LM magazine 150 - avril 2019

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n°150

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avril

2019

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GRATUIt

Art & CulturE

Hauts-de-France / Belgique



sommaire - magazine LM Magazine #150 Avril 2019

Intermediate Spaces, 2018 © Julien Pacaud

News – 08

BIAM au pied du mur Ard Gelinck : futur antérieur Alicja Kwade : tronc commun Fyre festival : la fête de trop Stanley Kubrick au musée Le grand méchant BIFFF En cours avec David Lynch

société – 12

Les ronds-points Sens dessus dessous

portfolio – 22

Julien Pacaud Aux frontières du réel

Rencontre Eldorado - 2012_1, 2012 © Ren Hang, courtesy Galerie Paris-Bejing

Lee Fields – 30 Prêcheur soul

Maroussia Diaz Verbèke – 110 Détour de piste

Littérature – 60

Salon du livre d'Arras Lettre ouverte

événement – 72 Eldorado Mine d'art

le mot de la fin – 130

Benjamin Isidore Juveneton Mots pour maux


sommaire - sélection Lee Fields & The Expressions, Beirut, Pzzle Festival, Jeanne Added, Charlotte Adigéry, Malik Djoudi, Giorgio Moroder, Teenage Fanclub, Drake, Listen ! Festival, Hubert Lenoir, Weyes Blood, AqMe, The Beautiful Swamp Blues Festival, Ricard Live Music, Sam Fender, The Hollies, Agenda...

Giorgio Moroder © Studio Brammer

Musique – 30

exposition – 72

Vue de l'exposition Giacometti © Cécile Fauré

Eldorado, Alberto Giacometti, L'art habite la ville, Conquête urbaine, Wim Delvoye, L'Algérie de Gustave Guillaumet, Homère, Le Corbusier, Georges Fessy, à cœur battant, Printemps de l'art déco, Night Fever, Agenda…

théâtre & danse – 110

Circus Remix, Pourama Pourama, Le P'tit Monde, Thyeste, Les Turbulentes, Bruno Coppens, En attendant la nuit, Marc Ysaye, Agenda…

Disques – 58

Little Simz Baptiste W. Hamon Stella Donnelly Weyes Blood The Fall

Livres – 62

Martin Winckler Warren Lambert Romain Bertrand Sophie Hénaff Simon Clair

écrans – 64

Les P'tites Toiles d'Emile C'est ça l'amour L'époque Tel Aviv on Fire Puzzle



Magazine LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09

www.lm-magazine.com

Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com

Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com

Couverture Julien Pacaud The Illusion, 2018 julienpacaud.com

Alix Bailleau info@lm-magazine.com

Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Thibaut Allemand, Céline Beaufort, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Sarah Elghazi, Hugo Guyon, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer, Julien Pacaud, Marie Pons et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



© Jace

news

biam

#8

Initiée par le collectif Renart en 2013, la Biennale internationale d’art mural (BIAM) transforme la ville en terrain d'expression (populaire). De l'affichiste Jean Faucheur (et pionnier du street art français) aux fresques monumentales du Péruvien Jade Rivera, en passant par les éboueurs barrés du Bruxellois Jaune (cf LM 139), cet événement gratuit offre un formidable panorama des styles et techniques. Explorant le thème de l'Eldorado (voir page 72), cette quatrième édition met à l'honneur nombre d'artistes mexicains. Ay Caramba ! Hauts-de-France, 08.04 > 08.06, Lille, Hellemmes, Lomme, Lompret, Villeneuve d’Ascq, Saint-André-Lez-Lille, Denain, Wavrechain-sous-Denain, gratuit, biam-npdc.blogspot.com


new s © DR

© Ard Gelinck

Retour vers le futur

Alicja Kwade, Achairisatreeisachair, 2017 © Photo Roman März

Mais qui est ce beau gosse posant à côté de Clint Eastwood ? Eh bien c'est lui, en (beaucoup) plus jeune. Ce photomontage est l'œuvre d'Ard Gelinck. Le Néerlandais s'est amusé à réunir dans la même image des célébrités et leur "version" révolue. Autant vous le dire, ces tours de passe-passe ne fonctionnent pas avec tous – au hasard, la sur-liftée Madonna… www.instagram.com/ardgelinck

Lendemain de fête

Concerts sur des plages luxueuses, yachts, champagne… En réalité, ça sera sandwichs et tentes pour tous. Organisé en 2017 aux Bahamas par Billy McFarland, le Fyre Festival promettait d'être le "meilleur du monde", mais s'est mué en fiasco. Depuis, notre escroc dort en prison. Pour éponger ses 22,9 millions d’euros de dettes, les agents fédéraux vendent aux enchères son merchandising – ces shorts ou casquettes étant devenus cultes. Belle ironie !

Toucher du bois Alicja Kwade sculpte des chaises ou des tabourets directement dans les arbres, en laissant une partie du tronc apparente. En jouant avec cette matière naturelle, l'artiste polonaise installe un surprenant dialogue avec notre environnement. Du renfort est conseillé en cas de déménagement… www.alicjakwade.com


BIFFF © Roland Jalkh

A Clockwork Orange © Warner Bros. Entertainment Inc.

Kubrick-à-brac

BIFFF

Stanley Kubrick : The Exhibition promet une rencontre avec le génie créatif de l'Américain. Après avoir tourné de Mexico à Séoul, cette exposition s'arrête à Londres. Logique : c'est en Grande-Bretagne que furent créés les champs de batailles de Full Metal Jacket ou la salle du Dr Folamour. Entre maquettes, photos ou rushs inédits, le parcours nous invite dans la centrifugeuse de 2001 : l’Odyssée de l’espace ou à fouler le tapis de Shining !

C'est une institution du frisson, la Mecque de la chair de poule. Voilà 37 éditions que le Festival du film fantastique de Bruxelles retient la crème du cinéma flippant. Parmi ces 150 avantpremières, on a repéré Simetierre, nouvelle adaptation du chef-d'œuvre de Stephen King par Kevin Kölsch et Dennis Widmyer. On ne manquera pas non plus Greta de Neil Jordan avec une Isabelle Huppert en veuve vénéneuse. Surveillez bien vos arrières…

Londres, 26.04 > 15.09, Design Museum tlj : 10 h > 18 h, 16 £ (env. 18 €), designmuseum.org

Bruxelles, 09 > 21.04, Bozar, 1 film 12 > 7 €, pass 1 jour : 15 €, pass 5 séances : 38 €, bifff.net

© masterclass

© Plywood

# 10

David Lynch au tableau Conception sonore, travail avec les acteurs, méditation transcendantale (ça peut aider)… David Lynch dispense 13 leçons en ligne sur le site MasterClass. Vous pouvez aussi y apprendre le beatmaking avec Timbaland ou la guitare avec Carlos Santana – mais toujours rien sur le macramé. www.masterclass.com (1 cours : 100 €, abonnement annuel : 200 €)



société

# 12

Les

r p

et

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urs

détours

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Ils sont les lieux de toutes les convergences, fidèles portes d'entrée et de sortie de nos villes. Nos routes s'y croisent ou s'y perdent. Ils servent aussi de repères et accueillent parfois des œuvres d'art non-identifiées. Souvent ignorés, moqués, contestés, accusés de coûter trop cher, les ronds-points connaissent leur moment de gloire. à l'heure où ces "phares" sont devenus un symbole contemporain, une place forte de la contestation des gilets jaunes en France, roulons un peu à contresens. Pourquoi sont-ils si nombreux (environ 40 000) ? D'où viennent-ils ? Qui peut bien les ornementer ? Engageons-nous dans ce curieux trafic en compagnie d'éric Alonzo, architecte fasciné par ces figures urbaines, et Jean-Luc Plé, créateur de "l'art giratoire" et empêcheur de tourner en rond ! Dossier réalisé par Julien Damien

Millau, série Ronds-points - France 1999 > 2004, Biennale du design de Saint-étienne, 2004 © Florian Kleinefenn

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société

Rond-point d'Aniche, série Ronds-points - France 1999 > 2004, Biennale du design de Saint-étienne, 2004 © Florian Kleinefenn

Interview

# 14

© Florian Kleinefenn

Eric Alonzo

Les ronds-points sur les "i" Eric Alonzo est architecte et enseignant à l'école d'architecture de la ville et des territoires, à Marne-la-Vallée. Il est l'auteur de deux ouvrages essentiels sur le paysage urbain contemporain : L'Architecture de la voie et Du rond-point au giratoire. Dans ce livre, il ausculte cette figure de notre espace routier, apparemment anodine, souvent moquée, mais plus riche qu'on ne le croit…


étienne Bossut, Autour d'un abri jaune, Villeurbanne, 1988 © Art / Entreprise

Pourquoi vous-êtes vous intéressé aux ronds-points ? Dans les années 1990, tandis que j’étais étudiant en architecture, la France se couvrait littéralement de ronds-points. Le phénomène m'a intrigué, car ces objets sont souvent perçus comme des aberrations, des sortes d’ovnis techniques. J'en ai donc fait mon sujet de mémoire, puis un livre. Quelle est l'origine de ces constructions ? En observant leur généalogie, on remarque qu'il ne s'agit pas de simples objets routiers. Ils présentent une forme renvoyant à la nuit des temps : ce sont des places circulaires.

Plus précisément, quelle serait leur date de création ? Le rond-point en tant que tel remonte aux chasses royales et aménagements des forêts d’Ile-de-France, à l'époque de Louis XIV. La chasse à courre nécessitait des lieux de ralliement. Ces structures offraient donc des repères, mais aussi des endroits pour observer le gibier. De plus, les épouses des chasseurs pouvaient attendre au centre de cette place pour suivre les événements. Par la suite, le giratoire, destiné à supprimer les accidents, fut inventé par un architecte français en 1906 : Eugène Hénard. suite


# 16

Patrick Raynaud, Giratoire, Villeurbanne, 1989 © Adagp, Paris

Quand les ronds-points ont-ils connu leur expansion ? à la suite d'un décret paru en 1983 visant à perfectionner le système giratoire français. Celui-ci encourage la "priorité à l’anneau", comme les Anglais. Depuis lors, c’est le véhicule engagé qui a la priorité sur tout nouvel arrivant. Auparavant on y respectait la priorité à droite. Mais on ne pouvait plus en sortir ni rentrer ! Cette révolution a entraîné une vraie prolifération.

Pour quelles raisons ? à cause des lois de décentralisation. Au début des années 1980 elles donnèrent aux maires le pouvoir d'aménager leur commune. Ils ont vu là une double opportunité : sécuriser un carrefour dangereux mais aussi embellir la ville. Les ronds-points

Celle-ci est-elle propre à l'Hexagone ? De nombreux giratoires ont fleuri en Europe, en Suisse ou en Espagne par exemple. Mais pas de manière aussi systématique qu'en France.

témoignaient de leur action politique auprès des administrés. Ils ont ainsi accéléré le processus, encourageant une surenchère de décorations, qui n'est pas une prescription technique.

« On peut trouver une forme d’élégance dans la banalité. »


Selon vous, pourquoi sont-ils autant décriés ? Parce qu’ils contrarient la circulation, ces lignes droites où l'on roulait rapidement. Des études montrent pourtant qu'ils réduisent le nombre et la gravité des accidents. De plus, s'ils n'impliquent pas de prix fixe, ils représentent une dépense visible. Cerise sur le gâteau, leur aménagement aléatoire, du massif floral à la commande d'œuvre d'art, amplifie la contestation.

« ils posent la question de l'art dans l'espace public. » Y a-t-il des améliorations à apporter ? Oui, en jouant sur la sobriété des bordures, par exemple, pour respecter la topographie naturelle. On peut aussi trouver une forme d’élégance dans la banalité, célébrant la beauté ordinaire de l’objet technique… Ces lieux supportent aussi des œuvres… Oui, et cela pose la question de la présence de l'art contemporain dans l'espace public. Il est vrai qu'une production très kitsch a fleuri sur ces emplacements. J’ai une certaine bienveillance pour cet art populaire, légitime, comme celui du nain de jardin.

Pourquoi les gilets jaunes s'en sont-ils emparés ? Parce qu'il s'agit d'abord d'une révolte de la France périurbaine. Dans ces territoires, la place de la mairie ou les centres historiques se sont dévitalisés, concurrencés par les supermarchés. Les habitants se déplacent essentiellement avec l'automobile. Il est donc logique qu’ils investissent un élément routier. Les gilets jaunes gagnent aussi en pouvoir de blocage sur ces ronds-points qui concentrent l'essentiel des voies. Enfin, ils présentent des qualités spatiales héritées d'une longue histoire… C'est-à-dire ? Leur îlot central offre une scène incomparable. On peut même l'aménager, comme le font les gilets jaunes. Aujourd'hui, tout à coup, on se souvient que les ronds-points furent des places, des lieux de rassemblement, comme si ces objets routiers renfermaient un ADN… C'est fascinant !

à lire / Du rond-point au giratoire, 176 p., 32 € L'Architecture de la voie, 528 p., 34 €, Eric Alonzo éditions Parenthèses, editionsparentheses.com

à lire / L'interview intégrale sur lm-magazine.com à visiter / www.kleinefenn.com

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société

Jean-Luc Plé

Le seigneur des anneaux

# 18

Vous ne connaissez peut-être pas son nom, mais vous avez sans doute déjà vu ses sculptures. Ou plutôt… tourné autour, derrière votre volant. Jean-Luc Plé est créateur d'œuvres sur rond-point, depuis 20 ans. De La Rochelle où il vit jusqu'à Cayenne, en Guyane, cet ancien ouvrier à la chaîne a réalisé plus d'une quarantaine de pièces. Du genre unique, et monumental. Rencontre avec le maître de l'"art giratoire".


J

ean-Luc Plé est ce qu'on appelle un personnage. Né au Mans en 1958, élevé au Havre, il fut d'abord ouvrier à l'usine Renault de Sandouville, puis pilote de course, designer, sculpteur d'enseignes publicitaires… Bref, « j'étais pas fait pour aller pointer », dit-il avec une gouaille de tonton flingueur. Son truc, ça a toujours été « l'art ». En 1998, il débarque par hasard en Charente-Maritime et concrétise son rêve… sur des ronds-points. Il nomme ça « l'art giratoire ». Mais pourquoi ce type d'emplacement ?

