : Ronald Stoops

Comment cette exposition est-elle née ? Alexandra Van Dongen : J’ai pro-

« Aucun autre objet ne transforme à ce point notre identité »

posé à Walter Van Beirendonck d’intervenir en tant que commissaire invité, sachant qu’il apporterait un regard neuf sur nos collections. Nous lui avons donné carte blanche pour le concept, l’organisation et la scénographie de l’exposition. C’était

intéressant de lui ouvrir les portes du Wereldmuseum de Rotterdam car cette institution, considérée à son inauguration (en 1885) comme une fenêtre sur des univers lointains et suite


# 26

Walter Van Beirendonck et création de Richard Quinn © Aad Hoogendoorn

méconnus, se retrouve aujourd’hui au cœur d’une ville-monde où se mêlent 174 nationalités.

houette, à créer une atmosphère et des personnages uniques grâce aux masques et au maquillage.

Pourquoi avez-vous choisi la thématique des masques ? Walter Van Beirendonck : Ils me fascinent depuis mes premières collections. Les populations du monde entier les utilisent comme un instrument de transformation de l’identité. Qu’ils servent de déguisement aux enfants ou soient associés, plus récemment, au terrorisme, ces accessoires sont partout, et donc captivants.

Comment avez-vous sélectionné les pièces? AVD : Les 125 masques issus du Wereldmuseum proviennent majoritairement d’Afrique, d’Océanie et d’Amérique. Ils ont une grande force évocatrice. Walter a complété cette collection avec une superbe sélection de créations européennes, d'œuvres d’art ou d'accessoires portés par des artistes comme Björk ou Kylie Minogue.

AVD : Dans son travail de styliste, Walter parvient d'ailleurs à métamorphoser un look ou une sil-

WVB : J’ai essayé d'édifier un dialogue entre plusieurs disciplines : les artefacts ethniques côtoient des


œuvres de Pablo Picasso, Louise Bourgeois ou Keith Haring. J'ai aussi retenu des pièces créées par des stylistes comme Craig Green, Martin Margiela ou Thom Browne.

« Les artefacts ethniques côtoient des œuvres de Pablo Picasso ou Louise Bourgeois »

AVD : La première salle, par exemple, met en scène un masque Kavat d’Océanie, une sculpture contemporaine de l’artiste américain Paul McCarthy, baptisée Spaghetti Man, et une silhouette de mode signée Richard Quinn. Le mannequin qui la porte, également masqué, est installé sur un banc en bois bleu clair sur lequel Walter a inscrit « asseyez-vous et prenez part à la conversation ! ».

Est-ce la "touche" Walter Van Beirendonck ? WVB : Oui, j’ai imposé ma patte dans l’organisation de l’exposition. Les pièces sont abritées dans des vitrines de verre conçues sur le modèle de celles du Wereldmuseum en 1900. Mais j’ai choisi de les peindre dans des couleurs vives.

Levi Napatalai, Kavat-masker, Baining (cultuur), Nieuw-Brittannië, Bismarck-archipel, 2000-2004, Collectie Wereldmuseum Rotterdam, inv. nr. 75542, verzamelreis conservator C.H. van den Meiracker, 2004

Coco Fronsac, C’est la fête, Wereldmuseum Rotterdam, 2017

suite


Scénographie, Brian Kenny © Aad Hoogendoorn

# 28

Les vêtements sont eux montrés sur des mannequins debout, assis, ou même allongés dans différentes galeries, comme s’ils étaient des visiteurs. La scénographie vaut donc le détour… WVB : Oui. J’ai proposé à plusieurs artistes d’intervenir. Ainsi, le NewYorkais Brian Kenny a peint une immense fresque en noir et blanc sur un mur de 24 mètres de long, où j’ai accroché 65 masques (voir ci-dessus). Il a créé un personnage pour chacun d'eux ! J’ai aussi mélangé des photos ethnographiques à des clichés d'artistes pour composer des scènes où le masque capte

toute la lumière. Deux Français présentent également leur travail : Coco Fronsac (voir page 27), qui peint des masques ethniques sur de vieilles photos et le photographe Charles Fréger (voir ci-contre), dévoilant ici ses portraits d’hommes sauvages d’Europe tribale, issus de la série Wilder Mann. Les masques ont-ils des pouvoirs ? WVB : Ils sont incroyables ! Aucun autre objet ne transforme à ce point notre identité. Powermask - the power of masks Rotterdam, jusqu’au 07.01.2018, Wereldmuseum, mar > dim : 10 h > 17 h, 15 / 10 € / gratuit (-13 ans), www.wereldmuseum.nl


Charles Fréger, Cerbul (Hert), Corlata, Roemenië, 2010-2011, série Wilder Mann


portfolio


Sylwia Kowalczyk s la peau La mémoire dan

L

orsqu’on lui demande de parler de son travail, Sylwia Kowalczyk dégaine sa réplique phare : « j’étudie les illusions d’optique créant une ambiguïté entre le réel et ce qui ne l’est pas, avec un goût prononcé pour les sujets sérieux, comme la mort ou la peur ». Voilà qui a la mérite d’être clair. Habituellement, ce sont plutôt les expériences personnelles qui déterminent les projets de cette photographe polonaise installée à Edimbourg – l’entrée d’une jeune femme dans l’âge adulte, la confrontation à une nouvelle culture. La série Lethe (ici présentée) se distingue toutefois du reste de sa production, capturée dans l’environnement contrôlé d’un studio. Une forme de nostalgie émane de ces images imprimées, déchirées, puis recomposées par bribes, où les paysages se mêlent aux portraits de ses proches. Privés de leur visage ou intégrité physique, les personnages révèlent une nouvelle identité. « Le Léthé est le fleuve qui efface les souvenirs des morts lorsqu’ils s’y baignent », éclaire Sylwia Kowalczyk, qui cite Proust ou Dostoïevski parmi les auteurs qui l’inspirent. « Des moments importants échappent sans cesse à notre mémoire, et le passé devient un vaste territoire vierge »… Ce travail, déjà salué par le magazine Photo District News, est mis à l’honneur ce mois-ci par la galerie Blue Sky à Portland, apportant à l’artiste sa première exposition personnelle. Une étape marquante dans une carrière qu’elle espère riche et longue, à l’image de celle de Louise Bourgeois ou de la sculptrice britannique Phyllida Barlow, "découverte" après ses 65 ans. Qu’elle se rassure, on n’est pas près... de l’oublier. Marine Durand

à voir / Exposition Lethe à la Blue Skye Gallery, Portland, Oregon, novembre et décembre 2017. www.blueskygallery.org à lire / l’interview de Sylwia Kowalczyk sur lm-magazine.com

# 31

à visiter / www.sylwiakowalczyk.com








# 38

e, fils de la ru « Je suis un langue » je parle sa


musique

Interview

Propos recueillis par Julien Damien Photo Polo Garat

Magyd Cherfi Mots pour maux

Après un long silence, Magyd Cherfi est de retour sur scène avec Catégorie Reine. Produit via un financement participatif, ce troisième album solo témoigne d’un amour des lettres et d’un engagement intacts. Il répond aussi à Ma part de Gaulois. Paru en 2016, ce récit autobiographique narre sa jeunesse de fils d’immigrés algériens dans les années 1980, au sein du quartier des Izards à Toulouse. Il traduit une crise d'identité en banlieue, où la République n'aime pas tous ses rejetons… Ce troisième livre valut à l’ex-leader de Zebda un beau succès critique et public. Rencontre avec un artiste complet qui, à 55 ans, est toujours aussi motivé ! Comment cet album est-il né ? En écrivant Ma part de Gaulois. Chapitre après chapitre, les thèmes des chansons sont apparus. C'est en quelque sorte la B.O. du livre. Comment définiriez-vous votre style musical aujourd'hui ? On a fait du boucan avec Zebda et cela me frustrait de sacrifier le texte pour le volume sonore. Je suis désormais obsédé par l'épure. Ma voix est soutenue par le piano, la guitare, pas beaucoup plus… Je produis une chanson française d'un grand classicisme.

Vous vous inscrivez donc dans les pas de vos idoles ? Complètement. Pour moi il y a le triptyque Lavilliers-Renaud-Higelin et, parmi les artistes plus intemporels, Ferré, Brassens et Brel. Que verra-t-on sur scène ? Il s'agit d'un effeuillage verbal et sonore. Je vais vous dire qui je suis. En vous montrant aux autres vous vous révélez à vous-mêmes. C'est donc un spectacle plutôt intimiste. suite


musique à écouter / Catégorie Reine

Qu'est-ce qui a déclenché l'écriture de Ma part de Gaulois ? J'ai toujours été tiraillé par cette envie de raconter une autre histoire de France, où les habitants sont noirs, bruns… Un mec comme moi, né à Toulouse et d'origine algérienne, se rend vite compte qu'il n'est pas Français dans le regard de l'autre. Dans l'inconscient collectif perdure cette idée du blanc catho, cette mythologie du Gaulois blond dans laquelle on ne se retrouve pas. Ce livre, c’est un nouveau récit faisant du Français un être multiple.

# 40

« On a fait du boucan avec Zebda, je suis désormais obsédé par l'épure » S'agit-il d'un récit autobiographique ? Oui, même si j'ai romancé mes souvenirs. Cela me permet d'éclairer un certain nombre de choses, telle la psychologie des personnages.

On y perçoit aussi votre amour de l'école qui vous a permis de vous élever. Pourtant le constat que vous dressez est accablant… La République a donné à des gens comme moi des outils pour accéder au libre-arbitre, mais en a aussi abandonné beaucoup d'autres. La France dit porter tout le monde, quelles que soient la couleur de peau, la religion ou les origines… mais si tu es Africain, pauvre et musulman, tu es mort. Comment les choses ont-elles évolué en 30 ans ? Il y a eu une espèce de statu quo. Les brassages se sont multipliés au fil des décennies mais la France, comme tous les pays d'Europe, a abandonné ses enfants issus de la religion musulmane, du Maghreb, d'Afrique… Une sorte de précipice s'est creusé entre les blancs et les autres. Beaucoup de ces mômes s'identifient aujourd'hui à des pays qu'ils ne connaissent pas – comme leurs parents d'ailleurs. Il y a 30 ans on croyait qu'une porte allait s'ouvrir avec l'arrivée de la gauche au pouvoir. Mais elle s'est refermée. Vous-même, vous sentez-vous "Gaulois" aujourd'hui ? Oui, mais le Gaulois que je suis est à la fois berbère, occitan, toulousain, et aussi juif, espagnol… J'ai aimé des œuvres littéraires de toutes ces cultures dans lesquelles je me suis


fondu. Pour cela il faut avoir accès au savoir et j'ai eu ce privilège. Le livre (comme l'album) est également très féministe… Absolument. Je le suis par ma mère. « Vos sœurs ne sont pas vos esclaves, alors vous faites la vaisselle, passez la serpillère… » nous disait-elle à moi et mes frères. On a ainsi entretenu avec nos frangines un rapport imposé d'égal à égale. Le féminisme est pour moi une question d'éducation. Et puis, au lycée, j'ai rencontré des filles se battant pour leurs droits. J'ai réalisé que les Algériens et les femmes menaient deux combats parallèles ! J'ai épousé cette lutte car elle permettait aussi de soulever les discriminations à l'encontre des Maghrébins.

« En France, si tu es Africain, pauvre et musulman, tu es mort » D'ailleurs vous décrivez une scène dans laquelle une fille, Bija, est tabassée à mort parce qu'elle lit. Est-ce vrai ? Oui, non seulement c'est vrai mais j'en ai connues des dizaines ! Dans mon quartier, les parents déconseillaient à leurs filles de lire (et même d'écouter de la musique, de sortir, de voyager…) car une jeune femme trop éduquée ne peut pas se marier. Les hommes n'aiment pas celles qui en savent trop : elles sont susceptibles de partir,

de s'affranchir de la règle patriarcale. Aujourd'hui c'est moins violent car l'état de droit reste vigilant. Mais il y en a encore quelques-unes qui ont peur d'aller trop loin dans leurs études. Certaines filles voilées dans les facs disent « je veux savoir, mais pas trop ». Le voile les empêche de sortir du territoire de la famille. Vous rappelez ici un épisode méconnu de la vie de Mitterrand. Au début du livre, son élection est redoutée car il représentait "le ministre de la Guerre d'Algérie"… Oui, beaucoup d'Algériens ont été terrorisés quand est réapparu cet homme sous les apparats de la gauche. De Gaulle est resté dans la mémoire collective immigrée celui qui a libéré l'Algérie. Mais il y avait aussi à cette époque un certain François Mitterrand*, qui avait installé la guillotine et fait couper la tête de tous les résistants algériens, suite

* François Mitterrand devient ministre de la Justice du gouvernement de Guy Mollet, le 2 janvier 1956. On compte 45 guillotinés tandis qu'il occupe les fonctions de garde des Sceaux. Dans 80 % des cas connus, il leur a refusé la grâce. Contrairement à ce qu'on a pu croire, ces premiers condamnés à mort exécutés de la guerre d'Algérie ne sont pas des poseurs de bombe. Ils ont participé à l'insurrection, mais souvent sans commettre de meurtre.

à lire / Ma part de Gaulois (Actes Sud), 272 p., 19,80 €

source : François Mitterrand et la guerre d'Algérie cosigné par l'historien B. Stora et F. Malye.


clamant haut et fort l'Algérie française. Je me souviens de mes potes qui faisaient péter les bouchons de champagne et le soir, à la maison, mon père me disant : « on fait les valises, Mitterrand va être élu ! » (rires). Plus tard, le même homme a aboli la peine de mort… Mon père n'y comprenait plus rien !

# 42

L'autre particularité de ce livre, c'est la langue : à la fois très orale et scandée. Comment qualifieriezvous votre plume ? J'ai publié tard, après 40 ans. J'ai longtemps plagié les auteurs que je lisais. Le xixe siècle m'obsédait : Flaubert, Maupassant… J'essayais de singer la belle écriture. Au fil du temps je suis parvenu à trouver mon identité. Je suis un fils de la rue, je parle sa langue. Je peux donc m'exprimer comme un charretier et utiliser l'imparfait du subjonctif.

