N°143 / SEPTEMBRE 2018 / GRATUIT
ART & CULTURE
Hauts-de-France / Belgique
SOMMAIRE - magazine
LM MAGAZINE #143 Septembre 2018
News – 08 sport – 14
La Course des terrils Bonne mine La Frappadingue Course folle Stiff Upper Lip © Paul Garland
Mondial du cheval à deux pattes Hue dada !
portfolio – 26 Paul Garland Figures de style
événement – 96 Biennale de Mons La Cité de la joie
Rencontre © Emil Ferris & Monsieur Toussaint Louverture
Scieur Z – 34 Corps et lame
Emil Ferris – 68 Dame de Bic Alex Lutz – 78 La métamorphose Sam Dougados – 90 Seul sur le sable Sylvain Groud – 126 Nouveau souffle
le mot de la fin – 154 Octavian Serra Contre-culture
SOMMAIRE - sélection Scieur Z, Janelle Monáe, Raismes Fest, The Undertones, Feu! Chatterton, The Brian Jonestown Massacre, Bachar Mar-Khalifé, Le Poulpaphone, We Will Folk You, Dionne Warwick, Suede, NAME Festival, 50 Cent, Moses Sumney, Agenda...
Gareth Dickson © Kotryna Ula Kiliulyte
Musique – 34
exposition – 90
Sam Dougados, Biennale de Mons, Niki de Saint Phalle, The World of Tim Burton, Halte à la croissance !, Design September, Sportfoto, Panorama 20, Agenda...
Niki de Saint Phalle, Femme, 1970 © 2018 Niki Charitable Art Foundation, Photo © André Morin
théâtre & danse – 126
Disques – 66 The Blaze, Spiritualized, Helena Hauff, The Coral, Anna Calvi
Sylvain Groud, Expériences Urbaines, Itinéraire Bis, Laïka, Requiem pour L., L'Heureux élu, Éducation sentimentale, Le Métier d'homme, Guillaume Meurice, A Dancer's Day, La Vedette du quartier, L'Attentat, Les Fourberies de Scapin, Danse avec Carmen, Invisible, La Chambre d'Isabella, Sylvia, Trois Sacres
Livres – 68
Emil Ferris, Roger Corman et Jim Jerome, Laura Kasischke, Hélène Aldeguer, Valérie Manteau, Jérôme Ferrari
écrans – 78
Guy, CineComedies, Caniba, Bonhomme, Sollers Point-Baltimore, L'Amour est une fête
MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F -
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Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com
Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com
Couverture Paul Garland Dysphagia www.paul-garland.com Publicité pub@lm-magazine.com
Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)
Ont collaboré à ce n° : Selina Aït Karroum, Thibaut Allemand, François Annycke, Madeleine Bourgois, Mélissa Chevreuil, Marine Durand, Paul Garland, Hugo Guyon, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
© Seth / Mausa Vauban
NEWS
MUR PORTEUR Quelques nouvelles de Julien "Seth" Malland. Notre graffeur globe-trotter (cf LM 107) a été aperçu en juillet chez lui, en France. Avec une dizaine de collègues, il a signé la "déco" de la citadelle Vauban de Neuf-Brisach (HautRhin), devenue le Musée des arts urbains et du street art (Mausa). Comme on le voit ici, ses célèbres enfants géants font toujours aussi bien le mur. mausa.fr
#8
BRAGUETTE MAGIQUE
Open to the Public © Alex Chinneck / Photo Marc Wilmot
Alex Chinneck casse encore la baraque. En témoigne ce bâtiment voué à la démolition, dans le Kent, dont les murs semblent s'ouvrir grâce à une fermeture éclair… de huit mètres ! Comme à son habitude, le sculpteur britannique n'a pas choisi ce lieu par hasard, celui-ci abritait autrefois une entreprise textile. Le fond ET la forme. alexchinneck.com
Above The Polar Bear © Florian Ledoux
SUJET BRÛLANT
© Le Huffington Post YouTube
Sand Printer © Ivan Miranda
Dédié à la photographie aérienne, le tout nouveau Drone Awards a récompensé cette année le cliché du Français Florian Ledoux. Intitulé Above The Polar Bear, celui-ci montre un ours polaire se débattant sur une banquise morcelée. Magnifique, certes, cette image n'en dénonce pas moins un sujet dramatique : la fonte des glaces. Et ça, ce n'est pas une vue de l'esprit. www.florian-ledoux.com ; droneawards.photo/gallery
Grain de génie
L'amour est dans le pré
Bricoleur touche-à-tout, l'Espagnol Ivan Miranda a inventé un robot qui écrit sur le sable. Programmable, sa machine à roulettes fonctionne comme une imprimante 3D, puisant sur la plage son matériau. Reste à lui trouver une application… De notre côté, on a reconnu l'outil idéal pour attirer l'attention, en cas de naufrage sur une île déserte.
Contrairement à Ivan Miranda, Louis Boutroy n'a pas de scribes électroniques. Mais il a des choses à dire. À Escalles, dans le nord de la France, cet exploitant agricole a trouvé un moyen imparable (et diablement romantique) pour demander sa dulcinée en mariage. Il a inscrit sa requête en lettres capitales, dans son champ… avec son tracteur. Message reçu, Marieke ? www.huffingtonpost.fr
www.ivanmiranda.com
S W NE
Levalet © Fred Atax
Quality Street Le supermarché Delhaize, dans le quartier Molière à Ixelles, fut au début du XXe siècle une patinoire très courue. Fermé en 2017, voué à la démolition, ce bâtiment emblématique ressuscite aujourd'hui sous les traits d'une plateforme dédiée à l'art urbain. Une centaine de créateurs internationaux ont déjà investi les lieux. Citons les œuvres lacérées de Joachim Romain, figurant l'usure du temps, les vélos customisés par JonOne ou l'exposition photo de Martha Cooper, immortalisant les légendes du Bronx dans les années 1980. Porté par l'association Strokar, ce projet atypique entend inscrire Bruxelles comme la capitale européenne du street art. Rien que ça. BRUXELLES, à partir du 06.09, Strokar Inside, 569, Chaussée de Waterloo à Ixelles, 17 h, gratuit (espace galerie, bar et shop), 8 / 6 € / gratuit (-12 ans) pour le parcours de fresques, strokar-inside.com
Au début des années 2000, Amsterdam lança la création d'une ligne de métro le long de l'Amstel. Pour cela, il a fallu vider le fleuve, et ces travaux ont révélé moult "trésors" : téléphones portables, pièces, vaisselle… Les archéologues locaux ont ouvert un site web classant 19 000 objets parmi les 700 000 retrouvés pour raconter une histoire de la ville – et garder la pêche. belowthesurface.amsterdam/en
© Below the Surface, Amsterdam
CANAL HISTORIQUE
© Marie Monteiro
Moustic © Patxi Laskarai
La dernière carte de Moustic Artiste associé à l'Aéronef pour quelques jours encore, Moustic inaugure l'exposition consacrée à "La Pinturitas". Cette vieille dame est connue pour ses fresques colorées couvrant les murs d'Arguedas, au nord de l'Espagne, et réalisées depuis 15 ans en face de sa maison de retraite. Pour l'occasion, la vedette de notre Chère Présipauté convie ses amis du Black & Basque Big Band et de la Old School Funky Family. Banzaï ! LILLE, 20.09, L'Aéronef, 20 h, 13 > 5 €, (vernissage de l'expo La Pinturitas : 19 h, gratuit), aeronef.fr
Cabadzi x Blier « Moi ta honte, j'la transforme en bonheur. J'en fais un bouquet d'fleurs... » déclame un Depardieu amoureux à Michel Blanc dans Tenue de soirée. On le sait, les films de Blier regorgent de répliques cultes. Cabadzi a eu la bonne idée de les mettre en musique. Des Valseuses à Trop belle pour toi, le duo français électrise ces punchlines lors d'un set agrémenté de dessins inspirés de ces scènes inoubliables. On est pas bien là ? LILLE, 04.10, Théâtre du Nord, 20 h, 25>10 € / 4 € avec le pass Étudiant, (+ aftershow 100 % electro, DJ set de MItsuko et Matthus Raman, 21h, gratuit), www.theatredunord.fr
# 12
SPIROU VS FLUIDE GLACIAL On ne sait pas comment c'est parti, mais voilà un p'tit moment qu'ils se chauffent. Kaaris et Booba ? Non. Spirou et Fluide glacial. Les deux gangs vont s'affronter lors d'un match d'impro, en pleine fête de la BD. Comédiens et dessinateurs y défendront l’honneur de leur journal. Thierry Tinlot, ancien rédacteur en chef des deux canards, jouera les arbitres. Ça va faire couler de l'encre. BRUXELLES, © DR
15.09, Bozar, 18 h, 9 / 6 €, www.bozar.be
SPORT
# 14
© Robert Salvan
LA COURSE DES TERRILS
RENCONTRE AU SOMMET Le sport, c'est la santé (enfin, ça dépend…). C'est aussi l'occasion de belles balades ou rencontres. En témoigne la Course des terrils. Voilà 35 éditions que ce rendez-vous entraîne les amateurs comme les joggeurs aguerris à l'assaut des terrils, bois, ou autres marécages de la forêt de Raismes. Top départ au cœur du parc naturel régional Scarpe-Escaut, le plus ancien de France – et pas le moins pittoresque.
SPORT
© Robert Salvan
L'
aventure débute en 1984. À cette époque, le parc naturel régional Scarpe-Escaut cherche à révéler les richesses de ce territoire, dont les dernières mines sont en train de fermer. « L'un des chargés de mission était un voisin. Je lui ai proposé d'y organiser une course, étant moi-même pratiquant… et
Les Allumés, 2017 © Pascal Garcia
c'est parti ainsi », se rappelle Didier Simon, le fondateur. Dès la première édition, l'accent est mis sur la convivialité : airs d'accordéon rythmant les foulées, couscous offert en guise de réconfort et bal populaire improvisé. Le bouche-à-oreille fera le reste. De 250 participants, l'événement en attire désormais 20 fois plus – et le couscous a laissé place à la carbonade flamande. « Le succès aidant, le peloton a enflé, et nous avons eu des bouchons… ». L'autre bonne idée du comité d'organisation fut donc de créer moult itinéraires. Eh oui, la Course des terrils, ce n'est pas un, mais huit parcours, pour tous les âges ou niveaux de performance. « Elle est destinée aux amateurs, tout le monde peut
© Robert Salvan
trouver son plaisir au sein de ce paysage essentiellement forestier, avec des ascensions de deux à cinq terrils selon les chemins ». Noir c'est noir Citons "La Sauvage", la plus longue course avec ses 25 km et cinq terrils à gravir, "L'Authentique" (16 km, deux terrils), Les P'tits Quinquins (3 balades de 700 à 1 200 m pour les enfants) ou "Les Allumés", la plus spectaculaire, avec un départ à la tombée de la nuit. « Sous le couvert végétal, vous êtes dans le noir le plus complet, éclairés par la simple lueur des torches… ». Cette année, elle se déroule à Condé-sur-l'Escaut, autour de l'étang de Chabaud-Latour, un lac d'affaissement minier.
Et c'est bien là que réside tout le charme de cette manifestation : mêler sport et patrimoine, effort et immersion au sein d'un paysage luxuriant, le poumon vert du Valenciennois. « Ces terrils ont la particularité d'être totalement reconquis par la nature, au cœur de la forêt. Vous passez du schiste rouge aux bois, des pavés à une sablière… vous n'aurez jamais le même terrain ». Allez maintenant, tous au charbon ! Julien Damien
La Course des terrils "Les Allumés", CONDÉ-SUR-L'ESCAUT sam 29.09 : Étang de Chabaud-Latour, 20 h, 12 € Autres courses : FORÊT DE RAISMES dim 30.09 : 9 h, 12 > 5 € selon les courses, date limite d'inscription : 12.09, www.coursedesterrils.org
Montreuil © Frappadingue
SPORT
LA FRAPPADINGUE
ENTRETIEN D'EMBÛCHES Dix kilomètres de boue, de sueur, de peur… et une belle partie de rigolade ! En une poignée d'années, La Frappadingue s'est imposée comme la reine (déjantée) des courses à obstacles. Cette 9e édition quitte les embruns de Montreuil-sur-Mer pour gagner les remparts de Cassel. Petite reconnaissance de terrain…
# 18
La Frappadingue ? C'est un peu un mix entre le parcours du combattant et le carnaval. Une course à obstacles brindezingue où les maîtres-mots demeurent « solidarité, dépassement de soi et fun »,
selon Clément Devins, l'un des trois organisateurs. Créé en 2010 à Montreuil-sur-Mer par l'association La Salicorne (rebaptisée Nord Xtrem), ce concept a depuis essaimé un peu partout en France. suite
Montreuil Š Frappadingue
SPORT
« Mais il n'y a que dans le Pas-deCalais où les gens se déguisent. Ça s'est instauré spontanément, et c'est devenu une tradition ». Ben oui, quitte à souffrir, autant en rire. Peur sur la ville
# 20
Car les embûches jalonnant ce parcours de dix kilomètres ont de quoi faire passer Koh-Lanta pour une gentille marelle. Jugez plutôt : des terrains pentus et boueux, des tunnels sombres à moitié immergés, une rampe de six mètres de haut (le "frappawall")… « Nous jouons sur toutes les phobies : du noir, de l'eau, du vide… , s'amuse Clément Devins. Pour autant, les participants ne sont pas là pour le chrono mais pour s'amuser. Le premier va terminer en une heure, mais la moyenne sera de
Montreuil © Frappadingue
trois. La plupart ne sont pas sportifs, repartent avec des courbatures et viennent surtout pour l'aventure humaine, l'ambiance ». Plus de 3 000 maso… pardon, coureurs, sont ainsi attendus à Cassel, tout nouveau décor de La Frappadingue. « Pour cette édition, nous avons changé de terrain de jeu et cette ville s'y prête bien. Le but est d'offrir une épreuve ludique et en même temps une visite patrimoniale. Nous privilégions donc les passages près du moulin, le long des remparts… ». Pas si folle, cette course. Julien Damien La Frappadingue CASSEL, 09.09, Grand-Place, parcours en ville et alentours, premier départ à 9 h 30 (retrait des dossards la veille), 60 > 42 € (course réservée aux plus de 16 ans) // La Frappajeune pour les enfants (12 > 7 ans) le samedi, 5 €, www.frappadingue.net
Hobbyhorse Revolution © Tuffi Films /Stefan Bremer
SPORT
CHAMPIONNAT DU MONDE DE CHEVAL À DEUX PATTES
# 22
MOUVEMENT DADA On connaissait Les Herbiers depuis ses exploits footballistiques en coupe de France. Un peu moins son Mondial du cheval à deux pattes… Fin septembre, cette commune vendéenne reçoit 300 "cavaliers" issus de toute l'Europe, lors de la première édition d’une compétition que n’auraient pas renié les Monty Python. Le principe ? Les participants sont répartis en 50 équipes de six membres et galopent sur un bâton orné d'une fausse tête d’équidé – une monture conçue par leurs soins. Les épreuves sont nombreuses : saut d'obstacles, dressage, figures libres (trot, pas chassés…), concours du plus beau costume ou du hennissement. « C'est décalé, mais très sérieux. On va même se battre pour que cela devienne une discipline olympique », promet son organisateur, Philippe Maindron, qui a découvert ce sport loufoque en Finlande. Dans le pays du Père Noël, cette pratique se nomme le "hobby-horsing" et rassemble 10 000 licenciés*. « C’est une activité formidable ! Elle est économique, écologique et complète, rassemblant la course, l’endurance, la danse… ». D’ailleurs, l’événement a reçu le soutien de l’ambassade LES HERBIERS, 29.09, Parc équestre du Bocage, 10 h, 20 / 15 € / gratuit (-12 ans), chevala2pattes.com finnoise et d’un grand amoureux À VOIR / Hobbyhorse Revolution*, documentaire de chevaux : Guillaume Canet. de Selma Vilhunen (Tutti Films), sortie en mars 2017 Joli galop d’essai. Julien Damien
PORTFOLIO
# 26
Year of the Dog
