N°140
/
MAI
2018
ART & CULTURE
/
GRATUIT
Hauts-de-France / Belgique
Les Bogues du Blat © Construire / Nouveaux Commanditaires
SOMMAIRE - magazine
LM MAGAZINE #140 Mai 2018
News – 08
Île flottante, À la loupe, Foule contact, Droit dans le mur, Le bris et la fureur, Nid douillet, Fais pas ton mauvais genre, Pochoirs de résistance
Dossier habitat – 12 David Bowie - Aladdin Sane © Eiko Ojala
Nouveau logement & camping urbain Les Grands Voisins Habitarium Yes We Camp Together ! Treck Hostel
portfolio – 28 Eiko Ojala Nouvelle coupe
Rencontre
Christian Lacroix – 76 À pas de Louvre
Sweet Generation © Sylvain Dubrunfaut
Sylvain Dubrunfaut – 100 Jeunesse éternelle Haroun – 106 Ouvrez les vannes
événement – 86 Ola Cuba ! Entre deux eaux
le mot de la fin – 130 Nikolaj Beyer Chaussure à son pied
SOMMAIRE - sélection Juicy, U.S. Girls, L.A. Salami, Goat Girl, Adrian Sherwood, Yo La Tengo, Os Mutantes, Masters of Turkish Soufi Music, Exploded View, Ty Segall, Les Négresses Vertes, Roger Waters, Unknown Mortal Orchestra, Agenda...
Juicy © Guillaume Kayacan
Musique – 38
exposition – 72
L'Empire des roses, Open Museum Séries TV, Enchanté, Ola Cuba !, Les Singes, Harry Gruyaert, Napoléon. Images de la légende, Hervé Lesieur, Sylvain Dubrunfaut, Agenda…
théâtre & danse – 106
Haroun © DR
Haroun, Vincent Dedienne, Hero Corp Versus Montréal, Pourquoi les riches, Mini D Festival, Big Bears Cry Too, Rendez-vous HipHop, 3D Festival, MDLSX, Nabucco, W.i.t.c.h.e.s. Constellation, Le Dindon, Les Apprentis sorciers, La Petite fille de Monsieur Linh, Agenda…
Disques – 60
Parquet Courts, Luke Haines, En Attendant Ana, Fontaine Wallace, Jon Hopkins
Livres – 62
Fanny Chiarello, Sonny Liew, Ted Conover, Julien Frey & Nadar, Aurélie William Levaux & Christophe Levaux
écrans – 64
Mai 68, la belle ouvrage, Foxtrot, Mutafukaz, Amoureux de ma femme, Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête, Nobody's Watching
MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F -
tél : +33 (0)3 62 64 80 09 - fax : +33 (0)3 62 64 80 07
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Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com
Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com
Couverture Eiko Ojala Dreamer - I found my silence http://ploom.tv
Angélique Passebosc info@lm-magazine.com
Publicité pub@lm-magazine.com
Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)
Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Julien Bourbiaux, Madeleine Bourgois, Mélissa Chevreuil, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Sarah Elghazi, Patricia Gorka, Hugo Guyon, Raphaël Nieuwjaer, Eiko Ojala, Marie Pons et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
Floating Island © Marshall Blecher, Magnus Maarbjerg, Photo K. Airflix
NEWS
PARADIS ARTIFICIEL On n'est pas bien là ? Paisible, à la fraîche, décontracté sur notre petite île en bois. Cette plate-forme de 20 m2 flottant au large du port de Copenhague n’est pour l’heure qu’un prototype. Pourtant ses concepteurs, Marshall Blecher et Magnus Maarbjerg, imaginent déjà tout un archipel, supportant des saunas, cafés, et même une ferme ou un élevage de moules ! Attention aux dérives… www.marshallblecher.com, www.fokstrot.dk
Ya Boiii © Danny Jones
#8
ALLIÉ OBJECTIF Danny Jones inonde les réseaux sociaux de ses autoportraits, mais personne ne sait vraiment à quoi il ressemble. Dans la série Ya Boiii, cet Américain joue habilement avec les lentilles, la réfraction et la retouche numérique pour livrer des images assez floues de sa personne. Une belle façon d'arrondir les angles. yasly.com
Crowded Fields, 2017 © Pelle Cass
BAIN DE FOULE
Pejac, Fossil, Brooklyn, 2018 © Raphael Gonzalez
Sculptures From Beneath,The Walls © Graziano Locatelli
À quoi ressemblerait un monde surpeuplé ? Sans doute à une image de Pelle Cass. Armé d’un trépied, cet Américain photographie des centaines de fois le même lieu public (un parc, une piscine…) sans changer de point de vue. Après une heure ou deux, il rentre chez lui pour recomposer numériquement tous ces clichés en un seul. Le résultat fait froid dans le dos. Mais bon, plus on est de fous… www.pellecass.com
Seconde nature Pejac a le don de faire parler les murs. Exécutée à New York, sa nouvelle fresque est un superbe trompe-l’œil. En peignant les briques d’une certaine façon, accentuant les ombres ou le relief, le Barcelonais révèle la silhouette d’un arbre. Baptisée Fossil, l’œuvre dénonce l’effacement progressif de la Nature. Et ça, ce n’est pas une illusion d’optique… www.pejac.es
Demolition man
S W NE
« Artiste et destructeur », comme il se définit, Graziano Locatelli dit avoir eu « une enfance chaotique ». L’Italien est ainsi fasciné par le concept de rupture. Il crée donc… en brisant. Pour cela, il utilise tous types de matériaux : des tuiles, du ciment ou, comme ici, un mur de carrelages blancs, d’où jaillit une forme humaine. Oui, il casse la baraque. www.grazianolocatelli.com
© 1Man1Garage
Nid douillet
Fais pas ton mauvais genre
Ils ont sifflé du matin au soir, mangé des tonnes d’insectes et, pour les plus chanceux, échappé aux griffes du chat… Après une année bien chargée, les oiseaux ont eux aussi mérité un peu de repos. Les designers américains Marcus Williams et Sj Stone leur ont façonné des nichoirs en forme de caravanes vintage, avec stores et barbecue intégré. Du tout cui-cui !
Diffusée sur France Culture, l’émission Mauvais Genres de François Angelier fait chaque samedi la part belle à la SF, l’érotisme, aux polars… Dans le même esprit transgressif, ce festival initié par les bibliothèques dunkerquoises convoque de vilains petits canards de la culture, entre conférences (Déborah de Robertis), performances (Orlan), concerts (Jessica93), ou expositions (agnès b.). Chic !
www.1man1garage.com
DUNKERQUE, 05.05 > 16.06, bibliothèques de Dunkerque et Petite Synthe, FRAC Grand Large, Les 4 Ecluses, La Halle aux sucres, Théâtre la Licorne..., 30 € > gratuit, www.ville-dunkerque.fr
© Jérôme Considérant
POCHOIRS DE RÉSISTANCE Les Douaisiens du Service mobile d’animations culturelles (Smac) éditent pour les 50 ans de Mai 68 un coffret de 30 pochoirs originaux d’artistes contemporains. Signés Mimi The Clown, Dominique Sampiero ou Charlélie Couture, ces slogans et images sont parfaitement utilisables – de préférence sur les murs prévus à cet effet, sous peine d’amende… même s’il est interdit d’interdire. smacasso.com
# 12
DOSSIER HABITAT
Les Grands Voisins juillet 2017 © Lisa George (Yes We Camp)
home sweet home Se loger est un besoin primaire. Mais aussi un problème. Face à la raréfaction des ressources, le manque de place ou à l'explosion démographique, notre habitat devra évoluer : devenir plus propre, moins gourmand… À la croisée de l'intime et du collectif, artistes, architectes, designers (et parfois les trois en même temps) imaginent la maison de demain. À Roubaix, l'exposition Habitarium ouvre des portes sur le futur (et nous invite à camper sur les toits), tandis que le Centre d'innovation et de design, au Grand-Hornu, explore la piste communautaire… À Paris, les Grands Voisins préfigurent une ville plus solidaire, inventant chaque jour une nouvelle façon de vivre ensemble. Dressons l'état des lieux.
© Lisa George (Yes We Camp)
DOSSIER HABITAT
Interview
Les Grands Voisins
# 14
DROIT DE CITÉ
Propos recueillis par Julien Damien Photo Elena Manente et Lisa Georges / Yes We Camp
Déserté en 2011, l’ancien Hôpital Saint-Vincent-de-Paul à Paris est occupé depuis 2015 par les Grands Voisins. Gérée par trois associations (Yes We Camp, Aurore et Plateau Urbain), cette ville dans la ville s’étend sur 3,4 hectares et compte un millier d’habitants. C’est à la fois une pépinière d’associations et d'entreprises, un lieu de création artistique, un foyer d’hébergement d’urgence… Une utopie ? Pas tant que ça. En filigrane, il s’agit de réfléchir à un modèle de cité écologique, sociale et solidaire. Entretien avec Marine Vever, l’une des coordinatrices du projet pour Yes We Camp.
Comment présenteriez-vous Les Grands Voisins ? C'est l'expérience d'occupation temporaire d’un lieu abandonné. Nous avons inventé un village mêlant la solidarité, l'innovation et la création. Comment ? Le site réserve des hébergements d'urgence aux SDF et réfugiés (soit près de 600 personnes). Il séduit aussi de jeunes chefs d'entreprise, des associations, des artistes et des artisans grâce à des ateliers ou bureaux à loyers modérés, entre 150 et 250 euros du mètre carré, par an.
« NOTRE BUT EST DE RENDRE CET ENDROIT SOCIALEMENT UTILE » Est-il ouvert au public ? Oui, du mercredi au dimanche. On peut s'y promener comme dans un parc, se laisser surprendre par des jeux, des installations artistiques. La saison dernière, on pouvait actionner des machines à bulles, prendre des douches de paillettes, faire du vélo pour laver son linge… Il y a aussi des cafés, des expositions, des concerts, des cours de sport, de yoga, des visites d'ateliers… Et puis, à Paris, le 14e arrondissement est plutôt bourgeois. Les riverains côtoient ici des gens qu'ils n'ont jamais croisés. Il s'agit de changer les perceptions.
Quel est votre objectif ? S'agit-il d'inventer une nouvelle façon de vivre en collectivité ? Oui, mais pas seulement. Un lieu comme celui-ci, restant vacant durant des années, représente une perte considérable pour une ville comme Paris où le foncier est une denrée précieuse : les Parisiens manquent de place chez eux mais aussi d'espaces publics. Notre but est de rendre cet endroit socialement utile. Peut-on parler d'utopie ? Oui. Mais on tient compte du monde réel. Ce lieu n'est pas pérenne mais il fonctionne. Nos villes séparent systématiquement les personnes, par des mécanismes connus. Ici, nous montrons qu'il est possible de vivre ensemble malgré nos différences. Quel est votre modèle économique ? Nous ne touchons aucune aide publique, sauf pour l'hébergement d'urgence. Nos recettes proviennent des petites contributions aux charges demandées aux occupants. Le reste dépend des exploitations marchandes, comme celles de la Lingerie, qui est le café des Grands Voisins.
suite
Ce modèle est-il viable ? Oui, même si on atteint tout juste l'équilibre, il y a de bas salaires, une certaine précarité… Si on a besoin d'un soutien public, on démontre ici la fiabilité de ce modèle. Ce foncier nous est prêté à titre gracieux mais les propriétaires tirent aussi bénéfice de ces occupations. Pourquoi ? On estime à 1 million d'euros par an les dépenses nécessaires à l’entretien d’un tel endroit abandonné. Nous accueillir permet donc une économie : nous chauffons les bâtiments, assurons la sécurité…
« IL EST POSSIBLE DE VIVRE ENSEMBLE MALGRÉ NOS DIFFÉRENCES »
# 16
Durant combien de temps Les Grands Voisins vont-ils occuper les lieux ? Un nouveau propriétaire a racheté le site, l’aménageur public Paris Batignolles Aménagement. Il a pour mission de le transformer en écoquartier de 600 logements. Nous fonctionnons par saison. La première s'est déroulée entre 2015 et 2017. La seconde, entre avril 2018 et juin 2020, marquera notre départ. À LIRE / version longue sur lm-magazine.com
Nous démarrons donc un nouveau cycle tout en côtoyant ce chantier de construction. Cela signera-t-il la fin des Grands Voisins ? Plutôt la fin de cette occupation temporaire. Les Grands Voisins dépassent ce cadre. Un savoir-faire est apparu dans ce quartier. Beaucoup de choses ont été inventées ici. D'ailleurs, des "bébés" Grands voisins sont nés ou se développent ailleurs, portés par d'autres ou par nous. Lesquels ? Il y a un projet à Nanterre, sur une friche urbaine, baptisé Vive les Groues, un autre à Marseille calqué sur celui-ci, dans le quartier de la Gare Saint-Charles où l'État nous a sollicités. Il doit ouvrir cet été. Ce n'est donc pas la fin d'une histoire, celle-ci continue en prenant des formes différentes. Le temporaire caractérise notre pratique, il n’y a pas de raison d’être nostalgique.
LES GRANDS VOISINS PARIS, Ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul, 74, avenue Denfert-Rochereau, lesgrandsvoisins.org LA LINGERIE (bar, salle de concert et petite restauration) ouvert du mercredi au samedi, 9 h > 00 h LA RESSOURCERIE CRÉATIVE (boutique) ouvert mardi, mercredi, vendredi : 13 h > 19 h / samedi : 11 h > 19 h / dimanche : 13 h > 19 h
Marseille © Yes We Camp
© Lisa George (Yes We Camp)
DOSSIER HABITAT
habitarium TOI, TOI MON TOIT
# 18
75 % des logements de demain sont déjà construits. Alors, que faire ? Détruire pour rebâtir ? Rénover ? Et puis, au fond, qu'est-ce que l'habitat ? Voici les questions soulevées par la Condition Publique. Initiant un dialogue entre l'art contemporain, l'architecture et le design, cette exposition présente des pièces poétiques, ingénieuses, révoltantes parfois, mais souvent inspirantes.