« Parce qu'il est gratuit ! Je veux que mes œuvres profitent à tout le monde, que vous rouliez en Rolls ou en 4L », clame-t-il derrière sa grosse moustache. Cagouilles pour tous Sa première production trône à Archiac, petite commune d'à peine suite

Cagouilles charentaises, 2012, Lorignac (Charente-Maritime) © Jean-Luc Plé


800 âmes mais célèbre pour sa Maison de la Vigne. Jean-Luc y a donc élevé un gigantesque tonneau, élégamment décerclé. Et le succès fut immédiat. « Depuis, les maires me sollicitent sans cesse car mes pièces valorisent l'identité locale, un savoir-faire, une histoire… ». Parmi sa quarantaine de créations, citons ses fameuses "Cagouilles charentaises", à Lorignac, soit deux escargots géants, dont l'un se contemple dans un miroir… « Ces villageois sont les premiers producteurs européens de cagouilles. Je les ai donc transformées en princesses ! ». Toutes les œuvres de Jean-Luc sont sculptées dans de la mousse polyuréthane. « En cas de choc violent avec un automobiliste, ce sont les statues qui explosent ». Eh oui, « on ne peut pas construire n'importe quoi sur un rond-point ». Entre autres règles à respecter, il y a celle des quatre

# 20

Tonneau & cerceaux géants, 2000, Archiac (Charente-Maritime) © Jean-Luc Plé

secondes, soit le temps d'attention maximale d'un conducteur engagé dans ces carrefours. Du win-win Mais combien ça coute ? Entre 35 000 et 100 000 euros. Mais Jean-Luc Plé n'est « pas matérialiste, dit-il. Je roule avec la même bagnole depuis 20 ans » . Ce qui l'anime avant tout, c'est la création. « J'ai encore plein de délires en tête, notamment un moine sonneur de cloches un peu spécial à Camaret ». Vous aurez saisi le rapport avec la chanson paillarde… D'aucuns jugeraient ses œuvres un peu kitsch, voire d'un goût douteux, mais notre homme n'en a cure. « Vous savez l'art, ça plaît ou pas. Et si je peux rendre les gens heureux, même quatre secondes… ». à visiter / plecreateurronds-points.fr à lire / La version intégrale sur lm-magazine.com



portfolio

# 22

Heartquake, 2017


Julien Pacaud Collé décalé Surgissant d’un passé aux contours élastiques, les personnages de Julien Pacaud se débattent dans de curieuses mises en scène. Tenez, cette gravure de mode s’extrayant sans une égratignure de gravats en suspension. Ou cette athlète optimiste visant, de son rocher, un minuscule panier de basket. L’humour a souvent sa place dans les collages digitaux du graphiste manceau. Le hasard aussi, à en croire la méthode de travail revendiquée depuis une dizaine d’années par ce spécialiste ès Photoshop « Je cherche des photos anciennes sur Internet, je scanne parfois de vieux magazines, m’arrêtant sur des personnes ou des objets que je trouve beaux. Mes collages sont des morceaux de fiction. Mais, je préfère ne pas trop expliquer, laissant libre cours à l’interprétation de chacun ». Même pas une image, pour la route ? Ces individus plongeant littéralement la tête dans la montagne, par exemple… « Ils m’ont été inspirés par la chanson When You Sleep de My Bloody Valentine », confie ce diplômé de l’école Louis Lumière. Parmi ses influences, il cite aussi les pochettes d’albums de Pink Floyd, le cinéma de Lynch et La Quatrième dimension. Enfin, comment ne pas évoquer Magritte devant cette baudruche plantée sur des jambes féminines ? « J’aime quand le bizarre fait irruption dans le banal », confirme-t-il. Cette démarche ne passe pas inaperçue. Julien Pacaud sévit ainsi dans les pages de magazines prestigieux. De sa souris alerte, il répond aux actualités les plus triviales par des illustrations décalées. La réalité n’a qu’à bien se tenir. Marine Durand

à visiter / julienpacaud.com à lire / L’interview de Julien Pacaud sur lm-magazine.com Perpendicular Dreams, Volumes I & II, collages de Julien Pacaud, textes de Jean-Christophe Sanchez, 128 p., 35 € (chaque volume)


Over Optimist, 2018


Secret Garden, 2018


High Rises, 2018


Half Captive, 2017


Rover, 2011


When you Sleep, 2009


# 30 musique


Interview

Lee Fields Roi de cœur

Propos recueillis par Sonia Abassi Photo Sesse Lind

à 68 ans, Lee Fields est un monument de la soul music américaine. Samplé par la jeune garde du rap US (de J Dilla à A$AP Rocky), compagnon de route de B.B. King ou de Kool and The Gang, celui qu’on surnomma "Little JB" pour sa ressemblance physique et vocale avec James Brown, n’a en effet publié que six albums en près de 50 ans de carrière ! Le dernier en date, It Rains Love, sort ce mois-ci et s’offre comme un brûlant chant d’amour, son éternelle préoccupation. Rencontre avec une légende bien vivante. Quand avez-vous commencé à chanter ? Dans la ville où j’ai grandi, en Caroline du Nord, vers 13 ans. J’ai débuté dans un chœur à l’église puis participé à un concours de talents à cause d’un pari (rires) ! C’est un ami qui m’a poussé à monter sur scène. Le public est devenu dingue ! Avez-vous vraiment enregistré vos premiers morceaux dans le studio où James Brown a immortalisé Papa’s Got a Brand New Bag… Oui, j'avais 17 ans à l’époque. Cette chanson était un immense

hit, j’avais du mal à croire que je travaillais dans le même studio que James Brown. C’était une énorme star, les plus grands s’inspiraient de lui. Il m’a aussi beaucoup influencé, comme Sam Cooke ou Solomon Burke. Vous avez aussi collaboré avec de nombreux artistes tels B.B. King, Bobby Womack ou Kool and The Gang. Que vous ont-ils apporté ? J’ai appris de tout le monde. Je prête attention aux moindres détails et c’est encore le cas aujourd’hui. Pour rester à la page, mieux vaut suite


rester curieux. Je pars du principe que je ne sais rien, continuant d’apprendre sans cesse, tel un enfant (rires) ! Comment votre premier album a-t-il vu le jour ? Au départ j’étais chez London Records, comme Tom Jones. Lorsque mon contrat a expiré j'ai fondé mon propre label. On était au début des seventies et la tendance était à la musique qui remuait les foules ! J’en ai profité, et tout s’est accéléré pour ne s’arrêter qu’au début des années 1980.

Pourquoi êtes-vous tant attiré par la soul ? Cette musique s'adresse directement à l’esprit, elle se rapproche du gospel. Un vrai soulman garde toujours cela en tête. Beaucoup de chanteurs ont tendance à s’éterniser sur la chair, délivrant un message contraire...

Comment avez-vous vécu ce passage à vide ? Vu que dans les eighties on ne me demandait plus autant, j’ai commencé à remettre en question mes choix. Je me sentais frustré, mais la lecture de la Bible m’a redonné de l’espoir. En ces temps plus sombres, j'ai entrevu la lumière.

Le sentiment amoureux semble omniprésent dans votre œuvre… Oui, c’est un sentiment indestructible et intemporel. C’est grâce à lui que nous réalisons les choses les plus folles ! L'un des moments les plus forts de ma vie reste ma rencontre avec ma femme. Nous sommes tombés amoureux l’un de l’autre à la minute où nous nous sommes vus. Cinquante ans de mariage et toujours autant de passion ! Je tire aussi toute ma joie de la naissance de chacun de mes enfants. Pas des choses matérielles.

Comment décririez-vous votre style ? Je veux créer une musique nous rapprochant les uns des autres. Pour cela, tout est dans le rythme. Le nôtre s'accorde aux battements de cœur du public. Voilà pourquoi

Votre mère a aussi joué un rôle important dans votre vie, n’estce pas ? C'était la meilleure personne qui soit. Elle a créé tous mes costumes. Avec ma femme, elles pouvaient conduire toute la journée

« Tout est une question de rythme. »

# 32

j’adore jouer avec un live band, symbolisant lui-même cet esprit de groupe.


pour dénicher le bon tissu. Comme je joue de la soul, les gens ont tendance à me considérer comme un gars "old school", mais j’ai toujours cherché quelque chose d’un peu futuriste. Comment êtes-vous passé de Lee Fields à Lee Fields and The Expressions ? Il y a quelques années deux hommes, Jeff Silverman et Leon Michels, m’ont appelé pour me proposer une chanson. J’étais persuadé qu’ils avaient mon âge et étaient noirs car ils se montraient incollables sur la soul. Mais j’ai vu débarquer chez moi deux gamins blancs à peine sortis de l’université (rires) ! Ce titre a entraîné la création de l’album Honey Dove, puis de Lee Fields and The Expressions !

De quoi parle votre nouvel album, It Rains Love ? Il repose sur une idée : subitement, il pleut de l’amour sur le monde. Lorsqu'une goutte te touche, tu te soucies de l’autre, qu’importe la couleur de sa peau. Cela te pousse à agir de manière positive, et à bâtir un monde meilleur. à quoi pouvons-nous nous attendre sur scène ? à ce que je donne tout ! Quand je quitterai la scène, il ne me restera plus rien.

Anvers, 28.04, De Roma, 20 h, 25 / 23 €, deroma.be Lille, 30.04, L’Aéronef, 20 h, 26 > 19 €, aeronef.fr à lire / L'interview intégrale sur lm-magazine.com


© Olga Baczynska

# 34 musique


beirut

Retour en fanfare C'est d'un retour inespéré dont il s'agit ici. Ou plutôt, une inspiration nouvelle. Car Beirut nous avait laissés en plan voici quatre ans avec No No No – de ces disques que l'on n'écoute guère, ou d'une oreille distraite. Ce ne sera pas le cas de cet album. Ni, a priori, des concerts à suivre…

O

n l'avoue, on ne s'est jamais totalement remis de Gulag Orkestar (2006). Pourtant, on en voyait les ficelles : ces chansons nourries de fanfares balkaniques et d'accordéons forcément désuets, on pensait les avoir déjà entendues chez Goran Bregović. La référence vous semble facile ? Elle est pourtant vraie. Originaire de Santa Fe (Nouveau-Mexique), Zach Condon a passé sa jeunesse à rêver de la vieille Europe et à regarder des films d'Emir Kusturica – dont la musique était signée… Goran Bregović. Même si Condon est désormais plus acerbe envers ce musicien, il en fut marqué à jamais. Voilà pourquoi il reproduisit ses visions sonores et fantasmées. Le résultat ? Ahurissant. Sans doute grâce à cette voix magnétique, chargée de mélancolie et gorgée de larmes. Coup de foudre La suite ne fut pas totalement à la hauteur de ce coup de maître réalisé à l'âge de 20 ans. Oh, rien de déshonorant, on se laissait prendre par quelques mélodies et tremper par quelques pluies de cordes, mais la magie avait disparu. Belle surprise, donc, de le redécouvrir avec Gallipoli, cinquième album enregistré entre New York, Berlin et l'Italie (Gallipoli est une petite cité côtière située dans les Pouilles). Pianos, cuivres et orgue Farfisa enluminent l'inspiration divine et la voix céleste (ou l'inverse) de l'Américain aux semelles de vent. La preuve que le coup de foudre peut frapper deux fois au même endroit. Thibaut Allemand Bruxelles, 02.04, Forest National 20 h, 35 €, www.forest-national.be


Pièces de choix

Shannon Wright © Jason Maris

musique

PZZLE Festival

# 36

Cinquième édition pour ce festival né à Villeneuve d’Ascq. S'il a perdu une lettre au passage (le "u", pour "you"), ce rendez-vous remet les points sur les "i" : oui, on peut goûter à une culture indépendante, exigeante et festive. Ici, on s'éparpille (façon puzzle) entre concerts, rencontres, ateliers, indie market, fooding… Ce n’est pas un hasard si PZZLE s’assemble depuis quatre ans à la maison Folie de Moulins. La raison et la folie sont les deux composantes de ce temps fort de la métropole lilloise. Dédiée aux "cultures indépendantes", cette programmation ne répond pas à l’actualité discographique, et engage une réflexion sur la décroissance. On observe ici une préoccupation pour le public et son environnement au sens large. Le droit d'entrée modique permet d'assister à des conférences sur le zéro déchet, de manger local tout en chinant des vêtements. Pour autant, les 12 groupes invités ne font pas de la figuration ! Pièces maîtresses du jeu, les Britanniques de Toy présentent leur album Happy in the Hollow, libérant de fascinants brouillards kraut. La soirée du samedi est emmenée par les femmes avec, entre autres, le rock déchirant de l’Américaine Shannon Wright. Les presLille, 05 > 07.04, maison Folie Moulins, ven : 18 h, sam : 16 h, dim : tations s'imbriquent ensuite, entre la salle de 12 h, 1 jour : 14 / 12 €, 2 jours : 22 > 16 € concerts et la petite scène de la Bulle. Citons (concerts d'Antoine Pesle, Yolande Bashing, It It Anita, Louis Minus II et le Bristolien Matt Elliott, accompagné du trio journée du dimanche : gratuit), www.pzzlefestival.com de cordes Vacarme, ou les enfants terribles de l’écurie Born Bad, Cyril Cyril. Accessible Sélection : 05.04 : Toy, Le Prince Harry, Cyril Cyril… // 06.04 : Shannon Wright, gratuitement, le noise effréné de It It Anita Matt Elliott et Vacarme, It It Anita… 07.04 : Hyperculte, Borja Flames, Afrojaws complète ce joli casse-tête. Mathieu Dauchy



Quelle tour de Babel(gique) ! Née à Gand d'un père guadeloupéen et d'une mère martiniquaise, Charlotte Adigéry chante en anglais comme en français. Ses deux (indispensables) EP furent édités par Deewee, la précieuse structure des frères Dewaele (Soulwax). Autant dire que nous sommes chez des gens d'un goût certain et, mieux, ouverts à tous les vents. On avait succombé en 2017 aux piques féministes et pas dupes de Senegal Seduction, on tombe encore une fois sous le charme de cette pop électronique mâtinée d'influences caribéennes. Et si l'avenir des musiques de la diaspora africaine passait par la Flandre ? Quel tour de magie ! T.A. Bruxelles, 04.04, Ancienne Belgique (Brdcst Festival), 20 h, 20 / 19 €, www.abconcerts.be

© Julien Mignot

# 38

jeanne added Depuis la pratique du chant lyrique et du jazz jusqu’à la consécration aux Victoires de la musique, l'œuvre de cette Rémoise dégage la même intensité. Sa voix déploie des trésors de musicalité et de nuances, tantôt dans la puissance tantôt dans la retenue. écrites pour transporter la foule, ses compositions pop synthétiques révèlent toute leur force sur scène. Derrière une apparente mélancolie perce alors une note d'espoir. J.D. Amiens, 05.04, Maison de la Culture, 20 h 30, 29 > 13 € Bruxelles, 02.05, Botanique (Les Nuits), 19 h, 26 / 19 €

© DR

musique

Charlotte Adigéry



© Ph. Lebruman

Malik Djoudi

accords sensibles

# 40

Certes, Malik Djoudi a suivi les cours de chant de Klaus Blasquiz, premier chanteur de Magma. Mais ne vous inquiétez pas : le trentenaire ne s'exprime pas en kobaïen, plutôt dans un français élégant, à l'ombre de Christophe, Chamfort ou Sheller. Comme ces trois totems (décidément cités par à peu près toute la génération actuelle), ce Poitevin prend sa pop à bras-le-corps, la confronte au grand air contemporain et pose la chanson d'ici sur des trames électroniques, tantôt languides, tantôt aériennes et, le plus souvent, les deux à la fois. Peut-être lirez-vous ailleurs des éloges mettant Malik Djoudi dans le même sac que d'autres artistes plus ou moins fréquentables (de Juliette Armanet aux Pirouettes, pour le dire vite). N'empêche, ces morceaux légers et futiles comme dirait l'autre, font parfois du bien. C'est le principal. Même si, entre nous, un peu de rugosité, bien cachée sous de doux arrangements, ne ferait pas de mal à l'affaire. T.A. Lille, 10.04, L’Aéronef, 20 h, 18 > 5 €, www.aeronef.fr Amiens, 11.04, La Lune des Pirates, 20 h 30, 12 / 7 €, www.lalune.net Bruxelles, 12.04, Botanique, 19 h 30, 19 > 13 €, www.botanique.be Béthune, 17.05, Le Poche, 20 h 30, 12 / 10 €, lepoche.fr



Salut les copains

© Studio Brammer

Avant de fonder son studio à Munich, Hansjörg Moroder (pour l'état civil) jouait de la basse. En 1962, il a assuré les premières parties de Johnny Hallyday et a même interprété Souvenirs, souvenirs avec lui. Dans la foulée, ce drôle de yéyé a commis une chanson en allemand pour France Gall, Ein bißchen Goethe, ein bißchen Bonaparte. Non, c'était pas toujours mieux avant.

« Faire du clavier aujourd'hui ça devient difficile, parce que j'ai deux doigts morts. »

# 42

Summer of Love Sa collaboration avec Donna Summer lui vaudra une gloire éternelle. Citons Love to Love You Baby (17 minutes ! L'ancêtre du "maxi", censuré pour son côté, disons, "sulfureux"), Hot Stuff, Bad Girls et bien sûr I Feel Love. Composé uniquement avec des séquenceurs, ce titre posera les bases de la dance-music et même de la musique électronique. Merci qui ?


Tête d'affiche Giorgio et le cinéma, c'est une affaire qui roule. De Scarface à L'Histoire sans fin (on lui doit The Never Ending Story de Limahl) en passant par American Gigolo, l'Italien a signé une flopée de bandes originales. Il reçut même trois oscars : pour la musique de Midnight Express (inoubliable Chase) mais aussi What a Feeling (Flashdance) et Take my Breath Away (Top Gun).

Le Par rain

Giorgio Moroder

Mieux vaut tard que jamais. à bientôt 79 printemps (il les fêtera à la fin de ce mois), Giorgio Moroder entame sa toute première tournée mondiale. Accompagné par plusieurs instrumentistes et choristes, le pape du disco a largement de quoi nourrir son show. Des hits avec Donna Summer aux musiques de films, l'Italien aux 100 disques d'or ou de platine a écrit l'une des plus belles pages de l'histoire de la dance-music. Avec ou sans moustache. ➤ Bruxelles, 09 & 10.04, Ancienne Belgique, 20 h 30, 48 / 47 € (mer : complet !), www.abconcerts.be

Hit machine

Hors-piste

Outre Donna Summer, Moroder a livré des tubes clés en main à Blondie (Call Me), Sparks (When I'm with you), Bowie (Cat People), Freddie Mercury (Love Kills), on en passe...

