LM magazine 137 - fevrier 2018

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n°137 / février 2018 / GRATUIt

Art & CulturE

Hauts-de-France / Belgique



sommaire - magazine

LM Magazine #137 Février 2018

News – 08

Des châteaux en ruine, Partie de cache-maille, L'âge de glace, Grossier(e)Thé, œufs brouillés, Balance ta pub, Convention nationale sur l'accueil et les migrations

reportage – 12

Ella & Pitr © Elisabeth Blanchet

Drunk Shakespeare Society à la santé de William !

portfolio – 18

Karolis Strautniekas La nostalgie camarade

Drunk Shakespeare Society © Travis Emery Hackett

Livre – 48

Corentin Fohlen Hauts les masques !

portrait – 64 Ella et Pitr à pas de géant

le mot de la fin – 106 Olivier Gamblin Se fait des films


sommaire - sélection Musique – 26

exposition – 72

BIP, Milk, 2006 © Viviane Sassen / Courtesy of Stevenson Cape Town and Johannesburg

Disques – 46

Felt, Ezra Furman, The Orielles, Son Lux, The Soft Moon

Superorganism © Steph Wilson

Weekend Affair, MGMT, Belle & Sebastian, Khalid, Ezra Furman, Simple Minds, Superorganism, Jamila Woods, The Go! Team, Franz Ferdinand, Kendrick Lamar, Lomepal, King Gizzard & The Lizard Wizard, Agenda...

Biennale de l'Image Possible, Art Up !, Océans, Fernand Léger, Agenda...

théâtre & danse – 86

Belgian Rules / Belgium Rules, Le Roi Carotte, Festen, Edmond, Gaz, plaidoyer d'une mère damnée, L'Autre fille, Hip Open Dance, Biyouna, Dernier coup de ciseaux, Agenda...

Livres – 54

Ben Brooks, Raphaël Meyssan, Greg Sestero & Tom Bissell, Mohsin Hamid, Bruno Montpied

écrans – 56

Moi, Tonya, Gaspard va au mariage, 4 Histoires fantastiques, Corps étranger, La Forme de l'eau, Jean Rouch



Magazine LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F -

tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07

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Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com

Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Alexis Lerat info@lm-magazine.com

Couverture Karolis Strautniekas New Winds strautniekas.com Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Selina Aït Karroum, Thibaut Allemand, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Madeleine Bourgois, Mélissa Chevreuil, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Hugo Guyon, François Lecocq, Raphaël Nieuwjaer, Karolis Strautniekas et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



Social Decay © Andrei Lacatusu

news

Antisocial

Knitted Camouflage © Joseph Ford / Nina Dodd

Que deviendront Facebook, Twitter, Instagram et autre Tinder dans le futur ? On n'en sait rien – et on s'en fiche, non ? Andrei Lacatusu a sa petite idée. Alors que Google vient de fêter ses 20 ans, le Roumain symbolise dans la série Social Decay la chute des géants de la Silicon Valley, en imaginant leurs enseignes décrépites. Faut-il y deviner la mort des réseaux sociaux… et l'avènement d'une vraie cohésion sociale ? www.behance.net/andreilacatusu

camouflage hipster Voilà ce qu'on appelle "se fondre dans le décor". Conçu par le photographe Joseph Ford et la "tricoteuse" Nina Dodd, le projet Knitted Camouflage se passe de commentaires. C'est astucieux, et plutôt rigolo. Seul hic : il faut toujours poser au même endroit. Ça risque de devenir barbant, comme on peut le voir… josephford.net


Jonathan Nimerfroh, A Reoccurring Dream, 2018 © Samuel Owen Gallery

vague de froid

The Eggs-hibit © Michele Blandini

Insults Tea Cups © Miss Havisham

Fin 2017, les USA et le Canada furent frappés par un froid polaire historique. En témoignent ces vagues pétrifiées par les températures glaciales (jusqu'à - 40 degrés). Ces images ont été prises sur une île du Massachusetts, par le photographe et surfeur Jonathan Nimerfroh. à part ça, le dérèglement climatique est un "canular"… jdnphotography.com

Shocking !

Œuf course !

Apparemment, les parents de Michele Baldini ne lui ont pas interdit de jouer avec la nourriture. Résultat, le Mexicain transforme ses œufs au plat en véritables œuvres d'art. En forme de moto, de fleurs ou de Trump (indigeste, celui-ci)… son imagination est sans limite ! Et ses petits déjeuners toujours au poêle.

www.misshavishamscuriosities.comcom

www.instagram.com/the_eggshibit

#9

s w ne

Miss Havisham sait (presque) recevoir dans les règles de l'art. Cette Américaine a confectionné un service à thé à l'ancienne, avec ses petites tasses et soucoupes en porcelaine, ses motifs délicats et… ses insultes: "Kindly fuck off !", "Please, go die !"… Vous reprendrez bien une invective avec votre sucre ?


In A Parallel Universe © Eli Rezkallah

#Balancetapub Les violences faites aux femmes ne remontent pas à hier. En témoignent ces (véritables) affiches publicitaires datant des années 1950, sinon sexistes, franchement dégradantes. L'épouse y est réifiée en ménagère servile ou même agenouillée… Le photographe libanais Eli Rezkallah détourne ces clichés, en inversant simplement les rôles. Bien vu ! www.elirezkallah.com

Convention nationale sur l'accueil et les migrations Damien Carême est un élu engagé. Le maire de Grande-Synthe est aussi actif sur le plan écologique (sa ville du nord de la France est un véritable labo du développement durable) qu'humanitaire (elle accueille un camp de réfugiés). Ce positionnement se matérialise par la tenue de cette convention ouverte à tous. En sus d'une belle programmation artistique, des personnalités politiques (Benoît Hamon), chercheurs (l'historien Benjamin Stora) ou militants associatifs nourrissent les débats, à l'heure où l’Europe semble incapable d'assurer une hospitalité digne de ses principes.

# 10

Grande-Synthe, 01 & 02.03, Palais du Littoral, jeu & ven : 9 h 30, gratuit (sur inscription) Sélection : Exposition Frontières (22 > 28.02 au cinéma Le Varlin, 01 & 02.03 au Palais du Littoral, 05 > 30.03 à l'Atrium) // Conférence d'Yves Cusset : Quel sol sous les pieds de ceux qui n'ont nulle part où aller ? (28.02, 20 h) // Concert de HK et les Saltimbanks (01.03, 20 h)…, convention-accueil-grande-synthe.fr



reportage

# 12

Mon royaume pour un shot ! Drunk Shakespeare Society


Un speakeasy* aux allures de bibliothèque, dans une rue discrète de Manhattan. Sous le regard des 15 000 livres habillant les murs, une soixantaine de New-Yorkais sont venus applaudir Macbeth, de Shakespeare. L’auteur le plus joué de notre ère, dans la ville comptant le plus de théâtres au monde ? La scène semble bien classique… Sauf que cinq soirs par semaine, un acteur de la Drunk Shakespeare Society s’enivre avant de débuter la pièce. Rencontre avec une troupe qui célèbre la prose en levant son verre.

The Lounge © Joe Valez


Whit Leyenberger © Travis Emery Hackett

U

# 14

n (petit) cocktail offert en guise de bienvenue, histoire de planter le décor : derrière les portes de The Lounge, à quelques rues de la mythique avenue de Broadway, la boisson tient le premier rôle. Confirmation dès l’entrée des cinq comédiens, sous des applaudissements nourris. Ce soir c’est Caitlin Morris, petite brune de 30 ans, qui s’y colle. Musique solennelle et mine réjouie, un de ses camarades apporte cinq shots sur un plateau : le premier ira dans le gosier d’un membre du public, chargé de valider en grimaçant que « oui, c’est bien de la tequila ».

La comédienne avale les autres sans ciller. Elle passera les 90 minutes suivantes un verre à la main, obligée de boire dès que "le roi et la reine", désignés dans l’assistance, l’auront réclamé. Tendance bouteille En trois ans au sein de la Drunk Shakespeare Society, Caitlin Morris est montée sur scène plus de 300 fois. Mais celle qui « jure » n’avoir jamais touché à l’alcool avant ses 21 ans ne vit pas sous l'empire de la bouteille. « Il y a une rotation dans les rôles, les comédiens ont une semaine de repos après avoir été ivres », assure

* Concept de bars clandestins américains, particulièrement répandus lors de la Prohibition.


Whit Leyenberger © Travis Emery Hackett

Scott Griffin. C’est cet Australien, inspiré par un concept écossais, qui a créé la compagnie de 12 membres à New York, grâce à une collecte sur Kickstarter, en 2014. Soit un an après le début de l’émission Drunk History, sur la chaîne américaine Comedy Central (des stars jouant dans des reconstitutions historiques dont le narrateur est éméché) et un an avant le lancement des Recettes pompettes, au Québec. « On dirait que c’est devenu une tendance », note le directeur artistique, mettant en avant la « liberté d’improviser » procurée par l’alcool.

De fait, c’est un Macbeth peu conventionnel qui se déroule sous nos yeux. Les trois sorcières prononcent plus de gros mots que de prophéties. Lady Macbeth (Caitlin Morris), aux jambes de plus en plus flageolantes, finit par ramper sur le sol. Fléance est rebaptisé "Big Dick John" et Macbeth, devenu "MacB" en cape à paillettes, affronte Macduff dans un duel de danse sur des classiques du rap US. éparpillée entre un sketch façon Muppets et les défis que se lancent les protagonistes (« cite le plus de pièces de Shakespeare en imitant Matthew McConaughey »), l’intrigue passe suite


reportage

au second plan. Mais le public s’esclaffe à la moindre référence pop, voire politique : ce soir-là, la lettre de Macbeth à son épouse, lue avec la voix de Donald Trump, évoquait un "gros bouton" nucléaire… Du verre aux vers

à visiter / www.drunkshakespeare.com www.instagram.com/drunkshakespeare

# 16

Aubrey Taylor © Travis Emery Hackett

« Nous lâchons plus de blagues politiques depuis l’élection. C’est notre façon d’exorciser », analyse Caitlin Morris, faisant tous les efforts du monde pour se concentrer. « J’aime l’idée que l’on puisse rompre avec la tradition. L’ivresse désinhibe complètement, mais quand il s’agit des tirades importantes, impossible d’oublier son texte : Shakespeare,

c’est imprimé dans votre en tête à vie ! ». Après avoir livré son astuce anti-gueule de bois (de la vitamine B12 et de l’aloe vera), la trentenaire, guillerette, plonge dans un taxi, prête à savourer une semaine « en pyjama à regarder des films ». Succès oblige, elle découvrira dans quelques jours le nouveau théâtre, plus vaste, où se produira la troupe en 2018. Qu’importe l’écrin, pourvu qu’il y ait Shakespeare. Marine Durand


# 17

Macbeth : Hayley Palmer, Whit Leyenberger Š Travis Emery Hackett


portfolio Spectre Commissioned by Human After All.


Karolis Strautniekas Grains de beauté A

la télé, au cinéma, dans les casques… On le sait, le passé est à la mode. « Obsédé par les affiches vintage », Karolis Strautniekas n’y échappe pas. Logique, l’enfance du Lituanien fut nourrie par l’animation soviétique, puis l’esthétique des films noirs. « Désormais, je m’intéresse de plus en plus au rétro-futurisme », confie-t-il. De ce robot dominant un clavier à ce fumeur plongé dans la pénombre semblant sortir de Mad Men, ses créations sont toutefois reconnaissables entre toutes. « Influencé par les techniques de gravure », son style se démarque par l’emploi de couleurs pastel et cette texture "bruit" si particulière, offrant un aspect granuleux à l’image. Ses compositions ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celles du minimaliste Edward Hopper. S’il s’est senti incompris à ses débuts – « les clients recherchaient des expressions sur les visages, de grands sourires… » – cet artiste installé à Vilnius est aujourd’hui reconnu dans le milieu de la publicité et de l’illustration. Le trentenaire collabore ainsi avec des titres prestigieux comme The New York Times, The New Yorker ou Variety et de grandes entreprises telles Facebook, Audi, Air France… Traversé par un humour subtil (aviez-vous remarqué que la jeune femme de notre couverture arborait un oiseau en guise de chevelure ?), voire sarcastique, son travail révèle aussi une douce mélancolie, traduisant la nostalgie d’un monde fantasmé. Julien Damien

à visiter / strautniekas.com

# 19


Consumerism Editorial illustration for Usbek & Rica DA : Almasty.


Editorial illustrations for Forbes Japan.


Honorific A poster for Honorific Valet stand.


Future Cities Cover illustration for the special cities section. The New York Times. AD : Andrew Sondern.