Vue d'exposition, Pascale Marthine Tayou, Home Sweet Home, 2011 © Angélique Passebosc
Vue d'exposition, Clément Richem, Poussière, 2013/2015 © Maxime Dufour Photographies
Au commencement était… La Grotte. C'est en traversant cette installation monumentale du Français Xavier Veilhan (1998) que nous pénétrons dans Habitarium. D'emblée, cette œuvre en forme de caverne nous renvoie à des temps préhistoriques, rappelant au visiteur que le logement est un besoin primaire. Notre "home sweet home" a bien évolué. Pas toujours pour le meilleur… À ces cavités naturelles ont succédé des villes tentaculaires. Photographe et pilote d'avion à ses heures, Alex MacLean a capturé du ciel américain des cités édifées en dépit du bon sens : alignement de maisons identiques suivant
des schémas absurdes, circulaires, perdus au milieu du désert… Plus terre à terre, le Courtraisien Hannes Coudenys parcourt depuis 2011 le plat pays en quête des demeures les plus laides. Si ses clichés sont franchement drôles, d'autres œuvres sont plus inquiétantes… À l'image de cette installation de Clément Richem, Poussière, qui met en scène une ville miniature regroupant tous les types d'habitat, des pyramides aux gratteciel, mais submergée par le sable. Ce matériau n'a rien d'anodin : il s'agit de la troisième ressource la plus utilisée au monde, après l'air et l'eau. suite
Surexploitée par nos constructions, celle-ci n'est hélas pas renouvelable… De briques et de bière
# 20
On l'aura compris, les enjeux d'Habitarium sont multiples. « L'habitat, c'est le cœur du foyer, il relève de l'intime et renvoie en même temps au collectif, à des problématiques sociales ou écologiques », selon Marthe Mutte, coordinatrice des projets artistiques. Certes, ce parcours dresse un constat assez alarmant, mais avance aussi quelques solutions. Employer des matériaux de récupération par exemple, telles ces canettes de bière formant des
briques, comme l'avait imaginé dès les années 1960 Alfred Heineken, petit-fils du créateur de ce breuvage-à-consommer-avec-modération. Plutôt que de bâtir à tout-va, on peut aussi choisir de rénover le foncier existant, comme au quartier du Pile à Roubaix où est implantée la Condition Publique. Inspirée par l'exemple de Liverpool, la municipalité y vend des maisons abandonnées pour 1 euro, à condition d'effectuer des travaux et d'y vivre durant au moins six ans. Et si le logement de demain était celui d'avant-hier ? Julien Damien
Xavier Veilhan, La Grotte, 1998. Vue de l’exposition à Passerelle, Brest, 2003. Collection Frac Grand Large — Hauts-de-France © ADAGP Paris, 2017. Photo : Alain Le Nouail
DOSSIER HABITAT Yes We Camp, Marseille © Joshua Choukroun
yes we camp
RENCONTRE AU SOMMET
Passer la nuit à la belle étoile… sur le toit de la Condition Publique ? Oui, c'est possible. Dans le cadre d'Habitarium, le collectif Yes We Camp élève un camping éphémère au sommet de l'ancienne manufacture textile. Il est ouvert à une quarantaine de personnes. Mené avec les habitants, notamment des jeunes en insertion, ce chantier participatif a permis la construction de tentes canadiennes, de clapiers "touché-couché", d'une douchecascade, d'une buvette… Plus qu'un moment de fête ou de rencontres, il s'agit d'une œuvre immersive, d'une performance dont le visiteur est luimême le héros. « Notre but est de décaler le regard sur le quotidien », selon Lukasz Drygas, l'un des concepteurs. Yes We Camp est né en 2013, à Marseille. Lorsque la cité phocéenne fut désignée capitale européenne de la culture, ce regroupement d'artistes, HABITARIUM d'architectes, de designers (on en passe) ROUBAIX, JUSQU'AU 08.07, La Condition mer > dim : 13 h > 19 h, 5 / 3 € / avait établi un camping artistique sur Publique, gratuit (-18 ans) la plage de l’Estaque. Après le démon- CAMPING URBAIN 09.05 > 14.07, La Condition tage, l'aventure s'est poursuivie. Depuis, ROUBAIX, Publique, ven & sam + veille de jour férié cette équipe constituée d'une vingtaine (9, 10 & 20.05), 90 > 10 €, réservation obligatoire : +33 (0)3 28 33 48 33, de permanents mène des projets tempo- www.laconditionpublique.com raires à travers toute la France, construi- › La Condition Publique et le CID proposent une réduction pour la visite de leurs sant et partageant des espaces avec la expositions respectives. Chaque institution population locale. Un petit pas de côté, offre une réduction sur présentation du billet d’entrée à Habitarium (3 € au lieu de 5 €) ou à Together ! (5 € au lieu de 8 €). mais un grand pas pour la créativité. J.D.
Star Apartments, Los Angeles, Michael Maltzan Architecture, Los Angeles, 2014 © Gabor Ekecs
DOSSIER HABITAT
together ! LIGNE DE PARTAGE
Pénurie d'espace, explosion démographique, vieillissement de la population, isolement, crise écologique… Depuis quelques années, l'habitat communautaire apparaît comme une solution face à ces défis. Pour autant, sommes-nous prêts à changer notre façon de vivre ? Telle est la question posée par le Centre d'innovation et de design.
# 22
C
ertes tendance, le concept d'habitat partagé n'est pas en soi une nouveauté. « C'est le propre de l'être humain de se regrouper », souligne Marie Pok, la directrice du CID. Sans remonter à la Préhistoire, Together ! dresse un panorama des projets communautaires initiés à
travers le temps. Le parcours débute par un rappel historique d’utopies concrétisées dès le xixe siècle. Cellesci furent lancées par des entrepreneurs aux visions socialistes, pour offrir de meilleures conditions de vie suite
« C'EST LE PROPRE DE L'ÊTRE HUMAIN DE SE REGROUPER »
Micro Housing New-York Seoul, 2014 © Jinhee
(toits potagers, bibliothèques coopératives…). À l'image de cette construction du studio Naka. Cette agence a bâti à Tokyo un immeuble de cinq appartements tous reliés à un restaurant… qui fait office de cuisine commune. Accompagné par un chef, chaque résident peut mettre la main à la pâte, nourrissant les voisins et les échanges sociaux. Tous ensemble ! Apartments with a Small Restaurant, Tokyo, Naka Architects’ Studio, Tokyo, 2014 © Naka Architects’ Studio
aux ouvriers (tel Godin et son Familistère de Guise) ou les asservir (les corons). Citons aussi les hygiénistes ou, bien sûr, les hippies. Que restet-il de ces idéaux ? Pas grand-chose. La plupart s'est fracassée sur l’autel de l’individualisme ou des réalités économiques.
# 24
Table ouverte Pour autant, des leçons ont été tirées de ces échecs. La seconde partie de l'exposition dévoile ainsi 21 maquettes de projets contemporains, de Los Angeles à Tokyo en passant par Berlin. Tous conçus à la même échelle, ces modèles réduits sont présentés dans une grande ville imaginaire. Sans doute pas mauvais à Tetris, ces architectes rivalisent d'ingéniosité pour optimiser les surfaces, cherchant l'équilibre entre l'individuel et le collectif, vie privée ou commune
Sommes-nous toutefois prêts à remettre en cause nos modes de vie ? Passer du "chez-soi" au "cheznous" ? « Il faudra peut-être revoir ses exigences personnelles à la baisse… ». Pour donner une idée, la troisième section nous convie dans un cluster à taille réelle. Cette scénographie reproduit un appartement de quatre logements privatifs organisés autour d'un vaste espace commun. Le scénario fait cohabiter une vieille dame, une célibataire avec enfant, un étudiant… pour un loyer modéré, dans un quartier huppé de Bruxelles. Remettant au centre de notre quotidien les valeurs de solidarité et de partage. Julien Damien
TOGETHER ! LA NOUVELLE ARCHITECTURE COMMUNAUTAIRE HORNU, JUSQU'AU 01.07, Centre d'innovation et de design, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be › La Condition Publique et le CID proposent une réduction pour la visite de leurs expositions respectives. Chaque institution offre une réduction sur présentation du billet d’entrée à Habitarium (3 € au lieu de 5 €) ou à Together ! (5 € au lieu de 8 €).
© Eveline Van Vlaenderen et Fien Cools
DOSSIER HABITAT
Treck Hostel CAMPEZ COUVERTS !
GAND, Groendreef 51, ouvert tous les jours : 8 > 22 h, 1 personne : 39 > 15 €, +00 32 (0) 9 310 76 20, www.treckhostel.be
# 27
Camping ou hôtel ? Pour ceux qui ont choisi de ne pas choisir, le Treck Hostel est la solution idéale. Près du centreville de Gand, à deux pas du Musée Dr. Guislain et face à un joli canal, cette ancienne briqueterie du xixe siècle abrite… un parc de caravanes. Autrement dit, du camping mais "indoor". Chaque petite roulotte est décorée suivant un thème différent : "Hawaï" et ses planches de surf assorties, "jungle" et son tigre en peluche géant, "plage" avec ses chaises longues… Les accros de la sardine peuvent aussi y planter leur tente, sans se soucier des aléas de la météo. Au petit matin, tout le monde se retrouve autour du bar pour partager le petit déjeuner, s'affronter au pingpong ou au baby-foot, avant de gagner la terrasse armée d'une bonne bière belge - plus tard dans la journée… Une fois par semaine, les lieux s'animent d'un concert ou d'un marché aux puces – mais pas de concours de miss ni de sosies vocaux, hélas. Alors, elle est pas belle la vie ? J.D.
PORTFOLIO
# 28
Illustration couverture New York Times
EIKO OJALA COUPÉ DÉCALÉ
O
n imaginait volontiers Eiko Ojala à sa table d’artisan, une pile de papier coloré à sa gauche, une paire de ciseaux à droite, remettant 100 fois sur le métier son ouvrage. Raté. Cet illustrateur installé à Tallinn conçoit tous ses découpages numériquement, travaillant « les ombres et les éclairages un à un », tel un orfèvre. Stupéfiant, non ? Né quasiment un crayon dans les mains, élevé dans une maison où régnait « une atmosphère créative et artistique », l’Estonien de 35 ans a embrassé le graphisme dès l’adolescence. Si les études l’ont conduit vers le design d’intérieur, ses illustrations en 3D ou projets parallèles ont rapidement séduit d’illustres organes de presse (Monocle, The New Yorker…). Difficile de ne pas succomber à la délicatesse de ses compositions où l’homme et la nature fusionnent (série Myths), et à l’inventivité de ses métaphores – des petites mains s’activant pour nettoyer notre esprit pendant notre sommeil, il fallait y penser ! L’artiste revendique une certaine épure, figurant « les sentiments et émotions que les mots ne peuvent exprimer ». Mais ne lui parlez pas d’inspiration, qu’il juge « inappropriée » : « Mes idées mûrissent en même temps que moi. Je vois cela comme un muscle qu’il faut entraîner ». Sans consigne, sans sujet imposé, c’est avec une liberté totale qu’Eiko Ojala s’épanouit. Comme pour cette collaboration avec Tanz, un magazine allemand sur la danse contemporaine où ses personnages semblent perdre la tête. Des dessins « plutôt absurdes » nous laissant le souffle... coupé ! Marine Durand
À VISITER / ploom.tv À LIRE / l’interview sur www.lm-magazine.com
Illustration Tanz magazine
Rotary Club poster
Série Myths
Illustration couverture Filosofie Magazine
Illustration Tanz magazine
Hunger for love, illustration journal Eesti Ekspress
Tallin Bicycle week
# 38 MUSIQUE
JUICY
DUO VITAMINÉ Juicy fut un morceau clé du hip-hop ricain au mitan des années 1990, l'un des plus fameux tubes de The Notorious B.I.G. Il y raconte l'ascension d'un p'tit gars un peu gras parti de rien pour toucher les étoiles. Deux décennies plus tard, le rap s'est imposé comme le courant musical dominant, et plus forcément une affaire de mâles. En Europe, c'est devenu une histoire belge, mais aussi de filles. Oh, pas de celles se trémoussant dans les clips dudit Biggie. Plutôt du genre à chasser les garçons pour leur trancher les attributs, comme en témoigne la vidéo accompagnant le sublime Count Our Fingers Twice. On aurait pourtant tort de ne voir là qu'une posture féministe (aussi drôle soit-elle). Révélé sur le Net en reprenant des hits R'n'B des nineties (No Scrubs des TLC) ou détournant les chansons les plus misogynes (Work it de Missy Elliott), ce duo bruxellois (Juicy, donc) brille désormais par ses productions subtilement rétro et fichtrement hypnotiques. Si la femme est l'avenir de l'homme pour citer Ferrat (qui pillait Aragon), alors Julie Rens et Sasha Vovk sont l'avenir du hip-hop. J.D. BRUXELLES, 05.05, Théâtre National, 22 h 30, gratuit, theatrenational.be BRUXELLES, 06.05, Botanique (festival Nuits Botanique), 19 h, 24 / 17 €, botanique.be
© A$ian Rocky
LIÈGE, 07.07, Parc Astrid (festival Les Ardentes), 1 jour : 60 €, lesardentes.be DOUR, 11.07, Plaine de la Machine à Feu (Dour festival), 1 jour : 75 €, dourfestival.eu FLOREFFE, 04.08, Abbaye de Floreffe (festival Esperanzah!), 1 jour : 38 €, esperanzah.be
U.S. GIRLS Derrière ce patronyme pluriel se planque une artiste solitaire. Enfin, solitaire… À en juger par ses œuvres, Meghan Remy n'est pas toute seule dans sa tête. On se souvient de ses débuts lo-fi, voici plus d'une décennie : du bruit blanc, de la fureur contenue, des airs embryonnaires et un résultat franchement peu accueillant. Or, l'Américaine a brouillé les pistes et, de cette tabula rasa, a imaginé une bande-son plus ouverte sur ses contemporains. Ainsi, ses derniers essais jouent avec les codes de la pop la plus accrocheuse, par-delà les époques, les genres, carambolant vibrations électroniques et trouvailles mélodiques, approche ludique et messages politiques. Cela semble être un cliché, mais disons que l'élection de Trump à la Maison-Blanche l'a passablement énervée, bien qu'elle réside désormais au Canada. Dans ce maelström d'influences éparses, U.S. Girls pousse sa voix et trouve sa voie, quelque part entre The Supremes et Kate Bush, Blondie et Madonna. T.A. BRUXELLES, 01.05, Le Botanique, 20 h, 18 /11 €, botanique.be
© Colin Medley
# 40
GAND, 13.05, Vooruit, 20 h, 9 €, vooruit.be
FOLK EN RONDELLES
© Diane Sagnier
MUSIQUE
L.A. SALAMI
Certes, ce n’est pas exactement le meilleur nom pour percer – excepté, peut-être, au Danemark. Mais après tout, on connaissait T-Bone Walker et Meat Loaf, alors pourquoi pas L.A. Salami ? En attendant, derrière ce (vrai) nom, se planque un habile songwriter, de ceux dont on se réjouit qu’ils existent encore, quel que soit leur succès.
# 42
Lookman Adekunle Salami a reçu sa première six-cordes il y a moins de 10 ans. Depuis, le Londonien a tiré des merveilles de son instrument. En deux albums remarqués (Dancing With Bad Grammar, The City of Bootmakers) et quelques premières parties de haut vol (Okkervil River, Lianne La Havas), cet amoureux du folk s’inscrit dans les pas de quelques géants. Pas n’importe lesquels : Neil Young, Bob Dylan… Soit deux noms devenus des marques de fabrique mais aussi des artistes qui ont su tirer le folk à papa (guitares en bois, mots d’avant-hier) vers la modernité en l’électrifiant et en le confrontant au réel. Ne pas s’attendre, donc, à un gentil troubadour. Cet auteur-compositeurinterprète reflète les colères et les angoisses traversant l’Angleterre actuelle – et, à vrai dire, le reste du monde. Jetez donc une oreille à l’énervée I Wear This Because Life Is War ! pour vous en convaincre. L.A. Salami n'est donc pas une simple sensation, mais l’un des noms que l'on citera sûrement dans 30 ans. On prend le pari ? LILLE, 05.05, L'Aéronef, 19 h, 13 > 5 € / gratuit Thibaut Allemand
abonnés, www.aeronef.fr
© Charlotte Patmore
MUSIQUE
GOAT GIRL Morceaux décharnés et brinquebalants, résidus de blues, chant hérité des incantations habitées de Nick Cave… En découvrant Goat Girl, on peine à croire que ces quatre musiciennes nous sont contemporaines. Pourtant leurs chansons à rebours de la production actuelle sont faussement datées. La country met ici les doigts dans la prise, à grands renforts de guitares noisy. Ces demoiselles originaires de South London, qui ont toujours connu la crise et subissent désormais le Brexit, ont mis les voiles. Dès lors, l'Arcadie, pays de cocagne british fantasmé jadis par The Libertines, pourrait se trouver de nouvelles ambassadrices. T.A. BRUXELLES, 15.05, Ancienne Belgique, 20 h, 15 €, www.abconcerts.be
© Erez Avissar
# 44
ADRIAN SHERWOOD Pionnier du dub made in UK durant la grande remise à zéro des compteurs que fut l'afterpunk, ce Londonien n'a jamais cessé de se renouveler, confrontant le genre aux musiques industrielles, pop, breakbeat, hip-hop ou dance. Pas un hasard si les meilleurs (Cabaret Voltaire, Prince Far I, Blur, Ministry…) ont réclamé les services du fondateur d'On-U Sound. Ce DJ-set devrait prouver aux derniers sceptiques qu'Adrian Sherwood fait dub de tout bois. T.A. LIÈGE, 18.05, Reflektor, 19 h, 20 €, www.reflektor.be
DÉLÉGUÉS DE GRANDE CLASSE À l’instar de Pavement ou Guided by Voices, Yo La Tengo fait partie de l’école débonnaire du rock. Oh, rien à voir avec un quelconque rejet du boucan électrique. Au contraire, le trio adore ça. Il s’agit plutôt d'une mise à distance du music business et de ses codes fastidieux.