Le livre se finit quand l'aventure Zebda commence… est-ce définitivement fini avec le groupe ? Un nouvel album me paraît improbable. On a fait le tour de tout ce qu'on avait à dire. Par contre, un retour sur scène semble plus envisageable… Quels sont vos projets ? Mon rêve originel, avant la musique, c'était l'écriture. Désormais, j'aimerais achever mon histoire en m'attaquant au cinéma, à une saga sur l'immigration, histoire de boucler la boucle ! Noyon, 23.11, Théâtre du Chevalet, 20 h 30, 10 / 5 €, haute-frequence.fr, ville-noyon.fr Petite-Forêt, 24.11, Espace culturel Barbara, 20 h 30, 20 > 17 €, www.espaceculturelbarbara.fr (+ lecture de Ma part de Gaulois à la bibliothèque de Petite-Forêt en amont du concert ) Lomme, 25.11, maison Folie Beaulieu, 20 h 30, 9 / 5 €, www.ville-lomme.fr (+ lecture de Ma part de Gaulois à L'Odyssée Médiathèque à 18 h)



musique

Moses Sumney En 2017, la soul se partage entre les gardiens du temple (le label Daptone Records, pour résumer), et les têtes chercheuses qui emmènent le genre ailleurs. Moses Sumney fait clairement partie de ces dernières. Complice de Dave Sitek (TV on the Radio) comme de Solange Knowles, guitariste pour Sufjan Stevens, pourvoyeur de merveilles pour Beck (Title of this Song, c'était lui), le jeune Californien à la voix haut perchée vient de signer un premier LP brillant. Affolant. Terrassant. Si Aromanticism ne parle que de l'absence d'amour, il a fait fondre à peu près tous ceux qui ont eu la chance de l'écouter – ou de l'admirer sur scène. Pop futuriste, folk autre, soul customisée… Quelque part entre Terry Callier (la coolitude soul jazz folk incarnée) et Kadhja Bonet (autre mutante réjouissante), Moses Sumney créera sans doute des vocations et suscitera beaucoup d'émules – mais aucun concurrent sérieux, tant la barre est haut placée. T.A. Bruges, 03.11, Cactus Muziekcentrum, 20 h, 13 > 5 € / gratuit abonnés, www.cactusmusic.be

© DR

# 44

Bruxelles, 20.11, Botanique, 19 h 30, 18 > 12 €, www.botanique.be



© Zackery Michael

Spoon Du Main Square 2017, beaucoup n'ont retenu que le concert de Radiohead. Quel ennui… Or, la vraie tête d'affiche du festival arrageois se nommait Spoon. Soit quatre Texans qui ont énormément œuvré pour l'indie pop, mais semblent condamnés à vivoter dans un statut vaguement culte, faute… de quoi au juste ? De bonnes chansons ? De recherches sonores tous azimuts ? D'imagination ? De charisme ? Ben non : simplement, ces types ne savent pas se vendre. T.A. Bruxelles, 02.11, Botanique, 19 h 30, 24 > 18 €, botanique.be

The Residents

© DR

Au mitan des sixties, un collectif avant-gardiste tuait le temps en collant des standards de James Brown, des Rolling Stones, Beatles et autres Beach Boys. Un demi-siècle plus tard, l'illustre quatuor anonyme est devenu culte à son tour. Il faut dire que, bien avant les robots Daft Punk, nos quatre gonzes évoluaient en smoking, arborant un globe oculaire en guise de masque. En cinq décennies, The Residents ont expérimenté tous les genres (pop, rock, jazz, musique concrète, électronique, jingles…) et leurs performances tiennent davantage du théâtre que du concert normal – comme s'il y avait quoi que ce soit de normal chez eux ! T.A. Lille, 02.11, L'Aéronef, 20 h, 26 > 19 €, www.aeronef.fr Louvain, 08.11, Het Depot, 20 h, 29 > 23 €, www.hetdepot.be



L'ascension

© Frank Le Bon

musique

Mount Kimbie

# 48

Fruits de l'air du temps, sans doute, les deux albums de Mount Kimbie résistent courageusement à ses outrages. Le petit dernier semble en prendre le même chemin. Reste la dernière étape, pas la plus facile : la scène… Repéré en 2010 par quelques têtes chercheuses, acclamé voici trois ans pour un second LP aussi singulier qu'inusable, Mount Kimbie devait prouver qu'il valait mieux que la vaguelette post-dubstep (quelle triste étiquette…). C'est chose faite avec ce troisième LP, Love What Survives, démontrant le savoirfaire des deux Britanniques. Optant pour une approche plus live, Dominic Maker et Kai Campos s'autorisent des détours sympathiques vers le krautrock tout en restant fidèles à leurs vieux complices (à savoir l'éternel enroué King Krule et la pleureuse James Blake) sans oublier Micachu ou encore Andrea Balency. Le résultat ? Un disque pop, au premier sens du terme, c'est-à-dire taillé pour conquérir les foules tout en conservant ce je-ne-saisquoi d'intimisme faisant toute la différence. Mount Kimbie s'en sortira-t-il sur scène ? On était un peu resté sur notre faim lors de la tournée précédente. Un pied dans la pop, l'autre dans l'electro, le tandem proposait tout l'attirail pour enflammer un dancefloor mais… coupait chaque titre au bout de trois, quatre minutes. La douche écossaise, quoi. Il lui faut donc désormais choisir entre le track et la pop song. Comment ? En étirant les morceaux, les revisitant, les mélangeant à d'autres. Facile Bruxelles, 04.11, Ancienne Belgique, 20 h, 22 / 21 €, www.abconcerts.be à dire, c'est vrai. Mais ces deux-là en Tourcoing, 28.11, Le Grand Mix, 20 h, sont capables. Thibaut Allemand 21 > 5 €, www.legrandmix.com



# 50

Roulez jeunesse

Eraserhead © DR

musique

Tour de Chauffe

Nul besoin de passer par un télé-crochet avilissant pour percer dans la musique. Tenez : Tour de Chauffe. Voilà 12 ans que ce dispositif favorise la professionnalisation de groupes amateurs, quel que soit le style – electro, rap, rock… Durant toute l'année, ce réseau accompagne des artistes nordistes ou belges via un bilan scénique ou la mise à disposition d'un studio. Tony Melvil ou Lena Deluxe ont ainsi fourbi leurs armes ici. En novembre, place au festival ! Les dix lauréats assurent la première partie d'une "pointure". Ce sont par exemple les Courtraisiens de Eraserhead qui chauffent (brûlent ?) la place pour Warhaus avec leur garage-punk incendiaire. Pendant ce temps-là, Pastel Coast offre une douce introduction, tout en shoegaze, à Frànçois & the Atlas Mountains. Notons que Eurorégion : Comines (Le Nautilys), Faches cette édition soigne son image en Thumesnil (Les Arcades), Antoing (Foyer socioculturel), Armentières (Le Vivat), Mons-en-Barœul conviant un grand nom de la pho(Salle Allende !), Villeneuve d'Ascq (La Ferme d'en Haut), Lille (Le Flow), 09.11 > 01.12, divers tographie musicale : Richard Bellia horaires, 16 > 3 € / gratuit (un billet acheté : les (cf LM n°124). De James Brown à concerts suivants au tarif réduit), tourdechauffe.fr Nirvana en passant par Iggy Pop Sélection : Frànçois & the Atlas Mountains + Pastel Coast (09.11) // Mountain Bike + Wuman + ou Bowie, le Lorrain immortalise les Frank de la Treille (10.11) // Warhaus + Eraserhead dieux de la scène depuis 36 ans. Il (12.11) // Illa J + Ivan Ave + James IzCray Live Band ; Sallie Ford + Harry Wilis Jane (23.11) // met cette fois son fidèle Hasselblad Die! Die! Die! + VI!VI!VI! ; N3rdistan + Pom Pom Galli (25.11)… au service de ces jeunes talents, Raid, exposition de Richard Bellia : Villeneuve avant de présenter ses clichés lors d'Ascq, 23.11, La Ferme d'en Haut, 19 h 30, gratuit // Faches Thumesnil, 25.11, de deux expositions – sans les souLes Arcades, 19 h, gratuit mettre au vote du public. J.D.



© DR # 52

Robert Lepage © Sophie Grenier

The Ho r Soleil noir


C’est sans doute cool de jouer pour un public de connaisseurs sachant placer "garage" et "shoegaze" sur la frise du rock. Mais après plus de dix ans d’existence, The Horrors aimerait bien sortir de sa niche. La cinquième réinvention du quintette Britannique sera-t-elle la bonne ? La bande du charismatique chanteur Faris Badwan, dont l’excellent cinquième album vient de paraître (cf LM n°133) est connue pour sa propension à dérouter. Entre le punk garage à forte teneur en khôl de Strange House, en 2007, et la pop étirée en de vibrantes ascensions électroniques de ce V cuvée 2017, The Horrors semble à chaque étape prendre de l'éclat. Le shoegazing de Primary Colours (2009) s’est peu à peu teinté de bleu ciel (Skying, 2011) pour s’avancer franchement sous la lumière (Luminous en 2014). Cette trajectoire confirmée par ce dernier disque annoncerait-elle de basses ambitions commerciales ? Illumination Indéniablement, les compositions des horreurs sont plus faciles d’accès aujourd'hui. Pour atteindre le bout du tunnel, ils ont recruté un éclaireur de choix : la production de V est l’œuvre de Paul Epworth, chez qui trônent certainement des disques de platine de U2 ou d’Adele. Récemment, les titres de The Horrors ont résonné dans les enceintes des stades accueillant Depeche Mode, pour lesquels ils ouvraient en toute simplicité… bien loin des clubs enfumés et de l’esprit indie cher aux premiers fans. Louons néanmoins la démarche consistant à évoluer Louvain, 10.11, Het Depot, 20 h, 23 > 18 €, sans renier sa cause : une musique habiwww.hetdepot.be tée et vénéneuse, dont la noirceur est Lille, 11.11, Le Splendid, 20 h, 28,50 €, www.le-splendid.com toujours sous-jacente. Mathieu Dauchy

musique

rrors


Jazz et alanguie. Telle se présentait Ala.ni le long de quatre Eps saisonniers parus en 2015. L'ex-choriste de Mary J. Blige ou Blur prenait son envol (et nous avec), le long de chansons nocturnes, évoquant quelque piano-bar fantasmé. On songeait, forcément, à Judy Garland ou Julee Cruise. Son premier LP (You & I, 2016) confirmait tout le bien que l'on pensait d'elle – et plus encore, au vu des remixes signés Adrian Sherwood (On-U Sound). Sur les planches, la Londonienne, entourée d'un piano, d'une contrebasse, d'un violoncelle, d'une harpe et d'une rythmique discrète, offre à chaque concert une excellente définition de la classe délicate. T.A. Béthune, 08.11, Théâtre municipal, 20 h 30, 22 / 18 €, www.theatre-bethune.fr

© Shawn Brackbill

The war on drugs Dix ans, cinq albums, une notoriété grandissante et un paradoxe. Longtemps, Kurt Vile fut présenté comme "le guitariste de The War On Drugs" (en dépit d'un passage-éclair). Désormais, la formation est présentée comme "l'ancien groupe de Kurt Vile" Et musicalement ? Oh, toujours la même recette : une americana électrique respectueuse de grands anciens nommés Springsteen, Dylan ou Neil Young. Le tout sans copier, avec une vraie personnalité. T.A. Bruxelles, 04.11, Forest National, Complet ! Lille, 07.11, L'Aéronef, Complet ! Anvers, 29.11, Lotto Arena, Complet !

© JB Mondino

musique

Ala.ni



© DR

© Shawn Brackbill

musique

John Maus

Madness

Difficile de succéder à un disque tel que We Must Become The Pitiless Censors Of Ourselves (2011). Six ans plus tard, le come-back est réussi et les concerts, toujours aussi rares. John Maus signe des pop songs en piochant aussi bien dans la synth pop 80's que dans le chant grégorien. Le tout mâtiné de l'étrangeté contemporaine (écoutez donc les paroles de Matter of Fact). Guère étonnant qu'il soit si proche d'Ariel Pink… T.A.

Souvent résumé au revival ska, Madness vaut bien mieux que ça. Si la bande à Suggs a bien débuté dans la vague two-tone (en compagnie des Specials, Selecter, The Beat…), elle a rapidement viré sa cuti et rejoint une tradition qui devait beaucoup aux Kinks. Soit un truc farouchement anglais et imprégné de pop, de music-hall, de paroles sarcastiques et de mélodies inaltérables. Au point que ses récents LPs sont parmi ses meilleurs… T.A.

Bruxelles, 10.11, Les Ateliers Claus, Complet !

Anvers, 10.11, De Roma, 20 h, Complet !

© Coley Brown

# 56

Mac DeMarco La personnalité de Mac DeMarco a joué un grand rôle dans son ascension de la pyramide indé. Sur scène ou les réseaux sociaux, le Canadien cultive sa roublardise façon Tom Sawyer avec une autodérision touchante. Qu’il mette aux enchères ses baskets puantes ou lance une invitation générale à boire un café chez lui, son audience rigole donc bien, mais reste l’heureuse récipiendaire d’un folk enlevé et inspiré. Mac DeMarco, c’est le symbole de la liberté ! M.D. Lille, 11.11, L'Aéronef, 20 h, 26 > 19 €, aeronef.fr Bruxelles, 28.11, Ancienne Belgique, Complet !



écriture Nom de nom !

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Comment pondre une bonne chanson ? Rien de plus fastoche pour Gorillaz. Re-Hash, le morceau qui ouvre leur premier album (2001), aurait été écrit en balançant des magnets sur la porte d'un frigo… On attend leur premier bouquin avec impatience.

les frères taloche Jamie et Damon cultivent une amitié toute particulière. Quand il se sont rencontrés, le premier considérait le second comme « un trou du cul ». Autre signe d'affection : en 2001, lors des MTV Video Music Awards, à New-York. Pintés à la vodka, ils se font virer de la salle. Nos deux lads se finiront à coups de poing sur les trottoirs de Manhattan.

© Linda Brown

© DR

© Jamie Hewlett

Jamie et Damon sont tous les deux nés en 1968, soit l'année du singe, à en croire l'astrologie chinoise. D'où leur blaze : Gorillaz. Leur destin aurait-il été le même s'ils avaient vu le jour pendant le cycle de la chèvre ? Du cochon ?

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Peaux de banane Derrière une dégaine de voyou, Gorillaz n'en reste pas moins engagé. Demon Days a ainsi été composé en réaction aux attentats de 2001, Plastic Beach se veut écologique et le dernier, Humanz, écrit avant la présidentielle américaine, s'écoute comme un pamphlet contre l'argent roi, imaginant Donald Trump à la tête de la Maison Blanche… « J'ai voulu faire un disque d'anticipation politique, mais la réalité nous a rattrapés », avoue Damon Albarn après coup. « Mais la bonne nouvelle pour vous, c'est que je n'ai pas imaginé que Marine Le Pen serait votre présidente ». Merci.

La planète des singes Un groupe composé de membres virtuels, Damon Albarn et Jamie Hewlett à la baguette depuis 1998, des invités prestigieux… Bon, on a tout dit ou presque sur Gorillaz. Sûr ? à la veille de leur concert à Bruxelles, et à l'occasion de la sortie de leur cinquième album, Humanz, voici deux ou trois petites choses que vous ignoriez peut-être. Bruxelles, 22.11, Forest National, 20 h 30, Complet !

L'armée des 12 singes Parmi les featurings de luxe, on en a choisi 12 (histoire de trouver un bon titre de rubrique) : Neneh Cherry, De La Soul, Ike Turner, Dennis Hopper (Demon Days, 2005), Snoop Dogg, Mark E. Smith, Lou Reed (Plastic Beach, 2010), Little Dragon, Bobby Womack (The Fall, 2011), Grace Jones, Benjamin Clementine et… Jean-Michel Jarre (Humanz, 2017), l'une des idoles de Damon Albarn, « Ben oui, j'ai 49 ans. J'ai eu mon premier synthé en 1983. Oxygen fait partie de mes classiques ». OK Damon…


D'un côté Trisomie 21, instigateur d'une coldwave à la française dans les années 1980. De l'autre, Front 242, héraut… d'une coldwave à la belge, dans les années 1980 ! Après un long silence, ces deux groupes mythiques refont parler d'eux. Revue des troupes.

