LM magazine - Décembre 2018

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n°146 / décembre 2018 / GRATUIt

Art & CulturE

Hauts-de-France / Belgique


Artwork : Daniel Rueda + Anna Devís - Lic 1 - 11083804 / 1-1083806 / 3-108380w5

Viktor Vincent

Saison

Benjamin Biolay / Melvil Poupaud Les Triplettes de Belleville Tutu

18-19

in the middle guillermo guiz + Vérino Grand Corps Malade Fills Monkey

concert

Camille & Julie Berthollet Tiken Jah Fakoly

humour

Humans Motion

théâtre

La Bajon luc Langevin

danse

Brigitte

abonnez - vous ! Théâtre de Béthune - Boulevard Victor Hugo - F - 62400 Béthune 03 21 64 37 37 - www.theatre-bethune.fr - FNAC, Ticketnet et Digitick


sommaire

Yu Es Bi Glitch © Bed-deum

LM Magazine #146 Décembre 2018

News – 06 Dossier noël – 10

Disgusting Food Museum Le (dé)goût des autres Jean-Marie Dessard Gratin de chocolat Matthias Debureaux Le Noble art de la brouille Jean-François Marmion Psychologie de la connerie

Portfolio – 26

Musique – 34

Jean-Louis Murat, Skepta, Mick Harvey, Kery James, Lily Allen, Johnny Marr, Yolande Moreau & Christian Olivier, Nile Rodgers, Grems, Nina Kraviz, Richie Hawtin, Benjamin Biolay…

écrans – 56

Lola et ses frères, L'Empereur de Paris, Leto, Diamantino, Cassandro, El Exótico, A Bread Factory Part I

Exposition – 64

Beb-deum Clones tristes

Hervé Di Rosa, Ernest Pignon-Ernest, François Curlet, Ernest et Célestine, Claude Samuel Zanele, Agenda...

Rencontre

Théâtre & danse – 84

Jean-Louis Murat - 34 L'intranquille Jean-Paul Rouve - 56 Mes bien chers frères

Les Petits Pas, The Sea Within, Time, Projet.PDF, Malik Bentalha, Blanche Gardin, Manu Payet, Julie Ferrier, Alex Ramirès, Fabrice Eboué… Agenda…

Hervé Di Rosa - 64 Plein pot

Le mot de la fin – 106

Malik Bentalha - 94 Scène ouverte

Xavi Bou Drôle d'oiseau


Magazine LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09

www.lm-magazine.com

Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Marion Humblot info@lm-magazine.com Publicité pub@lm-magazine.com

Direction artistique Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com

Graphisme Christophe Gentillon concepteur-graphic.fr

Réseaux sociaux Sophie Desplat

Couverture Beb-deum 3.0 www.beb-deum.com

Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Beb-deum, Rémi Boiteux, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Hugo Guyon, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer, Marie Pons et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



© Sabine Timm

news

Potes à tartiner Jouer avec la nourriture, c'est mal… mais quand même très amusant. Pour preuve l'Allemande Sabine Timm, qui façonne de petits personnages rigolos avec des tranches de pain. Des olives pour les yeux, une framboise pour le nez, du persil pour les cheveux, un découpage futé et le tour est joué. Pas de doute : la mie du petit déjeuner, c'est elle ! www.instagram.com/virgin_honey

Dites-donc, votre œuf n'aurait-il pas pris la grosse tête, des fois ? Depuis qu'il s'est installé dans cette petite réplique du trône de fer, il a un peu tendance à se prendre pour le roi de la table… Mais gare à lui, breakfast is coming ! www.giftrepublic.com

© Gift Republic

#6

Egg of Thrones


© Yuni Yoshida

Régime numérique

Ça sent le sapin

© Sainsbury's

© Cannibal Confections

Graphiste réputée, Yuni Yoshida a passé trop de temps devant son écran d'ordinateur… Elle voit des pixels partout ! Cette Japonaise "digitalise" maintenant sa nourriture, en découpant des petits cubes dans des hamburgers ou des fruits, qu'elle assemble ensuite astucieusement. Du haut débit ! yuni-yoshida.com

s w ne

Laissez tomber les pralines. Un peu d'originalité, bon sang ! Heureusement, on a déterré ces douceurs au chocolat blanc ou noir (et belge), confectionnées par la Canadienne Marina Malvada, et parfaites reproductions de crânes humains. Le cadeau idéal pour fêter Noël et Halloween en même temps. Attention, cette tête pèse 2,3 kilos… mais coûte un bras : 300 euros !

Maîtres du bon goût culinaire, nos amis anglais viennent de sortir le sachet de thé à la blanquette de porc. Imaginée par la chaîne de supermarchés Sainsbury's, l'idée devrait infuser ici avec sa déclinaison au chou de Bruxelles. à quand une saveur moule ? Frite ? Gaufre ? Maroilles ?

www.chocolateskulls.com

www.sainsburys.co.uk

Voilà les thés


sous le sapin Jean-Emmanuel Deluxe

Fabrice Caro

Tricatel Universalis

Le Discours

« Soudain, quelque part, quelqu'un se préoccupait de musique ». C'est Philippe Manœuvre qui l'écrit, en ouverture de l'entretien avec Bertrand Burgalat introduisant Tricatel Universalis. À travers ce label et son histoire, on comprend que, oui, BB se préoccupe de musique mais aussi de goût, de mots et de joie. Si le "patron" est très présent au fil de ces pages, le copieux ensemble (récits, interviews ou portraits) s'éloigne de l'hagiographie pour dresser l'arbre d'une famille élargie, de Valérie Lemercier à Catastrophe en passant par April March ou Chassol. Concocté par le gourmet Jean-Emmanuel Deluxe, ce livre donne une vision aussi exigeante que généreuse de la pop. Rémi Boiteux

Bédéaste parmi les plus inventifs et prolifiques de notre époque, Fabcaro s'affirme comme un solide écrivain. Douze ans après Figurec (étrange roman qui ne tenait pas toutes ses promesses), le Montpelliérain maîtrise son récit de bout en bout. Dans ce soliloque intérieur, le narrateur doit écrire un discours pour le mariage de sa sœur. Ce qui ne l'inspire guère, torturé par d'autres sujets plus importants : l'attente d'une réponse au SMS envoyé à son ex, entre autres. On retrouve ici quelques-unes de ses angoisses (professionnelles, amoureuses), une maîtrise du propos indirect et une unité de lieu et de temps (un repas de famille) propice aux élucubrations absurdes dont il a le secret. Parfait ! T. A.

240 p., 27 € (Maison Cocorico).

208 p., 16 € (Gallimard).

John Carpenter

New-York 1997 & Prince des Ténèbres John Carpenter a signé des classiques du cinéma fantastique… qui furent souvent des échecs. Aujourd’hui vénéré, cet héritier de Hawks ne tourne plus, préférant jouer en concert les thèmes qu’il a composés pour ses films. Heureusement, après Fog et Invasion Los Angeles, deux nouvelles œuvres du maître sont ressuscitées en DVD. New-York 1997 (1981) est un sommet d’anticipation dans lequel un certain Snake Plissken (Kurt Russell) sauve le président d’un Manhattan aux allures de prison. Avec Prince des Ténèbres (1987) Carpenter terrifie le spectateur devant l’avènement du fils de Satan dans une église… Le Blu-ray est le format idéal pour rendre grâce à cette maîtrise incomparable de l’écran large - il mérite bien son surnom de Big John ! Grégory Marouzé Sortie le 05.12 (Fog & Invasion Los Angeles déjà disponibles), 1 film : 14,99 € (Studio Canal)



dossier noël

Disgusting Food Museum

Souper décalé Photo © Anja Barte Telin

# 10

En panne d’idées pour le repas de Noël ? Le réveillon de la Saint-Sylvestre ? Laissez tomber la dinde aux marrons et les sempiternelles huîtres. Pour vous, on a cherché l’inspiration du côté de Malmö, en Suède, dans les allées odorantes du Disgusting Food Museum. Au menu : pénis de taureau ou fromage aux asticots. Dégustation à la bonne franquette.


Le casu marzu est un fromage sarde peuplĂŠ d'asticots.


# 12

Le kale pache est une spécialité iranienne : un bouillon réalisé à partir d'une tête (et des pieds) de mouton.


Le natto, à base de graines de soja fermentées, est un must au Japon. Nippon ni mauvais.

Selon les Chinois, le pénis de taureau comporterait de nombreuses vertus…


dossier noël C'est fin, c'est très fin, ça se mange sans faim.

# 14

O

uvert en octobre et jusqu’à fin janvier, le Musée des aliments dégoûtants nous sert quelque 80 mets parmi les plus incongrus (pour rester poli) de la planète. On y découvre, au choix, les graines de soja fermentées (bien filandreuses, humm, au poil pour les Nippons), les fœtus de canard (un hit aux Philippines), l’alcool aux cadavres de souriceaux (avec modération)… « La plupart de ces produits sont vrais, précise Samuel West, le fondateur de cette noble institution. Beaucoup sont odorants et certains peuvent même être dégustés sur place ». Personnellement, notre hôte a un faible pour la

chair de requin islandais (pourrie bien sûr, « ça sent la mort et l’ammoniac ») ou le casu marzu, « un fromage italien infesté de larves de mouches. Les asticots peuvent sauter jusqu’à 15 cm, vous devez donc vous couvrir les yeux lorsque vous le mangez ! ». Miam… Banquet ou banqueroute Mais pourquoi vouloir nous retourner l’estomac ? « Je me suis toujours intéressé aux concepts négligés, et le dégoût reste la plus délaissée de nos émotions, explique ce docteur en psychologie, déjà créateur du Musée de l’échec. Elle est pourtant universelle et influence notre vie de


Retour à l'envoyeur.

nombreuses façons : notre comportement sexuel et même notre morale ou nos lois ». Certes, mais tout cela ne serait-il pas une affaire

« montrer que le dégoût n'est pas objectif » de culture ? « Oui, et c’est le but de cette exposition : démontrer que le dégoût n’est pas objectif. Nous aimons la nourriture avec laquelle nous avons grandi. Dévorer une araignée ravit certaines personnes mais donne envie de vomir à d’autres ».

Au delà de son aspect amusant, le Disgusting Food Museum défend ainsi une noble cause. « Notre production de viande est insoutenable du point de vue environnemental, il est donc urgent d’envisager d’autres solutions. Beaucoup de gens sont écœurés à l’idée de consommer des insectes, par exemple. Changer cette perception faciliterait la transition vers des sources de protéines plus durables ». Ne reste plus qu’à finir sa soupe de chauve-souris… Julien Damien à visiter : disgustingfoodmuseum.com à lire : l’interview de Samuel West sur lm-magazine.com


dossier noël

# 16

Peintures de Johnny Deep, Jacques Brel © J.M. Dessard. Peintures de Michael Jackson & Gainsbourg © Jean-Yves De Regge.


Jean-Marie Dessard

Show cacao Offrir une boîte de chocolats belges à Noël ? C’est sympa, mais surfait. Pour surprendre vos amis, privilégiez le portrait, de préférence peint avec la précieuse fève de cacao comme Jean-Marie Dessard. Ce sexagénaire conjugue art et dessert pour côtoyer les célébrités de ce monde.

D

e Belmondo à Dustin Hoffman en passant par Lady Gaga, voilà plus de 30 ans que ce Liégeois croque ses stars préférées. Pas n’importe comment : en immortalisant leur bobine… avec du chocolat. « Je voulais leur laisser un souvenir de Belgique, mais autre chose que des pralines » dit-il. Dans son atelier de Lantremange, près de Liège, ce jeune retraité de 66 ans

a inventé une technique unique. Il fixe d’abord une pâte en sucre sur une planche, puis utilise ce support comme une toile. Il la peint ensuite en trempant son pinceau dans un chocolat noir. Pour le reste, il travaille à partir de photos, « même si j’aurais bien demandé à Sharon Stone de poser pour moi…» suite


dossier noël

Celui que Franquin baptisa « le virtuose du chocolat » affiche quelque 200 tableaux au compteur, et a rencontré plus de la moitié de ses modèles. Merci pour le chocolat Cette passion lui offre surtout « une revanche sur l’éphémère, ajoute l'ancien prof de cuisine spécialisé dans l’ornementation. Dans ce métier, on passe des heures à préparer un joli buffet, mais tout est si vite englouti… ». Désormais, ses œuvres sont certes immangeables, mais impérissables. « Jean-Paul Belmondo conserve ainsi son portrait depuis 28 ans ». Détenteur de plusieurs records inscrits dans le Guinness Book (dont celui de la plus grosse cloche en sucre : 8 mètres de haut, 1 tonne et demie), Jean-Marie n’est jamais avare de défis. Le prochain ? Sculpter un Doudou en chocolat de six mètres pour Mons, en avril 2019. Pas de doute : la vedette, c’est lui ! Julien Damien

# 18

à visiter / www.jeanmariedessard.be

Avec Maurane, Kev Adams et Renaud. © J.-M. Dessard



dossier noël

Salvador Dali

Luis Buñuel

© CG

# 20

Alfred Hitchcock


Matthias debureaux

ça se dispute Propos recueillis par Julien Damien - Photo Olivier Marty

Chic, les fêtes de fin d’année approchent. L’occasion idéale pour se délester de quelques barbantes relations. Après De l’art d’ennuyer en racontant ses voyages, le directeur adjoint de la rédaction du magazine Citizen K, Matthias Debureaux, signe un charmant guide pratique pour se fâcher définitivement avec ses amis. Bardé d’exemples historiques, artistiques ou littéraires, Le Noble art de la brouille est un essai aussi drôle qu’instructif. On a pris quelques notes… Comment ce livre est-il né ? D’une phrase d’Alfred Hitchcock. Au cours d’une interview il avait déclaré : « dès que je ressens la moindre nuisance auprès d’un ami, je coupe les ponts immédiatement ». Ça m’avait frappé, car c’est une chose qu’on n’ose pas faire et à laquelle nous sommes pourtant tous confrontés, traînant par-

fois des relations encombrantes, alors qu’on se montre impitoyable quand il s’agit d’amour. Ce livre est certes une pochade, mais assez honnête. Je me suis d’ailleurs rendu compte qu’aucun essai n’avait été écrit sur le sujet. Je citerais aussi Montesquiou : « L’amitié n’est qu’une étape dans suite la brouille ».