Things I Know Editorial illustration for the Smith Magazine : interview with Turner prize-winning artist Grayson Perry.


Boys Will Be Boys

Summer story #1


musique

Weekend Affair

maîtres du jeu L’anglais "affair" est un faux ami. Il désigne une liaison amoureuse et n’a rien à voir avec le business. Pourtant, Weekend Affair connaît la musique, dans tous les sens du terme. Rencontre avec un guitariste folk et un beatmaker à l’esprit d’initiative indéniable. Louis Aguilar, 28 ans, guitariste, bassiste et chanteur, a grandi avec Internet et révère les pionniers du folk. Cyril Debarge, 35 ans, batteur, percussionniste et beatmaker, croit toujours qu’une Game Boy est un instrument de musique. Weekend Affair, leur projet de dandy-pop electro, se démarque par la voix de Louis, des nappes synthétiques soyeuses et des mises impeccables – costumes accordés et lunettes noires. Après Welcome to Your Fate en 2015, le duo prépare le lancement de Du Rivage. Pour ce deuxième album chanté en français, Weekend Affair peut compter sur le soutien de Partyfine, le label du Rémois Yuksek, et sur les multiples casquettes de Cyril, ancien ingénieur dans l’agro-alimentaire qui s’y connaît en engrais : son label Play it Loudly est parmi les plus fertiles de la région.

# 26

La bonne liste Weekend Affair occupe bien plus que les fins de semaine du duo. Pour forcer la nature du music business, les Nordistes ont un plan. L’enjeu principal serait « d’intégrer les bonnes playlists » et d’attirer les faveurs des capricieux algorithmes du streaming. L'ajout sur une sélection espagnole a ainsi permis au titre Duel de dépasser les 150 000 écoutes. « Un artiste doit aujourd'hui avoir une vision de manager » avoue Cyril qui est aussi le batteur de We Are Enfant Terrible et l’auteur de chroniques drolatiques sur sa vie d’usager de Blablacar… L’ubérisation a contaminé la musique, même le week-end. Mathieu Dauchy


weekend affair + Yan Wagner : Roubaix, 03.02, La Cave aux Poètes, 19 h, 12 > 8 €, caveauxpoetes.com Lille, 02.03, Gare Saint Sauveur (carte blanche au label Play It Loudly), 20 h, gratuit, playitloudlyrecords.com weekend affair + Evergreen : Amiens, 28.03, La Lune des Pirates 20 h 30, 12 > 7 €, + Goûter-concert le 31.03, 15 h, 7 / 5 €, lalune.net

@ Ludo Leleux


# 28

Ils furent, le temps de leur premier LP, les petits princes d’une pop bordélique à souhait, les hérauts d'un néo-psychédélisme chic et d'une élégance qui n'appartenait qu'à eux – fort heureusement, vu la tenue arborée sur la pochette. Et puis, vint le temps du deuxième album et de la division. Une réussite supérieure à leur essai inaugural pour votre serviteur. Un disque boursouflé pour d'autres – au sein de la rédac’, on s'envoie encore des chaises à ce sujet. Le troisième opus mit tout le monde d'accord en laissant chacun totalement indifférent – entre nous, vrai qu'il était très, très auto-indulgent. À l'heure d'un retour annoncé par deux singles honnêtes, MGMT, qui est allé à bonne école (jetez donc une oreille à leur compilation Late Night Tales), devra aussi prouver qu'il sait tenir une scène – un sacré CHLLG. Thibaut Allemand Bruxelles, 03.02, Ancienne Belgique, 20 h, Complet !

© Brad Elterman

musique

mgmt



Chardons ardents

# 30

Vingt-deux ans, déjà, que Belle and Sebastian (ce nom, tout de même !) divise. Le public, qui a choisi son camp – pour ou contre. Et jusqu'à ses fans, dont la frange puriste indie pop a lâché l'affaire depuis un bail. Tant pis pour eux. Nous sommes fidèles, que voulez-vous. À la fin du siècle dernier, Belle And Sebastian était désigné par ses détracteurs comme un groupe de boy-scouts pleurnichards adeptes de guitares en bois et de chansonnettes sans relief. Oui, mais c'est aussi pour cela qu'on les aimait, nous. On appréciait ces morceaux fragiles et ténus, cette voix sur le fil, ces accords mineurs pour des chansons devenues majeures dans nos cœurs. On a fait la chasse aux EP, livrés à un rythme régulier et dont les joyaux n'étaient jamais, ô grand jamais, présents sur les albums. On a palabré des nuits sur ces fans de Felt et de Nick Drake, des Smiths et du Velvet – mais aussi de Thin Lizzy et de Michel Polnareff. On a fantasmé des années sur le mystère entourant ces Écossais qui refusaient les interviews. Et puis, peu à peu, le voile s'est levé. Belle and Sebastian a musclé son jeu. Tourné autour du glam rock de T.Rex comme du disco d'Abba. Le papillon sortait de sa chrysalide et, en dépit de beaux albums, se normalisait peu à peu – cessant de sortir des titres inédits. Jusqu'à aujourd'hui. Où la bande de Stuart Murdoch publie coup sur coup trois maxis (réunis ce mois-ci en un seul disque) balayant toutes les obsessions pop modernes de ces songwriters Anvers, 05.02, De Roma, 20 h, 29 / 27 €, www.deroma.be hors pair. Thibaut Allemand

© Søren Solkær

musique

Belle and Sebastian



Derrière le look outrancier (Ezra affectionne le travestissement) se planque un artisan soigneux et respectueux des traditions. Ainsi, ce juif américain ne donne jamais de concert le vendredi, Shabbat oblige. En digne héritier du glam, folk, blues et punk-rock, ce trentenaire extraverti incarne en quelque sorte le Jobriath du xxie siècle – soit un songwriter doué, flamboyant mais largement sous-estimé. T.A. Bruxelles, 14.02, Botanique, 19 h 30, 18 > 12 €, www.botanique.be à lire / Chronique de l'album Transangelic Exodus (voir page 46)

khalid

© Kacie Tomita

Dire que son succès tient à une vidéo publiée sur Snapchat par la sœur de Kim Kardashian, Kylie Jenner, où on la voit se trémousser sur Location… Un disque de platine et un MTV Music Awards de "l’Artiste à suivre" plus tard, Khalid poursuit son ascension, à seulement 20 ans. Cet American Teen (titre de son premier album) révèle son quotidien, ses amours et ruptures sur un fond soul et R’n’B. C'est langoureux à souhait, triste et groovy, mais jamais sirupeux. Derrière son look "nineties" et sa barbe parfaitement taillée, ce grand ami de Lorde a tout pour devenir l'idole des Millennials. Avec ou sans l'aide de Kylie. A.L. Bruxelles, 11.02, Ancienne Belgique, 20 h, Complet !

© Jason Simmons

musique

ezra furman



Simple Minds

© DR

Esprit, es-tu (encore) là ?

Curieux destin que celui des "simplets" de Glasgow. Avant de gonfler telle une baudruche façon U2, ces Ecossais signèrent quelques chefs-d'œuvre post-punk ou new wave. Certes, c'était il y a bien longtemps, jusqu'au milieu des eighties… Toutefois, il serait injuste d'oublier ce glorieux passé, lyrique et exalté, empli de rythmiques industrielles et de fulgurances synthétiques qui en ont inspiré plus d'un (dont Primal Scream). Souvenirs, souvenirs…

Dérapage (in)contrôlé Le virage sonore, tendance épique, eut lieu en 1985 avec Don't You (Forget About Me). Associé au film culte de John Hughes, The Breakfast Club, ce morceau fut immédiatement classé n°1 des ventes aux states (et récemment repris pour une scène de La Servante écarlate). Un point de non-retour, hélas, vers la conquêtes des ondes FM…


Nom de nom ! Simple Minds tient son nom d'un chanson de David Bowie, The Jean Genie (en hommage à Jean Genet), dans laquelle on peut entendre : « He’s so simple minded he can’t drive his module ». Mais avant de devenir les "simplets" les plus célèbres de Glasgow (devant Spud de Trainspotting), Jim Kerr et ses potes furent une belle bande de branleurs : leur formation originelle (1977) s'appelait Johnny and The Self Abusers…

New Gold Dream Avant de se fourvoyer dans la production d'hymnes de stade, Simple Minds fut un groupe inspiré. On leur doit en effet quelques titres qui émeuvent encore les fans de post-punk et de new wave. L'album New Gold Dream (1982) tient lieu d'apothéose, contenant quelques pépites comme Someone, Somewhere (in Summertime) ou Promised You a Miracle.

Retour de bâton à une époque où chaque artiste défend sa petite cause, Simple Minds sort Belfast Child et, bien sûr, Mandela Day, en 1989. Ces prises de position probablement sincères ne leur ont pas valu que des succès : « Le fait que mon gouvernement soutienne cette horreur d'Apartheid en Afrique du Sud me révoltait, confie Jim Kerr. Idem pour Belfast Child. Ma famille est originaire d'Irlande du Nord et pratiquement personne n'écrivait sur ce problème…. Ces deux chansons ont brisé notre carrière américaine ». étaient-elles seulement bien écrites ?

Foufoot à force de remplir des stades, Jim Kerr s'est rêvé patron de club de foot, logique. Dans les années 1990, il a ainsi tenté de racheter l'un des monuments de sa ville natale : le Celtic de Glasgow. En vain, mais en 2003 il parvient tout de même à enregistrer une chanson avec Jimmy Johnstone, le plus grand joueur de l'histoire des "Bhoys" : Dirty Old Town.

La mifa La famille de Simple Minds est du genre "éclatée". Sous l'œil des grands-frères Roxy Music ou Kraftwerk s'agitent quelques valeureux cousins tels New Order, Echo and The Bunnymen ou The Human League, puis U2 et INXS (rarement invités à Noël, ceux-là…) ➤ Bruxelles, 18.02, Ancienne Belgique, 20 h, Complet !


L'année 2017 a bruissé de leurs singles. Comment résister à la puissance douce de Something For Your M.I.N.D. ? Rester de marbre face au 45 tours (et double face A) It's All Good / Nobody Cares ? Bien que délivrés au compte-gouttes, ces pop songs brindezingues enluminaient nos jours et nos nuits. On songeait aux débuts de The Avalanches, devant ce patchwork de samples inspirés. À The Go! Team, pour les collages en tout genre. Ou à Hot Chip, pour ce sens so british du groove élastique. Bon, so british, on exagère un peu : ces huit musiciens sont originaires d'Angleterre, du Japon, d’Australie ou de Nouvelle-Zélande. Ils partagent, outre des influences éparses, un vaste appartement propice à la création. Les dernières Trans Musicales de Rennes nous ont offert un (trop bref) aperçu de leur (immense) talent scénique. Alors, Nobody Cares ? Plus pour longtemps. Thibaut Allemand

# 36

Bruxelles, 19.02, Botanique, 19 h 30, 19 > 13 €, www.botanique.be

© Jordan Hughes

musique

Superorganism



© DR

# 38 musique


Jamila Woods

Mise au poing Les rappeurs issus de Chicago pullulent : Chance The Rapper, Vic Mensa… Mais gaffe à ne pas passer à côté d’une autre pépite de la Windy City : la magistrale Jamila Woods. Cette poétesse et chanteuse farouchement engagée est restée (trop) longtemps dans l’ombre de ses homologues masculins. La voilà aujourd'hui à l'assaut des charts. Nul besoin de "guns" ni de trafics de drogue pour nourrir la bio de Jamila Woods. Elle a passé son enfance dans la chorale de sa grand-mère, explorant en parallèle la collection de vinyles de ses parents. Au lycée, elle découvre la poésie et publie ses premiers vers (anonymement) sur Internet. étudiante à l’Université de Brown, elle rejoint un groupe a cappella et s’essaie au beatmaking, avant de prêter sa voix à des projets d’envergure (dont White Privilege II de Macklemore ou Blessings de Chance The Rapper). Enfin voilà qu'en 2016 elle sort son premier album ! HEAVN est immédiatement salué par l'influent Pitchfork. Sur le morceau éponyme, elle s’entoure des mythiques The Roots qui revisitent Just Like Heaven de The Cure. Dès lors, la machine est lancée… Juste cause Oscillant entre soul, jazz et rap, Woods ensorcèle autant qu’elle bouscule. Dans Blk Girl Soldier, elle rend ainsi hommage aux femmes qui ont lutté et parfois donné leur vie pour les droits des Afro-américains. Son tempérament de feu et ses textes sans concession rappellent quelques consœurs engagées telles Princess Nokia ou Kelela. Néanmoins, elle puise son inspiration chez Frida Kahlo ou Erykah Badu. Woods perpétue ainsi l’héritage de ses idoles en « créant un art qui sert le monde », comme elle le dit si bien. En vers et contre tous. Sonia Abassi Louvain, 20.02, Het Depot, 20 h, 12 > 8 €, www.hetdepot.be