# 46
Yo La Tengo, c'est d'abord une troupe de musiciens amateurs et accomplis. Un groupe de potes (avec tout de même un vrai couple dedans) qui s’amuse et bricole, alternant chansons douces et propices au farniente ou véritables déflagrations noisy. Lorsque la bande d'Ira Kaplan a débuté, en 1985, personne n’aurait pensé qu’on en causerait encore près de 35 ans plus tard. Fans avant d’être artistes, nos trois amis peuvent entre deux "vrais" albums, se fendre d’un disque de reprises (Hank Williams, The Cure…), en publier un sous le nom de Condo Fucks ou s’engager dans une tournée acoustique (The Freewheelin’ Tour) en forme de fausse conférence avec questions-réponses face au public. Cette virée là sera sans doute plus classique, le trio de Hoboken (New Jersey) défendant son nouvel (et 15e) LP. Un disque qui ne révolutionnera évidemment pas la face de la pop moderne, mais place une fois encore Yo La Tengo dans la droite lignée de Neil Young, du Velvet Underground ou de leurs concitoyens des Feelies. La classe. Thibaut Allemand BRUXELLES, 20.05, Ancienne Belgique, 20 h, 26 / 25 €, www.abconcerts.be
© Jacob Blickenstaff
MUSIQUE
YO LA TENGO
© Nino Andres
# 48 MUSIQUE
OS MUTANTES
TROPICALIA À l’heure où la France commémore Mai 68 en de biens jolis sons et lumières (de Notre-Dame-des-Landes à Tolbiac), il est bon de rappeler que, plus qu’un simple mois, cette date fut une onde de choc. Elle déborda la seule année 1968 et toucha le vaste monde. La preuve avec Os Mutantes. São Paulo, Brésil, 1966. Carburant au rock psychédélique et au LSD, une poignée de jeunes Brésiliens entreprend de révolutionner la musique pop – ou, tout au moins, de se faire plaisir. En s'appropriant le Manifeste anthropophage (1928) du poète Oswald de Andrade, ces mélomanes mélangent les genres musicaux du pays. Et quel pays ! Dans un tel creuset d’ethnies et de cultures, ces esprits affamés n’avaient qu’à dévorer. En rupture avec la variété d’alors et en prise avec l’agitation de l’époque, Os Mutantes fricote avec Caetano Veloso ou Gilberto Gil et donne naissance au Tropicalisme. Désordre et progrès Le Tropicalisme c’est, pour le dire vite, le psychédélisme à la brésilienne. Soit le dérèglement des sens, mais dans un contexte autrement plus violent que celui des USA ou européen d’alors : une dictature militaire. Paradoxalement, c’est dans ce régime d’oppression que la musique s’est libérée. L’aventure périclita à la fin des années 1970, non sans avoir marqué des artistes aussi divers que Kurt Cobain (qui les poussa en vain à se retrouver) ou David Byrne (qui édita une compilation pour les célébrer). Début des années 2000, c’est la reformation : classique, mais digne, émaillée d’albums pas inintéressants. Mais soyons clairs : ce soir, nous venons pour les premiers disques, un cocktail même pas molotov de révolte, de joie et d’imagination. Thibaut Allemand LILLE, 24.05, L'Aéronef, 20 h, 22 > 14 €, www.aeronef.fr
Pour le dire vite, le soufisme incarne le versant le plus ésotérique et mystique de l'Islam. D'ailleurs, ces quatre maîtres de la musique soufie ne sont pas nés de la dernière pluie. Expert dans l'art de l'oud (sorte de mandoline arabe), de la flûte ney ou du bendir (un instrument traditionnel à percussion), le quatuor est vénéré au Moyen-Orient, et renvoie aux traditions ottomanes de la fin du xixe siècle. À l'heure où la pop turque bénéficie d'un regain d'intérêt (Derya Yildirim & Grup Şimşek, Altin Gün…), voici l'occasion de découvrir un courant ancestral. Bref, c'est Byzance ! T.A. BRUXELLES, 26.05, Bozar, 20 h, 12 €, www.bozar.be
©Andrea Martin
# 50
EXPLODED VIEW Anika, un petit chef-d’œuvre post-dub et neo-kraut et puis s'en va ? C'est ce qu'on a craint, n'ayant plus de nouvelles de l'héritière de Leslie Winer. Avant de retrouver, en 2016, l'Anglaise entourée d'une armée mexicaine pour jouer les prolongations. L'humeur n'est toujours pas à la gaudriole. Sévère mais juste, le chant de cette exjournaliste se place sur les compositions revêches de ses acolytes. Spleen, grisaille, monotonie : l'extase. T.A. ROUBAIX, 28.05, La Cave aux Poètes, 19 h, 12 > 8 €, caveauxpoetes.com BRUXELLES, 30.05, Brass, 20 h, 12 / 10 €, lebrass.be
Necati Çelik © DR
MUSIQUE
MASTERS OF TURKISH SUFI MUSIC
MUSIQUE © Denee Segall
TY SEGALL
SANS ÉGAL
# 52
Il a l'érudition rock d'un Jack White, l'exubérance d'un Ariel Pink, l'attitude d'un Frank Black et la puissance d'un James Brown… L'œuvre de Ty Segall se présente tel un arc-en-ciel, s'étirant du folk à l'indus avec des nuances glam pop. Anvers et Lille vont en voir de toutes les couleurs. Chouchou de la jeune garde critique autant que de Philippe Manoeuvre (qui l'intronisa héritier de Kurt Cobain), Ty Segall n'est pas seulement un énième "sauveur du rock" dont personne n'a besoin. "Foutraque", "abrasif", le Californien redonne ses lettres de noblesse à des qualificatifs usés jusqu'à la corde. Surtout, il ne cesse d'abreuver les bacs de galettes punk, glam, rétromaniaques ou avant-gardistes. Une productivité comparable à celle de ses congénères en pyrotechnie de King Gizzard and the Lizard Wizard, ayant récemment foulé les planches de L'Aéronef à Lille avec la fougue psyché qu'on leur connaît. Segall devrait sur cette même scène, comme au Trix d’Anvers, atteindre ces hauteurs, sans oublier de zigzaguer en chemin. Le seul contenu de son dernier disque, Freedom's Goblin, offre une vue imprenable sur l'étendue de son talent. Led Zep, le garage ou le disco s'y entrechoquent avec plus de succès que les particules dans l'accélérateur du CERN. Bricolo comme Beck et flamboyant comme King Tuff (dont il participe à l'expansif nouvel album), il y a au moins autant de ANVERS, 26.05, Trix, 17 h, 28 / 26,50 €, Ty Segall différents que de name dropping www.trixonline.be dans cette chronique ! Tout ça pour le prix LILLE, 30.05, L'Aéronef, 20 h, 26 > 19 €, aeronef.fr d'une place de concert. Rémi Boiteux
Nom de nom !
La bande est formée en 1987, dans le 19 arrondissement de Paris, sous l’impulsion de Noël Rota, dit Helno (son prénom en verlan). Alors choriste (et clown) pour Bérurier Noir, il fédère autour de lui des musiciens issus de la scène punk locale (Les Maîtres, Les Ouvriers) ou membres du cirque Zingaro. Il faut dire que sa première chanson a fait mouche… e
À l’été 1987, notre facétieux Helno, coiffé d’une crête verte, entame un smurf lors d’un bal des pompiers dans le Jura. Il fut éjecté avec deux collègues par l’un des vigiles, qui aurait eu ces mots doux : « Dehors, les négresses vertes… ». On ne sait pas si le brave homme a touché des royalties…
LES NÉGRESSES VERTES Revoilà l’été
# 54
C’était la fin des années 1980. Le Top 50 régnait sur les ondes, le rap et la techno effrayaient les parents et le rock toussotait… Au milieu de tout ça, un groupe composé de prolos punks tirait son épingle du jeu avec des tubes comme Voilà l’été ou Zobi la mouche. 30 ans après la sortie de leur premier album, Mlah (« tout va bien », en arabe), Les Négresses Vertes sont de retour ! Pas de nouveaux titres à l’horizon, mais un répertoire intemporel, sorte de BO d’une fête éternelle. Donc, oui, « tout va bien ».
Les Négresses Vertes, 1988 (tournée pour les 30 ans de MLAH) © Iza Mellino
MUSIQUE
à l’origine
Question de genre
Mort subite
C’est du punk acoustique joué avec des guitares sèches, des cuivres et un accordéon. Un cabaret métissé où se bousculent java, musette, raï, flamenco, chanson française, tsigane… (on en passe). Des textes mélancoliques (parfois très noirs) entonnés avec la gouaille des titis parisiens.
Le 22 janvier 1993, Helno succombe à une overdose d’héroïne à son domicile, quelques heures après un enregistrement pour Taratata (aucun lieu de cause à effet…). Il avait 29 ans, et c’était l’âme des Négresses Vertes, le chanteur et l’auteur de ces textes ivres de vie. Jamais vraiment remis de sa mort, le groupe se sépare en 2001.
Import-Export
Top 10
L’Amérique, le Japon, l’Australie… Les Négresses Vertes ont vite conquis la planète. Sorti en 1988, leur premier album, Mlah, se vend à 180 000 exemplaires en France et à 350 000 au-delà ! En 1991, ce fut le premier groupe étranger à se produire au Liban, après la fin de la guerre. Madonna a exigé qu’ils apparaissent sur la BO de Dick Tracy (1990) et certains de leurs titres figurent sur des compilations d’importance, comme The Last Temptation of Elvis (NME, 1990). Sans compter les remixes de Massive Attack ou de Fatboy Slim…
Zobi la Mouche, L'Homme des marais, Hey Maria, Voilà l'été, Sous le soleil de Bodega, Face à la mer, Hou ! Mamma Mia, Après la pluie, Les Yeux de ton père, Famille heureuse
« Tout être humain qui a de la sensibilité a envie de se foutre en l'air. » Helno
la famille The Specials, The Pogues, Dexys Midnight Runners, Bérurier Noir, Mano Negra, Les Garçons Bouchers, Feu! Chatterton, Les Ogres de Barback, Les Hurlements d'Léo…
RIJKEVORSEL, 06.05, De Singer, 20 h 30, 26 / 18 €, www.desinger.be SAINT-QUENTIN, 22.06, Champ de la Foire (Station Park festival), 20 €, www.stationpark.fr DRANOUTER, 04.08, Heuvelland (Dranouter Festival), 85 / 70 €, www.festivaldranouter.be BRUXELLES, 14.08, Centre-ville, Brussels Summer festival, 20 h, 30 €, www.bsf.be NAMUR, 25.08, Citadelle (Festival les Solidarités), 16 h, 34 €, www.lessolidarites.be CHARLEVILLE-MÉZIÈRES, 26.08, Square Bayard (Cabaret Vert), 20 h, 8 €, cabaretvert.com LILLE, 10.10, L’Aéronef, 20 h, 28,50 €, aeronef.fr
© Live Nation
ROGER WATERS
ET AUSSI… MER 02.05 MÉLISSA LAVEAUX + GÉRALD TOTO Lille, L'Aéronef, 20h, 15>5e FOREVER PAVOT + CATASTROPHE Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12/7e
JEU 03.05 JC SATÀN + BLIND BUTCHER Arlon, L'Entrepôt, 19h30, 15/13e TONY ALLEN Liège, Reflektor, 20h, 35>20e
VEN 04.05 CHATON + MALIK DJOUDI Bruxelles, Botanique/Grand Salon, 19h30, 20>13e
# 56
ROMANO NERVOSO + IT IT ANITA La Louvière, Le Stock, 19h30, 14e
Avec Gégé, c'est simple : on aime ou on déteste. Les adorateurs de Syd Barrett abhorrent ce que Waters a fait de Pink Floyd après la défection du zinzin de l'espace. Mais on peut apprécier la démesure du "groupe" devenu, à la fin des 70's, simple backing-band des visions de son bassiste mégalo et parano. Bon, on ne supporte toujours pas The Wall, mais on porte une certaine affection à The Final Cut – et Shine on You Crazy Diamond nous colle toujours la chair de poule. Bref, on sera là, Gégé. T.A. ANVERS, W11 & 12.05, Sportpaleis, 18 h 30, 104 > 55€, complet le 11.05, sportpaleis.be LILLE, 16.06, Stade Pierre Mauroy, 20 h, 95 > 56,50 €
ANGÈLE Anvers, Trix, 19h30, 19/17,50e ART MENGO Hazebrouck, Centre André Malraux, 20h, 20>10e FRANÇOIZ BREUT + BASTIEN LALLEMANT Tournai, Maison de la culture, 20h, 24/18€ RONE Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 29/28e BICEP + JOY ORBISON + STUFF… Louvain, Het Depot, 22h, Pass festival : 60e / 1 jour : 25/20e KEVIN SAUNDERSON… Charleroi, Rockerill, 22h, 10e
DIM 06.05 CHURCH OF MISERY + ASG Dixmude, 4AD, 20h, 14>10e MELANIE DE BIASIO Liège, Le Forum, 20h, 37.50e
MER 09.05
DIPLO + CASHMERE CAT Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 36/35e
SUPERORGANISM + HIPPOCAMPE FOU + TIM DUP + MASASOL… Bruxelles, Botanique, 19h30, 21>14e
SAM 05.05
VEN 11.05
WEEKEND AFFAIR Dunkerque, Les 4 Ecluses, 19h, Gratuit
BAL FORRÓ Lille, maison Folie Wazemmes, 20h, 15e
SAM 12.05 FUN LOVIN' CRIMINALS Bruxelles, AB, 20h, 30/29e LES TAMBOURS DE BRAZZA… Oignies, Le Métaphone, 20h30, 16>10e BOYS NOIZE + DJEDJOTRONIC Charleroi, Rockerill, 22h, 15e
LUN 14.05 SOHN Bruxelles, AB, 20h, 26/25e
MAR 15.05 THE VAMPS Bruxelles, AB, 20h, 28/27e
MER 16.05 CALIBRO 35 + GUEST Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 12>8e
JEU 17.05 CHIEN BLEU Dunkerque, Les 4 Ecluses, 19h30, Gratuit ARCADIAN Lille, L'Aéronef, 20h, 30e
VEN 18.05 MINAMI DEUTSCH + ORVAL CARLOS SIBELIUS… Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 12>8e
© Neil Krug
UNKNOWN MORTAL ORCHESTRA
CABALLERO & JEANJASS Charleroi, Eden, 20h, 17>12e KID FRANCESCOLI Béthune, Le Poche, 20h30, 10>8e BEN MAZUÉ + BENJAMIN CONTE Calais, C. C. Gérard Philipe, 20h30, 12>10€ NO ONE IS INNOCENT + HYCKS Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13e AMELIE LENS + MATTHUS RAMAN Lille, L'Aéronef, 21h, 26>19e
SAM 19.05 JAH INSPIRATION SOUND FT. JAHWA BROTHERS + SENNA SOUND & JAKOB DELAFAN… Dixmude, 4AD, 19h30, 16>12e LA YEGROS + JEF KINO + FLASSH + COMMANDANT COUSTOU + LA BANDE À PAULO Lille, maison Folie Wazemmes, 20h, Gratuit
# 58
ROMÉO ELVIS Mons, Théâtre Le Manège, 20h, 20>15e
Depuis bientôt 10 ans, le Néo-Zélandais Ruban Nielson et l’Américain Jacob Portrait construisent une petite œuvre. Oh, rien de renversant, mais toujours d’agréables moments. Souvent inspirés, ces deux songwriters publient suffisamment de titres pour percevoir une évolution. Après des débuts fauchés et lo-fi, UMO (pour les intimes) a gentrifié sa production et s’inscrit désormais dans un rock solide, enrichi d’habiles détours vers le funk princier. Une pop délocalisée, en quelque sorte. T.A. BRUXELLES, 28.05, Ancienne Belgique, 19 h, 21 / 20 €, abconcerts.be
JEU 24.05 KATY PERRY Anvers, Antwerp Sportpaleis, 19h, 133>45e LIZZY STRATA Valenciennes, Le Phénix, 20h, 17>10e JESSICA93 + JODIE FASTER Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h30, Pass 2 soirées : 20e / 1 soirée : 12/9e
CALYPSO VALOIS Tournai, Maison de la culture, 20h, 15e LEXIE T Lille, Flow, 20h, 5/3€
DIM 27.05 SECTEUR Ä Lille, Le Zénith, 18h, 47>37e
MAR 29.05
ZENZILE Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 14/9e
ASTRID + SOFIE Bruges, Cultuurcentrum Bruges, 14h, 4e
VEN 25.05