à force de tenter tout et n'importe quoi, notre moustachu s'est retrouvé en eaux troubles. En 2000, il a signé la BO d'un documentaire sur les poissons, réalisé par Leni Riefenstahl, la cinéaste d'Hitler... « Ok, c'était un peu pervers, mais j'ai pas pu refuser… concédera-t-il. Quel compositeur a eu l'occasion de travailler avec la dernière nazie ? Et rien que de l'imaginer à 80 ans en train de tourner sous l'eau… ».


musique

© Derris West

drake Plus qu’un concert, un spectacle pyrotechnique. Lors de cette tournée accompagnant la sortie de son cinquième album (Scorpion), entre autres déluges d’effets spéciaux, Drake fait léviter une Ferrari jaune au-dessus du public – il s’agirait d’un ballon télécommandé. Un tour de passe-passe à la (dé)mesure du Canadien, cumulant selon le Billboard plus de 50 milliards de streamings, toutes plateformes confondues, et s’imposant comme l’artiste le plus écouté de tous les temps. Défricheur de talents, le Rapetou des charts a conquis le monde en mêlant r’n’b’ mélancolique, rap minimaliste et introspectif. Mais bon, vous connaissez déjà la chanson… J.D. Anvers, 13.04, Sportpaleis, 18 h 30, 109,14 > 56,51 €, www.sportpaleis.be

# 44

© Donald Milne

Teenage Fanclub S'ils ne sont plus vraiment "teenage" (nos Ecossais affichent une cinquantaine bien sonnée) leur fan-club répond toujours présent, et semble rajeunir de concert en concert. On y retrouve évidemment les anciens qui se souviennent du label Creation et des premières parties de Nirvana. Mais on croise également les plus jeunes, qui ont découvert les Fannies avec des albums plus récents et gorgés de mélodies pop, tendant vers un classicisme intemporel. T.A. Lille, 16.04, L'Aéronef, 20 h, 22 > 14 €, aeronef.fr



L'oreille musicale

Stingray © DR

musique

Listen ! Festival

# 46

Né en 2016 sous l'impulsion de Lorenzo Serra, figure du clubbing bruxellois (les fameuses soirées cultes Dirty Dancing et Libertine Supersport), le Listen ! Festival a fait preuve d'une belle ambition dès sa première édition. Trois ans plus tard, le pari est tenu. Haut la main. Et arms in the air. Investissant plusieurs lieux, confrontant musiques électronique et classique, ne délaissant pas les dancefloors mais proposant des ateliers ou des conférences, ce festival s'est d'emblée imposé comme l'équivalent belge des Nuits Sonores lyonnaises – excusez du peu ! Il faut dire que la vitalité de la scène belge et le flair du programmateur ne pouvaient donner qu'un résultat réussi. A priori, aucune déception en perspective cette année. On a bien entendu repéré quelques noms, à commencer par le live de Tony Allen et Jeff Mills (cf LM 149) ou le taulier Andrew Weatherall. Rayon légende vivante, Maurice Fulton se pose aussi là, lui qui depuis plus de 20 ans embarque la house vers des contrées inconnues via le vaisseau Warp. Sur l'autre bord du spectre, on voue le même amour à la house vintage et millésimée du trentenaire Motor City Drum Ensemble. Et quid de Funkineven ? Le boss d'Apron a publié un superbe album de house empreint de jazz – curieux de le (re)découvrir en live. Enfin, on attend d'autres Bruxelles, 17 > 21.04, Divers lieux valeurs sûres telle Helena Hauff, dont 1 soir : 38 / 35 € (Flagey : Tony Allen & Jeff Mills), 26 > 25 € (Horta Gallery), 18 / 17 € (Les Brigittines), la techno abrasive a conquis, contre 15 / 14 w (La Vallée), 8 € (Quai 01), 6 / 5 € (VK), listenfestival.be toute attente, un (très) vaste public. À Sélection : 17.04 : Tony Allen & Jeff Mills l'image de ce rendez-vous, exigeant 19.04 : Funkineven, Lefto, Maurice Fulton... et accueillant. Thibaut Allemand 20.04 : Motor City Drum Ensemble, Palms Trax... 21.04 : Helena Hauff, Shackleton, A. Weatherall...



© Noémie D. Leclerc

Hubert Lenoir

Haut en couleur

# 48

A

ncien champion de ski acrobatique, ce Québécois de 25 ans n’a jamais eu froid aux yeux. Ni aux fesses d'ailleurs, dont l’une est tatouée d’une fleur de lys qu’il exhibe volontiers, sourire aux lèvres – réhaussées de rouge vermeil. Au pays de Xavier Dolan, auquel il emprunte l’audace et un sens certain de la provocation, cet éphèbe maquillé et un brin chiffonné affiche son androgynie en étendard, façon Boy George ou Bowie, comme un pied de nez à une virilité devenue un peu vaine. Déjà aperçu en première partie de Louise Attaque au sein de The Seasons, combo folk fondé par son frère Julien, Hubert Chiasson (pour l’état civil) a vite conquis les charts avec son premier album solo et des tubes comme Recommencer ou Ton hôtel. Présenté comme « un opéra post-moderne » et inspiré du roman de sa petiteamie (Noémie D. Leclerc), Darlène est un impressionnant collage de jazz psyché, glam-rock et pop sucrée. En un mot : culotté. Sur scène, on peut donc s’attendre à tout, mais pas à n’importe quoi. J.D.

Bruxelles, 26.04, Botanique (les Nuits), 20 h, 19 > 12 €, www.botanique.be



© Kathryn Vetter Miller

# 50 musique


Weyes Blood

En veine Après un disque de la trempe de Front Row Seat to Earth, beaucoup se seraient reposés sur leurs lauriers. Certains auraient même quitté le métier, car il est difficile de surpasser un tel exploit. Weyes Blood, elle, ne semble pas en panne d'inspiration. L'Américaine poursuit donc son petit bonhomme de chemin – sur une voie royale.

N

atalie Mering a seulement 30 ans, mais déjà vécu mille et une vies (ses chansons en donnent l'impression, en tout cas). Son CV n'est pas non plus avare. On pourrait d'abord évoquer son frère Zak (alias Raw Thrills), mais leurs œuvres n'ont rien à voir. Natalie a aussi passé quelques mois chez Jackie-O Motherfucker, formation dont on n'a jamais trouvé le fil d'Ariane et qui, à force de balader l'auditeur, s'est perdue en route. On l'a croisée chez Ariel Pink et réellement découverte en 2011 avec The Outside Room, qui ravivait les ombres de Nico, Lisa Gerrard et Joanna Newsom. De belles références. Mais le tout était traversé de noise encombrante. L'art de l'épure À partir de 2014, la jeune femme a recentré et simplifié son propos – pour le meilleur. On se souvient évidemment de la limpidité de The Innocents (2014). Et plus encore de Front Row Seat to Earth, album-sommet de l'an 2016. Dotée d'une voix impressionnante, certes, mais sans jamais en faire trop, la New-Yorkaise habillait son timbre d'arrangements à l'ampleur terrassante. Elle poursuit dans cette veine sur son dernier-né, Titanic Rising (voir page 59) qui ne souffre absolument pas de la comparaison. Vous l'at-on dit ? Sur scène, Weyes Blood conserve ce charme hiératique, celui d'une jeune femme ayant déjà vécu mille et une Dunkerque, 30.04, Les 4 Ecluses, 20 h vies, donc, mais qui jamais ne semble blasée. 13 / 10 €, www.4ecluses.com Simplement différente. Thibaut Allemand Bruxelles, 04.05, Botanique (Les Nuits), 20 h, 19 > 12 € www.botanique.be


AqMe + Black Bomb A

AqME © Yann Orhan

Ricard Live Music

Formé il y a pile 20 ans, AqME est donc parvenu à son... acmé. Après huit albums rageurs et vindicatifs, ces tauliers (et pionniers) de la scène metal (mais aussi stoner) française tirent donc leur révérence lors d'une tournée en forme de "best-of". On espère pogoter une dernière fois sur Tant d'années, Tout à un détail près ou Une Vie pour rien. Et on se console aussi avec le punk hardcore de Black Bomb A, en première partie (en espérant qu'il n'explose pas non plus en route...). A.B.

Voilà plus de 30 ans que la Société Ricard Live Music défend la jeune scène française, à travers des concerts gratuits dans tout l'Hexagone. Si on ne présente plus les énergumènes de Salut c'est cool, on attend à Lille la sensation electro-pop Suzane et la révélation Dampa (lauréat de cette édition). Déjà repéré par Vitalic ou Yves Saint Laurent (Thunderball habille une pub de la marque), ce duo rochelais mêle flow sauvage, trip-hop sombre et synthés soyeux. à découvrir sans tarder ! J.D. Salut c'est cool + Suzane + Dampa Lille, 13.05, L'Aéronef, 19 h, gratuit www.societericardlivemusic.com

Lille, 25.04, Le Splendid, 20 h, 29 €, le-splendid.com AqME (+ autres guests) Arlon, 26.04, L'Entrepôt, 20 h 30 16 / 14 €, www.entrepotarlon.be Liège, 27.04, Reflektor, 20 h, 19,50 €, reflektor.be Dampa © Sweet Ice Cream Photography

# 52

Beautiful Swamp Blues Festival Un gros coup de blues... qui donne la pêche. Ce festival convie des légendes du genre, à commencer par Zac Harmon. Ce taulier de la musique noire américaine nous renvoie en quelques accords de guitare dans son Mississipi natal. Virtuose de l'orgue Hammond, Raphaël Wressnig se produit le lendemain avec Gisele Jackson. Bercée par Aretha Franklin, la diva de Baltimore fut choriste pour Ray Charles – et ça s'entend. Révélé par The Mississippi Blues Child, Mr. Sipp ferme le ban sur une note de funk, et démontre que la relève est assurée. J.D. Calais, 26 > 28.04, La Halle, ven & sam : 19 h, dim : 17 h, pass 1 jour : 12 > 7 €, pass 3 jours : 23 €, calais.fr



Sam Fender

© DR

à 23 ans, Sam Fender fut nommé meilleur espoir aux derniers Brit Awards (dans le sillage d'une certaine Jorja Smith). Dans la galaxie indie-rock, cet autodidacte issu de Newcastle se distingue par des textes engagés. Point d'amour dans ses chansons, mais des charges contre le harcèlement sexuel ou la classe dirigeante (la moindre des choses...). épaulé par Barny Barnicott (Arctic Monkeys) il cultive son indépendance, au point de décliner une invitation dans un clip d'Ariana Grande – rien que pour ça, il mérite toute notre attention... A.B. Bruxelles, 28.04, Botanique (Les Nuits), 19 h 30, 21 / 14 €

et aussi… Lun 01.04 Crystal Fighters + Low Island Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 27/26e

Mar 02.04 Dälek Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 14>10e Manu Katché + The Scope Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e Rufus Wainwright Arras, Théâtre, 20h30, 35>15e

Mer 03.04 Comète Charleroi, Eden, 14h30, 10>6e Emily Wells Tourcoing, maison Folie Hospice d'Havré, 20h, 13>5e

# 54

Jeu 04.04

Jean-François Zygel Anzin, Théâtre, 20h30, 31>10e

Ven 05.04 Alice on the Roof Lille, L'Aéronef, 20h, 22>14e

Jeu 11.04 Le Motel + Numérobé Roubaix, La Cave aux Poètes, 19h, 14>10e

Ven 12.04

Depardieu chante Barbara Liège, Le Forum, 20h, 89>49e

L’Or du Commun Bruxelles, AB, 20h, 22/21e

Impure Wilhelmina + H E X… Béthune, Le Poche, 20h, 8/6e

The Flying Luttenbachers Dixmude, 4AD, 20h, 15>11e

Jean-François Zygel Dunkerque, Le Bateau-Feu, 20h, 15e

Helena Hauff + Maelstrom… Lille, L'Aéronef, 22h, 22>14e

Les Ogres de Barback Bruxelles, La Madeleine, 20h, 26,70€ Max Cooper Charleroi, Rockerill, 22h, 15/12e

Sam 06.04 Fixmer/McCarthy + QUAL… Bruxelles, Magasin 4, 20h, 25/20e Disiz La Peste + Blu Samu Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e

Paula Temple Lille, Magazine Club, 23h59, 12e

Sam 13.04 Maceo Plex + Marco Shuttle Bruxelles, Fuse, 23h, 16>12e

dim 14.04 Bloc Party # 9 Lille, place Oujda, 15 h, gratuit

Lun 15.04

K Á R Y Y N + CHARLOTTE ADIGÉRY + STEVE GUNN + DEAF CENTER … Bruxelles, Ancienne Belgique, 20h, 19e

Rumbaristas + Radio Barbã Dixmude, 4AD, 20h, 12>2,40e

Pup + Milk Teeth Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 12/9e

Dim 07.04

Mar 16.04

Decibelles + Pom Poko… Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 12e

Groundation + Eliasse Oignies, Le Métaphone, 18h, 20>14e

Stella Donnelly + Sofia Bolt Bruxelles, Botanique, 20h, 15>9e


Art brut © DR Expositions

Jusqu’au 21 avril

Regards sur la faune et la flore

Philippe Vanardois

illustrations et gravures

Théâtre

à partir du 27 avril

Ven. 26 avril – 20h30

Les ateliers JONCK

cie Hautblique

L’Eldorado de la récupération

sam. et dim.,15h > 19h, entrée libre

Appels entrants illimités

Concert Pop Rock

Sam. 27 avril – 21h

Art Brut + Jelly Bean

à partir de 13 ans

268 rue Jules-Guesde 59650 Villeneuve d’Ascq 03 20 61 01 46, www.villeneuvedascq.fr/feh facebook.com/fermedenhaut.vda


© Rob Haywood

The Hollies

Mer 17.04 Antibalas Lille, maison Folie Moulins, 20h, 16>5e Yak + Stella Donnelly Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 13/8e

Jeu 18.04 Mahalia Bruxelles, AB, 20h, 26/25e The Dandelion + The Groundswell Motion Lille, maison Folie Moulins, 20h, 9/8e Yak + Lady Bird Lille, L'Aéronef, 20h, 18>5e

Ven 19.04 Rodrigo y Gabriela Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 41,42>37,06e King Khan Louder Than Death + Fontaines D.C. Dixmude, 4AD, 20h, 9>1,40e

Sam 20.04 Daddy Long Legs + Chicken Head Dixmude, 4AD, 20h, 12>8e

# 56

Eagle Eye Cherry Lille, Le Splendid, 20h, 27,80e Dagoba + Princesses Leya… Lille, L'Aéronef, 20h, 22>14e

Ah, The Hollies ! S'il ne fallait retenir qu'un seul groupe des sixties, ce serait celui-ci. Hélas, ces génies anglais furent injustement comparés aux Beatles. Or, The Hollies étaient plus fins, audacieux et inventifs. Leur influence demeure perceptible dans à peu près tous les domaines de la création de ces cinquante dernières années – musique, cinéma, littérature, origami… Celle des "scarabées" ? Un poil exagérée. L'Histoire nous donnera raison. Nous sommes patients. T.A. Ostende, 30.04, Kursaal, 20 h, 64,50 > 44,50 €, kursaaloostende.be

Roméo Elvis Bruxelles, Forest National, 20h, 44,68>33,48e

Dim 21.04 Terry & Gyan Riley Bruges, Cactus Muziekcentrum, 20h, 25>5e

lun 22.04 Birdpen… Roubaix, La Cave aux Poètes, 18h, Gratuit abonnés

Mar 23.04 Panda Bear + Romain Cupper Bruxelles, Botanique, 20h, 24>17e

Mer 24.04 Léonie Pernet + Oré Tourcoing, maison Folie Hospice d'Havré, 20h, 14>5e

Jeu 25.04 Youssoupha Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19e Yarol + Howlin' Jaws Béthune, Le Poche, 20h30, 12/10e

Ven 26.04 Art Mengo Lens, Le Colisée, 20h, 15>7,50e Loud + Doxx + Bekar + Rymz Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15/12e

Krikor + Principles of Geometry + Camposs… Roubaix, La Cave aux Poètes, 23h, 14>10€

Sam 27.04 Vendredi sur mer… Bruxelles, Botanique, 20h, 19>12e Vera Sola Dixmude, 4AD, 20h, 11>7e Josman + Slimka + Youv Dee Oignies, Le Métaphone, 20h30, 18>12e Michel Fugain Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 40>34e Art Brut + Jelly Bean Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 21h, 8/5e

Dim 28.04 Kimberose Lille, Théâtre du Casino Barrière, 18h, 31>25e Lambchop Bruxelles, Botanique, 20h, 27/20e