Des chiffres et des lettres

Parfois, le succès, ça tient à pas grand-chose. En se baptisant Trisomie 21, les frères Lomprez n'ont pas choisi la facilité. ■ Idem pour Front 242 (prononcer "front deux quatre deux"). Et encore, au début ils s'appelaient "Prothese"…

Pris au berceau Hervé et Philippe Lomprez ont grandi à Denain. Frappée par la crise économique, la ville a des allures post-apocalyptiques. La condition sine qua none pour créer un son glacial et synthétique ? Pas forcément. ■ Les fondateurs de Front 242, Daniel Bressanutti et Dirk Bergen, viennent d'Aarschot, une jolie bourgade du Brabant Flamand entre forêt et rivière. Allez comprendre… Pas prophètes en leur pays Incompris au plat-pays, Front 242 fut le premier groupe belge à percer aux USA, notamment grâce à Headhunter (clippé par Anton Corbijn). ■ Confidentiel en Europe, Trisomie 21 est accueilli en rock star en Amérique du Sud – au Brésil, Breaking Down est un hit !

# 60

Danse macabre ?

Derrière leur dégaine paramilitaire, les membres de Front 242 sont plutôt de gauche. Pionniers de l'EBM (Electronic Body Music), ils en ont enjaillé plus d'un avec Funkahdafi ou No Shuffle. ■ Dans cette même vague pré-techno, Trisomie 21 nous Trisomie 21 Lille, 24.11, L'Aéronef, 20 h, 22 > 14 €, gratifie d'une dernière danse avant la fin du aeronef.fr (+ 19.08.2018 : W Festival) monde avec The Last Song. Des chics types, Front 242 on vous dit ! Julien Damien Bruxelles, 01 & 02.12, Ancienne Belgique, Complet !

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Front 242 Trisomie 21 Au nom du synthé-esprit



Run The Jewels

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Le rap est pop. C'est un fait. Mais que de liftings, de nettoyages et de ravalements de façade pour en arriver là, non ? Alors, forcément, lorsque débarque Run The Jewels, on soupire de soulagement. Fruit de la rencontre entre deux types pas commodes (El-P et Killer Mike), ce groupe n'est, justement, pas commode. Oppressante, sombre, asphyxiante, cette musique est exactement ce que l'on attend d'un disque de rap sombre – la plus belle claque depuis Techno Animal. T.A.

et aussi… Mer 01.11 Godspeed You! Black Emperor Bruxelles, Forest National, 20h, 30e

Ven 03.11 Amadou & Mariam Lille, Le Splendid, 20h, 33e Kevin Morby Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e

Sam 04.11

# 62

Avishai Cohen Lille, Nouveau Siècle, 18h30, 50>5e

Bruxelles, 05 & 06.11, Ancienne Belgique, 20 h, 41 / 40 €, (lun : Complet !), www.abconcerts.be

Jim Jones Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10>7e

Benjamin Clementine Lille, Théâtre Sebastopol, 20h, 39,50>34e

Texas Roubaix, Le Colisée, 20h, 66>44e

Frànçois & The Atlas Mountains + Pastel Coast Comines, Le Nautilys, 20h, 8/5e

Lun 06.11 Princess Nokia + Kari Faux Bruxelles, Botanique, 19h30, 24>18e Asaf Avidan & His Band Lille, L'Aéronef, 20h, 39,50e

Mar 07.11 Matt Elliott + 10 000 Russos Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2e

Mer 08.11 Moon Duo Charleroi, Eden, 20h, 15>9e The Doobie Brothers Bruxelles, Forest National, 20h, 70>60e

!!! + Unik Ubik Bruxelles, Botanique, 19h30, 20>14e

Petit Fantôme + Fai Baba Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e

José James Lille, L'Aéronef, 20h, 18>5e

Spoek Mathambo Lille, L'Aéronef, 22h, 12>5e

Médine + LaBotanique Oignies, Le Métaphone, 20h30, 17>11 e

Jeu 09.11

Arno Anzin, Théâtre municipal , 20h30, 20e

Perfume Genius Anvers, Trix, 19h, 23,50e Black Lips Anvers, Trix, 19h30, 20/18,50e

Kim Wilde Ostende, Kursaal, 20h, 55>35e The National Bruxelles, Forest National, 20h, 40e Unno & Friends Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 6/5e

Ven 10.11 Frank de la Treille + Wuman + Mountain Bike Antoing, Foyer socioculturel, 20h, 12>6e Julie Byrne + Julien Marchal Louvain, 30 CC, 20h, 20/17e Mathieu Boogaerts + Albin de la Simone Béthune, Théâtr, 20h30, 22/18e

Sam 11.11 Absynthe Minded + Peenoise Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 21>5e Fink Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 21>5e


Future Islands Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26/25e Jamiroquai Anvers, Antwerp Sportpaleis, 20h30, 67>63e BRNS + Peter Kernel… Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e

Dim 12.11 Warhaus + Eraserhead Comines, Le Nautilys, 18h, 8/5e

Lun 13.11 PNL Lille, Le Zénith, 20h, 39,60>35,20e Rag'n'Bone Man Bruxelles, Forest National, 20h, 35e

Mar 14.11

Mer 15.11 Les 40 ans du Punk… Oignies, Les Douches du 9-9bis, 18h30, Gratuit Bonobo Bruxelles, Forest National, 20h, 35e Michel Jonasz Quartet Arras, Casino, 20h30, 59>49e

Little Dragon Gand, Vooruit, 19h30, 23,75e Her Douai, L'Hippodrome, 20h, 10/8e Martha High Marcq-en-Barœul, Théâtre Charcot, 20h30, 20>16e Møme + Etienne de Crécy Lille, L'Aéronef, 21h, 26>19e

Jeu 16.11

Sam 18.11

Queens of the Stone Age Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 54>40e

VITALIC + Møme + FAKEAR + THE BLAZE + MR OIZO… Bruxelles, Palais 12, 15h, 53>37,50e

Black Lips Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 18>5e Her + Petit Fantôme… Beauvais, L'Ouvre-Boîte, 20h, 10/5e Julien Doré Lille, Le Zénith, 20h, 60>29e

ÁSGEIR + GORDI Anvers, Trix, 19h30, 22/20,50e Future Islands… Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e Les Shérifs + The Decline Oignies, Le Métaphone, 20h30, 10/5e

Petit Biscuit Lille, Le Zénith, 19h30, 45>32e

Piniol + Ed Wood Jr. Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 9/6e

Aldous Harding Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 15>5e

Ven 17.11

Dim 19.11

Curtis Harding Bruxelles, Botanique, 19h30, 19>13e

Adamo Béthune, Théâtre, 16h, 44/40e

Christophe Bruxelles, AB, 20h, 50/49e

The Noface Béthune, Le Poche, 20h30, 9>6e

Reverend and the Makers En dépit d'un patronyme qui en a désorienté plus d'un à leurs débuts (oui, on s'attendait bêtement à une sorte de gospel blues américain), ces Anglais sont, justement, très… Anglais. Ils proposent, depuis plus de 10 ans, un rock calibré pour les lads qui se teinte parfois d'électronique (Shine The Light, The Machine…) et quelques hymnes pour des stades qu'ils ne rempliront jamais. Et mine de rien, tout cela, cet échec relatif et cette persévérance rendent l'ensemble sacrément touchant ! T.A. © Roger Sargent

Louvain, 06.11, Het Depot, 20 h, 10>5 €, hetdepot.be


Algiers Bruxelles, Botanique, 19h30, 15>9e Thundercat Anvers, De Roma, 20h, 26/24e

Lun 20.11 Archive + Robin Foster Lille, L'Aéronef, 20h, 33e Fink Bruxelles, AB, 20h, 27/26e

Mar 21.11 Black Rebel Motorcycle Club Anvers, De Roma, 20h, 27/25e

Mer 22.11 Imany Roubaix, Le Colisée, 20h30, 39>10e Roberto Fonseca Amiens, Maison de la Culture, 20h30, 33>15e

Jeu 23.11 Illa J + Ivan Ave + Supagroovalisitc… Lille, Le Flow , 20h, 9>3e

Ven 24.11 Dick Annegarn Hazebrouck, Centre André Malraux, 20h, 15>5e Fujiya & Miyagi Courtrai, De Kreun, 20h, 18>12e ROVER Louvroil, Espace Culturel Casadesus, 20h, 14>10e Calypso Valois + Navarre Béthune, Le Poche, 20h30, 10>6e

Sam 25.11 Vincent Delerm Calais, Le Channel, 19h30, 7e Peter Von Poehl + Aliocha… Béthune, Le Poche, 20h30, 10>6e Superbus Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 34>28e

Albin de la Simone La Louvière, Le Théâtre, 20h, 20/18e

Lun 27.11 Alex Cameron Bruxelles, Botanique, 19h30, 19>13e Zola Jesus Bruxelles, Beursschouwburg, 20h30, 14/11e

Mar 28.11 IAM Lille, Le Zénith, 20h, 56,50>45,50e Trust Lille, L'Aéronef, 20h, 32e

Mer 29.11 IAM Bruxelles, Palais 12, 20h, 54/44e

Les Wampas + Luna Lost Guise, Théâtre du Familistère, 20h30, 10/5€

Jeu 30.11

Dim 26.11

Mathieu Boogaerts Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9/5e

R.Wan Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2e

Depeche Mode Anvers, Sportpaleis, 18h30, 77>57e

Fishbach Douai, L'Hippodrome, 20h, 22/12e

DBFC Bruxelles, Botanique, 19h30, 19>13e

Okay Monday Bruxelles, Botanique, 20h, 12>6e

Ven 01.12 Vitalic + Maestro Lille, L'Aéronef, 20h, 28>22e

© David # 64 Bakhoum

Les Ogres de Barback Pour eux, la musique est une histoire de famille. La fratrie Burguière parcourt les routes depuis 23 ans avec ses textes engagés ou poétiques – à la façon de Pierre Perret par exemple, à qui elle rend hommage avec un album de reprises. Jouant de ses multiples instruments (35 !), le quatuor revisite la chanson française en l’orchestrant à la sauce rock-punk ou tzigane… Mais c’est bien sur scène que l’énergie foutraque des Ogres nous dévore tout cru ! A.L. Ath, 17 (complet !) & 18.11, Le Palace, 20 h, 25 > 15 €, mcath.be



disques KING KRULE

The OOZ (XL Recordings/Beggars) On savait ce versatile Anglais doué, voire surdoué. Mais avec The OOZ, Archy Marshall alias King Krule passe un sacré cap, s'imposant comme le Tom Waits de la génération Z. Tout ce qu’il a fomenté sous ses différents alias (Zoo Kid, Edgar the Beatmaker…) trouve sur ce disque une résolution. Des syncopes froides de Dum Surfer aux volutes atmosphériques de Czech One, il concasse ici rock, blues, jazz, folk, pop et hip-hop sans aucun répit. À la fois métalliques et enfumées, ses réverbérations renvoient autant au Ween génialement avachi de The Pod qu'au phénoménal Black Metal de Dean Blunt. Jamais depuis cet incroyable album, d’ailleurs, on n’avait trituré avec autant d’intensité le blues urbain pour en tirer un matériau aussi neuf et terrassant. à la fois agressifs et caressants, expérimentaux et accessibles, ses morceaux décrivent une odyssée nocturne éclairée par La Lune – titre de la dernière piste qui nous laisse épuisés au bout du chemin. L’année avait été avare en disques capables de marquer leur temps au fer rouge. Ne cherchez plus : The OOZ a la grandiose insolence d'un nonchalant chef-d’œuvre. Rémi Boiteux

Compilation

Studio One Supreme : Maximum 70s and 80s Early Dancehall Sounds (Soul Jazz Records) Trop souvent réduite à son versant slackness (Yellowman, Bounty Killer, etc...), l'histoire du dancehall est bien plus riche. Trois ans après un florilège conséquent (The Foundation Sound, 2014), Soul Jazz ressert quelques merveilles labellisées Studio One. Parmi elles, des connaissances évidemment – Johnny Osbourne, Jackie Mittoo, Alton Ellis, Sugar Minott, Horace Andy – et quelques morceaux moins connus du grand public, tel l'inusable Chanting, de Jim Nastic (cette basse insensée !). Notons aussi le rub-a-dub poisseux de Lone Ranger ou la ballade conclusive Rastaman Camp de Freddie McGregor, aux accents de Marley tardif. Bref, ces 18 joyaux rebattent les cartes et poussent à explorer ce vaste domaine qu'est le dancehall. Thibaut Allemand


SJR CD392 Space, Energy & Time insert_Layout 1 11/05/2017 12:10 Page 1

OKAY MONDAY

SPACE, ENERGY & LIGHT EXPERIMENTAL ELECTRONIC AND ACOUSTIC SOUNDSCAPES 1961-88

I Love You Keep Driving (62 TV Records) SOUL JAZZ RECORDS

Les anciens les ont connus sous le nom de Marvin Hood. Une bande de Lillois plutôt doués mais semblant condamnés au statut de groupe-culte (au mieux) ou de gloires locales (au pire). Et puis, un coup d'accélérateur a changé la donne. Ce fut d'abord un bel EP (très) mal distribué, puis un joli défi : trois ou quatre morceaux mensuels durant un an. Le pari fut merveilleusement relevé et, dans la foulée, les Bruxellois de 62 TV records (Papas Fritas, Italian Boyfriend…) publient ce premier LP très, très attendu, qui se place dans un axe résolument powerpop (des Sneetches à Weezer en passant par The Nerves). Guitares énervées, claviers sous amphés et voix sous hélium – telle pourrait être la description (grossière) de ces chansons finaudes. Thibaut Allemand

Space, Energy & Light (Soul Jazz Records)

Ah, les fameux pionniers de la musique électronique. Outre Raymond Scott, J-J Perrey ou White Noise (sans oublier le BBC Workshop, évidemment), ce sont des milliers d'adeptes qui, dès les années 1950, ont avancé à tâtons vers la musique du futur. Ce florilège signé Soul Jazz réunit une poignée de morceaux édités entre 1961 et 1988. Est-ce cosmique ? Certainement. Planant ? Souvent. Sidérant ? Évidemment ! On y entend un peu de krautrock tardif (les Allemands de Strati), on découvre en Carl Matthews un cousinage avec John Carpenter. Et, si l'auteur de ces lignes ne connaissait que Richard Pinhas, il a pu se familiariser avec l'œuvre de Tod Dockstader ou de Steven Halpern. Le genre de compilation qui dévoile un continent. Thibaut Allemand

➤ Okay Monday : 3 0.11, Bruxelles, Botanique

DAVID WEST WITH TEARDROPS

Cherry on Willow (Tough Love/Differ-Ant) Parmi les songwriters enchantant la pop d'aujourd'hui, des plus sages comme Jack Cooper (foncez sur son Sandgrown) aux plus fous comme Ariel Pink, ce David West occupe une position médiane. Venu d’Australie et passé par moult formations indie, le New-Yorkais livre sur ce premier LP un chapelet de chansons expansives. Ce disque protéiforme est capable d’évoquer M. Ward (le morceau-titre) et plus ponctuellement Primal Scream. Il enchaîne sans vergogne des blues lascifs avec des capsules dansantes irrésistibles comme Soft – l’exemple même du titre qui ne vous lâche plus. La limite ? à force de rouler des pelles à tous les genres, Cherry on Willow flirte avec l'inconstance. Au vu du plaisir procuré on ne va pas s’en plaindre. Rémi Boiteux


livres

Interview

Sophian Fanen Le stream était presque parfait

C’est un livre passionnant, le récit documenté d’une révolution lente et silencieuse. Dans Boulevard du stream, Sophian Fanen retrace l’histoire de la dématérialisation (ou "libération") de la musique. De l’invention du mp3 à l’effondrement du CD, du peer-to-peer à la lente maturation d’une offre légale d’écoute en ligne, en passant par Hadopi, la panique des maisons de disques… le journaliste et cofondateur du site Les Jours raconte les deux décennies (1997-2017) qui ont transformé le 4e art. Qu’est-ce qui a changé dans notre façon de l’écouter ? De l’acheter ? D’en produire ? Voici quelques pistes. Propos recueillis par Julien Damien Photo Jean-Michel Thirion


Infos sur Until It Sleeps (Metallica).mp3

Comment ce livre est-il né ? Le streaming a changé notre façon d’écouter ou de produire de la musique. Nous avons changé d'ère. C’était le moment de solder ces 20 années de mutation. De plus, on célèbre en 2017 les 10 ans de Deezer et les 20 ans de la mise en circulation du premier mp3. En quoi consiste le format mp3 ? C’est l’une des grandes inventions technologiques du xxe siècle ! Un format qui débarrasse les fichiers musicaux des sons inaudibles pour l’oreille humaine, de façon à les alléger, et faciliter leur circulation.