CHROMEO + DJ JUICY Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 26>25e
FEMI KUTI AND THE POSITIVE FORCE Lille, L'Aéronef, 20h, 22>14e IMANY Maubeuge, La Luna, 20h, 20/15e DOLE + TRISOMIE 21 Arlon, L'Entrepôt, 20h30, 20/17e
SAM 26.05
DIM 20.05
EAUX LOURDES Lille, Maison Folie Wazemmes, 19h, Gratuit
L’OR DU COMMUN + LA SMALA Mons, Théâtre Le Manège, 20h, 24>18e
BORN RUFFIANS Bruxelles, Botanique, 19h30, 16>10e
KIMBEROSE Lille, Le Splendid, 20h, 25e
MER 30.05 COURTNEY BARNETT Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 27/26e PINK MARTINI Charleroi, PBA, 20h, 28>22e
VEN. 01.06 PINK MARTINI Lille, Hôtel du Casino Barrière, 20h30, 43>37€ PÈRE UBU + UNIK UBIK Dixmude, 4AD, 20h, 15>11€
DISQUES PARQUET COURTS
Wide Awake! (Rough Trade) Ça commence peinard, comme un bon album acheté par hasard un lendemain de cuite. Au bout de 20 secondes, le réveil sonne : les quatre turbines de Parquet Courts ont déjà atteint leur vitesse de croisière pour un nouveau tour de rodéo sur bitume. Le morceau inaugural de ce cinquième disque s’intitule Total Football. Sur le banc de Wide Awake !, le coach n’est autre que Danger Mouse, le Pep Guardiola des studios, déjà à l’œuvre dans la course aux titres avec The Black Keys, Gorillaz ou Michael Kiwanuka. Comme le laissait présager le morceau Wide Awake dévoilé début mars, le quatuor de Brooklyn a bombé son élégant garage rock d’effets colorés, de claviers et de bulles pop (cette chanson qui sonne comme du Ok Go est heureusement la seule). Si Danger Mouse a aussi produit un album de U2, sa griffe n'entame pas la spontanéité de Parquet Courts. On a toujours l'impression d'avoir affaire à une bande de punks sortant de leur chrysalide. Notre homme réussit même à magnifier les phases de jeu inspirées par les aînés de Television. Mieux, 45 ans après, il convoque sur le terrain Lynyrd Skynyrd et sa ballade mythique Freebird pour un match retour surréaliste. Le beau jeu à son meilleur. Mathieu Dauchy
LUKE HAINES
I Sometimes Dream of Glue
# 60
(Cherry Red Records) Les dernières nouvelles de Luke Haines (cf LM 133) étaient plutôt bonnes. L'irascible Britannique vivait, pépère, à Buenos Aires, et livrait une compilation retraçant 15 ans de ses œuvres. Ce nouvel essai voit l'ex-Auteurs se frotter au neofolk (au sens originel : plutôt Sol Invictus que Cocoon, soyons sérieux). Sa légendaire voix de tubard entonne des mélodies aigrelettes sur des accords égrenés dans (et à propos de) la campagne anglaise. Le tout ponctué de bodhrán (instrument de percussion irlandais), d'harmonica, de bribes de guitares électriques. On songe souvent à Julian Cope. Une fois encore, les charts se passeront de ses services – franchement, qui s'en soucie ? Cette bizarrerie ajoute une pierre supplémentaire à l'étrange édifice qui lui sert de carrière. Thibaut Allemand
EN ATTENDANT ANA
FONTAINE WALLACE
Lost and Found
Fontaine Wallace (Microcul-
(Montagne Sacrée / Buddy Records) Fatigués, vous aussi, de la vague garage pop stérile qui nous inonde de groupes interchangeables ? Vous n'êtes pas les seuls. Pourtant, ce quintette parisien au nom presque palindromique a rangé tous nos préjugés au placard. Ce premier album est une réussite totale, en 10 titres et sans aucun temps mort. Les mélodies parfaites évoquent la constellation Sarah Records, le premier album de Primal Scream ou, plus récemment, The Pains of Being Pure at Heart (formation sporadiquement touchée par la grâce), les nuages de guitares renvoient aux regrettés Electrelane, et le timbre de Margaux Bouchaudon, aux oubliées The Organ. Bref, un condensé de pop moderne rehaussé d'une trompette, à laquelle devrait bientôt faire écho celles de la renommée. Thibaut Allemand
tures / Differ-ant) Vous souvenez-vous de Superflu ? Entre 1994 et 2007, ces Nordistes ont dessiné une pop mâtinée de regrets, de remords et de déceptions. Des chansons mélancoliques, parfois acerbes, murmurées un peu précieusement par Nicolas Falez. Que l'on retrouve ici, épaulé entre autres par Ludovic Morillon (Prohibition, NLF3, Yann Tiersen…). Entre deux chansons "de métier" (L'Odyssée, Le Plongeon), Fontaine Wallace évoque la tristesse périurbaine (la nerveuse Architecte), la jeunesse qui file (Quarantaine) et une ode merveilleuse à l'ennui charmant des villes de province et à la nécessité de les quitter (Petite Ville). Et reprend donc les choses là où Superflu les avait laissées : cette pop intimiste qui nous avait tant manqué. Thibaut Allemand
JON HOPKINS
Singularity (Domino) Immunity, en 2013, avait révélé les obsessions minimalistes de Jon Hopkins. Le Britannique livrait une démonstration virtuose des capacités plastiques de l’electronica. Durant cinq ans, il a eu le loisir de préciser ses penchants pour les microorganismes. Aujourd'hui, Singularity traduit « la création d'un univers, qui s’étend et se rétracte vers un point infiniment petit ». C’est en tout cas le propos développé par son attaché de presse. Aucune expérience extracorporelle, ni de voyage cosmique, ne furent hélas ressentis lors de l’écoute de cet album intense. Pourtant, le Londonien signé chez Domino a le don de dessiner des paysages accidentés, traversés de plaines d’ambiant apaisantes, de rythmiques alambiquées exécutées au piano. Et c'est déjà pas mal. Mathieu Dauchy
LIVRES FANNY CHIARELLO La Vie effaçant toutes choses (Éditions de l’Olivier) De multiples fils, ténus mais reconnaissables (mêmes gestes, mêmes anecdotes...) lient entre eux les neuf instantanés composant le nouveau livre de Fanny Chiarello. Comme si l’auteure lilloise avait brisé ce roman en plusieurs morceaux, à la façon d’un jeu de piste. Traversé de musique et de silences, La Vie effaçant toutes choses raconte quelques heures ou jours de la vie de neufs femmes. Certes, elles n’ont pas le même parcours, le même âge, n’appartiennent pas à la même classe sociale, mais toutes cherchent l’émancipation. Leur point commun : la société et leur entourage les assignent à des rôles et destins dont elles ne veulent pas. Ce sont par leurs actes de résistance, dérisoires ou déterminants, qu’elles tentent d’échapper aux clichés collés à leur genre. À l’asphyxie. Rose lutte contre la vieillesse, Kim contre la maternité, Annie contre la dépression… Leurs voix intérieures se heurtent à des attentes écrasantes, des envies balbutiantes, évoquant ce « torrent de conscience » cher à Virginia Woolf. Sous la plume acérée, alerte et malgré tout emplie d’humour de Fanny Chiarello, leur quotidien malmené s’apparente à une épopée féministe. 240 p., 17,50 €. Sarah Elghazi
SONNY LIEW Charlie Chan Hock Chye. Une vie dessinée
# 62
(Urban Comics) Avouons-le, nous ne ne connaissons pas la BD singapourienne. En fait, nous méconnaissons Singapour, tout simplement. C’est pourquoi cette biographie s’avère instructive. Né en 1938, Charlie Chan Hock Chye représenterait l’équivalent de Hergé... Cet artiste engagé a joué avec diverses écoles : manga, comics... À travers sa vie et ses œuvres, désormais jaunies et joliment reproduites ici, Sonny Liew retrace l’histoire de cette cité-État insulaire. Un tour de force graphique et narratif lorsque l’on sait qu’il a créé ce Charlie Chan Hock Chye de toutes pièces ! À travers ce canular totalement maîtrisé, le talentueux Liew raconte vraiment son pays et joue avec les formes, le vrai et le faux. Un chef-d’œuvre. 328 p., 22.50 €. Thibaut Allemand
JULIEN FREY & NADAR TED CONOVER Newjack (Éd. du sous-sol) Adepte du journalisme d’immersion, Ted Conover a donné de sa personne pour écrire Newjack. Le reporter a intégré la sinistre prison de Sing Sing, dans l’État de New York, en tant que gardien. Ce livre revient ainsi sur 12 mois d’enfermement. En partageant son quotidien, la boule au ventre, il souligne l’absurdité de l’univers carcéral. Sa fascination, aussi. Mais pas de bon récit sans personnages exceptionnels. Newjack expose une palette de portraits singuliers, des deux côtés des barreaux. Car Sing Sing dévore chaque résident, les détenus autant que les matons. Cette expérience poursuit tout le monde à la sortie. À l’image de cet ouvrage. 464 p., 23 €. Hugo Guyon
Avec Edouard Luntz. Le cinéaste des âmes inquiètes (Futuropolis) Connaissez-vous Edouard Luntz (19312009) ? Ce cinéaste a réalisé des films consacrés à l’enfance et l’adolescence dans les bidonvilles parisiens des années 1960. Ceux qui ont vu ses œuvres évoquent Truffaut, Pialat ou Eustache… mais ils ne sont pas nombreux. Depuis un certain temps, sa filmographie demeure en effet invisible. Étudiant en cinéma, Julien Frey a rencontré Luntz, voici 20 ans. Une collaboration manquée. Se souvenant de cette expérience, et intrigué par cette absence, l’auteur entame des recherches, rencontre proches et collègues… En résulte une belle biographie, où le récit de vie se mêle à celui de l’enquête. L’ensemble est sublimé par le noir et blanc de Nadar. 184 p., 23 €. Thibaut Allemand
AURÉLIE WILLIAM LEVAUX ET CHRISTOPHE LEVAUX Le Tas de pierres (Cambourakis) En Belgique, au pied des terrils, un village « majoritairement composé de cons » est le théâtre d’un drame. Le train touristique qui le traverse déraille – à cause d’un petit tas de pierres déposé sur la voie ? À deux pas du tortillard embouti vit la famille Levaux au sein de laquelle Aurélie et son frère cadet Christophe reçoivent une éducation pieuse et frugale dont ils se passeraient bien. À la croisée des souvenirs ils reviennent, non sans humour, sur les circonstances de l’accident ferroviaire, mais aussi les désirs, jalousies et défis idiots de leur préadolescence. Ils dépeignent aussi un quotidien morne à la campagne au début des années 1990. Un récit autobiographique vif et caustique. 128 p., 15 €. Julien Bourbiaux
© Wide
# 64
ÉCRANS
MAI 68, LA BELLE OUVRAGE
PUNIR SANS ENTRAVES On se souvient du sourire narquois de Cohn-Bendit face à un CRS. On se souvient aussi des voitures en feu et des jets de pavés... Inédit en salles, Mai 68, la belle ouvrage, dénonce avec force la répression du mouvement ouvrier et étudiant. Interviewé en juin 1968, le général de Gaulle se félicitait du travail des forces de l'ordre durant les événements de mai. Aucun mort n'était à déplorer et le nombre de blessés fut limité. Successeur de Maurice Papon, le préfet de police Maurice Grimaud avait d'ailleurs eu des mots forts : « Frapper un manifestant tombé à terre, c’est se frapper soi-même en apparaissant sous un jour qui atteint toute la fonction policière ». Vue du Quartier latin, la situation aura pourtant semblé bien différente. Humiliations, menaces, passages à tabac, usages illégaux de certaines armes : c'est d'une violence systématique dont témoignent les étudiants, riverains, médecins et journalistes interrogés par Jean-Luc Magneron. Politique du bâton Tourné à chaud, Mai 68, la belle ouvrage, a l'ambition d'instruire le procès de l'État. Un étudiant évoque une « démocratisation du coup de matraque » pour décrire ce qui se passait dans les commissariats. En vérité, le traitement était pire pour les étrangers et les femmes. De parole en parole, Paris apparaît comme une ville assiégée où rôdent des spectres infamants. Ainsi de ce camp improvisé où, ceinturés par les barbelés et les projecteurs, les détenus se trouvaient entassés. À l'heure où des tanks sont envoyés à Notre-Damedes-Landes pour déloger une poignée de Zadistes, Mai 68 se révèle comme une étape-clé dans la criminalisation des luttes politiques et la militarisation de l'espace public. Raphaël Nieuwjaer DOCUMENTAIRE DE JEAN-LUC MAGNERON. En salle
DANSE MACABRE
# 66
En 2009, le réalisateur israélien Samuel Maoz tirait de son passé de soldat Lebanon, huis clos sous tension depuis l’habitacle d’un tank, et Lion d’or à Venise. Dans son deuxième long-métrage, Grand prix du jury de la dernière Mostra, il continue d’ausculter ses traumatismes et ceux paralysant toute une nation. À Tel-Aviv, de nos jours. On frappe à la porte d'un appartement. Dafna, la cinquantaine, ouvre, contemple ses interlocuteurs puis s’effondre. Il faudra au spectateur de longues secondes avant de distinguer les trois soldats de Tsahal dans l’encadrure, forcément porteurs d’une terrible nouvelle. L’ouverture puissante de Foxtrot condense tous les attributs du film riche en partis pris esthétiques et politiques. Libre à chacun d’adhérer à certains choix, tel ce découpage en trois séquences articulées façon puzzle. Ou d’en contester d’autres : le recours abusif aux allégories. Jonathan, le fils aîné, est donc mort en service. La procédure bien rodée de l’armée (sédatif pour la maman, organisation des obsèques) se heurte à la douleur du père. La deuxième partie nous propulse dans le désert et le quotidien absurde de quatre jeunes conscrits. Au checkpoint "Foxtrot", ils ouvrent sporadiquement la barrière à un dromadaire, contrôlent les voitures des Palestiniens, avec force humiliation et quelques bavures… Le dernier acte promet quant à lui des rebondissements (qu'on ne dévoilera pas), entre rires et larmes… Il donne à Foxtrot les airs d'un conte désabusé, plus qu’une critique frontale et stérile DE SAMUEL MAOZ, avec Lior Ashkenazi, Sarah Adler, Yonaton de la politique menée en Israël. Marine Durand Shiray... En salle
© 2017 Pola Pandora Spiro Films - A.S.A.P. Films KNM - ARTE France Cinéma
ÉCRANS
FOXTROT
TRIP ANIMÉ Adapté de la bande dessinée de Run, publiée dès 2006 par les éditions Ankama (Label 619), Mutafukaz est un grand huit sensationnel servi par un montage épileptique, mais ô combien jouissif ! Truffé de scènes d’action époustouflantes, de répliques qui font mouche, ce film d'animation ravira les néophytes comme les amateurs du genre.