# 22

Faudrait-il voir la brouille comme un art ? Oui, car aujourd’hui tout est devenu trop facile... Les amitiés s’appuient en partie sur les réseaux sociaux, le numérique. Pour rompre, il suffit de tout débrancher. Alors, pourquoi ne pas réhabiliter cette forme d’art ancienne, en tout cas d’élégance ? Pour moi une vraie brouille doit durer toute la vie. Faut-il une bonne raison pour rompre ? Pas forcément, les brouilles les plus amusantes sont d’ailleurs les plus dérisoires. Erik Satie pouvait se fâcher quand on ne lui payait pas son café ! Mais cette réaction traduit des choses plus profondes. Plus on avance en amitié et plus on pense pouvoir tout se dire. En fait, c’est l’inverse : les infimes détails créent des dissensions…

© CG

dossier noël

Renaud

André Gide

Y a-t-il des "spécialistes" ? Oui beaucoup, André Breton ou Maurice Pialat comptent parmi les plus célèbres. Jean-Pierre Melville était capable de rompre avec une personne lui ayant recommandé un film qu’il n’aimait pas… Ce sont de très grandes susceptibilités, attendant énormément de l’autre. Doit-on mettre en scène la rupture ? On peut opter pour la manière poétique, comme André Gide et Pierre Louÿs. Un jour, lors d’une promenade, ils s’étaient lancés dans une longue discussion, chacun défendant obstinément son point de vue. Arrivés au bout de la route, à un carrefour, l’un prit à gauche et l’autre à droite, et ils ne se revirent plus jamais. Leurs chemins s’étaient séparés. C’est une belle métaphore, tellement plus classe qu’un tweet !


Nous conseillez-vous aussi la lettre ? Oui, en soignant bien la conclusion, tel Renaud à l’adresse de l’impresario Gérard Lebovici : « Puisque tu es devenu visiblement la sous-merde que tu étais déjà essentiellement, mon public, ma gonzesse, mon enfant et moimême te crachons à la gueule. Adieu grand con ». Il y a ici une forme de courage, en tout cas tranchant avec cette agressivité passive consistant à disparaître sans donner de nouvelles, beaucoup plus cruelle. C’est une méthode perverse... Oui, c’est celle d’Alfred Hitchcock, qui ne livrait jamais aucune explication. C’est la double-peine pour le "quitté". Si on donne une raison, le deuil est possible. Sans, c’est une torture ! Toute sa vie on cherchera à comprendre… La réconciliation comporte-t-elle un grand "risque" ? Il y en a toujours un qui craque. Buñuel, par exemple, en voulait à mort à son ami d’enfance Dali, qui s’était comporté de façon épouvantable, lui refusant son aide alors qu’il se trouvait dans la misère suite à son exil aux états-Unis, fuyant le franquisme. « Je ne peux absolument rien t’envoyer, compte tenu de mes sentiments quasi inhumains d’égoïsme frénétique… » lui avait répondu le peintre. Mais Buñuel, à la fin de sa vie, confia à un ami commun qu’il aime-

rait boire une coupe de champagne avec lui avant de mourir. Le message fut transmis et Dali lui a rétorqué : « Moi aussi… mais je ne bois plus ». Il a tenu jusqu’au bout, ce qui n’est pas évident.

« Il faut se délester des amitiés toxiques »

à l’occasion des fêtes de fin d’année, avez-vous quelques conseils ? Mon livre n’évoque pas la dispute familiale, trop automatique. J’ai privilégié les relations amicales. Mais j’ai un conseil : la brouille, ça doit être toute l’année ! Et elle comporte plein d’avantages : déjà, on se déleste d’amitiés toxiques. La vie est comme un ascenseur : à certains étages, il faut laisser les gens sortir ! Surtout, c’est un gain de temps extraordinaire, pour se consacrer à la lecture ou s’occuper de ses enfants.

à lire Le Noble art de la brouille de Matthias Debureaux (Allary Editions), 100 p., 10 € www.allary-editions.fr L’interview intégrale sur lm-magazine.com


Bête de livre Rédacteur en chef du Cercle Psy, Jean-François Marmion réunit chercheurs, écrivains, psychologues ou même un prix Nobel pour… étudier scientifiquement la connerie. Une foutaise de plus ? Même pas. De par la variété de ses angles d’approche, ce corpus offre une vision panoramique du sujet – vaste, il faut dire. Ainsi, les champs abordés sont nombreux : linguistiques, physiologiques, historiques… Là réside tout l’intérêt de cette drôle de petite entreprise, qui ne connaîtra jamais la crise. Eh oui, « nous sommes tous des cons en puissance », prévient le neurologue Pierre Lemarquis. Dans cette grande famille, citons le vieux con et son fameux « c’était mieux avant ». à sa décharge, « il est démontré que les souvenirs négatifs s’effacent avec le temps, et que seuls les positifs demeurent », explique le psychologue Serge Ciccotti. En bout de table, on trouve le connard. Celui, par exemple, « qui ignore la file d’attente à la poste, décrit le philosophe Aaron James. Il n’a aucune justification si ce n’est de se sentir riche, beau ou plus malin que les autres ». Le spécimen le plus abouti ? Trump - « le connard suprême ». Mais des remèdes existent. Selon Tobie Nathan, « la culture sert justement à se préserver de la connerie, en donnant des idées complexes au plus grand nombre ». à bon entendeur… # 24

Julien Damien à lire / Psychologie de la connerie, de Jean-François Marmion (Editions Sciences Humaines), 384 p., 18 €, www.editions.scienceshumaines.com

Jean-François Marmion © DR // illustration © M. Zut

dossier noël

Psychologie de la connerie



portfolio Marpple Mask


beb-deum capital humain

C

es portraits en buste fascinent autant qu’ils inquiètent. Customisées, le plus souvent féminines, ces créatures affichent un réalisme troublant : dans la texture de la peau comme le regard, au reflet humide et pénétrant. Un miroir ? « Depuis toujours, c’est l’humain qui m’intéresse, confie Bertrand Demey, aka Beb-deum, le père de ces "monstres". Je n’ai cessé d’édulcorer les décors pour focaliser sur les visages ». Ce virtuose du numérique a débuté sa carrière dans les années 1980 au sein de Métal Hurlant. Le Français fut l’un des premiers dessinateurs à abandonner l’encre pour l’ordinateur. « Cela m’a ouvert un nouveau champ de création, dans le fond comme la forme. La technologie a stimulé mon imagination ». Cette hybridation débridée sert parfaitement son sujet. En l’occurrence, l’individu face à la globalisation. « Au départ, il s’agissait de parler du métissage, un concept heureux de la mondialisation mais transformé en produit marketing par le consumérisme fou ». Ainsi naquit Mondiale ™, dystopie nous projetant en 2048. Agrémenté des textes d’Alain Damasio, ce livre se présente comme un catalogue de clones. Recouverts de logos ou d’images érotiques, ces jouets-esclaves sont cultivés pour assouvir nos caprices (affectifs, sexuels…). Mais certains se sont rebellés, et nous transmettent des images de ce futur peu enviable via le réseau temporel Intertime. Transhumanisme, marchandisation du corps, capitalisme sauvage… Les thèmes sont nombreux, et connus. « Oui, ce bouquin est juste le reflet de notre réalité, sa caricature ». Sublime, mais glaçante. Julien Damien

à visiter / www.beb-deum.com

à lire / Mondiale ™ , de Beb-deum (textes d’Alain Damasio) Les Impressions Nouvelles, 368 p., 35 €, lesimpressionsnouvelles.com L’interview de Beb-deum sur lm-magazine.com

# 27

Exposition Beb-deum : Lille, 08.12 > 19.01.2019, Lasécu, mer & jeu : 14 h > 18 h ven & sam : 14 h > 19 h, gratuit, www.lasecu.org


Cute chan 2.0



Hana Hito


Glitchy


Ukiyo / Tiger baby / Yu Es Bi chan 3.0 / Gen’ei-chan


Black room


# 34 musique


jean-louis murat

hors-piste

Propos recueillis par Julien Damien - Photo Frank Loriou / Agence VU

Tempétueux, poète, outrancier, aventureux, libre… Jean-Louis Murat est définitivement un cas à part dans le paysage musical français. Un auteurcompositeur-interprète comme il en existe peu - ou plus. Dans Il Francese, son 22e album, l'Auvergnat bourru (pléonasme ?) télescope Kendrick Lamar et le beau-frère de Napoléon, marie guitares et machines, groove et élégance, voyage de Naples à l'Amérique. Rencontre sans langue de bois, à la veille d'une tournée dans nos contrées. Comment cet album est-il né ? De l'envie d'écrire des chansons à la française, avec les mêmes sons et dans l'état d'esprit de l'album précédent. Sans Travaux sur la N 89, il n'y aurait pas eu Il Francese. Justement, dans Travaux sur la N 89, vos chansons prenaient un tour très électronique, vous étiez en rupture… Oui, sinon nous sommes condamnés à composer toujours la même chose. J'aspire à plus d'aventures, à ne pas me satisfaire d'une conception "planplan" de la chanson française. S'agit-il de vous réinventer ? En tout cas de trouver une nouvelle excitation. Chaque fois qu'une habi-

tude s'installe, je balance un grand coup de pompe pour que tout s'écroule. C'est ma nature, je dois me remettre en question. Pourquoi ce disque se nomme-t-il Il Francese ? En référence à Joachim Murat, c'était le roi de Naples (en 1808, mais aussi le beau-frère de Napoléon Ier, ndlr) et c'est ainsi qu'on le nomme là-bas. J'adore cette ville et m'y suis toujours senti, moi aussi, "Il Francese". Pourquoi vous réincarnez-vous ici en Joachim Murat ? C'était le meilleur cavalier de son époque, je ne peux m'imagisuite ner meilleur ancêtre supposé !


musique

Il avait aussi un look incroyable, il dessinait les costumes de ses hommes et emmenait des couturières sur les champs de bataille. Il se changeait toutes les heures. Les troupes s'arrêtaient, il défilait et tout le monde l'applaudissait avant de reprendre le combat. Il avait un côté John Galliano. Comment avez-vous écrit ce disque ? Je tiens à composer comme si j'étais en état d'apesanteur. Généralement les chanteurs de variétés cherchent un concept, une histoire… Moi, je pars à l'attaque sans aucun plan. Les justifications, c'est du bobard et le pain quotidien des journaux. Ce "storytelling" pensé par des imbéciles discrédite en grande partie les artistes. Même les footballeurs deviennent plus intéressants, alors qu'ils se situent au niveau zéro de la parole.

