n°151
/
mai
2019
Art & CulturE
/
GRATUIt
Hauts-de-France / Belgique
sommaire - magazine
LM Magazine #151 Mai 2019
News – 08
reportage – 12
Cooper's Hill Cheese-Rolling and Wake La colline a des jeux
style – 22
Bierbuik - Bloemeke Cuisine et dépendances
Palestine © Noma Bar
Café sauterelle, Combinaison gagnante, En chair et en laine, Coup de pompe, Ma thèse en 180 secondes, The Sound of Silence, Eau de Nina, Couverture burrito
portfolio – 28 Noma Bar Sens figuré
Rencontre Michel Vuillermoz – 68 Président du rire Romeo Castellucci – 116 Esprit libre
le mot de la fin – 130 Alfra Martini Félin pour l'autre
Florent Ladeyn © Caspar MIskin
Loud'Her – 36 à armes égales
sommaire - sélection Musique – 36
littérature – 62
La Commune, Rendez-vous de la BD d'Amiens
Lizzo © Jabari Jacobs
Loud'Her, Les Nuits Botanique, O, Chris Cohen, Loyle Carner, VKRS, dEUS, Flotation Toy Warning, Kurt Vile, Stereolab, Best Kept Secret, Rock Werchter, Main Square, Les Nuits Secrètes, La Bonne Aventure, Kittin, Nach, Agenda…
exposition – 78
Vue d'exposition, Homère © Julien Damien
Homère, Masques, La Déesse verte, La BIAM, Fiona Tan, Sophie Whettnall & Etel Adnan, Jeunesse rebelle, Bientôt déjà hier, Agenda…
théâtre & danse – 104
Supervia, Diotime et les lions, Youth is Great, (Victor) Frankenstein VS Frankenstein, Théâtre 100% objets, Départ volontaire, La Flûte enchantée ou le Chant de la mère, Tout Mons Danse, Agenda…
Disques – 60
Fat White Family Foxygen KiDD The Drums Jamila Woods
Livres – 66
Manu Larcenet & JeanYves Ferri, Frédérique Aït-Touati, Alexandra Arènes & Axelle Grégoire, Benjamin Fogel, Fabcaro, Alfonso Zapico
écrans – 68
Alphonse Président 90's Monrovia, Indiana Les Crevettes pailletées After Life Chambers
Magazine LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09
www.lm-magazine.com
Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com
Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com
Couverture Noma Bar Double Bill www.nomabar.com www.dutchuncle.co.uk/ noma-bar
Alix Bailleau Emma Van Ceunebroeck Bréant info@lm-magazine.com
Publicité pub@lm-magazine.com
Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)
Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Thibaut Allemand, Noma Bar, Elisabeth Blanchet, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Sarah Elghazi, Hugo Guyon, François Lecocq, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer, Françoise Objois, Marie Pons et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
Papier issu de forêts gérées durablement
© DR
news Bébête show Manger des insectes ? Pourquoi pas. Mais… dedans ? C’est possible aussi. Situé en Corée du Sud, le long d’une piste cyclable dans le district de Jeongseon, le Grasshopper’s Dream est un café d’un genre très particulier. Astucieusement retapés, ces deux wagons verts prennent la forme de deux grosses sauterelles posées l’une sur l’autre. De quoi sortir du train-train quotidien.