Lun 29.04 Lou Doillon Bruxelles, Botanique, 20h, 30/23e

Mar 30.04 Agoria + Pierre… Bruxelles, Bozar, 20h, 16/12e



disques Little Simz

Grey Area (Age 101 Music) « J’emmerde ceux qui n’admettront jamais que je suis la meilleure, juste parce que j’ai des ovaires », affirme avec détermination Little Simz dans Venom. Sombre et haletant, le titre est à l’image de Grey Area, troisième album de la Londonienne la plus cotée du moment. Basse profonde, batterie survoltée et flow ténébreux... Simbi Ajikawo démontre une fois de plus son talent en alliant funk vaporeux, jazz évanescent et trap enfiévrée. Saluée par Kendrick Lamar lors de la sortie de Stillness In Wonderland en 2016, cette prodige de tout juste 25 ans place la barre plus haut encore. Elle modèle ici le beat à son image, intense et exaltée. Sur le tonitruant Offense, elle manie l’egotrip sans s’excuser, avant d’adopter un ton plus mélancolique avec Michael Kiwanuka (Flowers). Elle tempère ses désillusions sentimentales (Sherbet Sunset), tout en proclamant son amour d’elle-même dans un Selfish ensoleillé. Bref, ce disque introspectif et gorgé de spleen demeure néanmoins optimiste. Alors, au diable les haters, il n’en faut pas plus pour nous convaincre : Little Simz est bel et bien la meilleure. Sonia Abassi

Baptiste W. Hamon

# 58

Soleil, soleil bleu (BMG) À force de rêver de grands espaces, de Townes Van Zandt ou de Bob Dylan, Hamon s’est créé une autre identité, une panoplie. As de la mélodie laidback et de la country élégante, le Français chante parfois en anglais, et ça sonne creux. En revanche, le trentenaire s’avère orfèvre dans la langue de Jean-Louis Murat. Un idiome avec lequel il tisse des histoires où l’on plonge instantanément (l’essence du folk, non ?). Alors voici Hervé (en duo avec Miossec) ou Bloody Mary, comme autant de portraits impressionnistes. Il possède, en sus, un chant un peu hors d’âge, guère usité ces temps-ci. Déjà présent sur son premier LP (L’insouciance, 2015), l’insigne Will Oldham (Palace) répond à nouveau présent. Comme une évidence. Thibaut Allemand


Stella Donnelly Beware of the Dogs

(Secretly Canadian) Anonyme il y a encore deux ans, la voix angélique de Stella Donnelly a percé sur la toile avec le morceau Boys Will Be Boys, tube de ce premier album. Une chanson écrite dans sa chambre qui dénonce la minimisation des témoignages des victimes de viol. L’Australienne a lâché ce cri du cœur lorsqu’une amie lui a confié sa honte d’avoir subi une agression sexuelle. L’affaire Weinstein a servi de caisse de résonance aux douces mélodies pop et folk de cette artiste de 25 ans. Elle fait d’ailleurs référence au mouvement #MeToo dans le morceau Old Man qui ouvre le disque et annonce la couleur : « Maintenant c’est le monde qui t’attrape ». Un avertissement aux prédateurs et autres salauds : il n’y a pas que les chiens qui mordent. Hugo Guyon

Weyes Blood Titanic Rising (Sub Pop) Une chambre d’ado submergée par les flots. Au centre, Natalie Mering, alias Weyes Blood, nous fixe avec malice. Réalisée sans trucage dans une piscine en Californie, la pochette de Titanic Rising témoigne du jusqu’au-boutisme de l’Américaine. L’album l’est aussi, à sa manière. En à peine 40 minutes, la voix envoûtante de Mering et sa guitare folk sautillante rendent hommage à la pop des années 1960-70, des Kinks aux Beach Boys. La chanteuse se réfugie dans un âge d’or fantasmé, pour repousser la catastrophe imminente. Le désordre est aussi affectif que métaphysique, comme le souligne Andromeda, l’une des pépites du disque. Face au chaos, Weyes Blood prône le stoïcisme. La voie la plus raisonnable à suivre, quel que soit l’air du temps. Hugo Guyon

The Fall

Bend Sinister / The ‘Domesday’ Pay-Off Triad-Plus! (Beggars) Un peu plus d’un an après la disparition du finalement oxydable Mark E. Smith, Beggars réédite Bend Sinister (1986). Une chose importante : lorsqu’on découvre un groupe, on a tendance à se ruer sur les premiers albums, supposément porteurs de la sève première. Ce qui n’est pas le cas de The Fall, qui a traversé plusieurs périodes et s’est constamment renouvelé autour de la figure centrale de Smith. On peut donc découvrir The Fall via ce neuvième disque, issu de la période Brix, plus "pop" (toutes proportions gardées), évoquant parfois The B-52’s (Terry Waite Sez), annonçant Art Brut (R.O.D.) et plaçant, enfin, un titre dans les charts via Mr. Pharmacist, une… reprise des obscurs The Other Half. Trentetrois ans après, pas une ride. La hargne, ça conserve. Thibaut Allemand


© Stéphanie Delcloque

# 60 littérature


Salon du livre d'Arras

Lettres modernes Conflits sociaux, crise climatique... Autant de bonnes raisons de rester enfermés chez soi avec un bon bouquin ? Peut-être, mais n'oublions pas de débattre ! Sous-titré "d' expression populaire et de critique sociale", ce salon du livre nous invite à questionner notre monde qui déraille, entre fiction et réalité, avec de sacrés invités.

P

lus qu'un festival littéraire, « c'est un forum social, une manifestation culturelle au sens littéral », prévient François Annycke, directeur de l'association Colères du présent, qui organise ce rendez-vous. à chaque année son thème. Cette 18e édition s'intéresse à un pilier de notre démocratie : la justice. Ou plutôt l'injustice, qu'elle soit sociale ou morale. « C'est sans doute l'un des premiers sentiments que l'on ressent enfant ». On en discute notamment avec les journalistes Denis Robert et Benoît Collombat, le philosophe Gérard Bras ou les Pinçon-Charlot. Auteurs d'une BD avec étienne Lecroart (Les Riches au tribunal), nos sociologues préférés font l'objet d'une exposition aussi didactique que pertinente – pourquoi des années pour juger Cahuzac, et une poignée d'heures pour condamner des gilets jaunes ? Futur antérieur Au rayon des nouveautés, notons cette ouverture vers la science-fiction, genre à la pointe lorsqu'il s'agit d'ausculter les troubles sociétaux. à ce propos, on attend la présentation du nouveau livre… d'Alain Damasio ! Quinze ans après La Horde du Contrevent, le pape de la SF française présente en exclusivité à Arras son nouveau roman, Les furtifs, lors d'une lecture-musicale. Au menu ? Big data et contrôle des peuples, dans une société quadrillée par les nouvelles technologies. Confirmant que l'usage de nos outils connectés n'est jamais neutre, il nous invite à devenir « technocritique ». Julien Damien Salon du livre d’expression populaire et de critique sociale Arras, 29.04 > 01.05, Grand-Place et divers lieux,10 h > 19 h, gratuit, coleresdupresent.com + grande marche pour le vivant : Arras, 27.04, Gare, 14 h


livres Martin Winckler L’école des soignantes (P.O.L) Après Le Chœur des femmes, formidable description du paysage médical, Martin Winckler nous téléporte en 2039, au sein du Centre hospitalier holistique de Tourmens. L’ancien généraliste accueille son lecteur dans un utopique îlot de soin démocratique, féministe et inclusif, où est abolie la frontière hiérarchique entre médecin et patient. D’ailleurs, ces mots n’existent plus. Soignées et soignantes (la féminisation est de mise) évoluent à armes égales dans un lieu tenant autant du béguinage que de l’agora politique ou de l’asile – au sens premier. Ici, les équipes se questionnent sans cesse sur leurs usages, valeurs ou places. Dans cette fourmilière révolutionnaire, nous suivons Hannah, qui débute sa formation et gagne la confiance de Jean Atwood, célèbre praticienne (et héroïne du Chœur des femmes). Auteur et médecin militant, Martin Winckler compose ici un nouveau roman d’apprentissage choral, où l’engagement naît de l’émotion. Personnage à part entière, le CHHT impose son éthique contre toute marchandisation du soin et des êtres humains, au cœur d’une histoire éclairant avec bienveillance les ressentis et la puissance des femmes. 560 p., 21,50 €. Sarah Elghazi

Warren Lambert

# 62

Tropique du Splendid, essai sur la France des Bronzés (éd. Lettmotif) En fait, la Troupe du Splendid est de droite. Quel scoop ! Emmenée par des réacs tel Clavier, on n’en doutait guère. La mission de Warren Lambert semblait prometteuse : dessiner un portrait de la France à l’aune de cette trajectoire, d’un café-théâtre aux beaux quartiers – comme un retour aux sources pour ces humoristes originaires de Neuilly. Hélas, laborieusement écrit et volontiers outrancier, l’essai n’est pas transformé : Papy fait de la résistance, un film révisionniste ? Faut pas pousser pépé dans les orties… Ce livre manque de hauteur. De perspective. N’évoque pas, justement, l’humour des quarante dernières années, des Inconnus à Blanche Gardin, des Nuls au triste Elmaleh. Rien de tout cela. Lambert ronge son os, mais sa diatribe manque de muscles. 140 p., 18 €. Thibaut Allemand


Romain Bertrand

Sophie Hénaff

Le Détail du monde (Le Seuil)

Art et décès

Le nouvel essai de Romain Bertrand est né d’un échec. L’historien, si habile à disserter sur l’architecture des palais, s’est en effet trouvé dépourvu au moment d’écrire sur la jungle de Bornéo, qui constituait son terrain d’enquête. « Comment camper en une phrase le galbe d’une palme ? De quelle façon, mot à mot, rester dans le ton d’un buisson ? ». Si cette impuissance du langage à saisir les variations de la nature est devenue, de Goethe à Paul Valéry, un "topos" de la littérature, Bertrand la resitue dans l’évolution de notre rapport au vivant. Tandis que la sixième extinction de masse se poursuit, réinventer l’art de la description apparaît comme une nécessité. Par la plume ou le pinceau, il s’agit aussi de porter attention, de prendre soin. 288 p., 22 €. Raphaël Nieuwjaer

(Albin Michel) Après Poulets grillés et Rester groupés, Sophie Hénaff retrouve sa bande de bras cassés du 36 Quai des Orfèvres avec un plaisir non dissimulé. Mais l’heure est grave : en plein tournage du film narrant les exploits inespérés de la "Brigade des innocents", le producteur est poignardé. La capitaine Eva Rosière fait office de suspect numéro un... L’enquête est alors confiée au commissaire Anne Capestan et toute sa clique. Si l’on reste dans les codes classiques du polar, l’humour de l’auteure fait toujours mouche, comme les pitreries de Torrez dit "la scoumoune", Merlot, "le mondain du picrate", et consorts. Un troisième épisode réussi, en attendant l’adaptation prochaine en série télé. 320 p., 18,50 €. Marine Durand

Simon Clair Lizzy Mercier Descloux, une éclipse (Playlist Society) Mais où sont passées les gazelles ? Nul ne le sait. Et elle ? Sa vie, son œuvre ? C’est là tout l’enjeu de ce bel ouvrage. Où l’on marche sur les traces de cette one-hit wonder à l’existence bien plus riche (et presque aussi brève) que son tube. De Paris au Brésil en passant par New-York, Soweto ou l’Eure-et-Loir, on suit Lizzy, brindille et feu follet. Une Titi parisienne (magnifique évocation des Halles des années 1970) débarquée à NY en pleine vague no-wave, fricotant avec Richard Hell et Patti Smith, s’entichant de ce que l’on ne nomme pas encore "world music", et popularisant les musiques africaines avant Paul Simon ou Johnny Clegg. Séductrice, écorchée… C’était tout cela et plus encore, Lizzy. Plus qu’une biographie, une autre histoire des eighties. 168 p., 14 €. T. Allemand


Mango © Septième Factory

# 64

écrans


Les P'tites toiles d'Émile

Ça tourne ! Avis aux cinéphiles en herbe : "Les P’tites toiles d’Emile" déroule ses écrans près de chez vous ! Mis sur pied par l’association CinéLigue Hauts-de-France, ce festival de cinéma itinérant investit 12 communes des Flandres, pour une septième édition au scénario haletant, entre films d'animation, séries ou ateliers. Silence, moteur et action !

L

e septième art est une affaire de partage devant un écran géant. CinéLigue l'a bien compris. Depuis sept ans, cette association investit les salles des fêtes, théâtres ou même l'espace public de nos villes et villages dépourvus de cinémas. Et ses bobines regorgent de surprises. « Il s'agit de proposer une programmation des plus variées, entre avant-premières, classiques comme Kirikou et coups de cœur », soutient Anne Lidove, la directrice. à côté de Dragons 3 ou du Dumbo de Tim Burton, place est ainsi faite à de petites pépites. à l’instar de Mango, de Trevor Hardy, qui raconte en pâte à modeler l’histoire d’une petite taupe se rêvant plus footballeuse professionnelle que mineure. Héros en liberté Pour autant, pas question de rester "simples" spectateurs. « On travaille avec des associations du territoire pour accompagner ces séances d’activités originales », explique Anne Lidove. à Rexpoëde, Chicken Run est par exemple suivi d’un escape game géant (nos p’tits poulets devront ruser pour retrouver la liberté…). à Godewaersvelde, Minuscule 2 se prolonge dans la nature, « à la découverte des insectes de nos jardins », mais aussi des ruches, avec dégustation de miel à Flandres, 04 > 19.04 Bierne, Boëseghem, Bollezeele, l’appui… Le petit âne Ariol Coudekerque-Branche, Esquelbecq, Godewaersvelde, sort lui aussi de sa toile pour Hondschoote, Ochtezeele, Rexpoëde, Saint-Pierre-Brouck, Socx, Steenvoorde, 1 séance : 2, 60 € donner lieu « à une chasse (2,50 € à Coudekerque-Branche) aux trésors dans le plus beau 24 films projetés // chasse aux trésors (3 > 6 ans), Esquelbecq, 17.04, 15 h // spectacles sur les coulisses du bruitage paysage des Flandres, à par J.C Feldis, Socx, 12.04, 10 h + Coudekerque-Branche, Esquelbecq ». Ça tourne, on 12.04, 16 h // atelier Simpson, dès 10 ans, Rexpoëde, 18.04, 15 h, programme complet sur www.cineligue-hdf.org vous dit ! Alix Bailleau


à bras le cœur

© Mars Distribution

C’est ça l’amour

# 66

Cinq ans après Party Girl, Claire Burger signe son retour derrière la caméra avec C’est ça l’amour. Soit le portrait d’un père de famille qui tente de reconquérir sa femme. C’est Bouli Lanners qui campe cet homme brisé. Avec ce personnage, le comédien belge trouve son plus beau rôle au cinéma. En 2014, Claire Burger signait Party Girl avec ses amis Marie Amachoukeli et Samuel Theis. Un véritable coup de maître qui rafla la Caméra d’Or à Cannes et le César du meilleur premier film. Elle s'essaie aujourd’hui à la réalisation en solo. à l'instar de ses films précédents, C’est ça l’amour a été tourné à Forbach, sa ville natale. Il y est question de Mario, un homme élevant seul ses deux filles depuis le départ de sa femme. Frida, 14 ans, lui reproche cette séparation tandis que Niki, 17 ans, rêve d’indépendance. Au milieu, Mario, malheureux à en crever, espère le retour de son épouse… Après avoir focalisé sur des femmes, Claire Burger surprend en posant le regard sur le sexe soi-disant fort. Surtout, elle saisit des gens modestes, peu ou mal représentés au cinéma. La mise en scène, le découpage et un vrai sens de l’ellipse confèrent à ce long-métrage une tension palpable. Bouli Lanners évolue sans cesse sur le fil du rasoir, jusqu'à nous arracher des larmes. La jeune comédienne Justine Lacroix (Frida) brille quant à elle par un naturel déconcertant. C’est ça l’amour rappelle par endroits le cinéma de John Cassavetes. Et confirme que le septième De Claire Burger, avec Bouli Lanners, art français peut désormais compter avec Justine Lacroix, Sarah Henochsberg... En salle Claire Burger. Grégory Marouzé



écrans

De nuit et de fureur

© BAC films

L'époque Difficile de trouver titre plus ambitieux. Et pourtant L'époque ne se veut pas un film-somme, porté par un regard surplombant. D'une caméra aussi agile qu'attentive, il saisit plutôt des flux : de paroles, de pensées, d'énergie. Avec la jeunesse comme vigie, le présent se révèle dans toutes ses contradictions.