# 36

Est-ce donc si aléatoire ? Oui. Arrive toujours un moment où la vie n'a plus aucun sens. Je me fais alors tellement chier que je me mets au piano, et la chanson vient (rires). J'écris les paroles et la musique en même temps. La couleur de cet album est très "groove". Dans Gazoline par exemple, vous citez Kendrick Lamar… Oui, je l'adore, comme Frank Ocean. Je les écoute quasiment tous les jours dès que j'ai cinq minutes ou dans la

bagnole, plein ballon ! J'aimerais avoir leur âge et produire des titres comme eux. Leur énergie me plaît. C'est aussi la soul façon Otis Redding qui vous inspire, n'est-ce pas ? Oui, j'ai été biberonné à ça, c'est ma musique préférée. Celle qui donne envie de se lever de sa chaise et danser. La musique qui fait réfléchir... pffff, ça va (rires). Comment adaptez-vous cet album sur scène ? Alors là, ça va être très simple. J'ai un micro, une guitare et autour de moi un bassiste et un batteur. D'ailleurs, je ne reproduirai pas le disque. Chaque soir j'essaierai de recréer les chansons. Ressentez-vous encore cette adrénaline des débuts ? Oui. Je le cache bien sous une attitude désinvolte, mais souvent je suis mort de trouille. N'est-ce pas un trac nécessaire ? Non, j'en ai marre d'avoir mal au bide en montant sur scène (rires). Sinatra n'avait pas le trac et ça marchait plutôt bien pour lui… En réalité, je crois que plus t'es mauvais, plus t'as le trac. Quel regard portez-vous sur la scène française ? La culture dominante est américaine, nous ne sommes que de petits valets


« je pars à l'attaque sans aucun plan »

bien serviles et il n'y a pas de créativité en France. On produit juste une musique de l'écho, comme de petits rapporteurs. Moi aussi je suis un artiste de l'écho. Et que dites-vous du rap français ? Souvent, ça se résume à du Henri Tachan sur une base de Barry White, pour un résultat nul… D'ailleurs, il y a plein de Belges qui déboulent maintenant ! J'ai été con, j'aurais dû dire que j'étais belge. Il faudrait que je change

de nom (rires). L'avenir est à eux, c'est bouché en France, on est mal. Cette époque ne vous plaît pas tant que ça, apparemment… Non, c'est parfait, formidable. Je suis pile poil dans mon temps (rires). Lille-Hellemmes, 07.12, Le Chapitô, 20 h, 37 € www.lechapito.com Liège, 12.12, Le Reflektor, 20 h, 29 €, reflektor.be Bruxelles, 13.12, Botanique, 19 h 30, 30 > 24 € www.botanique.be


musique

skepta

# 38

Mort, le grime ? Pas si sûr. Encore moins à l'écoute des récentes productions de Skepta, héraut du genre depuis qu'on a perdu Dizzee Rascal entre deux featurings avec Calvin Harris ou Shakira. Hélas, il aura fallu que ce genre, si anglais, soit adoubé par quelques Nord-Américains pour que certains daignent y rejeter une oreille. Notamment une prestation scénique avec Kanye West et un duo avec Pharrell pour que Skepta convainque les derniers sceptiques. Comme s'il en avait besoin. Marqué par les pionniers (Wiley, Roots Manuva), le trentenaire soutient la jeune garde (Novelist, JME…) et incarne ce que le brit-hop a de plus puissant à offrir. Ainsi, Shutdown, son dernier single en date, est un condensé de rage pluvieuse et de colère grisâtre. Sur scène, rien à voir avec l'arnaque tant appréhendée avec les rappeurs US. L'as de Tottenham joue sans protège-tibias, chaussettes baissées, ambiance finale 86. La main de Dieu, quoi. Thibaut Allemand Bruxelles, 02.12, Ancienne Belgique, 20 h complet !, www.abconcerts.be

© Ollie Adeboy

l'heure du grime



Liège, 03.12, Reflektor, 20 h, 25 €, www.reflektor.be

© Koria

Éternel complice de Nick Cave (de The Birthday Party aux Bad Seeds), vieil ami de PJ Harvey (aucun lien cependant), Mick Harvey a également accompli un travail de titan. Entre 1995 et 2017, en trois albums de reprises anglophones (Intoxicated Man, Pink Elephants et Intoxicated Women), le Britannique a popularisé le répertoire de Gainsbourg hors de nos frontières. À l'instar de Mort Shuman pour Jacques Brel, Harvey prit sa plus belle plume pour traduire et entonner des textes souvent cryptiques. L'entreprise a ses limites : il ne s'est pas attaqué à L'Ami Caouette, chef-d'œuvre insurpassable de la carrière du grand Serge. Non ? T.A.

© L.J. Spruyt

musique musique

Mick Harvey

Kery James

Depuis un quart de siècle, ce porteparole de la rue assène ses punchlines lettrées comme des uppercuts. à 41 ans, l’auteur de Lettre à la République en a encore sous la basket, et sort un septième LP au titre sans équivoque, J’rap encore. Engagé, enragé, certifié conforme par Aznavour, Kery James est aussi un redoutable showman : lors du MouHammad Alix Tour, il avait reconstitué un ring sur scène. Nous voilà prévenus… J.D. Lille, 06.12 L'Aéronef, 20 h, 26 > 19 €, www.aeronef.fr Saint-Quentin, 20.12 La Manufacture, 20 h, 25 €, www.saint-quentin.fr Bruxelles, 21.12 La Madeleine, 19 h, 30 €, www.la-madeleine.be



La nostalgie camarade

# 42

Révélée par le Web 2.0 naissant, Lily Allen incarna cette chipie conjuguant profondeur et frivolité, et fut aux années 2000 ce que Lio fut aux eighties. La figure d'une époque révolue. Question : que devient-on ensuite ? On vieillit, en se souciant de conserver une certaine élégance. Elle apparut fin 2005 via MySpace, ce gigantesque tremplin virtuel que les moins de 20 ans n'ont pas connu. Pourtant, Lily Allen ne venait pas de nulle part : fille de l'humoriste Keith Allen, filleule de Joe Strummer (The Clash) et de Tessa Pollitt (The Slits) la petite brune sortait d'une adolescence dorée et de quelques excès – drogues, alcool, dépression, etc. Délurée, grande gueule mais souvent mélancolique, la Londonienne signa, en 2006 et 2009, deux grands disques mêlant ses goûts electropop, hip-hop et soul dans un cocktail rafraîchissant, concentré de jeunesse faussement insouciant. Elle y dépeignait Londres, contait une rupture amoureuse, samplait Jackie Mittoo, évoquait les dragueurs bien relous ou encore… les éjaculateurs précoces avec une verve malicieuse. Mais comment vieillit-on après cela ? Pas formidablement bien. À 33 ans, Lily a désormais un enfant dans les pattes, un troisième LP moins convaincant et annonce un quatrième essai plus posé, tendre (la maternité, tout ça…) qui semble à des lieues des pépiements et du pétillement d'autrefois. Ceci étant dit, on ira l'applaudir comme on reverrait une vieille amie perdue de vue. Pour se souvenir des bons moments, sans attendre énormément Bruxelles, 05.12, Ancienne Belgique 20 h, 32 / 31 €, www.abconcerts.be de l'avenir. Thibaut Allemand

© Bella Howard

musique

lily allen



© Warner

# 44 musique


Johnny Marr

L'autre monsieur Smiths Il fut un membre décisif et fondateur des Smiths. Certaines de ses chansons « ont sauvé nos vies », pour le citer. Cet homme a changé la face des années 1980 - et avec, celle du monde. Qui ça ? Morrissey ? Ben non, l'autre.

I

l y eut Paul et John, Mick et Keith et… Morrissey et Marr. Un couple a priori indestructible, réuni par l'écriture de grandes chansons. Si ce tandem fut très complémentaire (les mots bien choisis et le charme ambigu de l'un, les fontaines de guitare magnétique de l'autre), leurs carrières en solitaire furent bien différentes. Inutile de revenir sur l'immense parcours de Morrissey, d'autant que ces temps-ci le végétarien s'est transformé en vieille carne rancie. Passons. Johnny, c'est plus compliqué : partout et nulle part à la fois, on trouve son nom dans les crédits d'albums signés The The, Modest Mouse, The Cribs, mais aussi Bryan Ferry, Kirsty MacColl, Jane Birkin, Talking Heads, Billy Bragg… ou ses concitoyens d'Oasis. Le passé recomposé Cette année, en sus d'une autobiographie pleine de fraîcheur et d'enthousiasme, le Mancunien a publié un troisième disque solo (Call the Comet). Où il assume enfin son passé d'ex-Smiths, signant quelques morceaux dignes du « groupe le plus mal attifé des eighties » (© Morrissey). Enfin, pour ravir les nostalgiques, l'alerte quinquagénaire entonne sur scène, avec une simplicité confondante, quelques standards de la bande des quatre – les hululements morrisséens en moins. Mais ne reprend aucun morceau de son autre grand groupe, Electronic, monté avec Bernard Sumner (New Order) et auquel contribuèrent Neil Tennant (Pet Shop Boys) et Karl Bartos (Kraftwerk). Ce qu'il a fait de meilleur ? Certains le Anvers, 07.12, Trix, 19 h 30 complet !, www.trixonline.be pensent. Thibaut Allemand


Yolande Moreau et Christian Olivier Irréductibles à ces seuls faits d'armes, Yolande Moreau restera cependant cette figure de bord de zinc dans les Deschiens. Et Christian Olivier, cette voix ténébreuse qui tonne au fond des rades dépeints par les Têtes Raides. Une France de jadis ? Non, elle vit encore. Un malentendu, donc. Le même qui cantonne Prévert à quelques bons mots. Soutenu par une guitare, des cuivres, accordéons, percussions et autres scies musicales, le tandem donne souffle à des inventaires géniaux, une poésie des petits riens, des coups de gueule éternels. Un idéalisme toujours d'actualité – il suffit d'écouter étranges étrangers pour voir que rien n'a vraiment changé… T.A. Calais, 08.12, Le Channel, complet !, www.lechannel.fr

© Tim Rummelhoff

# 46

Les Triplettes de Belleville Inspirée du Bibendum céleste du bédéaste Nicolas de Crécy, cette fable rétro de Sylvain Chomet remporta en 2003 le César de la meilleure musique de film. Entouré de son Terrible Orchestre de Belleville, Benoît Charest prolonge dans ce ciné-concert les aventures loufoques de Champion, Mémé ou Bruno. Pa Pa Pa Palavas, Attila Marcel, French Mafia… La BO jazzy du Montréalais nous catapulte dans le Paris des années 1930 à toute berzingue. J.D. Lille, 28 & 29.11, Nouveau Siècle, mer : 18 h 30, jeu : 20 h, 35 > 5 € Bruxelles, 09.12, Cirque Royal, 17 h, 44 > 24 €, cirque-royal-bruxelles.be Amiens, 12.12, Maison de la Culture 20 h 30, 29 > 13 € Béthune 16.12, Th. municipal, 16 h, 34 > 17 €, www.theatre-bethune.fr

© Fred Chapotat

musique

Prévert :



Freak show

© Getty Images

Nile rodgers

# 48

Sample et funky Maître du disco-funk, Chic marqua aussi l'histoire du hip-hop... sans le vouloir. Pour enfanter l'illustre Rapper's Delight, ces fripouilles de Sugarhill Gang (et surtout leur Pygmalion, Sylvia Robinson) samplèrent Good Times sans autorisation. Furieux, Nile Rodgers porta plainte, remporta son procès, mais reversa une partie de ses droits aux trois gredins - payés une misère pour leur immense tube. Un chic type, on vous dit !

© Rhino Entertainment Company

© Jill Furmanovsky Archive JFA

« Aaaaahh freak out ! Le freak, c'est chic ! ». Ça sonne bien, non ? Sans doute mieux que « aaaahh Fuck Off ! Studio 54, Fuck Off ! ». Car au départ, c'est ce refrain-là qu'avaient signé Nile Rodgers et Bernard Edwards. Invités lors du Nouvel an de 1977 par Grace Jones, ils furent refoulés de la fameuse boîte par le videur, ce qui les a rendus furibards… puis millionnaires.


à pleins tubes Des seventies aux années 2000, Nile Rodgers a signé des tubes "clés en en main" pour moult artistes. Sister Sledge lui doit He's the Greatest Dancer (et Will Smith Gettin' Jiggy With It, donc). Citons aussi Diana Ross (Upside Down), Sheila (Spacer), Madonna (Like a Virgin), INXS (Original Sin), Duran Duran (Notorious), Mick Jagger (She's the Boss), David Bowie (Let's Dance) ou Daft Punk, of course (Get Lucky). Par contre, il a dit non à Miles Davis. La raison ? « Je pensais que c’était une blague ! », dit-il humblement.

26 ans après le dernier album, et 22 après la mort de son vieux complice Bernard Edwards, Nile Rodgers ressuscite Chic ! D'Anderson .Paak à Lady Gaga, It's About Time convoque le gratin de la scène actuelle. Rien de plus normal pour ce guitariste, producteur et arrangeur de génie. Des années 1970 à aujourd'hui, cette icône du disco, de la pop, du funk (on en passe) a écrit ou réalisé certains des plus grands disques de notre temps. Bruxelles, 09.12, Forest National, 18 h 30, 73,80 > 51,40 € www.forest-national.be

give me Des tubes signés Chic ? En voilà six parmi une palanquée : Le Freak, I Want Your Love, Everybody Dance, My Forbidden Lover, Good Times, Dance, Dance, Dance.

Fétiche Plus soigneux que Jimi Hendrix qui brûla la sienne, ou Pete Townshend qui l'encastrait dans ses amplis, Nile Rodgers n'a jamais lâché sa guitare, une bonne vieille Fender Stratocaster de 1960. Il lui a même donné un p'tit nom : The Hitmaker. On sait pourquoi.


musique

Grems

Le poids des mots La Cave aux Poètes clôt 2018 avec la dernière date de la tournée de Grems ! Pionnier d’un rap français expérimental, Michaël Eveno défend ici Sans Titre #7, sorti en début d’année. Ce septième album foisonnant démontre que le quadra en garde sous la semelle. Le Parisien écrit comme il aborde son travail de graffeur et d’illustrateur : avec fougue et en mode iconoclaste. Peu de concurrents dans l'Hexagone rivalisent avec le flow de "Supermicro" (alias de Grems). Il faudrait se tourner vers Kendrick Lamar (oui oui) pour retrouver ce niveau de contorsion vocale couplée à des productions délicieusement capiteuses. Grems appelle ça le "deepkho" : un écrin de basses accueillant colliers de punchlines et bijoux d’argot (dont pas mal de grossièretés). Le tout débité à la vitesse de la lumière par une ceinture noire d’orthophonie. Mathieu Dauchy

© Katy Paris

# 50

Roubaix, 14.12, La Cave aux Poètes, 20 h, 15 €, caveauxpoetes.com



musique

Voici la fin d'année et son funèbre cortège de sapins, de bûches, de chocolats, de bises aux grands-parents, aux oncles et tantes, de bêtisiers, de longues soirées, de… Attendez : de longues soirées ? Eh bien justement, c'est l'occasion de quelques tunnels soniques. Certes, nous n'avons pas pisté David G. ou Tiësto. Mais on a repéré certaines dates qui devraient faire l'affaire. Thibaut Allemand

# 52

Nina Kraviz DJ, productrice, patronne de label, la Russe Nina Kraviz a aussi essuyé des attaques gratuites sur son physique : voyez-vous, la pauvre n'ayant pas la chance d'être laide, elle n'y connaît donc rien en musique. Oublions. Pour mieux nous concentrer sur ses sets, à la fois rêches et mélodiques, soufflant le chaud et le froid sur le dancefloor. La native d'Irkoutsk (Sibérie) a le chic pour allier une deep house, euh, profonde, à quelques assauts techno maîtrisés. Preuves en sont ses deux albums ou son DJ-Kicks où AFX, Armando, et Parrish Smith croisent le fer… Bruxelles, 28.12, Fuse, 23 h, 20 > 10 €, www.fuse.be

© Paola Kudacki

on rave encore


© DR

© Janina Jung

Dominik Eulberg

Richie Hawtin

L'Allemand n'a pas publié de long format depuis sept ans mais a multiplié les maxis sur le précieux label Traum Schallplatten. Guide-forestier dans le civil , Eulberg utilise, entre autres, des fields-recordings de chants d'oiseaux, mais n'a pas transformé son electronica ouatée en bande-son pour Nature & Découvertes. Sa techno demeure minimale et l'ambiance bucolique. La BO parfaite d'une nuit passée totalement perché… au sommet d'un arbre, évidemment.