© David Edwards

musique

Franz Ferdinand Depuis 15 ans, Franz Ferdinand incarne une formidable machine à classiques instantanés. De Take Me Out à Fresh Strawberries en passant par Darts of Pleasure ou Do You Want To, les Écossais (d'adoption) possèdent le grimoire convoité des tubes pop. Suite au départ du guitariste Nick McCarthy, ils ont recruté un guitariste, Dino Bardot (ce nom !) et un claviériste, Julian Corrie (alias Miaoux Miaoux). Bref, nos cinq empereurs nous réservent la primeur d'un 5e album plus synthétique et produit par l'insigne Zdar. De quoi sublimer les six cordes anguleuses, les rythmes imparables et la voix chaude d'Alex Kapranos. T.A.

the go! team

# 40

Tiens, The Go! Team est de retour. Il était temps. Ces Britanniques sont responsables d'un des plus beaux premiers albums de ces 15 dernières années. Thunder, Lightning, Strike (2004) fut un faramineux carambolage entre pop, punk, electro, hip-hop et funk orchestré par le seul Ian Parton (un anagramme de patron). Si ces allumés n'ont, avouons-le, jamais fait mieux depuis, leurs prestations scéniques, elles, valent toujours le détour (de magie). T.A. Dunkerque, 23.02, Les 4 Ecluses, 20 h 30, 10 / 7 €, www.4ecluses.com

© Annick Wolfers

Bruxelles, 28.02, Forest National, 20 h, 40 €, www.forest-national.be



musique

Mr President

En 2017, il a encore élargi son audience. Les critiques et le public ont salué son dernier album à l'unanimité. Kendrick Lamar trône désormais seul au sommet d’un genre dominant la musique occidentale. Son rap est la bandeson miraculeuse d’un siècle ressemblant à un mauvais film catastrophe.

# 42

En janvier 2013, à l’occasion de la sortie de son magistral premier disque, LM présentait le jeune Kendrick Lamar comme le « chaînon manquant » entre un rap aux productions tapageuses et une version plus lettrée de la discipline. Cinq années de productions tous azimuts ont permis au gamin de Compton de briser ladite chaîne, s’imposant comme le tenancier du flow le plus respecté de la planète. Fort de quatre albums alliant classicisme et avant-garde, Kendrick a atteint un niveau de popularité que seule une poignée d’artistes ont effleuré avant lui. DAMN, paru en avril dernier, est considéré comme le meilleur album de l’année 2017 par Pitchfork, Rolling Stone et le classement des classements de la BBC. Il y convoque U2 et Rihanna, symboles d’une évidente grandeur d’angle, à l’image de la dizaine de collaborations cumulée en quelques mois (Thundercat, Future, The Weeknd…). à 30 ans, Lamar empile les disques de platine, les Grammys et devrait, au moment où vous lirez ces lignes, avoir récolté de nouvelles récompenses lors de la 60e cérémonie de l’industrie musicale. L’histoire, si elle retrouve ses esprits, retiendra notre époque comme celle de la présidence d’un jeune homme noir de Californie. Mathieu Dauchy

Anvers, 27.02, Sportpaleis, 85 > 51 €, sportpaleis.be

© DR

Kendrick Lamar



Lomepal « Enchanté, Antoine, je brise les rêves et les cœurs mais j’ai un bon fond, promis », annonce Lomepal dans Yeux disent. Le ton est donné. Le Parisien jouent sur la dualité. Mi-chanteur, mi-rappeur, il perpétue toutefois la tradition de l'ego trip. Posés sur des instrus mélodiques, regardant vers la pop, ses textes mélancoliques et son autodérision visent juste. évidemment, ses concerts affichent "complet"... A.L. © The Northside Issue

et aussi… Jeu 01.02 Michel Jonasz & Jean-Yves d'Angelo Tournai, Halle aux Draps, 20h15, 44/42e Tanika Charles + SupaGroovalistic Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 10/7e Imhotep + Iphaze Lille, L'Aéronef, 21h, 15>5e

Ven 02.02

# 44

Ben l’Oncle Soul Bruay-La-Buissière, Espace Cult. Grossemy, 20h, 30>20e

Lille, 08.02, L’Aéronef, Complet ! // Charleroi, 02.03, Eden, Complet ! // Bruxelles, 03.03, La Madeleine, Complet ! Liège, 04.03, Reflektor, Complet !

Oldelaf Béthune, Théâtre, 20h30, 22/18e

BRNS Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 13/8e

Sam 03.02

Tony Melvil Lille, maison Folie Wazemmes, 21h, 5/3e

Stacey Kent Tournai, Halle aux Draps, 19h15, 32/30e Nada Surf Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e Fishbach Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 12>7e Jesca Hoop Leffinge, De Zwerver, 21h, 10>6e Didier Lockwood Tournai, Halle aux Draps, 21h15, 32/30e

Mar 06.02 Charles Aznavour Lille, Le Zénith, 20h, 238>62e

Jeu 08.02 Triggerfinger Gand, Vooruit, 19h30, 34/31,75e Girls in Hawaii Louvain, Het Depot, 20h, 23>18e

Ven 09.02 Chlorine Free + Alfa Mist + Moustic DJ-Set Lille, L'Aéronef, 20h30, 15>5e Barbagallo + Malik Djoudi Béthune, Le Poche, 20h30, 10/8e Sanseverino Mons-en-Baroeul, Allende!, 20h30, 35>23e

Nada Surf Louvain, Het Depot, 20h, 26>20e

Lee Fields & The Expressions Bruxelles, Botanique, 20h, 26>20e

Nils Frahm Lille, L'Aéronef, 20h, 28>22e

Mer 07.02

Lisa Simone (Tournai Jazz fest) Tournai, Halle aux Draps, 20h15, Pass journée : 40/38e

Intergalactic Lovers Liège, Reflektor, 20h, 16e

White Wine + Vertigo Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12>8e

Hugh Coltman Arras, Théâtre d'Arras, 20h30, 22/12e

Anne Sylvestre Hazebrouck, Centre André Malraux, 20h, 20>10e

Arnaud Van Lancker Quartet Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2e

Sam 10.02


Mademoiselle K + Adrienne Pauly Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13e Salvatore Adamo Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 52>46e

Mar 13.02 Intergalactic Lovers Lille, L'Aéronef, 20h, 18>11e

Jeu 15.02 Circuit des Yeux Gand, Vooruit, 20h, 10/8e Alexandre Nevski Lille, Nouveau Siècle, 20h, 50>5e Albin de la Simone Namur, Théâtre Royal, 20h30, 24,50>13,50e

Ven 16.02 Perez + Saso Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 14>8e Baba Sissoko + Luzerne Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2e Lysistrata + Bison Bisou Béthune, Le Poche, 20h30, 10>6e

Sam 17.02 Disiz la Peste + Arm Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e Son Lux + Hanna Benn Bruxelles, AB, 20h, 24/23e

The Soft Moon Bruxelles, Botanique, 20h, 23>17e

Luz Casal chante Dalida La Louvière, Le Théâtre, 20h, 40>31e

SCH + Fianso & Theezy Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13e

Rag’n’Bone Man Lille, Le Zénith, 20h, 52,10>40e

Dim 18.02 Son Lux + Hanna Benn Lille, L'Aéronef, 18h30, 26>19e

Sammy Decoster Armentières, Le Vivat, 20h, 8e/ gratuit (-26 ans) Le Prince Harry + Dear Deer Lille, L'Antre-2, 20h30, 10>2e

Uman Bruxelles, Botanique, 20h, 17>11e

Theo Lawrence & The Hearts + The Buns Béthune, Le Poche, 20h30, 10>6€

Lun 19.02

Sam 24.02

Algiers + Hiro Kone Lille, L'Aéronef, 20h, 15>5e

L'une et l'autre Marcq-en-Barœul, Théâtre Charcot, 20h, 9>5e

Mar 20.02 Cradle of Filth + Moonspell Oignies, Le Métaphone, 20h30, 21>15e

Jeu 22.02 Grand Corps Malade Maubeuge, La Luna, 20h, 20/15e Pépite + Chevalrex Tourcoing, maison Folie Hospice d'Havré, 20h, 14>5e

Ven 23.02 Clan Of Xymox Bruxelles, Magasin 4, 19h30, 25/20e

L'Or du Commun + Veerus Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, 15/12e

Mer 28.02 The Wackids Roubaix, La Condition Publique, 18h30, 6e

Ven 02.03 Flavia Coelho La Louvière, Le Palace, 20h, 12/8e

sam 03.03 Christophe La Louvière, Le Théâtre, 21h, 55>48€

© Jamie Wdziekonski

King Gizzard & The Lizard Wizard Lors de sa dernière apparition dans nos rubriques (en juin dernier), ce groupe affichait neuf albums. Il en dénombre aujourd’hui… 12, dont cinq sortis en 2017 ! (Michel Polnareff, si tu nous lis…). Ces Australiens hyperactifs (ou stakhanovistes) s’éclatent aussi bien dans le rock psychédélique (ou expérimental, comme ils préfèrent le dire), le garage, le folk… Sur scène, leurs prestations sont à l’image de leur répertoire : généreuses et chaotiques. A.L. Lille, 03.03, L’Aéronef, 19 h, 26 > 19 €, aeronef.fr


disques FELT

A Decade in Music —

GO-KART MOZART

Mozart's Mini-Mart (Cherry Red) Ce coffret (A Decade In Music) réunit les cinq premiers albums d'un monument. Non, d'un mythe. Depuis 1981, Lawrence Hayward, alias "Lawrence de Felt" hante la pop… sans que cette dernière ne s'en soucie. Felt, c'est pourtant 10 albums. En une décennie. Puis rideau. Dans l'indifférence quasi-générale, hélas. Ils auraient pu, pourtant, être aussi célèbres que Television ou The Smiths. En 1989, Lawrence saborde Felt et ses chansons délicates et aériennes, aux règles strictes (aucun charley sur le premier LP, l'aviez-vous remarqué ?). Fan absolu de Lou Reed (adoptant l'accent traînant de l'irascible New-Yorkais), Lawrence poursuivra son rêve de gloire sous une autre entité : Denim. Trois albums. Un chef d’œuvre au moins (Denim on Ice, 1996). Nouvel échec. Pourtant, ces disques auraient tant plu aux fans de Pulp… Go-Kart Mozart, énième incarnation, rassemble « les faces B de Denim » d'après cet artiste lunaire. En fait, ce sont des canevas de tubes pop, des hits à n'en pas douter, si on se donne la peine de relier les points. Derrière la production, ultra cheap, ces morceaux n'en sont pas moins immenses, de ceux qui vous accompagnent longtemps. 2018, année Lawrence ? Thibaut Allemand

EZRA FURMAN

# 46

Transangelic Exodus (Bella Union / PIAS) Parmi les freaks pop que ce début de siècle nous lègue, Ezra Furman a toute sa place aux côtés d’un Ariel Pink ou d’un Ty Segall. Si son excellent Perpetual Motion People était passé sous le radar, espérons que Transangelic Exodus lui offre toute l’attention qu’il mérite. Sous des embardées indus et dub rappelant certaines productions d'Adrian Sherwood, se glissent de subtiles mélodies à la gloire du mélange des genres. Riffs piqués chez Van Halen et rythmes martiaux sont transcendés par des constructions funambulesques. Et surtout, l'ensemble dégage une énergie rare, entre pop catchy et punk abrasif. Sur un morceau comme Love You So Bad, les planètes s’alignent : est-il seulement possible de résister à cette incandescence ? Rémi Boiteux ➤ à lire / Ezra Furman en concert au Botanique à Bruxelles (voir page 48)


THE ORIELLES

Son Lux

Silver Dollar Moment

Brighter Wounds

(Heavenly Recordings / PIAS)

(City Slang / PIAS)

Après un EP remarqué (Jobin, 2016), The Orielles (en référence aux Shirelles) sont en passe de devenir les prochains chouchous made in UK. Le très jeune trio sort un premier album aux ritournelles bubble diablement efficaces, où il est question de cinoche (Tarantino, Lynch ou Winding Refn) plutôt que de premiers baisers. Une power-pop anti-romance, un son très frais, charriant son lot de réminiscences. Outre un vernis US nineties (Helium, Imperial Teen), on y perçoit la crème de la scène indé "C86" (les fameuses K7 publiées par le magazine NME). Et pour cause, le père des deux frangines Sidonie B et Esmé Dee Hand-Halford n’est autre que Adam Halford, batteur de The Train Set, combo associé à la scène "Madchester", le chaudron de l’époque. Tel père, telles filles. Selina Aït Karroum