# 68
Angelino est l’archétype du loser. Ce pizzaiolo trimballe sa dégaine atypique aux quatre coins de Dark Meat City, mégalopole des plus malfamées. Quand il ne travaille pas, il squatte le kebab local avec son coloc’ Vinz, ou nourrit les cafards qui lui servent d’animaux de compagnie. Mais depuis peu, la situation déraille. Pourquoi souffre-t-il d’une migraine infernale ? D'étranges hallucinations ? Qui sont ces hommes le suivant à la trace ? Et surtout, d’où lui vient cette soudaine force herculéenne ? Critique caustique des banlieues contemporaines, film de super-héros, romance sirupeuse… Mutafukaz est un joyeux fourre-tout, variant d’un genre à l'autre d'un simple fondu au noir. Autofinancé par Ankama, ce long-métrage franco-japonais se distingue par des dessins et une animation impeccables, des dialogues tordants. Pour ceux qui seraient passés à côté de la BD, pas de panique : l’intrigue a été simplifiée pour toucher un plus large public – mais on vous encourage à jeter un œil aux planches de Run (aka Guillaume Renard). Enfin, mention spéciale à Orelsan, qui prête sa voix au héros et s’avère DE SHOUJIROU NISHIMI ET GUILLAUME RENARD, avec les encore meilleur doubleur que rappeur. Mélissa Chevreuil
voix d'Orelsan, Redouanne Harjane, Féodor Atkine… Sortie le 23.05
© Ankama
MUTAFUKAZ
En 1996, Bruno publie Le Ciel étoilé au-dessus de ma tête. Ce premier roman est d’emblée un best-seller, adoubé par la critique. Deux décennies plus tard, il ne s’en remet toujours pas. Vieux garçon vivant en colocation avec une étudiante, il ressasse en boucle son succès d’antan, incapable d’écrire de nouvelles lignes. Ses proches en sont convaincus : le quinquagénaire couve une dépression. Ils décident donc d’intervenir, pour le meilleur et pour... le rire. Laurent Poitrenaux est irrésistible dans le rôle du pacha cynique et romantique qui enchaîne les situations rocambolesques. Il est ainsi convaincu que sa psy est son âme sœur ! On regrettera quelques scènes pseudophilosophiques assez creuses, servies par une mise en scène exagérément loufoque. Mais pas de quoi obscurcir ce joli ciel. Mélissa Chevreuil
© Stray Dogs Distribution
DE ILAN KLIPPER, avec Laurent Poitrenaux, Camille Chamoux, Marilyne Canto... Sortie le 23.05
© Christine Tamalet
LE CIEL ÉTOILÉ AU-DESSUS DE MA TÊTE
AMOUREUX DE MA FEMME Daniel (Auteuil) a tout ce dont un homme peut rêver. Un emploi stable, un bel appartement, une femme aimante et un ami... parfois gênant. Lors d'un dîner entre couples, Daniel tombe littéralement sous le charme de la nouvelle compagne de Patrick (Gérard Depardieu). Il imagine alors des scènes improbables avec la jeune femme, provoquant une succession de quiproquos... En transposant cette pièce de Florian Zeller au cinéma, via une réalisation sobre, Daniel Auteuil souhaitait que le spectateur « s'égare dans le récit ». Sur le fil entre rêve et réalité, on plonge au cœur des hallucinations du héros. Daniel s’envole-t-il vraiment pour Venise avec Emma ? La vérité n'éclatera qu'à la dernière minute... Entretemps, on adhère a ce vaudeville moderne et sans prétention. Angélique Passebosc DE DANIEL AUTEUIL, avec Daniel Auteuil, Sandrine Kimberlain, Gérard Depardieu... En salle
FAUX-SEMBLANT
# 70
Remarqué lors du festival de Tribeca, où son acteur principal reçut le prix d'interprétation masculine, Nobody’s Watching est le troisième film de Julia Solomonoff. En suivant les déboires d’un comédien aux ÉtatsUnis, la cinéaste argentine initie une subtile réflexion sur l'identité et son corollaire, l’imposture. Vedette d’une telenovela en Argentine, Nico a fui son pays et une relation toxique avec un producteur pour tenter sa chance à New York, où on lui a promis un rôle. Hélas, le projet capote. Le jeune homme peine à trouver sa place dans la Grosse Pomme, survivant de petits boulots (serveur, baby-sitter) tout en assurant à ses proches que les tournages s’enchaînent… Sobre et efficace, la mise en scène consiste en une succession de plans fixes sur son anti-héros. En arrière-plan se dessine un joli portrait de cette ville belle mais cruelle, sur laquelle se fracasse le rêve américain de Nico. Celui-ci serait à la fois trop et pas assez latino pour percer dans l’industrie du cinéma locale, friande d’archétypes. Une productrice lui conseille ainsi de se débarrasser de son accent et d’assombrir ses cheveux blonds. Bref, de ne plus être lui. L’Argentin encaisse les coups sans se départir de son sourire – son masque. D’humiliations en petits mensonges, il finit pourtant par se perdre… Au-delà de l’immigration, ce drame soulève son lot de thèmes shakespeariens, éminemment contemporains. À quoi se résume un être humain ? Sa fonction ? Ses revenus ? Sa nationalité ? Sa notoriété ? Telle est la question. DE JULIA SOLOMONOFF, avec Guillermo Pfening, Julien Damien
Elena Roger, Rafael Ferro… En salle
© Epicentre Films
ÉCRANS
NOBODY’S WATCHING
EXPOSITION
# 72
Attribué à Mihr Ali Portrait de Fath Ali Shah (1797-1834), Iran, Téhéran, vers 1805 Huile sur toile, Paris, musée du Louvre © RMN-GP (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
L'EMPIRE DES ROSES
IL ÉTAIT MILLE ET UNE FOIS Le Louvre-Lens lève le voile sur les Qajars, une dynastie qui régna sur l'Iran de 1786 à 1925. Baptisée L'Empire des roses, cette exposition s’appréhende comme un voyage au cœur de l'art persan du xixe siècle, et prend place au sein d'un palais dessiné par… Christian Lacroix ! Un événement sur-mesure. L’histoire des Qajars est aussi passionnante que méconnue. « Au xviiie siècle, c'est l'une des trois tribus se disputant l'Iran lors d'une effroyable guerre civile, qui voit émerger un personnage providentiel : Aqa Muhammad Khan, explique Gwenaëlle Fellinger, commissaire de cette exposition. Celui-ci réunifie le pays, s'impose comme le Shah et parvient à fonder une dynastie. Un sacré challenge, car c'était un eunuque... ». Après son assassinat en 1797, son neveu Fath Ali Shah monte sur le trône. Débute alors un xixe siècle enthousiasmant pour l'Iran, qui s'ouvre à l'Occident et à la modernité. À cette époque, l'art est luxuriant, coloré, scintillant... et sert avant tout à représenter le pouvoir – comme sous Napoléon ou Louis XIV. Joueur de setar, Iran, vers 1830-1840, Huile sur toile Paris, Bibliothèque universitaire des langues et civilisations orientales © INALCO / Philippe Fuzeau
suite
Au bout du conte Peintures, tapis, bijoux, costumes, calligraphies, céramiques, armes d’apparat... Près de 400 pièces restituent ici l'opulence d'une production longtemps ignorée. Certains trésors présentés dans le Pas-deCalais ne sont d'ailleurs jamais sortis d'Iran, à l'image de cette couronne d’Aqa Muhammad Shah, prêtée par le Palais du Golestan de Téhéran. Déambulant sous le regard de princesses aux parures fastueuses, de shahs aux longues barbes et sabres sertis de pierres précieuses, le visiteur découvre la naissance d'un état, au sein d’un parcours prenant les allures d'un palais oriental. Signée Christian Lacroix, cette scénographie
nous précipite dans un autre monde, un conte digne des Mille et une nuits. Julien Damien LOUVRE, JUSQU'AU 23.07, Louvre-Lens, tous les jours sauf mardi : 10 h > 18 h, 10 / 5 € / gratuit (-18 ans), www.louvrelens.fr
Vue d'exposition © Julien Damien
# 74
Couronne d’Aqa Muhammad Shah, Iran, vers 1788, cuivre, décor d’émail peint, Téhéran, Palais du Golestan
# 76 EXPOSITION
Interview
CHRISTIAN LACROIX SUR-MESURE
Propos recueillis par Julien Damien Photo Portrait Ch. Lacroix © Sébastien Jarry / Musée du Louvre-Lens Vues d'exposition © Laurent Lamacz
Il est couturier, costumier, designer, illustrateur et… scénographe. Depuis trois décennies, Christian Lacroix est l'un des plus grands créateurs français, puisant dans le passé pour habiller le présent. Depuis 2008, il conçoit des costumes et des décors pour le théâtre. Il collabore aussi avec les plus grands musées, du Quai Branly au Louvre-Lens, où nous l'avons rencontré. L'Arlésien met en espace et en couleur L'Empire des roses, restituant les fastes d'un palais oriental – déjà une œuvre en soi.
Comment cette collaboration avec le Louvre-Lens est-elle née ? Marie Lavandier (ndlr : la directrice) m'a contacté pour cet accrochage. J'étais très impressionné. D'une part je connaissais mal la dynastie des Qajars, et puis je n’avais jamais visité le Louvre-Lens. Ce fut un coup de foudre : que la culture rayonne sur ce territoire, avec ce respect pour le paysage, le passé… À chaque fois que je vois cet aluminium reflétant le ciel, je suis bouleversé.
Comment avez-vous travaillé ? Le propos était déjà mûr. Mon rôle fut simplement de lui offrir un écrin. J'ai d'abord cherché à restituer cette ambiance persane en observant des tableaux, avec des colonnades, des pilastres. Mais cela dépassait tous les budgets ! Suivant cette phrase de Cocteau : « Trop, c’est juste assez », j’ai tendance à en rajouter… Mais ici, il valait mieux choisir l'épure car les œuvres sont luxuriantes, elles se suffisent à elles-mêmes.
suite
Quel fut donc votre parti pris ? Je suis tombé par hasard sur ce petit plan d'un château de plaisance de Souleymanieh, construit en 1840 pour Fath Ali Shah. Ce dessin de l'architecte français Pascal Coste, au graphisme abstrait, rappelant Paul Klee, me plaisait beaucoup. Je me suis appuyé sur ce document pour créer un parcours semblable à une ville imaginaire ou un palais.
# 78
« CETTE EXPOSITION EST UN VOYAGE SPATIO-TEMPOREL » Comment avez-vous organisé les salles ? J'ai simplifié la circulation : chaque espace présente un thème spécifique, signalé par une couleur renvoyant aux œuvres accrochées
comme le rouge, l’ocre… Les murs sont également ornés de soieries, comme dans les palais persans de l'époque, et les salles sont reliées par des rues recouvertes de moquette aux imprimés typiques de l'Iran médiéval. Qu'en est-il de l'entrée de l’exposition ? On pénètre par une grande porte formée de trois arcades. Je l'ai composée à partir d’une toile de Jules Laurens, représentant les ruines du palais d’Ashraf. J’ai choisi un "bleu paon", emblématique de cette civilisation. Il s’agissait de marquer ce passage vers un autre monde, car cette exposition est un voyage spatio-temporel.
« JE SUIS FASCINÉ PAR CETTE ORNEMENTATION PHÉNOMÉNALE » Quand avez-vous découvert les Qajars ? Mon intérêt pour cette dynastie est inconscient, il remonte à l’enfance, à un livre qui m'a beaucoup impressionné : Les Mille et une nuits. L'illustrateur s'était nourri des peintures persanes, cela me faisait peur et en même temps j’étais fasciné par cet art de l'ornementation… Assez timide et solitaire, j'ai grandi très heureux à Arles. Mais je ressentais ce besoin d'évasion vers l'inconnu, débordant la vie quotidienne. Il fallait à tout prix échapper à l’ennui. Ce livre a comblé ce vide.
En quoi l'art qajar vous intéresse-t-il ? Cette culture affiche clairement son pouvoir. Mais derrière cette attitude martiale, impérialiste, on distingue quelque chose de raffiné, presque féminin. À tous points de vue, on se situe entre deux mondes. Je suis aussi fasciné par cette ornementation phénoménale : la surenchère de bijoux, d'étoffes, de broderies… Cette opulence est aussi propre à celle du Second Empire, qui m'a tellement inspiré. Plus généralement, puisez-vous dans le passé pour habiller le présent ? Dans le passé mais aussi l'ailleurs, l'exotisme. Aujourd'hui encore, je procède par collages. suite
Justement, comment êtes-vous devenu couturier ? Adolescent, j'étais passionné par l'histoire du costume. J'ai donc essayé d'entrer dans une école spécifique, alors située rue Blanche à Paris, mais sans succès. Par contre des amis à qui j'avais montré mes créations m'ont très tôt encouragé. C'était les années 1980, les choses étaient plus extravagantes, avec tous ces clubs et boîtes de nuit !
# 80
C'est-à-dire ? On s'habillait pour jouer un rôle, on était en "monstration" jusque dans
les années 1990 où est apparu le minimalisme – je n'aurais d'ailleurs pas percé à ce moment-là. Bref, en 1978, j'ai présenté mon dossier chez Hermès qui m'a accueilli comme stagiaire avant de devenir directeur artistique deux ans après ! À l'époque, tout allait très vite, même sans notion de couture. Puis j'ai rejoint la maison de Jean Patou, où rien n'avait changé depuis les années 1930… On concevait des vêtements pour des clientes prestigieuses, des pièces créées exclusivement pour elles et tout cela sans tambours ni trompettes. Aujourd'hui, la hautecouture déroule des tapis rouges, exhibe des célébrités, paye des gens pour porter les vêtements… À l'époque c'est nous qui faisions payer les clientes !
À LIRE / version longue sur lm-magazine.com
© Julien Damien
Je me souviens d’un jeu d'enfant, constitué d’une cinquantaine de visages, de troncs, de jambes. J’en possédais une version reposant sur des tableaux célèbres : il y avait des visages de Modigliani, des corsages de Van Gogh et des jambes de Rembrandt. Ce fut une révélation…
D'après Antoine Chintreuil, Les vapeurs du soir, 1865 © PBA Lille, 2018
EXPOSITION
OPEN MUSEUM # 5
TÊTES DE SÉRIE
# 82
Chaque printemps, le Palais des beaux-arts de Lille propose à une personnalité de revisiter ses collections. Après Zep ou Alain Passard, cette cinquième saison de l’Open Museum profite de l’ancrage de Séries Mania dans la capitale des Flandres pour convier Dexter, l’agent Dale Cooper et une vingtaine de héros de nos petits écrans ! Ouvrir le musée aux séries télévisées était une évidence pour Bruno Girveau. « Je suis un fan absolu de ce format depuis les années 2000, confie le directeur du PBA de Lille. On ne fait rien de mieux aujourd’hui en matière de création audiovisuelle ». Ce parcours met ainsi en évidence les rapports entre 22 de nos feuilletons favoris avec l’histoire de l'art, qu’ils soient esthétiques ou sociologiques. De courts extraits sont présentés sur un écran et mis en perspective avec une ou plusieurs toiles. Cette lumière en clair-obscur habillant les plans de La Servante écarlate trouve par exemple toute sa place à côté des chefs-d’œuvre hollandais du xviie siècle. Idem pour Jude Law et The Young Pope, sublimés dans la galerie consacrée à la peinture italienne. La plus belle salle se situe sans doute au sous-sol, où la scénographie nous plonge littéralement dans la Chambre Rouge de Twin Peaks, sous le regard intrigant de quelques Vénus… Dans le même esprit, on vous laisse découvrir pourquoi Carrie Bradshaw de Sex and the City fait LILLE, jusqu’au 16.07, Palais des beaux-arts, de l’œil à Courbet, et par quel truchement Bart lun : 14 h > 18 h, mer > dim : Simpson côtoie Jérôme Bosch – Ay Caramba ! 10 h > 18 h, 7 / 4 € / gratuit Julien Damien
(-12 ans), www.pba-lille.fr
PASSAGE À L’ART
# 84
« Comment un objet devient-il œuvre d’art ? » La question semble tout droit sortie d’un sujet du bac philo. Elle est le point de départ de l’exposition Enchanté. Au LAAC de Dunkerque, une trentaine de photos, sculptures et installations apportent quelques éléments de réponses, interrogeant notre capacité d’émerveillement. Il y aurait bien eu « 1 000 entrées possibles » pour un sujet aussi vaste que le basculement du quelconque vers l’extraordinaire. À commencer par Marcel Duchamp, son urinoir, sa roue de bicyclette… « C’est en quelque sorte le point de départ de cette réflexion. Mais c’était un peu évident, or je voulais éviter d’être démonstratif », renseigne Richard Schotte, le commissaire d’Enchanté. À la place, les productions de Bernd et Hilla Becher, Andy Warhol, César et une vingtaine d’autres enchanteurs s’égrènent dans cinq salles thématiques. Celles-ci explorent les techniques ou intentions qui, soudain, font art. Dans l’espace baptisé "Le multiple et le singulier", Allan McCollum efface par exemple les frontières entre production industrielle et artistique avec ses amphores colorées, toutes semblables mais toutes différentes. Et que dire de la maquette, cette œuvre en devenir figée dans les limbes des projets inachevés ? Séverine Hubard a compilé toutes celles produites dans sa carrière pour Le monde comme atelier, créée spécialeDUNKERQUE, jusqu’au ment au LAAC. L’installation renferme elle-même 26.08, LAAC, mar > ven : 9 h 30 > 18 h, sam & dim : 10 h > un modèle-réduit d’antenne relais, constituée 18 h, 4 / 2 € / gratuit (-18 ans d’objets du quotidien auxquels s’offre un nouveau et tous les dimanches), www.musees-dunkerque.eu destin. La boucle est bouclée. Marine Durand
Michel Paysant, Inventarium 03, 2003, Détail des architectures de mémoire, Fonds National d’Art Contemporain © ADAGP, Paris 2018
EXPOSITION
ENCHANTÉ
EXPOSITION
# 86
Yoan Capote, Immanence, 2015 © Jonas Verbeke
OLA CUBA !