En plus de 30 ans de carrière, le Canadien malingre n'a cessé de se remettre en question, faisant table rase de son passé. Ou presque : il vient d'annoncer un prochain retour sous l'alias acide Plastikman. Celui qui aurait pu dérouler de la minimale au kilomètre multiplie les pistes et envisage un nouveau rapport à la scène. On ne s'est d'ailleurs toujours pas remis de CLOSE, dont la scénographie impressionne par sa maîtrise et son apparente simplicité…

Charleroi, 21.12, Rockerill, 22 h, 12 / 9 € www.rockerill.com

Gand, 29.12, Kompass Klub, 23 h, 25 > 5 € www.kompassklub.com

Gand, 31.12, Eskimofabriek, 22 h 30, 26 €, www.eskimofabriek.be

© DR

The Space Rave Dans cet entrepôt, deux associations bien connues, Kozzmozz et Rave Alert, ont uni leurs force pour LA rave du nouvel an. Outre quelques fines lames de la scène techno actuelle (AnD, Paula Temple, AZF), est invitée ici une légende vivante en la personne d'Umwelt. Le Lyonnais, pionnier de la techno française, mixe et produit depuis l'aube des 90's et fut récemment redécouvert par une génération friande de sons martiaux et industriels. Pour l'anecdote, Helena Hauff a sorti l'un de ses tracks sur son label. Alors, convaincus ?


© Eva Drann

Benjamin Biolay et Melvil Poupaud Depuis 20 ans, ces deux enfants (terribles) du siècle ne cessent de se croiser dans les studios ou sur les plateaux de cinéma. Tous deux nés en 1973, Benjamin Biolay et Melvil Poupaud donnent corps à cette amitié sincère en ouvrant leur "Songbook" - ou livre de chansons. Dans ce concert acoustique alternant moments théâtraux et séquences filmées, ces dandys jouent le répertoire de BB et rendent hommage à Charles Aznavour, Juliette Gréco ou Nino Ferrer. Une certaine idée de la classe. J.D. Lille, 12.12, Théâtre Sébastopol, 20 h, 44 > 28 €, www.theatre-sebastopol.fr Béthune, 13.12, Théâtre municipal, 20 h 30, 44 > 22 €, www.theatre-bethune.fr

et aussi…

Ben Howard Bruxelles, Forest National, 20h, 37,96e

Sam 01.12

Mer 05.12

Ukulele Night fever#2 Lille, maison Folie Wazemmes, 19h30, 10>5e

First Aid Kit + The Staves Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e

Beak> + Spill Gold Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 19>5e Odezenne + Moussa Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e Robi + Katel Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h30, 9,10/5,10e Salvatore Adamo Ostende, Kursaal, 20h, 64>54e Camille Arras, Théâtre d'Arras, 20h30, 22/12e HOLLYSIZ + The Buns Oignies, Le Métaphone, 20h30, 20>14e Totorro + Shiko Shiko Béthune, Le Poche, 20h30, 12/10e

Dim 02.12 Marcel et son orchestre Oignies, Le Métaphone, 15h30, Complet ! # 54

Mar 04.12

Aldebert Charleroi, PBA, 16h, 20>8e

Indochine Lille, Le Zénith, 20h, 45>40e Dj Sonar / I Rap Belgium Lille, Le Flow, 20h, Gratuit

Jeu 06.12 Les Quatre Saisons, de Venise à Buenos Aires Lille, Nouveau Siècle, 20h, 55>5e Lonepsi + Sage Lille, Le Splendid, 20h, 20,80e

Ven 07.12 The Prodigy Bruxelles, Forest National, 18h30, 41,32e

Ultra Vomit Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 12>7e Slimane Bruay-La-Buissière, Espace Grossemy, 20h, 28>15e

Sam 08.12 Alan Stivell Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 45>22,80e Kyo Bruxelles, Forest National, 20h, 53>43e Flynt + La Chronik + Sims Lille, Le Flow , 20h, 15/12e Melanie De Biasio Charleroi, PBA, 20h, 65>16e Noa Lens, Le Colisée, 20h, 25>12,50e Piers Faccini + YN Faches Thumesnil, Les Arcades, 20h, 16>8e Saule Orchies, Le PACBO, 20h30, 15e

The War on Drugs Anvers, Sportpaleis, 18h30, 50,90>39,70e

Joris Delacroix + Zimmer… Oignies, Le Métaphone, 21h, 20>14e

Lacraps + La Jonction … Lille, Le Flow, 20h, 20/12€

Pan-Pot Bruxelles, Fuse, 23h, 15>9e

Cats On Trees Lille, L'Aéronef, 20h, 28>20e

Dim 09.12

ID!OTS + Ugly Papas Courtrai, De Kreun, 20h, 18>12e

Patrick Watson + La Force Louvain, Het Depot, 20h, 30>25e


Mar 11.12 Delgres… Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 15e

Mer 12.12 Kids Tempo Club : GaBlé Lesquin, C. Culturel, 16h, Gratuit

Mariah Carey Bruxelles, Forest National, 20h, 126>48e NITS Louvain, Het Depot, 20h, 29>23e

Sam 15.12

Louane Lille, L'Aéronef, 20h, 38,50e Maître Gims Liévin, Stade Couvert de Liévin, 20h, 49>29e

Jeu 20.12

Anthony Joseph Bruxelles, Botanique, 19h30, 20>14e

Keren Ann & Quatuor Debussy Dunkerque, Le Bateau-Feu, 20h, 15e

Blond and Blond and Blond Hazebrouck, Centre André Malraux, 20h, 20>5e

Novastar + Geike Arnaet Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 31/30e

Tony Allen + The Source Anvers, De Roma, 20h, 22/20e

Bénabar Bruxelles, Palais 12, 20h, 58>35e

Sam 22.12

Forever Pavot Arras, Théâtre d'Arras, 20h30, 10/8e

Dominique A + Domitie Oignies, Le Métaphone, 20h30, 23>17e

Ven 14.12

Mar 18.12

Alain Chamfort Namur, Théâtre de Namur, 20h30, 23,50>17,50e

Veence Hanao & Le Motel Lille, Le Flow, 19h, 12€

Arthur H + David Assaraf Lille, L'Aéronef, 20h, 32e

Ven 28.12

Damso Bruxelles, Palais 12, 20h, 66>39e

Le Bal de l'Empereur (Orchestre national de Lille) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 55>5e

Hooverphonic Anvers, Lotto Arena, 18h30, 68>39e

Jungle By Night + Anchorsong Lille, L'Aéronef, 20h, 18>5e

Jeu 13.12 Sólstafir + Kontinuum… Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e

Dominique A Valenciennes, Le Phénix, 20h, 24>10e

Mer 19.12

Hooverphonic Liège, Manège de la Caserne Fonck, 20h, 32,50e

Alain Chamfort Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 43>40e

Les Franglaises Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 30/29e

Le Bal de l’Empereur (Onl) Valenciennes, Le Phénix, 20h, 31>10e

La Bohème Bruxelles, Forest National, 20h, 79>40e

Casse-Noisette Bruxelles, Forest National, 20h, 69 > 29e

Jeu 03.01 La la land (ciné-concert) Lille, Le Zénith, 20h, 69>39e

© Ph. Lebruman

Etienne Jaumet La moitié de Zombie Zombie renoue avec ses premières amours jazz via le prisme de ses obsessions obliques. Ici, le saxophoniste fondu de musique d'avant-garde rend visite à Duke Ellington, Sun Ra, Ornette Coleman, Miles Davis… Des classiques pour le mélomane averti, mais des noms qui peuvent impressionner le néophyte. Or, l'un et l'autre seront comblés par l'approche décomplexée du Français : saxophone, boîtes à rythmes et synthés s'emparent de ces hymnes avec une liberté forçant le respect ! T.A. Tourcoing, 20.12, maison Folie Hospice d'Havré, 20 h, 14 > 5 € www.legrandmix.com


écrans

Interview

Jean-Paul Rouve

L’esprit de famille

# 56

Propos recueillis par Marion Humblot - Photo Christophe Brachet

Acteur parmi les plus doués de sa génération, ex-pilier des Robins des bois, Jean-Paul Rouve est aussi un cinéaste en vue. Dans son quatrième film, il s’intéresse à une fratrie dysfonctionnelle. L’histoire de Lola (Ludivine Sagnier), obligée de jouer les médiatrices entre ses deux frères, Benoît (Jean-Paul Rouve) et Pierre (José Garcia), perpétuellement fâchés. Malgré tout, ces trois-là s’avèrent inséparables… Derrière cet argument simple se cache un "feel-good movie" subtil, où le Dunkerquois brille devant et derrière la caméra. Rencontre.


Comment ce film est-il né ? David (Foenkinos) et moi souhaitions travailler sur le thème de la famille, et en particulier les relations entre frère et sœur.

l’épaule. On ménage ainsi la pudeur des protagonistes, même si nous partageons leurs pensées. La caméra se comporte comme une amie qui les accompagne dans leurs aventures.

Lola et ses frères contient-il une part autobiographique? Pas tout à fait, car je suis fils unique ! J’ai vraiment réalisé ce film par plaisir, celui d’inventer des histoires et des personnages. En général, au-delà de la famille, ce sont les rapports humains qui m’intéressent.

« Ce sont les rapports humains qui m’intéressent »

Après Les Souvenirs, c’est la deuxième fois que vous concevez un scénario avec l’écrivain David Foenkinos. Pourquoi ? Il est rare de trouver un binôme avec lequel on s’entend pour écrire. On partage le même humour et cet intérêt pour les petites choses de la vie. Quel fut votre parti pris, en terme de réalisation? Premièrement, l’action se situe à Angoulême et non pas à Paris. Je cherchais une ville moyenne où les gens se rencontrent facilement. Le cadre est fondamental, c’est un personnage à part entière. C’est la raison pour laquelle nous avons principalement tourné en longue focale et caméra à

Vous rassemblez ici un joli casting : Ludivine Sagnier, José Garcia, Ramzy Bédia… Aviez-vous pensé à eux dès l’écriture ? Nous n’écrivons jamais en pensant aux acteurs. Nous imaginons d’abord les personnages puis les situations. La question du casting s’impose lorsque le script est achevé, mais plus encore la cohérence entre les comédiens. C’est ce qu’il y a de plus important, car cela détermine la fluidité du jeu. Qu’aimeriez-vous que les spectateurs retiennent ? Ils me disent qu’ils sont à la fois émus et amusés. Cela me va très bien de les savoir partagés entre ces deux émotions, car nous avons écrit le film dans ce but. Lola et ses frères De Jean-Paul Rouve, avec lui-même, Ludivine Sagnier, José Garcia, Ramzy Bédia… En salle


© Gaumont

# 58 écrans


L’Empereur de Paris

Rebel Rebel Dévoilé en première mondiale lors du festival du film d'Arras, le nouveau long-métrage de Jean-François Richet est consacré à Vidocq, natif de la cité de Robespierre. à l’heure où cinéma populaire rime souvent avec médiocrité, cette production prend le pari d’un spectacle enlevé, mais respectant le public.