Ryan Lott est l’artisan d’une pop arty et sensible. Ce cinquième album marque la réunion d’un trio de laborantins : le New-Yorkais et sa voix hantée sont ici secondés par les guitares de Rafiq Bhatia et les rythmiques étourdissantes de Ian Chang. Lott, qui compose par ailleurs pour le cinéma, sait ménager les plages contemplatives au creux de tempêtes sonores. Son lyrisme tourmenté le rapproche de plus en plus du Phantom of The Paradise de Paul Williams. On le découvre dans des scènes d'emblée captivantes (Dream State) ou plus sophistiquées (All Directions). Ce collaborateur de Sufjan Stevens (avec qui il a fondé le groupe Sisyphus) s’invente doucement un domaine comparable, propice à l'introspection, et c’est fascinant à observer. Mathieu Dauchy

THE SOFT MOON

Criminal (Sacred Bones Records / Differ-ant) Fan de constructivisme et volontiers synesthésique, l’écorché vif Luis Vasquez remet ça avec un quatrième album solo, vénéneux au possible. Tout cela a beau transpirer Nine Inch Nails et taper le sprint version EBM, l’indus sonne par endroits trop propret. Criminal lorgne aussi du côté du rock gothique, chez Clan of Xymox ou Sisters of Mercy. Une fragrance eighties qui va de soi, vu la cover de No-one Driving de John Foxx (fondateur d’Ultravox) et leur collaboration en 2012 (le single Evidence). Entre pulsations et saturation, The Soft Moon lasse l’auditeur avec ses riffs de gratte nauséeux. Un puzzle macabre magnifié par les clips cheap de Kelsey Henderson. Rien de nouveau sous le soleil, mais une bande-son de giallo charmante pour les nuits de pleine lune. Selina Aït Karroum


livre


Couleurs Jacmel Corentin Fohlen N

é en 1981 à Quimper, Corentin Fohlen s’est d’abord rêvé dessinateur de BD. Il s’y est formé à Saint-Luc à Bruxelles… pour finalement choisir la photo. De retour à Paris, en 2003, il décide de se consacrer au photoreportage. Repéré par l’agence Wostok Press, il suit l’actualité française et internationale, couvre les guerres et mouvements contestataires (Afghanistan, Ukraine, printemps arabe…). Mais en 2012, suite au décès des photojournalistes Lucas Dolega et Rémi Ochlik, il lève le pied : « trop de stress et de risques dans cette course permanente à l’actu, j’ai choisi de travailler au long cours », confie-t-il. à l’image de son fabuleux travail sur Haïti, mené depuis la catastrophe de 2010. « Lors du séisme, je n’ai pas compris grand-chose de ce pays, déjà meurtri bien avant et difficile à cerner… J’étais frustré, il fallait revenir ». Ainsi, depuis huit ans et après 20 séjours, il perçoit mieux l’identité de cette petite terre des Caraïbes, la fierté souvent outragée de ses habitants, et s’y est fait des amis. Cette démarche respectueuse lui a permis de s’immerger en 2016 et 2017 dans le carnaval de Jacmel, ville située sur la côte sud-est. Chaque année en février, les autochtones défilent en costumes qu’ils ont eux-mêmes confectionnés. Au cœur de ce bouillonnement, le Français est parvenu à isoler des personnages truculents. Avec son studio de rue, un fond de tissu noir et l’aide de deux amis (Wood et Djennie), il en a tiré ces portraits exceptionnels, pris sur le à lire / Karnaval Jacmel, textes : René vif. éclatants de couleurs, parés d’attriDepestre, photobuts et de serpents, ces "carnavaleux" graphies : Corentin Fohlen, (Light Motiv) jaillissent de l’obscurité comme autant 96 p., 35 € d’incarnations des mythes d’une culture Haïti, Corentin Fohlen, préface James Noël, nourrie de Vaudou et d’influences afri(Light Motiv), caines. Une vision à rebours des clichés 172 p., 35 € folkloriques et des caricatures. François Lecocq # 49

à visiter / www.corentinfohlen.com



Editorial illustrations for Forbes Japan.


Honorific A poster for Honorific Valet stand.


Future Cities Cover illustration for the special cities section. New York Times. AD : Andrew Sondern.


livres Ben Brooks Lolito (La belle colère) « C’est le livre le plus drôle et le plus horrible que j’ai lu depuis des années ». Pas un petit compliment. Surtout de la part de Nick Cave – soulignons, toutefois, que le rockeur lettré a le même éditeur que Ben Brooks outre-Manche… Soit. L’histoire tient en peu de mots. Etgar, 15 ans, découvre que sa petite amie l’a trompé. Par dépit, il trouve le réconfort dans les bras d’une quadragénaire rencontrée sur le web, entamant une relation aussi passionnée que réprouvée par la loi – et la morale. Malgré les apparences (ou le titre), Lolito tient toutefois moins de Nabokov que de l’Attrape-cœurs de Salinger – cette même angoisse du passage à l’âge adulte, ce nihilisme sucré… Dans un style mâtiné d’humour noir, foisonnant de métaphores et de comparaisons futées, Brooks portraiture une jeunesse plus camée que dorée, s’ennuyant jusqu’à l’absurde dans les pavillons de la middle class et sur les réseaux sociaux. Cette faune libidineuse et borderline fut, certes, dépeinte dans les grandes largeurs par la série Skins ou ce vieux dépravé de Larry Clark, mais elle trouve chez ce jeune Anglais de 25 ans un chroniqueur sagace. 304 p., 19 €. Julien Damien

RAPHAËL MEYSSAN

# 54

Les Damnés de la Commune (Delcourt) Raphaël Meyssan ne sait pas dessiner. Pourtant, il signe l’une des BD les plus impressionnantes depuis un bail. Une BD, vraiment ? Eh bien, l’éditeur, le découpage en cases et les phylactères renvoient au neuvième art. Mais il s’agit avant tout d’une œuvre inclassable et singulière, proche du travail méticuleux d’un Chris Ware. Apprenant que Lavalette, un communard, avait vécu dans son immeuble, ce graphiste se lance sur ses traces. Et conte le quotidien d’un Paris disparu avec des… gravures du xixe siècle. On en reconnaît quelques-unes. On découvre le plus grand nombre, émerveillés. Un second tome, à paraître, évoquera l’insurrection. En attendant, ce premier volume relève-t-il de la perfection absolue ? Grave ! 144 p., 23,95 €.€Thibaut Allemand


Greg Sestero, Tom Bissell The Disaster Artist (Carlotta) Sorti en catimini en 2003, The Room est devenu une œuvre culte. Mix improbable de téléfilm érotique et de soap opera, le long-métrage de Tommy Wiseau est un concentré de tout ce qu’il ne faut pas faire. Fond vert baveux, interprétation approximative, scénario bégayant au-delà du rationnel… tout y est. Mais la somme de ces défauts ne suffit pas à expliquer le charme paradoxal de cet objet venu d’ailleurs. Comme souvent, celui-ci tient à la sincérité du réalisateur. En nous racontant sa rencontre avec Wiseau et le tournage de ce navet dans lequel il jouait Mark, Greg Sestero livre le portrait désopilant d’un homme que rien ne peut arrêter – surtout pas l’absence de talent. Et dessine une histoire d’amitié entre deux rêveurs invétérés. 272 p., 17 €.

Mohsin Hamid Exit West (Grasset) Infatigable voyageur, Mohsin Hamid vit entre le Pakistan, l’Europe et New York. Logiquement, son 3e roman se penche sur la question migratoire. Nommé pour le prestigieux Man Booker Prizes, ce livre fut même conseillé par Barack Obama. L’histoire est celle de Saïd et Nadia, un couple habitant un pays indéterminé, où la guerre est imminente. Ils décident alors d’emprunter une "porte" les menant directement en Occident. Le récit décrit leur exil en Grèce puis à Londres et aux états-Unis, qu’ils atteignent toujours via ces mystérieux passages… Au-delà du caractère fantastique, cette astuce narrative permet à Mohsin Hamid de mettre l’accent sur le déracinement des réfugiés, plutôt que leur périple. Le voyage est court, mais la fable intense. 208 p., 19 €. H. Guyon

Raphaël Nieuwjaer

BRUNO MONTPIED Le Gazouillis des éléphants (Ed. Du Sandre) On se doutait que le facteur Cheval n’était que l’arbre qui cachait la forêt. Les preuves, irréfutables, sont réunies dans cet inventaire non exhaustif d’œuvres (parfois) monumentales et (toujours) imaginatives. Ce tour de France nous promène, région par région, département par département, à travers jardins, cours ou salons. On découvre alors des créations signées par des anonymes « autodidactes populaires, bruts, naïfs, excentriques, loufoques, brindezingues, ou tout simplement inventifs » selon l’auteur. Juxtaposant pièces disparues (ou conservées depuis dans des musées) à des œuvres toujours visibles, rencontres avec les artistes et détails sur leurs parcours, Montpied signe un ouvrage magnifiquement humain. 936 p., 39 €. Thibaut Allemand


© Mars Film

# 56

écrans


Moi, Tonya

Ice crime Le nom de Tonya Harding, première patineuse américaine à réussir un triple axel en compétition, sera à jamais associé à l’attaque sauvage que son époux orchestra contre sa rivale, Nancy Kerrigan, avant les JO de 1994. Craig Gillespie raconte la jeunesse tumultueuse de la championne déchue, misant sur l’humour noir et la parodie de docu-fiction. Face caméra, voilà donc Tonya Harding (Margot Robbie) la quarantaine empâtée, revendiquant clope au bec sa condition de « redneck » et sa gloire passée. Lui succèdent Jeff Gillooly (Sebastian Stan), l’ex-mari violent, LaVona Golden (incroyable Allison Janney), mère alcoolique, cruelle et déjantée, ou encore un reporter de tabloïd. Chacun livre sa propre version de la vie de Tonya, ou du célèbre "incident" de 1994. Brillant parti pris de mise en scène : en miroir de ces faux "vrais entretiens" souvent hilarants, les comédiens reconstituent les épisodes évoqués, brisant régulièrement le 4e mur pour s’adresser au spectateur. Ainsi d’une Tonya de 20 ans, tirant à la carabine sur Jeff après une énième dispute, tout en clamant qu’elle n’a « jamais fait ça ! » Trop vulgaire ? Tonya Harding était-elle au courant de l’agression qui se préparait contre Nancy Kerrigan ? à la question qui agita la presse mondiale, Gillespie répond par la réhabilitation de la championne. Mais la polémique s’efface derrière un portrait tendre de l’Amérique white trash, peu représentée à l’écran, et le destin bouleversant de l’héroïne. Fillette puis femme battue à la recherche toute sa vie d’une reconnaissance. Athlète trop vulgaire pour le monde gracieux du patinage artistique. Idole à la gloire éphémère, interdite de pratiquer le sport pour lequel elle a donné sa vie. Marine Durand De Craig Gillespie, avec Margot Robbie, Sebastian Stan, Allison Janney… Sortie le 21.02


© Agat Films Cie Artemis Productions

écrans

Gaspard va au mariage

Règne animal

# 58

Tandis que Laura s’achemine vers Biarritz, elle rencontre dans le train Gaspard. Celui-ci se rend au remariage de son volage de père. En échange d’un peu d’argent, elle accepte de se faire passer pour sa petite amie. C’est ainsi qu’elle atterrit dans l’univers singulier d’un zoo, qui se révèle à bien des égards une cage dorée… Après le vivifiant Jeune femme, revoici Lætitia Dosch dans un rôle à sa mesure, quoique sans surprise : l’inconnue loufoque rêvant d’évasion, et dont s’éprend Gaspard (Félix Moati). Leur arrivée au zoo où il a grandi s’envisage comme un retour à la nature très encadré. Entre rite et rut, enfermement et esprit libertaire, le mariage du patriarche est un prétexte pour renouer avec une certaine normalité familiale. Bien que le titre ait tout du clin d’œil au Margot va au mariage de Noah Baumbach, Antony Cordier continue d’explorer un cinéma charnel. Il propose avec ce troisième long-métrage une chorégraphie zoomorphe. Entre conte cruel et fresque épicurienne, il dépeint les travers d’une famille qui se veut formidable mais se révèle dysfonctionnelle. Cet objet cinématographique aux plans soignés est sublimé par la bande-son de Thylacine (le loup dans la bergerie ?), soulignant les désirs incestueux de cette fratrie frappadingue (telle la petite Coline habillée d'une peau d’ours et poursuivant son frangin…). Pour sûr, les bestioles s’enfuiront de cette Arche de Noé déglinguée. Comme D’Antony Cordier, avec Lætitia le chantait Manset : « Animal, on est mal »… Dosch, Félix Moati, Christa Théret, Selina Aït Karroum