« On est passé de la possession à l’accès. C’est ça la grande révolution » Certains artistes ont-ils vu leur carrière "mourir" à cause de cette dématérialisation ? Oui, ça a été dur. Disons que cela a servi à beaucoup de labels d’excuse pour rompre de coûteux contrats… Il n’était plus possible de signer des accords reposant sur la vente de CD… C’est comme dans toutes les ruptures : le vieux monde souffre et, en même temps, un nouveau monde naît. C’est un classique. Kodak meurt et l’iPhone apparaît avec son appareil photo intégré. Finalement, on n’a jamais pris autant de clichés et écouté autant de musique.

Until It Sleeps de Metallica est la toute première chanson à avoir été convertie en mp3.

Qu’est-ce que le streaming a changé dans l'écoute ? Au tout début, les plateformes de streaming mettaient en avant les nouveaux albums. Mais elles se sont vite aperçues que les auditeurs ne les écoutaient pas en entier. Ils constituaient plutôt des playlists : pour le sport, voyager, manger avec des potes... Certes, ces pratiques existaient déjà à l’époque des cassettes audio : on a tous fait des compilations pour la voiture ou suite Début 2017, Spotify dépassait la barre des 50 millions d'abonnés payants, devant Apple Music (20 millions) et Deezer (6,5 millions).


Avec le 1er iPod (lancé en 2001), Apple gagne le pari de « mettre 1000 morceaux dans notre poche ».

draguer ! Mais l’industrie musicale a fondé son modèle économique sur l’album, c’était le mètre étalon. On est en train de le déconstruire. C'est, pour moi, la rupture principale.

# 70

« La musique disponible sur Spotify ou Deezer, c'est celle des labels » En quoi la musique serait-elle libérée ? On est passé de la possession à l’accès. C’est ça la grande révolution, aussi valable pour le cinéma, la presse, le livre... Dans les années 1990, il n'était pas évident de trouver des disques rares. Je notais un nom sur un bout de papier, et mettais parfois un an avant de mettre la main dessus ! Quand Napster est apparu, il ne me fallait plus que 10 secondes. Cela fut une libération.

Mais entre les mains de Spotify ou de Deezer la musique est-elle vraiment libre ? Il est vrai qu'après vingt années de liberté, l'offre retombe sous le contrôle des entreprises privées où les droits d’auteurs sont extrêmement verrouillés. Ces plateformes s’enferment dans la mise en avant des titres les plus écoutés. On revit un basculement comparable à celui des radios libres vers celles de type NRJ. Un monde musical est en train de disparaître, il n’existe plus sur les blogs ni sur les sites de peer-to-peer... Le catalogue disponible sur Spotify ou Deezer, c'est celui des labels. Cette révolution ne se fait-elle pas au détriment des musiciens ? ça dépend, pour gagner de l'argent avec le streaming il faut produire des titres très écoutés et céder au minimum ses droits aux labels, distri-


buteurs... On assiste à l'émergence d'une nouvelle génération gagnant bien sa vie grâce au streaming. Ce sont majoritairement des artistes des musiques urbaine et électronique. Pourquoi ? Enregistrer un disque de rap ou d'electro requiert peu de matériel... Alors que pour le rock, la variété ou la musique classique, il faut un studio, de gros moyens... Un musicien sous contrat avec une maison de disques récupère au mieux 10 à 15% de ses revenus numériques... Ce modèle de répartition d’argent sera-t-il adapté à tous les artistes ? Voilà une question qu'on va se poser dans les cinq années à venir. Selon l'Adami, les artistes touchent entre 0,002 € et 0,004 € pour une écoute en streaming payée et 0,0001 € pour une écoute gratuite financée par la publicité (étude de 2015).

Est-ce plus facile pour un musicien de se lancer aujourd’hui ? Tout dépend de l'ambition. De nos jours, il est plus facile d'obtenir un écho international. On peut créer dans sa chambre et être connu dans le monde entier. C’est l’histoire de Petit Biscuit. Dans les années 1990, il aurait eu un succès régional et, peut-être qu’au bout d'un ou deux albums, il aurait été repéré par un gros label. Au bout de cinq ans, il aurait acquis la notoriété qu'on lui connaît. Ces années ont été compressées en 6 mois. à lire / Boulevard du stream - Du mp3 à Deezer, la musique libérée, de Sophian Fanen (Le Castor Astral), 260 p., 20 €, sortie le 02.11, castorastral.com à lire / l'interview intégrale sur lm-magazine.com

Petit Biscuit © DR


livres Joyce Carol Oates Paysage perdu (Philippe Rey) « La prose autobiographique ne m’a jamais attirée parce que je n’ai jamais eu le sentiment que ma vie était moitié aussi intéressante que ce que mon imagination pouvait faire de celle d’autrui ». Voilà ce qu’on peut lire au beau milieu de Paysage perdu, de l’Américaine Joyce Carol Oates. Son dernier livre qui est pourtant... un récit de souvenirs. à près de 80 ans, la prolifique écrivaine, plus connue en effet pour ses œuvres de fiction, remonte le fil de sa mémoire. Elle raconte ses parents, issus d’un milieu modeste, sa grand-mère qui lui transmet le goût de la lecture, les petits boulots au lycée, les insomnies... De l’Amérique rurale des années 1940 aux hautes sphères universitaires, Oates dresse un portrait vif et aiguisé des mondes qu’elle a traversés, guidée par l’obsession des livres et de l’écriture. L’ouvrage est poignant lorsqu’elle convoque ses fantômes : une maison disparue, une petite sœur malade, un mari décédé. Avec humilité, elle souligne alors les limites du langage : « les mots sont comme des oiseaux sauvages – ils viennent quand ils veulent, non quand on les appelle ». Un paradoxe de plus pour celle qui a consacré sa vie entière à sa plume. 432 p., 24 €. Madeleine Bourgois

Patrice Bride & Pierre Madiot Vous faites quoi dans la vie ? (Éd. de l’Atelier) Qu’on le veuille ou non, le travail occupe une place prépondérante dans nos vies. Mais derrière la routine, c’est aussi une aventure humaine qui se joue. Recueillir ces histoires et les transmettre, c’est l’objet de la coopérative "Dire Le Travail" à l’origine de cette compilation de témoignages. Depuis les jobs alimentaires jusqu’à l’exercice d’un "sacerdoce", ce livre fourmille de récits captivants. On retient son souffle en revivant la nuit de cette infirmière qui assiste à la mort d’un patient et aide une femme à accoucher dans la foulée… On ressent toute la fierté de cette prof de philo enseignant en ZEP. On y découvre aussi le quotidien du pompiste ou de l’ouvrier agricole. A la dernière page, un lien s’est créé entre ces expériences. Un sacré boulot ! 160 p., 16 €. Hugo Guyon


James Noël

Joël Baqué La Fonte des glaces (POL)

Belle merveille (Zulma) On le connaissait poète, le voilà romancier. Dans une langue inventive, James Noël emmène son lecteur à Haïti, ce fameux 12 janvier 2010, jour où la terre a tremblé. Il n’y a pas qu’elle qui fut ébranlée : tout un monde est détruit. Pour Paloma, « il n’y a pas de survivants après ce qui s’est passé. Nous sommes tous morts ». Au milieu de la catastrophe, pourtant, certains restent debout. Notamment Bernard, un rescapé mais aussi Amore, Napolitaine venue aider la population au sein d’une ONG. L’une des « belles merveilles » au milieu du désastre est le lien naissant entre eux. Le texte est syncopé, les personnages forts, le style sert magnifiquement cette histoire posant la question, ô combien universelle, de la reconstruction. 160 p., 16,50 €. Simon Karyef

Louis a eu une belle existence. Il a vécu une enfance sans relief, une adolescence de rappeur (Fuck Dog Louis), avant de filer le parfait amour avec son épouse Lise. Au décès de cette dernière, une immense peine le gagne. Alors que la tristesse s’estompe, il rencontre l’être qui fait à nouveau battre son cœur : un manchot empereur. À cet instant, tout part en vrille. Pour rompre la solitude, Louis accumule des oiseaux de mer empaillés dans un grenier de Toulon où règne un froid glacial. Mieux, il part en Antarctique, évoluant entre fonte des glaces, mouches albinos et chasseurs d’iceberg. L’histoire est rocambolesque, le style brillant : chaque page est un éblouissement. 288 p., 17 €. Simon Karyef

JEAN DUFAUX & JACQUES TERPANT Le Chien de Dieu

(Futuropolis)

Futuropolis rouvre le dossier Céline. Outre les classiques (Le Voyage, Mort à crédit…) illustrés par Tardi, la maison avait récemment publié La Cavale du Dr Destouches, évoquant l’exil piteux du génie carapaté. Ici, le scénariste J. Dufaux (Murena, Complainte des Landes perdues…) imagine l’intimité du légendaire misanthrope. 1960, dans son pavillon, derrière son bureau ou en visite (il demeurait médecin), on suit Céline, ses souvenirs des années folles, ses cauchemars de la Grande Guerre, ses idées noires comme ses hideuses pensées. De l’empathie ? Bien sûr. D’autant que le trait évocateur de J. Terpant, un peu figé lorsqu’il ressuscite de grandes figures (Simenon, Drieu…) excelle pour recréer la banlieue pavillonnaire parisienne. Mélancolique à souhait. 72 p., 17 €. Thibaut Allemand


écrans


Interview

Albert Dupontel Sur les sentiers de la gloire

Propos recueillis par Julien Damien Photo Jérôme Prébois / Gaumont Distribution

C'est l'histoire d'une amitié extraordinaire entre deux rescapés de la guerre 1914-18. Soit un modeste comptable et un dessinateur de génie défiguré par un éclat d'obus. Incapables de retrouver leur place dans la société, ils vont monter une arnaque aux monuments aux morts... En s'attaquant à Au revoir là-haut de Pierre Lemaitre (prix Goncourt 2013), Albert Dupontel relève un sacré défi. Loin de son registre habituel, le réalisateur de Bernie ou de 9 mois ferme livre peut-être ici son plus grand film. Servie par un casting cinq étoiles, son adaptation s'avère aussi drôle qu'émouvante et sacrément bien filmée. Entretien.

Qu'est-ce qui vous a donné envie d'adapter ce roman ? Au-delà d’un fabuleux plaisir de lecteur, une grosse accointance intellectuelle avec les personnages. J’y ai retrouvé les archétypes sociaux dont j’ai l’habitude de parler dans mes films. J’étais capable de comprendre leurs émotions mais incapable d’écrire une telle histoire alors je me suis dit : « volons-la ! ». Et le pire, c’est que Pierre Lemaitre était d’accord.

« J’ai toujours vu ce roman comme un pamphlet déguisé de l’époque actuelle » Quel fut votre parti-pris ? Tout d'abord, j'ai placé Edouard Péricourt (le dessinateur) au centre du film, plus que dans le livre. C'est l’icône artistique dont je souhaitais parler : hautement conscient, hyper doué, humaniste… bref, un artiste idéal. Il me semble que j’ai préservé

suite


Marie Desplechin © Eric Le brun

la quintessence émotionnelle du roman. Ensuite, j’ai procédé à des modifications pour rendre l’histoire plus cinématographique. Par exemple, dans le livre, l’"arnaque" arrive dans le dernier tiers, or j'ai tenu à l'introduire très tôt. Sachez toutefois que toutes les modifications profondes ont été validées par Pierre Lemaitre.

# 76

Ce livre a rencontré un vif succès, public et critique. N'avez-vous pas eu peur de le "dénaturer" ? Adapter un best-seller est toujours dangereux. Mais l’envie, pour ne pas dire la gourmandise, était trop forte. L’écueil à éviter était, à mon avis, de rester trop fidèle au roman.

Au revoir là-haut paraît plus ambitieux que vos précédentes réalisations. Qu'est-ce qui vous a poussé à "sortir" de votre terrain de jeu habituel ? Le fait que ce soit différent justement, et la sale impression de me répéter d'un film à l'autre. Pierre m’a permis de quitter ma cage mentale, tout en gardant l’essentiel, des personnages décalés et révoltés. Le film critique le monde de l'argent, les puissants, qui envoient le petit peuple se faire tuer sans vergogne… Il comporte une dimension politique, n'est-ce pas ? Oui, cette guerre a été créée historiquement pour les raisons que vous


citez. Dans le livre de Pierre, la vengeance des "petites gens" est jubilatoire. Après la scène d’ouverture qui relate une bataille, on comprend ce à quoi ils ont survécu. Et à mon sens, ils sont tout excusés. On ne peut d'ailleurs s'empêcher d'y déceler un "écho" à notre actualité… Absolument, j’ai toujours vu ce roman comme un pamphlet déguisé de l’époque actuelle, et bien sûr, j’y ai trouvé mon compte.

« Les acteurs s’impliquent davantage quand le metteur en scène est aussi l’un des leurs » Malgré tout, il y a un bel équilibre entre le drame et la comédie. était-ce important pour vous ? La comédie est très présente dans le livre et, là aussi, au fil de l’adaptation, des scènes ont surgi de manière évidente. Le mélange entre la comédie et le tragique nécessite une incarnation d'une grande justesse. Heureusement, j’étais bien servi par la distribution (ndlr. Laurent Lafitte, Nahuel Perez Biscayart, Niels Arestrup, Emilie Dequenne, Mélanie Thierry…). Ce mariage est un bon reflet de ce que je ressens dans la vie de tous les jours. Ces montagnes russes émotionnelles donnent une épice particulière à ce genre de films.

Souhaitiez-vous d'emblée incarner Albert Maillard ? Pas du tout ! Un de mes acteurs favoris, pressenti depuis presque un an, devait endosser le rôle. Mais à quelques mois du tournage, en surmenage, il a annoncé qu'il ne participerait pas à l’aventure. Je me suis donc résolu, par nécessité plus que par désir, à interpréter ce personnage. Le surcroît de fatigue a été réel mais le fait de jouer et de réaliser crée souvent un effet "Pont d’Arcole". Les acteurs s’impliquent davantage quand le metteur en scène est aussi l’un des leurs. Quels sont vos projets ? Un film triste que je vais tout faire pour rendre drôle. Pierre Lemaitre a donné une suite à Au revoir là-haut (Couleur de l'incendie). Y pensez-vous aussi ? Je ne sais pas. Parce que je travaille sur un autre projet auquel je tiens beaucoup, sans compter ceux dont je rêve depuis longtemps, comme une biographie de Robert Capa ou une épopée napoléonienne.