A

près les feuilletons TV puis le nanar de Pitof, Jean-François Richet s’empare à son tour de Vidocq, personnage à hauteur de ses obsessions. Depuis le début de sa carrière, ce Parisien (Ma 6-T va crack-er, Mesrine) n’a eu de cesse de filmer des rebelles. Ce féru d’Histoire ne pouvait qu’être séduit à l’idée de ressusciter ce bagnard devenu chef de la sûreté sous Napoléon Ier. L'histoire ? Laissé pour mort après sa dernière évasion, Vidocq se fait oublier. Injustement accusé de meurtre, il propose ses services à la police, en échange de sa liberté… à l'ancienne Ce projet fut porté des années par le scénariste Eric Besnard. Les producteurs Nicolas et Eric Altmayer sont finalement parvenus à le financer, pour le confier à Richet. Spectacle généreux, doublé d’une lec-

ture politique actuelle, L’Empereur de Paris bénéficie d’une superbe direction artistique. Vincent Cassel est un Vidocq habité. En quelques scènes, Fabrice Luchini incarne un Fouché impeccable. Bien que doté d’un budget de 22 millions d’euros, ce long-métrage n’est pas un blockbuster français taquinant les Américains sur leur propre terrain. L'atout principal du film est d'ailleurs là : Richet exhume un 7e art hexagonal disparu (on pense au Cartouche de Philippe de Broca, avec Belmondo). S'il démontre une grande ambition dans sa reconstitution d’époque, il livre une réalisation classique, qui sied bien au sujet. Au final, du cinéma de genre convaincant. Adulte et racé. Grégory Marouzé De Jean-François Richet avec Vincent Cassel, Olga Kurylenko, Patrick Chesnais, Fabrice Luchini… Sortie le 19.12


Rock au pays des soviets

# 60

Méconnu en Occident, le groupe Kino fait l’objet d’un véritable culte en Russie. Leto ("L’été") retrace les débuts de son leader, Viktor Tsoi. Ce biopic en noir et blanc regorge d’inventivité et dépeint un portrait coloré de la jeunesse soviétique du début des années 1980. 1981. La Russie est sous l’emprise des Soviets et la guerre froide bat son plein. En parallèle, une scène rock émerge dans les milieux underground de Leningrad. C’est dans ce contexte que Viktor Tsoi, 19 ans, rencontre le charismatique Mike Naumenko, meneur du groupe Zoopark et collectionneur de vinyles anglo-saxons. Impressionné par le talent du jeune Viktor, le rockeur le prend sous son aile et lance la future icône. En creux, le film raconte le bouillonnement d’une jeunesse annonçant la Perestroïka. Une ouverture dont ne pourra pas jouir pleinement Viktor Tsoi, disparu avant la chute de l’URSS, dans un accident de voiture. Visuellement, Leto est une claque monochrome pas avare en effets de style : surimpressions, incrustations, changements de format de l’écran. Citons aussi ces scènes musicales délirantes où le petit peuple de Leningrad entonne The Passenger d'Iggy Pop dans un bus. Une prouesse d’autant plus impressionnante que le réalisateur a été assigné à résidence par le gouvernement de Poutine, en plein tournage. Kirill Serebrennikov donnait ainsi ses instructions à distance via des intermédiaires et échanges de clés USB. à Cannes, le film reçut un accueil chaleureux, De Kirill Serebrennikov dont n’a pu profiter son auteur, toujours retenu avec Teo Yoo, Irina Starshenbaum Roman Bilyk… Sortie le 05.12 à domicile… Hugo Guyon

© Bac Films Distribution

écrans

leto



frappadingue

# 62

On croise de tout dans Diamantino : une nonne pilote de drones, des jumelles diaboliques, une généticienne dévoyée ou encore une star déchue du football. Pour leur premier long-métrage, Gabriel Abrantes et Daniel Schmidt réalisent une farce corrosive et un grand film sur l'imaginaire portugais. La rencontre est improbable. Depuis son yacht où il se relaxe avant la finale de la Coupe du Monde, Diamantino aperçoit un canot pneumatique. Qui sont ces gens, hagards et assoiffés ? Des « fugiés », comme il le dira plus tard. Il ne faut pas lui en vouloir, Diamantino n'est pas très au courant de l'actualité. Le seul talent de ce demi-dieu, c'est le football. Benêt aux pieds et au cœur d'or, ce sosie de Cristiano Ronaldo se retrouve mêlé à tout ce qui agite notre époque : le nationalisme, le transhumanisme, l'exil fiscal, les mouvements migratoires... Pour Abrantes et Schmidt, il ne s'agit pas tant de traiter ces sujets que d'organiser leur joyeuse collision. Et de placer, au centre de ce film inventif, une réflexion subtile sur la grandeur et la chute d'un homme, et surtout d'un pays. Les cinéastes portugais se sont souvent emparés de l'histoire nationale. Manoel de Oliveira fit le récit de siècles de défaites militaires (Non, ou la vaine gloire de commander, 1990). Miguel Gomes ressuscita le temps des colonies (Tabou, 2012). En dynamiteurs tranquilles, Abrantes et Schmidt désacralisent tout, de Ronaldo à SéDe Gabriel Abrantes & Daniel Schmidt, avec Carloto Cotta, Cleo bastien 1er, posant contre le fardeau du mythe Tavares, Anabela Moreira… En salle l'intensité du présent. Raphaël Nieuwjaer

© Ufo Distribution

écrans

diamantino


Avec ses costumes flamboyants et sa dramaturgie grandiose, le catch autorise une belle mise en scène des corps. La confrontation des identités s'invite aussi sur le ring. C'est ce qui, tout jeune, a attiré Saúl Armendáriz. Sous le nom de Cassandro, il fut le premier "exótico" (catcheur gay) à remporter le championnat du monde. Exacerbant tous les signes de la féminité, ces lutteurs sèment le trouble dans cette arène où le Bien et le Mal s'affrontent à coups de "brainbusters" et autres "double Nelson". Pour Cassandro, il s'agit surtout de faire ses adieux. Entre les costumes rutilants et les chairs meurtries par plus de 25 ans d'empoignades, ce documentaire dresse le portrait émouvant d'un homme qui aura trouvé dans ce rituel baroque une manière de s'affirmer. Raphaël Nieuwjaer

© Urban Distribution

Documentaire de Marie Losier. Sortie le 05.12

© Ed Distribution

Cassandro, El Exótico !

A Bread Factory Part 1 Mis en péril par l'arrivée d'un couple de performeurs s'apprêtant à siphonner les subventions municipales, le centre culturel de la petite ville de Checkford se mobilise. D'un côté, il y a l'ordinaire du travail artistique, avec ses répétitions théâtrales ou ses ateliers pour enfants. De l'autre, il y a les négociations en vue du vote de la communauté, dans la cuisine de Dorothea et Greta, les fondatrices de la "Bread Factory", usine à pain transformée en espace de création. Ces deux "scènes" nourrissent une certaine conception de l'art. En prise avec la vie quotidienne, celui-ci est un ferment de la vie sociale et un terrain d'expérimentation. Rien de didactique néanmoins dans ce grand film sur la parole - tout s'y joue avec un humour virevoltant. Raphaël Nieuwjaer De Patrick Wang avec Tyne Daly, James Marsters, Janeane Garofalo... En salle


exposition

# 64

Dirosousleau, 1985, acrylique sur toile, 245 x 202 cm.


© Victoire Di Rosa

Hervé Di Rosa

Liberté de tons Propos recueillis par Julien Damien - Photo Pierre Schwartz

Le Musée du Touquet-Paris-Plage consacre une vaste rétrospective au Sétois Hervé Di Rosa. Essentiellement consacré à sa peinture, ce parcours dévoile près d'une soixantaine de toiles (dont beaucoup d'inédites) et 40 ans d'une œuvre puisant aussi bien dans le punk, la bande dessinée que le graffiti. Rencontre avec un artiste majeur de notre temps, et un esprit sacrément libre. Une myriade de couleurs vives, de formes, de références… Pénétrant dans la villa Way Side, le visiteur est d'emblée saisi par l'œcuménisme pictural s'étalant sur les murs. L'anarchie ? Il y a de ça. « Quand j'ai commencé en 1977, j'avais 18 ans, j'écoutais les Clash et les Sex Pistols. Le punk fut libérateur. Ces musiciens n'avaient pas de technique ni de matériel, mais des trucs à dire, explique l'artiste avec son bel accent méditerranéen.

C'était pareil pour moi, je n'avais pas de talent particulier ni d'argent pour payer mes toiles, alors je peignais sur des morceaux de tissu, de carton… ». Légende urbaine L'ancien élève des Arts décoratifs de Paris s'illustre au début des années 1980 en initiant avec Robert Combas (entre autres) la Figuration libre. Héros burlesques, tons suite vifs, composition épurée...


exposition

# 66

René sous l'eau, 2011, acrylique sur toile, 157 x 125 cm

Le mouvement emprunte au 9e art, une influence majeure d'Hervé Di Rosa, qui a grandi avec Métal Hurlant. « Je suis un enfant de la BD, des pochettes de vinyles. Ces images m'ont marqué au même titre que Jérôme Bosch ou Matisse ». Il s'est ainsi créé une « mythologie » emplie de bonshommes loufoques, tels les "Renés", ces cyclopes rouges à grosse bouche. « Je n'avais pas de facilités en peinture, ces personnages me permettaient donc de représenter des types psychologiques ou formels, c'est un alphabet ». Dans les années 2000, il fonde cette fois l'Art modeste pour lequel il érige un musée, le Miam*, dans sa ville natale. Pour le dire vite, il s'agit de mettre l'art à hauteur d'hommes,

« de rapprocher création contemporaine et populaire ». Atelier nomade L'autre grande affaire d'Hervé Di Rosa, c'est le voyage. En 1993, il entreprend un vaste tour du globe. « Cette envie est née d'une frustration, j'allais peu en vacances durant mon enfance. à Sète, je voyais les bateaux partir, toujours sans moi, confie-t-il. Pour autant, je déteste jouer les touristes. Je rencontre les gens pour apprendre à fabriquer des objets et des images aux quatre coins du monde ». En témoignent ses bois couverts de laque et de nacre conçus dans un village vietnamien et exposés au Touquet, ou encore ses céramiques


Botanica, 2003, acrylique et polyuréthane sur bois, 91 x 122 cm

façonnées dans l'une des fabriques d’azulejos (carreaux de faïence) de Lisbonne - cette fois visibles à la Piscine de Roubaix. « C'est un ateliernomade, ces artisans interviennent sur mes peintures, comme si d'autres cultures venaient vivre chez moi ».

tration parfaite. « Mais j'ai encore du pain sur la planche, assure le Français, qui s'intéresse maintenant au cristal de Bohême. Dites-vous que cette exposition n'est pas une rétrospective, mais une introduction ! ». Message reçu. * Musée International des Arts Modestes

à suivre Ce mélange n'a rien d'anodin à l'heure de la résurgence des nationalismes. « Oui, cette démarche d'abord formelle est devenue politique. Le métissage, la révolution sexuelle… tout cela semblait acquis mais est désormais remis en cause. Cela me pousse à prouver qu'on a toujours besoin des autres ». De par son foisonnement, ce parcours chronologique en est l'illus-

Hervé Di Rosa. Peintures, Peinture (1978-2018) Le Touquet, jusqu'au 19.05.2019 Musée du Touquet-Paris-Plage, tous les jours sauf mar : 14 h > 18 h, 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans) www.letouquet.com Hervé Di Rosa. L'œuvre au monde Roubaix, jusqu'au 20.01.2019 La Piscine, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h sam & dim : 13 h > 18 h, 11 / 9 € / gratuit (-18 ans) www.roubaix-lapiscine.com à lire / l'interview d'Hervé Di Rosa sur lm-magazine.com à visiter / dirosa.org


exposition

# 68

Pasolini assassinÊ - Si je reviens. Napoli / Scampia 4, 2015, Š Ernest Pignon-Ernest et Courtesy Galerie Lelong & Co.


Ernest Pignon-Ernest

Tête d'affiche Des silhouettes envahissant sans autorisation les rues des grandes villes. Des dessins engagés, défendant les opprimés. Vous aurez sans doute reconnu… Banksy ? Raté. Il s'agit d'Ernest Pignon-Ernest. Bien avant notre vandale millionnaire, le Français fit parler les murs pour dénoncer les maux de ce bas monde. Initiée par le Botanique, cette rétrospective célèbre un pionner du street-art.