L'ÎLE FANTASTIQUE Réhabilitée en haut lieu culturel en 2009, la Gare Saint Sauveur n'en a pas terminé avec les voyages. Après l'Afrique au printemps dernier, "Saint So" met cette fois le cap sur Cuba, à la découverte de la jeune création contemporaine. Ces artistes ont tous grandi sur l'île dans les années 1990 et, malgré les difficultés, ont choisi d'y rester. Entre rage et espoir, ils portent une parole libre et une énergie forçant l'admiration.
Ê
tre artiste à Cuba n'a rien d'anodin. Créer dans un pays privé d'accès à Internet, de matériaux essentiels et de liberté d'expression, traduit un engagement profond. Un combat. C'est ce qui rend cette exposition exceptionnelle. Pour autant, ce foisonnement ne bénéficie pas (encore) d'une visibilité suffisante. « On a donc choisi de montrer à Lille les œuvres d'une trentaine d'artistes nés à la fin des années 1970 ou au début des années 1980 et refusant de quitter leur terre natale », explique Justine Weulersse, commissaire d'Ola Cuba !. Ces jeunes hommes ou femmes ont ainsi grandi durant "la période spéciale en temps de paix", pour reprendre l'expression du Lider Maximo, qualifiant l'une des plus graves crises économiques de Cuba.
Après l'effondrement de l'URSS, les bateaux soviétiques cessèrent d'approvisionner l'île en pétrole, médicaments et autre denrées indispensables, plongeant les habitants dans la misère. Poésie et politique Cette réalité traverse l'exposition, constituée de photographies, vidéos, installations, peintures… « Il n'y a pas de fil rouge. Nous n'avons pas nécessairement sélectionné des œuvres engagées ». Celles-ci se distinguent par leur puissance plastique et poétique. Telle Fango d'Elizabeth Cerviño, sublime métaphore de la condition humaine, soit neuf statues conçues en argile.
suite
EXPOSITION
# 88
Adonis Flores, Oratoria, 2007 © DR
Stainless, Occidente Con Esteroides © Jonas Verbeke
Roberto Diago, ciudad en rojo, 2010 Š Jonas Verbeke
Premier Plan : Elizabet Cervino, Fango ; Arriere plan : Nocturnal © Jonas Verbeke
Arrosées durant l'accrochage, elles redeviendront progressivement de la boue, puis de la terre… D'autres artistes ne s'interdisent pas de critiquer leur société. Avec humour… et subtilité. À l'image de ce gigantesque portrait de Fidel Castro façonné par Yoan Capote avec des charnières de portes rouillées, les niveaux de lecture sont innombrables. Et c'est toute la richesse de cet art, « percutant, sans en avoir l'air ».
# 90
Leur part du gâteau Citons aussi Occidente Con Esteroides, du collectif Stainless. Cette pièce prend la forme d'un gros gâteau coloré, semblant crouler sous son propre poids. Pourquoi ? « À Cuba, il n'y a pas de dessert, c'est
donc un clin d'œil à cette nourriture occidentale, cette opulence régnant à seulement 200 km » commente Justine Weulersse. Cette friandise monumentale est aussi couverte de langues, symbolisant la parole castriste : « Comme autant de couches de discours qui tiennent le pays. Cela en devient écœurant et tout s'effondre… ». Si le départ de Raul signe la fin de l'ère Castro, personne n'est dupe : le régime, lui, perdure… « Mais ces artistes gardent une énergie et une foi inébranlable en leur pays. En l'avenir ». Une belle leçon de courage. Julien Damien LILLE, JUSQU'AU 02.09, Gare Saint Sauveur, mer > dim : 12 h > 19 h, gratuit, www.lille3000.eu + Expos photo de Marc Riboud et Nicola Lo Calzo : LILLE, 05.05 > 01.07, Hospice Comtesse, lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, gratuit
Orang-outan de Sumatra (Pongo abelii) © T. Hubin
EXPOSITION
LES SINGES
SUR LEUR PLANÈTE
# 92
Ce sont nos plus proches cousins. Mais les connaissons-nous vraiment ? Pas sûr... Cette exposition nous plonge dans le quotidien des singes. Une soixantaine de spécimens naturalisés sont mis en scène au cœur d’une jungle reconstituée. Ludique, ce parcours révèle des comportements qu'on ne soupçonnait pas forcément. Le visiteur est par exemple invité à "pêcher" les termites dans leur nid avec un bâton, comme les chimpanzés. Les plus jeunes peuvent grimper, sauter et se balancer de branche en branche à la recherche de nourriture, à la façon du gibbon. Par contre, on laissera l'Aya-aye de Madagascar à l'une de ses occupations favorites : extraire un ver d’une écorce... Tendant l’oreille, nous captons aussi de curieux échanges. Car, s’ils ne parlent pas, ces animaux ne manquent pas de moyens de communication : ultrasons, cris, langages olfactifs... Le Museum des sciences naturelles nous alerte enfin sur l'avenir de ces espèces. 60 % d'entre-elles sont en danger d'extinction d'ici 25 à 50 ans. Leur plus grand prédateur est également un primate : l’homme, responsable de la destruction de son habitat. Alors, finies les singeries ! Angélique Passebosc BRUXELLES, Jusqu’au 26.08, Museum des sciences naturelles, mar > ven : 9 h 30 > 17 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 9,50 > 4,50 € / gratuit (-6 ans), www.naturalsciences.be
EN FAMILLE
ANVERS, Jusqu’au 10.06, FoMu, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 3 € / gratuit (-18 ans), fotomuseum.be
© Julien Mellin
© Harry Gruyaert/Magnum Photos
HARRY GRUYAERT Avec les Américains Saul Leiter ou Joel Meyerowitz, cet Anversois né en 1941 est l’un des pionniers de la photographie couleur. Dès les années 1970, Harry Gruyaert se distingua par son approche non-documentaire, privilégiant des compositions très graphiques. À l’image de sa série Rivages (2003), initiant un dialogue poétique entre la mer et la ligne d’horizon. Cette rétrospective dévoile aussi ses débuts en noir et blanc et une installation vidéo. Le tableau complet d’une carrière… haute en couleur.
NAPOLÉON. IMAGES DE LA LÉGENDE À la faveur d’un partenariat établi en 2011 avec le Château de Versailles, le Musée des beaux-arts d’Arras accueille plus de 160 œuvres issues de sa collection. Ces peintures, sculptures ou meubles, pour beaucoup commandés par l’Empereur luimême, offrent une plongée exceptionnelle dans l’histoire européenne, de la gloire à l’exil du petit Corse. On découvre aussi les talents d’un redoutable communicant, qui utilisait l’art pour asseoir son pouvoir. ARRAS, Jusqu’au 04.11, Musée des beaux-arts, lun, mer > ven : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 7,50 / 5 € / grat. (-18 ans), napoleon.versaillesarras.com
Moule, 2001 © Hervé Lesieur
# 94
HERVÉ LESIEUR - À CORPS PERDUS Né en 1959 à Auchel, Hervé Lesieur est un artiste complet, réalisant aussi bien des performances que des sculptures, des dessins, de la vidéo… Suite à une résidence au Musée des beaux-arts d’Arras, il offre une relecture thématique des collections de cette institution. Une centaine d’œuvres explorent les thèmes du corps, du sacré ou du fantastique, instaurant un dialogue avec des pièces rarement montrées, tels des masques asiatiques du théâtre Nô ou une collection d’oiseaux naturalisés. ARRAS, Jusqu’au 20.08, Musée des beaux-arts, lun, mer > ven : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, gratuit, www.arras.fr
Yoshitomo Nara, Winter Long © Philippe DeGobert
PRIVATE CHOICES C’est une affaire de goût, de passion… mais aussi de partage. Située place Sainte-Catherine, la Centrale dévoile les trésors d’amateurs d’art contemporain bruxellois. Onze collectionneurs privés se sont prêtés au jeu, révélant des œuvres de grands noms comme de jeunes créateurs, de Magritte à Bill Viola, en passant par Jan Fabre ou Damien Hirst. Chacune de ces cavernes d’Ali Baba se découvre comme un cabinet de curiosités, rythmé par des références littéraires ou musicales propres à chacun. BRUXELLES, Jusqu’au 27.05, Centrale for Contemporary Art, mer > dim : 10 h 30 > 18 h, 8 > 2,50 € / grat. (-18 ans), centrale.brussels
PANORAMA DE LA BD CHINOISE
ADEL ABDESSEMED
Du premier livre illustré en 868 jusqu’à l’industrie du manga, cette exposition témoigne d’une passion très ancrée dans l’empire du Milieu. Comme en Belgique, c’est durant la première moitié du xxe siècle que le "manhua" (la BD chinoise) a pris son essor. Son premier héros récurrent, Monsieur Wang, est ainsi né en même temps que Tintin. En sus d’auteurs contemporains, ce parcours rapporte quelques traditions singulières, tels les lianhuanhua, de petits fascicules populaires recelant de chefs-d’œuvre.
À l’image de cette statue monumentale représentant le coup de boule de Zidane à Materazzi, Adel Abdessemed s’est révélé grâce à des installations et dessins au fusain traitant du thème de la violence. Le Franco-Algérien envisage son travail comme un manifeste contre la barbarie et pour la liberté. À l’occasion de cette exposition, il a créé un ensemble de statues en bois calciné, Otchi Tchiornie, rendant hommage aux membres des Chœurs de l’Armée Rouge, tués lors d’un crash d’avion en décembre 2016.
BRUXELLES, Jusqu’au 09.09, CBBD, tous les jours : 10 h > 18 h, 10 > 3,50 €, www.cbbd.be
HORNU, Jusqu’au 03.06, Mac’s, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be
FRANÇOISE PÉTROVITCH. À VIF
# 96
Jouant de l’ambivalence entre le masculin et le féminin, l’enfance et l’âge adulte, l’homme et l’animal, l’œuvre de Françoise Pétrovitch met en scène des figures hybrides, tantôt douces ou effrayantes. La native de Chambéry use aussi bien de l’estampe, de la sculpture, de la vidéo et surtout du dessin, pour cultiver le mystère, comme le montre À vif, au Centre de la gravure et de l’image imprimée. En parallèle, À Feu, au Centre Kéramis, dévoile ses céramiques, complétant le panorama d’une artiste singulière. LA LOUVIÈRE, Jusqu’au 16.09, Centre de la gravure et de l’image imprimée, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 3 € / gratuit (-12 ans), www.centredelagravure.be // Kéramis, Centre de la céramique, mer > dim : 10 h > 18 h, mar : 9 h > 17 h, 7 > 3 € / gratuit (-18 ans), www.keramis.be
CARNETS DU NORD Lauréat en 1984 du prestigieux prix Niépce, Thierry Girard avait photographié le Nord-Pas de Calais entre 1977 et 1985. Il saisit alors cette région durant le déclin de l’exploitation minière. Ce parcours confronte ses clichés en noir et blanc de terrils ou cités ouvrières à de nouvelles images de ces territoires capturées en 2017. Le dialogue entre les époques offre une belle réflexion sur les métamorphoses d’un paysage désormais inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco. LEWARDE, Jusqu’au 26.08, Centre historique minier, tous les jours, 9 h > 17 h 30, accès au site et aux expositions + visite guidée : 12,50 > 6,70 €, www.chm-lewarde.com
HELL’O ENJOY THE SHOW... Hell’O est un duo d’artistes belges né il y a 10 ans. Débutée sur les murs, poursuivie sur le papier, la toile ou le textile, son œuvre est reconnaissable entre toutes. Son style se distingue par une ligne claire et des aplats colorés vifs ou pastel. Empruntant à la mythologie ou au surréalisme, Jérôme Meynen et Antoine Detaille créent des saynètes emplies d’humour, parfois macabres, peuplées d’un bestiaire fantastique. Ce parcours dévoile une décennie d’un travail singulier, rehaussé de pièces exécutées in situ.
Nicolas Schöffer, Chronos 8, 1967 © Photo : N. Dewitte / LaM © Adagp, Paris - Éléonore de Lavandeyra-Schöffer
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MONS, Jusqu’au 29.07, BaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans), bam.mons.be
CHRÉTIENS D’ORIENT. 2 000 ANS D’HISTOIRE Aucune institution n’avait encore retracé la destinée politique, culturelle et cultuelle de ces communautés, de l’Antiquité à nos jours. Au fil d’un parcours chronologique, 300 œuvres racontent l’émergence d’une nouvelle religion sur les rives du Bosphore, jusqu’à la crise d’aujourd’hui. Parmi ces tentures égyptiennes du ve siècle, mosaïques palestiniennes ou manuscrits rares, on trouve la plus vieille représentation du Christ au monde. Oui, c’est un événement. TOURCOING, Jusqu’au 11.06, MUba Eugène Leroy, tous les jours sauf mardi : 13 h > 18 h, 7 > 3 €, www.muba-tourcoing.fr
NICOLAS SCHÖFFER À l’heure où la science prend le pas sur la fiction, où le numérique tyrannise notre existence, cette rétrospective célèbre l’un des pionniers de l’art cybernétique. Le travail de Nicolas Schöffer (1912 - 1992) marie poésie et technologie – on lui doit par exemple la "Tour spatiodynamique" installée depuis 1961 à Liège. Cette "exposition-spectacle" se décline en neuf chapitres, dévoilant des sculptures, dessins ou peintures emblématiques d’un visionnaire. VILLENEUVE D’ASCQ, Jusqu’au 20.05, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 10 / 7 € / gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr
EXPOSITION
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La forêt de nouveau frémit, Sans titre 4, 2017, arylique sur medium, 160 x 122 cm
© A. Passebosc
Portrait
SYLVAIN DUBRUNFAUT ENTRE DEUX ÂGES L’adolescence, ses premières fois et ses doutes. Sylvain Dubrunfaut reste, encore aujourd’hui, fortement attaché à cette période de la vie. Il la met en scène dans des portraits, sublimant les expressions du visage, l’attitude ou la tenue vestimentaire propres à cet âge. L’artiste-peintre nous a ouvert les portes de son atelier. « Je vais bientôt avoir 40 ans et je me demande où est passée ma jeunesse. Qu’est-ce qu’il en reste ? Voilà pourquoi je m’intéresse autant à cette génération », analyse avec nostalgie Sylvain Dubrunfaut. À Haubourdin, dans son petit atelier, au milieu des
cartons, pinceaux et chevalets, l’artiste compose des portraits d’adolescents dans une veine naturaliste. Issus de rencontres ou de clichés dénichés sur Internet, ces modèles tantôt mélancoliques ou rêveurs sont une source d’inspiration inépuisable. suite
EXPOSITION
de ce garçon au bonnet péruvien, là le doute et la réflexion dans un regard fuyant… Effet miroir Certaines expériences personnelles ont aussi éclairé Sylvain sur ce passage à l’âge adulte. « J’ai été animateur puis directeur dans des camps de vacances durant de longues années. Peindre la jeunesse est, en quelque sorte, une façon de prolonger la mienne et d’en immortaliser les moments marquants ». Au fil du temps, son propos est devenu plus ambitieux. « J’ai commencé à creuser tous les aspects du sujet. Les thèmes propres à l’adolescence sont riches : le rapport au corps, la quête d’identité, la rébellion. La jeunesse traduit aussi l’état d’une société à l’instant T ». À l’image de cette manifestante entourée des forces de police, visage à demi-caché par une écharpe. La conquête de la nature En haut : La forêt de nouveau frémit, Sans titre 5, 2017 acrylique sur medium, 84 x 61 cm
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En bas : Sweet generation, Sans titre, 2013, gouache sur papier, 29,7 x 21 cm
Huile sur bois, gouache, acrylique… les méthodes ne manquent pas, questionnant en filigrane les codes de la photographie. Tous les moyens sont bons pour capturer les émotions liées à ce moment transitoire de l’existence. Ici, toute la fragilité
« Actuellement j’explore la notion de road trip. Les jeunes adultes voyagent de plus en plus à travers le monde, au contact de la nature ». Nombre de paysages s’offrent donc en arrière-plan de ses portraits. La Forêt de nouveau frémit, sa dernière série, témoigne de ces essais. Dans l’un de ces tableaux intimistes, une jeune fille en maillot de bain fait face au spectateur. « Cette séduisante demoiselle affiche un air sévère.