PAUL GARLAND TRAITS D’ESPRIT « La simplicité est la sophistication suprême ». Ces mots de Léonard De Vinci siéent plutôt bien à l’œuvre de Paul Garland. « Depuis mes débuts, dans les années 1980, je reste fidèle au précepte du Bauhaus : aller à l’essentiel, confie le Britannique. Plus l’image est simple et mieux elle fonctionne, le message passe instantanément ». Nul besoin de se gratter la tête durant des heures pour saisir l’idée véhiculée par cette seringue plantée au cœur d’une cible (servant un article sur l’efficacité d’un vaccin) ou par cette bombe emprisonnée dans un préservatif. Intitulé The Power of Love over Hate, ce dessin est « une réponse aux attaques terroristes perpétrées en Europe. La haine est ici contenue dans l’acte d’amour ». L’épure n’empêche donc pas l’audace, et les illustrations de Paul Garland se distinguent tout autant par leurs couleurs (vives, contrastées) qu’un sens aigu de la métaphore. Ainsi, ces baguettes tenant ces nouilles en forme de canidé nous rappellent avec malice que les Chinois sont entrés dans l’année du chien. Le trait est affûté, le propos futé. Derrière ces créations numériques, il y a toujours un coup de crayon, et pas mal d’heures de réflexion dans la campagne du nord de l’Angleterre où il vit avec sa femme et sa fille – « ma critique la plus sévère ». Récompensé par de nombreux prix, Paul Garland collabore avec des journaux du monde entier, et évoque son métier avec humilité. « Si un spectateur "ressent" quelque chose face à mes œuvres, c’est un bonus. Mais mon but est surtout de lui demander un peu de son temps. Si je peux l’inciter à lire un article ou s’intéresser à un livre, alors j’aurais rempli ma mission ». Tout simplement. Julien Damien À VISITER / www.paul-garland.com À LIRE / l’interview de Paul Garland sur lm-magazine.com
Biodefense
The Power of Love Over Hate
Sunburn
Taming Opioids
© Patrick Vercampt
# 34 musique
Portrait
SCIEUR Z
LAME DE FOND Mais qui est Scieur Z ? Un bûcheron masqué ? Un savant fou aux formules tranchantes ? Plutôt un « explorateur sonore » œuvrant dans son laboratoire home-studio, sous influence dada. Ce joueur de scie est définitivement un cas à part dans le paysage musical français. La Picardie, dans les années 1970. Renaud Lacoche vit à Tergnier, l’une des plus importantes gares de triage de l’Hexagone. Ce fils de cheminot monte ses premiers groupes et aiguise sa plume lunaire et rageuse au sein de Président Z, combo postpunk rendu atypique par l’introduction de la scie musicale, pour laquelle il s’est pris de passion. « Ce son envoûtant et mystérieux m'a attiré dès le début des années 1980, et peutêtre même inconsciemment, avec le chant des rails de mon enfance, que je nomme "la voix des voies" », explique-t-il. L'idée de l'incorporer dans le groupe est venue spontanément car j'admirais des formations utilisant des instruments décalés : violon pour
le Velvet Underground, flûte traversière pour Genesis… ». Finalement, Président Z périclite, mais Scieur Z surgit aussitôt. Une suite qui s’écrit désormais en solo. La cinéphilie expressionniste s’invite depuis lors sur scène (cut-up vidéo et projections live) où son jeu évoque les ondes Martenot ou le thérémine. La scie a du chien Plasticien de formation et enseignant, Renaud Lacoche est à la fois compositeur et chercheur. Il s'adonne à la musique concrète (via la thématique ferroviaire, véritable leitmotiv-locomotive), des collaborations bruitistes ou à la fabrication d’instruments, telle la guitare-cello,
suite
hybride entre guitare électrique et viole de gambe. « J'aime créer des textures et des ambiances, mais ne perds pas de vue la mélodie et les harmonies ». Son talent de lamiste l’amène à participer à l’album Un Dimanche à Bamako d’Amadou et Mariam, sur lequel il enregistre deux titres : La Fête au village et Camions sauvages. Après quelques lointains voyages, il achève enfin un
concept-album au titre jubilatoire, Virtuellement vautre, assez raccord avec l'époque. Transhumanisme, cybernétique, néolibéralisme, environnement… tout y passe ! Un pamphlet acide, porté par une voix singulière, entre jeux d’esprit et sprint "cru-scie-verbiste". Il s'en amuse : « la scie montre enfin ses dents ! ». Mais ne mord pas pour autant. Selina Aït Karroum
À VISITER / www.scieurz.fr À ÉCOUTER / Virtuellement vautre (Musea Records / Gazul Records)
© Marie-T. Scarcella
# 36
À LIRE / Train de vie (éditions Les Soleils Bleus)
© Juco
MUSIQUE
JANELLE MONÁE
DRÔLE DE GLAM
# 38
La pop, c'est du fond. Et de la forme, aussi. Janelle Monáe l'a rapidement compris. En 2010, la native de Kansas City signait The ArchAndroid, qui la voyait se cacher derrière son alter-ego, Cindi Mayweather, femme-robot radicalisant les postures de diva R'n'B en y ajoutant une touche afro-futuriste et féministe. Pour l'étrangeté, on est servi. En revanche, pour le succès commercial et populaire, on repassera. Pour l'heure, l'Américaine de 32 printemps fait le bonheur des journalistes, qui la placent dans la grande tradition de la pop pailletée (du glam de Bowie au funk de Prince, qui fut un ami). En attendant le raz-de-marée, on se délecte des trouvailles sonores de Dirty Computer, son petit dernier, dans lequel la chanteuse conceptualise à toutva et signe quelques pépites funk que n'aurait pas reniées le Nain pourpre. Cette sophistication de tous les instants concerne également la scène où le show, millimétré, demeure impressionnant. Car la pop reste vraiment (surtout ?) une question de mise en forme. Thibaut Allemand BRUXELLES, 08.09, Ancienne Belgique, 20 h, complet !, www.abconcerts.be
HARD MAJEUR
Chris Slade © Katerina Benzova
MUSIQUE
RAISMES FEST
# 40
Un flot de décibels, des signes de cornes avec les doigts, des langues pendues… Oui, il y a un peu de ça au Raismes Fest. Le festival de hard rock du Valenciennois offre surtout une belle réunion de légendes vivantes. À plus forte raison cette année, l'événement soufflant ses 20 bougies. Yeahhhh! Initiée par des passionnés, cette grand-messe des riffs en acier et autres power ballads s'est imposée comme un incontournable dans le nord de la France. Mais exit le metal "extrême" des débuts (death, dark…). Le Raismes Fest s'est recentré sur le hard rock ou le heavy, genres toujours assimilés par une poignée de béotiens à une "musique de bourrin". « Il suffit d'écouter Deep Purple ou Led Zeppelin pour se rendre compte de la mélodie de ces morceaux, soutient Philippe Delory, à la baguette du festival. Pour moi, c'est là où l'on trouve les meilleurs instrumentistes ». Dans la cour du château de la Princesse d'Arenberg, on attend ainsi Sons of Apollo, super-groupe rassemblant, entre autres virtuoses, Mike Portnoy (ex-préposé aux fûts chez Dream Theater) ou le génial bassiste Billy Sheehan. On ne manquera pas non plus les Australiens de Rose Tattoo, concurrents les plus sérieux d'AC / DC dans les seventies. En parlant d'AC / DC, Raismes reçoit son exRAISMES, 15 & 16.09, parc du Château de la batteur, l'immense Chris Slade, qui princesse d'Arenberg, 11 h 30, 1 j : 45 / 30 € , 2 j : 80 / 60 € / gratuit (-12 ans), www.raismesfest.fr fraya également avec David Gilmour Programme : 15.09 : Sons of Apollo, L.A. Guns, ou … Tom Jones. « Oui, il sait jouer Eclipse, Stocks, Jared James Nichols, Bad Touch, Öbiviön, Max Pie, Kinderfield // 16.09 : Rose dans tous les styles, et son concert Tattoo, Chris Slade Timeline, Praying Mantis, résume 50 ans de carrière ». ÉvidemSticky Boys, Miss America, Rich Robin, Raspy Junker, The Strikes ment, c'est immanquable. J. D.
MUSIQUE
THE UNDERTONES
TOUS RIFFS DEHORS The Undertones, c'est Teenage Kicks bien sûr. Un single vénéré par l'insigne John Peel à un point tel que le premier vers est gravé sur sa tombe. Mais ce titre a éclipsé une carrière concise et à redécouvrir (quatre disques entre 1979 et 1983). Les compositions des affranchis-punks de Derry (Irlande du Nord) demeurent trop sous-estimées… Alors, en 2018, ne pas s'attendre à retrouver sur scène la fougue des premières années, et encore moins le falsetto légendaire de Feargal Sharkey : le chanteur ne s'est jamais impliqué dans la reformation à l'aube de ce millénaire, et encore moins dans les deux albums qui ont suivi (Get What You Need, Dig Yourself Deep). Son remplaçant, Paul McLoone, s'avère honnête. Soyons indulgents. T.A.
© DR Colin Medley
# 42
EEKLO, 21.09, N9, 20 h, complet !, www.n9.be
MUSIQUE
FEU! CHATTERTON
# 44
Ces dandys parisiens s’inscrivent dans une longue (et noble) tradition de la musique hexagonale : le spoken word lettré, façon Bashung ou Gainsbourg. Révélé en 2015 par l'impressionnant Ici le jour (a tout enseveli), le quintette poursuit avec son deuxième album, L’Oiseleur, son chemin entre classicisme et modernité, rock racé et exigence du beau texte, guitares et vers d’Éluard – entre autres. Porté par la théâtralité de son leader moustachu, Arthur Teboul (qu’on verra d'ailleurs cet automne dans le dernier film de Pascal Thomas), Feu! Chatterton promet sur scène des montagnes russes émotionnelles, ponctuées d'élans et de ruptures, pour un moment forcément… incandescent. J.D. BÉTHUNE, 21.09, Théâtre municipal, 20 h 30, 34 > 17 €, www.theatre-bethune.fr OIGNIES, 11.01.2019, Métaphone, 20 h 30, 22 > 16 €, 9-9bis.com
© Sacha Teboul
HOMMES DE LETTRES
SHOOT AGAIN
# 46
En quelques années, Anton Newcombe est passé du statut de beautiful loser à celui d'artisan fiable. Si les déboires sont derrière lui, comment se présente l'avenir pour celui qui tira gloire de sa démarche chancelante ? The Brian Jonestown Massacre faisant étape en ville, l'occasion est donnée d'en juger sur pièces. Le croirez-vous ? En 2018, certains journalistes fainéants démarrent encore leur article à propos de The Brian Jonestown Massacre en évoquant Dig! (2004). Certes, ce long-métrage a popularisé cette tête de mule qu'est Anton Newcombe. Sauf que, depuis, de l'eau a coulé sous les ponts. De l'héroïne et de la vodka, moins. Le perdant magnifique est devenu un travailleur honnête et droit. Alors, le mythe en prend un coup, mais que préfère-t-on ? Le poster d'un beau chanteur mort, ou un quinqua toujours inspiré ? À vous de juger. Pendant ce temps, le Californien relocalisé à Berlin livre un album par an – sans compter ses projets parallèles. Sur scène, la vedette est tenue par Joel Gion et ses éternels maracas. Le show, c'est lui, d'autant que Newcombe et les autres ne sont pas exactement des monstres de charisme (on n'est pas chez The Hives). Le BJM, en fait, c'est un énorme shot d'Algoflash sur l'arbre généalogique du rock – et assimilés : psychédélisme, new wave, folk, shoegazing, on en passe. Dans ce maelström de décibels, se croisent les ombres des Stooges et du Velvet… donc de Spacemen 3 ou de LILLE, 23.09, L'Aéronef, 18 h 30, 23 > 18 €, www.aeronef.fr Jesus and Mary Chain. De la référence de ANVERS, 09.10, Trix, 19 h 30, 23 / 21,50 €, référence ? On préférera parler de citawww.trixonline.be tions bienvenues. Thibaut Allemand
© Thomas Girard
THE BRIAN JONESTOWN MASSACRE
musique
Bachar Mar-Khalifé
Double jeu On ne présente plus ce virtuose hébergé chez InFiné. Mais connaissez-vous Hamza El Din ? Père de la musique nubienne contemporaine, cet égyptien l'a popularisée dès les années 1960. Invité au Newport Folk Festival en 1964, le maître de l'oud signe dans la foulée deux albums sur le label de Joan Baez, dont The Water Wheel (1968), acclamé par Steve Reich ou Terry Riley. Bachar Mar-Khalifé rend hommage à ce maître disparu en 2006 et hélas un peu oublié, préférant à l'austérité originelle une approche maximaliste et souvent étourdissante. Une bonne nouvelle n'arrivant jamais seule, à Dunkerque, BMK dévoile un second spectacle étrange et envoûtant. Dans Piano sur le fil, le Franco-Libanais revisite son répertoire tandis que six circassiens (trampoline, mât chinois, danse, portés acrobatiques, fil…) rebondissent sur ses mélopées, leur donnant corps et mouvements. Fantastique ! T.A. Mons en Baroeul 26.09, Salle Allende !, 20 h, 20 > 5 €, legrandmix.com
© Photo Colin Medley Club Bagneux
# 48
Piano sur le fil : Dunkerque, 02 & 03.10, Le Bateau Feu, mar : 20 h, mer : 19 h, 9 €, www.lebateaufeu.com
Némir © Tomas Abuz
MUSIQUE
LE POULPAPHONE
PÊCHE MIRACULEUSE
# 50
C'est très joli la Côte d'Opale, mais Boulogne aurait tout de la proverbiale "belle endormie" sans le Poulpaphone. Deux scènes, 16 artistes, une exposition-jukebox sur les grandes voix féminines (de Piaf à Madonna) : le temps d'un week-end, ce festival réenchante le site industriel de Garromanche. Et cela pourrait durer plus longtemps… Au départ, un blaze en forme de blague. Quatorze éditions plus tard, le Poulpaphone est loin de lever l'ancre. Au point de faire des petits. Convaincus par le succès de ce festival, les élus boulonnais ont confirmé la construction de deux salles de concert dans cette région qui en manque cruellement. En attendant leur inauguration en 2020, notre céphalopode mélomane a encore harponné de jolis noms. À commencer par Eddy de Pretto, dont le répertoire colle bien à l'esprit du Poulpa' : « pointu et grand public, soutient Lisa Torres. Notre particularité reste l'éclectisme, entre electro, hiphop, metal… », poursuit la programmatrice, pas non plus avare de belles découvertes. Entre les hérauts d'une nouvelle scène française aussi bigarrée qu'emballante (Bagarre, Clara Luciani, BOULOGNE-SUR-MER, 28 & 29.09, Thérapie Taxi…), on (re)trouve ainsi Némir – Site de Garromanche, 20 h, 1 j : 17 €, 2 j : 24 €, www.poulpaphone.com « l'un des meilleurs rappeurs actuels ». Révélé 28.09 : Eddy de Pretto, Bagarre, dès 2012, le Perpignanais a eu du mal à gérer Dear Liars, Némir, Shake Shake Go, la pression, mais revient avec un album enOtzeki, The Lumberjack Feedback, Mortal Combo, Numérobé // 29.09 : thousiasmant (Hors-série) défendu sur scène Møme, Jeanne Added, Thérapie Taxi, Clara Luciani, Azur, Clément avec une belle orchestration. On attend aussi Bazin, Queen Zee, The Inspector des inédits de Jeanne Added, dont le très Cluzo, Mortal Combo // Exposition : Femmes ! Elles donnent de la voix coldwave Radiate sort ce mois-ci. Julien Damien
MUSIQUE
WE WILL FOLK YOU
Amber Arcades © Nick Helderma
CORDES SENSIBLES
L'été achevé, on retrouve le cocon chaleureux des 4 Ecluses pour se lover dans les ambiances feutrées de ce festival qui célèbre, tout de même, sa huitième édition. Alors, rappelons-le : qui dit folk ne dit pas exclusivement guitare en bois. En témoignent les aventures musicales de Michael Nau (ex-Page France et Cotton Jones), dont le sens de la mélodie évoque irrémédiablement Emitt Rhodes. Citons la pop gracile et gracieuse de Jess Williamson (une cousine de Weyes Blood) ou la folktronica de Gareth Dickson, guitariste de Vashti Bunyan et infatigable chercheur sonique. Mais la véritable (anti-)star se nomme Jeffrey Lewis : auteur de milliers de chansons brinquebalantes, de BD et fanzines essentiels, cet homme fricote avec J. Mascis, Herman Düne ou Daniel Johnston. Une certaine idée du cool new-yorkais. T.A.