N

é à Nice en 1942, issu d'une famille modeste, Ernest Pignon-Ernest apprit le dessin en autodidacte. Il se rêva d'abord peintre, mais abandonna l'idée suite à la découverte de Guernica. « Il estima qu'il n'y avait plus rien à ajouter », raconte Roger-Pierre Turine, commissaire de cette exposition. "EPE" descendit alors son art dans la rue. Son premier fait d'arme remonte à 1966, dans le Vaucluse. En réaction à l'installation de silos de missiles nucléaires, il bombarde les environs de l'ombre d'un homme carbonisé par un éclair atomique. S'ensuivront cinq décennies de militantisme artistique. à hauteur d'homme Ernest Pignon-Ernest choisit ses lieux d'intervention en fonction d'un événement ou d'un personnage. « Il travaille toujours la nuit, de façon sauvage. Il réalise ses sérigraphies chez lui puis colle ses affiches partout en ville. Le lendemain, il les photographie ». Généralement, il s'agit de silhouettes grandeur nature, comme Pasolini, immortalisé à Rome en 2015 à la manière de La Pietà de Michel-Ange. Ici, le cinéaste assassiné porte son propre cadavre à bout de bras… Le trait est académique, lisible par tous, « à la manière des peintres de la Renaissance ». à Bruxelles, on découvre aussi sa passion pour les poètes. Tel Rimbaud, représenté cheveux Ernest Pignon-Ernest. Empreintes ébouriffés et veste jetée sur l'épaule. Bruxelles, 13.12 > 10.02.2019, Botanique Une image éphémère, certes, mais mer > dim : 12 h > 20 h, 5,50 > 2 € / gratuit (-12 ans) www.botanique.be éternelle. Julien Damien


à contresens

# 70

François Curlet jongle avec les mots et les objets pour mieux faire dérailler notre quotidien. Le MAC's offre au Français sa première grande exposition monographique en Belgique. Crésus et Crusoé révèle un travail iconoclaste, drôle et critique de notre société de consommation et de communication. Né à Paris en 1967, François Curlet vit dans le plat pays depuis près de 30 ans. « Je ne suis ni français, ni belge, mais belgoïde », s'amuse l'artiste, jamais avare d'un trait d'esprit, dont il a d'ailleurs fait le moteur de son œuvre. Il détourne avec humour ou poésie les objets qui nous entourent. Par association d'idées (souvent antagonistes) ou contre-emploi, il joue avec les signes culturels, politiques ou économiques de la société de consommation, livrant autant de métaphores (ou d'oxymores) plastiques. « Je me promène dans cette encyclopédie vivante qu'est le réel, créant des néologismes matériels pour raconter de petites fables », explique le quinquagénaire. Lequel fut marqué, enfant, par César, compressant des voitures en cubes - « soit quelque chose de plus intéressant ». Au MAC's, parmi ses sculptures, peintures ou films, on découvre par exemple le célèbre "M" d'une chaîne de fast-food, mais retourné… « Il renvoie à la destruction d'un McDo à Millau par la Confédération paysanne de José Bové. J'ai transformé la consonne en une lyre qu'utiliserait un barde, comme dans Astérix. En sus, on entend une harHornu, jusqu'au 10.03.2019 piste jouer la mélodie des Tontons flingueurs ». MAC's, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 > 2 € gratuit (-6 ans), www.mac-s.be Faut reconnaître, c'est du brutal… Julien Damien

François Curlet, Toast cannibale, Moto, 2014. Mousse, résine.
Collection Centre national des arts plastiques, Paris.

exposition

François Curlet



Est-ce que le panda hiberne ? © Th.Hubin

exposition

Ours et nounours Depuis son apparition sur Terre jusqu'à sa possible extinction, en passant par les mythes et légendes qui lui sont associés, cette exposition brosse (dans le sens du poil) un fascinant portrait de l'ours. Que mange-t-il ? Où vit-il ? Comment reconnaître ses huit espèces ? Et le yéti, ne serait-il pas un plantigrade, à bien y regarder ? Divisé en cinq thèmes, le parcours répond à ces questions en dévoilant, notamment, 23 spécimens naturalisés, deux squelettes belges découverts en 1868 dans la grotte de Goyet (Ardennes) et moult fossiles. Il se termine en douceur dans une salle peuplée de 650 peluches, dont une centenaire - sans doute mal léchée. M.H. Bruxelles, jusqu'au 01.09.2019, Museum des sciences naturelles mar > ven : 9 h 30 > 17 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 9,50 > 4,50 € / gratuit (-4 ans), www.naturalsciences.be

# 72

Créés en 1981 par la Bruxelloise Monique Martin (alias Gabrielle Vincent), Ernest (l’ours bourru) et Célestine (la souris futée) demeurent de grands classiques des chevets d’enfants. Dans ses histoires, l’écrivaine et illustratrice dépeignait les petits bonheurs et soucis du quotidien, avec la douceur des tons pastel. Cette exposition révèle aussi ses dessins en noir et blanc, au fusain ou à l’encre de Chine. Plus méconnus, mais tout aussi sensibles. J.D. Bruxelles, jusqu’au 20.01.2019, Centre d’art de Rouge-Cloître mer > dim : 14 h > 17 h, 3 / 2 € / gratuit (-12 ans), www.rouge-cloitre.be

© Monique Martin

Ernest et Célestine

en famille



exposition

# 74

Self-portrait (shaved head, material draped across body) by Claude Cahun, 1920. Jersey Heritage Collections Š Jersey Heritage


Claude Samuel Zanele

Le cri du corps Le point commun entre Claude Cahun, Samuel Fosso et Zanele Muholi ? Ils se sont tous livrés à l’exercice de l’autoportrait, dès le début du xxe siècle, entre Paris, Bangui, et l’Afrique du Sud. Réunis par le FoMu d’Anvers, ces trois grands noms de la photographie entament un dialogue fructueux, portant un regard acéré sur la société à travers leur propre représentation.

à

l’origine de cette rencontre plutôt inattendue, il y a les tirages de Claude Cahun, que le musée de la photographie d’Anvers possédait depuis quelques années dans sa collection. Le nom de cette artiste nantaise née en 1894 ne vous évoque pas grand-chose ? « Lucy Schwob de son vrai nom, s’est fait connaître comme écrivaine et a gravité autour des surréalistes parisiens. Nous avons découvert son œuvre photographique tardivement, dans les années 1990 », éclaire Rein Deslé, commissaire de l’exposition. La garder dans l’ombre eut été un tort. Comment ne pas être frappé par l’avant-gardisme de ces clichés la montrant cheveux coupés à la garçonne, brouillant la frontière entre masculin et féminin ? Placés au cœur

du parcours, ses petits autoportraits, d’une audace folle pour l’époque, permettent de relier les tirages grands formats de ses deux successeurs. « Nous avons joué sur les contrastes : une zone intimiste au centre, deux vastes espaces autour, bénéficiant d’un éclairage plus théâtral », précise Joachim Naudts, co-commissaire de Claude Samuel Zanele. Maux croisés Si vous entrez du côté de Zanele Muholi, laissez-vous happer par une trentaine de paires d’yeux qui vous déshabillent. Artiste refusant d’être définie par son genre, militante LGBT, la Sud-Africaine se met en scène avec des attributs évoquant suite la "question raciale" pour



Bester I, Mayotte, 2015 Š Zanele Muholi. Courtesy of Stevenson, Cape Town Johannesburg and Yancey Richardson, New York.

Page de gauche : Ntozakhe II, Parktown, 2016 Š . Courtesy of Stevenson, Cape Town Johannesburg and Yancey Richardson, New York.


exposition Autoportrait, "African Spirits" series, 1998 © Samuel Fosso, courtesy Jean Marc Patras, Paris

mieux dézinguer les préjugés, et amène avec force le regard sur le corps noir. Ainsi de ces pinces à linge érigées en coiffe africaine, clin d’œil

# 78

« Chaque image dit quelque chose de notre monde » au destin de domestique de sa mère. Prenez l’entrée Samuel Fosso, et vous serez scotchés par les 14 tirages spectaculaires de la série African Spirits. Déguisé en Mao « pour cibler la reco-

lonisation de l’Afrique par la Chine », grimé en Angela Davis ou Malcolm X, le Camerounais incarne fièrement la lutte pour les droits des Noirs. « à mille lieues de l’introspection, chaque image sélectionnée cache une intention, dit quelque chose de notre monde », insiste Rein Deslé. Très loin, donc, du narcissisme de l’omniprésent selfie. Marine Durand Anvers, jusqu’au 10.02.2019, FoMu mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 3 €/ gratuit (-18 ans) www.fotomuseum.be



Resistance Des barricades estudiantines aux manifestations ouvrières, Mai 68 fut un épisode d’intense protestation populaire. Et les artistes, dans tout ça ? Cette exposition mesure l’influence du créateur dans la transformation de la société, et cherche les marques de contestation dans les pratiques contemporaines. Des affiches coup-de-poing de l’Atelier populaire ("Interdit d’interdire") aux "périssables" de Dieter Roth (conçus avec des aliments ou déchets) ces œuvres nous rappellent l’urgence de désobéir. Bruxelles, jusqu’au 27.01.2019, Centrale For Contemporary Art, mer > dim : 10 h 30 > 18 h 8 > 2,50 € / gratuit (-18 ans), www.centrale.brussels

Haute Dentelle

Les Américains

L’usage récurrent de la dentelle dans la haute couture est un gage de modernité. Volants et jeux de transparence, dentelle de cuir découpée au laser… 14 vitrines présentent les créations d’autant de maisons de couture, chacune marquant de sa patte la luxueuse étoffe. De Chanel à Valentino, cette exposition révèle 65 silhouettes d’exception, célébrant des gestes stylistiques forts et un savoir-faire propre aux Hauts-de-France.

Robert Frank est un géant de la "street photography". Paru il y a tout juste 60 ans, Les Américains est considéré comme son chef-d'œuvre. En 1955, ce Suisse se mit en tête de « documenter visuellement la civilisation américaine ». Il sillonna durant un an 30 états et immortalisa des instants de la vie quotidienne au pays de l’Oncle Sam : une serveuse dans un restaurant, des ouvriers au travail, des amoureux… En résulta un livre culte, et aujourd’hui une exposition immanquable. Charleroi, jusqu’au 20.01.2019 Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h 7 > 4 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be

Serial Graveurs Gravelines met à l’honneur deux géants du roman xylographique. Le premier, Frans Masereel (1889 -1972), l’inventa il y a tout juste un siècle. Méconnu du grand public, ce Belge demeure pourtant une figure majeure du 9e art, avec ses récits sans paroles. Le second, Olivier Deprez, perpétue cette tradition à travers une œuvre située entre la BD et les arts plastiques. Présentées sous forme de séquences pour l’un, et de rétrospective pour l’autre, ces gravures sur bois s'affranchissent de toutes les cases. Gravelines, jusqu’au 17.02.2019, Musée du dessin et de l’estampe originale, tous les jours sauf mardi : 14 h > 17 h (week-end : 14 h 30 > 17 h 30) 3,50 / 2,50 € / gratuit (-15 ans) www.ville-gravelines.fr

Frans Masereel (1889-1972), Sans titre pour L’idée, pl. 51, 1920, gravure sur bois, Coll. Musée de Gravelines © Adagp, Paris, 2018 / Frans Masereel, Stiftung Saarbrücken

Calais, jusqu’au 06.01.2019 Cité de la Dentelle et de la Mode, tous les jours sauf mardi : 10 h > 17 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans) www.cite-dentelle.fr



Deneufbourg © R. Nijs

Benoît Deneufbourg - Process Vitrine pour les designers belges, le CID présente la première exposition de Benoît Deneufbourg. Le travail de ce jeune créateur né à La Louvière se distingue par sa sobriété, conjuguant fonctionnalité et esthétique (à l’image de Jasper Morrison). Ses luminaires, meubles ou objets s’insèrent de façon intuitive dans notre quotidien. Le parcours dissèque ce processus de fabrication en dévoilant moult croquis, prototypes ou photos - car faire simple est plus complexe qu’on ne le croit. Hornu, jusqu’au 03.02.2019, CID, mar > dim : 10 h > 18 h 8 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.cid-grand-hornu.be

Amour

Power to the People

L’amour ? Vaste sujet… Du péché originel à la libération des mœurs, de la séduction au libertinage en passant par le romantisme, quelque 250 oeuvres décryptent ce sentiment à travers les âges. Divisée en sept chapitres illustrant chacun un tournant majeur dans nos façons d’aimer, cette histoire s’écrit au gré des sculptures de Rodin ou de Camille Claudel, des peintures de Delacroix ou de Fragonard, mais aussi de citations de grands auteurs ou d’extraits de films. En somme, le cœur ET la raison.

Milieu des années 1960, états-Unis. Malcolm X vient d’être assassiné. La guerre du Vietnam bat son plein. La ségrégation raciale aussi… à Oakland, en Californie, deux jeunes militants de la cause noire, Huey P. Newton et Bobby Seale, rédigent sur un coin de table le Ten-Point Program. Le Black Panther Party est né. Cette soixantaine de photos en noir et blanc signées Stephen Shames nous précipite dans ce grand mouvement d’émancipation, loin des légendes urbaines.

Lens, jusqu’au 21.01.2019, Louvre-Lens, tous les jours sauf mar : 10 h > 18 h, 10 > 5 € / gratuit (-18 ans) www.louvrelens.fr

Lille, jusqu'au 06.01.2019 maison Folie Moulins mer > dim : 14 h > 19 h, gratuit www.maisonsfolie.lille.fr

Niki de Saint Phalle. Ici tout est possible

# 82

De Niki de Saint Palle, on connaît tous les Nanas colorées investissant nos villes. Mais sait-on qui est la femme derrière l’artiste ? Cette première grande rétrospective belge révèle en 140 pièces l’évolution de l’œuvre mais aussi la vie de la "Calamity Jane de l’art". On (re)découvre sa fameuse série des Tirs, ses peintures, films ou, bien sûr, ses monumentales sculptures féminines, disséminées un peu partout dans le BAM et même… dans la cité du Doudou ! Mons, jusqu’au 13.01.2019, Musée des beaux-arts et divers lieux en ville, mar > dim : 10 h > 18 h 9 / 6 € / gratuit (-6 ans) www.bam.mons.be



théâtre & danse

Les Petits Pas

Tous en scène ! Le festival de danse jeune public du Gymnase souffle ses 14 bougies, mais garde son âme d’enfant. Au programme de cette nouvelle édition ? Des fantômes virtuoses, une rencontre avec des lions millénaires, des clowneries chorégraphiées... Parés pour un grand pas de côté ?