Au revoir là-haut D'Albert Dupontel, avec Albert Dupontel, Nahuel Perez Biscayart, Laurent Lafitte, Niels Arestrup, Emilie Dequenne, Mélanie Thierry... En salle à lire / l'interview intégrale d'Albert Dupontel sur lm-magazine.com


The Lodger : A Story of the London Fog © British Film Institute

Arras Film Festival

Plein écran C'est LE rendez-vous automnal des cinéphiles de la région. L'Arras Film Festival s'articule autour d'une compétition européenne, et met en avant le cinéma des pays de l'Est. Exigeant ? Certes, mais tout aussi accessible. Comment s'y retrouver entre les rétrospectives, les avant-premières ou les rencontres ? Silence, moteur... action !


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n bon festival, c'est d'abord un scénario haletant, à l'image des "Whodunit". Issu de l'anglais "Who (has) done it ?" ("qui l’a fait ?"), le terme renvoie au genre policier popularisé par Agatha Christie, où il s'agit de découvrir l'identité d'un meurtrier. La manifestation arrageoise lui consacre une rétrospective ponctuée de chefs-d'œuvre (The Lodger d'Hitchcock, décliné en ciné-concert) et de raretés – La Grenouille attaque Scotland Yard de Harald Reinl qui inspira le giallo. Autre fil (très) rouge de cette 18e édition : la révolution russe. Plan large

Riche, diversifiée, l'affiche propose 70 inédits ou avant-premières « dont 90 % de films européens », rappelle Eric Miot, le délégué général. Citons Sparring avec Mathieu Kassovitz en boxeur-loser magnifique, ou Jusqu'à la garde de Xavier Legrand, mélodrame qui vire au film de genre... L’intrigue de l'Arras Film Festival est connue, mais toujours bien ficelée, attirant plus de 42 000 spectateurs en 2016. En parlant de "visiteurs", Christian Clavier vient présenter Momo. On attend aussi Sara Forestier (pour sa première réalisation, M) ou Lio et sa

M © Chifoumi Productions

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sœur Helena Noguerra qui ont carte blanche pour partager des coups de cœur. Une foule de "stars" qu'on croise au Village du Festival sous le regard de deux invités d'honneur : l'immense critique Jean Douchet et sa protégée, Noémie Lvovsky. « Elle est à l'image du festival : entre le cinéma d'auteur et populaire ». Un joli casting, assurément. Julien Damien Arras, 03 > 12.11, Grand'Place, Casino d'Arras, Cinémovida, Université d'Artois, pass : 65 €, 10 films : 45 €, 5 films : 27,50 €, 1 film : 7 > 5 €, www.arrasfilmfestival.com Sélection : Film d'ouverture : Jalouse (03.11) // Regards croisés entre Lio & Helena Noguerra (04.11) // Leçon de cinéma : Noémie Lvovsky par Jean Douchet (10.11)


Au nom du père

# 80

Un veuf se bat pour conserver la garde de son fils au sein d’une communauté juive orthodoxe de New York… Première fiction du documentariste américain Joshua Z. Weinstein, ce film tourné en yiddish avec des acteurs non-professionnels a reçu le prix du jury lors du dernier festival de Deauville. Un succès mérité. Menashe Lustig, qui tient le rôle-titre, n’est pas innocent dans la réussite de ce long-métrage. Car ce Brooklyn Yiddish, c’est son histoire. Natif de l’une des enclaves hassidiques de Brooklyn, où l’on vit entre soi, à l'écart du monde laïque, il a, comme le personnage qu’il incarne, affronté le décès prématuré de sa femme. Puis s’est vu interdire, en vertu des principes de son courant religieux, d’élever son enfant sans s’être remarié. Entre la fiction et la réalité, les similarités s’arrêtent lorsque le grand rabbin local lui accorde un sursis. Pendant une semaine, le caissier désargenté et son fils Rieven seront réunis. L'occasion de prouver qu'il peut être un bon père... Anti-héros débonnaire, méprisé par son patron autant que par son beau-frère intransigeant, Menashe Lustig illumine cette comédie douce-amère. Il est touchant lorsqu’il cherche l’affection de son garçon et cultive avec lui le souvenir de l’épouse et mère. Il devient cocasse lors des rendez-vous arrangés par la marieuse – dans lesquels il ne met aucune bonne volonté. Si la mise en scène passe au second plan, ce film, sans jamais porter de jugement, ouvre avec subtilité une fenêtre sur un monde inconnu, où les élans du cœur se heurtent parfois aux De Joshua Z. Weinstein, avec Menashe Lustig, Ruben Niborski, Yoel Weisshaus… En salle traditions. Marine Durand

© Yoni Brook

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Brooklyn Yiddish


Steven Murphy, brillant chirurgien, et la belle Anna élèvent paisiblement leurs deux enfants. Ce joli train-train déraille avec l'arrivée de Martin, dont le père est mort sur la table d'opération de Steven. L'ado l'exhorte alors à sacrifier l'un des siens afin de s'acquitter de cette "dette". Sinon ? Une malédiction les frappera... Yórgos Lánthimos fut révélé en 2015 avec The Lobster, fable satirique où les célibataires sont transformés en animaux. Le cinéaste grec démontre cette fois son sens de la tragédie, revisitant le mythe d'Iphigénie avec cette étrangeté dont il a le secret et une réalisation ambitieuse. L'usage de la steadicam renvoie ainsi au Shining de Kubrick. Il suggère une présence maléfique autour des personnages, instillant une tension permanente à ce conte cruel et beau. Julien Damien

© Atsushi Nishijima

De YÓrgos LÁnthimos, avec Colin Farrell, Nicole Kidman, Barry Keoghan... Sortie le 01.11

© Tyler Golden / Netflix

Mise à mort du cerf sacré

American Vandal épris de séries policières haletantes ? Sensible aux retournements de situation rocambolesques ? Vous ne résisterez pas longtemps à cette surprenante série de huit épisodes. à peine aurez-vous succombé qu’une seule question vous obsédera : « qui a dessiné les bites » ? Deux ans après Making a Murderer, Netflix récidive avec sa parodie. Ou l’histoire du cancre Dylan Maxwell, accusé par son lycée d’avoir tagué sur les voitures des professeurs… d’énormes pénis. Expulsé, il bénéficie du soutien de deux camarades qui s’emparent de l’affaire pour en tirer un documentaire et prouver son innocence. Pastiche à l’humour mordant, American Vandal est aussi un thriller à la réalisation impeccable, respectant jusqu’aux moindres codes du genre. Celui qui rend complètement accro. Sonia Abassi De Dan Perrault et Tony Yacenda, avec Tyler Alvarez, Griffin Gluck, Jimmy Tatro… Disponible sur Netflix


Trentenaire à vif

# 82

Comment se départir d’une assommante dépendance amoureuse, sinon par un coup de tête dans la porte du domicile de son ex ? Cette introduction magistrale donne le ton du premier film de Léonor Serraille, qui livre un piquant portrait de trentenaire en crise. Femme-bélier, Paula (géniale Laetitia Dosch) se retrouve à la rue suite à une rupture. Mythomane pour sauver sa peau, culottée au point de candidater dans un "bar à culottes" (logique), elle trimballe son exhubérance capillaire et vestimentaire dans Paris. Elle enchaîne les intrusions tout feu tout flamme chez qui veut bien lui ouvrir sa porte (une copine d'enfance, une mère en mal de nounou...). Même avec un chat sur les bras, elle n’en reste pas moins chien mouillé qui aboie ses vérités et cherche sa niche. Ses interlocuteurs ont beau être décoiffés par sa verve, au fond c’est un monstre de douceur qui démêle avec gourmandise la chevelure de ses protégées. Une quête d’affection en somme. La trentaine en quarantaine, elle place simplement les hommes à distance et remet les pendules à l’heure sur cette fichue horloge biologique. à Cannes, Jeune femme a remporté la Caméra d’or. Un prix mérité pour ces cadrages effrontés et cette enfilade de perles face caméra. Léonor Serraille s’est entourée d’une équipe féminine pour signer ce salutaire film girl power (bande-son tonique de Julie Roué), évoquant Sue perdue dans Manhattan (sans le pathos d’Amos Kollek). Et comment ne pas penser à l’errance initiatique de la Cléo d’Agnès Varda ? Jeune Femme, ou un autre "cinq à sept" mais version grand huit. De Léonor Serraille, avec Laetitia Dosch, Grégoire Selina Aït Karroum

Monsaingeon, Souleymane Seye Ndiaye... Sortie le 01.11

© Shellac

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Jeune femme



Intérêt général

# 84

Après In Jackson Heights, magistrale description d'un quartier soumis à la gentrification, Frederick Wiseman poursuit son exploration de New York avec Ex Libris. Moins, cette fois, pour en saisir les logiques d'exclusion que pour s'intéresser aux ressorts de la cohésion sociale de cette ville-monde. En cinquante ans, Wiseman n'a pas varié de méthode, et presque pas de sujet. D'un hôpital psychiatrique à un tribunal pour mineurs, d'un grand magasin new-yorkais à la fac de Berkeley, il observe avec une attention infinie le fonctionnement des "institutions". Pas de commentaire, et un montage semblant se déployer de lui-même. Pourtant, l'acuité de ses films ne cesse de surprendre. Ex Libris, consacré à la New York Public Library (NYPL), en offre encore un parfait exemple. Tourné en 2016, à la fin du mandat d'Obama, ce documentaire replace la question du savoir au cœur de l'idéal politique américain. Par-delà le célèbre bâtiment de la 5e Avenue, la NYPL déploie ses antennes jusqu'aux confins de la Grosse Pomme. C'est précisément cela qui intéresse Wiseman : l'intrication du central et du périphérique, du prestigieux et de l'ordinaire, de la parole savante et des usages quotidiens. Ainsi, une discussion sur la façon d'apporter Internet aux plus démunis succède à une masterclass avec Elvis Costello. Le but de la 3e plus grande bibliothèque du monde n'est pas d'entasser des livres, mais de garder vive l'exigence de Raison fondant la démocratie. à l'heure des "faits alternatifs", cela Documentaire de Frederick Wiseman. Sortie le 01.11 semble essentiel. Raphaël Nieuwjaer

© Météore Films

écrans

Ex Libris : The New York Public Library



exposition Turing Slate Statue by Stephen Kettle

Pierre de Rosette

Top Secret !

nid d'espions De la pierre de Rosette qui permit le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens aux arcanes du deep-web, le Mundaneum de Mons nous dévoile les secrets de la cryptographie. Soit l'art de cacher le contenu d'un message en le codant. Une pratique datant de 3 000 ans, apparue en même temps que l'écriture et, avec elle, la nécessité de protéger nos échanges. Chuuuut...


L

a cryptographie ne vous dit rien ? Pourtant, elle est partout autour de nous. « Votre carte d'identité, de crédit, votre téléphone... tous les objets de la vie courante ou connectés sont sécurisés grâce à elle, explique Jean-Jacques Quisquater, éminent cryptographe belge et commissaire de cette exposition. C'est l'équivalent des serrures, clés et coffres-forts ». Dans un monde de plus en plus numérisé, ses enjeux sont donc grandissants. Top Secret ! s'ouvre ainsi sur Trojan Offices. Cette œuvre de l'artiste belge Dries Depoortere se présente sous la forme de sept écrans. Ceux-ci diffusent en direct des images prises par des webcam installées partout dans le monde (dans des cafés, des bureaux...) mais à l'insu des principaux intéressés... « Eh oui, si vous vous protégez mal, vous pouvez être espionnés en un simple clic ! ». Big Brother n'est pas loin...

Fausse brique des services secrets belges

Enigma Divisée en cinq chapitres, l'exposition nous révèle ainsi l'histoire et les différentes utilisations de la cryptographie à travers les âges. Le parcours est suite jalonné de Machine Colossus manipulée par des membres du Women's Royal Naval Service © Bletchley Park Trust


Dries Depoorter, Trojan Offices, 2015 © Dries Depoorter

Top Secret ! Un monde à décrypter Mons, Jusqu'au 20.05.2018, Mundaneum, mer > ven : 13 h > 17 h, sam & dim : 11 h > 18 h, 7 > 2 € (les expositions présentées au rez-de-chaussée sont gratuites), expositions.mundaneum.org

uestion

3q

Palimpsest : jusqu'au 07.01.2018, gratuit

pièces historiques, d'archives, et d'objets hétéroclites. Le plus impressionnant reste Enigma. Popularisée par le film Imitation Game, cette machine permettait aux Allemands de s'envoyer des messages codés durant la Seconde Guerre mondiale. Elle consiste en un enchevêtrement de câbles à brancher dans des prises. « Le problème, c'est qu'il y a 150 billions façons différentes de le faire tous les jours ! », explique Sir Dermot Turing. Il connaît bien le sujet : c'est le neveu d'Alan Turing, le mathématicien qui a réussi à "casser" ce système, abrégeant le conflit d'au moins deux ans – et posant dans la foulée les bases de l'informatique. Mais ça, c'est une autre histoire... Julien Damien

Sir Dermot Turing Mon oncle, ce héros Propos recueillis par Julien Damien

C'est l'un des grands génies du xxe siècle. Le Britannique Alan Turing (1912-1954) est considéré comme le père de l'informatique. Durant la Seconde Guerre mondiale, il travailla à Bletchley Park, en Angleterre. Au sein de ce centre secret, il parvint à "casser" la machine de cryptage des nazis en inventant un "supercalculateur". Comme Oscar Wilde, il fut pourtant condamné par la justice anglaise pour "indécence manifeste" – autant dire pour son homosexualité. Castré chimiquement en 1952, il se suicida deux ans plus tard, en croquant une pomme trempée dans le cyanure. Son neveu, Sir Dermot à lire / Alan Turing Decoded Turing, consacre désormais sa vie à (Pitkin Publishing), de Sir Dermot Turing, 320 p., 23 € réhabiliter la mémoire de cet homme à visiter / Bletchley Park (à Bletchley), longtemps oublié. tous les jours : 9 h 30 > 16 h, 17,75 > 10,50 £ / gratuit (-12 ans), bletchleypark.org.uk


Dermot Turing © Julien Damien

Quelle est l’importance d’Alan Turing dans l’histoire de l’informatique ? Il en est l’une des superstars (rires) ! Dernièrement, nous nous sommes intéressés au travail de décryptage qu’il a réalisé à Bletchley Park. Mais tout cela a occulté son rôle dans la naissance de l'ordinateur, entrepris bien avant la Seconde Guerre mondiale. Qu'a t-il fait concrètement ? Juste après le conflit, le gouvernement lui a demandé d'élaborer un programme mathématique pour calculer la trajectoire des missiles – eh oui, c'est surtout à cela que servait l’informatique à l'époque ! Alan Turing a réalisé les plans de

cette machine. Il a fallu 15 ans pour la construire. Mais il a bien été le premier à concevoir, réaliser et programmer un ordinateur. Quelle fut son importance durant la Seconde Guerre mondiale ? Je pense que son rôle fut un peu exagéré, mais néanmoins déterminant dans la résolution du problème Enigma. Ce sont ses plans de "la Bombe" (ndlr : le nom de la machine qu'il avait créée pour contrer Enigma) qui ont aidé les décrypteurs à comprendre les réglages du système allemand. Mais cette tâche s'est achevée à peu près au moment de la fin de la drôle de guerre (ndlr : de septembre 1939 à mai 1940).