Ados 2, Sans titre, 2011, huile sur medium, 160 x 122 cm
Elle s’impose à travers une lumière rasante, nous saisit et nous pousse à nous interroger ». Son regard intrigue. Que fixe-t-elle ? « Je ne le sais pas. Je laisse la porte ouverte aux interprétations. Le public est libre d’imaginer la scène qui se déroule hors-cadre ».
À la recherche du temps perdu… Angélique Passebosc MON NOM EST PERSONNE ROUBAIX, JUSQU’AU 12.05, Il Bacaro, lun : 11 h > 14 h 30, mar > ven : 19 h > 23 h, gratuit, www.le-bar.fr À VISITER / dubrunfaut.info
suite
À gauche : La forêt de nouveau frémit, Sans titre 3, 2017, acrylique sur medium, 160 x 122 cm
Ci-dessus : La forêt de nouveau frémit, Sans titre, 2017, acrylique sur medium, 160 x 122 cm
Interview
HAROUN SATIRE À TOUT-VA Propos recueillis par Hugo Guyon Photo Ben Dauchez
THÉÂTRE & DANSE
« On dit le Front national moins raciste qu’avant ? À moins que les autres partis se soient mis au même niveau ? »… « Quitte à filmer des cas sociaux, les djihadistes à Fleury ce serait une bonne idée de télé-réalité »… Oui, Haroun est du genre corrosif. Derrière son look de gendre idéal, ce « mec de la banlieue tranquille de Paris », dit-il, est en train de s'imposer comme la nouvelle étoile du stand-up français. Entretien.
« ÇA NE M'INTÉRESSE PAS DE MONTER SUR SCÈNE SANS PRENDRE DE RISQUES » Comment ce spectacle est-il né ? Sur la longueur. J’ai écrit une première version baptisée Tous complices. Mais le spectacle s’est affiné, s'enrichissant de sujets d’actualité notamment. Il évolue sans cesse.
Quel est le propos ? Je pose la question de nos responsabilités devant le monde actuel. J'aborde des thèmes plus ou moins graves comme l’écologie, l’éducation, la modernité mais aussi le racisme, les attentats ou la religion. Comment qualifieriez-vous votre humour ? J’aime bien le terme "sarcasticogentil". Je me moque de nos travers mais avec une certaine bienveillance… D'ailleurs, je reste le sujet principal de mes vannes. Qui seraient vos modèles ? Le premier fut Coluche. Puis je me suis intéressé à Pierre Desproges et aux Inconnus. J’aime aussi l’humour anglais des Monty Python ou de Ricky Gervais. Il y a une vraie culture de la satire là-bas, ils vont vraiment loin et n’hésitent pas à prendre des risques. Moi, ça ne m'intéresse pas de monter sur scène sans en prendre. suite
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Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ? Je suis originaire d'une lointaine banlieue de Paris, proche de la nature. J’ai donc vécu une jeunesse plutôt sympa. À l’adolescence, inscrit en école de commerce, j'ai monté un club de théâtre avec des potes. À la fin de ces études, j’ai donné des cours d’impro dans des entreprises avant d'entamer un tour du monde. De retour en France, j'ai décidé de créer un one man show, mon rêve depuis tout jeune.
Vous considérez-vous comme un humoriste engagé ? Non ! Je n’aime pas ce terme car il est très galvaudé en France. On ne peut pas dire qu’on se mette en danger en étant humoriste dans ce pays. Au pire, on risque un jugement en diffamation et quelques milliers d’euros d’amende. Les "vrais" humoristes engagés sont en Irak ou exilés en Jordanie. Vous vous imposez souvent des contraintes : monter un spectacle en deux mois pour les élections, écrire sur des thèmes proposés par les internautes… Pourquoi ? Cela vient de l’impro. Je cherche sans cesse de nouvelles vannes car, au bout d’un moment, je m’ennuie. Pour rester bon dans son domaine il faut pratiquer sans cesse, c'est comme le footing.
Y aura-t-il une suite à vos parodies d’émissions télé (Ambition intime ou Bourdin Direct…) ? Ce n'est pas d’actualité. Je voulais surtout montrer à quel point on peut manipuler l’image. Certains ont cru que mes fausses interviews étaient réelles, que Marine Le Pen était une droguée. J’ai même reçu des messages privés de gens me demandant comment j'avais réussi à m'entretenir avec Trump. Quelle est donc votre actualité ? Un spectacle ayant pour thème Internet, il est prévu pour les 17,18 et 19 mai, je le peaufine en ce moment même. L’humanité est en train de prendre un drôle de virage avec cette hyper-connexion. Est-on prêt à cela ? Assez lucides sur les conséquences ? LILLE, 26.05, Théâtre Sebastopol, 20 h, Complet !, www.theatre-sebastopol.fr WATERLOO, 14.09, Festival Waterlol, 21 h 30, 55 > 25 €, www.waterlol.be DUNKERQUE, 29.11, Kursaal, 20 h, 35 €, www.dunkerquekursaal.com BEAUVAIS, 30.11, Elispace, 20 h, 35 €, www.elispace.fr
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À VISITER / www.haroun.fr
© Benjoy
© Julien Benhamou
THÉÂTRE & DANSE
VINCENT DEDIENNE
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S’IL SE PASSE QUELQUE CHOSE Révélé en 2014 sur le plateau de Supplément sur Canal + avec ses portraits décalés, Vincent Dedienne nous régale désormais de ses revues de presse dans Quotidien de Yann Barthès. Pour autant, le trentenaire n'a pas délaissé son premier amour : le one-man-show. Et ça lui réussit plutôt bien. Plus de 300 représentations, un "Molière de l’humour" en 2017, une tournée supplémentaire d’une vingtaine de dates... Il faut dire qu'avec S’il se passe quelque chose, le Mâconnais se met à nu... au propre, comme au figuré ! De son admiration pour Muriel Robin à ses premiers pas sur les planches, en passant par son homosexualité, il livre un autoportrait drôle et sensible, avec le style qu'on lui connaît : fin, impertinent, mais jamais hargneux. D'ailleurs, il ne s'épargne pas. À propos de lui-même, il déclare : « On dirait un Kiki [...] être moche et drôle, c’est une combinaison évidente ». Même ses parents se paient sa tête ! « Je ne voulais pas celui-ci, je voulais l’autre », le tacle sa mère dans une vidéo projetée sur scène, au sujet de son adoption... Mine de rien, depuis son premier spectacle LIÈGE, 16.05, Trocadéro, 20 h 30, 37,50 > 22,50 €, www.troca.be écrit à l'âge de 14 ans (!), il s’en est passé, des choses, dans la vie de BRUXELLES, 17 & 18.05, Théâtre le 140, Complet ! Vincent Dedienne. Angélique Passebosc LILLE, 22 & 23.05, Théâtre Sébastopol, Complet !
Hero Corp, c’est une série créée par Simon Astier. Entre nonsense et parodie, le frère d'Alexandre (Kaamelott) y met en scène des super-héros dans un village perdu en Lozère. Sans doute (trop ?) sûrs de leurs pouvoirs comiques, les acteurs dudit feuilleton se mesurent aux meilleurs vanneurs montréalais, lors d'un match d'improvisation théâtrale. Le principe ? Une joute verbale reprenant (vaguement) les règles du hockey. Un musicien joue pour chauffer l'arène et les protagonistes ont 20 secondes pour se préparer, sitôt le sujet annoncé par l’arbitre. À la fin, c’est le public qui désigne les vainqueurs. Évidemment, tous les coups sont permis ! J.D. LILLE, 20.05, Théâtre Sébastopol, 18 h, 27,50 €, www.theatre-sebastopol.fr
© Ivan Guilbert / Cosmos
POURQUOI LES RICHES Castore, ado issue d’un milieu populaire, passe une journée avec Puissance, incarnation du pouvoir. Elle découvre alors les mécanismes de la domination sociale… S’inspirant de Pourquoi les riches sont-ils de plus en plus riches et les pauvres de plus en plus pauvres ? des Pinçon-Charlot, la compagnie Vaguement Compétitifs livre une pièce mêlant théâtre d’objets, documentaire et pas mal d’humour. La lutte des classes racontée aux enfants… mais avec classe. J.D. DUNKERQUE, 30.05, Le Bateau Feu, 15 h, 6 €, lebateaufeu.com EN FAMILLE
© Kob
THÉÂTRE & DANSE
HERO CORP VS MONTRÉAL
MINI D FESTIVAL
À PETITS PAS
10 : 10 © Alice Piemme
De la danse contemporaine, oui, mais pour les enfants ! Issu du D Festival, son alter ego pour adulte programmé fin mai, le Mini D s'impose comme l'unique événement du genre à Bruxelles. Cette seconde édition se déploie dans toute la capitale, à travers trois spectacles originaux. Dans le paysage bruxellois, la danse contemporaine jeune public faisait, jusqu’à l'an passé, figure de parent pauvre. La création du Mini D comble donc un vide. « La danse est un langage universel et accessible à tous », soutient Joëlle Keppenne, directrice du théâtre Marni, qui porte le projet avec quatre structures (la compagnie Pierre de Lune, Charleroi Danse, le service cuturel d’Ixelles, la maison de la culture de Molenbeek). Pour autant, face à des bouts de chou (dès 4 ans), y a-t-il des codes spécifiques à respecter ? « Non, ce sont les mêmes qu'au théâtre et, là aussi, la spontanéité des enfants fait toute la différence ». Pour tout dire, elle inspire même les artistes. À l'image de 10 : 10 de Caroline Cornélis, s'appuyant sur les jeux observés dans les cours de récréation pour créer une chorégraphie… remuante. Tandis que Félicette Chazerand initie les plus petits à la "danse contact" (Corps confiants), Les 2 Astronautes de Barjo BRUXELLES, 29.04 > 09.05, Théâtre Marni, Salle polyvalente Mercelis, Charleroi / Danse et Cie les propulsent carrément dans La Raffinerie, sam, mer & dim : 15 h, 15 > 5 €, le cosmos ! Ayant découvert une plawww.theatremarni.com nète habitable, ces deux aventuriers SÉLECTION : Félicette Chazerand Parcours Asbl : Corps Confiants (29.04, salle devront faire preuve de solidarité sur polyvalente Mercelis) // Caroline Cornélis - Cie Nyash : 10 : 10 (05.05, Charleroi / le plateau pour apprivoiser ce terriDanse - La Raffinerie) // Johann Fourrière & toire inédit. La danse, aussi, dispense Barthélémy Manias-Valmont - Barjo & Cie : Les 2 Astronautes (08 & 09.05, Théâtre Marni) de belles leçons de vie. Patricia Gorka
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EN FAMILLE
© Barbara Vackier
BIG BEARS CRY TOO
L'ENFANCE DE L'ART Entre explosions de couleurs, costumes délirants et personnages mihommes mi-objets, les performances de Miet Warlop ont toujours été « child friendly », selon la Flamande. Dans son nouveau spectacle, elle franchit le cap de la création jeune public et nous embarque dans une féerie réconfortante. Une table juchée sur talons (Springville), un chamboule-tout à taille humaine (Proposition 2 : Reconstruction), des perruques à poils et à pattes (Mystery Magnet)… L’imagination de Miet Warlop paraît sans limite, comme la richesse des tableaux vivants qu’elle expose sur scène depuis maintenant 15 ans. Les amateurs ne devraient pas être dépaysés par Big Bears Cry Too. « On y retrouve mon langage visuel, confirme la Gantoise. C’est un show à voir dès 6 ans, et jusqu’à l’infini ! Après tout, nos questions d'enfant restent souvent sans réponse ». Et c’est une faune bigarrée qui s’empare du plateau : une pilule et une langue géantes, une immense glace à la fraise, des fantômes… tous s’activant sur une bande-son hip-hop associée au doux chant de cinq ventilateurs. On n’oubliera pas la star du spectacle, un gros ours en peluche hilare qui explose d’un trop-plein de gentillesse, puis entame un voyage dans l’espace… Comme dans ses pièces pour adultes, cette magicienne jongle avec les métaphores. « Un troisième œil est susANVERS, Jusqu’au 13.05, Hetpaleis, 12 > 6 €, horaires : www.hetpaleis.be pendu au-dessus de la scène, capable GAND, 16 > 20.05, Vooruit, 14 > 6 €, de voir ce que les autres ignorent ». Tels mer : 14 h, ven : 19 h, sam & dim : 15 h les gros chagrins et petites angoisses ARRAS, 30.05, Théâtre, 18 h 30, 10 / 8 € de l’enfance, que cette balade onirique CHARLEROI, 09.06, Les Écuries, 15 h, 15 > 6€ devrait balayer. Marine Durand
# 116
EN FAMILLE
Soutenue par les ministères de la Culture et de l’Education nationale (oui, les temps changent, comme dirait MC Solaar) cette troisième édition du Rendez-vous Hip-Hop rayonne de Paris à Marseille, en passant par Nîmes ou Nantes. Au menu ? Danse, rap, graffiti, deejaying… Lille n’est pas en reste. La Gare Saint Sauveur accueille le Battle International de Graff, mais aussi Rémy, un lyriciste old school de 20 piges signé chez Def Jam, ou le Québécois Loud. Tandis que les bars de Wazemmes convient quelques valeurs sûres locales (Psykokondriak, au hasard), Lexie T, double championne de France de beatbox, met le feu au (bien-nommé) Flow. Du lourd ! J.D.