Marina Foïs… En salle



Pour faire genre

# 60

Cette année soufflera-t-elle un vent de renouveau sur les productions françaises ? Les fans de cinéma de genre ont de quoi s'enthousiasmer. Après Grave, et en attendant Les Garçons sauvages de Bertrand Mandico à la fin du mois, sort donc ce film fantastique… qui n’en est pas vraiment un, puisqu’il s’agit d'un programme de quatre courts-métrages. à l’origine du projet, on trouve So Film (et les éditions Capricci). Le magazine de Franck Annese a organisé des résidences pour encourager l’écriture de courts et longs-métrages de genre. La première fournée a pour dénominateur commun le fantastique, aboutissant à la réalisation de ces quatre films, pour autant de sous-thèmes "classiques". On retrouve la fable écologique angoissante (Acide), le film de zombies (Livraison), celui de mutant, où une adolescente remodèle son corps selon ses désirs (Aurore) et enfin le voyage hors de soi. Ce dernier sujet est abordé dans Chose mentale de William Laboury. Ema, jeune fille électrosensible, vit recluse dans une immense maison. Grâce à la méditation astrale, elle s’évade régulièrement de son enveloppe charnelle. Mais des cambrioleurs viennent troubler son étrange quotidien… Le réalisateur illustre ces voyages mentaux grâce aux mouvements instables de la caméra. Pour traduire l’électrosensibilité de l’héroïne, il s’est adjoint les services du compositeur Maxence Dussère qui a conçu un détecteur d'ondes émises par une dizaine d’appareils élecDe William Laboury, Maël Le Mée, triques. Le résultat est à l'image de cette Just Philippot et Steeve Calvo, sélection : bluffant, économe en effets spéavec Sophie Breyer, Didier Bourguignon, Constantin Vidal… Sortie le 14.02 ciaux, mais pas en idées. Hugo Guyon

Chose mentale © Capricci Films

écrans

4 Histoires fantastiques



Remue-ménage

# 62

Une clandestine quasi muette, une veuve fortunée et un beau brun ténébreux à l’évidente vénalité… à travers ce curieux ménage à trois, Raja Amari privilégie les rapports humains à l'engagement politique. Et elle le fait plutôt bien. Samia, migrante tunisienne, échoue de ce côté-ci de la Méditerranée avant de s’installer à Lyon. Son objectif est double : obtenir des papiers français et, surtout, échapper à son frère radicalisé qu’elle a dénoncé des années plus tôt. Désorientée, elle trouve d’abord refuge dans les bras d’Imed, ami d’enfance au charme indéniable. Puis elle atterrit chez Leila en tant que femme de ménage, veuve dont la tristesse n’a d’égale que la fortune. Dès lors, s'installe entre ces trois-là un pervers jeu de séduction mâtiné de tendresse familiale… En dépit des apparences, la cinéaste Raja Amari (Satin rouge) signe un long-métrage refusant tout discours politique sur l’immigration ou la radicalisation. Il est ici question d’identité, de tolérance, de promiscuité. Quasi tournée en huis clos, l'action se déroule essentiellement dans les appartements de Leila. Le spectateur s’interroge alors : qui est cette bourgeoise esseulée ? Et pourquoi s’entiche-t-elle de ces deux âmes perdues ? Nul ne le saura jamais, tant la réalisatrice entretient le flou autour des trois amants. Principal regret : le thriller érotique l’emporte trop vite sur les motivations du frangin revanchard. De Raja Amari, avec Hiam Abbass, L'intention du film était ambitieuse mais sa Sara Hanachi, Salim Kechiouche… Sortie le 21.02 résolution s'avère bâclée. Mélissa Chevreuil

© Paname Distribution

écrans

Corps étranger


La Forme de l’eau Considérée tantôt comme un "drame", une "romance" ou un film "fantastique", la dernière œuvre de Guillermo del Toro, Lion d’or à Venise, fait son miel du mélange des genres. En 1962, Elisa Esposito, femme de ménage muette dans un laboratoire secret américain, s’éprend d’une créature aquatique humanoïde subissant les pires sévices. Tandis qu’elle orchestre sa libération, le "monstre" suscite, en pleine Guerre froide, la convoitise russe… Malgré la poésie évidente de ce conte pour adultes, la bascule permanente entre un réel plutôt âpre et un imaginaire tout en douceur empêche La Forme de l’eau de nous submerger complètement. Reste un scénario original, une bouffée d’air dans un paysage hollywoodien asphyxié par les adaptations, suites et reboots. Marine Durand

© Agat Films Cie Artemis Productions

De Guillermo del Toro, avec Sally Hawkins, Michael Shannon, Doug Jones… Sortie le 21.02

Jean Rouch un cinéma léger ! Léger ? Sans doute. Mais de cette apesanteur apparente émane une véritable profondeur, un questionnement perpétuel. Tour à tour ingénieur, résistant (dans la division du Général Leclerc) puis cinéaste et ethnologue, Jean Rouch (1917-2004) est considéré comme l'un des pères du cinéma-vérité et une influence majeure de la Nouvelle Vague. Ces 26 films rares et inédits le prouvent à chaque seconde. Ici, se côtoient des "ethnofictions" réalisées entre amis, des documentaires sur les rites traditionnels (au Niger, au Mali, entre autres) et quelques portraits : on y croise Théodore Monod ou Raymond Depardon. Enfin, on retiendra cette conversation avec l'artiste nippon Taro Okamoto qui fut, comme Rouch, l’élève du sociologue Marcel Mauss. Comme le vaste monde est petit ! Thibaut Allemand Coffret 10 DVD, 60  €, Montparnasse Editions, www.editionsmontparnasse.fr


Pendant qu'Inès rêve de camping…, Paris, La Défense, 2016


© Elisabeth Blanchet

portrait

Ella & Pitr La tête dans les nuages

# 65

C’est un duo pas tout à fait comme les autres. Un couple d’artistes ayant la fâcheuse tendance à déborder de la feuille de papier… Ella Besnaïnou et Loïc Niwa, aka Ella et Pitr, aka Les Papiers Peintres, se sont fait connaître avec leurs gigantesques personnages endormis. Des colosses de peinture couchés sur les murs ou les toits des villes du monde entier. Rencontre dans leur atelier à Saint-Etienne, juste avant la sieste.


L’

histoire d’Ella et Pitr débute par une rencontre, à Saint-Etienne, en 2007. « Une nuit, elle réalisait ses premiers collages dans la rue et moi j’affichais des trucs pour un rassemblement de hip-hop », raconte Pitr (prononcez "pitre"). « On a échangé nos numéros de téléphone, enchaîne Ella. Il est venu chez moi quelques jours plus tard, et on a dessiné toute la soirée ». à 4 h du matin, ils partent à la recherche du mur idéal et forment leur première œuvre commune. La sortie se solde par l’escalade du Mont Pilat pour voir le soleil se lever sur la ville.

L'amour au premier collage… et la naissance d’un couple artistique : Les Papiers Peintres. « On a commencé par fabriquer des bonshommes en papier et puis… des vrais ! », plaisante Pitr. Aujourd’hui parents de deux garçons de neuf et six ans, ils multiplient les paroles ou gestes tendres. Dans leur appartement situé sur les hauteurs de "Sainté", une grande pièce claire leur sert d’atelier. Ils travaillent ensemble, mais n’ont pas de règles. « Parfois, c'est Ella qui prend en main une maquette pendant que je prépare la logistique, ou inversement ».

« On cherche toujours à dépasser nos limites » Carnet © Elisabeth Blanchet

Vers l’infini et au-delà Boulimiques de création, Ella et Pitr passent sans cesse d’un projet à l’autre, variant les techniques (peintures à l’acrylique, à l’huile ou à la bombe, sérigraphie, collage…) et les surfaces : toiles ou pistes d’aéroport, rideaux de fer des magasins ou coquillages… rien ne les arrête ! Et ils voient les choses en très, très grand. En témoignent ces colosses assoupis au milieu des grandes villes de la planète, sur les toits ou les murs de Montréal, Valparaiso en passant par Saint-Etienne, bien sûr. suite


Vue d'atelier Š Elisabeth Blanchet


# 68

Leur géant en short de 21 000 m2, qui a trouvé le sommeil au sommet d’un entrepôt, à Klepp en Norvège, est d'ailleurs considéré comme le plus grand graffiti du monde ! (mais ne les qualifiez surtout pas de streetartistes, ils détestent). « On cherche toujours à dépasser nos limites et les murs ont aussi les leurs. Ce qu’il y a de plus imposant, ce sont les surfaces au sol. On a donc basculé à l’horizontal… », explique Ella, qui refuse toutefois « tout discours intellectuel » pour justifier cette démarche. « On tient quand même à dessiner des personnages endormis contrastant avec le chaos des villes », selon Pitr. Ces gigantesques figures à l’esthétique enfantine sont généralement exécutées à l'acrylique.

Elles constituent « une famille de témoins silencieux et éphémères en milieu urbain », peut-on aussi lire dans un recueil sorti en octobre*. Elles sont inspirées de leurs proches (oncles et tantes) ou sont issues de l'imagination de leur progéniture, de leurs carnets de voyage… Pour leur donner vie, il faut prendre de la hauteur. Ils utilisent ainsi Googlemap ou des drones. Les spots sont choisis ensemble : « Soit on prépare les croquis en fonction d’un endroit qui nous plaît, soit on marche des heures dans les rues à la recherche du support adéquat », détaille Pitr. Homme invisible En peignant ce monumental migrant sur le barrage abandonné


Le Naufrage de Bienvenu, Barrage du Piney, Saint-Chamond, 2017

« Des personnages endormis qui contrastent avec le chaos des villes » du Piney, près de Saint-Etienne, Ella et Pitr ont réinvesti la dimension verticale. « Avec un accès à un mur pareil, on n’allait pas dessiner une petite fille tenant un ballon en forme de cœur », ironise Pitr, en référence à une célèbre pièce de Banksy. Pourquoi ce sujet ? Pas de message, « mais plutôt une idée générale, sans se montrer moralisateurs. C’était une façon de rendre visible un drame bien réel et que tout le monde fait semblant de ne pas voir.

Avec un réfugié géant de 47 m de haut, en plein milieu du paysage, on ne peut plus nier le problème… ». Le Naufrage de Bienvenu (c’est son petit nom) est aussi synonyme de prouesse technique, avec son lot « de frayeurs lors de la descente en rappel » se souvient Ella, en tendant une photo de ses deux fils suspendus à des cordes. L’aventure, c’est l’aventure… Elisabeth Blanchet à visiter / www.ellapitr.com * à lire / Ella & Pitr, comme des fourmis, Collectif réunissant des textes de Sophie Pujas, Joël Pommerat, François Rancillac, Alexandre Chemetoff, Denis Lavant, Rufus… (éditions Alternatives), 248 p., 35 €, www.editionsalternatives.com à voir / Baiser d'encre, documentaire de Françoise Romand (Alibi Productions)

suite



Helmut ou "une chanson douce que me chantait ma maman" Sudbury, Ontario, Canada, 2016


exposition

# 72

ULTRA NORMAL De la série "Le Complexe du homard" © Cléo-Nikita Thomasson / Les Chiroux


BIP 2018

Le champ des possibles De la photo, bien sûr, mais aussi de la vidéo, des installations et même des gifs ou du mapping… Durant six semaines, la Cité ardente réserve huit espaces d’exposition à l’image contemporaine. Accueillant les œuvres d’une quarantaine de (très) jeunes artistes, BIP 2018 fait le pari, iconoclaste par les temps qui courent, de l’optimisme.