Cauliflower + poodle © Stephen McMennamy
#8
Combinaison gagnante Pas besoin de se ressembler pour s'assembler. Demandez donc à Stephen McMennamy. Ce photographe américain n’a pas son pareil pour juxtaposer des images sans rapport entre elles, au service de scènes des plus comiques. Baptisé Combophoto’s, son projet donne à voir des pinceaux-spaghettis, une bananecrayon ou, comme ici, un caniche avec une tête de chou-fleur. Poilant, n’estce pas ? www.instagram.com/smcmennamy
© Liisa Hietanen © photo Marjaana Malkamäki
De fil en aiguille
s
Liisa Hietanen aime beaucoup le tricot. Mais plutôt que d’encombrer ses proches de pulls, elle leur offre des portraits d’eux grandeur nature ! Depuis des années, cette Finlandaise crochète les "doubles" des habitants de son village, les représentant en situation et dans leur tenue de tous les jours. Oui, elle a la cote – de maille. liisahietanen.squarespace.com
new
© Nicole McLaughlin
Ma thèse en 180 secondes
Coup de pompe
Pour Nicole McLaughlin, rien ne se perd et tout se transforme. Cette styliste américaine récupère tout ce qui lui tombe sous la main pour fabriquer des vêtements. Des chemises en papier de soie, des vestes en film bulle, des pantoufles avec de vieux ballons de foot ou, comme ici, des chaussures en balles de tennis. Service gagnant ! www.nicolemclaughlin.net
Résumer des années de travail en trois minutes ? C’est le défi auquel participent 20 jeunes chercheurs belges. Sur scène, ils ont donc 180 secondes pour rendre leur thèse (en histoire, médecine, philosophie…) compréhensible, intéressante et drôle, sous le regard de l’inénarrable Bruno Coppens – qui a dit « tout ça pour ça » ?
Mons, 22.05, Théâtre Royal, 18 h 30, grat, surmars.be
© DR
© DR
s w ne Enjoy The Silence
Eau de Nina
C’est l’un des disques les plus attendus de l’année. Enfin, par les (ultra) fans de yoga. Ce 12 mai paraîtra Silent Meditation, une galette contenant deux morceaux de 20 minutes chacun… sans aucun son. L’œuvre est vendue 20 € et signée de l’Américain Eric Antonow, qui accompagne toutefois sa production d’une petite notice : « Ce vinyle n’a pas besoin de platine pour être apprécié à sa juste valeur. Pour être plus exact, vous n’avez même pas besoin du disque ». à méditer, donc… kickstarter.com/projects/
C’est vrai : en plus d’être une illustre DJ, Nina Kraviz jouit d’une plastique avantageuse. Mais de là à acheter l’eau usagée de son bain… C’est en tout cas l’idée d’un mystérieux internaute. En 2012, la productrice russe avait donné une interview dans la baignoire de son hôtel, en marge du festival Pukkelpop. Notre homme aurait récupéré un litre de ce "précieux" liquide pour le revendre sur e-Bay. Inutile de s’exciter, la bouteille a été cédée pour un peu plus de 750 €.
silentmeditation/silent-meditation-on-vinyl
© DR
# 10
Bien roulé Pour ceux qui ne connaîtraient pas l’expression "mettre la viande dans le torchon", signifiant poétiquement "aller au lit", en voici la parfaite illustration. En tout cas, à la rédac’, cette couverture en forme de burrito a fait son petit effet – bœuf, évidemment. www.etsy.com
reportage
# 12
© Gilbert A Turner LRPS
Cooper's Hill Cheese-Rolling and Wake
Tout un fromage
Sara Stevens © Elisabeth Blanchet
reportage Là-haut sur la colline.
Des types qui courent après un gros fromage dévalant une colline à toute berzingue ? Et pourquoi pas… Depuis près de trois siècles, la Cooper's Hill Cheese-Rolling and Wake illustre tout le sens de l’humour et l’excentricité britanniques. Cette course folle se déroule tous les ans en mai, dans la pittoresque campagne vallonnée du Gloucestershire, au sud-ouest de l'Angleterre. Le but ? Rattraper une tomme ronde de 3,6 kilos lancée depuis le sommet de la Cooper's Hill. Le premier en bas a gagné, et garde le frometon – attrapé ou non. Bien compris ? Alors, à vos marques, prêts… roulez !
C
hris Anderson est une gloire locale du village de Brockworth,
dans le Gloucestershire. Depuis 2004, il a couru 24 courses de la Cooper's Hill Cheese-Rolling and Wake, et a
# 14
gagné 22 fois. Un record. « Les deux autres, je suis arrivé deuxième et
troisième, poursuit ce jeune homme de 31 ans. Et pourtant je n’aime pas le Double Gloucester, le fromage qu’on gagne ». Mais qu'est-ce qui pousse cet ancien soldat reconverti dans le bâtiment à participer chaque année à cette "compétition" ?