# 68

Entamé après les attentats de janvier 2015, le tournage de L'époque s'est achevé avec les élections présidentielles de 2017. Davantage qu'une chronique de la vie publique française, sagement scandée par des dates et évènements, le premier long-métrage de Matthieu Bareyre chemine au gré des rencontres. Des corps surgissent et s'emparent de l'espace offert par le cinéaste pour dire enfin ce qui les traverse. Quelques figures se dessinent, portées par la joie ou la colère. Tout la beauté du film est là : ne pas hiérarchiser les affects ou les actes, mais les accueillir avec une égale curiosité. Car l'époque, pour Bareyre, se révèle dans les chants et les cris, les manifestations et la danse, la violence et la tendresse. C'est ce qu'incarne avec une inventivité inouïe Rose, jeune femme rencontrée sur la Place de la République au début de Nuit debout. Ni séparées ni confondues, la fête et la politique deviennent avec elle les pôles d'une vie qui n'est plus mutilée par le pouvoir, les normes, les désirs factices. En cousant les nuits les unes aux autres, sans se soucier du point du jour, L'époque donne à respirer l'air du temps comme rarement. Ici, le fond de l'air est Rose. Raphaël Nieuwjaer Documentaire de Matthieu Bareyre Sortie le 17.04



© Patricia Peribañez - Samsa Film - TS Productions - Lama Films - Artémis Prod.

© Bac Films

# 70

Puzzle

Tel Aviv on Fire

Agnès, une Américaine de classe moyenne entièrement dévouée à sa famille et sa paroisse, se passionne pour un puzzle de 1 000 pièces représentant une mappemonde. Sur le papier, un film de près de deux heures reposant sur ce jeu de patience laisse perplexe. Et, au risque de mettre fin au suspense, l'intrigue n'est pas très haletante... Pour autant, Puzzle vaut le coup pour ses personnages, l'intelligence de son écriture et une réalisation tout en sobriété. La nouvelle lubie de notre héroïne l'amène ainsi à rencontrer un homme et la libère de la routine... Kelly Macdonald, révélée par la série Boardwalk Empire, livre d'ailleurs une performance bouleversante dans ce rôle de mère catholique dont les certitudes se retrouvent éparpillées. Façon puzzle, cela va de soi. Hugo Guyon

Salam, Palestinien résidant à Jérusalem, travaille en tant que stagiaire pour Tel Aviv on Fire, un soap opera arabe. Chaque matin, il traverse le même check-point pour rejoindre Ramallah. Mais un jour, il est arrêté par Assi, un officier israélien fan de la série. Pour s’en sortir, Salam prétend en être l'un des auteurs. Le voilà pris au piège : ses "gardiens" exigent un nouveau scénario... Suivant ce postulat, Sameh Zoabi offre un point de vue original sur le conflit israélo-palestinien. Grâce à ces allers-retours entre vie réelle et extraits d’un feuilleton caricaturalement manichéen, Tel Aviv on Fire se moque de la propagande affectant la création de tous bords. Il confirme aussi que la satire demeure une arme redoutable pour traiter les sujets douloureux. Grégory Marouzé

De Marc Turtletaub, avec Kelly Macdonald, David Denman, Irfan Khan... Sortie le 24.04

De Sameh Zoabi, avec Kais Nashif, Lubna Azabal, Yaniv Biton… Sortie le 03.04



événement

Eldorado

# 72

Conquête spéciale


Après avoir dispensé des Bombaysers, envisagé l'Europe XXL, les limites du Fantastic ou la Renaissance, lille3000 se lance à la conquête de l'Eldorado. Pérennisant l'"esprit de 2004", année où Lille fut désignée capitale européenne de la culture, cette triennale découvre de flamboyants horizons, à l’image du Mexique, invité d'honneur de cette édition. Où il sera question de musique, d'art visuel, de gastronomie, d’espoir, de fête, de politique, d’écologie… à l'abordage !

Simulation Alebrijes Rambla © Romain Greco


événement

Cix © Jean-Louis Chaumel

# 74

L

'eldorado ? Vaste sujet. 500 ans pile après la découverte du Mexique par Cortés, le mythe reste vivace. à vrai dire, il est aussi ancien que les premiers rêves de l’humanité. Quête d'un monde meilleur, d'une planète plus propre, d'un paradis collectif ou individuel (parfois artificiel), de richesses, d'une terre où simplement (sur)vivre… Les thèmes sont nombreux. « C'est avant tout la poursuite d'un idéal, résume Thierry Lesueur, coordinateur général de lille3000. Nous avons ainsi

conçu cet événement comme une grande chasse aux trésors, lointains ou proches, parfois enfouis en nous, à travers toute la métropole lilloise ».

« C'est avant tout la poursuite d'un idéal. » Expositions, concerts, spectacles, ateliers, bals… Ce programme foisonnant prend aussi ses aises dans les parcs et jardins, « cet or vert de


nos communes », à la faveur d'un calendrier s'étalant cette fois du printemps à l'automne. Ramblas et noubas à la fois artistique et festif, Eldorado s'appuie sur un invité de marque : le Mexique. « C'est un pays qui stimule l'imaginaire, selon Thierry Lesueur. Des Mayas au street art, son histoire est très riche, mêlant des cultures très anciennes, populaires et contemporaines ».

« Une grande fête à la manière de notre carnaval. » Dès lors, c'est toute la capitale des Flandres qui se métamorphose. à commencer par la rue Faidherbe, parcourue de monumentales "alebrijes", ces statues représentant des animaux chimériques. Les lieux culturels phares de la métropole ne sont bien sûr pas en reste. Quand le Tripostal favorise l’art contemporain via Eldorama, le musée de l’Hospice Comtesse célèbre de grands artistes aztèques, tels Frida Kahlo ou Diego Rivera (Intenso / Mexicano). La Gare Saint-Sauveur convie de son côté La Déesse verte, incarnation hybride de la Nature, au sein d'une exposition immersive.

Eldorama Ludique, mais aussi critique, cette exposition occupe les trois niveaux du Tripostal, pour autant de chapitres. « Il s'agit de raconter le grand récit de l'eldorado avec les œuvres d'artistes du monde entier », précise le cocommissaire, Jérôme Sans. Au rez-de-chaussée, Les Mondes rêvés illustrent les déclinaisons d’une quête animant les Hommes depuis la nuit des temps : espoir d'une vie meilleure, désir de plénitude ou de richesse… Quitte à poursuivre des chimères, à l'image de la chambre tapissée de miroirs (aux alouettes ?) de la Japonaise Yayoi Kusama, égarant le visiteur dans un espace infini. Au deuxième étage, La ruée s'intéresse aux véhicules de l'exode (voulu ou forcé), telle Hope d'Adel Abdessemed, représentant une barque remplie de déchets, métaphore cruelle du sort des migrants risquant leur peau en mer (dans l’indifférence générale). Les Nouveaux eldorados, enfin, figurent cette course effrénée « nous conduisant d'un mirage à un énième paradis ». On vous laisse découvrir lesquels… Lille, 27.04 > 01.09, Tripostal mer > dim : 10 h > 19 h, 9 / 7 €

suite Adel Abdessemed, Exit, 1996-2009 © A. Abdessemed


événement

Haydee Alonso, Inter-Acting 3, 2015 © Juuke Schoorl

US / Mexico Border

« On parle aussi beaucoup d'immigration, une préoccupation constante des artistes ». Ne serait-ce qu'à travers US / Mexico Border à la maison Folie Wazemmes, qui se penche sur la notion de frontière, au sens large.

# 76

Sky is not the limit Au passage, lille3000 décroche la lune… pour la poser dans la gare Lille-Flandres, histoire de célébrer les 50 ans de nos premiers pas sur l'astre nocturne. Œuvre du Britannique Luke Jerram, cette sphère de sept mètres de diamètre reproduit notre satellite avec une précision stratosphérique. Gonflée à l’hélium, elle est habillée de photographies de la NASA. En attendant, revenons un peu sur terre. La fiesta débute

à l'heure où Trump souhaite bâtir un mur entre le Mexique et les USA, cette exposition présentée au Craft and Folk Art Museum de Los Angeles en 2017 dévoile le travail d’une quarantaine d’artistes contemporains. Originaires des deux côtés de cette ligne, ces designers, sculpteurs, peintres, photographes, architectes explorent la notion de frontière, physique ou imaginaire. Lille,27.04 > 28.07, maison Folie Wazemmes mer > dim : 14 h > 19 h, gratuit, maisonsfolie.lille.fr

le 27 avril, avec une grande parade inaugurale. Artistes de rue, musiciens, bénévoles… près de 1 500 personnes mèneront la danse au milieu de marionnettes géantes mais aussi de chars à l'effigie des figures ou traditions mexicaines (catcheurs, fête des morts…). « Nous avons engagé un passionnant travail avec les harmonies et écoles de musique locales. Attendez-vous à une grande fête à la mexicaine, traversée par les danses, costumes et fanfares, un peu à la manière de notre carnaval ». Comment ne pas être conquis ? Julien Damien

Métropole lilloise, 27.04 > 01.12, divers lieux, www.lille3000.eu

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Luke Jerram, Museum of the Moon, 2018, installation, CathÊdrale de Liverpool Š Gareth Jones


événement

Nina Childress, Immeuble danois, 2017 Courtesy Galerie Bernard Jordan

Cynthia Gutiérrez, Melodía de sombras, 2016 © Javier M. Rodríguez

Les Enfants du paradis

La Déesse verte

Empruntant son titre au film de Marcel Carné (1945), mais aussi sa mélancolie et son extravagance, cet accrochage offre « le panorama d'une nouvelle génération de peintres », explique le co-commissaire, Jérôme Sans. à l’image des barres d'immeubles de Nina Childress, ces artistes révèlent « un regard désenchanté sur notre monde en perpétuelle redéfinition, où l'eldorado demeure une obligation ».

Sujet préoccupant nombre d'artistes sud-américains, la nature s'épanouit à la Gare Saint-Sauveur sous une forme hybride. à la fois personnage et paysage synesthésique, force bienveillante et menaçante, La Déesse verte nous convie au sein d'une serre dystopique. Ce terrain mêle culture préhispanique, SF, l’animal ou le végétal, photos, vidéos et installations de jeunes créateurs fascinants.

Tourcoing, 24.04 > 26.08, MUba Eugène Leroy tous les jours sauf mar : 13 h > 18 h, 5,50 / 3 € /  gratuit (-18 ans)

Lille, 27.04> 01.09, Gare Saint-Sauveur mer > dim : 12 h > 19 h, gratuit

# 78

eldorado / sélection Parade d’ouverture : Lille, 27.04, centre-ville, 19 h / Museum of The Moon (Luke Jerram) : Lille, 27.04 > 01.12, Gare Lille-Flandres / Intenso / Mexicano : Lille, 27.04 > 01.09, Musée de l'Hospice Comtesse Golden Room : Lille, 27.04 > 02.09, Palais des beaux-arts / Les collections du Musée d'art populaire de Mexico : Lille, 27.04 > 13.07, Musée d'histoire naturelle / Casa Loca : Lille, 27.04 > 28.07, maison Folie Moulins et Flow / Julien Salaud, Jungle et sentiment : Lambersart, 25.04 > 18.08, Colysée + Temps forts : Week-end jardins : 17 > 19.05 / Week-end Mexique : 07 > 09.06 // Week-end lune : 19 > 21.07…



exposition

# 80

Villeneuve d’Ascq, jusqu’au 11.06, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h, 11 > 5 € / gratuit (-18 ans), www.musee-lam.fr à lire / La version intégrale de cet article et l’interview de Jeanne-Bathilde Lacourt sur lm-magazine.com

Vue d'exposition © Cécile Fauré

Alberto Giacometti, une aventure moderne


Alberto Giacometti, Les Femmes de Venise, 1956 Plâtre, H. entre 108 et 138 cm

alberto giacometti

L’humanité sur un fil Trois ans après Amedeo Modigliani : L’œil intérieur, le LaM vibre à nouveau au diapason d’un immense artiste du siècle passé : Alberto Giacometti. Cette première grande rétrospective consacrée au Suisse dans le nord de la France raconte en 150 œuvres un parcours hors-norme. De ses premiers pas cubistes à l’influence de l’égypte antique, l'exposition est jalonnée de pièces iconiques et de résonances contemporaines. Photos Fondation Giacometti, Paris © Succession Alberto Giacometti (Fondation Giacometti, Paris + ADAGP, Paris), 2019

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exposition Alberto Giacometti, Boule suspendue, 1930-1931 Plâtre, métal peint, ficelle, 60,6 × 35,6 × 36,1 cm

Alberto Giacometti, Jacques Dupin, 1965 Huile sur toile, 65,5 × 54 cm Alberto Giacometti, Tête de Diego, vers 1937, Bronze, 19,2 × 11,5 × 17 cm

# 82

« Q

uand on voit un Giacometti, on s’en souvient », lance le directeur du LaM, Sébastien Delot. Ses fameuses statues longilignes, symboles d’une humanité à la fois en mouvement et fragile, tel L’Homme qui marche, ont en effet marqué l’imaginaire collectif. Pour autant, ces pièces « correspondent à une période tardive, et son œuvre affiche une immense diversité », précise Christian Alandete, le directeur artistique de l'Institut Giacometti. Car, comme tous les grands artistes, le Suisse

s’est beaucoup cherché avant d’imposer son style… à l’avant-garde Fils d’un peintre reconnu, Alberto Giacometti s’installe à Paris en 1922. Il se frotte alors à l’avant-garde de son temps. Comme en témoignent les trois salles inaugurales de ce parcours chrono-thématiques, ses premières créations sont cubistes, puis surréalistes. Sa B oul e s us p e n d u e , « premier objet à fonctionnement symbolique », représente une sphère flirtant avec une banane au sein d’une cage. Cette métaphore de l’acte sexuel bouleverse


André Breton et Salvador Dali. Selon Christian Alandete, « Giacometti est à ce moment-là un artiste très coté »… et met lui-même fin à ce succès. éternel insatisfait, il « fonctionne par crises ». Durant les dix années suivantes, il quitte la scène artistique pour revenir au modèle, portraiturant notamment son frère Diego.

Son œuvre s’éloigne certes de tout académisme, mais reste traversée par une influence aussi majeure qu'inattendue : l'antiquité égyptienne. On retrouve cette inspiration dans la posture de ses pièces les plus célèbres, telle Femme debout, « très hiératique, avec les bras le long du corps et les jambes soudées, ancrées dans le sol », décrypte Jeanne-Bathilde Lacourt, conservatrice en charge de l'art moderne au LaM. Ce choix esthétique ne doit rien au hasard. « La représentation antique égyptienne consiste à préserver une image du défunt. Il s'agit d'un art funéraire. Cet aspect est prégnant chez Giacometti, car il souhaite aussi conserver une trace de l'individu et, plus largement, de la figure humaine ». Comme une certaine… Annette Messager. Les survivants Intitulée Sans légende et montrée en contrepoint de cette exposition, l’installation de la plasticienne

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Alberto Giacometti, Grande femme I, 1960

Traces de vie


française se présente sous la forme d’objets du quotidien (lunettes, chaussures…) éparpillés sur le sol. Recouverts d’aluminium noir, ils esquissent les restes d’une humanité calcinée, dévastée par une catastrophe – l’œuvre fut conçue après le désastre nucléaire de Fukushima.

Plongée dans la pénombre et éclairée par des projecteurs animés, la pièce dévoile sur le mur un théâtre d’ombres d’où surgissent des sculptures de Giacometti. Ce sont des survivants, l’ultime représentation de l’Homme par-delà le temps… Julien Damien

# 84

Annette Messager, Sans légende, 2011-2012 Musée d'Art Moderne et Contemporain de Strasbourg © ADAGP, Paris, 2019. Photo : M. Bertola / Musées de Strasbourg



exposition

# 86

© Laurence Vray


L’art habite la ville

Les cieux grands ouverts Mons a pris goût à la fête. Prolongeant l’effervescence de 2015 par une biennale riche en événements participatifs, elle offre ses murs, places ou squares à une dizaine d’artistes franco-belges, telle une grande page blanche ne demandant qu'à être colorée. Baptisé "L’art habite la ville", le projet comprend des fresques, installations et ateliers, ayant pour dénominateur commun les souvenirs d’enfance.