En 2016, la Biennale internationale de photographie de Liège devenait Biennale de l’Image Possible. Un nom soulignant l’ouverture aux nouveaux usages et le virage de la manifestation « vers un avenir porteur d’espoir », relève la directrice artistique, Anne-Françoise Lesuisse. De la crise climatique à l’élection de Donald Trump, il y aurait bien des raisons de céder à la morosité ambiante. Au musée de La Boverie, les 12 photographes et plasticiens de Fluo noir, l’exposition centrale (la seule payante) de BIP 2018, « ont pour point commun de créer en même temps qu’ils détruisent ». à commencer par le Roubaisien David de Beyter, qui se consacre à l’étude du "Big Bangers", une variante du

motocross consistant à démolir des voitures pour la beauté du geste. Dans Traum, fiction rétro-futuriste mêlant courts-métrages, clichés et impressions 3D, SMITH saisit les étreintes entre un ingénieur narcoleptique et le fantôme d’un cosmonaute. Quant à Viviane Sassen, doyenne de la troupe du haut de ses 45 ans, elle ravive l’Afrique de son enfance dans ses portraits d’hommes et femmes sans visage, conférant à ses images une aura mystérieuse. Faire corps à Liège, la photographie sort aussi de son cadre. Ainsi des Sweaty Sculptures de la Néerlandaise Anouk Kruithof, déployant en volumes et en couleurs une anatomie humaine suite


FLUO NOIR De la série Animal Material, 2016 © Satoshi Fujiwara

« Le corps tient une place centrale ici »

# 74

transpirante. « Le corps tient une place centrale ici », remarque Anne-Françoise Lesuisse. Il préoccupe particulièrement la génération émergente. à l'image de La Flamme double, réunissant huit diplômés de l’ENSP* d’Arles, ou encore d'Ultra Normal, présentant ceux des meilleures écoles belges. Ces jeunes artistes explorent la dimension sociale de nos chairs, en s'intéressant * École nationale supérieure de la photographie

LA FLAMME DOUBLE Sans titre © Guillaume Delleuse © Les Brasseurs

notamment aux métamorphoses au moment de l’adolescence, ou à l'intrusion de la technologie… Enfin, un acteur inattendu s’invite dans cette Biennale : le chat, célébré dans le projet Pussy. Trente créateurs sondent l’omniprésence de l’animal totem d’Internet en exploitant son immense photogénie, un événement qui tombe pile-poil. Marine Durand Liège, 17.02 > 01.04, divers lieux et horaires, gratuit (sauf Fluo noir), www.bip-liege.org Fluo noir : La Boverie, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 5 € / gratuit (retour gratuit)


FLUO NOIR D.N.A, de la série Lexicon, 2007, 40 x 32 cm © Viviane Sassen © Courtesy of Stevenson, Cape Town and Johannesburg


exposition

# 76

Mariela Garibay, LibertĂŠ, 2017 bronze, 55 x 35 x 30 cm, Melting Art Gallery


Art Up !

épatantes galeries En une décennie, Art Up ! s'est imposée comme la première foire régionale d'art contemporain en France. Soit quatre jours pour découvrir la création d'aujourd'hui. Cette année, au cœur des 12 000 m2 de Lille Grand Palais, il est question de volumes, de sculptures… et de bien d'autres surprises. Art Up!, c'est d'abord une foire professionnelle. « La plus importante en province », soutient son directeur, Didier Vesse. Celle-ci a attiré en 2017 quelque 32 000 visiteurs et rassemble une centaine de galeries, principalement hexagonales, mais aussi belges. Le principe reste le même : « transformer les néophytes en amateurs, en acheteurs puis en collectionneurs ». Attention, le virus s'attrape facilement, et pas forcément à grands frais : « on peut démarrer par une estampe à 200 euros. D'ailleurs, le vernissage a lieu le jour de la Saint-Valentin, voilà peut-être une belle idée de cadeau… ». Petits papiers Art Up !, c'est aussi un joli panorama de la création contemporaine. « Les principaux mouvements sont représentés : la figuration libre, le street-art, les outsiders… la qualité du rendez-vous réside dans son éclectisme ». Le thème de cette 11e édition, "Volumes et sculptures", est mis en valeur dans l'allée centrale. On y trouve par exemple les minuscules (et minutieuses) pièces en papier de l'Anglais Rogan Brown, s'inspirant de micro-organismes. Plus loin, l'étonnante transparence des œuvres en marbre de Naxos d'Ingbert Brunk répond à merveille aux sculptures de lumière (ou « luchrones ») d'Alain Le Boucher. Entre autres temps forts citons "La Nuit de l'art", rythmée de performances live, et l’exposition "Revelation" rassemblant de jeunes artistes issus d'écoles régionales, sans doute impaLille, 15 > 18.02, Lille Grand Palais, tients à l'idée, eux aussi, d'épater la galerie. mercredi : vernissage, 19 h, Julien Damien

jeu : 11 h > 23 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 10 h > 20 h, 9 / 7 € (revisite offerte) / gratuit (-10 ans), www.art-up.com


exposition

# 78

Greenfort, Tamoya Ohboya, Tidalectics, 2017 © Jorit Aust


Océans

La (sur)vie aquatique Le Fresnoy fait rimer art avec écologie. Entres photos, vidéos ou installations sonores et olfactives, cette exposition révèle les œuvres d'une vingtaine d'artistes internationaux. Ceux-ci nous offrent une plongée instructive et poétique au cœur de nos océans, si riches et pourtant si malmenés… C'est un voyage aux confins d'un territoire recouvrant quelque 70 % de notre planète, mais finalement méconnu. « On en sait plus sur l'espace que sur nos océans, et l'on n'a de cesse de les polluer alors qu'ils sont absolument déterminants pour notre avenir », remarque Pascale Pronnier, la responsable de la programmation. L'objectif de cet accrochage est donc de sensibiliser le public aux richesses biologiques et culturelles du « plus grand biotope au monde ». Comment ? En nous immergeant en pleine mer, via le regard de créateurs dont la démarche s'inscrit à la croisée des arts et de la science. Parlez-vous le dauphin ? Le parcours est jalonné de vidéos, photos, dessins, témoignages et même… de méduses. Confiées par Nausicaa, ces créatures à la fois « magnifiques et maléfiques » prolifèrent en effet dangereusement, « trouvant avec les déchets en plastique un habitat idéal… ». Voyageant de l'Arctique aux mangroves, en passant par la Polynésie où la population lutte contre la montée des eaux, le visiteur découvre aussi de curieux objets. à l'image de cette capsule sous-marine du Mexicain Ariel Guzik. Digne d'un roman de Jules Verne, « cette sculpture musicale permet de communiquer avec les cétacés »… Nos sens, aussi, sont bouleversés, notamment par les compositions de Jana Winderen. La Norvégienne a posé ses micros à Dunkerque, restituant en direct le paysage sonore et subaquaTourcoing, 10.02 > 22.04, Le Fresnoy, tique de la mer du Nord. Un drôle de mer, jeu, dim : 14 h > 19 h, ven & sam : 14 h > 20 h, 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), carnaval… Julien Damien www.lefresnoy.net


exposition

Fernand Léger, Le Transport des forces, 1937 Centre national des arts plastiques, Paris. En dépôt au Palais de la Découverte © CNAP/Photo Yves Chenot © SABAM Belgium 2018

fernand léger

Témoin de son temps

# 80

« Le beau est partout », affirmait Fernand Léger. Le Normand puisait ainsi son inspiration dans la publicité, l’urbanisme ou les machines rythmant une époque alors en pleine mutation. Né en 1881 (comme Picasso), ce fils d’un éleveur de bœufs compris très vite à quel point le progrès avait changé notre vie. Il lui fallait donc inventer une nouvelle façon de la peindre. Ces "temps modernes" le fascinait (en témoigne ce Charlot cubiste, hommage rendu à Chaplin avec des bouts de bois). Il les jugeait trépidants et colorés, et n’eut de cesse d’en capter le mouvement. à l’image de cette fresque monumentale, Le Transport des forces (1937), ouvrant ce parcours riche d’une centaine d’œuvres. Montée en partenariat avec le Centre Pompidou-Metz, cette rétrospective est la première consacrée à cet avant-gardiste depuis 1956 en Belgique. Elle se divise en six chapitres dont "Vitesse et machine", "Cinéma", "Architecture"… pour autant de reflets poétiques de notre monde. Du lourd ! J.D. fernand léger - le beau est partout Bruxelles, 09.02 > 03.06, Bozar, mar > dim : 10 h > 18 h, jeu : 10 h > 21 h, 16 / 14 / 2 € (-26 ans), www.bozar.be



Le Général Bonaparte à Arcole, Antoine Jean Gros, 1796 © RMN-Grand Palais (château de Versailles) / Franck Raux

Napoléon. Images de la légende à la faveur d’un partenariat établi en 2011 avec le Château de Versailles, le Musée des beaux-arts d’Arras accueille plus de 160 œuvres issues de sa collection. Ces peintures, sculptures ou meubles, pour beaucoup commandés par l’Empereur luimême, offrent une plongée exceptionnelle dans l’histoire européenne, de la gloire à l’exil du petit Corse. On découvre aussi les talents d’un redoutable communicant, qui utilisait l’art pour asseoir son pouvoir. Arras, Jusqu’au 04.11, Musée des beaux-arts, lun, mer > ven : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 7,50 / 5 € / gratuit (-18 ans), napoleon.versaillesarras.com

Reflection by Jean-Paul Lespagnard C’est l’un des stylistes les plus fascinants de sa génération. Touche-àtout, audacieux et doté d’un sens de la dérision éminemment belge, Jean-Paul Lespagnard divulgue son processus créatif ! Déployée sur trois étages, cette exposition (dont il est le commissaire) révèle ses sources d’inspiration (Wim Delvoye, Jan Fabre…), ses pièces phares, des silhouettes aux foulards, et nous invite enfin à imaginer les nôtres dans son laboratoire ! Bruxelles, Jusqu’au 15.04, Musée mode & dentelle, mar > dim : 10 h > 17 h, 8 > 4 € / gratuit (-18 ans)

Soviet Design. Red Health C’est le témoignage rare d’un monde désormais disparu. Cette rétrospective rassemble près de 600 objets du quotidien et travaux graphiques réalisés en URSS au siècle dernier : des années 1950 aux Jeux olympiques de Moscou (1980). Transistors, gramophones, machines à coudre mais aussi affiches, couvertures de magazine… Ces pièces emblématiques du mode de vie soviétique révèlent un design singulier, marqué par sa durabilité, son épure et sa modularité. Bruxelles, Jusqu’au 21.05, ADAM (Brussel Design Museum), tous les jours : 10 h > 18 h, 6 / 5 € / gratuit (-5 ans), www.adamuseum.be

Marc Trivier

# 82

Ce Belge a parcouru le monde au début des années 1980 pour portraiturer ses artistes favoris (Bacon, Burroughs, Dubuffet, Borges…) de la même manière qu’il a saisi des aliénés, des arbres ou des bêtes dans des abattoirs. Ses noirs et blancs argentiques, dépouillés de tout artifice, interrogent l’acte de photographier lui-même. Cette exposition rare révèle 40 ans d’une création focalisée sur la capture de la lumière et du temps qui passe. Charleroi, Jusqu’au 22.04, Musée de la photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 4 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be



Quentin De Coster, ARGAND © Stéphanie Derouaux

From Belgium With Light Le ciel de Belgique n’est pas le plus illuminé au monde. Pour autant, le plat pays reste l’une des contrées les plus "allumées". Dans les années 1980, de nombreux fabricants d’éclairage professionnel s’y sont implantés, plus particulièrement en Flandre. De Nathalie Dewez à Jos Devriendt en passant par Alain Berteau, les designers de la lumière artificielle ont ainsi acquis une reconnaissance internationale, comme nous le montre cette belle collection de lampes made in Belgium. Hornu, Jusqu’au 25.02, Centre d’innovation et de design, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be

Guyomard, Rétro & Rock

Carnets du Nord

Peintre autodidacte, ami de Peter Klasen ou Roland Topor, Gérard Guyomard est un acteur majeur de la figuration narrative ou libre en France. Le rock reste l’une des thématiques constantes de son travail, depuis près de 50 ans. Cette sélection d’une trentaine de toiles réalisées entre 1966 et 2013 donnent à voir des œuvres colorées et subversives, drôles et sensuelles. Oui, comme la musique du diable.

Lauréat en 1984 du prestigieux prix Niépce, Thierry Girard avait photographié le Nord - Pas-de-Calais entre 1977 et 1985. Il saisit alors cette région durant le déclin de l’exploitation minière. Ce parcours confronte ses clichés en noir et blanc de terrils ou cités ouvrières à de nouvelles images de ces territoires capturées en 2017. Le dialogue entre les époques offre une belle réflexion sur les métamorphoses d’un paysage désormais inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco.