à lire / l'interview intégrale de Dermot Turing sur lm-magazine.com


Bergère avec son troupeau, dit La grande bergère, vers 1863 © musée d’Orsay, legs d’Alfred Chauchard, 1909

# 90

Jean-François Millet Entre ciel et terre Figure de proue du réalisme, Jean-François Millet offrit au xixe siècle quelques-unes de ses plus belles toiles. Le Palais des beaux-arts de Lille en rassemble 90 dans une belle rétrospective. Le fondateur de l'école de Barbizon fut révélé dès 1848 avec Un Vanneur et ses peintures sublimant le monde paysan… mais le connaissons-nous vraiment ?


exposition

L’Automne : les meules, vers 1874 © New-York, The Metropolitan Museum of Art, legs de Lillian S. Timken, 1959

Aurait-on négligé Jean-François Millet ? Adulé au Japon et aux étatsUnis, où est conservé l'essentiel de son œuvre, le Normand reste boudé en Europe, et n'avait plus fait l'objet de rétrospective depuis... 45 ans. Cette double exposition s'apparente donc à « une réhabilitation », selon Bruno Girveau. Pourquoi ce dessinateur et pastelliste d'exception demeure-t-il méconnu ? « Paradoxalement, son image a été dévalorisée par les milliers de reproductions qui ont été tirées de ses toiles, des plus réussies aux plus kitsch » estime le directeur du Palais des beaux-arts de Lille. Millet fut ainsi longtemps considéré comme "le peintre des paysans". S'il les magnifie dans leur

vérité brute, ses thèmes ont pourtant une portée plus universelle : il s'agit de questionner notre rapport à la nature.

« Millet n'avait plus fait l'objet de rétrospective depuis 45 ans » Rêve américian La première des cinq sections composant ce parcours thématique s'intitule ainsi "Rustique". « C'est le cœur de son œuvre, commente Chantal Georgel, co-commissaire de l'accrochage. Ce mot traduit son attachement à la terre et à suite celui qui la travaille ».


# 92

L’Angélus, Entre 1857-1859 © Paris, musée d’Orsay, legs d’Alfred Chauchard, 1909

à l'image de cet Homme à la houe, dont le visage est peint avec la même palette que le sol qu'il creuse. L'Angelus, montrant deux paysans priant au milieu d'un champ, témoigne de cette maîtrise de la lumière dont faisait preuve l’artiste, lequel travaillait en atelier « en s'appuyant essentiellement sur sa mémoire ». S’il inspira Van Gogh ou Dali, c'est sur sa postérité outreAtlantique que le musée nordiste se penche aussi. Les Américains y reconnurent en effet un maître dès 1852, se rendant même chez lui à Barbizon. Pour eux, ces images de paysans français s'échinant dans

leurs terres « rassemblent le souvenir de la vieille Europe et en même temps l'espoir qu'offrait leur nouveau continent aux pionniers, le fameux rêve américain » détaille Régis Cotentin, le commissaire de Millet USA. Cet homme un peu bourru imprégna ainsi l’imaginaire collectif du pays de l’Oncle Sam. Il fut un modèle pour Edward Hopper et son influence est flagrante dans les plans crépusculaires des Moissons du ciel de Terrence Malick, traversant les cultures et le temps. Julien Damien J-F Millet, rétrospective & Millet USA Lille, jusqu'au 22.01.2018, Palais des beauxarts, lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € / gratuit (-12ans), www.pba-lille.fr



Séraphine Louis, Bouquet de fleurs © LaM, Villeneuve d’Ascq. Photo : P. Bernard

exposition Henri Rousseau, La Promenade dans la forêt © 2017, Kunsthaus Zürich

Les primitifs modernes

Ingénus génies

# 94

C’est une autre histoire de l'art du xxe siècle que dessine le parcours de Wilhelm Uhde. Celle-ci débute avec Picasso pour se concentrer ensuite sur les "primitifs modernes", qu'on appellera les "peintres naïfs". Parmi eux, seuls Le Douanier Rousseau et Séraphine Louis (incarnée au cinéma par Yolande Moreau) ont acquis une véritable notoriété. Le LaM leur rend justice. 1907. Wilhelm Uhde est aux côtés de Picasso quand il peint Les Demoiselles d'Avignon. à cette époque le collectionneur allemand, installé à Paris depuis peu, suit l'émergence du cubisme et du fauvisme. 1928. On retrouve Uhde à Montmartre. Désormais, ceux qui font battre son cœur sont des artistes autodidactes. Louis Vivin, Camille Beaubois ou Séraphine Louis évoluent en marge du marché de l'art. Il est fasciné par la capacité des représentants de l'"art naïf" à peindre le réel au-delà des apparences. Il fut ainsi l’un des premiers à défendre Le Douanier Rousseau. L'exposition qu'il monte pour eux, Les Primitifs modernes, donne son nom à cette rétrospective. L’homme fonctionne à l'affectif. Son histoire avec Séraphine Louis se déploie en deux temps. Il la rencontre en 1912 alors qu'elle est femme de ménage chez ses voisins, à Senlis. Il est séduit par ses petites natures mortes sur panneaux de bois. La guerre éclate et sa collection est dispersée. Il renoue avec elle à la fin des années 1920, la soutient jusqu'à organiser sa première exposition personnelle (et posthume) en 1945. On De Picasso à Séraphine, Wilhelm Uhde et les primitifs modernes quitte le LaM avec, dans le regard, Villeneuve d'Ascq, jusqu'au 07.01.2018, ses immenses bouquets de fleurs et LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € /  gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr arbres luxuriants. Madeleine Bourgois



Autel particulier

# 96

Le MUba se penche sur la place du socle dans la sculpture, interrogeant ainsi sa relation à l'espace et au regard du spectateur. Originale, cette exposition instaure un dialogue entre trois des plus grands artistes de l’Histoire. Alors mettons-nous à pied d'œuvre ! « Rodin fut le premier à descendre la sculpture de son piédestal », indique Evelyne-Dorothée Allemand, la directrice du MUba. C'était à la fin du xixe siècle, avec Les Bourgeois de Calais. Symbolisant le sacrifice de six notables de la ville, alors aux mains des Anglais en 1347, ce groupe statuaire « fondé sur l'expression de leur souffrance individuelle » aurait-il la même force s'il n'était pas présenté à hauteur d'hommes ? Accueilli par deux de ces "martyrs de la patrie", le visiteur a ainsi tout loisir de s'interroger sur le rôle du socle. Comme Brancusi, qui en fit lui un sujet à part entière, les empilant pour composer, notamment, sa fameuse Colonne sans fin comme le montre ce film. Carl Andre s'inspira du travail du Roumain pour ses créations minimalistes, tel cet assemblage de parallélépipèdes en bois posés à même le plancher. Longtemps utilisé pour sacraliser les grands hommes de l'Histoire, ce support fait désormais corps avec la pièce qu'il est censé élever. à l'image des minuscules têtes de Giacometti reposant sur des socles vingt fois plus gros ! « Ce rapport d'échelle disproportionné donne toute sa monumentalité à l'œuvre », commente Anne-Maya Tourcoing, jusqu'au 08.01.2018, Guérin, responsable du service des puMUba Eugène Leroy, tous les jours sauf blics. Une réflexion au ras du sol, mais mar : 13 h > 18 h, 5,50 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.muba-tourcoing.fr jamais terre-à-terre. Julien Damien

© Julien Damien

exposition

Rodin, Brancusi, Carl Andre... Le socle



Bab-el-Oued, n°7 © Stéphane Couturier

exposition

Stéphane Couturier Pris à l’argentique ou au numérique, les clichés de Stéphane Couturier subliment des chantiers, des grands ensembles architecturaux ou des entreprises. De l'usine Renault de Boulogne-Billancourt à la cité « Climat de France » à Alger, le Français joue avec les lignes, les plans, les formes et les couleurs. Il conçoit des photographies au format imposant où l'œil du spectateur se perd, entre réalité et fiction. Ainsi de sa série Melting Point, notamment réalisée à l'usine Toyota de Valenciennes, dans laquelle il associe plusieurs prises de vue d’un même lieu au sein d’une même image. J.D. Charleroi, jusqu'au 03.12, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 4 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be

Anvers, jusqu' au 18.02.2018, FoMu, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 3 € / gratuit (-12ans), www.fotomuseum.be

Study of Perspective (détail), 1995-2011, Tiananmen, Beijing, 1995 © Ai Weiwei

Ai Weiwei Il est photographe, architecte, sculpteur… Connu pour son opposition au gouvernement chinois, Ai Weiwei est un artiste aux multiples talents. Ce parcours met en avant ses clichés politiques, emplis de poésie et d'ironie. à l'image de Study of Perspective, série d'images où l’on voit uniquement sa main adresser un doigt d’honneur aux monuments emblématiques à travers le monde, traduisant son rejet des valeurs établies. La dissidence dans toute sa splendeur. A.L.



Arras, Jusqu’au 04.11.2018, Musée des beaux-arts, lun, mer, jeu & ven : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 7,50 € / 5 € / gratuit (-18 ans), napoleon.versaillesarras.com

Magritte. Atomium meets surrealism

Reflection by Jean-Paul Lespagnard

Il y a 50 ans, Magritte cassait sa pipe (mais en était-ce bien une ?). Forcément, les expositions consacrées au surréaliste pullulent. Le voici à l’Atomium. Ce parcours a ceci de particulier qu’il nous immerge littéralement dans son œuvre. Ses toiles (Le Fils de l’homme, Le Double secret…) sont présentées en taille réelle « comme un élément de décor, en 3D », rendant la visite aussi pédagogique que ludique – on peut s’asseoir sur des pommes vertes, flirter avec les nuages… Chapeau !

C’est l’un des stylistes les plus fascinants de sa génération. Touche-à-tout, audacieux et marqué d’un sens de la dérision éminemment belge, Jean-Paul Lespagnard divulgue son processus créatif ! Déployée sur trois étages, cette exposition (dont il est le commissaire) révèle ses sources d’inspiration (des œuvres de Wim Delvoye, Jan Fabre...), ses pièces phares, des silhouettes aux foulards, et nous invite enfin à imaginer les nôtres dans son laboratoire !

Bruxelles, Jusqu’au 10.09.2018, Atomium, tlj : 10 h > 18 h, 12 > 6 € / gratuit (-6 ans), atomium.be

Bruxelles, Jusqu’au 15.04.2018, Musée du costume et de la dentelle, mar > dim : 10 h > 17 h, 8 > 4 € / gratuit (-18 ans), costumeandlacemuseum.brussels

Hubert de Givenchy

# 100

Givenchy revendique un style chic et décontracté. Une ligne sobre relevée par le détail qui tue. à la faveur de cette rétrospective, on découvre les fameux "separates", soit des pièces faciles à porter et à mélanger, mais aussi les tenues de soirée confectionnées pour de prestigieuses clientes. Point d’orgue du parcours, cet ensemble en satin ayant appartenu à Jackie Kennedy ou le fourreau au dos décolleté que portait Audrey Hepburn dans Diamants sur canapé. Calais, Jusqu’au 31.12, Cité de la dentelle et de la mode, tous les jours sauf mardi : 10 h > 18 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans), www.cite-dentelle.fr

Bonaparte franchissant le Grand ­Saint-­Bernard, Jacques-­‐ Louis David. Photo © RMN-­‐GP (château de Versailles) / Gérard Blot

Napoléon. Images de la légende à la faveur d’un partenariat établi en 2011 avec le Château de Versailles, le Musée des beaux-arts d’Arras accueille plus de 160 œuvres issues de sa collection. Ces peintures, sculptures, meubles et objets d’art ont appartenu à Napoléon lui-même, offrant une plongée exceptionnelle dans l’Histoire. De la Révolution aux campagnes d’Egypte ou d’Italie, de la gloire à l’exil, ces pièces retracent le parcours d’un des plus grands personnages d’Europe.



exposition

Riding Modern Art Skater dans un musée ? Oui, c’est possible. Le BPS22 consacre sa première grande exposition à Raphaël Zarka. L’ artiste français conjugue planche à roulettes et sculpture moderne par le prisme du mouvement. On admire ainsi une série de 53 clichés en noir et blanc, montrant des surdoués glisser sur diverses œuvres de plein air aux quatre coins du globe. Les visiteurs les plus aguerris sont invités à rider sur Paving Space, un ensemble de sept modules conçus en acier corten ! Charleroi, Jusqu’au 07.01.2018, mar > dim : 11 h > 19 h, 6 > 3 € / gratuit (-12 ans), www.bps22.be

Minute Papillon à la croisée de l’art et du design, Florence Doléac détourne la fonction des objets armée d’une bonne dose d’humour. Cette rétrospective est conçue comme un grand appartement peuplé d’étranges meubles ou accessoires. Le visiteur peut s’abandonner sur un tas de poubelles des plus confortables tandis que des polochons sont accrochés au mur, prêts pour la bataille ! Une invitation salutaire à la lenteur et au jeu, dans un monde de plus en plus hystérique.

Hyperbaric Superzen Ironman Bis © P. Marchal

Dunkerque, Jusqu’au 25.03.2018, Frac Grand Large-Hauts-de-France, mer > ven : 14 h > 18 h, sam & dim : 11 h > 19 h, 3 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.fracnpdc.fr

Des machines au service du peuple – Godin et la mécanique Fondé par Jean-Baptiste André Godin, le Familistère de Guise fut une utopie sociale unique au monde (voir LM n°129). Celle-ci plaçait le travail et le capital au service de l’Homme. Pour ce fouriériste convaincu et grand industriel, le progrès technologique doit profiter aux classes laborieuses. Ce parcours montre des machines au service du peuple – tel ce moteur du premier véhicule électrique, conçu par Gustave Trouvé en 1881. Avant de le remplacer ? Guise, Jusqu’au 24.06.2018, Familistère, tous les jours : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-10 ans), familistere.com

Do you see the King ? Patrick Marchal Une bague fabriquée avec des douilles, des bracelets en forme de menottes... Patrick Marchal s’est fait connaître par ses Objets Valorisants Non Identifiés, c’est-à-dire des bijoux jouant avec les couleurs, les formes et les symboles. Armé d’une approche critique et d’un humour acéré, cet orfèvre-plasticien transforme le métal ou l’acier en bombes ou cartouches, donnant vie à des parures des plus originales – et mordantes. Hornu, Jusqu’au 11.02.2018, Centre d’innovation et de design, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be



Hornu, jusqu’au 14.01.2018, Mac’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 5 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be

Détournement de fonds

Musiques ! Echos de L’Antiquité

Georges Rousse investit l’ancienne Banque de France de Lens avec ses célèbres anamorphoses. Ici, un cercle se dessine au milieu des parois tapissées de milliers de journaux. Là, un disque rouge baigné de lumière par des panneaux japonais... Telles des sculptures immatérielles, ses créations jouent avec les perspectives. Ces trompe-l’œil s’étalent sur les murs, le sol, le plafond et se révèlent au spectateur au fil des pas. Façonnée en relief, l’œuvre devient alors une image… en deux dimensions.