A

utrefois programmé en février, ce rendez-vous a définitivement trouvé sa place à l’aube des fêtes de Noël. De quoi permettre à Célia Bernard, la programmatrice, quelques audaces. Les dix propositions regroupées ici cultivent le décalage : du lieu, du regard, de l’intention. Avec Une Danseuse dans la bibliothèque, Nathalie Collantes réunit ses deux marottes : la danse et la lecture, invitant les plus jeunes à aborder le mouvement via le jeu. Dans Stoïk, Clémence Rouzier et Brian Henninot, deux circassiens, « un grand fainéant et une petite pile électrique », explorent le potentiel comique du corps humain - en ratant tout ce qu'ils entreprennent ! Plus millimétré, Pillowgraphies de la compagnie La BaZooka, met en scène sept fantômes brillant et glissant dans l'obscurité... Alors on danse Le Gymnase profite aussi du festival pour dévoiler son "Application à danser", invitant chacun (dès 8 ans) à composer sa propre chorégraphie à partir de gestes quotidiens. Sinon, plus simplement, fondezvous dans la foule de Come Alive, un happening participatif emmené par Sylvain Groud, le directeur du Ballet du Nord (cf LM 143). Enfin, "l’enfant du pays", Thomas Lebrun, revient au Gymnase avec Dans ce monde, un voyage musical autour du globe (dès 2 ans). Des pièces à ressentir mais aussi à vivre, on vous dit ! Marine Durand

# 84

Roubaix, Lille, Lomme, Wasquehal, Laon, Wambrechies, Lecelles, Bousignies 05 > 18.12, divers lieux, 1 spectacle : 23 > 5€, Pass 5 spectacles : 25 € www.gymnase-cdcn.com en famille Sélection : 05 > 07.12 : Mylène Benoit & Magda Kachouche : Diotime et les lions // 05 > 13.12 : Nathalie Collantes : Une Danseuse dans la bibliothèque // 06 & 07.12 : Victoria Belen Martinez : Capuche 08.12 : Bérénice Legrand : #Les petits bals à domicile - Let's dance // 09 > 11.12 : Thomas Lebrun : Dans ce monde // 11.12 : La BaZooka : Pillowgraphies // 12.12 : Clémence Rouzier & Brian Henninot : Stoïk 12 & 13.12 : Philippe Saire : Hocus Pocus // 14.12 : Sylvain Groud : Come Alive…


Dans ce monde © Frédéric Iovino


La force tranquille

# 86

Lisbeth Gruwez signe avec The Sea Within une chorégraphie apaisée, où la fougue laisse place à la possibilité du calme. Pour la première fois depuis ses débuts en 2004 avec Jan Fabre, la Flamande reste en dehors de la scène, et invite le corps féminin à la méditation. De Lisbeth Gruwez, on connaît le mouvement découpé au cordeau et la précision de l'écriture. Après un triptyque flamboyant sondant "le corps extatique", s'être intéressée au rire (AH/HA) ou à l'angoisse (We’re Pretty Fucking Far From Okay), l'Anversoise s'empare de la méditation. Et s'interroge : peut-on contrôler la chair comme la pensée ? Cette voie nouvelle est née après son interprétation du solo Pénélope, où elle tournait sur son axe pendant 20 minutes, entrant dans une forme de transe. Dans ce spectacle créé avec dix danseuses, la rigueur laisse ainsi place au vacillement. Le geste y est organique, tout en ondulations et en cercles. Ces vagues chorégraphiques répondent à un paysage sonore "ambient", inspiré de Brian Eno (Bowie, Talking Heads) et composé au synthé par son complice Maarten Van Cauwenberghe. La "mer intérieure" dont il est question dans le titre se réfère à cette pratique méditative, synonyme à la fois de calme et de force. La pièce progresse dans une atmosphère feutrée. Les interprètes se déploient Gand, 04 > 06.12, Vooruit, 20 h, 18 > 8 € dans une scénographie de velours rose www.vooruit.be formée par leurs jambes nues. Puis ce Villeneuve d'Ascq, 11 & 12.12, La Rose chœur se transforme, peu à peu, en puldes Vents, 20 h, 21 > 5 €, www.larose.fr sations autonomes. Comme la houle, Charleroi, 18.01.2019, Charleroi Danse qui arrive doucement mais emporte par (Les Ecuries), 20 h, 15 > 6 € www.charleroi-danse.be surprise. Marie Pons

© Danny Willems

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The Sea Within



Les filles de l'air

# 88

Elles sont clowns, voltigeuses, équilibristes ou contorsionnistes. Elles portent, volent et retournent pas mal de clichés collant aussi bien à la figure de l’acrobate qu’aux corps des femmes. Le Projet.PDF prend de la hauteur pour mieux résonner avec notre actualité - sans mauvaise chute. Au départ, il y a Laurence Boute. Cette circassienne et comédienne avait rassemblé 25 artistes femmes pour partager une semaine de rencontres sur le porté acrobatique à la Grainerie, fabrique des arts du cirque de Toulouse. Puis l'aventure s'est poursuivie, jusqu'à constituer un collectif. Le Projet.PDF (pour "Portés de femmes") est ainsi né de cette envie commune « de casser cette image du gros porteur et de la petite voltigeuse ! » précise la Française. Elles sont 16 à présent, dans un spectacle construit collectivement avec la metteuse en scène Virginie Baes. Elles y déroulent un programme impressionnant, tout en acrobaties portées, enchaînement de saltos, pyramides humaines ou danses de groupe. à la faveur de tableaux successifs, on assiste à une partie de chasse surréaliste, un clin d'œil à Pina Bausch ou à l’exécution d’un ballet de natation synchronisée. Les chairs s’y déploient sous des facettes multiples, tour à tour teintées d’humour ou revêtant une tonalité plus sombre. Avec une bonne dose d’autodérision sur des sujets comme la maternité, le collectif dédraDouai, 08 & 09.12, Hippodrome matise le corps féminin en le dénudant, (dans le cadre du festival Multipistes) l'empoignant et nous invitant à élever le sam : 20 h 30, dim : 17 h, 22 > 12 € www.tandem-arrasdouai.eu débat. Marie Pons

© Benoît Martrenchar

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Projet. PDF



© Prudence Upton

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Le Dernier appel

Quel est "l'héritage" de la (dé)colonisation ? Comment construire un avenir avec cette histoire inaliénable ? à l'heure de la résurgence des nationalismes, le Burkinabé Serge Aimé Coulibaly (Kalakuta Republik) et la compagnie australienne Marrugeku explorent des sujets sensibles à travers un spectacle engagé et énergique. La chorégraphie est portée par des interprètes aborigènes, kanaks, immigrés ou colons. Ils sont écartelés entre passé et futur, danses traditionnelles et urbaines, souci de transmission et désir d'émancipation. Chacun se débat avec ces questions à la fois intimes et collectives, inventant son propre langage corporel - son propre récit. J.D. Maubeuge, 11.12, Théâtre Le Manège, 20 h, 12 / 9 €, www.lemanege.com Bruges, 14.12, Concertgebouw (dans le cadre de December Dance), 20 h, 21 > 6 €, www.concertgebouw.be

# 90

© Simon Gosselin

Ben oui mais enfin bon Lieu de diffusion mais aussi de création, le Théâtre du Nord démontre dans ce "spectacle en balade" tout le potentiel de la jeune scène régionale. écrite par Rémi De Vos, mise en scène par Christophe Rauck, cette petite forme pour quatre acteurs emprunte à Marivaux ses joutes verbales et sentimentales (Arlequin poli par l'amour) pour les transposer dans le milieu de l'entreprise d'aujourd'hui. Au menu ? Coups de foudre à la chaîne et jeux de pouvoir… J.D. Lille, 13 > 16.12 & 11.01 > 20.01.2019, Théâtre du Nord mar, mer, ven : 20 h, jeu & sam : 19 h, dim : 16 h, 25 > 10 € (+ tournée en région : Bouvines, 30.01.2019, Espace Jean Noël Noyelles-lès-Seclin, 01.02.2019, Centre d'animation municipal Wambrechies, 03.02.2019, Salle des fêtes), www.theatredunord.fr



# 92

la beauté du geste Née en 2011, The New Zealand Dance Company compte déjà parmi les formations internationales les plus réputées. De passage en Europe, elle présente trois pièces signées par trois chorégraphes différents, entre dystopie, tradition et réflexion sur notre rapport à l'environnement et aux technologies. à la fois surréaliste et absurde, Matter de Ross McCormack met ainsi en scène huit interprètes raillant notre humaine obsession pour l'ordre et les objets futiles. La Sud-Coréenne Kim Jae Duk accorde des instruments typiques de son pays natal (tambour, gong et petit gong) aux gestes d'un quatuor déchaîné, alternant méditation et mouvements d'attaque (Sigan). Enfin, l'Australienne Stéphanie Lake confronte dans If Never Was Now sept hommes et femmes à la brutalité mais Bruges, 15.12, Concertgebouw aussi la beauté de Dame Nature. Une (dans le cadre de December Dance), 20 h, 35 > 10 € www.concertgebouw.be performance tout en tension, soutenue par une bande-son électronique La Louvière, 18.12, Le Théâtre, 20 h, 30 > 10 € www.cestcentral.be concoctée par Robin Fox. J.D.

If Never Was Now © John McDermott

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time



théâtre & danse

Malik Bentalha L’humour libre

# 94

Propos recueillis par Marion Humblot - Photo Fifou


Révélé en 2010 par le Jamel Comedy Club, Malik Bentalha a depuis fait son bonhomme de chemin. Après un premier one-man-show remarqué (Malik Bentalha se la raconte) et un détour par le cinéma, revoilà l’humoriste de 29 ans sur scène. Dans Encore, son deuxième spectacle, il se livre plus que jamais, mettant son enfance et son quotidien au service d’une tchatche surnaturelle. Rencontre avec un pro de l’impro.

Comment êtes-vous devenu humoriste ? Quand j’étais petit, mon père ramenait à la maison des VHS de Coluche, Desproges ou des premiers spectacles de Gad Elmaleh. Rire et Chansons tournait également dans la voiture… Je ne comprenais pas tout mais me suis dit que j’aimerais faire ça, moi aussi. L’idée a fait son chemin et, suivant les conseils d’une prof d’Espagnol en terminale, je suis monté à Paris. Tout a donc démarré à l’école ? Oui, la classe était un bon laboratoire, pour les vannes comme pour le sens du timing. En cours, tu ne peux pas faire le con n’importe quand, il faut savoir placer la bonne blague au bon moment ! C’est ensuite Alex Lutz qui vous a repéré, n’est-ce-pas? Exactement, au Point-Virgule. Il m’a un peu sauvé la vie à un moment où

je n’avais plus un centime en poche. J’allais abandonner à 18 ans lorsqu’il m’a dit : « Je vais m’occuper de toi mon petit ». Comment définiriez-vous votre humour ? En abordant tous les sujets de la vie quotidienne et m’appuyant sur ma propre expérience, je touche les gens de 7 à 77 ans. Je laisse aussi énormément de place à l’improvisation, près d’un tiers de ce spectacle. Avez-vous une anecdote à nous raconter à ce sujet ? J’ai joué dans un théâtre à La Ciotat en même temps que le fils de Clint Eastwood, dans la salle d’à côté (ndlr, Kyle, grand nom du jazz). Au bout de 15 minutes, une nana assise au premier rang s’est levée en s’écriant : « je me suis trompée de salle ». Il lui a quand même fallu un quart d’heure pour suite se rendre compte que je


n’étais pas le fils de Clint ! J’ai alors improvisé dix minutes avec cette histoire. J’ai gardé cette séquence en vidéo, quitte à la ressortir un jour…

donc mon rapport à la notoriété mais aussi la nouvelle mode du bio, des végans, des salles de sport… J’aborde enfin les événements du 13 novembre.

Les scènes ouvertes sont-elles une bonne école ? Totalement ! Le Jamel Comedy Club est une scène très difficile, c’est un club à la New Yorkaise avec un bar. Les gens boivent en même temps, donc il faut tout de suite attirer l’attention, c’est très formateur. D’ailleurs, c’est peut être le seul endroit où, dans le public, tu croises François Hollande et JoeyStarr.

« Je laisse énormément de place à l’improvisation ! »

N’est-ce pas pesant d’être sans cesse associé à Jamel ? Au contraire, j’en suis fier et je ne le renierai jamais. C’est grâce au Jamel Comedy Club que j’en suis là, au même titre qu’Alex Lutz. « Aux grands hommes la patrie reconnaissante », comme on dit.