# 52
DUNKERQUE, 28 & 29.09, Les 4 Ecluses, 20 h, 1 j : 9 / 6 €, 2 j : 15 / 10 €, www.4ecluses.com PROGRAMME : 28.09 : Michael Nau, Jess Williamson, Yew // 29.09 : Jeffrey Lewis & Los Bolts, Gareth Dickson, Amber Arcades
MUSIQUE © DR
DIONNE WARWICK
LA FÉLINE
# 54
Le saviez-vous ? Dionne Warwick est la cousine de Whitney Houston. Et c'est loin d'être le plus important. Incarnation d'une certaine idée de la pop (classe, sophistiquée, tirée à quatre épingles mais toujours émouvante) la diva annonce une apparition. Question : arrive-t-on trop tard ? Dionne a beau se prononcer "daïone", on lit toujours un peu “lionne”. Certes, c'est du Lacan de bazar. N'empêche qu'il y a du félin chez cette femme, depuis les traits fins et le visage anguleux jusqu'au timbre parfaitement posé. Des grandes voix, la soul et la pop en ont beaucoup compté : Aretha, Diana, Tina… Mais le souffle de Dionne nous aura caressé l'échine plus qu'aucune autre. Précisons que l'on parle bien de l'âge d'or de l'Américaine, la courte décennie 1962-1971, qui la vit immortaliser les merveilles signées du tandem Burt Bacharach / Hal David. Des exemples ? Don't Make me Over, Walk on By, Wishin' and Hopin', I Say a Little Prayer for You, I'll Never Fall in Love Again, The Look of Love… Des standards à la croisée des avenues soul, pop, bossa nova et jazz. Des tubes vêtus de costards blancs et de robes fuseaux. Une certaine idée de l'élégance. La suite sera plus délicate, Dionne suivant les tendances du moment (la soul sirupeuse des eighties…) qui ne rend pas justice à son talent. Aujourd'hui, cette dame de 77 printemps n'a plus la gorge de jadis et possède la fâcheuse tendance à résumer les chefs-d'œuvre précités en un medley trop vite expédié. Pourtant, que serait-elle OSTENDE, 27.09, Kursaal, 20 h, 69,50 > 49,50 €, kursaaloostende.be sans eux ? Thibaut Allemand
MUSIQUE
SUEDE
L'ÂGE DE RAISON C'est le lot de tous les revenants : leur vie et leur gloire sont derrière eux. Évidemment, Suede, groupe-phare de la britpop et marqué par Bowie ou Morrissey, semblait avoir tout dit dès son premier LP : sur l’ambiguïté sexuelle, le mal-être, l’égocentrisme... bref, l'adolescence. Mais ce huitième LP (14 titres conçus et agencés comme une longue pièce continue) donne à entendre un Suede adulte, mûr et… amusé par l'âge et les peines inhérentes. Vous avez dit Scott Walker ? Bien vu ! T.A.
# 56
© Dean Chalkley
BRUXELLES, 30.09, Ancienne Belgique, 20 h, 38 / 37 €, abconcerts.be
NAME FESTIVAL
DE POINTE
Depuis 2005, le NAME s'est imposé comme une institution des musiques électroniques. Si son quartier général demeure La Condition Publique à Roubaix, ce festival rayonne dans toute la métropole lilloise et en région, de jour comme de nuit. Pour autant, le bébé d'Art Point M s'accroche à quelques principes : la fidélité en amitié et le défrichage tous azimuts. La preuve en quelques noms. # 58
Thibaut Allemand & Julien Damien
© Jacob Khrist / Hanslucas
MUSIQUE
TECHNO
THE HACKER B2B JOB JOBSE
Job Jobse © Arif Malawi
The Hacker © DR
Quelle année pour The Hacker ! Après être revenu aux sources (ses EP parus sous son vrai nom, Amato) et son live analogique new wave / EBM, et avant les retrouvailles, cet automne, avec Miss Kittin, le Grenoblois s'acoquine avec Job Jobse, illustre résident du non moins fameux De School (Amsterdam). Nul doute que ces deux-là ont des choses à se dire : même penchant pour la techno chirurgicale, même dévotion pour la new wave virile mais correcte, amour partagé de l'italo-disco… T.A.
© Charlotte Abramow
ROUBAIX, 05.10, La Condition Publique, 22 h
AGORIA Faut-il encore présenter Sébastien Devaud ? Cofondateur des Nuits sonores et du label InFiné, voilà plus de 20 ans qu'Agoria conjugue Détroit et Chicago, techno sous créatine et house ardente, pour taper pile entre la tête et les jambes. Le Lyonnais délaisse un temps le DJ set et ses mixes implacables pour la formule live. L’autoproclamé
« David Guetta de l’underground » défend son nouvel EP, Boomerang. Produit par sa propre structure, Sapiens, cet hommage minimaliste aux pionniers français du synthé est rythmé par les percussions d'Aymeric Westrich (batteur de Cassius). On admirera la qualité du lancer depuis le dancefloor. J.D. ROUBAIX, 05.10, La Condition Publique, 22 h
MIND AGAINST
Âmes sensibles s'abstenir. Depuis 15 ans, cette productrice courue (Aisha Devi, The Knife…) ne sépare pas la musique du politique. Elle met techno rude et noise rugueuse au service d'un combat contre toutes les oppressions. Pas un hasard si la Britannique s'est installée à Berlin, où sévit le fameux label Praxis, qui marie également sons industriels, souvenirs raves et activisme très, très à gauche. Un set de Paula Temple, c'est l'assurance d'en prendre plein les tympans… tout en dansant intelligemment. T.A.
Ces deux frangins italiens installés dans la capitale allemande incarnent de dignes représentants de l'axe Rome-Berlin. La techno des frères Fognini, amis de Tale Of Us, semble de prime abord inclassable, irréductible à quelques cases, tant elle brouille les couleurs – sombres, les couleurs. Kicks ravageurs, boucles vrombissantes, patterns étourdissants… Cette musique s'adresse aux hanches mais ne rechigne pas à retourner les neurones au passage. Vous voilà prévenus. T.A. LILLE, 06.10, Le Grand Sud, 22 h
LILLE, 06.10, Le Grand Sud, 22 h
# 60
© Souad Hervé
© Tania Gualeni
PAULA TEMPLE
NAME FESTIVAL LILLE & ROUBAIX, 05 > 07.10, + divers lieux métropole lilloise ven : 36,20 > 28,20 € // sam + dim : 36,20 > 26,20 € ven + sam ou ven + dim : 51,20 > 41,20 € pass 3 soirs : 60,20 > 48,20 €, lenamefestival.com
LILLE - 06.10, Le Grand Sud, 22 h > 6 h : Paula Temple, Mind Against, Agents of Time, HAP…
Programme :
Lille, 01.09, Magazine Club Amiens, 21.09, Maison de la Culture Name Academy, 02 > 06.10, La Condition Publique, Gare Saint Sauveur, Palais des beaux-arts de Lille, Théâtre du Nord Saint-Omer, 20 & 21.10, Chapelle des Jésuites
ROUBAIX - 05.10, La Condition Publique, 22 h > 6 h : Stephan Bodzin (live), Marcel Dettmann, Mano Le Tough, Ellen Allien, Agoria, The Hacker b2b Job Jobse, Peo Watson b2b Mainro, David Asko…
ROUBAIX - 07.10, La Condition Publique,14 h > 22 h : Tale of Us, Patrice Bäumel, APM001, Blac… Et aussi en région
© DR
50 CENT
ET AUSSI… DIM 02.09 AVISHAI COHEN TRIO Anvers, De Roma, 20h, 39/37€
MER 05.09 ARIELLE BESSON & VINCENT SEGAL Bruxelles, Théâtre Marni, 20h15, 18>14€
VEN 07.09 DEATH GRIPS Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 27/26€
# 62
WOODEN SHJIPS Charleroi, Rockerill, 20h, 15/12€
Tandis qu'Eminem se prenait les pieds dans le tapis de la résurrection en fin d'année dernière avec un disque raté, 50 Cent initie lui aussi son retour. Ruiné en 2016 (il faut dire, avec un nom pareil...), le quadragénaire fête avec ses potos de G-Unit les 15 ans de Get Rich or Die Tryin', pierre angulaire du gangsta rap (In da Club, P.I.M.P.…) et produit, ô ironie, par le précité blanc-bec. En attendant, on n'a plus de nouvelles de son sixième album, Street King Immortal, maintes fois annoncé, sans cesse reporté. J.D. BRUXELLES, 13.09, Palais 12, 20 h, 81 > 59 €, www.palais12.com
JEU 13.09
DIM 16.09
BOB LOG III + THE GOON MAT & LORD BERNARDO Liège, Reflektor, 20h, 15€
JAWHAR Tourcoing, maison Folie Hospice d'Havré, 17h, Gratuit
VEN 14.09 ROSE TATTOO Courtrai, De Kreun, 19h, 38>32 €
SAM 15.09 CABBAGE + SYLVIE KREUSCH + BOB LOG III + FAITH HEALER Leffinge, De Zwerver, 14h, 24€ MINI MINI CHAT MINI MINI SHOW (KIDS TEMPO CLUB) Roubaix, La Condition Publique, 17h, 6€
MER 19.09 CHRIS GARNEAU Tourcoing, maison Folie Hospice d'Havré, 20h, 13>5€ SAXON + Y&T + RAVEN Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 34€
JEU 20.09 BAGDAD BAHN Marcq-en-Baroeul, Cinéma Colisée Lumière, 19h, gratuit CARTE BLANCHE À JULESÉDOUARD MOUSTIC : BLACK & BASQUE BIG BAND + OLD SCHOOL FUNKY FAMILY Lille, L'Aéronef, 20h, 13>5€/ gratuit abonnés
SAM 08.09
DYLAN CARLSON + JESUS IS MY SON Bruxelles, Botanique, 19h30, 18>12€
UZINE FESTIVAL 2018 : VALD + LMK + DIGITAL BASTARD + VSO & MAXENSS + L'ENTOURLOOP… Charleroi, Rockerill, 18h, 29€
FRUSTRATION + MALE GAZE + RI(333)N Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15€ / gratuit (abonnés)
BEATLES VS ROLLING STONES PAR MISTER COVER & MARC YSAYE Louvain, Ferme du Biéreau, 20h30, 28 / 25 €
MER 12.09
NAÂMAN + DADDY CLEAN Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13€
VEN 21.09
HARING + MAAKEDA + RIVE Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, Gratuit
ROOF 168 #2 Lille, L'Aéronef, 21h, NC
EXPÉRIENCES URBAINES : REVERIE + BLU SAMU Lille, Le Flow , 20h, 14/10€
MOSES SUMNEY
© DR
Moses Sumney, c'est d'abord une voix. Gracile, haut-perchée. Mais ne résumons pas ce Californien de 28 ans à son bel organe. Ce "soulman 2.0" est aussi un talentueux instrumentiste (il a tenu les cordes pour Sufjan Stevens) doublé d'un redoutable songwriter (Beck lui doit Title of This Song). Loué par David Byrne ou James Blake, le natif de L.A. signait en 2017 un premier album prodigieux, Aromanticism. Sur scène, ses arrangements minimalistes et envolées de soprano font le reste... J.D.
EZRA COLLECTIVE Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15€ RICK ASTLEY Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 45/42€ THE MARRIED MONK + NOUVEAUX CLIMATS Tourcoing, maison Folie Hospice d'Havré, 20h, 17>5€ CHARLELIE COUTURE LAFAYETTE Bruxelles, WHALLL - Pôle Culturel Woluwe Saint-Pierre, 20h30, 28/25€
SAM 22.09 KEDR LIVANSKIY + LE PRINCE MIIAOU Lille, L'Aéronef, 20h, 13>5€ / gratuit (abonnés) THE MARRIED MONK + JUNE BUG Béthune, Le Poche, 20h, 10/8€ HOSHI Douai, Place d'Armes, 20h, gratuit
# 64
DIM 23.09 BLACK BOMB A + DEAR LIARS Dunkerque, Les 4 Ecluses, 18h, 15>12€
BRUXELLES, 28.09, Botanique, 19 h 30, 21 > 15 €, www.botanique.be
EXPÉRIENCES URBAINES : ASSASSIN SPACE SYSTEM Wattrelos, La Boîte à Musiques, 18h, 19/13€
LUN 24.09 JOSÉ GONZALEZ & THE GOTHENBURG STRING THEORY Bruges, Concertgebouw, 20h, 34>27€
MER 26.09 SON LUX Anvers, Trix, 19h30, 25/23,50€ CŒUR DE PIRATE Lille, L'Aéronef, 20h, 30>21€ EXPÉRIENCES URBAINES : HYBIRD + JAMES IZCRAY + ISMAËL METIS Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 8/6€/gratuit (abonnés)
VEN 28.09 HK + L'EMPIRE DU PAPIER Bruxelles, Botanique, 20h, 12€ ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE Lille, Nouveau Siècle, 20h, 55>5€ ANATHEMA Lille, Le Splendid, 20h, 30,80€
DISIZ LA PESTE + LEXA LARGE Oignies, Le Métaphone, 20h30, 20>14€ FRANCESCO TRISTANO (FESTIVAL MUSE & PIANO) Lens, La Scène du LouvreLens, 21h30, 14/5€
SAM 29.09 EXPÉRIENCES URBAINES : GUIZMO + GREEMS + THE GEEK X VRV + KOHA Roubaix, La Condition Publique, 19h, 21/15€ BERTRAND CHAMAYOU (FESTIVAL MUSE & PIANO) Lens, La Scène du LouvreLens, 19h, 14/5€ L’ORCHESTRE NATIONAL DE LILLE Valenciennes, Le Phénix, 20h, 31>10€ DIRON ANIMAL + MOULLINEX + LA FLAMA BLANCA… Lille, L'Aéronef, 21h, 12>5€
DIM 30.09 NÁDIA LEIRIÃO + HHY AND THE MACUMBAS + BATEU MATOU Lille, L'Aéronef, 12h, Gratuit
MER 03.10 OLDELAF Lille, L'Aéronef, 20h, 29,60€
DISQUES THE BLAZE
Dancehall (Columbia Records) The Blaze évolue sur un territoire house contrasté, entre euphorie et mélancolie. Le tout soutenu par de sacrés clips. En somme, c'est un projet global mêlant sons et images s’écoutant autant qu’il se regarde (un peu à la manière de Woodkid). Guillaume et Jonathan Alric redonnent d'ailleurs ses lettres de noblesse au format vidéo, peu flatté par la qualité depuis la dématérialisation de la musique et le désengagement des maisons de disques. Citons les clips de Virile et surtout de Territory, que le réalisateur oscarisé de Moonlight, Barry Jenkins, considéra comme « la plus belle œuvre d’art vue en 2017 ». Le premier album des cousins français était donc attendu au tournant. En cela, Dancehall use des mêmes ressorts qui bâtirent le succès de leur EP : une voix autotunée et ténébreuse à souhait, rebondissant sur des basses profondes. On retrouve également ces crescendos parfois vertigineux (Rise), introduisant des rythmes arachnéens tout en piano, synthé et percussions. Au risque de… blaser ? Soyons honnêtes, ces dix titres emplis de langueur (Queens, Breath) et d’hédonisme (Heaven) ne révolutionnent pas le genre, mais demeurent ô combien efficaces – avec ou sans écran. Julien Damien
SPRITUALIZED
# 66
And Nothing Hurt (Bella Union / PIAS) La drogue, c'est mal. On n'en fera pas la pub ici. D'ailleurs, on sait à peine de quoi il s'agit. Jason Pierce en connaît un rayon. L'ex-Spacemen 3, dont le credo "prendre des drogues pour écrire de la musique sur laquelle prendre des drogues" annonçait la couleur, avait suivi ce chemin cohérent jusqu'à son maître-album, Ladies and Gentlemen We Are Floating in Space (1997). Un disque qui marqua les 90's et l'histoire du design (cette pochette !). Depuis lors, l'Anglais tenait dignement la pharmacie. Soudain, surgit And Nothing Hurt, qui surprend tout en déroulant les obsessions classiques : soul opiacée, folk sous morphine, blues cramé, shoegaze brumeux et incursions free jazz. La grâce en plus. Un nouveau chef-d’œuvre ? Pas loin. Avec ou sans adjuvant. Thibaut Allemand
HELENA HAUFF
THE CORAL
Move Through the Dawn (Ignition
Qualm (Ninja Tune) Si l'Allemande a conquis les cœurs c'est, entre autres, en se jouant des chapelles, apparaissant dans des raouts techno purs et durs comme dans les festivals indie rock. Il suffit de rejeter une oreille à ses débuts (Return to Disorder, 2014) pour s'apercevoir que l'ex-résidente du Golden Pudel de Hambourg s'est toujours comportée comme une (franc-tireuse) partisane d'un son acid âpre. Rêche et violent, il tire volontiers vers la noise et le manifeste libertaire. Avec ce deuxième "vrai" LP, le sosie de Mazarine Pingeot n'oublie pas ses fondamentaux, tout en ouvrant de nouveaux territoires. Elle fait même songer, un temps, à Tangerine Dream (le morceau-titre). Reste que l'ensemble est comme toujours charmant et éprouvant – donc désarmant. Thibaut Allemand
Records / PIAS) Même en mode expé, Distance Inbetween (2016) n'arrivait pas à la cheville de The Invisible Invasion (2005). Après ces quelques atermoiements, les cinq de Liverpool retrouvent la grâce de Roots & Echoes (2007), voire de Butterfly House (2010), leur meilleur album. Leur grand classique aussi. Derrière cette hideuse pochette "Japanfriendly", se cachent quelques pépites évoquant The Beach Boys période Holland, The Byrds première période ou… The Coral, tout simplement. Signalons un chef-d’œuvre dont James Skelly a le secret (Eyes of The Moon). Après 18 ans de carrière, jamais reconnus à leur juste valeur, ces Anglais plein de foi n'ont pas jeté l'éponge, comblant les vieux fidèles comme les récents convertis. Admirable. Thibaut Allemand
ANNA CALVI
Hunter (Domino Records) Une voix puissante et élastique, une guitare stridente, virtuose sans exubérance. Le premier disque d’Anna Calvi avait fait l’effet d’une petite bombe en 2011. Sept ans plus tard, la Britannique est de retour avec Hunter. Produit de son temps, ce troisième opus est un projet androgyne dont le message peut être résumé à une attaque frontale des stéréotypes de genre. Une idée martelée au gré de titres évocateurs tels que Don’t Beat the Girl Out of my Boy. Malgré des intentions louables et quelques réussites sur la fin (les flamboyants Wish et Chain), Hunter peine à nous harponner. Certes, l'organe vocal n’a rien perdu de sa superbe et ses crescendos font toujours leur petit effet, mais l'orchestration reste hélas bien morne en comparaison. Dommage… Hugo Guyon
Illustrations Š Emil Ferris & Monsieur Toussaint Louverture
LITTÉRATURE
Portrait
© DR
EMIL FERRIS MONSTRES ET MERVEILLES
Attention, chef-d’œuvre ! Publié en 2017 aux États-Unis, le premier livre d’Emil Ferris, 56 ans, a connu un succès fulgurant. « C’est l’une des plus grandes artistes de bande dessinée de notre temps » dit à son sujet le célèbre Art Spiegelman. Il a raison. Moi, ce que j’aime, c’est les monstres est un roman graphique hors du commun, dans le fond comme dans la forme. Le premier tome est publié en France par les éditions Monsieur Toussaint Louverture. Mais qui est cette parfaite inconnue propulsée monstre sacré(e) de la BD ?