V

ille de culture, Mons regarde l'avenir avec confiance, mais sans oublier ses racines. Pour preuve la semaine de liesse (celle du Doudou) qui agite ses moindres artères chaque année à la mi-juin. Le folklore régional irrigue d’ailleurs la programmation de "L’art habite la ville", conçue par Baptiste Fiore. « Nous, les Montois, avons des souvenirs communs. Enfants, nous allions tous à la plage au même endroit, par exemple. J’ai trouvé amusant de lancer les artistes sur ce thème », détaille le chargé de projet, qui a misé sur une vingtaine d’œuvres très diversifiées pour garnir ce musée à ciel ouvert. Célébrer le patrimoine Locale de l’étape, la photographe

© Oli-B

Laurence Vray accroche aux fenêtres murées de la rue d’Enghien les images de ses propres filles, capturant l’évanescence du passage à l’âge adulte. Tout autre public, mais même thème pour Olivier Sonck. suite


exposition

# 88

© Noir Artist

Le Tournaisien a recueilli lors d’ateliers d’écriture, à la maison d’arrêt de Mons, la parole de détenus s'exprimant sur leurs jeunes années. Ce spécialiste de l’art "graphico-littéraire" en tire de jolies formules s’affichant sur les murs de la prison. « Il a mis au point une peinture qui s'estompera bientôt, ne laissant que des traces, comme nos souvenirs d’enfance », confie Baptiste Fiore. Flânant du côté du square Roosevelt, ne manquez pas non plus la sculpture de David Mesguich, "glitch artist" de son état, du nom de ce courant esthétisant les anomalies numériques, les écrans victimes de bugs informatiques. Ce Français installé à Bruxelles puise dans les légendes du cru. Il réveille ainsi la jeune fille livrée au célèbre dragon de Mons en

amoureuse encadrée de papillons – ceux qui s’agitent dans son ventre, bien sûr. On partage ? Si l’art prend ses quartiers en ville, il n'en oublie pas ses habitants. Chacun est invité à se réapproprier ruelles et pavés et, surtout, à partager l’espace public. Après avoir convié plusieurs générations de Montois à se faire tirer le portrait, l’association Blanc Murmure leur a proposé de dessiner une photo, la leur ou celle des autres, sur des nichoirs exposés Place du Parc. Une référence à peine dissimulée au cocon familial, et une façon d’appréhender la cité avec poésie. Marine Durand Mons, 30.03 > 30.06, divers lieux en ville gratuit, www.mons2025.eu



exposition

# 90

Jef Aérosol, Casablanca, 2014 - Aérosol et pochoir sur palissade en bois, 72 x 102 cm Collection privée, Paris


Anders Gjennestad, Enter title here #10, 2018, Aérosol sur métal, 60 x 70 cm Collection particulière, Paris

Conquête urbaine

Les murs ont la parole Le musée des beaux-arts de Calais ouvre pour la première fois ses portes au street art. Rassemblant les œuvres de 60 créateurs emblématiques, Conquête urbaine remonte aux origines de ce mouvement artistique majeur (sans doute le plus important de notre temps), et témoigne de ses perpétuelles mutations. Alors, faisons le mur !

S

i le street art prit déjà ses aises entre quatre murs (on se souvient de Street Generation(s) à la Condition Publique de Roubaix), « c'est la première fois qu'il bénéficie d’une exposition d'envergure dans un musée français », assure Mathilde Jourdain. Sollicitée par l'institution calaisienne, la directrice de la galerie Mathgoth, à Paris, a réuni ici une soixantaine d'œuvres. Il s'agit de dresser, non pas un panorama complet, mais « un instantané de ce courant artistique, sans doute le plus important et universel

ayant jamais existé ». Issues des années 1960 à nos jours, « ces pièces ont été dénichées auprès de collectionneurs avertis, et n’ont pour l’essentiel jamais été vues ». On trouve évidemment les signatures de Keith Haring, Banksy ou Shepard Fairey (Obey) mais aussi pas mal de "frenchies", qui occupent une place de choix dans cette "conquête urbaine". Sacrés Français Au petit jeu des pionniers, l'histoire officielle retient en effet deux grands suite


# 92

Mad C, 12-53-19102017, 2017 - Aquarelle acrylique et peinture aérosol métallisée sur toile, 80 x 80 cm Collection de l'artiste

noms : Cornbread et Taki 183. L’un fut le premier à écrire son blase un peu partout dans les rues de Philadelphie, à la fin des années 1960 – pour séduire une jeune fille. L’autre profita de son métier de coursier pour répandre le sien à New-York, au tournant des seventies. Pourtant, le précurseur du street art serait bien… français ! En l'occurrence Gérard Zlotykamien, alias Zloty, qui tapissa dès 1963 les murs parisiens de ses "éphémères", silhouettes noires évoquant les irradiés d’Hiroshima. « Il a toujours peint dans la rue, initiant cette démarche avant tout le monde, confirme Mathilde Jourdain. S'il avait été américain, il aurait déjà un musée à son nom ».

Astro, Lenticulaire Pyramidal, 2018 Impression lenticulaire, 100 x 100 x 8 cm Courtesy galerie Loft 34, Paris

Le fauve est lâché Parmi les autres Français célébrés dans la cité côtière, évoquons le roi de la mosaïque, Invader, ou le pochoiriste Blek le Rat – « à chaque fois que je peins quelque chose, je découvre qu'il l'a déjà fait 20 ans avant ! », dira à son propos Banksy. Disposées suivant un parcours thématique, ces productions témoignent d'une discipline souvent engagée, et en constante évolution, à l'instar de Bordalo II. Le Portugais conçoit de monumentales sculptures avec des déchets (bidons, pneus…) pour dénoncer la pollution de nos villes, telle cette gigantesque panthère, totem d’un art se taillant désormais la part du lion. Julien Damien Calais, 06.04 > 03.11, Musée des beaux-arts mar > dim : 13 h > 18 h, 4 / 3 € / grat.(-5 ans), calais.fr



Wim Delvoye, Kermanshah, 2016, Tapis de soie sur moule en polyester © Courtesy Wim Delvoye / photo : Studio Delvoye

exposition

Wim Delvoye

Provoc en stock

# 94

D

epuis la fin des années 1980, Wim Delvoye choque autant qu'il interroge. Le plasticien flamand mêle le sublime au sordide, confronte les époques entre elles et, littéralement, l'art et le cochon. Pour preuve ses porcs recouverts de tapis orientaux, sagement assis aux Musées royaux dans la salle dédiée à Pierre Paul Rubens. Dans un étonnant dialogue entre passé et présent, cette rétrospective met ainsi en lumière 30 ans de provocation et de création tous azimuts. On y découvre bien sûr la fameuse Cloaca, ou "machine à caca", installation reproduisant le processus de digestion (et métaphore acerbe de la réduction de Homme à l'état de machine consommatrice). Tout aussi iconoclaste, la série Helix figure une chaîne d'ADN constituée de crucifix, pour mieux mettre en relief nos croyances en une vie éternelle et nos limites biologiques. Mais plus qu'un simple résumé, l'exposition dévoile aussi les toutes nouvelles créations du Gantois, tels ces bas-reliefs en marbre immortalisant le jeu Bruxelles, jusqu'au 21.07 Musées royaux des beaux-arts de vidéo Fortnite, phénomène de société qui Belgique, mar > ven : 10 h > 17 h, sam ne pouvait échapper à son regard amusé – & dim : 11 h > 18 h, 14,50 > 8 € / gratuit (-6 ans), www.fine-arts-museum.be et amusant. J.D.



à hauteur d'homme

Vue d'exposition © Julien Damien

L'Algérie de Gustave Guillaumet (1840 - 1887)

# 96

à travers le regard empathique de Gustave Guillaumet, La Piscine de Roubaix ouvre une fenêtre sur l'histoire coloniale française en Algérie. Cette exposition célèbre une figure emblématique de la peinture orientaliste, hélas trop méconnue (sa dernière rétrospective remonte à… 1899). Entre histoire et ethnographie, elle révèle une œuvre humaniste. Si Gustave Guillaumet consacra sa courte vie à l'Algérie, c'est par hasard qu'il découvrit ce pays à la fin du xixe siècle, devant initialement embarquer pour l'Italie. Dès lors, le Parisien « en tomba amoureux fou », indique Marie Gautheron, commissaire scientifique de cette exposition. Affilié au courant orientaliste, il se situe pourtant à rebours de l'exotisme idéalisé par Fromentin. « Guillaumet ne travaille pas au service d'une Algérie fantasmée, flattant le regard des métropolitains. Il dévoile plutôt le quotidien des petites gens de manière très respectueuse ». Ses scènes de genre subliment par exemple des paysans sous une lumière crépusculaire, renvoyant indéniablement à Millet. On pense aussi à Velasquez devant le clair-obscur des Tisseuses à Bou-Saâda. Mais Gustave Guillaumet n'hésite pas non plus à dénoncer les événements tragiques meurtrissant une Algérie tout juste annexée par la France. Empruntant au romantisme de Delacroix, La Famine témoigne d'une actualité dramatique, entre les années 1866 et 68, « durant lesquelles un tiers de la population algérienne fut décimée par Roubaix, jusqu'au 02.06, La Piscine la famine ». Un regard sans concession qui, mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, peut-être, empêchera l'artiste d'être reconsam & dim : 13 h > 18 h, 11 / 9 € / gratuit (-18 ans), roubaix-lapiscine.com nu à sa juste valeur… Julien Damien



éos et Memnon (intérieur), Douris, coupe, vers 490-480 avant J.C., Musée du Louvre – DAGER © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski

exposition

Homère

# 98

Mythes et merveilles Célébré l'été dernier par Sylvain Tesson, Homère nous fascine depuis près de trois millénaires. Le "prince des poètes" a-t-il seulement existé ? Cachet-il un collectif ? Pourquoi (et comment) ses mots ont-ils traversé les siècles, passant du récit oral à l'écrit ? Après avoir exploré les mystères de l'amour, le Louvre-Lens nous (re)plonge dans L'Iliade et L'Odyssée, en pleine Guerre de Troie, sous le regard des dieux de l'Olympe ou dans les pas d'Achille, Ulysse et Hector. Peintures (de Pierre-Paul Rubens, Chagall, Watteau ou Cy Twombly), sculptures (d'Antoine Bourdelle), pièces archéologiques rares, extraits de films (tel O’Brother des frères Coen), voire caricatures (celles de Daumier en tête) décryptent l'influence de l'aède sur les artistes à travers les âges. Plus largement, ces œuvres mesurent son Lens, jusqu'au 22.07, Louvre-Lens empreinte dans notre imaginaire collectif et tous les jours sauf mar : 10 h > 18 h la culture occidentale. Une exposition déjà 10 > 5 € / gratuit (-18 ans) www.louvrelens.fr mythique – forcément. J.D.



Onyx, centre culturel à Saint-Herblain (Loire-Atlantique). Myrto Vitart architecte pour Jean Nouvel et Associés, 1987-1988 © Georges Fessy, 1988

Georges Fessy et la photographie

Né en 1937, Georges Fessy est considéré comme l'un des meilleurs photographes d'architecture en France. De par ses cadrages uniques et ses jeux de lumière, cet autodidacte a magnifié des monuments d'exception signés par les plus grands bâtisseurs, de Jean Nouvel à Dominique Perrault, en passant par Jean-Baptiste André Godin. Cette rétrospective restitue en une centaine d'images l'œuvre d'un témoin discret, mais essentiel, de notre temps. J.D. Guise, 13.04 > 13.10, Familistère, tous les jours : 10 h > 18 h, 9 > 4 € / gratuit (-10 ans), www.familistere.com

© FondationLe Corbusier, Le Corbusier - Modulor

# 100

Le Corbusier

Père de l'architecture moderne, Le Corbusier était convaincu qu'une ville bien pensée améliorait le quotidien de ses habitants. Dans sa "Cité radieuse", l'Homme vit dans un lieu ordonné et fonctionnel. En 1933, il remporta un concours pour aménager la rive gauche d'Anvers (Linkeroever), et ainsi mettre en application cette doctrine. Le projet ne vit jamais le jour, mais ce grand plan fut soigneusement conservé à Bruxelles. Pièce maîtresse de cette exposition (entre autres films et photos), il est ici décliné en neuf parties et mis en relief avec la mégalopole de Chandigarh, élevée en 1947, en Inde, lors d'une balade entre réel et imaginaire. J.D. Anvers, 06.04 > 18.08, MAS, mar > ven : 10 h > 17 h sam & dim : 10 h > 18 h, 10 / 8 € / gratuit (-12 ans), mas.be



À cœur battant

à Bruxelles, l’ADAM retrace l’épopée du clubbing sous le prisme du design et de l’architecture, des années 1960 à nos jours, du rock à la techno en passant par le disco. Le Paradise Garage, l’Haçienda, le Studio 54, le Berghain… Autant de noms mythiques, mais aussi de lieux d’émancipation, observés à travers un angle inédit. En filigrane, ces films, photos, mixtapes, maquettes, meubles et même une installation immersive dessinent une passionnante histoire de la musique. J.D.

Depuis 2013, le Musée des beauxarts d'Arras et l'Être Lieu invitent un artiste à créer des œuvres éphémères. Ils donnent cette année carte blanche à Sabrina Vitali. S'inspirant du tableau de Laurent de La Hyre, La Mort des enfants de Béthel (1653), la Parisienne a conçu dans l'ancienne abbaye Saint-Vaast une installation en végétaux. Pensée comme un jardin intérieur, elle se métamorphose au fil du temps, autorisant la contemplation comme la réflexion sur la fragilité de la nature. J.D.

Bruxelles, jusqu’au 05.05, ADAM – Brussels Design Museum, tous les jours : 10 h > 18 h 8 > 5 € / gratuit (-6 ans), adamuseum.be

Arras, jusqu'au 03.06, Musée des beaux-arts (+ L'Être Lieu, jusqu'au 07.04), lun > ven (sf mar) : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, gratuit, arras.fr

© Thomas Laconis

# 102

Printemps de l'Art Déco Né au début du xxe siècle durant l'entre-deuxguerres, le style Art déco se caractérise par ses lignes épurées et son impeccable symétrie, inspirées par le progrès technologique. De la salle Sthrau à Maubeuge (et sa fameuse coupole en verre) au Palais de la Mode de Cambrai, en passant par le kiosque ou la salle des fêtes d'Haillicourt, ces deux mois de balade printanière, mais aussi de conférences ou d'ateliers, révèlent les joyaux architecturaux nichés dans les Hauts-de-France. J.D. Hauts-de-France, jusqu'au 30.04, divers lieux divers lieux (Amiens, Arras, Béthune-Bruay, Cambrai, Douaisis, Lens-Liévin, Roubaix, Saint-Omer, Saint-Quentin…), programme : www.printempsartdeco.fr

Sabrina Vitali © Julien Melin

© Julien Damien

Night Fever Designing Club Culture 1960-Today



© Elzo Durt

Dream Box Le MIMA se transforme en temple de l’illusion. Parmi les cinq installations immersives (et ludiques) dévoilées à Molenbeek, on navigue entre les mondes fantastiques du duo belge Hell’O, le nuage de CD-ROM en trompe-l’œil de l’artiste cinétique Felipe Pantone, les distorsions psychédéliques d’Elzo Durt ou le test cognitif du collectif Gogolplex, qui dresse votre portrait psychologique en réalité augmentée… Ou quand art et science se conjuguent, pour mieux chambouler nos sens. Bruxelles, jusqu’au 01.09, MIMA mer > ven : 10 h > 18 h, sam & dim : 11 h > 19 h, 9,50 > 3 € / gratuit (-6 ans), www.mimamuseum.eu

Sophie Whettnall - Etel Adnan

L’Estampe au temps de Bruegel

Sous-titrée La banquise, la forêt et les étoiles, cette exposition établit un dialogue formel entre deux artistes fascinées par la notion de paysage. D’un côté, les dessins, sculptures ou vidéos de la Bruxelloise Sophie Whettnall interrogent les rapports (de force ou poétiques) que nous entretenons avec la nature. De l’autre, les toiles, aquarelles ou gravures de la Libanaise Etel Adnan nous invitent à la contemplation de panoramas, entre Orient et Occident, rêve et réalité.

à l’occasion du 450e anniversaire de la mort de Pieter Bruegel l’Ancien, Bozar se penche sur l’art de la gravure. Si le Flamand est aujourd’hui connu pour ses peintures, il fut aussi un pionnier de cet art en plein essor au xvie siècle. Cette exposition réunit ainsi nombre de ses estampes (eauxfortes, gravures au burin sur cuivre, sur bois…) mais aussi celles de ses contemporains. Parmi les pièces maîtresses, on citera bien sûr Albrecht Dürer, dont le sublime Rhinocéros fut imprimé un siècle durant !