Le Louvre-Lens s’intéresse à la musique dans l’Antiquité. Instruments antédiluviens, papyrus, vases, sculptures… Près de 400 pièces esquissent le paysage sonore de quatre civilisations majeures : l’Egypte, l’Orient, la Grèce et Rome. Thématique, le parcours dévoile des objets pour certains jamais vus.... ni même entendus. à l’image de cette performance de l’Ircam, qui a réalisé des copies virtuelles de cornua, les trompettes romaines de Pompei. Un voyage inouï au bout de l’ouïe.

Lens, jusqu’au 30.12, ancienne Banque de France (5 rue de la Paix), mar > sam : 10 h > 19 h, dim : 11 h > 18 h, 4 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.lensvillehote.fr

Lens, jusqu’au 15.01.2018, Louvre, tous les jours sauf mardi : 10 h > 18 h, 10 / 5 €, gratuit (-18 ans), www.louvrelens.fr

Guyomard, Rétro & Rock Peintre autodidacte, ami de Peter Klasen ou Roland Topor, Gérard Guyomard est un acteur majeur de la figuration narrative ou libre en France. Le rock reste l’une des thématiques constantes de son travail, depuis près de 50 ans. Cette sélection d’une trentaine de toiles réalisées entre 1966 et 2013 donnent à voir des œuvres colorées et subversives, drôles et sensuelles. Oui, comme la musique du diable. Le Touquet, jusqu’au 20.05.2018, Musée du TouquetParis-Plage, tous les jours sauf mardi : 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.letouquet-musee.com

21 Mai 68 en 78, 1978 © G. Guyomard

exposition

Anne-Marie Schneider Pour Anne-Marie Schneider, le dessin est une forme d’écriture. Son œuvre s’appréhende tel un journal intime peuplé de figures grotesques, d’animaux ou d’objets tracés au crayon, à l’encre de Chine, au fusain, à l’aquarelle ou à l’acrylique. Oscillant entre sensibilité à fleur de peau et humour caustique, cette artiste française croque aussi bien ses fêlures personnelles que l’actualité sociale, livrant une vision à la fois onirique et cruelle de notre monde.



Di(x)visions

© Kash Tsa

Né il y a 40 ans aux états-Unis, le street art a aujourd’hui conquis la planète ! Dans le Nord de la France, les graffeurs ne sont pas à la traîne. En témoigne cette exposition collective. On découvre une diversité de techniques, de styles et une histoire richement documentée, notamment grâce à Cap d’Origine. Depuis plus de 20 ans, cet artiste arpente la région pour photographier les tags des Nordistes. Ateliers et vidéos achèvent de nous immerger dans le graffich’ti ! Lille, jusqu’au 10.12, Le Flow, mer, jeu, dim : 14 h > 18 h, ven & sam : 14 h > 19 h, gratuit, flow.lille.fr

Performance ! 40 ans, 40 villes. Le Centre Pompidou célèbre son anniversaire en disséminant ses collections à travers l’Hexagone. Lille a été plutôt gâtée. En témoigne cette sélection d’œuvres de la fin des années 1960 à nos jours, principalement des vidéos. Participative, l’exposition présente un travail s’articulant autour de la notion de performance, où le corps devient une matière première. Elle se décline sur les trois étages du Tripostal, pour autant de sections thématiques : "Mouvement sur mouvement", "Scènes de gestes" et "Objets d’écoute". Lille, jusqu’au 14.01.2018, Tripostal, mer > dim : 10 h > 19 h, 8 / 4 € / gratuit (-16 ans), www.lille3000.eu

Robert Poughéon (1886 - 1955). Un classicisme de fantaisie Prix de Rome en 1914, Robert Poughéon fut un artiste éclectique. Peintre et dessinateur prolifique, il pratiqua aussi bien le paysage, le portrait que la nature morte. Sa toile la plus célèbre reste Le Serpent. Associant la figure du cheval et celle d’une jeune fille, l’œuvre est emblématique de son "classicisme fantaisiste". Elle est ici mise en avant au sein d’une sélection de dessins puisée dans un fonds de plus de 1 000 feuilles, dévoilant un processus de création singulier. Roubaix, Jusqu’au 07.01.2018, La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 13 h > 18 h, 5,50 / 4 € / gratuit (-18 ans), www.roubaix-lapiscine.com

Panorama 19

# 106

C’est une institution au Fresnoy. Une vitrine annuelle de la création qui a révélé de grands noms (Hicham Berrada, Laurent Grasso…). Entre films, photographies ou performances, cette édition promet encore son lot de découvertes, et 52 œuvres d’artistes atypiques. Tel Thomas Garnier, dont l’installation vidéo (Shanzài) s’intéresse aux contrefaçons de monuments poussant chez de riches excentriques (tour Eiffel, Arc de Triomphe…). Vous avez dit original ? Tourcoing, Jusqu’au 31.12, Le Fresnoy, mer, jeu, dim : 14 h > 19 h, ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.lefresnoy.net



Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan © Luc Depreitere

théâtre & danse


Next Festival 2017

Priorité à l'innovation Fin 2008, sur le territoire de la jeune Eurométropole Lille-Kortrijk-Tournai naissait un festival d’arts vivants unique, bâti par six structures francobelges. Moins de 10 ans plus tard, Next est reconnu pour son exigence et son audace. Le cru 2017 ne fait pas exception : entre théâtre, danse et performance jaillissent des propositions internationales hors normes. Pour faire les choses dans l’ordre, saluons d'emblée le spectacle d’ouverture, incarnant à lui seul l’esprit Next. « Nous inaugurons la 10e édition avec le nouveau projet de Walid Raad », lance fièrement le coordinateur Benoit Geers. Kicking the dead in 31 short episodes (or less or more) est une exposition prenant vie sous nos yeux. L’artiste libanais révèle que les œuvres peuplant les musées sont vivantes en reliant la collection du Louvre Abu Dhabi à la Première Guerre mondiale. En pleine croissance Entre Romeo Castelluci et Lisbeth Gruwez (qui, pour la petite histoire, ouvrait le premier Next il y a neuf ans) le programme fourmille de grands noms se mêlant à des artistes prometteurs. Citons par exemple l’Israélien Yuval Rozman, qui crée au Phénix de Valenciennes Tunnel Boring Machine, une pièce politique et poétique où un Juif s’éprend d’un Palestinien dans un tunnel clandestin. 68 représentations, 15 lieux… Le festival a indéniablement grandi…et s'élève encore ! Multipliant les partenaires, la manifestation vient de recevoir une subvention des Hauts-de-France qui permettra à l’avenir de « sortir des théâtres ». Histoire de ne pas manquer d’air ! Marine Durand 09 > 25.11, Eurorégion, divers lieux, 21 > 8 €, www.nextfestival.eu Sélection : Romeo Castelluci : De la démocratie en Amérique (07 & 08.11) // Walid Raad : Kicking the dead in 31 short episodes… (09 > 11.11) // Cindy Van Acker : Zaoum (09.11) // Yuval Rozman : Tunnel Boring Machine (10 > 15.11) // Kris Verdonck : Conversations (16.11) // Erna Omarsdottir + Valdimar Johannsson : Sacrifice (18 & 19.11) // Transquinquennal : Philip Seymour Hoffman, par exemple (18 & 19.11) // Jérôme Bel : Gala (21 & 22.11) // Mette Ingvartsen : 21 pornographies + To come (extended) (21 > 25.11) // Lisbeth Gruwez : Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan (22.11) // Mapa Teatro : La Despedida (23 > 25.11) // Gisèle Vienne : Crowd (25.11)…

suite


© Floyd Koster

© Jonatan Grétarsson

La

3

ar

uv pre e p

1 The Script

2 Sacrifice

Prenez six comédiens, confiez-leur le même texte, puis faites les jouer côte à côte sur le plateau. Comment chacun s’empare-t-il de son rôle ? Qui captera la lumière, ou suivra les instructions du metteur en scène à la lettre ? En soulignant la valeur de l’interprétation, les Néerlandais de Kassys et Tristero pointent aussi la solitude de l’être humain, dans des tableaux plein d’humour.

Conçu par The Iceland Dance Company, Sacrifice offre un parcours de quatre performances traitant des rituels modernes. Consumérisme dans l’institution du mariage (Union of the North), passage de la vie à la mort (Dies Irae) ou dimension commerciale des religions (Market), ce mini-festival dans le festival ouvre une fenêtre pluridisciplinaire sur le meilleur de la création islandaise actuelle.

Menin, 22.11, CC De Steiger, 20 h 15, 15 > 8 €, www.ccdesteiger.be

Courtrai, 18 & 19.11, Budascoop, sam : 15 h & 19 h, dim : 15 h, 21 > 8 €, www.budakortrijk.be

Kassys et Tristero

E. Omarsdottir et V. Johannsson / Iceland Dance Company

3 21 Pornographies + To come (extended) Mette Ingvartsen

# 110

La Danoise Mette Ingvartsen revient avec deux propositions issues du cycle The Red Pieces. D’un côté, un solo dans la plus stricte nudité. De l’autre, une pièce chorégraphique pour 15 performeurs (To Come) simulant divers actes amoureux. Ainsi, elle interroge toujours notre rapport à la sexualité et la place de la pornographie dans notre quotidien. Un frisson subversif qui donne à réfléchir. 21 Pornographies : Courtrai, 21.11, Budascoop, 20 h 15, 15 > 8 €, www.budakortrijk.be To come (extended) : Courtrai, 23.11, Schouwburg, 21 h, 21 > 8 €, schouwburgkortrijk.be + Valenciennes, 25.11, Le Phénix, 20 h 30, 21 > 8 €, scenenationale.lephenix.fr



à Somlyo, village coincé entre la mer et un volcan, tout le monde craint Erzebeth. Son comportement est en effet intrigant. Surtout quand le vent souffle, soit six jours par mois ici bas. La jeune femme de 20 ans se déchaîne alors avec les éléments : elle délire, hurle, angoissée par sa propre mort, sous le regard impuissant de sa mère et du médecin… Un jour, elle sauve une fillette de la noyade, devenant aux yeux de tous une héroïne. Mais elle remarque que le sang de l'enfant, versé sur ses mains, la rajeunit… Pour écrire ce spectacle musical, Céline Delbecq s'est inspirée de la légende d'Elisabeth Bathory, comtesse hongroise accusée au xvie siècle de nombreux meurtres de vierges et…

de prendre des bains d'hémoglobine pour conserver sa jeunesse. Mais ce n'est pas tant cet aspect sanguinaire qui intéresse la metteuse en scène belge, plutôt la place des « êtres en désordre » dans une société bien normée. Sur le plateau, quatre acteurs professionnels sont accompagnés de cinq musiciens et 12 comédiens amateurs. Ce chœur incarne la population qui loue le courage d'Erzebeth ou la conjure comme un monstre, dans une fresque épique et haletante. Julien Damien Bruxelles, jusqu'au 04.11, Théâtre Marni, 20 h (mer : 19 h 30), 21 > 10 €, rideaudebruxelles.be Tournai, 07 & 08.11, Maison de la Culture, 20 h, 16 > 9 €, maisonculturetournai.com Charleroi, 14 > 17.11, Eden, 20 h, 14 > 9 €, ancre.be

© Gilles-Ivan Frankignoul

théâtre & danse

# 112

Le Vent souffle sur Erzebeth



# 114

Robert Lepage Š Sophie Grenier


Le festival VIA célèbre sa 20e édition à Maubeuge, mariant plus que jamais, poésie, technologie et spectacle vivant. Durant deux semaines ce rendez-vous international observe les cultures numériques sous toutes leurs formes (et pixels), entre théâtre, danse, installations et expositions. Tour d'horizon. Avec un nouveau directeur à sa tête, ce temps fort initié par Le Manège intensifie sa « puissance de dépaysement, dans un territoire confronté à des difficultés économiques et sociales bien réelles » explique l’intéressé, Géraud Didier. Le mot d’ordre ? « Surprendre et entraîner le public vers l’inattendu ». La ballade est des plus dépaysantes, entre une exposition où les machines prennent les commandes de la création artistique (Smart Factory) et des spectacles à l'esthétique surprenante. Dans les étoiles Romeo Castellucci présente ici De la démocratie en Amérique. Un événement « à l’imagerie sublime », entre la tragédie grecque et les arts plastiques, avant un petit détour par… les étoiles. La Face cachée de la lune, pièce du « maître du théâtre canadien » Robert Lepage s’inspire en effet de la conquête spatiale russe, narrant la quête de sens d'un homme cherchant sa place dans l'univers. Un peu comme dans Vader, de la compagnie Peeping Tom, mettant en scène un vieil homme dans une maison de repos, perdu entre rêves et souvenirs… Poussant l’exploration, on monte dans un bus conduit par la Cie l’Astrolabe Maubeuge, 07 > 22.11, Le Manège, La Luna, d'après un texte de Rodrigo Garcia. Espace Sculfort…, 15 > 3 €, www.lemanege.com On admire enfin 3D Water Matrix, Sélection : Shiro Takatani : 3D Water Matrix l’installation de Shiro Takatani convo(07 > 19.11) // Cie l’Astrolabe : Goya (07 > 09.11) // Romeo Castellucci : De la démocratie quant la pluie et sculptant la lumière en Amérique (07 & 08.11) // Robert Lepage : grâce à un programme informatique La Face cachée de la lune (16 & 17.11) // Peeping Tom : Vader (21 & 22.11)… – et, on l'espère, sans bug ! Marie Pons + Exposition Smart Factory, 10 > 19.11, Espace Sculfort, 3 €

théâtre & danse

La grande traversée

Festival Via


Les gens d’à côté

# 116

Parmi les auteurs contemporains les plus joués en Allemagne, Roland Schimmelpfennig reste peu connu en France. « Seule une dizaine de ses pièces a été traduite », s’étonne Aude Denis. La metteuse en scène lilloise répare cet impair en créant Le Dragon d’or à Dunkerque, avant de partir en tournée. Après s’être illustrée auprès du jeune public (Le journal de Francis, hamster nihiliste…), Aude Denis revient à un théâtre pour adultes, avec un texte qu’elle affectionne. « L’immigration, le temps qui passe ou l’insatisfaction de nos désirs entrent en résonance avec les questions que je me pose sur un plateau ». Le Dragon d’or s’ouvre sur une situation banale. Dans la cuisine d’un restaurant asiatique, au rez-de-chaussée d’un immeuble, un employé en situation illégale a une rage de dents. Ses quatre collègues décident de la lui arracher, provoquant une série d’interactions avec les autres habitants. Un jeune couple en proie au doute, un mari trompé, un vieillard nostalgique… Cinq comédiens incarnent ainsi 17 personnages au fil de 48 courts tableaux à la scénographie épurée. Pour souligner les rapports de force les acteurs interprètent leurs stricts opposés. Dans cette inversion des rôles percutante, une jeune clandestine est jouée par un homme quand l'épicier qui l’exploite prend les traits d’une vieille femme. « Au sein de l’immeuble, deux mondes cohabitent sans jamais se rencontrer. Le DraDunkerque, 29.11 > 01.12, Le Bateau-Feu, 19 h, gon d’or montre à quel point les sauf ven : 14 h 30 & 20 h, 9 €, www.lebateaufeu.com Villeneuve d'Ascq, 05 > 09.12, La Rose des Vents, migrants sont invisibles à nos yeux mar, mer : 20 h, ven : 14 h & 20 h, jeu & sam : 19 h, occidentaux… ». Marine Durand complet !, www.larose.fr