La Cosa © Alain Julien
LILLE, 26.05 > 03.06, Flow, Gare Saint Sauveur, bars de Wazemmes, divers horaires, gratuit (concert de Lexie T : 5 / 3 €), rendezvoushiphop.culturecommunication.gouv.fr
3D FESTIVAL Qui dit trois dimensions, dit immersion. Mais pas besoin de lunettes sophistiquées pour vivre la culture grandeur nature. Durant trois jours, le théâtre, la musique ou le cirque investissent la cité du clair de Lune. On y croise un couple suspendu par un fil et dansant sur les façades (Cie Dare d’art), des types jonglant avec des bûches en bois (La Cosa), avant de philosopher dans une piscine emplie de balles… Bref, des arts vivants et vivifiants. J.D. MAUBEUGE, 25 > 27.05, divers lieux, gratuit (sauf concert Imany : 20 / 15 € & Le Petit déjeuner de la Cie Dérézo : 4 €), www.lemanege.com
KT Gorique © Jeremie Carron
THÉÂTRE & DANSE
RENDEZ-VOUS HIP-HOP
© Simone Stanislai
# 120
THÉÂTRE & DANSE
MDLSX
UNIQUE EN SON GENRE Porteuse d’un théâtre politique et transdisciplinaire, la compagnie Motus présente à la Rose des Vents MDLSX. Seule sur scène, l'Italienne Silvia Calderoni joue de son androgynie pour brouiller la frontière entre masculin et féminin. Un spectacle inclassable, entre confession et DJ set, quête identitaire et abolition des stéréotypes de genre. Le mot d’ordre de Motus ? « Se mettre au diapason de ce qui agite la société contemporaine à travers l'art », indique Enrico Casagrande, cofondateur de cette compagnie italienne avec Daniela Nicoló. D’une création à l’autre, vidéo, musique ou littérature forment un langage accessible et engagé. Avec MDLSX, ils s’attaquent à la théorie du genre à travers l’histoire de Cal, personnage au "sexe ambigu" selon l'appellation médicale, et revendiquant son désir de liberté. Identité multiple En écho au large spectre des émotions suscitées (le questionnement, la révolte…), la mise en scène mixe morceaux de musique et références littéraires, mythologiques ou cinématographiques. Le roman Middlesex de Jeffrey Eugenides, épopée d’un personnage hermaphrodite, donne le ton. Sont aussi invoqués Donna Haraway et le féminisme cyborg ou l’esthétique queer du cinéaste Derek Jarman. Autant d’outils créant un pont entre fiction(s) et réalité, nourrissant la trajectoire de Cal, insoumise à la binarité féminin / masculin. Seule en scène, incandescente et émouvante, l’androgyne Silvia Calderoni porte ce spectacle, en partie autobiographique, et remet sans cesse en cause nos idées reçues. Elle rappelle que notre identité demeure multiple, et ne saurait se réduire à une question de couleur de peau ou d'organes génitaux. Sarah Elghazi VILLENEUVE D'ASCQ, 22 > 25.05, La Rose des Vents, mar (Complet !), mer & ven : 20 h, jeu : 19 h, 21 > 13 €, www.larose.fr
THÉÂTRE & DANSE
Marie-Eve Signeyrole © Vincent Beaume
NABUCCO
EN PLEIN CHŒUR
# 122
Le 26 mai, le célèbre Va, pensiero du chœur des esclaves de Nabucco résonnera de Dunkerque à Beauvais, en passant par Valenciennes. L'Opéra de Lille renouvelle l'opération de retransmission en direct, à l'échelle régionale, d'un grand opéra. Cette fois, place à l’œuvre monumentale de Verdi ! L'histoire de Nabucco supporte mal le résumé… Il y est question d'un tyran régnant sur Babylone (Nabuchodonosor) et se prenant pour un dieu, du peuple hébreu déraciné et réduit en esclavage, d'un temple pillé et, au milieu de cela, des amants contrariés… Appréhender cette intrigue fut le premier défi de Marie-Eve Signeyrole. « Je me suis
demandé : que faire de cette histoire invraisemblable, de ces faiblesses temporelles et dramaturgiques ? Nabucco est surtout très connu pour ses chœurs. J'ai avant tout souhaité rendre le récit compréhensible, car la musique est encore plus poignante si l'on saisit les enjeux du texte ». La metteuse en scène, qui jongle entre créations de Puccini ou
© DR
Bizet et œuvres modernes, a trouvé des résonances actuelles dans l'opéra de Verdi. « Celui-ci aborde des thématiques fortes : l'identité collective, les liens entre le pouvoir et la religion. Des sujets qui nous sautent au visage aujourd'hui ». Comme l'exil, par exemple… Si les allusions aux drames contemporains sont prégnantes, hors de question en revanche de faire de l'ombre à cette musique « qui prend aux tripes ». Le premier péplum Des années à manipuler la caméra ne laissent pas indemne. « Je joue avec les deuxième et troisième plans, avec le hors-champ, comme au cinéma. Je cherche à focaliser le regard des spectateurs sur les chanteurs ». Pas étonnant, dès lors, que
Marie-Eve Signeyrole perçoive ce chef-d'œuvre comme un péplum. La retransmission à ciel ouvert, destinée à toucher un public moins habitué à la musique lyrique, trouve chez la Parisienne un écho particulier. « Moimême, je ne suis pas issue du monde de l'opéra même si j'y travaille depuis 15 ans. J'y suis venue parce que cette musique me touche. Mais mon langage est celui d'aujourd'hui ». En cela, Nabucco se conjugue à tous les temps. Madeleine Bourgois LILLE, 16.05 > 06.06, Opéra, lun > jeu : 20 h, sam : 18 h, dim : 16 h, 71 > 5 €, opera-lille.f Retransmission en direct, 26.05, 18 h, gratuit : Lille, Place du Théâtre // Armentières, Le Vivat // Dunkerque, Le Bateau Feu // Guise, Familistère // Hazebrouck, Centre A. Malraux // Houplin-Ancoisne, Mosaïc // Lens, La Scène du Louvre-Lens // Lomme, Maison Folie Beaulieu // Roubaix, La Condition Publique // Valenciennes, Le Phénix…
© Nadia Lauro
THÉÂTRE & DANSE
W.I.T.C.H.E.S. CONSTELLATION
SORCIÈRES BIEN-AIMÉES
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La figure de la sorcière hante le travail de la chorégraphe Latifa Laâbissi depuis plusieurs années. Pour Charleroi Danse et le Kunstenfestivaldesarts, la Française concocte un programme en trois temps. Entre pièces et ateliers, elle interroge ce symbole alternatif et fascinant. La danse de Latifa Laâbissi est peuplée de présences invisibles et de fantômes chargés d’histoires. De fil en aiguille, la sorcière est aussi devenue un motif central de son travail. « C’est un personnage puissant et subversif, luttant depuis la marge. En cela, il m’intéresse tant sur le plan artistique que politique » explique-t-elle. En créant Écran somnambule en 2012, la chorégraphe se place dans les pas de l'Allemande Mary Wigman et de sa Danse de la sorcière. « Imaginé en 1914, ce solo fut un ovni absolu et demeure mystérieux ». À Bruxelles, Latifa présente une nouvelle interprétation de cette chorégraphie, marquée par la possession, des gestes brusques, intitulée Witch Noises. Elle donne aussi carte blanche à Paul Maheke. Celui-ci s'intéresse à l’envoûtement via sa propre histoire familiale, dans une performance alliant danse, vidéo, texte et composition sonore. Enfin, à partir de textes, films et discussions, un atelier ouvert à 10 personnes reconsidère la place des sorcières dans l’Histoire. On observe le retour de cette figure dans l'imaginaire militant, le contexte social actuel, notamment en rapport avec les luttes féministes. Un proBRUXELLES, 18 > 20.05, Charleroi Danse / La Raffinerie, 20 h, 16/13 €, gramme… ensorcelant. Marie Pons www.charleroi-danse.be, www.kfda.be
© François Stemmer
© DR
LE DINDON
LES APPRENTIS SORCIERS
Lucienne jure de prendre un amant si son mari la trompe. Ce qui finit par arriver, sans qu’il le veuille vraiment… Mais tout se complique avec l’apparition d’un Londonien à l’accent marseillais, d’une Anglaise suicidaire, de noceurs invétérés… Revu à la sauce seventies par Thibaut Nève (avec musique disco et DJ sur scène), ce grand classique de Feydeau promet un festival de personnages cachés dans le placard, de portes qui claquent et de quiproquos. Bref, la quintessence du Vaudeville !
Ils sont six. Trois Lillois et trois Amiénois, tous adolescents et animés par une même passion : le skateboard. Suivant une chorégraphie de François Stemmer, ils créent sur le plateau leur propre espace. Franchissant le pas de la rue à la scène, du sport au théâtre, ils enchaînent les figures et racontent leur histoire, mêlant leurs mots à ceux d’Arthur Rimbaud. Poétique, virtuose, ce spectacle est une ode aux plaisirs de la glisse, mais surtout à la liberté et la jeunesse.
BRUXELLES, Jusqu'au 13.05, Théâtre Royal des Galeries, mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 25 > 10 €, www.trg.be
LILLE, 05.05, Le Grand Bleu, Complet !, www.legrandbleu.com // AMIENS, 12.05, Le Safran, 19 h 30, 13 > 5 €, www.amiens.fr
© Kurt Van Der Elst
LA PETITE FILLE DE MONSIEUR LINH Adaptée du roman de Philippe Claudel, cette pièce narre l’errance d’un réfugié en France. Monsieur Linh a fui son pays en guerre pour offrir un avenir meilleur à sa petite fille. Hélas, il ne comprend ni la langue ni les codes occidentaux… Guy Cassiers donne littéralement corps à cette (notre) incapacité de communiquer. Sa mise en scène, très sensorielle, engage un seul acteur perdu au milieu des mots. Une réflexion poignante sur le manque d’empathie dont souffre notre société. NAMUR, 03 > 05.05, Théâtre Royal, 20 h 30, 21,50 > 6,50 €, theatredenamur.be // GAND, 17 > 19.05, Vooruit, 20 h, 20 > 8 €, vooruit.be (néerlandais) // BRUXELLES, 25 > 31.05, Théâtre National, 20 h 15 (sauf mer : 19 h 30), 22 > 12 €, theatrenational.be
LA REPRISE. HISTOIRE(S) DU THÉÂTRE (I)
© Michiel Devijver
Milo Rau Avril 2012, à Liège. Ihsane Jarfi, homosexuel de 32 ans, est retrouvé assassiné à la lisière d’une forêt… Milo Rau s’empare de ce tragique fait divers, rejouant l’enquête avec des comédiens professionnels et amateurs. En filigrane, le dramaturge suisse interroge le pouvoir de la plus ancienne forme d’art de l’humanité : le théâtre. Comment y représenter la violence ? Quel est le rôle du public ? Du collectif ? Peut-on reconstituer un crime ? Vastes questions… BRUXELLES, 04 > 10.05, Théâtre national, mar, jeu, ven & sam : 20 h 15, mer : 19 h 30, dim : 15 h, 30 > 20 €, www.theatrenational.be // DOUAI, 23 & 24.05, L’Hippodrome, 20 h, 22 > 12 €, www.tandem-arrasdouai.eu
PÉRICLÈS, PRINCE DE TYR
BESTIOLES DE LÉGENDE
Declan Donnellan / W. Shakespeare et George Wilkins Ce n’est pas la pièce la plus connue de Shakespeare, mais pas la moins percutante. Jugez plutôt : Périclès convoite la fille d’un prince, qui a promis la main de son héritière à la condition de déchiffrer une énigme. Les perdants ont la tête tranchée… Pour sauver sa peau, Périclès s’enfuit. Débute alors une expédition à travers la Méditerranée… Declan Donnellan transpose ces aventures dans une chambre d’hôpital. Plongé dans le coma, son héros vit une quête intérieure riche en rebondissements. LILLE, 15 > 19.05, Théâtre du Nord, mar, mer, ven : 20 h, jeu & sam : 19 h, 25 > 10 €, theatredunord.fr
# 128
JE CROIS EN UN SEUL DIEU
Théâtre La Licorne Ils furent autrefois de véritables stars. Vedettes de péplums ou de séries télévisées, ces animaux profitent désormais d’une retraite bien méritée… À michemin entre le théâtre et l’installation, ce spectacle nous invite dans leur maison de repos. Installées chacune dans leur box, articulées et mécanisées, ces bestioles de légende racontent leurs histoires débordant de paillettes, de rêves, mais aussi leurs désillusions, avec la poésie propre au Théâtre la Licorne. BRUAY-LA-BUISSIÈRE, 16 > 18.05, Espace Grossemy, mer : 15 h, 16 h & 18 h 30, jeu : 19 h, ven : 19 h, 20 h & 21 h, 5 / 3 € ARRAS, 24 > 26.05, L’Être Lieu, 15 h, 16 h, 19 h, 20 h, gratuit
EN FAMILLE
[Arnaud Meunier / Stefano Massini]
Eden Golan est professeure d’histoire juive, Shirin Akhras étudiante palestinienne et Mina Wilkinson une militaire américaine. Trois femmes donc, pour autant de points de vue sur la situation israélo-palestinienne. On comprend qu’un attentat va être commis. Le compte à rebours est lancé… Seule sur scène, au centre d’un décor nu, Rachida Brakni incarne ces trois identités, entremêlant les récits, les peurs et les espoirs, avec humanité et une infinie délicatesse. BÉTHUNE, 16 > 18.05, Le Palace, 20 h, 20 > 5 €, www.comediedebethune.org
IN SPITE OF WISHING AND WANTING
© Danny Willems
MAUBEUGE, 17.05, La Luna, 20 h, 12 / 9 €, lemanege.com
© Sven Etcheverry
Wim Vandekeybus & Ultima Vez Le chorégraphe flamand ressuscite son spectacle culte. Présenté pour la première fois en 1999, celui-ci avait bouleversé le public avec un langage scénique mêlant théâtre, danse et vidéo. Soutenue par un film (The Last Words) la pièce se penche sur le désir qui ronge un monde peuplé d’hommes. Sur scène, les comédiens galopent tels des animaux sauvages, accompagnés par une musique signée David Byrne (Talking Heads), pour un résultat aussi beau qu’hypnotique.
FRANÇOIS-XAVIER DEMAISON
GEN Z
Eric Théobald / François-Xavier Demaison
Salvatore Calcagno & Garçon Garçon
L’ex-avocat-fiscaliste, devenu humoriste après les attentats du 11 septembre, se dévoile comme jamais, de son enfance à ses premiers pas sur les planches. Entre sketches et stand-up, humour noir et vannes qui tuent, il confirme ses talents d'interprète. Avec une facilité déconcertante, il se glisse dans la peau d’une galerie de personnages allumés, du masseur lisant l’avenir dans les corps à, bien sûr, Bitou le Castor, empêtré dans une sale affaire de trafic de sciure…
Il y a eu la génération X, née entre 1960 et 1980, puis Y et aujourd’hui Z… Plus qu’une histoire d’alphabet, ce spectacle documentaire questionne les états d’âme ou les rêves de ces ados nés après 1995. Prodige de la scène belge, Salvatore Calcagno a recueilli leur parole dans toute l’Europe, de Tallinn à Bruxelles. Il la restitue sur le plateau à travers la voix de 10 jeunes amateurs et sept comédiens professionnels. Et ils ont pas mal de choses à nous dire…
BÉTHUNE, 17.05, Théâtre municipal, 20 h 30, 34 / 30 €, www.theatre-bethune.fr
LA LOUVIÈRE, 18.05, Le Théâtre, 20 h, 15 / 10 €, ww.cestcentral.be
CHOTTO DESH
[Akram Khan Company]
Entre carnet de voyage et autoportrait, danse et vidéo, Akram Khan remonte le fil de ses origines, de la Grande-Bretagne au Bangladesh. Chotto Desh (petite patrie) est l’adaptation pour un public familial de Desh. Evoluant dans un décor animé et dessiné au crayon, le chorégraphe britannique raconte l’enfant qu’il était, tentant de convaincre son père de le laisser vivre de sa passion, et l’homme qu’il est devenu. Une quête d’identité envoûtante et un spectacle à la magie indéniable. VILLENEUVE D’ASCQ, 30.05, La Rose des Vents, Complet !, www.larose.fr
EN FAMILLE
Everyday shoes © Nikolaj Beyer
LE MOT DE LA FIN
# 130
Nikolaj Beyer – Ce Danois prend son pied en créant des chaussures avec tout ce qui lui passe par la main : des légumes, du jambon, de la pellicule, des journaux, du chocolat… Photographiés sur des fonds pastel, ces escarpins, sandales ou talons aiguilles forment la série Everyday Shoes, et témoignent d’une créativité galopante. On subodore un petit fétichisme, tout de même… www.nikolajbeyer.com