C
e qui ne te tue pas te rend plus fort. Cet aphorisme nietzschéen, Emil Ferris l’a vérifié au moins deux fois. Née de parents artistes en 1962, à Chicago, elle grandit dans le quartier pauvre et violent d’Uptown. Pas sous les meilleurs auspices. « Petite, j’étais atteinte de scoliose, je n’ai pas pu marcher avant l’âge de trois ans, confie l’Américaine. Comme je ne pouvais pas découvrir le monde, je l’ai fait en dessinant, dès 16 mois. J’ai utilisé mon imagination pour m’évader ». Contrairement à ce que les médecins lui avaient prédit, elle vivra bien au-delà de 30 ans, deviendra maman, puis illustratrice et dessinatrice de jouets. Mais le sort s’acharne, comme dans les films de la MGM dont elle est « COMME JE NE POUVAIS PAS mordue (son préféré : La Fiancée DÉCOUVRIR LE MONDE, de Frankenstein).
JE L’AI FAIT EN DESSINANT »
En 2002, mère célibataire, Emil Ferris célèbre son 40e anniversaire avec ses amis. Elle est piquée par un moustique… et s’effondre. « Je me suis réveillée trois semaines plus tard à l’hôpital, paralysée de la taille jusqu’aux pieds, et je ne pouvais plus bouger les mains ». Le diagnostic tombe : méningo-encéphalite. suite
# 69
Piqûre de rappel
Planches de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres © Emil Ferris / Monsieur Toussaint Louverture
Elle vient d’être frappée par l’une des formes les plus graves du virus du Nil occidental, mais se bat. Encore. Convalescente, en fauteuil roulant, elle se scotche littéralement un stylo à la main pour continuer à dessiner, s’inscrit au Chicago Art Institute d’où elle sort diplômée, puis débute My Favorite Thing is Monsters. Elle ne savait alors « pas grand-chose de la BD », avoue-t-elle.
« C’EST À NOUS DE NOUS DÉFINIR »
Bille en tête
# 72
Il lui faudra six ans pour achever ces 800 pages et essuyer 48 refus avant de les voir publiées, aux USA, en février 2017, chez l’éditeur indépendant Fantagraphics. Reconnaissons que l’œuvre déroute. Dans la forme d’abord, sublime : le livre est intégralement réalisé au stylo à bille, sur des planches évoquant un carnet à spirales – le trait rappelle Crumb, Laurence Hyde ou Gustave Doré. Dans le fond ensuite. Mélange de policier, de fantastique, de drame familial et de journal intime, le récit est raconté du point de vue de Karen Reyes, 10 ans, avec ses mots emplis de candeur. Enfant d’immigrés, « amoureuse des filles », cette gamine se rêve en loup-garou et s’évade dans un monde peuplé de créatures d’épouvante. L’action se situe dans les années 1960, dans le quartier d’Uptown à Chicago (tiens tiens…) où elle vit avec sa superstitieuse de mère et son Don Juan de grand frère. suite
Planches de Moi, ce que j’aime, c’est les monstres © Emil Ferris / Monsieur Toussaint Louverture
Le jour de la Saint-Valentin, sa voisine, Anka, est retrouvée morte dans son appartement, une balle dans le cœur. Karen ne croit pas au suicide, enquête et découvre sa cohorte de "vrais" monstres, tapis dans les tréfonds de l’âme humaine. Dès lors, il sera question d’amour, de mystère, de quête existentielle, de résilience, d’ode à la différence… On l’aura compris, Emil Ferris a mis beaucoup d’elle dans cette fresque au souffle romanesque. Mais une question nous taraude : pourquoi un loup-garou ? « Parce que c’est ce que je voulais être ! Car il revient à nous-mêmes de nous définir ». Savoir qui tu es te rend plus fort. Julien Damien & François Annycke
EXPOSITION : PARIS, 22.09 > 20.10, Galerie Martel, mar > sam : 14 h 30 > 19 h, gratuit, www.galeriemartel.com
# 74
RENCONTRES : Festival America, PARIS, 22 & 23.09, Vincennes, sam : 10 h & 18 h, dim : 12 h & 15 h, 1 j : 12 €, 2 j : 20 €, festival-america.com Formula Bula, PARIS, 29.09, Médiathèque Françoise Sagan, 14 h, gratuit, formulabula.fr À LIRE / L’interview d’Emil Ferris sur lm-magazine.com
À LIRE / Moi, ce que j’aime, c’est les monstres, d’Emil Ferris, 416 p., 34,90 €, monsieurtoussaintlouverture.com À VISITER / emilferris.com
LIVRES ROGER CORMAN ET JIM JEROME Comment j’ai fait 100 films sans jamais perdre un centime (Capricci) La liste des gens qu’il a découverts est si impressionnante qu’elle pourrait bien recouvrir son œuvre ellemême. De Jack Nicholson à James Cameron, de Martin Scorsese à Francis Ford Coppola, l’"Université Corman du cinéma" a formé quelques réalisateurs et acteurs parmi les plus importants de ces 50 dernières années. La méthode était simple : offrir à de jeunes enragés l’occasion de grimper rapidement les échelons, jusqu’à tourner un premier long-métrage à budget limité. Dans ces mémoires au rythme haletant, le signataire de The Intruder revient bien sûr sur toutes ces rencontres. Mais Corman fut aussi un précurseur, devançant par exemple Easy Rider avec Les Anges sauvages et The Trip. Inflexible sur la gestion des fonds, il était capable de remplacer un cascadeur au pied levé ou de tourner au milieu de Hells Angels déchaînés. Précis, hilarant aussi, Comment j’ai fait 100 films… se referme avec une pointe de mélancolie. Comme le dit Demme dans un des témoignages ponctuant le livre : « Roger Corman est sans conteste le plus grand réalisateur indépendant que l’industrie hollywoodienne ait jamais connu et qu’elle ne connaîtra jamais plus ». 416 p., 22 €. Raphaël Nieuwjaer
LAURA KASISCHKE
# 76
Eden Springs (Page à Page) En 1903 dans le Michigan, un certain Benjamin Purnell fonde la Maison de David, suivant l’appel de Dieu. En totale autarcie, la communauté religieuse cultive la terre, joue au base-ball, ouvre un parc d’attractions... À la mort de leur gourou, les fidèles s’éparpillèrent et la Maison de David tomba dans l’oubli. À partir de ces faits réels, la romancière Laura Kasischke imagine les dessous de la disparition mystérieuse d’une adolescente de la Maison. Plusieurs jeunes filles y vivent sous le joug d’un Benjamin adulé et tout-puissant. La mort de l’une d’entre elles écaille le vernis de ce pseudo "Paradis"... Ce court récit, sur fond de croyances d’un autre temps et pratiques inavouables, révèle un environnement profondément cruel. Haletant. 150 p., 18 €. Madeleine Bourgois
HÉLÈNE ALDEGUER
VALÉRIE MANTEAU
Après le printemps
Le Sillon (Le Tripode)
(Futuropolis) En 2011 naissait le Printemps Arabe. À l’époque, on parlait encore de Révolution de Jasmin. Car c’est en Tunisie, le pays du Jasmin donc, que s’immola Mohamed Bouazizi – la fameuse étincelle qui mit le feu à toute la plaine. Deux ans plus tard, qu’en était-il ? À l’approche des élections, dans un pays économiquement fragile et politiquement instable, la jeunesse se sentait abandonnée. Harcelée par la police, frappée par le chômage, elle hésitait entre résignation, révolte et tentation islamiste. Spécialiste de la question et illustratrice hors-pair, Hélène Aldeguer se penche sur cette étrange année 2013, par le biais de l’intime et du collectif… La simplicité du noir et blanc sied parfaitement à la complexité de la situation. 136 p., 21 €. Thibaut Allemand
Au début, l’histoire paraît simple, presque anecdotique. Une jeune femme rejoint son amant à Istanbul. On le comprend vite, ce voyage s’accompagne d’une nécessaire reconstruction personnelle suite à un traumatisme. Il s’étoffe encore lorsque la narratrice décide d’enquêter sur la mort de Hrant Dink, journaliste arménien assassiné en Turquie. Page après page, le récit imprime ainsi sa marque, un sillon léger se forme jusqu’à laisser une trace indélébile. La romance stambouliote suscite une vive émotion à mesure que la narratrice évoque son passé à Charlie Hebdo et les victimes des ennemis de la liberté. Un souffle unique qui laisse sans voix. 280 p., 17 €. François Annycke
JÉRÔME FERRARI À son image (Actes Sud) Jérôme Ferrari ne part jamais bien loin de la Corse. Si les premières pages de son septième roman nous plongent en plein conflit yougoslave, c’est pour mieux nous ramener dans l’église d’Ajaccio où l’on célèbre l’office funèbre d’Antonia, l’enfant du pays. Avec l’acuité et ces phrases en accordéon le caractérisant, le Goncourt 2012 déroule l’existence d’une idéaliste. Celleci se rêve photographe de guerre mais s’enferme dans le conformisme patriarcal propre à sa région. Au fil de la douloureuse messe qui rythme l’ouvrage, on assiste à d’absurdes querelles entre nationalistes. On croise aussi les fantômes de reporters sur les fronts libyens et serbes, fascinés par la puissance d’un média (la photo) dont Ferrari déploie avec grâce la dimension philosophique. 224 p.,19 €. Marine Durand
ÉCRANS
Interview
ALEX LUTZ
# 78
Propos recueillis par Julien Damien Photo Apollo Films
LE CAMÉLÉON
Ado hystérique, hippie nazi, désopilante Catherine (aux côtés de Liliane)… Sur scène comme à l'écran, Alex Lutz est passé maître dans l'art de l'incarnation. Dans sa deuxième réalisation, il donne vie à Guy Jamet. Ce vieux chanteur de variétés (fictif), célèbre dans les années 1960, devient le sujet d'un documentaire tourné par Gauthier, jeune journaliste persuadé d'être son fils… Près de cinq heures de maquillage quotidiennes ont parachevé cette transformation. Au final, la performance du Strasbourgeois s'avère bluffante, et l'on finit par croire en l'existence de son personnage. Certes drôle, Guy est aussi une réflexion mélancolique sur le temps qui passe. Entretien à visage découvert.
Qu'est-ce qui a déclenché l'écriture de ce film ? L'envie de liberté artistique. Il s'agissait aussi de satisfaire mon plaisir d'acteur et d'incarnation, de plus en plus fort. J'ai donc cherché une forme m'autorisant cela, et me suis arrêté sur celle du documentaire, où les enjeux se découvrent avec une importante charge émotionnelle, du rire aux larmes. Pourquoi avoir choisi d'incarner un vieux chanteur yéyé ? Le milieu de la chanson, de l'industrie du disque et les figures du music-hall d'antan racontent une histoire de la France. On les associe à un gouvernement, des tendances… C'est une culture-miroir, une culture-objet, inspirant des produits de consommation, et qu'on appellera par la suite la popculture. Cette icône permettait
donc d'aborder des thèmes pas si légers : être et avoir été, qui est le ringard de qui…
« LE FILM EST RÉUSSI SI JE FAIS CROIRE PENDANT 1 HEURE 40 QUE CE TYPE EXISTE » De quel personnage vous êtes vous inspiré pour créer Guy Jamet ? Aucun. J'ai failli, à un moment, dresser une petit liste mais m'en suis vite débarrassé. Je risquais de tomber dans le piège du "film à sketches". Et puis, s'il fallait s'inspirer d'untel ou d'untel, autant tourner un biopic… Vu l'époque, l'histoire évoquera forcément certains chanteurs. Quoi qu'il en soit, le film est réussi si je fais croire pendant 1 heure 40 que ce type existe. suite
ÉCRANS
# 80
Guy Jamet est d'abord présenté comme un ringard, puis votre regard évolue… Pourquoi ? Le film est une ode au temps qui passe et à la vie, avec son cortège de paradoxes. Et puis, personnellement, j'adore les certitudes déçues, reconnaître avoir eu tort après avoir émis des avis bien connards. S'agissait-il d'emblée de créer des chansons et de les interpréter ? Oui, car engager un chanteur que j'aurais doublé dans un faux concert pour un faux documentaire… aurait été compliqué. C'est un film avec du latex, la moindre des politesses c'est de mouiller la chemise, d'inventer nous-mêmes la voix qu'il aurait pu avoir en 1966 ou en 1975 mais aussi ses chansons. Elles sont de possibles tubes racontant chacune une époque, sans être trop parodiques. Bref, il fallait y aller comme au théâtre.