Le Touquet, jusqu’au 20.05, Musee du Touquet-Paris-Plage, tous les jours sauf mardi : 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), www.letouquet-musee.com

Lewarde, 01.02 > 26.08, Centre historique minier, lun > sam : 13 h > 17 h, dim : 10 h > 17 h (dès le 01.03, 9 h > 17 h 30), 14,30 / 6,70 €, chm-lewarde.com

# 84

David LaChapelle. After The Deluge Après les grandes expositions consacrées à Warhol ou Van Gogh, le BAM accueille le travail de David LaChapelle. Ce parcours présente une centaine de photographies de l’Américain. La première partie se concentre sur des images conçues jusqu’en 2007, dont Deluge, grande fresque mettant en scène des hommes, femmes et enfants se débattant en pleine apocalypse à Las Vegas. La seconde révèle des créations récentes, illustrant des préoccupations plus écologiques. Mons, Jusqu’au 25.02, BAM, mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans), bam.mons.be



© Wonge Bergmann

# 86

théâtre & danse


Belgian Rules / Belgium Rules

Ceci n'est pas un pays Surréaliste, foutraque, créative, baroque… Oui, la Belgique est tout cela à la fois… et bien plus encore ! Alors, qui mieux que Jan Fabre pour lui rendre hommage ? L'enfant terrible de la scène flamande célèbre son "Absurdistan" en mêlant la danse au théâtre et la musique aux arts plastiques, dans un grand moment de fête et de subversion. évidemment, il sera ici question de frites, de bière, de carnaval, mais aussi de Magritte, de BD, de colonialisme, de Diables Rouges… Bref, de tout ce qui constitue l'identité de ce petit pays qui n'a franchement rien de plat. Dans cette pièce de quatre heures, Jan Fabre détourne les clichés accolés à la Belgique. « Avec ironie bien sûr, mais aussi une grande tendresse », précise Didier Thibaut, directeur de la Rose des Vents et infatigable défricheur de la scène flamande. Machine bien huilée Sur le plateau, 15 performeurs se succèdent à un rythme effréné. Ils enchaînent les tableaux illustrant tantôt un jalon de la gastronomie, tantôt une figure, une manie ou un proverbe typique (les Wallons ne prétendront plus avoir "une brique dans le ventre" comme avant…). Entre des Manneken-Pis s'oubliant allègrement, un ballet de Gilles sur fond de techno, on croise des types s'envoyant des verres de gueuze à la figure… « C'est une véritable ode à la Belgique, une fresque intime, une sorte de revue. Les moments de théâtre sont entrecoupés de chorégraphies. L'ensemble est truffé de références à la peinture, via des reconstitutions scéniques de toiles ». à l'instar de La Dame au cochon de Félicien Rops, ici incarnée par une actrice promenant Liège, 13 & 14.02, Théâtre de Liège, 19 h, 25 > 8 €, theatredeliege.be un homme à tête de porc. L'image sert Villeneuve d'Ascq, 21 > 23.02, La Rose un commentaire acide de la politique des Vents, 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr (on ne se refait pas…). Oufti, le bazar ! Julien Damien

Courtrai, 28.03, Schouwburg, 20 h 15, 28 > 15 €, schouwburgkortrijk.be

Bruxelles, 20 & 21.04, Kaaitheater, 19 h, 27 > 10 €, www.kaaitheater.be


nouveau régime

# 88

Un légume sur le trône ? Pourquoi pas ! C'est le point de départ de l'opéra bouffe de Jacques Offenbach. Le Roi Carotte, immense succès à sa création en 1872, est pourtant l'une des œuvres les moins connues du maître du genre. La mise en scène de Laurent Pelly, présentée à l'Opéra de Lille, joue la carte du loufoque et du merveilleux. Bienvenue au royaume de Fridolin XXIV. Alors qu'il s'apprête à convoler en justes noces, le souverain se retrouve détrôné par… une carotte, accompagnée d'une bande de radis et de navets. Cerveau malveillant de ce coup d’État, la sorcière Coloquinte a fait sortir de terre cette armée de légumes. Exilé au royaume des insectes, le roi Fridolin devra, pour reconquérir le pouvoir, voyager jusqu'à l'antique Pompéi… Fin connaisseur et metteur en scène insatiable d'Offenbach, Laurent Pelly a été séduit par l'humour délirant du livret et le foisonnement de cette intrigue inspirée d'un conte d'Hoffmann. La première livraison durait près de six heures, la version courte présentée à Lille a donc dû être adaptée. L’œuvre fut d'ailleurs, jusqu'ici, peu jouée et jamais enregistrée. Entre satire politique et « féerie potagère » comme la qualifie Pelly, cette relecture renvoie autant à Mel Brooks qu'à David Cronenberg. 40 personnages, des costumes extravagants, 11 tableaux et moult décors… L'opéra alterne scènes parlées et chantées, gags et (més) aventures. En somme, un grand n'importe quoi délicieux et vitaLille, 01 > 13.02, Opéra, mar & jeu : 20 h, sam : 18 h, dim : 16 h, 71 > 5 €, www.opera-lille.fr miné (forcément). Madeleine Bourgois

© Stofleth

Le Roi Carotte



théâtre & danse

festen

Le jeu de la vérité

# 90

Le collectif MxM fut révélé avec ses "performances filmiques", soit des pièces mêlant théâtre et cinéma. Après Nobody en 2015, glaçante plongée dans le monde de l'entreprise, le revoici avec une adaptation de Festen, prix du jury à Cannes en 1998. Au menu ? Mensonges, odeurs et vidéo. Il y a 20 ans, le Danois Thomas Vinterberg secouait la Croisette avec le dérangeant Festen. L'argument ? Helge Klingenfelt réunit sa famille dans son manoir pour célébrer ses 60 ans. Il a demandé à Christian, son fils aîné, de dire lors du dîner quelques mots en hommage à Linda, sa sœur jumelle

qui s'est suicidée un an plus tôt. Mais celui-ci saisit cette occasion pour dénoncer les viols que son père leur a infligé durant l’enfance. Inceste, éclatement d'une microsociété fondée sur le mensonge… : les thèmes sont nombreux. « Mais je pense que Festen parle en réalité d'une seule


© Simon Gosselin

Lille, 07 > 11.02, Théâtre du Nord, mer & ven : 20 h, jeu & sam : 19 h, dim : 16 h, 25 > 10 €, theatredunord.fr

chose : la capacité de se réconcilier avec sa propre histoire pour en bâtir une nouvelle », explique le metteur en scène, Cyril Teste. à bien y regarder, il y a aussi du Shakespeare ici. « Pour moi il s'agit d'un Hamlet contemporain, cet aristocrate habité par un fantôme, qu'il libère en révélant la vérité… ». Temps réel Au-delà du fond, c'est aussi par la forme que Festen détonnait, posant les bases (avec Lars Von Trier) du Dogme 95, courant caractérisé par le réalisme de ses séquences tournées caméra à l'épaule. Le collectif MxM bouscule à son tour la tradition avec un langage singulier : la "performance filmique". « C'est une hybridation entre le cinéma et le théâtre ».

Ou comment réaliser un long-métrage en direct, sous les yeux du public, tout en lui dévoilant les scènes hors-champ, offrant deux lectures de la pièce. Le jeu des 15 interprètes est saisi par des cameramen et projeté sur un grand écran surplombant la scène. Le spectacle dure le temps de ce sulfureux repas, auquel quatre spectateurs sont invités chaque soir ! Autre innovation : "l'illustration olfactive". La salle est traversée par trois fragrances créées par le "nez" Francis Kurkdjian : celle de la forêt entourant le manoir, puis du feu de cheminée crépitant à l'intérieur de la demeure et, enfin, le parfum de Linda. « On effectue un zoom olfactif, se rapprochant du récit via l'odorat ». Histoire de donner un autre sens à la fête… Julien Damien


Quand Rostand vole la vedette à son illustre création… Cette troisième pièce d'Alexis Michalik raconte le "making-of" de Cyrano de Bergerac. Nous sommes en 1897. Alors que Feydeau triomphe, le trentenaire piétine. Toutes ses œuvres sont des bides. Jusqu'à celle-ci, interprétée par Constant Coquelin (le Depardieu de l'époque), qui deviendra le plus grand succès du théâtre français… Edmond s'en montre digne, raflant cinq Molières en 2017. Sur scène, 12 comédiens incarnent une trentaine de rôles dans un spectacle mêlant le vrai au faux et l'humour à l'émotion. On y croise Ravel, des actrices survoltées et, bien sûr, un gros nez ! J.D. Roubaix, 13 & 20.02, Le Colisée, 20 h 30, 43 > 10 €, www.coliseeroubaix.com Amiens, 14 > 18.02, La Comédie de Picardie, mer & sam : 19 h 30, jen & ven : 20 h 30, dim : 15 h 30, 27 > 13,50 €, www.comdepic.com // Douai, 19.02, Théâtre municipal, 20 h 30, 41 > 8 €, ville-douai.fr

©#Christophe Engels 92

Gaz, plaidoyer d'une mère damnée Un Belge radicalisé commet un attentat au gaz dans le métro, tuant des dizaines de personnes avant d'être abattu. Sa mère tente de comprendre, voire d'expliquer, le geste de son fils dont elle retrace la vie. Signé par Tom Lanoye, ce court mais puissant texte est incarné par Viviane de Muynck (La Chambre d'Isabella de Jan Lauwers). Seule sur scène, l'actrice flamande s'adresse au public, tout à la fois touchante et troublante. J.D. Namur, 01 > 03.02, Théâtre Royal, 20 h 30, 21,50 > 10 €, Béthune, 07 > 09.02, Le Palace, 20 h, 20 > 5 € Bruxelles, 15 > 23.02, Théâtre des Martyrs, mar & sam : 19 h, mer, jeu, ven : 20 h 15, dim : 16 h, 21 > 17 € Tournai, 17 & 18.04, Maison de la Culture, 20 h, 20 / 12 €

© Alejandro Guerrero

théâtre & danse

Edmond



# 94

© Thomas Faverjon

théâtre & danse


L'Autre fille

à l'intérieur "L'autre fille", c'est la sœur aînée d'Annie Ernaux, morte à l'âge de six ans, deux ans avant que l'auteure ne vienne au monde. Celle-ci a appris son existence lorsqu'elle était enfant, au détour d'une conversation. Elle n'en saura pas plus mais cette absence ne la quittera jamais… De cette histoire racontée dans un livre en 2011, Cécile Backès tire une pièce émouvante sur la mémoire et l'identité. C'est un texte court mais débordant de silences et de questions. Il est écrit sous la forme d'une lettre adressée à cette fillette qu'elle n'a pas connue mais qui la hante… « Elle est partout et nulle part, dans le corps même de la narratrice », commente Cécile Backès. La directrice de la Comédie de Béthune n'a pas hésité avant d'adapter ce récit. « Il y est question de fantômes, de croyances et de notre propre mort… De cette vie intérieure commune à tous mais dont on parle finalement peu. C'est une fonction du théâtre de la partager ». Les voix du passé Cécile Gérard incarne l'écrivaine. Elle interpelle et tutoie cette sœur disparue, non pas sur scène mais seule au milieu du public, au centre d'un décor constitué de tables et de chaises. « On peut y voir un espace d'écriture ou le spectre du café que tenaient les parents d'Annie ». Elle chemine entre ces meubles comme en elle-même, en quête de son identité, « se demandant où cette sœur vit en elle ». Au fil du spectacle, le passé ressurgit. Des bribes de conversation saisies durant l'enfance esquissent cette absente qui remplit tout. Des voix résonnent comme si on se trouvait dans sa tête, telle cette comptine que lui chantait sa mère, Gentil coquelicot mesdames, restituée ici via des enregistrements de Marles-les-Mines, 01.02, Salle Pignon, chorales enfantines. Un solo délicat, 20 h, 6 € / gratuit (pour les Marlésiens), www.ville-marleslesmines.fr s'aventurant dans l'au-delà pour mieux Béthune, 21 > 23.02, Foyer du Palace, s'adresser aux vivants. Julien Damien 20 h, 20 > 5 €, www.comediedebethune.org


Pas de côté

# 96

Non, la danse hip-hop ne se résume pas à des types en jogging tournant sur la tête. Moins populaire que le break ou les battles, sa forme chorégraphiée demeure pourtant foisonnante, comme le démontre la 5e édition de ce festival made in Wazemmes. La danse hip-hop chorégraphiée se caractérise, entre autres, par son métissage. à l'image de Nass (Les gens) de Fouad Boussouf, puisant dans les traditions nord-africaines, en particulier marocaines. « La plupart des projets de cette édition pose la question de l'identité, du déracinement…», observe Olivier Sergent, directeur du Flow et de la maison Folie Wazemmes. C'est ainsi le cas du premier spectacle de la compagnie sénégalaise La Mer Noire, Gaou, du nom de ces immigrés quittant leur pays pour découvrir le vaste monde, perdant leurs repères pour en inventer d'autres… Si la créativité est ici mise à l'honneur, les "shows" ne sont pas oubliés. « On tient aussi à ces petites formes, courtes et performatives ». Et puis, tandis que le festival (dans le festival) Waka Waka se Lille, 15.02 > 03.03, maison Folie Wazemmes, Flow…, penche sur le volet afro-urbain, 1 spectacle : 12 > 3 € / gratuit // Ateliers : 13 > 3 € // Journée d'initiation gratuite, flow.lille.fr comment ignorer la Lille Battle + Lille Battle Pro : Lille, 24.02, Zénith, 19 h 30, 35 > 21,50 €, battle-pro.com Pro se tenant en parallèle au + Waka Waka (par Wawa l'asso) : 16 > 18.02 Zénith, transformé en temple du Sélection : Cie la Mer Noire : Gaou (15.02) // Cie break ? « Un événement monMassala : Nass (Les gens), Nadja Harek : Mayotte Hip Hop (R)évolution (documentaire) (20.02) // Soirée dial dont on assure le before ». shows chorégraphiés (22.02) // Before Lille Battle Pro (23.02) // Cie YZ : R1R2 Start (27 & 28.02) // Carte L'occasion rêvée de côtoyer les blanche à Great Plains Pictures (01.03) // Cie Jessica meilleurs danseurs de la planète ! Noita : Cabine d'essayage, Meauxtown & Lady Rocks : Julien Damien