Bruxelles, 04.04 > 04.08, Centrale For Contemporary Art, mer > dim : 10 h 30 > 18 h 8 > 2,50 € / gratuit (-18 ans) www.centrale.brussels

Bruxelles, jusqu’au 23.06, Bozar, mar > dim : 10 h > 18 h (jeu : 10 h > 21 h), 14 > 2 €, bozar.be

Patrick Willocq. Songs of the Walés

# 104

Photographe autodidacte né en 1969 à Strasbourg, Patrick Willocq a passé la majeure partie de sa vie à l’étranger et notamment en Afrique. Cette série résulte ainsi de voyages effectués au nord de la République démocratique du Congo. Ses images colorées témoignent du rituel Walé, pratiqué par des tribus de la forêt de la région équatoriale et célébrant la maternité selon des codes ancestraux - et un peu magiques… Charleroi, jusqu’au 12.05, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 4 € / gratuit (-12 ans) www.museephoto.be



Depot, Installation vidéo HD / HD installation, 2015 Couleur, stéréo, 22’40’’ en boucle / loop

Fiona Tan. L’Archive des ombres Fiona Tan place les images au cœur de ses préoccupations, et notamment leur impact. « Je regarde comment on regarde », ditelle. Cette exposition s’intéresse toutefois à un autre (et récent) versant de son œuvre : les raisons poussant l’Homme à collecter et archiver. Articulé en deux parties, ce parcours révèle les trésors dénichés au sein de divers musées de sciences naturelles, puis son travail au Mundaneum de Mons ("le Google de papier"). Un fascinant cabinet de curiosités. Hornu, 07.04 > 01.09, MAC’s, mar > dim : 10 h > 18 h 10 > 2 € / gratuit (-6 ans), www.mac-s.be

Design Orienté Verre

Bientôt déjà hier

Fondu ou poli depuis des siècles, le verre peut-il encore nous surprendre ? Oui, affirme cette exposition, qui présente une sélection d’œuvres d’art éclectiques, signées des grands noms du design contemporain. Leurs expérimentations sont ici regroupées par esthétique. à l’image des suspensions et appliques murales vaporeuses de David Dubois, ou des "architectures" d’Andrea Branzi, initiant un dialogue entre la nature et nos objets domestiques.

Derrière ce titre intrigant se cache un trésor. En 2011, la ville de La Louvière faisait l’acquisition de 50 autoportraits réalisés selon le même principe par le Franco-Polonais Roman Opalka, depuis 1965 jusqu’à son décès en 2011. L’occasion rêvée de s’intéresser au passage du temps, qu’il soit figé, altéré ou métamorphosé. Le Centre de la gravure et de l’image imprimée puise dans ses collections nombre d’œuvres illustrant un concept insaisissable, et terriblement poétique.

Hornu, jusqu’au 26.05, CID mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 2 € / gratuit (-6 ans) www.cid-grand-hornu.be

La Louvière, 30.03 > 08.09, Centre de la gravure et de l’image imprimée, mar > dim : 10 h > 18 h 7 > 3 € / gratuit (-12 ans) www.centredelagravure.be

Hervé Di Rosa

# 106

Pionnier de la Figuration libre, inventeur de l’Art modeste, infatigable globetrotter, Hervé Di Rosa allie tous les courants artistiques, cultures ou techniques. Il crée ainsi un langage foisonnant, entre la BD et les films de série B, le rock ou le graffiti. Ce parcours revient sur 40 années de peinture, depuis ses diptyques sur carton de 1978 jusqu’à ses grands formats, en passant par ce voyage en 19 étapes autour du monde, entrepris dès 1993. Le Touquet, jusqu’au 19.05, Musée du Touquet-Paris-Plage tous les jours sauf mardi : 14 h > 18 h 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans), letouquet-musee.com



Masques © Musée du quai Branly - Jacques Chirac © photo Sandrine Expilly

Le masque est utilisé depuis la nuit des temps pour se cacher, danser, pratiquer un rituel ou atteindre un au-delà… Issues des collections du Musée du quai Branly-Jacques Chirac, plus de 80 pièces provenant d’Asie, d’Amérique, d’Afrique ou d’Océanie révèlent comment cet objet cultuel ancestral a façonné le visage de l’humanité. Entre les démons du Sri Lanka et les figures animalières du carnaval précolombien, on ne sait plus où donner de la tête ! Liège, jusqu’au 20.07, Cité Miroir, lun > ven : 9 h > 18 h sam & dim : 10 h > 18 h, 10 > 3 €, www.citemiroir.be

Giorgio De Chirico

De lin et de laine

Fondateur du mouvement de la peinture métaphysique, Giorgio De Chirico fut surtout le véritable initiateur du surréalisme. Dès le début du xxe siècle, ses toiles nimbées de mystère et de poésie inspirèrent René Magritte, bien sûr, mais aussi Paul Delvaux et Jane Graverol. Ce parcours thématique révèle les liens existant entre les œuvres de l’Italien et les trois créateurs belges, dessinant en filigrane une incroyable histoire de l’art moderne.

En 2015, le Musée royal de Mariemont recevait en dépôt plus de 200 pièces de textile égyptien datant du iiie au xiie siècle. C’est ce trésor qui est ici dévoilé. Rassemblant vêtements ou tissus d’ameublement, le parcours remonte le fil de l’Histoire pour mieux nous conter le rapport de l’Homme à l’étoffe, décrivant notamment les techniques de tissage ou les colorants utilisés par nos ancêtres. Bien plus qu’un défilé de mode antédiluvien, un véritable voyage au cœur des foyers d’égypte.

Mons, jusqu’au 02.06, BAM mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans) bam.mons.be

Morlanwelz, jusqu’au 26.05 Musée royal de Mariemont, tlj sauf lun : 10 h > 18 h 5 > 2 € / gratuit (-12 ans) , musee-mariemont.be

Photographier l’Algérie

# 108

Réunissant une centaine d’images prises depuis le début du xxe siècle jusqu’à 2002, l’Institut du Monde Arabe de Tourcoing embrasse une histoire de l’Algérie par le prisme de la photographie. On y découvre les toutes premières représentations orientalistes, la foule en liesse durant l’indépendance immortalisée par Marc Riboud, mais aussi les clichés à hauteur d’homme de Pierre Bourdieu ou ceux saisis durant la guerre par Mohamed Kouaci… Une affaire de visions ET d’optiques. Tourcoing, jusqu’au 13.07, Institut du Monde Arabe, mar : 13 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h 5 > 2 € / gratuit (-6 ans), ima-tourcoing.fr



© DR

Maroussia Diaz Verbèke

Tête chercheuse Maroussia Diaz Verbèke est jongleuse, funambule, clownesse, magicienne et…"circographe", terme qu'elle a inventé pour décrire la mise en scène propre au cirque. Avec Circus Remix, la Française signe son premier solo et livre une définition toute personnelle de son art, entre terre et air… et sans prononcer un seul mot.

# 110

M

aroussia Diaz Verbèke découvre le cirque à six ans. « Je me suis dit que, si c’était un métier, ce serait le mien ! ». Formée à l’École nationale des arts du cirque de Rosny-sous-Bois puis au CNAC, elle fut révélée au sein du collectif

Ivan Mosjoukine, fondé en 2011 avec Erwan Ha Kyoon Larcher, Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel. Ensemble, ils créent De nos jours (Notes on the Circus), succès phénoménal au terme duquel chacun suit son propre chemin. L’acrobate nomme alors sa


Revue (et corrigée) Ce solo prend la forme d’une compilation géante. Au centre d'une piste circulaire, Maroussia enchaîne une dizaine de numéros, et endosse tous les rôles de la discipline. Elle marche au plafond, fait du hula hoop la tête en bas, tente le saut de la mort, se jette dans un cerceau en feu, enfile l'habit du clown… Tout cela en restant parfaitement muette ! Dès lors, comment définir le cirque ?

En convoquant d'autres voix. La bande son qui l’accompagne est un montage d’archives radiophoniques, évoquant le jonglage, le mouvement, tantôt cocasse ou très sérieux. En équilibre sur une jambe (et la corde) à cinq mètres du sol, elle fait ainsi entendre les mots de Françoise Héritier. Comme elle, Maroussia est une chercheuse. Ses prochaines expériences seront menées aux côtés du Groupe acrobatique de Tanger, pour lequel elle "circographie" un spectacle, à voir d'ici 2020. En attendant d'autres détours de pistes… Marie Pons Circus Remix Lille, 03 & 04.04, Le Prato, 20 h, 17 > 5 € leprato.fr

© Philippe Laurençon

compagnie Le Troisième Cirque, souhaitant bousculer un peu son art… « À un moment, je me suis retrouvée dans une impasse, confie-telle. Je me suis donc mise à chercher ce qui manquait au cirque contemporain ». Ainsi naquit Circus Remix.


Gurshad Shaheman © Jeremy Meysen

théâtre & danse

Pourama Pourama

Libre échange

# 112

Gurshad Shaheman, auteur, comédien et metteur en scène iranien, brise le quatrième mur dans un triptyque autofictionnel intense. Pourama Pourama, créé en 2014, nous place littéralement à ses côtés depuis l'Iran jusqu'en France. Une expérience sensorielle où le spectateur devient un personnage à part entière de la pièce. Observant les règles de la tragédie, Gurshad Shaheman partage les étapes importantes de sa vie en trois actes (Touch Me, Taste Me et Trade Me). Cette épopée intime se déploie, tout en douceur mais sans tabou, de son enfance au passage à l’âge adulte. Touch Me revient d'abord sur ses jeunes années en compagnie d'un père autoritaire, en Iran, en pleine guerre contre l’Irak. Dans l'obscurité, sa voix délivre des mots intenses ouvrant la porte d'entrée de son histoire. Celle-ci se poursuit seulement si le spectateur, affublé d'un masque à l'effigie paternelle, le touche. Dans Taste Me, Gurshad retrace ensuite son adolescence en France avec sa mère divorcée. Toujours aussi charismatique, il nous accueille habillé d'une robe noire et chaussé d’escarpins pour… nous cuisiner un plat traditionnel. Trade Me, enfin, révèle son émancipation et la conquête de sa propre identité. Il déroule ici le fil de ses relations amoureuses, tarifées ou non. Des expériences qu'il raconte aux volontaires dans une chambre close, entre ombre et lumière. à la croisée du théâtre et de la performance, cette pièce immersive se promène ainsi librement d'une confidence à l'autre, redéfinissant au passage la place du spectateur au théâtre. Manège, 03 & 04.04, Théâtre le Céline Beaufort

Manège, 19 h, 10 €, lemanege.com



Le Petit bain, Remy Benard © Jean-Louis Fernandez

# 114 théâtre & danse


Le P'tit monde

Rêve partie Il n’est jamais trop tôt (ni trop tard d'ailleurs) pour s’émerveiller. Pour preuve ce temps fort dédié au jeune public. Entre théâtre, musique, danse, lecture ou cinéma, cette 16e édition du festival Le P’tit monde propose des spectacles à hauteur d'enfant, mais jamais au ras des pâquerettes.

A

u départ, il y a un bel engagement. Celui de « faire en sorte que tous les enfants de Flandre intérieure aillent au moins une fois au spectacle », explique Philippe Le Claire, le directeur. Pour transformer l'essai durant cette première expérience, l'imagination est stimulée de toutes parts. Ici, le bain moussant se transforme en terrain de jeu chorégraphique (Le Petit bain), la compagnie Zapoï nous projette dans le Grand Ouest en quelques ombres et dessins, tandis que Captain Parade booste ses comptines en décibels pour les rockeurs en herbe. La Grande récré De fait, ce rendez-vous ménage une pluralité de "p'tits mondes", qu'on vienne en classe, en famille… ou même sans enfant ! « Oui, de plus en plus d'adultes se rendent seuls au festival », précise Philippe. D'ailleurs, la programmation n'hésite pas à aborder des thèmes plus graves. Ainsi, La Guerre des buissons narre l'exil d'une fillette fuyant la guerre, avec des marionnettes à taille humaine et beaucoup de grâce. De même, à Hazebrouck, les créations poétiques sont bienvenues. Hazebrouck, 24.04 > 03.05 Entre jonglage, théâtre d’objets et Centre André Malraux et divers lieux, 7 > 4 € danse, Phia Ménard fait valser des www.centreandremalraux.com sacs plastiques dans L’Après-midi Sélection : 24.04 : Compagnie Zapoï : West R.N 25.04 : Anton Lachky Company : Cartoon d’un foehn. Tout aussi immanquable, 26.04 > 02.05 : Le Quadrille des homards : Humus ce voyage au Japon avec O’Yuki, 27.04 : Captain Parade : Rock les mômes 28.04 : Théâtre de Romette : Le Petit bain, petite fille solitaire dont le monde Théâtre des 4 mains : La Guerre des buissons 30.04 : Compagnie Les petits pas dans les se déploie à mesure d’origamis. De grands : O’Yuki // 02 & 03.05 : Tioneb : Retour quoi rêver jusqu’à l’été. Marie Pons vers le bitume // 02.05 : Compagnie Non Nova : L’Après-midi d’un foehn version 1 24, 27.04 & 01.05 : Le P’tit monde fait son cinéma…


Festin tragique

© Jean-Louis Fernandez

Thyeste

# 116

Sa mise en scène monde de la trilogie Henry VI de Shakespeare (18 heures de spectacle) a propulsé Thomas Jolly dans le petit cercle des "stars" du théâtre. Elle lui confère aussi une légitimité pour les projets hors normes, comme ce Thyeste de Sénèque, tragédie vengeresse à l’incommensurable cruauté. La Cour d’honneur du Palais des papes a frémi cet été. C’est désormais aux spectateurs du Théâtre du Nord d’affronter la monstruosité à l’état brut, telle qu’imaginée au Ier siècle par le dramaturge romain. Les jumeaux Atrée et Thyeste se disputent le trône de Mycènes. Afin de récupérer le bélier à la toison d’or dans les étables d’Atrée, condition imposée par Jupiter pour régner, Thyeste séduit la femme de son frère. Ce dernier, ivre de haine, s’empare des fils de Thyeste et les lui fait manger lors d’un sanglant banquet… Thomas Jolly l’explique en interview, il n’avait « jamais lu quelque chose d’aussi noir, désespéré, cruel ». Monter ce conte sur « la folie des hommes » relevait du défi. Deux sculptures colossales, une tête couchée et une main cherchant le ciel, encadrent le plateau, dont l’esthétique rappelle Game of Thrones. « Les séries ont beaucoup emprunté à Shakespeare, qui lui-même s'inspira de Sénèque », souligne le Rouennais, qui entre en scène dans l’habit d’or d’Atrée après un prologue grandiloquent. On le retrouve 2 h 30 plus tard en complet blanc, offrant vin et chair à son frère. Entre-temps, un chœur vibrant et une débauche d’effets lumineux et Lille, 24 > 28.04, Théâtre du Nord sonores auront propulsé ce Thyeste parmi les mer & ven : 20 h, jeu : 19 h, dim : 16 h 25 > 10 €, www.theatredunord.fr sensations théâtrales de l’année. Marine Durand



théâtre & danse

Les Turbulentes

à l'art libre Autrefois site industriel devenu Centre national des arts de la rue, le Boulon n'oublie pas qu'il fabriqua jadis les rivets de la Tour Eiffel. Voilà pourquoi il est toujours aussi perché ! En témoigne ce festival, qui transforme durant trois jours Vieux-Condé en étonnant théâtre à ciel ouvert, ré-enchantant les rues de cette ancienne cité minière.

S

e renouveler chaque année sans renier ses fondamentaux. Tel est le casse-tête des Turbulentes. Le thème de cette 21e édition ? « La "ville pop", annonce Virginie Foucault, la directrice du Boulon, inspirée par Niki de Saint Phalle. J'avais envie de couleurs, de peps ! ». Il s'agit aussi de mettre en lumière la dimension "populaire" de ce festival. Car à Vieux-Condé, les habitants sont au cœur des événements. à l'image du Grand débarras, prenant les allures d'un vide-grenier. « Sauf qu'ici, les stands sont tenus par de vrais exposants… mais aussi des artistes. C'est une expérience de trois heures, entre chine et comédie ».