C'est filmé, mais il y a eu ce plaisir du risque dans Guy. Est-il un portrait en creux de vous-même ? Quand on joue, il doit y avoir du sang et de la chair. On filtre des émotions et forcément il y a de nous, une forme de sincérité qui passe. C'est peut-être une envie de conjurer le sort : Guy baise tous les soirs, il a des chevaux et j'adore ces animaux. Et puis, il n'est pas trop moche ni chauve, conserve un large public, gagne à peu près sa vie, habite une maison dans le sud. Enfin, il n'est pas haï, juste moqué mais en a fait son affaire… Si cela devait être la même chose pour moi à son âge, je signe tout de suite ! GUY D'ALEX LUTZ, avec Alex Lutz, Tom Dingler, Pascale Arbillot, Dani, Elodie Bouchez… En salle. À LIRE / l'interview intégrale sur lm-magazine.com
BLAGUE À PART
# 82
Site internet créé en 2014 par des passionnés de films comiques, CineComedies se décline aujourd’hui en festival. Implantée à Lille, parrainée par Pierre Richard, cette édition inaugurale met à l’honneur la France. Au programme ? Des avant-premières, des œuvres cultes, et pas mal de fous rires. La comédie est une affaire sérieuse. Surtout en France, qui jouit d’une belle tradition dans ce domaine, à l’image de Pierre Richard, invité d’honneur de ce festival. L’occasion de revoir ses films (La Chèvre, Le Grand blond…) et ceux qui l’ont influencé, tel Mon oncle de Tati. « À travers lui, nous souhaitions rendre hommage au burlesque, mais aussi au verbe, une force des productions françaises », selon Jérémie Imbert, le délégué artistique. Notons ainsi cette rétrospective mettant en lumière les fines plumes de la gaudriole : Guitry, Audiard, Jaoui et Bacri… Pour autant, malgré son succès public, le genre reste « complètement sous-estimé, il n’est même pas représenté à Cannes ». Un mépris d’autant plus paradoxal qu’il demeure une locomotive du box-office hexagonal. « En même temps, depuis 20 ans la qualité ne cesse de décliner… De plus, les grandes œuvres populaires se font rares. Nous avons donc choisi de nous tourner vers les classiques ». En sus du dernier film de Pascal Thomas, on se (re)bidonne ainsi devant Les Aventures de Rabbi Jacob ou Les visiteurs, pour le moins connus… « Oui, car la comédie est une expérience collective, notre but est surtout de sortir les gens de leurs tablettes afin de rire à LILLE, 27 > 30.09, UGC, Gare Saint Sauveur, Th. Sébastopol, Palais l'unisson ». Okkaaay ! Rihour, Nouveau Siècle, Théâtre du Casino Barrière + ARENBERG, Julien Damien
Creative Mine, pass : 25 €, 1 séance : 5 €, festival-cinecomedies.com
Pierre Richard © Bruno Tocaben
ÉCRANS
CINECOMEDIES
ÉCRANS
© Norte Productions
CANIBA
À FLEUR DE PEAU
# 84
En 1981, Issei Sagawa tue une de ses camarades de la Sorbonne, Renée Hartevelt, avant d'entreprendre de la manger. Reconnu irresponsable pénalement, il sera extradé au Japon, et bientôt libéré. En filmant le vieillard qu'il est devenu, Verena Paravel et Lucien Castaing-Taylor s'approchent au plus près des tourments de la chair. Acteur pour des films pornos plus ou moins inspirés de son crime, mais aussi des pubs pour des restaurants de sushis, Sagawa fut un temps une figure quasi-folklorique de son pays. Aujourd'hui malade, il vit reclus avec son frère, loin de ceux qui exploitèrent son image. C'est ainsi un corps au bord de l'évanouissement que saisissent Paravel et Castaing-Taylor, cinéastes et anthropologues, notamment auteurs du remarqué Leviathan (2012), transformant un chalutier rouillé en créature mythologique. Filmés en gros plans, les visages d'Issei et de son frère Jun ne cessent d'affleurer à l'écran, tantôt flous, tantôt d'une netteté hallucinante. Ce procédé pourra sembler d'une agaçante coquetterie, il n'en est rien. Caniba tire sa plus grande force de cette oscillation constante. De ce trouble entre un corps et l'autre, entre la peau et ce qui se trame dessous. Ici, la caméra n'impose aucun "point de vue". En se faisant la plus légère possible, elle devient une surface de contact ultrasensible, presque tactile. Parfois éprouvant, ce documentaire s'intéresse moins à un crime extraordinaire qu'à un mystère ordinaire, celui auquel se confronte toute société et tout être : l'incarnation. Raphaël Nieuwjaer DOCUMENTAIRE DE VERENA PARAVEL ET LUCIEN CASTAING-TAYLOR. En salle.
SORTIE DE RUT
© Michaël Crotto
ÉCRANS
BONHOMME
# 86
Trop méconnu du grand public, Nicolas Duvauchelle impressionne dans ce drame sentimental, où il joue le rôle d'un homme-enfant à la libido survitaminée. Après Les Beaux jours ou Et ta sœur, Marion Vernoux signe un grand huit émotionnel qui vous fera rire (un peu) et pleurer (beaucoup). Piotr et Marilyn, jeunes et têtus, coulent des jours heureux dans la banlieue lilloise. Enfin ça, c’était avant un accident de voiture, causant à Piotr un traumatisme crânien irréversible. Si, en apparence, l'homme n’a pas changé, il a désormais l’autonomie d’un enfant de six ans… et la libido d’un adolescent. Marilyn est toutefois convaincue que leur amour les sauvera. À elle de mettre les bouchées doubles pour conserver "la garde" de son amant insatiable, et incapable d’acheter une simple baguette… Ne tournons pas autour du pot, ce film est une réussite. Difficile de ne pas s’émouvoir face à ce couple au destin funeste. Pas de faux suspense : Piotr ne se rétablira hélas pas. Si certaines scènes sont à mourir de rire (dont celles avec Béatrice Dalle, décortiquant l'amour avec cynisme), c’est bien dans ses moments les plus sombres que Bonhomme atteint ses sommets. On ne peut toutefois éluder la réalisation, parfois chaotique. Pour traduire la confusion de Piotr, la cinéaste a en effet opté pour un montage épileptique, estropiant certains passages dramatiques – dommage. Une maladresse qu’on pardonne vite grâce à la bande-son (coucou les Daft Punk), parfois très mélancolique, ou au jeu de Nicolas DE MARION VERNOUX, avec Nicolas Duvauchelle, Duvauchelle, bluffant dans la peau du fauve en rut. Ana Girardot, Béatrice Dalle… Mélissa Chevreuil
En salle.
© Mars Films
© JHR Films
# 88
SOLLERS POINT BALTIMORE
L'AMOUR EST UNE FÊTE
Bracelet électronique à la cheville, Keith se languit dans la maison de son père. Son ancienne petite amie lui rapporte les vestiges de leur amour dans un carton, et les membres de son gang lui rappellent la dette qu'il a envers eux. Pas simple, dès lors, de commencer une nouvelle vie – surtout quand l'horizon se limite à une formation en climatisation. Né à Baltimore, Matthew Porterfield y tourne depuis plus de dix ans des fictions à la fois rugueuses et d'une grande bienveillance. À partir d'un schéma classique, il parvient encore une fois à saisir les dynamiques à l'œuvre dans une communauté marquée par la désindustrialisation et la drogue. La réussite pourra sembler modeste, mais c'est précisément la modestie de son regard, jamais surplombant, qui fait la réussite de ses films. Raphaël Nieuwjaer
Paname, dans les eighties. Franck et Serge, enquêteurs chargés de démanteler le "business du X" local, se font passer pour les cogérants d’un peep-show. Pour mieux attirer la clientèle (et piéger de véreux investisseurs), le duo a l’idée de produire des films pornographiques avec ses danseuses. L’Amour est une fête est un film foncièrement gênant. Dans le fond tout d’abord, absence de second degré oblige. Cédric Anger impose son seul regard masculin, réduisant la femme au rang d’objet écervelé aux dialogues ultra-limités. Mais aussi dans la forme, où les scènes ubuesques s’enchaînent sans logique. Les personnages, en plein coït, peuvent ainsi tout arrêter pour admirer la beauté d’un coucher de soleil (sic). Bref, un mauvais nanar macho peu excitant – un comble !
DE MATTHEW PORTERFIELD, avec McCaul Lombardi, James Belushi, Imani Hakim… En salle.
DE CÉDRIC ANGER, avec Guillaume Canet, Gilles Lellouche, Camille Razat… Sortie le 19.09.
Mélissa Chevreuil
# 90 exposition
Portrait
SAM DOUGADOS SABLES ÉMOUVANTS
Olo Naima Star (Imsouane, Maroc)
suite
EXPOSITION
# 92
Sam Dougados © DR
Fatidma (Tafedna, Maroc)
S
ur la plage abandonnée, on n'a pas trouvé de coquillages ni de crustacés, mais de sacrés dessins ! Capturées quelques instants avant d’être englouties par les vagues, ces fresques sont l’œuvre de Sam Dougados, qui balade son râteau télescopique sur la côte basque depuis dix ans. Ce Strasbourgeois d’origine est l’un des principaux représentants du "beach art", qu’il a découvert via un surfeur californien. « C’est une sous-catégorie du land art, mais aussi un dérivé du street art : on retrouve l’idée d’appropriation de l’espace public, la création d’œuvres éphémères, accessibles à tous ».
Ils ne sont qu’une poignée sur la planète à imprimer leurs mandalas, feuillages et autres "crop circles" face à la mer. Mais Sam, qui explore sa fibre artistique en autodidacte depuis l’adolescence, y ajoute un travail photographique tout aussi essentiel. « Je ne cherche pas forcément à témoigner de mon dessin, plutôt à saisir la poésie du moment », indique le quadragénaire, qui immortalise ses réalisations sans drone, depuis un point culminant. Les habitués du sud de la France reconnaîtront les environs de Biarritz, principal bac à sable de Sam Dougados. suite
EXPOSITION Rebirth (Biarritz, France)
Mais le "beach-artist" crée aussi hors de l'Hexagone, se laissant porter par le cadre (des mosaïques orientales au Maroc) ou par la nature environnante. Son "best-seller" est pourtant un insolent code-barres, critique frontale de la marchandisation des espaces publics. « Je tente d’éveiller les consciences, pour que les gens
portent un regard plus contemplatif sur leur environnement ». Furtives sur la plage, les œuvres de Sam Dougados entrent peu à peu dans les galeries et collections privées, imprimées sur aluminium brossé (ou blanc). Un passage en beauté de l"effet-mer" à la postérité. Marine Durand
À VISITER / www.sam-dougados.com ; www.facebook.com/samdougados www.instagram.com/dougasam
# 94
À LIRE / l’interview de Sam Dougados sur lm-magazine.com À VOIR / Les œuvres de Sam Dougados font partie de la collection permanente de l’institut culturel Bernard Magrez, à Bordeaux
EXPOSITION
Coup d'envoi © Jef Behrin
Événement
BIENNALE MONS 2018 LES POSSIBILITÉS D'UNE VILLE
# 96
Capitale européenne de la culture en 2015, Mons pérennise cet esprit de fête en inaugurant sa première Biennale. Les budgets ne sont certes pas comparables (71 millions contre… un peu moins d'1,5 million) mais l'héritage est là. L'envie, aussi. Celle de créer et de s'amuser ensemble, tout en transformant la ville en espace de jeux – et d'enjeux.
Manif idéale © Quentin Top
P
lus de 300 rendez-vous, deux millions de visiteurs, cinq nouveaux musées, deux salles de concert, une cité rénovée… En 2015, Mons s'est métamorphosée, livrant un bel héritage. « Ne serait-ce qu'en matière de bâtiments, tel l'Arsonic. Les places, les rues ont changé », remarque Philippe Degeneffe, directeur général de Mons arts de la scène (Mars). Ce bouleversement n'est pas seulement matériel. « Les Montois ont modifié leur manière d'appréhender la culture, se réjouit Caroline Kadziola, secrétaire générale de la Fondation Mons 2025. Au-
delà de cette fierté retrouvée, ils ont vécu des expériences hors des institutions, parfois intimidantes ». On le sait, les lendemains de fête sont délicats. Il s'agissait de ne pas laisser retomber le soufflé. C'est tout l'objet de cette Biennale. En cela, « Lille 2004 et lille3000 furent des références » et cette nouvelle année de réjouissances sera traversée par un fil conducteur : "Habiter la ville". Niki de Saint Phalle ouvre la voie « Il est temps pour les habitants de se réapproprier l'espace public, observe Loïc Clairet, directeur culturel de la fondation Mons 2025. suite
EXPOSITION
Kirina © Jean Van Lingen
LE FESTIN MONS-BORINAGE
# 98
Pas de fête d'ouverture pour cette Biennale. Alors quoi, en guise d'apéritif ? Un festin ! Soit cinq jours de création théâtrale orchestrés par des Montois. Ou comment une pause-café dans un call-center se mue en révolution (Lutte des classes), un homme ne sait plus quel gadget actionner pour ouvrir la porte de chez lui (Un Hypnotique anonyme !), l'amour devient affaire de solitudes connectées (I Want You But I Want You to Want Me More)… Alléchant, n'est-ce pas ? MONS, 11 > 15.09, Théâtre Le Manège & maison Folie, 1 spectacle : 5 €, surmars.be
C'est à eux de faire vivre la cité, mais aussi le territoire au-delà du ring ». L'ambition n'est donc pas seulement artistique. « C'est un engagement sociétal, assure Xavier Roland, directeur du pôle muséal. Citoyens, artistes, universités ou entreprises, nous réfléchissons ensemble à la ville de demain, face aux enjeux climatiques, migratoires, économiques… ». À la manière d'une agora, mais ludique. En cela, Niki de Saint Phalle, sujet d'une vaste rétrospective au BAM, fut une grande source d'inspiration (voir page 101). « C'est l'une des premières artistes à avoir créé un trait d'union entre
la ville et le musée. Dès les années 1970, elle pointait l'urgence de réhumaniser nos sociétés. C'est ce que nous allons accomplir ici ». Graffs vivants À l'image de cette exposition, la Biennale sera rythmée par des rendez-vous théâtraux, culinaires, musicaux… on en passe. Citons Kirina de Serge Aimé Coulibaly, incluant 40 figurants montois, ou ce mapping grandiose projeté sur la Grand-Place en marge de la commémoration du centenaire de la Première Guerre mondiale – et signé Dirty Monitor ! Mais, comme annoncé, le rôle des habitants sera primordial. Notamment avec les chorales (telle La Grande clameur, unissant près de 500 chanteurs locaux) ou le temps fort "Art en ville", au printemps. Soit un parcours d'installations et
de fresques (pérennes) mené par des artistes ou citoyens au cœur de la cité du Doudou. Les graffitis végétaux réalisés avec de la moisissure égaieront aussi les murs. « À la condition de les soigner pour qu'ils restent vivants », indique Loïc Clairet, qui imagine aussi… la plus grande raclette du monde ! « Oui, la culture est un jeu, pas une prise de tête réservée à une élite ». Alors, jouons ! Julien Damien Think Tank - Résidences - Workshop © Quentin Top
MONS ET BORINAGE, 14.09 > 30.06.2019, divers lieux, tarifs des événements : 25 > 1 €, nombreuses activités gratuites, Mons Card : 34 > 5 €, pass Biennale : à partir de 20 €, www.mons2025.eu ◗ SÉLECTION EXPOSITION : Niki de Saint Phalle. Ici, tout est possible : Mons, 15.09 > 13.01.2019, BAM Giorgio de Chirico. Aux origines du surréalisme : René Magritte, Paul Delvaux, Jane Graverol : Mons, 16.02 > 02.06.2019 THÉÂTRE, DANSE ET CIRQUE : Kirina (Serge Aimé Coulibaly) : Mons, 06 & 07.11, Théâtre Le Manège Enfant (Boris Charmatz) : Charleroi, 09 & 10.11, Écuries Guerre et Térébenthine (Jan Lauwers) : Mons, 15.11, Théâtre Le Manège Scala (Yoann Bourgeois) : Mons, 15 > 16.01.2019, Théâtre Le Manège Sylvia (Fabrice Murgia) : Mons, 26.03.2019, Théâtre Le Manège… (voir page 152) MUSIQUE : L'orchestre d'hommes-orchestres joue à Tom Waits : Mons, 23.11, Théâtre Le Manège La semaine de la voix : Mons, 22.03 > 29.03.2019, divers lieux… ◗ QUARTIERS LIBRES (QUAND L'ART HABITE LA VILLE) Mapping des commémorations : Mons, 26.10 > 11.11, Grand-Place Cuisine d'hiver : Mons, 15 > 23.12, centre-ville Art en ville : Mons, dès le printemps 2019, centre-ville…
# 100
BIENNALE MONS 2018
Niki de Saint Phalle, Baigneurs, 1981. Donation Maurice Duvivier, propriété de la Communauté française, en dépôt à l’Artothèque, Mons © 2018 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved. Photo : © Atelier de l’Imagier Foundation
NIKI DE SAINT PHALLE
L'AFFRANCHIE De Niki de Saint Palle, on connaît tous les Nanas monumentales et colorées, prenant leurs aises dans nos villes. Mais sait-on qui est la femme derrière l'artiste ? Au BAM, cette première grande rétrospective belge révèle en 140 pièces l'évolution de l'œuvre mais aussi la vie de la "Calamity Jane de l'art". « Ici tout est possible ». Cette phrase fut prononcée par Niki de Saint Phalle à la fin des années 1970, face au paysage du futur Jardin des Tarots, en Toscane. Elle y édifiera un parc mystique peuplé de 22 sculptures géantes et habitables – dont on découvre à Mons les maquettes. « C'était pour elle un endroit magique », explique la commissaire, Kyla McDonald, qui a vu dans ces mots le titre idéal de cette rétrospective. Conçue de façon chronologique, empreinte de joie, de violence ou de mythologie, cette exposition retrace en films, dessins, sculptures ou peintures 50 ans de carrière d'une pionnière et provocatrice hors norme. Femme libérée « Sa palette était extrêmement large, ajoute Kyla McDonald. Rien ne l'arrêtait ». Surtout pas sa condition
Affiche Daddy, Saint-André-des-Arts, 1973 © 2018 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved. Photo : © Devon Whitehead
suite
# 102
« CE PARCOURS NOUS MONTRE À QUEL POINT NIKI DE SAINT PHALLE VOULAIT ÊTRE L'ÉGALE DE L'HOMME »
Niki de Saint Phalle, Nana-Maison II, 1966-1987. Donation Niki de Saint Phalle / Sprengel Museum, Hannover. © 2018 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved. Photo : © Monnaie de Paris - Aurélien Mole
féminine. « Ce parcours nous montre à quel point Niki de Saint Phalle voulait être l'égale de l'homme. Elle s'est rebellée très jeune contre la société patriarcale. Cette conviction l'a conduite à créer des sculptures monumentales, célébrant les femmes dans les lieux publics ». Toutefois, la plus belle œuvre de cette artiste en-
gagée et enragée, c'est sans doute sa vie. Pas des plus sereines. Violée par son père à l'âge de 11 ans, placée au couvent, avant des séances d'électrochoc pour "soigner" une dépression nerveuse, celle qui fut d'abord mannequin (pour Vogue suite
Niki de Saint Phalle, Autel noir et blanc, 1962 © 2018 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved. Photo : © André Morin / Courtesy Galerie GP & N Vallois, Paris
EXPOSITION
Niki de Saint Phalle, The Bride (or Miss Haversham’s Dream).1965 © 2018 Niki Charitable Art Foundation, All rights reserved. Photo : © André Morin / Courtsey Galerie GP & N Vallois, Paris
ou Life) abandonnera ses deux enfants et son mari pour son art.