Répétitions © Simon Gosselin

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Le Dragon d’or



La Spire © Bruno Maurey

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Chloé Moglia La grâce suspendue

# 118

Dans les airs, évoluant à une main au-dessus du vide : c’est là qu’on a le plus de chance de croiser Chloé Moglia. Cette acrobate détourne l’art de la suspension, inventant un autre façon de côtoyer les sommets. Elle se pose à Roubaix à la faveur d'une carte blanche qui invite à prendre de la hauteur. De sa formation de trapéziste, Chloé Moglia a gardé l’essentiel : un point d’accroche, son corps, le vide. Si la pratique requiert une puissance considérable, acquise à coups d’abdos et de tractions, elle en a évacué les figures imposées pour s’essayer

à la lenteur, décomposant chaque mouvement. « Je fais en sorte que la force n’écrase pas la sensibilité ». Tenir bon sans filet à des mètres de hauteur induit « un état où les sens sont en éveil, où le temps suspend son cours », confie celle qui a


Rhizikon © Gerard Pascal

« beaucoup grimpé aux arbres étant môme ». Le trapèze reste pour elle « une matière première à ciseler : c’est une barre et deux fils. à partir de là, on peut tout imaginer ». Sur un fil Chloé Moglia invente ainsi des « structures-sculptures » pour créer ses spectacles, comme La Spire, trois spirales d’acier de sept mètres de haut et 18 de long qu’elle parcourt avec les "suspensives", cinq femmes l’accompagnant dans cette traversée vertigineuse. Dans Rhizikon, c’est notre rapport au risque qu’elle met en scène. Devant un tableau noir, armée de craies, elle dissèque par la parole et l’acrobatie cette attraction

pour les bords du gouffre. Quand elle redescend sur terre, cette native de Perpignan installée en Bretagne s’entraîne au systema, un art martial russe, et lit beaucoup. Elle cite l’anthropologue Tim Ingold : « il n’existe pas de démarcation claire entre le ciel et la terre lorsque l’on regarde la ligne d’horizon ». Un entre-deux qu’elle explore à l’infini. Marie Pons

carte blanche à Chloé Moglia (dans le cadre des Toiles dans la ville) Rhizikon : 22.11, 10 h & 17 h, 5 / 3 € La Spire : 25.11, 20 h, 15 > 5 € dès 16 h : ateliers initiation au Parkour, gratuit, ou systema, 10 € Roubaix, La Condition Publique, www.laconditionpublique.com, leprato.fr


Péché mignon

# 120

à la tête du Ballet du Nord pour quelques semaines encore, Olivier Dubois signe une nouvelle chorégraphie à destination du jeune public. à travers des tableaux exécutés par trois danseurs, 7 X Rien s’intéresse aux sept péchés capitaux… sans pécher par excès de gravité. Olivier Dubois s'attaque à La Divine comédie, de Dante. Ce projet va lui prendre quatre ans. Il l'ouvre avec 7 X Rien. Dans ce spectacle ludique, le chorégraphe explore les sept péchés capitaux sous le prisme des sensations. « Ce n’est pas une approche didactique, on ne parle que d’émotions », indique-t-il. Pour la première fois, il s’adresse au jeune public, mais n’a pas voulu livrer une pièce "édulcorée". « Je ne fais pas de compromis dans mon travail, et ne sous-estime pas la capacité de compréhension des enfants ». Le spectacle est donc accessible à partir de 8 ans. Seule la durée a été adaptée : 45 minutes. On parle ici d’envie et de jalousie, d'avarice… à travers différents tableaux, un danseur et deux danseuses expriment les « désirs de rage, de ne rien faire, sexuel… bref, de vivre ». L'orgueil est un solo, la colère un duo… L’atmosphère est tantôt pesante, soulignée par une musique entêtante, tantôt plus légère, rythmée au son de la mastication d’une barbe à papa (pour illustrer "la gourmandise", forcément). Sur scène, des éléments gonflables argentés réfléchissent les mouvements des interprètes, qui s’enroulent ou se déguisent dans des dizaines de mètres d’aluminium – « qui sera recyclé ». Un spectacle Roubaix, 15.11, Ballet du Nord, 10 h & 15 h, 5 €, balletdunord.fr (+ séances scolaires : 13 & 14.11 : à déballer en famille. Marie Tranchant 10 h & 14 h)

© Frederic Iovino

théâtre & danse

7 X Rien



De son enfance en Sibérie, en pleine dictature soviétique, Slava Polounine a tiré un spectacle onirique, entre ballet fantasmagorique et improvisation. Le fondateur du Licedei, célèbre théâtre russe de Saint-Pétersbourg, livre une série de tableaux à l’humour tantôt tendre ou acéré. Une quinzaine de clowns se succèdent sur scène ou dans la salle, tour-à-tour envahies par un tourbillon de neige de papier, de bulles de savon ou même… une toile d’araignée géante attrapant les spectateurs ! Quelque part entre Charlie Chaplin et le mime Marceau, ce gros bonhomme jaune en chaussures rouges dit la joie, la mort et l’amour… sans prononcer un seul mot. J.D. La Louvière, 15 > 19.11, Le Palace, mer : 21 h, jeu, ven & sam : 20 h, dim : 16 h, 20 > 10 €, www.ccrc.be

© Florelle Naneix

Les fils de Hasard, Espérance et Bonne Fortune 1946, le plat-pays et l’Italie signent "les accords du charbon". Des Transalpins sont envoyés dans les mines belges en échange d’or noir (200 kilos par ouvrier…). Cette histoire empreinte de souffrance (mais aussi de joie) fut contée il y a 20 ans par le Théâtre de la Renaissance dans Hasard, Espérance et Bonne Fortune – du nom des charbonnages liégeois. La troupe En Cie du Sud ressuscite ces récits de mineurs, en chants, rires et pleurs. A.L. Liège, 07 > 25.11, Le Manège Fonck, 20 h 15, 10,50 / 8,50 €, www.festivaldeliege.be

© Benoit Dochy

théâtre & danse

Slava’s Snowshow



Le journal d’Anne Frank

© Fabrice Gardin

Fabrice Gardin Phénomène d’édition planétaire, le Journal d’Anne Frank n’est pas devenu un classique au théâtre. La force du symbole intimide-t-elle les dramaturges ? S’y attelant, Fabrice Gardin a choisi d’être fidèle à la version avalisée par le père de l’héroïne, Otto Frank. Le metteur en scène concentre ses neuf comédiens dans un périmètre de 25 m2, figurant l’oppressante cachette. Celle-là même où Anne « continuait à croire, malgré tout, que les hommes au fond de leur cœur sont bons ». Bruxelles, jusqu’au 19.11, Théâtre Royal des Galeries, mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 25 > 11 €, www.trg.be

Eperlecques

Dub Love

Lucien Fradin / Cie Hvdz

C. Bengolea & F. Chaignaud

Eperlecques, c’est le nom d’une commune rurale du Pas-de-Calais. C’est aussi un drôle de spectacle. Entre conférence et théâtre, récit scientifique et personnel, Lucien Fradin nous raconte l’adolescence. Armé d’un rétroprojecteur, il enchaîne les considérations sociologiques ou intimes : la famille, le collège, les débuts d’Internet, la découverte du désir… Avec humour et tendresse, il décrypte les émois universels d’un moment clé de notre existence.

Dans ce spectacle créé avec la danseuse Ana Pi et le DJ High Elements, Cecilia Bengolea et François Chaignaud confrontent leur pratique de la danse au dub. Née en Jamaïque à la fin des années 1960, cette musique saturée de basses et ponctuée de lignes mélodiques plus aériennes sert une chorégraphie enlevée. Accompagnés sur scène par un puissant soundsystem, les interprètes enchaînent les pointes et mouvements du bassin, confrontant « le plaisir de danser au défi de la douleur ».

Armentières, 07.11, Le Vivat, 20 h, 8 € Lille, 09.11, L’Antre-2, 20 h 30, 10 > 2 €

Arras, 08.11, Théâtre, 20 h 30, 22 / 12 €

Liebman renégat Henri Liebman / David Murgia

# 124

Intellectuel de renom, Marcel Liebman fut aussi perçu comme un renégat. Ce juif belge prit en effet position pour les Palestiniens contre Israël, qu’il accusait d’avoir pillé les terres arabes… En voici un portrait drôle et touchant signé par son fils. Dans un solo orchestré par David Murgia, Riton Liebman livre ses souvenirs d’enfance et revisite l’universelle histoire des relations parents-enfants et du militantisme. Ou comment parler de la grande Histoire à travers la petite. Mons, 09.11, Théâtre le Manège, 20 h, 15 > 9  €, surmars.be // Oignies, 21.11, Le Métaphone, 20 h, 13 > 7 €, 9-9bis.com // Grenay, 13.04.2018, Espace Ronny Coutteure, 20 h 30, 6/2 €…



La Dernière saison Cirque Plume

© Patrick Berger

Après avoir révolutionné son art durant plus de 30 ans, le Cirque Plume tire sa révérence avec cet ultime spectacle. En tournée d’adieu jusqu’en 2020, La Dernière saison est une réflexion sur la nature et les dangers guettant notre planète. Entre sketches, numéros de funambules et fanfaronnades musicales, ces artistes hors normes dressent cinq tableaux. Il est question des quatre saisons et d’une autre, mystérieuse, « menacée d’être la dernière » dans un monde en sursis… Roubaix, 10 > 16.11, Le Colisée, 20 h 30 (sauf dim : 15 h), 39 > 10 €, www.coliseeroubaix.com

# Hashtag 2.0

Le Nain

Riyad Fghani / Pockemon Crew

A. Zemlinsky / F. Ollu / D. Jeanneteau

Compagnie de breakdance la plus titrée au monde, le Pockemon Crew joue sur les deux tableaux : battles et danse contemporaine. Dans sa 9e création, Riyad Fghani explore un phénomène bien contemporain : notre rapport au téléphone portable et aux réseaux sociaux. Empruntant au hip-hop comme au classique, les 10 interprètes raillent sur scène nos étranges comportements, tel le fait de marcher les yeux rivés sur un écran…. Vous allez sans doute liker !

Créé en 1922 par A. Zemlinsky, ce conte tragique en un acte est adapté d’une nouvelle d’Oscar Wilde, L’Anniversaire de l’infante. L’histoire est celle d’un nain, offert en guise de cadeau d’anniversaire à une princesse, dont il tombe amoureux. Inconscient de sa difformité, le petit être est traversé par des sentiments immenses, auxquels reste insensible la jeune femme… Sur scène, Jeanneteau a privilégié une approche épurée, restituant toute sa grandeur au personnage.

Namur, 10 & 11.11, Théâtre Royal, 20 h 30, 12 > 6 € // Arras, 29.11, Théâtre, 20 h 30, 22 > 12 €

Lille, 16, 18 & 20.11, Opéra, jeu & lun : 20 h, sam : 18 h, 35 > 5 €, www.opera-lille.fr

L’autre fille Annie Ernaux / Cécile Backès

# 126

L’autre fille, c’est la sœur aînée d’Annie Ernaux. Une fillette morte avant que l’auteure ne vienne au monde. Elle a appris son existence au détour d’une conversation entre sa mère et une voisine. Elle n’en saura pas plus, mais cette absence ne la quittera jamais… Cécile Backès adapte ce récit autobiographique sur scène. La pièce maintient la forme originelle de la lettre adressée à la disparue, dans un solo émouvant sur la mémoire et la construction de l’identité. Lillers, 16.11, Le Palace, 20 h, 4 / 2 € // Auchel, 17.11, L’Odéon, 20 h 30 // Saint-Venant, 23.11, EPSM Val de Lys-Artois, 17 h 30 // Gonnehem, 24.11, Salle des fêtes, 20 h // Auchy-les-Mines, 30.11, S. des fêtes, 20 h



L. Gruwez / M. Van Cauwenberghe Le pitch de ce spectacle est simple : Lisbeth Gruwez danse au rythme de chansons de Bob Dylan, le remerciant à la fin de chaque morceau. La chorégraphe flamande évolue seule sur scène tandis que son complice, le compositeur et musicien Maarten Van Cauwenberghe, fait grésiller des vinyles du vieux barde américain. à travers ce dialogue épuré, l’ancienne élève de Jan Fabre signe une belle métaphore de l’amitié. Armentières, 22.11, Le Vivat, 20 h, 16 / 8 €, levivat.net (dans le cadre du festival Next)

Mockumentary of a Contemporary Saviour Wim Vandekeybus / Ultima Vez Cette pièce de SF mêlant théâtre et danse nous transporte dans un futur peu enviable. L’humanité est sur le point de disparaître. Sept personnes devenues immortelles sont abritées dans une safe room. Elles ont été choisies par un "messie" qu’on ne voit jamais mais dont la voix d’enfant plane au-dessus de nous. Pourquoi elles ? L’Homme vaut-il la peine d’être sauvé ? Pourquoi avoir créé Dieu ? Autant de questions soulevées par ce spectacle total. Bruxelles, 22 > 25.11, KVS, 20 h, 25 > 13 €,kvs.be

Love, love, love Mike Bartlett / Cie BVZK 1967. L’Angleterre fredonne All You Need is Love, bercée par un vent de liberté. Kenneth pique Sandra à son frère Henry. 30 ans plus tard, coincé entre le boulot et les enfants, le couple se sépare. Années 2000 : ils ont refait leur vie, mais leur progéniture peine à vivre la sienne… Portée par l’écriture au vitriol de Mike Bartlett, la compagnie BVZK scanne l’histoire d’une famille sur trois générations, prise dans la marche idéologique du monde… Amiens, 23 > 29.11, Comédie de Picardie, jeu & ven : 20 h 30, mar : 14 h 15 & 20 h 30, mer : 19 h 30, 18 > 3 €, comdepic.com // Bruay-la-Buissière, 15.12, Le Temple, 20 h, 8 > 3 €, bruaylabuissiere.fr

El Baile Mathilde Monnier & Alan Pauls

© Christophe Martin

théâtre théâtre & & danse danse

Lisbeth Gruwez dances Bob Dylan

Le Bal fut un spectacle culte. Créé en 1980 par Jean-Claude Penchenat, cette pièce racontait l’histoire de France, depuis la Libération, à travers la danse. Mathilde Monnier et Alan Pauls l’adaptent ici à l’Argentine. Sur scène, 11 interprètes évoquent les événements marquants du pays, des seventies à nos jours – le coup d’Etat de 1976, le Mondial de foot de 1978… Il est question de tango, mais aussi de samba, de cumbia, de techno, de rock, de rap… Un joli pas de côté. Namur, 29.11 > 01 .12, Théâtre Royal, 20 h 30, 24,50 > 8,50 €, www.theatredenamur.be // La Louvière, 03.12, Le Théâtre, 20 h, 15 / 10 €, www.ccrc.be



Wiener Schmetterlinge, August 2017. Wien Austria © Mantra / DR

le mot de la fin

# 130

Mantra –

Un battement d’aile de papillon peut, dit-on, déclencher une tempête à l’autre bout du monde. Vu la taille de ceux-là, on a du souci à se faire... Plus sérieusement, ces lépidoptères plus vrais (et grands) que nature sont l’œuvre de Mantra, artiste originaire de Metz. On peut admirer ses gigantesques peintures murales de Vienne à Bogota en passant par Thionville, avec ce même mélange de crainte et d’étonnement. www.instagram.com/mantrarea




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