# 96

Quel est le sujet de votre nouveau spectacle, Encore ? Je parle de mon enfance, de ce qui m’a touché ces dernières années. J’ai tourné des films assez "ouf" comme Pattaya, Taxi 5. J’évoque

Vous remplissez des Olympia, des Zénith… Qu’est-ce qui vous anime encore après tout ça ? Mon rêve le plus fou était de toucher tous les Français. J’en suis encore loin mais, demain, je veux faire marrer le p’tit gars qui vit en banlieue parisienne comme la mamie qui habite dans le Gers. Pour citer Oscar Wilde : « Il faut toujours viser la lune, car même en cas d’échec on atterrit dans les étoiles ». à lire / l'interview intégrale sur lm-magazine.com

Anzin, 13.12, Théâtre municipal, 20 h, 38 € www.anzin.fr Saint-Quentin,14.12, Le Splendid, 20 h 30, 38 € www.saint-quentin.fr Dunkerque, 15.12, Kursaal, 20 h, 38 € www.dunkerquekursaal.com Lille, 23.03.2019, Le Zénith, 20 h, 43 > 39 € www.zenithdelille.com



Sans filtre

# 98

La plus tordue des humoristes françaises continue de nous plier en deux avec son monologue de quadra névrosée. Bonne nuit Blanche, son troisième one-woman-show, est interdit aux moins de 17 ans mais obligatoire pour les "grands" en quête de blagues féroces. Elle s’avance avec un air de fillette s’apprêtant à lâcher une grosse bêtise. Derrière son micro qu’elle tripote compulsivement, elle s’affiche faussement guindée dans une robe bleu électrique, telle une princesse de conte de fées (divers). Son propos, lui, n’a rien de corseté. Pêle-mêle, elle médite sur les dick pics (ces photos de pénis envoyées comme des fleurs), les doigts des hommes mariés, la misère affective (« c’est très bien #balancetonporc, mais je vous rappelle qu’il y a des gens à qui il n’arrive rien… »). Oui, Blanche pratique l’humour noir, tendance Pierre Desproges ou dépressif façon Louis C.K. (avec qui on lui prête une aventure). Avant de culbuter la cérémonie des Césars, puis celle des Molières (« je suis la seule femme nommée, l’année de l’affaire Weinstein… le jour où j’ai un prix, il n’a aucune valeur »), la native de Suresnes fut une ado suicidaire, exerça la fonction de punk à chien et obtint un DEA de sociologie. Depuis, cette obsédée textuelle révélée par le Jamel Comedy Club parle de sexe sans filtre, balance de charmantes petites monstruosités en souriant. Séduit autant qu’elle Calais, 14.12, Le Channel, 20 h, complet !, lechannel.fr choque. Féministe, mais franchement pas consensuelle. Juste Lille, 21.01.2019, Théâtre Sébastopol, 20 h, complet ! www.theatre-sebastopol.fr une fille du (très) cru. Julien Damien

© Filip Van Roe

théâtre & danse

Blanche Gardin


Théâtre Royal des Galeries Directeur : David Michels

Du 5 décembre 2018 au 27 janvier 2019

Bernard Lefrancq, Angélique Leleux, Perrine Delers, Denis Carpentier, Anne Chantraine, Marie-Sylvie Hubot, Gauthier Bourgois, Frédéric Celini, Natasha Henry et Philippe Peters. Mise en scène : Alexis Goslain Décors : Francesco Deleo Costumes : Ronald Beurms et Fabienne Miessen Lumières : Laurent Comiant Chorégraphies : Kylian Campbell Réalisation musicale : Bernard Wrincq

 www.trg.be 02 512 04 07 du mardi au samedi de 11h à 18h Galerie du Roi, 32 à 1000 Bruxelles

En coproduction avec La Coop asbl avec le soutien de Shelterprod, taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge


les vannes ! Ils sont provocateurs, burlesques ou tendres… mais pareillement hilarants. Ces quatre valeurs sûres (ou en devenir) de la gaudriole débarquent près de chez nous pour le meilleur et le rire – et ce n’est pas de la blague. Julien Damien

# 100

Manu Payet Manu se remet en marche. Dix ans après ses débuts sur scène, le Réunionnais puise dans sa vie la matière de ce deuxième one-manshow. Le quadragénaire danse sur ses morceaux préférés, ressasse sa haine pour son prof d'Espagnol de quatrième ou ses déboires conjugaux. « Faites comme moi, sauvez votre couple en démarrant une

bonne série américaine, dit-il. C'est une femme, elle ne partira pas avant la fin de la saison… ». à rebours de l'acidité ambiante, cet éternel ado injecte un peu de candeur dans ce monde de brutes. La farce tranquille, quoi. Roubaix, 08.12, Le Colisée, 20 h, 39 > 15 € www.coliseeroubaix.com // Arras, 02.03.2019, Casino d'Arras, 20 h 30, 35 €, www.arras.fr

© Benni Valsson

théâtre & danse

ouvrez


© Jean Ranobrac

© Thibault Grabherr

Julie Ferrier

Alex Ramirès

Fan des Deschiens et de Jacques Tati, cette ex-circassienne a trouvé chez les premiers son sens de l'absurde et chez le second celui du burlesque. Dans son dernier spectacle, à ma place, vous Ferrier quoi ?, elle chante, danse, jongle et nous plie en deux. Entourée de quatre joyeux drilles, la Parisienne revisite ses personnages farfelus, tour à tour poupée grandeur nature ("Karbie") ou styliste loufoque, et en invente d'autres comme la roller-girl un poil vulgaire. En somme, un joli cabaret… de cas barrés.

à l’instar de Vincent Dedienne auquel il succède dans Quotidien, Alex Ramirès s’amuse de son homosexualité de manière jouissive – avec une élasticité faciale digne d'un Jim Carrey. Dans Sensiblement viril, le Roussillonnais déplore la trop grande tolérance de ses proches. Heureusement il y a son frère, « pas fan du concept ». à ce père de deux fillettes, il rétorque : « il mate La Reine des neiges tous les matins et boit son café dans une tasse Hello Kitty… alors, c’est qui la tarlouze ? ». Ça, ça fait mâle.

Lille, 09.12, Casino Barrière, 18 h, 37 > 31 € www.casinosbarriere.com

Lille, 12.12, Le Splendid, 20 h 30, 28 € www.le-splendid.com // Bruxelles, 13.12 Théâtre de la Toison d'or, 19 h (21 h, complet !) 25 > 10 €, www.ttotheatre.com

© John Waxxx

Fabrice Eboué Comme l’annonce son troisième one-man-show, Fabrice Eboué n’a « plus rien à perdre »… sauf quelques cheveux. Certes, la tignasse s’est un peu clairsemée, mais le verbe est toujours aussi acide. C’est bien simple, il tape sur tout ! Le réchauffement climatique (comparant la forêt amazonienne à sa calvitie), l’affaire Weinstein, les végans ou les terroristes. « Si ça c’est pas du travail d’Arabe », lance-t-il en parlant du crétin s’étant fait sauter seul au Stade de France. Attention, spectacle explosif. Bruxelles, 18.12, Théâtre Saint-Michel, 20 h, 39 > 29,50 € www.theatresaintmichel.be // Liège, 19.12, Le Forum, 20 h, 39 > 29,50 € www.leforum.be // Maubeuge, 14.03.2019, La Luna, 20 h, 20 / 15 € www.lemanege.com // Lille, 15.03.2019, Sébastopol, 20 h 30, 45 > 37 € www.theatre-sebastopol.fr


Le Syndrome de Cassandre

© Christophe Raynaud de Lage

Yann Frisch

Champion du monde de magie en 2012, Yann Frisch incarne un clown au nez gris et à l’humour noir, mi-clochard, mi-Joker façon The Dark Night. Comme la Cassandre de la mythologie grecque qui prédit des catastrophes, personne ne l’écoute. Alors il menace de s’immoler, raconte sa vie ou la mort avec ce qu’il trouve dans ses poches (une rame de canoë, des gobelets…). Entre le stand-up et l’illusionnisme, le théâtre d’objets et celui de marionnettes, ce solo tragicomique nous fait pleurer de rire. Valenciennes, 04 > 08.12, Le Phénix, mar, jeu & ven : 20 h, mer : 19 h, sam : 18 h 24 > 10 €, www.scenenationale.lephenix.fr

Les Liens invisibles

Tabarnak

Viktor Vincent

Alain Francoeur / Cirque Alfonse

Dans son cinquième spectacle, le Valenciennois à la moustache soigneusement taillée mêle mentalisme, vidéo, musique et illusion. Plus fort, il nous démontre que le hasard n’existe pas. Pour cela, il croise trois histoires incroyables : un paysan ukrainien foudroyé 23 fois en 1868, un groupe d’étudiants échappant à une explosion en 1953, une rescapée des attentats du 11 septembre… Et vous savez quoi ? Leurs destins sont tous liés - même le nôtre !

Iconoclaste. Ici, le terme n’a rien de galvaudé. Pour cause, ces circassiens un peu barrés ont décidé de faire leurs galipettes… dans une église ! Au sein de ce décor reproduisant "la maison de Dieu", les Montréalais s’en donnent à cœur joie : chansons grivoises, pyramides humaines, danses en roller, vitraux transformés en trapèzes… Au cours de cette messe burlesque, on sonne aussi les cloches en slip et tutu… Alléluia - ou "tabarnak", comme ils disent.

Roubaix, 05 & 07.12 Le Colisée, 20 h 30, 39 > 10 € www.coliseeroubaix.com Béthune, 08.12 Théâtre municipal, 20 h 30, 34 > 17 € www.theatre-bethune.fr

Mons, 05.12, Théâtre Royal, 18 h, 20 > 15 €  www.surmars.be // Dunkerque, 13 > 15.12 Le Bateau Feu, jeu & sam : 19 h, ven : 20 h, 9 € www.lebateaufeu.com // Amiens, 17 > 19.12 Maison de la Culture, lun & mer : 20 h 30, mar : 19 h 30 34 > 15 €, www.maisondelaculture-amiens.com

La Revue des Galeries

# 102

Alexis Goslain

Cette revue est une véritable tradition du rire bruxellois. Les comédiens Denis Carpentier, Bernard Lefrancq ou Angélique Leleux (pour en citer trois parmi une douzaine) tirent à boulets rouges sur ce qui a fait la Une des gazettes du plat-pays et ailleurs dans le monde (oui, il y a de la matière…). Entre le cabaret et le music-hall, danseurs, imitateurs, chanteurs ou acteurs passent 2018 à la moulinette, pour entrer de plain-pied dans la nouvelle année ! Bruxelles, 05.12 > 27.01.2019, Théâtre Royal des Galeries, mar > dim : 20 h 15 (matinée : 15 h), 30 > 12 € www.trg.be



L’Homme qui rit

© Christophe Loiseau

Claire Dancoisne / Victor Hugo

Angleterre, fin du xviie siècle. Des gangs mutilent des enfants, les transformant en monstres de foire. Un jour, ces "comprachicos" abandonnent un garçonnet qu’ils ont défiguré, la bouche fendue jusqu’aux oreilles dans un rictus éternel. Mais dans ce monde, les monstres ne sont pas ceux qu’on croit… Gwynplaine demeure l’un des grands héros de Victor Hugo. Publié en 1869, L’Homme qui rit est porté sur scène par Claire Dancoisne, qui sublime cette épopée en mêlant jeu d’acteurs et théâtre d’objets. Béthune, 05 > 08.12, La Comédie de Béthune (Le Palace) mer, jeu & ven : 20 h, sam : 18 h 30, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org Condette, 15.12, Château d’Hardelot (Théâtre élisabéthain), 20 h, 12 > 5 € www.chateau-hardelot.fr

La Générosité de Dorcas

Requiem pour L.

Jan Fabre / Troubleyn

Alain Platel / Fabrizio Cassol / Mozart

Dorcas fut l’une des premières disciples du Christ, usant de ses talents de couturière pour habiller les pauvres. Jan Fabre célèbre cette figure biblique méconnue dans un solo extatique, joué par le danseur italien Matteo Sedda. Sous une pluie d’aiguilles multicolores, vêtu de noir, il tricote à toute berzingue avec ses mains ou ses pieds, au rythme des tambours ou basses de Dag Taeldeman. Doucement mais sûrement, il entre (et nous entraîne) dans une transe des plus… généreuses.

14 musiciens venus du monde entier se réapproprient le fameux Requiem de Mozart. Le résultat ? Un mélange de jazz, d’opéra et de rythmes africains dirigé par le compositeur Fabrizio Cassol et mis en scène par le Gantois Alain Platel. Sur le plateau, les danseurs des Ballets C de la B traduisent avec leur corps les thèmes de la mort et des rites d’adieu, de la messe jusqu’à la fosse commune où le génie autrichien fut inhumé. Ou comment parler du trépas avec grâce.

Anvers, 05 > 08.12, Toneelhuis, 20 h, 23 > 15 € www.toneelhuis.be // Arras, 19 & 20.12, Théâtre 20 h 30, 22 > 12 €, www.tandem-arrasdouai.eu Calais, 02.02.2019, Le Channel, 19 h 30, 7 € www.lechannel.fr

Lille, 06 > 08.12, Opéra, jeu & ven : 20 h sam : 18 h, 23 > 5 €, www.opera-lille.fr Louvain, 16.01.2019, 30 CC / Schouwburg 20 h, 30 > 22 €, www.stuk.be Calais, 19.01.2019, Le Channel, 19 h 30, 7 € www.lechannel.fr

Un Cerf au sabot d’argent

# 104

Nathalie Baldo & Johanne Huysman

Librement inspirée d’un conte russe, cette pièce met en scène deux personnages. Sur un plateau couvert de neige, dans un paysage évoquant une forêt reculée, une jeune fille aux pieds nus écoute les histoires que lui raconte au violoncelle un vieux chasseur. Quand il part avec son traîneau, la voilà seule, rêvant et dansant au gré de ces récits poétiques, notamment celui du cerf au sabot d’argent. Un spectacle où la magie achève la solitude et le désenchantement... Armentières, 12.12, Le Vivat, 17 h, 8 €, www.levivat.net



© Xavi Bou - série Ornitographies

le mot de la fin

Xavi Bou

# 106

à quoi ressembleraient les traces laissées par les oiseaux dans le ciel ? Passionné d’ornithologie, le photographe espagnol Xavi Bou immortalise le ballet aérien de nos amis à plumes en capturant en rafale chacun de leurs mouvements, qu’il recompose ensuite sur son ordinateur. En résulte cette série d’images, Ornitographies. Du genre planante, non ? www.xavibou.com




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