# 104
Tir groupé Dès lors, on apprécie sous un jour nouveau sa série des Tirs, initiée au début des années 1960. Lors de ces performances, la Française canardait avec une carabine des tableaux ou statues sur lesquels elle avait disposé des poches de peinture qui se répandait ainsi aléatoirement. Les hommes, la religion, la politique... Niki de Saint Phalle tirait sur tout ! Y compris son géniteur, qu'elle tue métaphoriquement dans la vidéo Daddy, ou La Vénus de Milo (1962), parmi quelques chefs-d'œuvre ici dévoilés. « Sa production est étroite-
ment liée à son existence. C'est l'une des artistes qui a le plus assumé sa féminité. Que sont les Nanas, sinon des femmes libérées, s'affichant sans aucun complexe ? ». Placées à divers endroits de Mons, ces œuvres généreuses « ré-humanisent nos villes modernes » soutient Xavier Roland. À l'image de la Nana-Maison, dans les jardins du BAM, que l'on peut toucher, pénétrer... Oui, ici, tout est vraiment possible. Julien Damien
NIKI DE SAINT PHALLE. ICI TOUT EST POSSIBLE MONS, 15.09 > 13.01.19, Musée des beaux-arts et divers lieux en ville, mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans), www.bam.mons.be À LIRE / l’interview de Kyla McDonald sur lm-magazine.com
exposition
# 106
The Blue Girl with Wine, 1997 © 2018 Tim Burton
THE WORLD OF TIM BURTON
L'ENVERS DU DÉCOR Après des escales à New York, Paris ou Tokyo, l’exposition The World of Tim Burton fait halte à Genk, dans une version taillée pour le centre culturel C-Mine. L’occasion de (re)découvrir le monde foisonnant du cinéaste, dans un bâtiment à l’architecture chargée d’histoire. Dans la grande famille des fans de Tim Burton, il y a les puristes, vouant un culte éternel à Edward aux mains d’argent ou Batman. Les rêveurs, conquis par Big Fish. Et puis les inconditionnels, qui se jettent sur chaque nouvel opus du réalisateur comme Augustus Gloop sur une tablette de chocolat Wonka. Cet évènement devrait mettre tout le monde d’accord. Il réunit en effet
plus de 400 esquisses, peintures, photos, films, figurines et sculptures. Toutes jaillies de l’imagination du Californien, ces pièces reflètent la richesse de son esthétique « sombre, macabre, mais toujours tempérée par l’humour et la tendresse, précise Jenny He, la commissaire de The World of Tim Burton. Généralement, ses personnages de cinéma ont d’abord été des croquis, tracés sur des carnets, des blocs-notes de chambre d’hôtel, des serviettes de restaurant… À l’inverse, comme on le voit ici, il a aussi créé des œuvres dérivées de ses films longtemps après leur sortie », détaille l'Américaine. Secrets de fabrication Le parcours thématique de l'exposition aborde le processus créatif du natif de Burbank sous différents angles. Son goût pour le carnavalesque et
Devil Dog, 2014 © 2018 Tim Burton
suite
EXPOSITION Balloon Boy © Selma Gurbuz © C-mine
les créatures à la morphologie extravagante, oscillant entre comédie et grotesque. Ses influences variées, entre l’auteur de BD Charles Addams et l’acteur de films d’épouvante Vincent Prince. Ses œuvres de jeunesse, polaroids expressifs et multiples projets de films, livres, séries télévisées n’ayant finalement pas vu le jour. Sans oublier des dessins préparatoires et la place accordée dans son œuvre à la figure du "paria incompris" – les amants des Noces funèbres, ou encore Sparky de Frankenweenie, pour ne citer qu’eux.
# 108
Visite surprise Comment adapter ce "voyage dans la tête de Burton" aux espaces industriels de l’ancien site minier de Genk ? Jo Klaps, le scénographe, a
choisi de concentrer les illustrations dans la galerie, « où l’on peut jouer sur la lumière et la température ». Les installations et pièces en trois dimensions (dont Balloon Boy, un monstre gonflable attachant en tenue de Beetlejuice), se déploient quant à elles dans la salle des machines, sous le regard (sans doute interloqué) des tuyaux et vieux moteurs. C’est aussi là que l’on découvre La Cave, une œuvre en volume spécialement conçue pour C-Mine à partir d’un croquis de Burton. Gageons que le maître, qui visitera l’exposition fin septembre, appréciera… Marine Durand GENK, jusqu'au 28.11, C-Mine, mar > dim : 10 h > 18 h, 15 > 6 € / gratuit (-6 ans), www.c-mine.be Programme de conférences, projections, débats, ateliers et visites guidées : www.c-mine.be/Bezoek/burton
Fast or Last © Lenka Vackova © Karolina Ketmanova
EXPOSITION
HALTE À LA CROISSANCE !
DESIGN D'AVENIR
# 110
Gaspillage des ressources naturelles, surproduction, surconsommation… Dès 1972, un rapport du MIT* tirait la sonnette d’alarme. Intitulé Halte à la croissance ?, ce texte pointait les dangers écologiques (et moraux) d’un développement économique sans borne. Quel rôle le design peut-il jouer ? La croissance effrénée est une impasse. Pour qui en douterait encore, cette exposition présente d’abord des œuvres critiquant les absurdités de ce dogme. À l’image du projet How to make it without Ikea de Thomas Billas, délivrant des modes d’emploi farfelus pour détourner des objets du quotidien, sans s’encombrer de gadgets (utilisez donc une paire de ciseaux pour vous couper les poils de nez !). On saluera aussi la performance de Lenka Vackova, qui s’est tatoué le corps de logos de marques de mode avec son sang. La Tchèque dénonce là l’exploitation d’adultes et d’enfants sur l’autel du consumérisme et du tout-profit… Pour autant, des solutions existent. Dans la récupération bien sûr, telle cette multiprise conçue avec des déchets ramassés sur la plage par Laurent Tixador. Côté "low tech", citons la cuisine Biceps Cultivatus, fonctionnant sans électricité, avec son mixeur activé à la force du poignet ou son système de conservation usant de pots en faïence. Mais l’un des plus pernicieux fléaux de notre société de consommation reste l’obsolescence programmée. En réponse, Julien Phedyaeff et Christopher Santerre ont créé L’Increvable, une machine à laver HORNU, jusqu’au 21.10, réparable indéfiniment, histoire d’essorer les sales Centre d’innovation et de design, mar > dim : habitudes. Julien Damien 10 h > 18 h, 8 > 2 € / gratuit * Massachusetts Institute of Technology
(-6 ans), cid-grand-hornu.be
MADE IN BELGIUM
Bram Boo, lit d'intérieur © Bram Boo © BluePointStudio / Kanal-Centre Pompidou
EXPOSITION
DESIGN SEPTEMBER
Depuis 2005, Bruxelles se transforme durant un mois (de septembre, donc) en capitale européenne du design. Expositions, visites d'atelier, parcours en ville, conférences… Plus d'une centaine d'événements sont programmés, portés par des créateurs belges et internationaux. Parmi ces rendez-vous, notons Between Art and Design. The Belgian Scene, qui met à l'honneur, au sein du tout nouveau Kanal-Centre Pompidou, "le collectible design" du plat pays. Soit des pièces situées entre l'art et le design, privilégiant l'esthétique à la fonctionnalité. On citera le style épuré de Xavier Lust et ses techniques uniques de déformation du métal (sans moule, cf LM 110) ou les meubles minimalistes de Vincent Van Duysen. En sus du focus sur le textile bruxellois et de la 25e édition du Brussels Design Market (le plus grand marché vintage en Europe), on prend aussi l'air à Bozar. Ou, plus précisément, dans la rue Baron Horta qui le longe, réaménagée par l'architecte-paysagiste bruxellois Bas Smets et le collectif Pool is Cool en un havre de paix éphémère et culturel – avec sa guinguette ! Julien Damien BRUXELLES, 06 > 30.09, divers lieux et tarifs, www.designseptember.be BETWEEN ART AND DESIGN. THE BELGIAN SCENE Bruxelles, 12.09 > 04.11, Kanal-Centre Pompidou, lun, mer, jeu : 12 h > 22 h, ven & sam : 12 h > 24 h, dim : 12 h > 20 h, 14 > 3 € / gratuit (-12 ans), kanal.brussels
# 112
BRUSSELS DESIGN MARKET Bruxelles, 29 & 30.09, Tour & Taxis, sam : 12 h > 18 h, 25 € / dim : 9 h > 17 h, 10 €, www.designmarket.be BOZAR OPEN AIR Bruxelles, jusqu'au 28.09, Bozar, mar > sam : 11 h > 22 h, dim : 11 h > 20 h, gratuit, www.bozar.be
EXPOSITION
SPORTFOTO
TIRAGES GAGNANTS Nostalgiques du Mondial russe ? De la Grande Boucle ? Après un été riche en émotions, Lille joue les prolongations, mais cette fois sur le terrain de la photographie. Entre portraits d'athlètes légendaires, grandes épopées ou plongée au cœur des vestiaires, ces images racontent une autre histoire du sport, à la croisée de l’intime et du collectif.
E
x-directeur photo puis rédacteur en chef de L'Équipe magazine, Jean-Denis Walter fut longtemps un adepte de "l'effet waouh". « On se mettait tous autour de la table
pour choisir le bon cliché. Certains d’entre eux sonnaient dès lors comme une évidence, déclenchant juste un "waouh" ». D'étonnement, il sera aussi beaucoup question à Lille.
# 114
Beijing Cycling, Rebecca Romero, Jeux Olympiques de Beijing © Bob Martin
Sportfoto orchestre une vingtaine d'expositions disséminées dans toute la capitale des Flandres, soit près de 600 images signées des plus grands. Pourquoi le sport ? « Parce que c'est un thème génial pour un photographe, s’enthousiasme le commissaire de cet événement. « J'ADORE QUAND LE SPORT NOUS RACONTE DES HISTOIRES »
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Toutes les émotions y sont exacerbées ». Comme dans la série Après l'effort du Français Laurent Gudin, magnifiant des athlètes sur le vif, à l'issue d'une course ou d'un combat. « Il dévoile les vestiaires, les détails d'un poing, d'un visage tuméfié… ». Terrains grisants La majorité des œuvres présentées ici concernent des disciplines prisées dans la région : le foot (au Tripostal), le vélo (à la Gare Saint Sauveur) et la boxe (au Musée de l'Hospice Comtesse). Il s'agit d'exploits, bien sûr, tels ceux de Mohamed Ali lors des JO de Rome en 1960 et immortalisés par le fameux Sport Illustrated. Sportfoto nous fait également (re)vivre de grandes épopées : les Bleus de 1998, le doublé coupe-championnat du Losc en 2011 (avec un certain Eden Hazard),
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1. Nuno Cruz & Olivier Bonine, Levallois, 10 novembre 2007 © Laurent Gudin 2. Souleymane M'Baye, Salle Auguste Delaune, Levallois, avril 2004 © Laurent Gudin 3. Série Contemporary Heroes © Denis Rouvre
EXPOSITION
# 116
Javier Torres, Paralympiques, Athènes 2004 © Bob Martin
Vélolavie © Xavier Lambours / Signatures
Sergueï Bubka, 1996 © Gérard Rancinan
EXPOSITION FC Union Berlin dans le stade An der Alten Forsterei, 1988, Berlin © Harald Hauswald-OSTREUKZ
sans oublier le Tour de France 1969 d'Eddy Merckx, capturé par le Flamand Jef Geys.
# 118
Le vestiaire de l'histoire « La nostalgie est inhérente au sport. Elle rassemble donc toutes les générations, insiste Jean-Denis Walter. Pour autant, je n'observe pas uniquement ce sujet par le biais de l'émotion. J'aime aussi le grand reportage, aller dans les coulisses, vers des formes plus artistiques… J'adore quand le sport nous raconte des histoires ». Citons ainsi la série Eisern Union de l’Allemand Harald Hauswald, qui sympathisa dans les années 1980 avec des ultras de L'Union Berlin. Cette mythique équipe de foot de l'exRDA fut l'ennemi intime du Dynamo
Berlin, alors sous la coupe de la Stasi. Ses clichés en noir et blanc restituent « l'aventure d'un club à travers ses supporters, et surtout l'Allemagne avant la chute du mur ». Un récit empreint de rêves et de solidarité, en dehors du terrain, mais loin d’être hors-jeu. Julien Damien
LILLE, 06.09 > 04.11, Divers lieux, gratuit, www.lille3000.eu Tripostal et Gare Saint Sauveur : mer > dim : 12 h > 19 h Musée de l'Hospice Comtesse et Palais des beauxarts : lun : 14 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h Vieille Bourse : mar > dim : 13 h > 19 h 08 & 09.09 : Weed-end Sportfoto dans la ville (démonstrations, ateliers, trails, courses, athlétisme, initiations, projections…)
À lire / La version longue de cet article sur lm-magazine.com
LE MONDE DE DEMAIN
# 120
Lancée il y a 20 ans, l’exposition annuelle des étudiants du Fresnoy est aujourd’hui un rendez-vous de premier ordre, où l’on découvre les artistes qui vont compter. Sans doute le résultat d’une émulation unique entre élèves et professeurs, invités à créer un an durant sur un pied d’égalité. Avant-goût d’une édition anniversaire tournée vers l’avenir. En deux décennies de Panorama, Pascale Pronnier a vu évoluer les préoccupations des artistes. « Il y a eu beaucoup d’œuvres à caractère autobiographique, avec des histoires mêlant personnel et politique. Puis une vague de documentaires, à l’aspect plus social », observe la responsable de la programmation artistique. Depuis quelques années, une veine nouvelle anime la jeune création : penser notre devenir et l'évolution de l’être humain. Ou « révéler des mondes en germe », formule le directeur du Centquatre (Paris), José-Manuel Gonçalvès, qui pilote cette année la manifestation. Figurant notre frénésie constructrice, Thomas Garnier invente une machine agglomérant et désassemblant en continu des pièces de béton. Hugo Deverchère présente plantes et bactéries dans un laboratoire inspiré des programmes de la NASA qui tentaient de reproduire notre écosystème. Et les confirmés ? Ils profitent de cette parenthèse pour revisiter leur pratique, à l’image du cinéaste Alain Guiraudie, qui produit sa première fiction photographique. Sous la grande nef, ces 50 films, installations et performances se révèlent sans hiérarchie, laissant les visiteurs s’immerger au TOURCOING, 22.09 > 30.12, Le Fresnoy, mer > dim : 14 h hasard de leur déambulation. Marine Durand > 19 h, 4 / 3 €, lefresnoy.net
Télédésir, Film, 2018 © Cindy Coutant Production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains
EXPOSITION
PANORAMA 20
Le Général Bonaparte à Arcole, Antoine-Jean Gros (1770-1835) © musée du Louvre, 1938
NAPOLÉON. IMAGES DE LA LÉGENDE À la faveur d’un partenariat établi en 2011 avec le Château de Versailles, le Musée des beauxarts d’Arras accueille plus de 160 œuvres issues de sa collection. Ces peintures, sculptures ou meubles, pour beaucoup commandés par l’Empereur lui-même, offrent une plongée exceptionnelle dans l’histoire européenne, de la gloire à l’exil du petit Corse. On découvre aussi les talents d’un redoutable communicant, qui utilisait l’art pour asseoir son pouvoir. ARRAS, jusqu’au 04.11, Musée des beaux-arts, lun, mer > ven : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 7,50 / 5 € / grat. (-18 ans), napoleon.versaillesarras.com
GET UP, STAND UP !