Attitude (02.03) // Journée d'initiation (03.03)

© Jody Carter

théâtre & danse

Hip Open dance



© Julian Torres

théâtre & danse

Biyouna Biyouna, c'est un peu le pendant féminin de Fellag. Cette même gouaille, ce talent pour dépeindre des personnages truculents, conter des histoires farfelues ou émouvantes… et cet amour vache pour l'Algérie – « j'ai jamais vu un peuple comme ça : il vénère son pays… mais il veut pas y vivre ». Dans ce spectacle mêlant danse, musique et one-woman-show, la native du quartier algérois de Belcourt (comme Camus) incarne une gérante de cabaret, ce lieu typiquement algérien qui a lancé nombre d'artistes (dont Biyouna). Mais celuici doit fermer. Elle prépare donc une grande fête, passant en revue sa vie, celle de ses clients… Tous des « cas barrés », évidemment. J.D. Mon Cabaret Roubaix, 17.02, Le Zéphyr, 20 h 30, 26 > 18 €, www.zephyrhem.fr

# 98 © DR

Dernier coup de ciseaux On aborde cette pièce comme un Cluedo grandeur nature. Enquêtant sur un meurtre commis dans un salon de coiffure, le public peut intervenir à tout moment ! Il collabore activement avec une brochette de personnages hauts en couleur (un coiffeur homosexuel, deux policiers décalés ou une milliardaire trompant son mari…). L’improvisation omniprésente rend chaque représentation unique depuis 30 ans (et 9 millions de spectateurs à travers le monde). à vous de jouer ! A.L. Bruxelles, 28.02 > 07.04, Théâtre de la Toison d'Or, mer > sam : 20 h 30 (sauf dim 11.03 : 14 h), 25 > 8 €, ttotheatre.com



elles s'aiment

© Pascal Victor

Si le duo change, l’humour reste percutant. 20 ans après, Muriel Robin remplace Pierre Palmade pour s'embrouiller avec Michèle Laroque. Rencontre avec les beaux-parents, leçon de conduite ou encore mariage (et divorce) sont au programme… Ces drôles de dames reprennent les meilleurs sketchs de la fameuse trilogie sur la vie de couple. La complicité entre les deux comédiennes se prolongera sur grand écran, puisqu’un film inspiré de la pièce est en préparation ! Charleroi, 02.02, Palais des Beaux-Arts, 20 h, 65 > 39 € // Lille, 17.02, Théâtre du Casino Barrière, 20 h 30, 49 > 43 € // Roubaix, 20.03, Le Colisée, 20 h 30, 55 > 15 € // Dunkerque, 21.03, Kursaal, 20 h 30, 55 > 35 € // Liévin, 31.03, Arena Stade Couvert

Five Easy Pieces

On n’est pas que des valises !

Milo Rau / Campo

Les Samsonite

Du djihadisme (The Civil Wars) aux génocides africains (L'Histoire de la mitraillette), Milo Rau s'est fait une spécialité de porter les sujets brûlants sur scène. à travers cette pièce créée en collaboration avec le centre d'art CAMPO, le dramaturge suisse s'attaque cette fois à l'affaire Dutroux, en la jouant… avec des enfants. Mais le "monstre" belge n'est pas vraiment le sujet. Il sert plutôt d'alibi à un spectacle interrogeant l'état d'un pays, la peur, le deuil et notre capacité de résilience.

En 2007, l’entreprise Samsonite, à Hénin-Beaumont, fut fermée du jour au lendemain, laissant 200 personnes sur le carreau et sans plan social. La multinationale américaine Bain Capital, propriétaire du bagagiste, avait brandi un projet de reprise par Energy Plast… qui s’avéra être une société écran. Mais ces ouvrières se sont battues devant les tribunaux des deux côtés de l’Atlantique. C’est leur histoire que jouent sur scène ces apprenties-comédiennes. Le récit d’une lutte emblématique pour la justice et la dignité.

Zaventem, 02.02, CC De Factorij, 20 h, 15 > 2,50 € Bruxelles, 23 > 25.02, Théâtre national, Complet ! Charleroi, 02 & 03.03, Palais des beaux-arts, 20 h, 15 > 10 € // Amiens, 23 & 24.03, Maison de la Culture, 20 h 30, 29 > 13 €

Feignies, 03.02, Espace Gérard Philipe, 20 h 30, 10 / 7 € // Béthune, 24.02, Théâtre municipal, 20 h 30, 22 / 18 €

# 100

Le Petit moi(s) Du théâtre, des bals, des concerts, des films… Oui, mais pour les enfants dès 3 ans ! Ce festival propose des créations à hauteur de bouts de chou, mais jamais au ras des pâquerettes. à l’image du Journal de Francis, hamster nihiliste (Cie Par-dessus bord) s’intéressant au sens de la vie à travers les égarements d’un petit rongeur. Pendant ce temps-là, Tony Melvil et Usmar explorent nos rêves d’enfants en musique dans Quand je serai petit. Petits spectateurs, mais vaste programme. Lomme, 03 > 28.02, maison Folie Beaulieu, divers horaires, 3 € / gratuit, www.ville-lomme.fr



La Double inconstance (ou presque) Marivaux / J-M. Rabeux / La Compagnie

Détail © Noémie Goudal,Courtesy Galerie Les filles du calvaire / Edel Assanti

C’est certainement l’œuvre la plus cruelle de Marivaux. Politique, aussi. Jugez plutôt : Sylvia et Arlequin s’aiment. Mais le Prince s’éprend de Sylvia et fera tout pour briser leur union. Il enlève donc la belle et l’enferme dans son palais. Puis il pousse Flaminia à séduire Arlequin… Dans cette adaptation de Jean-Michel Rabeux, les personnages évoluent dans un décor en trompe-l'œil. Surtout, la pièce dénonce l’abus de pouvoir des riches sur les pauvres… Ça ne vous rappelle rien ? Dunkerque, 07 & 08.02, Le Bateau Feu, mer : 20 h, jeu : 19 h, 9 €, www.lebateaufeu.com

Fidélité criminelle Chazz Palminteri / Catherine Claeys & Claude Enuset Le triangle amoureux est un grand classique du théâtre. Sauf qu’ici, il met en jeu des personnages plutôt familiers du… thriller. Logique, son auteur n’est autre que Chazz Palminteri, grand acolyte de Robert De Niro (Il était une fois le Bronx, Mafia Blues…). La pièce narre les déboires entre une bourgeoise délaissée par son mari et un tueur à gages, soulevant son lot de questions existentielles. Bruxelles, 07.02 > 04.03, Théâtre des Galeries, mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 25 > 10 €, trg.be

# 102

Merlin. L’intégrale

Requiem pour L. Platel / Ballets C de la B / F. Cassol 14 musiciens venus du monde entier se réapproprient le fameux Requiem de Mozart. Le résultat ? Un mélange de jazz, d’opéra et de rythmes africains dirigé par le compositeur Fabrizio Cassol et mis en scène par le Gantois Alain Platel. Sur le plateau, les danseurs offrent une traduction visuelle des thèmes de la mort et des rites d’adieu, de la messe jusqu’à la fosse commune où le compositeur fut lui-même inhumé. Bruxelles, 09 > 13.02, La Monnaie, ven, sam & mar : 20 h, dim : 15 h, 35 > 10 € // Namur, 20 > 21.02, Théâtre Royal, 20 h 30, 11,50 > 8,50 € // La Louvière, 01.03, Le Théâtre, 20 h, 25 > 10 €

[Tankred Dorst / G. Bailliart / Groupe Fantômas]

Merlin crée la table ronde avec l’objectif de trouver le fameux Graal. On y croise Arthur, Lancelot, Guenièvre et les autres… Bref, vous connaissez les légendes de T. Dorst. Guillaume Bailliart les revisite avec une bonne dose de burlesque (façon Monty Python) et sur un rythme endiablé : 13 comédiens se succèdent sur scène, soutenus par une bande-son jouée en direct… Histoire de ne pas voir passer les sept heures que dure cette fantasque tétralogie. Armentières, 11.02, Le Vivat, 11 h > 18 h, 16 € (buffet médiéval compris), www.levivat.net



Un Air de famille Agnès Jaoui & Jean-Pierre Bacri

© Pascal Victor

Comme tous les vendredis, les Ménard se réunissent au Père tranquille, le café que tient Henri. Il y a là son frère, sa sœur, sa mère et son employé. Ce soir, on fête l’anniversaire de la belle-sœur, Yolande. Mais la petite réunion va tourner au règlement de comptes… 23 ans après la création de ce classique du théâtre (et du cinéma), les dialogues féroces et le sens de l’observation du duo Jaoui-Bacri font toujours mouche. à la santé de Yoyo ! Roubaix, 16.02, Le Colisée, 20 h 30, 43 > 10 €, coliseeroubaix.com

Une vie bien rEnger d’Adolpha

d’à côté

Cie Détournoyment

C. Rizzo / ICI / CCN de Montpellier

Il était une fois un conte pas très féérique. Celui d’Adolpha, ouvrière lilloise qui narre son enfance, sa vie auprès d’un homme la maltraitant puis la case prison après l’avoir tué, et où elle s’est mise à écrire… Avec Corinne Masiero à la lecture (et son accent ch’ti non simulé !), on écoute l’histoire vraie d’une femme, Adolpha Van Meerhaeghe, qui a en bavé sans jamais s’apitoyer sur son sort. Un récit touchant, parfois drôle et brut de décoffrage.

Christian Rizzo crée son premier spectacle à destination du jeune public, sans jamais renier son identité artistique : engagement physique, mélange des disciplines et, surtout, construction d’objets chorégraphiques non-identifiés. Exit les princesses et autres crapauds ! Dans ce conte dansé pour trois interprètes, tout est affaire de sensations. Ici, musiques, images ou accessoires composent une féerie visuelle, éveillant l’imaginaire des petits comme des grands.

Lille, 17.02, Le Prato, 19 h, 17 > 5 €, leprato.fr

Rinaldo

Charleroi, 18.02, Les écuries, 15 h, 15 > 6 €, www.charleroi-danse.be // Bruxelles, 21.02, La Raffinerie, 14 h 30, 15 > 6 €, charleroi-danse.be

[Haendel / C. Dancoisne / Le Caravansérail / la co[opéra]tive]

# 104

Il y a deux ans, le Bateau Feu s’associait aux scènes nationales de Besançon, Compiègne et Quimper pour former le collectif "la co[opéra]tive". L’objectif ? Démocratiser l’art lyrique. Après Gianni Schicchi, voici Rinaldo de Haendel. Un opéra baroque où l’on croise dragons et volcans sur fond de guerre et d’amour… Et qui d’autres que Claire Dancoisne pour l’adapter ? La directrice du Théâtre La Licorne convoque cinq chanteurs, 20 musiciens et ses grandes machines en bois ou en ferraille. Vous avez dit spectaculaire ? Dunkerque, 20 & 21.02, Le Bateau Feu, mar : 20 h, mer : 19 h, 16 €, www.lebateaufeu.com Charleroi, 01.03, Palais des beaux-arts, 20 h, 42 > 10 €, www.pba.be



Mixologist © Olivier Gamblin

le mot de la fin

# 106

Olivier Gamblin – Quand Gravity rencontre E.T., cela donne ? Grave E.T., évidemment (un long-métrage d’Alfonso Spielberg, ou de Steven Cuarón). Olivier Gamblin adore s’emmêler les pinceaux. Dans la série Mixologist, cet artiste français échafaude des affiches croisant deux titres de films célèbres. Dans son drôle de cinéma, on projette aussi Point Break Mountain, GladiaThor ou Taxi Drive. www.oliviergamblin.com




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