# 118

Dans la place Ces trois jours réveillent l'espace public. « On explore sans cesse de nouvelles formes et sujets », entre théâtre, danse, musique ou… "glissades alphabétiques" ! à l'heure où la rue (re)devient une agora, ces artistes restent en prise directe avec les maux de ce monde. On citera Ne le dis surtout pas ! soit « l'autofiction d'un jeune artiste confiant son homosexualité. Il a créé ce spectacle suite à la curieuse injonction de sa mère : "ne le dis surtout pas à ton père, sinon il va me quitter…" ». Vieux-Condé, 03>05.05 au Boulon et en centre-ville, gratuit, leboulon.fr En parlant de rupture, à la veille des élections européennes, les Lillois Sélection : Annibal est ses éléphants : Le Grand cirque des sondages // Calixte de Nigremont : de La Générale d’imaginaire ont reFlagornerie de rue // Cie GIVB : Ne le dis surtout pas ! // La Cour singulière : Tire-toi de mon herbe cueilli les témoignages de citoyens Bambi ! // La famille Goldini : Les Robinsonnades à travers le vieux continent. De quoi du Roi Midas // La Générale d'imaginaire : EuropeS // Le collectif à moi tout seul : Pedalo nourrir une déambulation à la croicantabile // OpUs : Le Grand débarras Cie Rhizome : La Spire... sée des chemins… Alix Bailleau


Cie Furinkaï Š Kalimba Mendes


© Gregory Navarra

théâtre & danse

Bruno Coppens

Flou d’amour

# 120

B

runo Coppens nous veut du bien. Beaucoup trop d’ailleurs, et cet excès d’amour va déraper… Dans son septième one-man-show, Loverbooké, le Tournaisien veut réenchanter le monde et sauver la planète (« en phase terre minable ») en créant une start-up de coaching. Son but ? Transformer nos échecs (professionnels, amoureux…) en réussite ! Car « s'échouer, c'est chouette ! », dit-il affalé dans son fauteuil à roulettes en forme de grosse main (« baladeuse », forcément). Usant de ses contrepèteries et calembours qui font le bonheur des auditeurs de Café serré sur La Première, Coppens enjoint le public à imiter le singe bonobo (histoire de régler les conflits, disons, à l’amiable) ou convoque une Jeanne d’Arc chantant Dieu m’a donné la foi pour séduire le jury de The Voice. Au passage, il nous livre une petite leçon sur l’évolution de l’Homme, de l’avènement des « bacterribles » jusqu’à Trump, « le chaînon manquant à… La Louvière, 04.04, Le Théâtre, 20 h personne ». En somme, il jongle avec les 20 / 15 €, www.cestcentral.be mots pour mieux rire de nos maux – et finaDinant, 07.05, Centre culturel, 20 h 16 > 11 €, www.ccdinant.be lement, ça fait un bien fou ! J.D.



© Hugo Dewasmes

En attendant la nuit Cédric Orain s’empare très librement de L’Odyssée d’Homère pour mieux nous plonger dans la nuit. à travers cette pièce destinée au jeune public, le fondateur de la compagnie La Traversée confronte les petits spectateurs (mais aussi leurs parents) à une peur ancestrale : celle du noir. Seul sur scène, installé derrière une table, le comédien Julien Aillet se fait tour à tour conteur, marionnettiste, manipulateur d’objets, dessinateur ou musicien afin de narrer le retour d’Ulysse à Ithaque. Durant son périple, notre héros est exposé aux ténèbres et à divers monstres… Petite forme, mais grande épopée ! J.D. Lens, 05 & 06.04, Scène du Louvre-Lens, ven : 10 h et 14 h, sam : 19 h, 10 > 5 €, www.louvrelens.fr

Marc Ysaye Rock’n Roll

© TTO

# 122

Faut-il encore présenter Marc Ysaye ? La voix culte et désormais ex-directeur de Classic 21 (il a pris sa retraite en février) célèbre les 50 ans de Woodstock. Entre radio, théâtre et leçon d’histoire, le pendant belge de Philippe Manœuvre (en moins agaçant… et plus érudit !) dissèque ce moment phare de la contre-culture occidentale. Au programme ? Drogues, amours libres et rock’n roll, bien sûr ! J.D. Bruxelles, 24.04 > 17.05, Théâtre de la Toison d’Or 20 h 30, 23 > 8 €, www.ttotheatre.com



Ils se sont aimés

© Olivier Pirard

M. Robin & P. Palmade / D. Michels Y a-t-il une vie après le divorce ? Telle est la question que se posent Isabelle et Martin, séparés après six ans de mariage. Ces retrouvailles sont propices à un minutieux et tordant examen de la vie de couple – mauvaise foi garantie. Pierre Pigeolet et Maria del Rio reprennent le flambeau autrefois porté par Pierre Palmade et Michèle Laroque. Un grand classique de l'humour, quelque part entre le one-man-show et le vaudeville à sketches. Toujours aussi efficace ! Bruxelles, jusqu'au 07.04, Théâtre Royal des Galeries mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 26 > 10 €, www.trg.be

Mesure pour mesure

Les Belles personnes S. Ministru / N.Uffner

Théâtre du Prisme / Shakespeare

Après Ciao Ciao Bambino, décapante veillée funèbre, Sébastien Ministru est de retour aux affaires. Ou plutôt à table, lieu où se trament les enjeux de cette pièce. De brunch en cocktail dinatoire, trois couples échangent leurs points de vue gratinés sur la politique, la famille, l’échangisme… Soulignons que le spectacle est « composé pour moitié de choses entendues et d'autres que j’aurais pu entendre », confesse l'auteur, sans doute persona non grata désormais…

Dans une Vienne corrompue, le duc cède son pouvoir au magistrat Angelo, qui se comporte dès lors en tyran, interdisant l'amour en dehors du mariage. Il condamne ainsi un seigneur à mort pour avoir enfreint cette loi. Mais promet de le gracier, si sa sœur se donne à lui. Fanatisme religieux, autoritarisme politique… Les thèmes sont nombreux, et atemporels. Le Théâtre du Prisme transpose cette pièce de Shakespeare dans un futur dystopique, lui offrant une troublante caisse de résonance.

Bruxelles, jusqu'au 31.05, Théâtre de la Toison d'Or, mer > sam : 20 h 30, 25 > 8 € www.ttotheatre.com

Amiens, 02 > 04.04, La Comédie de Picardie, mar & mer : 19 h 30, jeu : 20 h 30, 18 > 11 €, comdepic.com Dunkerque, 25 & 26.04, Le Bateau Feu jeu : 19 h, ven : 20 h, 9 €, www.lebateaufeu.com

L'Homme qui rit

# 124

Claire Dancoisne / Victor Hugo Angleterre, fin du xviie siècle. Des gangs mutilent des enfants, les transformant en monstres de foire. Un jour, ces "comprachicos" abandonnent un garçonnet qu’ils ont défiguré, la bouche fendue jusqu’aux oreilles dans un rictus éternel. Mais dans ce monde, les monstres ne sont pas ceux qu’on croit… Gwynplaine demeure l’un des grands héros de Victor Hugo. Publié en 1869, L’Homme qui rit est porté sur scène par Claire Dancoisne, qui sublime cette épopée en mêlant acteurs et théâtre d’objets. Tourcoing, 02 > 06.04, Théâtre de L'Idéal, 20 h (sauf sam : 19 h), 25 > 10 €, www.theatredunord.fr


Les Enfants du soleil Natacha Belova & Christophe Sermet / Maxime Gorki

© Marc Debelle

Après Vania !, tempétueuse adaptation de Tchekhov, Natacha Belova et Christophe Sermet s'attaquent aux Enfants du soleil de Gorki. Six personnages se déclarent leur amour ou refont le monde dans la maison du scientifique Protassov. Insouciante, cette intelligentsia ne se rend pas compte que, dehors, la colère gronde… Pensée comme une comédie où couve le drame, cette pièce aborde la question de la misère sociale et de la recherche d'un idéal, sujets ô combien d'actualité. Bruxelles, 02 > 13.04, Théâtre des Martyrs, mer, jeu & ven : 20 h 15, mar & sam : 19 h, dim : 15 h, 20 > 10 €, theatre-martyrs.be // Tournai, 08.05 Maison de la Culture, 20 h, 16 > 8 €, maisonculturetournai.com

L'éloge de la folie

Four For

Jean-Marc Chotteau / Erasme

Halory Goerger / Bravo Zoulou

Ecrite en 1509, cette pièce d'Erasme donne la parole à la folie, pour mieux dire leurs vérités aux puissants, mais en riant. Travestie en Dame Stultitia, J-M. Chotteau livre un brillant hymne à la déraison. Celle des militaires, juges, religieux… Un solo au succès jamais démenti et à la pertinence éternelle. Car, comme il le clame : « La vie des hommes est-elle autre chose qu’une pièce de théâtre où chacun s’avance masqué et tient son rôle, jusqu’à ce que le metteur en scène lui demande de sortir ? ».

Co-auteur de Germinal au sein de l'Amicale de production, Halory Goerger est passé maître dans l’art de créer des objets scéniques pas tout à fait identifiés. Désormais à la tête de sa nouvelle compagnie, Bravo Zoulou, le Lillois s'intéresse à trois compositeurs majeurs du xxe siècle : Morton Feldman, John Cage et Éliane Radigue. Quelque part entre le concert, la fable (pince-sans-rire) et les arts plastiques, Four For matérialise physiquement la musique, et lui rend un vibrant hommage.

Mouscron, 03 & 05.04, mer : 19 h 30, ven : 20 h 30, 20 > 8 €, Ctre Marius Staquet, lavirgule.com

Armentières, 04.04, Le Vivat, 20 h, 16 / 8 € www.levivat.net

Vous couperez

[ La Bajon ]

Cette petite brune s'est distinguée sur le Net avec des sketchs politiques « tournés à l'arrache ». Dans la peau de la députée corrompue ou de l'avocate de Macron, Anne-Sophie Bajon passe les puissants à la soude caustique, toujours raccord avec l'actu, quitte à écrire ses vannes avant de monter sur scène – « Le Pen ? Elle est aussi solide qu'un immeuble marseillais ». Elle est ici accompagnée d'un second larron chargé de l'interviewer, à qui elle lance sa fameuse réplique : « vous couperez » – mais la plus tranchante, c'est elle. Béthune, 04.04, Théâtre municipal, complet !, www.theatre-bethune.fr Amiens, 28.04, Mégacité, 17 h, 28 €, www.megacite.fr


La vie (titre provisoire)

© Manuelle Toussaint

François Morel / Juliette L'ex-Deschiens a plus d'une corde (sensible) à son arc. Dans ce cabaret aux accents jazz, François Morel narre en musique nos petits tracas, travers ou joies du quotidien. Accompagné d'un pianiste et de trois multi-instrumentistes (saxophone, trompette, trombone…), entre valses et ritournelles, l'humoriste-chansonnier lance aussi quelques clins d'œil à Aznavour ou Brassens. Il donne à rêver, réfléchir ou s'émouvoir, sans jamais se départir d'une note d'humour. La vie, en somme. Roubaix, 05.04, Le Colisée, 20 h 30, 39 > 10 €, coliseeroubaix.com

Retour à Reims

Coup de soleil

Didier Eribon / Thomas Ostermeier

Marcel Mithois / Nathalie Uffner

La pièce met en scène une actrice dans un studio d'enregistrement, posant sa voix sur un film adapté d'un livre. Pas n'importe lequel : il s'agit de Retour à Reims. Dans cet essai paru en 2009, Didier Eribon décrivait son retour dans sa ville natale. Entre récit intime et analyse sociologique, il narrait la disparation de la gauche française au profit du FN au sein des classes défavorisées. Salué pour sa Nuit des rois, Thomas Ostermeier sublime cet ouvrage, décryptant avec acuité la montée des populismes.

écrite pour Jacqueline Maillan en 1982, cette pièce de Marcel Mithois (1922 - 2012) n'a pas pris une ride. L'auteur de Croque-monsieur s'y délecte du pendant féminin du démon de midi : le "coup de soleil". On y suit les pérégrinations de Valentine qui, après 15 ans de relation avec Gérard, commence à s'ennuyer. Sentant le coup venir, son amant lui fait envoyer un bouquet… et notre héroïne s'éprend du fleuriste ! Plus ironique que romantique, cette comédie agit comme un baume apaisant.

Douai, 24 & 25.04, L'Hippodrome, 20 h, 22 > 12 € (complet le 25.04), www.tandem-arrasdouai.eu

Bruxelles, 24.04 > 19.05, Théâtre des Galeries, mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 26 > 10 €, trg.be

Maintenant, demain

[ Luc Langevin ]

# 126

Ce Québécois serait « une personne normale donnant l’illusion d’avoir des pouvoirs surnaturels », dit-il. Normale ? Pas sûr… Diplômé en sciences physiques, Luc Langevin est capable de tordre des objets à distance, traverser des murs ou… léviter. Dans son nouveau spectacle, il mêle nouvelles technologies, mentalisme et pas mal de poésie. Repoussant toujours plus loin les limites de son art, il parvient même à téléporter des spectateurs ! Non, vous n'en reviendrez pas… Roubaix, 26.04, Le Colisée, 20 h 30, 43 > 10 €, www.coliseeroubaix.com Béthune, 27.04, Théâtre municipal, 20 h 30, 44 > 22 €, www.theatre-bethune.fr



Obsolescence programmée

[ Elisabeth Buffet ]

à 50 ans, certains font le bilan. Elisabeth Buffet remet les pendules à l'heure. Dans son troisième spectacle, la quinquagénaire rit de son âge en usant de « débauches oratoires » et de « libertinages lexicaux ». Elle parle toujours autant de sexe, mais use ici de mots plus précieux. Elle n'en oublie pas de se moquer de la jeune génération et de leur rêve de progéniture, « avec pour seule évasion le hublot de la machine à laver, tu parles d’une croisière… ». En attendant, elle s'amuse ! Hem, 27.04, Zéphyr, 20 h 30, 35 > 28 €, www.zephyrhem.fr Bruxelles, 22.06, Théâtre Le Fou Rire, 20 h 15, 25 > 12,50 €, fourire.be

écoute à mon oreille

Wulverdinghe

Cie du Creac'h

Lucien Fradin / Cie HVDZ

Lucas est un petit garçon différent, c'est un "enfant de la lune". Attachant, poétique, il vit au milieu de ses dessins, de sa peinture, et tout un tas de secrets… Sa grande sœur a écouté à son oreille et a tout entendu. Sur scène, trois personnages nous emmènent à pas de velours dans leur monde intérieur. Il nous dévoileront peut-être une part de leur intimité. Ou comment parler de l'autisme aux plus petits, mais intelligemment.

Wulverdinghe, c’est un village des Flandres un peu magique où l’eau de la fontaine peut guérir les yeux. C’est ici que vit la grand-mère de Lucien Fradin, qui pratique une forme de médecine alternative : elle est rebouteuse. De là à parler de sorcellerie, il n’y a qu’un pas… Après Eperlecques, le Lillois approfondit son théâtre documentaire en convoquant l’esprit de son aïeule sur scène. L’occasion d’insister sur les notions de transmission et de croyance.

Croix, 28.04, Centre culturel Jacques Brel, 17 h, 8 > 5 €, www.lamanivelletheatre.com

Armentières, 30.04, Le Vivat, 20 h, 16 / 8 € www.levivat.net

It's going to get worse and worse and worse, my friend

© Luc Depreitere

# 128

Lisbeth Gruwez / Voetvolk Un discours peut être une arme puissante, servant la paix comme la guerre. Dans ce solo créé en 2012, la danseuse fétiche de Jan Fabre s'inspire de la gestuelle des politiciens et autres grands tribuns. Son corps traduit dès lors la violence des mots, entre fureur et séduction, tandis qu'en fond sonore résonnent les prêches du télévangéliste américain Jimmy Swaggart. à la fois hypnotique et inquiétante, cette chorégraphie donne à voir le pouvoir de la parole, bonne ou mauvaise. Bruxelles, 01.05, KVS, complet !, www.kvs.be Anvers, 18.05, Toneelhuis, 16 h 30, 18 > 10 €, www.kvs.be



le mot de la fin

# 130

Benjamin Isidore Juveneton – à l’heure où nos rues se recouvrent de devises haineuses, ce plasticien français jongle avec les mots et les espaces de manière constructive. à travers le projet "Adieu et à demain", mené depuis 10 ans, Benjamin Isidore Juveneton fait littéralement parler les murs grâce à des slogans ironiques, légers, utopiques, mais toujours pertinents. adieu-et-a-demain.fr




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