CATEL. HÉROÏNES AU BOUT DU CRAYON
Avant Facebook, Twitter et les hashtags, comment exprimait-on publiquement son désaccord ? Par l’affiche ! De Berkeley à Nanterre, étudiants, ouvriers et artistes ont fait preuve d’inventivité en la matière. Le MIMA revient sur une période riche en mouvements protestataires (1968-1973) à travers 400 pièces issues de 30 pays et soigneusement mises en scène. Ces slogans, portés par un geste graphique radical ou décalé, se savourent comme des friandises visuelles. Le pouvoir au peuple !
Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker, mais aussi Lucrèce, Lucie... Fictives ou réelles, gamines impertinentes, grandes romantiques ou militantes, ces "héroïnes au bout du crayon" ont toutes été croquées par Catel Muller, dite "Catel". Elles nourrissent une rétrospective de 300 pièces originales : croquis d’étudiante, aquarelles ou planches de ses célèbres "biographiques" (dont quelques-unes d’Alice Guy, le première femme cinéaste et prochain sujet de la dessinatrice française...).
BRUXELLES, jusqu’au 30.09, Millenium Iconoclast Museum of Art (MIMA), mer > dim : 10 h > 18 h, 9,50 > 5 € / gratuit (-12 ans), www.mimamuseum.eu
BRUXELLES, jusqu’au 25.11, CBBD, tous les jours : 10 h > 18 h, 10 > 3,50 €, cbbd.be
# 122
JANE ET SERGE. ALBUM DE FAMILLE PAR ANDREW BIRKIN Emblématique d’une époque de libertés nouvelles, le couple formé par Jane Birkin et Serge Gainsbourg fut aussi intensément médiatisé. Resterait-il des pans de leur vie inconnus du public ? Oui. Ceux captés par l’objectif d’Andrew Birkin. Le frère de la Britannique longiligne expose ses clichés privés, pris entre 1964 et 1979. Entre les déjeuners animés à la campagne, les virées en voiture de luxe ou les moments de tendresse, ces photos lèvent le voile sur le quotidien d’un mythe français. CALAIS, jusqu’au 04.11, Musée des beaux-arts, mar > dim : 13 h > 18 h, 4 > 3 € / gratuit (-5 ans), calais.fr
HAUTE DENTELLE L’usage récurrent de la dentelle dans la haute couture est un gage de modernité. Volants et jeux de transparence, dentelle de cuir découpée au laser… 14 vitrines présentent les créations d’autant de maisons de couture, chacune marquant de sa patte la luxueuse étoffe. De Chanel à Valentino, cette exposition révèle 65 silhouettes d’exception, célébrant des gestes stylistiques forts et un savoir-faire propre aux Hauts-de-France.
NAN GOLDIN. FATA MORGANA
FORMAT À L’ITALIENNE # 9
On connaissait Nan Goldin pour ses portraits crus ou intimistes d’oiseaux de nuit new-yorkais, au mitan des années 1980. Moins pour ses paysages fantomatiques saisis lors de promenades. Et pour cause, ces photos n’avaient encore jamais été montrées en France. Cette trentaine de tirages invite à une déambulation contemplative. À l’image de cette ligne d’horizon brumeuse où plage, mer et ciel se confondent, parfaite illustration du phénomène optique donnant son nom à l’exposition : Fata Morgana.
Depuis 2010, l’Espace Le Carré expose des œuvres lilloises réalisées lors d’une résidence de trois mois à Rome. Parmi ces trois lauréats du prix Wicar, le duo formé par Adeline Duquennoy et Manuel Reynaud présente un travail autour de l’archive, Philippe Paoli met en scène un héros fictif dans la Rome antique et Sarah Feuillas mêle photos et sculptures pour interroger l’architecture. Tout cela sous le regard du Talent Prize 2017, Davide Monaldi, et sa Carta da parati, pièce en céramique figurant un papier peint qui se décolle.
CONDETTE, jusqu’au 11.11, Centre culturel de l’Entente Cordiale - Château d’Hardelot, mar > dim : 10 h > 12 h 30 & 13 h 30 > 18 h, 5 / 3 € / gratuit (-18 ans), chateau-hardelot.fr
LILLE, 14.09 > 28.10, Espace Le Carré, mer > sam : 14 h > 19 h, dim : 10 h > 13 h & 15 h > 18 h, gratuit, www.elc.lille.fr
AU TEMPS DE GALIEN. UN MÉDECIN GREC DANS L’EMPIRE ROMAIN
# 124
Médecin grec de l’Antiquité, Galien (129 – env. 216 ap. J.-C.) exerça notamment à Rome où il soigna plusieurs empereurs. Auteur prolifique, le praticien laissa à la postérité de nombreux écrits. Ces manuscrits et papyrus rares, portraits ou statuettes de divinités guérisseuses, scalpels et autres objets hétéroclites décrivent les pratiques sanitaires aux premiers siècles de notre ère. Un voyage fascinant dans l’Empire romain, nous emmenant aux confins de la médecine moderne. MORLANWELZ, jusqu’au 02.12, Musée royal de Mariemont, mar > dim : 10 h > 18 h, 5 > 2 € / gratuit (-12 ans), www.musee-mariemont.be
Allégorie de la Médecine, Coll. Charles Van Herck, Fondation Roi Baudouin, en dépôt au Musée Royal des beaux-arts, Anvers © Studio Philippe de Formanoir
CALAIS, jusqu’au 06.01.2019, Cité de la Dentelle et de la Mode, tous les jours sauf mardi : 10 h > 18 h, 4 > 3 € / gratuit (-5 ans), www.cite-dentelle.fr
THÉÂTRE & DANSE
Portrait
SYLVAIN GROUD AU PIED LEVÉ
Texte Madeleine Bourgois Photo Sylvain Groud © Loïc Seron
À la tête de la compagnie MAD depuis 15 ans, Sylvain Groud a pris la direction du Ballet du Nord, à Roubaix, au printemps dernier. Le chorégraphe et danseur est porté par une belle ambition : transmettre le goût de son art à tous, qu'il s'agisse de volontaires anonymes ou de… Bérénice Bejo. Rencontre (en mouvement).
# 126
«B
onjour ! Vous venez avec nous ? ». Il est comme ça, Sylvain Groud. Lorsqu'une nouvelle venue débarque dans le studio du Ballet du Nord, plutôt que de la laisser s'asseoir, il l'invite à rejoindre l'atelier. Le groupe d'amateurs nous ouvre donc son cercle. De l'ado à la sexagénaire, chacun se prête au jeu de l'échauffement. À la veille de la représentation à Roubaix de Version originale, l'une de ses créations in situ, le chorégraphe prodigue aux interprètes
ses derniers conseils, rassure l'un, précise un point à l'autre. L'implication de néophytes est l'un de ses fils rouges. « Je suis comme un plasticien, et eux un matériau brut à façonner, observe-t-il. Avec les amateurs, je ne sais jamais où je vais ». Ville ouverte Cette courte pièce investira de plus l'espace urbain (en l'occurrence la Grand-Place de Roubaix). C'est l'autre grand axe de son travail. Il appelle ça "les impromptus".
Bal chorégraphique, Come Alive © Elena Groud
« TRANSFORMER UN PASSANT EN SPECTATEUR, VOILÀ CE QUI M'INTÉRESSE » À un feu rouge, la sortie du métro, il danse. « Pour scanner l'atmosphère et provoquer le choc de la première rencontre. Les gens sont étonnés, je joue de cette surprise. Transformer un passant en spectateur, voilà ce qui m'intéresse ». En cela, il juge Roubaix plutôt généreuse avec les artistes « avec ces immenses surfaces, ces friches industrielles… ».
Le nouveau directeur du Ballet du Nord souhaite ainsi répandre la danse partout, grâce aux résidences de professionnels, à une scène mobile se promenant dans la région, aux créations participatives… Tous en scène ! Ces valeurs et cette énergie, Sylvain Groud les transmet depuis plus de 15 ans avec sa compagnie MAD, notamment en milieu hospitalier. Postuler à la tête du CCN en suite défendant cette démarche
était « une évidence » pour ce Normand, qui a découvert sa vocation par hasard… À 17 ans, alors animateur de colonie de vacances, le gymnaste est invité à un atelier de danse. Cette passion ne le quittera plus, du Conservatoire de Paris aux grandes scènes internationales. « Ça peut sembler prétentieux de le dire, mais c'est vraiment la danse qui m'a pris ». À lui de la partager, désormais. Au-delà d'une programmation annuelle, le Ballet du Nord version Sylvain Groud mise donc sur les partenariats avec les institutions voisines. Le Colisée accueillera ainsi son duo avec Bérénice Bejo (Trois sacres – voir page 152), un spectacle participatif s'inspirant des comédies musicales, ainsi que sa dernière
# 128
La Déclaration © DR
pièce, La Déclaration. « Celle-ci symbolise un sujet qui me tient à cœur : l'enrichissement par l'autre. Il y aura dix nationalités sur scène, du jazz fusion, assez rare dans ce milieu ». Du musée de la Piscine à la Condition Publique, les spectateurs découvriront ainsi les créations du CCN un peu partout. Surtout là où on ne les attend pas. Ballet du Nord – CCN 33 rue de l’Epeule, 59100 Roubaix, +33 (0)3 20 24 66 66, www.balletdunord.fr Trois sacres : 06.10, 20 h, 39 > 10 € Let's Move ! : 17.11, 20 h, 25 > 10 € La Déclaration : 07.03.2019, 20 h 30, 25 > 4 € ROUBAIX - Colisée, www.coliseeroubaix.com Les Impromptus (Dans le cadre du festival Expériences Urbaines) Les Coiffeuses : ROUBAIX - 29.09, Grand-Place, 18 h 30, gratuit Version originale : ROUBAIX - 30.09, Grand-Place, 18 h, gratuit
QUARTIERS LIBRES
In the Middle © Dati Photography
THÉÂTRE & DANSE
EXPÉRIENCES URBAINES
# 130
Halte au misérabilisme ! Malgré les difficultés, l'ancienne capitale du textile a su trouver une forme de résilience dans la culture dite "urbaine": street art, rap, danse hip-hop mais aussi sport et mode. Créé en 2015 par la ville de Roubaix, ce festival célèbre « le génie de la rue » qui lui est propre. Durant dix jours, Expériences Urbaines prend ses quartiers à Roubaix, mais aussi à Lille, Hem et Wattrelos. Évidemment, il sera question de graff. Dans ce domaine, la notoriété roubaisienne n'est plus à démontrer. Ici, les friches sont certes éparses, mais sublimées par un important vivier d'artistes locaux, tels Benjamin Duquenne, Isham One, Lem ou Aplick Oner parmi ceux mis à l'honneur – notons aussi la venue de références internationales, comme l'Australien Jimmy C et son style pointilliste. Côté musique, on ne manquera pas la réactivation d'Assassin à la sauce dancehall par Rockin' Squat. Après avoir mouillé la chemise lors d'initiations au BMX, skate, streetball (ou sur des échasses !) on apprend à la customiser façon ROUBAIX, LILLE, HEM, WATTRELOS, 19 > 30.09, Grand-Place et divers "street wear" avec l'école de mode ESMOD. lieux, gratuit (quelques spectacles Autre immanquable : In the Middle, de Mapayants : 35 > 6 €), ville-roubaix.fr rion Motin. La chorégraphe de Stromae réuDanse : Hem, Le Zéphyr - 22.09 : Racines Carrées : Itinéraire Bis nit un crew 100 % féminin pour" krumper" Roubaix, Le Colisée - 28.09 : Le sur les Doors ou les Pixies. Les "imprompBallet du Nord : Elles, Cie Swaggers : In the Middle // Grand-Place tus" de Sylvain Groud (voir page 126) 30.09 : Zahrbat : Battle Brams… ou les Battle Brams du Roubaisien Brahim Musique : Lille, Le Flow : 21.09 : Ladies in Rap 2, Conférence : la Bouchelaghem nous rappellent enfin que représentation féminine dans le rap nous sommes aussi dans une cité de danse, Wattrelos, La Boîte à Musiques 23.09 : Assassin Space System à l'énergie décidément… dense. Julien Damien
© Dominique Houcmant / Goldo
© Homard Payette
# 132
ITINÉRAIRE BIS
LAÏKA
Le Zéphyr souffle un air de vacances sur la rentrée, en accueillant la compagnie Racines Carrées. Après le succès de Crazy Car (2011), le Roubaisien Nabil Ouelhadj redémarre la camionnette ! Car c’est bien elle la star de ce spectacle. Stationnée au centre de la scène, habillée par le video-mapping de Xavier Bourlard, la petite estafette offre un espace de jeu hors des sentiers battus pour les six interprètes. En cherchant bien, ils y trouveront aussi moult accessoires, propices à toutes les histoires de voyage et à une chorégraphie (forcément) déjantée. Breakdance improvisé sur des pneus, acrobaties en palmes, tubas ou sur trampoline, morceaux de beatbox en guise d’autoradio vivant… Un road-trip musical et dansé, certes immobile, mais dont vous ne reviendrez pas. J.D.
« Jésus reviens, Jééésus reviens… Jésus reviens parmi les tiens… ». Comme Patrick Bouchitey dans La Vie est un long fleuve tranquille, il suffisait de demander ! Dans ce spectacle écrit avec Ascanio Celestini, David Murgia incarne le fils de Dieu, de retour sur Terre, donc. Et ce n'est pas jojo. Depuis la fenêtre de sa banlieue sinistre où il a atterri, notre barbu aux cheveux longs observe les déshérités de ce monde, dont il témoigne de la triste vie au bar d'en face. Dans ce long monologue, accompagné par un accordéoniste, le Christ raconte le clochard, la prostituée, la vieille dame qui a perdu la boule… Il passe de la satire politique à la fable réaliste, critique la gestion de son père comme celle des humains et nous fait rire et pleurer, tel un prophète de la scène. Un miracle. J.D.
HEM, 22.09, Le Zéphyr, 20 h 30, gratuit, zephyrhem.fr (dans le cadre du festival Expériences Urbaines, voir page 130)
TOURNAI, 26.09, Maison de la Culture, 20 h, 13 €, www.maisonculturetournai.com // ATH, 28.09, Le Palace, 20 h, 15 / 7,50 €, www.mcath.be
© DR
© Chris Van Der Burght
REQUIEM POUR L.
L'HEUREUX ÉLU
14 musiciens venus du monde entier se réapproprient le fameux Requiem de Mozart. Le résultat ? Un mélange de jazz, d’opéra et de rythmes africains dirigé par le compositeur Fabrizio Cassol et mis en scène par le Gantois Alain Platel. Sur le plateau, les danseurs traduisent avec leur corps les thèmes de la mort et des rites d’adieu, de la messe jusqu’à la fosse commune où le génie autrichien fut inhumé. Ou comment parler du trépas avec grâce.
Auteur prolifique, observateur acéré des relations humaines, Eric Assous nous introduit dans un appartement de bourgeois bohèmes, à Paris. Greg et Mélanie attendent leur meilleure amie, Charline, ravie de leur présenter le nouvel homme de sa vie. Problème : celui-ci a une parole des plus "libérées", voire carrément raciste… Que faire ? Le rejeter ? L'accepter ? Entre satire et vaudeville, cette pièce mise en scène par Martine Willequet moque avec maestria le politiquement correct.
ANVERS, 08.09, deSingel, 20 h, 30 > 8 €, desingel.be BRUGES, 23 & 24.10, Concertgebouw, 20 h, 41 > 11 €, www.concertgebouw.be LILLE, 07 & 08.12, Opéra, 20 h (sf sam : 18 h), 23 > 5 €
BRUXELLES, 12.09 > 07.10, Théâtre Royal des Galeries, mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 26 > 13 €, www.trg.be
© Vinciane Lebrun-Verguethen
ÉDUCATION SENTIMENTALE Peut-on inventer sa vie ? Aimer et s'engager dans un monde devenu caricatural ? Après tout, Flaubert avait bien renouvelé la littérature avec L'Éducation sentimentale. Signée Hugo Mallon et la compagnie L'Éventuel hérisson bleu, cette fresque de quatre heures s'appréhende comme un "roman-performance". Articulé autour de ce texte réputé inadaptable, le spectacle mêle jeu d'acteurs, musique live, vidéo, radio, jeux… dans une quête de sens foisonnante et jubilatoire. VALENCIENNES, 17 > 28.09, Le Phénix, 19 h, 24 > 10 €, scenenationale.lephenix.fr
DU CŒUR À L'OUVRAGE
# 136
Après Regarde les lumières mon amour, tiré du journal de bord d’Annie Ernaux au supermarché, Les fous à réAction [associés] poursuivent leur exploration de textes intimistes. Ici, un récit initiatique d’Alexandre Jollien sur le dépassement de soi, auquel ils donnent corps, images et émotion. Olivier Menu, qui joue et signe la dramaturgie de la pièce, ne connaissait pas Alexandre Jollien avant de tomber, par hasard, sur Le Métier d’homme (Seuil, 2002). Si le médiatique philosophe avait échappé aux radars des Fous à réAction, ce Suisse initie depuis sept livres un large public aux rudiments du bonheur. Dans l’ouvrage, Jollien, né infirme, raconte comment il a franchi les obstacles et transformé ses faiblesses en une force. Au plateau, deux acteurs interprètent le "je" du récit. « Il parle de lui-même, se regarde. Cela induit une notion de double qu’on a voulu exploiter », éclaire le comédien. La souffrance, l’unicité de l’Homme, le rapport à l’autre… La compagnie armentiéroise reste fidèle à la construction imaginée par l’auteur et à ses mots. Quelques coupes laissent de la place aux témoignages de personnes handicapées, recueillis en amont du spectacle et projetés en fond de scène. « Ce n’est pas une pièce sur le handicap, mais questionnant notre condition humaine et notre capacité à être heureux ». Reste la mise en scène, fondée sur la proximité avec le public : un losange de terre au sol autour duquel se presseront les spectateurs, ARMENTIÈRES, 28 & 29.09, Le Vivat, un ring effaçable pour se lancer ven : 20 h, sam : 15 h & 18 h, 16 / 8 €, www. levivat.net avec légèreté dans le « combat HESDIGNEUL-LÈS-BÉTHUNE, 06.10, SMOB, 19 h, 10 > 3 €, www.culturecommune.fr joyeux » de la vie. Marine Durand
© A.Baumgartner
THÉÂTRE & DANSE
LE MÉTIER D’HOMME
THÉÂTRE & DANSE
EN MARCHE FORCÉE
# 138
Végétarien, défenseur de la cause animale, Guillaume Meurice n’en pratique pas moins un humour saignant. Comique d’investigation dans l’émission Par Jupiter ! sur France Inter, leader du groupe punk parodique The Disruptives, écrivain (il vient de sortir Cosme, biographie d’un poète autodidacte), le Bourguignon a plusieurs cordes à son arc, mais un fil directeur : étriller les puissants, en se gaussant de leurs "éléments de langage". Dans son deuxième one-man-show, Que demande le peuple ?, il incarne Xavier, conseiller spécial de Macron. Sa mission ? Nous réconcilier avec nos dirigeants. Aussi odieux qu’hilarant dans le costard du communicant cynique, ce faux prophète de la "win" vante les bienfaits du libéralisme, de l’austérité, raconte la crise des subprimes en dansant, vend du rêve avec un rouleau de PQ et critique les pauvres sans complexe (« appeler ses enfants Dylan ou Jennifer, c’est pas immoral ça peut-être ? »). Parce que déLILLE, 29.09, Théâtre Sébastopol, 20 h, construire les rouages de la politique 30 > 10 €, www.theatre-sebastopol.fr en se marrant, c’est son projeeeet ! (première partie : concert de The Disruptives) Julien Damien
GRANDE-SYNTHE, 05.10, Palais du Littoral, 20 h, complet !, www.ville-grande-synthe.fr
© Arlo
GUILLAUME MEURICE
THÉÂTRE & DANSE
A DANCER’S DAY
UN PAS DE CÔTÉ
Et si vous découvriez le quotidien d’un danseur ? Telle est la proposition de Boris Charmatz avec A Dancer’s Day, à Charleroi. Échauffements, ateliers, sieste musicale et même pique-nique avec 24 interprètes de toutes origines rythment ces six heures d’immersion servant sa dernière pièce, 10 000 gestes.
R # 140
éveiller son corps, en douceur. Réchauffer les muscles, dégourdir les articulations, pour ne pas risquer la blessure. Laisser jaillir l’énergie, au service de la répétition, emporté par la puissance du
collectif. Souffler, recommencer… Le quotidien d’un danseur est fait de 1 000 petits riens maintes fois répétés. Derrière le vernis prestigieux de la scène se cachent des heures d’effort, de préparation, suite
© Ursula Kaufmann
Après avoir bougé, sué, mangé, dormi, vibré, place à la "forêt chorégraphique" de 10 000 gestes, autre proposition pour le moins singulière. Entrez dans la danse ! © Ursula Kaufmann
de partage ou de création pure. Boris Charmatz révèle cet envers du décor en invitant le spectateur en coulisses, comme participant ou simple observateur (il paraît que les timides sont aussi les bienvenus).
# 142
Tous ensemble Qui d’autre que le chorégraphe chambérien inclassable (chef de file de la non-danse ? Artiste conceptuel ?) pour bousculer ainsi les rôles, rassembler public et artistes en une éphémère communauté ? À l’image du travail qu’il effectue depuis 2009 à la tête du Centre chorégraphique national de Rennes et de Bretagne (rebaptisé Musée de la danse par ses soins) A Dancer’s Day privilégie l'expérience. On recherche ici des sensations jamais éprouvées le temps d'un spectacle (telle cette sieste, bercée par la voix des danseurs).
Sur le plateau, des sauts, des cris, des gesticulations habitées, comme pour épuiser le vocabulaire du mouvement. Chacun devient auteur de ses propres postures et improvisations, dans un chaos cohérent. Cette "journée d’un danseur" se conclut naturellement par un autre moment de partage, en musique et sous les néons libérateurs du dancefloor. Vient enfin le temps de la danse projetée et de la nudité transfigurée avec le film Une Lente introduction. Une ultime communion avant le retour dans le monde réel. Marine Durand
CHARLEROI, 15.09, Les Écuries, 16 h > 22 h 30, 15 > 6 €, www.charleroi-danse.be PROGRAMME : 16 h : Ruche pédagogique avec les danseurs 17 h: Atelier 10 000 gestes avec Boris Charmatz 18 h : Pique-nique avec le solo de Tino Sehgal (sans titre) (2000) interprété par Frank Willens 19 h : Sieste musicale avec les danseurs 19 h 30 : Représentation de 10 000 gestes 20 h 30 : Dancefloor / DJ set 21 h 30 : Projection du film Une Lente introduction
# 144
CANDEUR ET DÉCADENCE La vedette du quartier, c'est Riton Liebman, aka Christian Beloeil. Souvenezvous : le petit génie de 13 ans dans Préparez vos mouchoirs de Bertrand Blier, avec Gérard Depardieu et Patrick Dewaere, c'était lui ! Dans son nouveau spectacle autobiographique, le Bruxellois raconte (un peu) le tournage de ce film culte et (beaucoup) la suite. Ses petits rôles (dans Aldo et Junior avec Aldo Maccione ou Allons z'enfants d'Yves Boisset) et surtout les déboires et désillusions qui ont suivi. En somme, c'est l'histoire d'un gamin monté à Paris pour connaître une gloire aussi fulgurante qu'éphémère. Le parcours d'un enfant perdu dans un monde d'adultes qui passe ses nuits aux Bains Douches ou chez Gainsbourg, partage un sauna avec Vanessa Paradis… avant de connaître une longue descente aux enfers. Castings foireux, jobs alimentaires, alcool, drogue, cures de désintoxication… Seul sur scène dans un décor évoquant une chambre de bonne (ou d'hôpital), le fils de l'historien Marcel Liebman (portraituré dans Liebman Renégat) se repasse le film avec un écran géant en fond de scène et BRUXELLES, 02.10, Bozar, 12 h 40, 8 / 6 €, une bonne dose d'autodérision, antiwww.bozar.be héros touchant d'une drôle de vie. HUY, 21.11, Centre culturel, 20 h 30, 15 €, Julien Damien
www.acte2.be
© Yves Kerstius
LA VEDETTE DU QUARTIER
# 146
FACE À LA GUERRE Amine est un chirurgien d'origine arabe installé en Israël. Tout va bien pour lui. Il a une bonne situation, une femme qu'il aime… Jusqu'au jour où un attentat frappe Tel Aviv, où il vit. Parmi les victimes il reconnaît son épouse, puis apprend qu'elle est la kamikaze responsable de cette attaque. Amine se rend alors en Palestine pour tenter de comprendre ce geste, et un conflit qu'il avait alors ignoré… En portant sur scène le roman de Yasmina Khadra (2005), le Belge Vincent Hennebicq reste fidèle à l'engagement qu'on lui connaît : pointer toute l'absurdité du monde à partir d'un drame personnel (comme dans Going Home). Sur le plateau, le comédien Palestinien Atta Nasser est entouré par quatre instrumentistes et une chanteuse lyrique. À la fiction se mêle donc la musique, mais aussi le documentaire. Vincent Hennebicq s'est en effet rendu en Palestine et en Israël pour livrer cette histoire et recueillir des réactions en vidéo, diffusées lors du BRUXELLES, 03 > 17.10, Théâtre National, spectacle. Tout comme Amine, on 20 h 30, sauf mer 10 & 17.10 : 19 h 30, 21 > 11 €, www.theatrenational.be cherche alors à saisir les ressorts de cette guerre sans fin. Julien Damien
© Hubert Amiel
L’ATTENTAT
Octave et Léandre ont fait de grosses bêtises. Le premier s'est marié à une jeune fille pauvre alors qu'il est promis à une autre. Le second s'est épris d'une Egyptienne… kidnappée par des bohémiens qui lui réclament une rançon. Craignant les foudres de leurs pères, ces fils de bonne famille s'en remettent à Scapin, manipulateur hors-pair… Denis Podalydès s'empare de cette pièce de Molière, inspirée de la commedia dell'arte, en sublimant son aspect loufoque. Le décor (une cale, dans le port de Naples) est signé Eric Ruf, les costumes sont de Christian Lacroix, et notre fourbe est incarné par un Benjamin Lavernhe irrésistible. Un beau Scapin ! J.D. AMIENS, 26 > 30.09, Maison de la Culture, mer, ven & sam : 20 h 30, jeu : 19 h 30, dim : 17 h, 34 > 15 €, www.maisondelaculture-amiens.com
© Éric Stopin
DANSE AVEC CARMEN Movimiento Théâtre s'empare de l'ultime œuvre de Georges Bizet, et fait rimer opéra avec populaire. Jugez plutôt : 60 choristes, 15 musiciens, des danseurs de flamenco, des comédiens professionnels et néophytes… Pour narrer le destin de la bohémienne au tempérament de feu, la compagnie béthunoise a aussi travaillé avec des amateurs de tous âges (dans les écoles, les maisons de retraite…). Résultat ? Un spectacle total et enfiévré. Comme Carmen. J.D. BÉTHUNE, 29.09, Théâtre municipal, 20 h 30, 22 > 11 €, www.theatre-bethune.fr
© Christophe Raynaud de Lage Collection Comédie-Française
THÉÂTRE & DANSE
LES FOURBERIES DE SCAPIN
VENT DEBOUT
# 150
À la tête de la compagnie kabinet k, Joke Laureyns et Kwint Manshoven écrivent depuis Gand une danse à la beauté sauvage. Dans Invisible, ils réunissent adultes et enfants, sondant les meilleures façons de résister face au chaos. A priori, ce duo de chorégraphes traduit toute l’énergie explosive de la danse flamande. Corps à corps, courses effrénées, portés fulgurants… Pourtant, il constitue une œuvre à part. Depuis Tweezaam en 2002, enfants et adultes dansent dans chaque pièce sur un pied d’égalité. La compagnie requinque aussi le genre "jeune public" en peuplant ses créations d’images fortes et oniriques. Dans Invisible, ils sont sept à s'agripper les uns aux autres, comme à des bouées de sauvetage. Aux côtés des danseurs Jacob Ingram-Dodd et Louise Tanoto, Titus et Naïm, 11 ans, Lisse et Sueli, 8 ans, forment une communauté lancée dans la tourmente. Ils ont tout perdu (repères, souvenirs, attaches) mais affrontent ensemble des forces invisibles. Dans un décor de fin du monde, cet échantillon d'humanité progresse dans l’obscurité, en quête de lumière. Comment ? Grâce à la complicité et la confiance unissant les interprètes. Aucun mot n'est prononcé sur ce plateau épuré, seuls les gestes traduisent LILLE, 05 & 06.10, Le Grand Bleu, ven : 14 h 30 & 19 h, sam : 18 h, les intentions, les émotions. La chorégraphie 13 > 5 €, www.legrandbleu.com est sobre, mais puissamment évocatrice. SAINT-VITH, 17 & 18.10, Agora Invisible s'apprécie dès lors comme une méTheater, mer : 20 h, jeu : 10 h 30, tarif au choix, www.agora-theater.net taphore dansée de l'espoir et de la compasBRUGES, 16.12, Stadsschouwburg sion, où l'Homme tente de l'emporter, vaille (December dance), 15 h, 12 > 6 €, que vaille, sur le néant. Marie Pons www.concertgebouw.be
© Kurt Van Der Elst
THÉÂTRE & DANSE
INVISIBLE
LA CHAMBRE D'ISABELLA Baroque, extravagant, foisonnant, fou… Depuis sa création en 2004, ce spectacle aux allures de comédie musicale de Jan Lauwers appelle tous les superlatifs. Nous voilà invités dans la chambre d'Isabella (immense Viviane de Muynck). Entourée de 1 000 objets, soutenue par neuf comédiens-danseurs-chanteurs incarnant des êtres chers, cette vieille dame aveugle passe sa vie en revue, des plus beaux rêves aux pires horreurs, et tout le XXe siècle avec ! Une pièce culte.
BRUXELLES, 25.09 > 12.10, Théâtre National, 20 h 15 (sauf mer : 19 h 30), 30 > 17 €, theatrenational.be // LA LOUVIÈRE, 14.03.2019, Le Théâtre // MONS, 26.03.19, Théâtre le Manège © Scarlet Tummers
© Eveline Vanassche
SYLVIA Figure de proue du féminisme, poétesse maudite récompensée du prix Pulitzer à titre posthume, Sylvia Plath lutta toute sa vie pour se faire entendre. Étouffée par un mari jaloux et le rêve américain machiste (la mère et l'épouse parfaite…), elle se suicida en 1963. Fabrice Murgia lui rend hommage dans cet opéra-pop, en démultipliant sa voix avec 15 choristes et une chanteuse, sur une partition originale composée par An Pierlé, dans une scénographie rappelant un tournage de film. Celui d'une vie volée.
NAMUR, 19 > 21.09, Théâtre Royal, 20 h 30, 24,50 > 8,50 €, www.theatredenamur.be
TROIS SACRES
© DR
# 152
C'est un sacré duo que forment Sylvain Groud et Bérénice Bejo. Sur le plateau, la comédienne déclame des textes sur les vertiges de l'amour tandis que le chorégraphe, nouveau directeur du CCN de Roubaix (voir page 126), les incarne en mouvement. Inspiré du Sacre du Printemps de Stravinsky, cette joute artistique mêle comédie, danse et musique. Elle traduit ce clairobscur propre au désir : attirance et répulsion, joie et douleur… Un joli pas de deux. ROUBAIX, 06.10, Le Colisée, 20 h, 39 > 10 €, coliseeroubaix.com VALENCIENNES, 13.10, Le Phénix, 20 h, 31 > 10 €, www.lephenix.fr
© Octavian Serra
LE MOT DE LA FIN
# 154
OCTAVIAN SERRA – Corruption, pollution, surveillance généralisée, consumérisme… Quelle époque formidable ! Enfin, surtout pour Octavian Serra. Cet artiste barcelonais prend un malin plaisir à dénoncer les maux de notre société. Ses œuvres sont autant de métaphores visuelles et percutantes, à l’instar de cet arbre à sacs plastique, qui se passe de commentaires… ooss.eu