« Avant tout, j'adore l’atmosphère qui règne ici. C’est vraiment un rendezvous génial, avec tous ces gens qui assurent l'ambiance ». Et apparemment, il n’est pas le seul à apprécier la Cheese Roll… Casse-cou Cet événement unique au monde attire tous les ans, chaque dernier lundi de mai (férié en Grande-Bretagne) plus de 15 000 visiteurs, et près de 200 participants. On distingue plusieurs épreuves : « Trois pour les hommes, une pour les femmes, une adulte mixte mais dans le sens
inverse, en remontant la pente, et enfin une pour les enfants, également de bas en haut », explique Sara Stevens, la co-organisatrice.
« Depuis 2011, on ne compte que six hospitalisations… » Elle pointe fièrement du doigt le sommet de la fameuse colline de Cooper's Hill, et la personnalise par un "she" et non un "it", comme s’il s’agissait d’une divinité . « On la respecte et on aimerait d'ailleurs trouver un peu de sous pour arranger
La colline a des jeux.
© Simon Pizzey Courtesy of Gloucestershire Live
suite
reportage
# 16
Attrape-moi si tu peux.
© Gilbert A Turner LRPS
Et j'vis comme une boule de flipper.
presqu’à l’envers », poursuit Candis Philips, sa comparse. Cette drôle de manifestation remonterait au xviiie siècle. « On ne connaît pas exactement la date de la première édition, raconte Candis. Toutefois, cette tradition comporte une dimension sociale.
« Les gars voulaient impressionner les filles du coin. » Les propriétaires terriens voulaient offrir une journée de fête à leurs paysans pour qu’ils se défoulent… ».
© Gilbert A Turner LRPS
# 18
quelques dénivelés, car elle s’affaisse un peu par endroits. Cela rendrait la course un peu moins, comment dire… casse-gueule ! ». Descendre une pente à 50 % sur un peu moins de 100 m pour attraper un gros frometon qui roule, présente certes quelques dangers… « Mais pas tant que ça, assure Sara. Depuis 2011, on ne compte que six hospitalisations pour des luxations ou des déboîtements ». D’ailleurs, c’est surtout hors-compétition que les accidents surviennent : lorsque les gens s'élancent comme des fous. « Je me souviens d’un Espagnol dont le pied s’est retrouvé
© Gilbert A Turner LRPS
Mais pourquoi donc courir après un fromage rond dévalant une pente ? Qui plus est des Double Gloucester de 3,6 kg chacun ? « On ne sait pas, certains disent que les gars voulaient impressionner les filles du coin. Sur le mode : "c’est moi qui descends le plus vite… voulez-vous m’épouser ?" Vous voyez le genre ? », continue Candis avant d’éclater de rire avec Sara. Depuis 2010, ces deux habitantes de Brockworth chapeautent bénévolement les festivités. « Les anciens organisateurs ont voulu vendre notre course à une boîte d’événementiel, vous vous rendez compte ? Devant le succès de la manifestation, ils ont pris la grosse tête. Ils voulaient même
faire payer l’entrée… », s’offusque Sara. Les deux amies se sont alors battues pour conserver l'esprit de Brockworth. Soutenue par la population locale, leur démarche l'a emporté et la formule vénale fut annulée. Dès 2011, la Cheese Roll reprit d’assaut la colline de Cooper's Hill. Depuis, Candis et Sara veillent au grain… Cantona est de la partie Aujourd'hui, on se précipite du monde entier pour se mesurer à cette descente, ou tout simplement pour assister au spectacle. « Des Européens, mais aussi des Américains, des Australiens… il y en a même un qui a dévalé en maillot de bain », constate Candis. suite
reportage
# 20
Mais le grand champion reste Chris. « J’adore l’adrénaline que procurent les courses, galoper à une allure dingue », dit-il avant de dévoiler sa technique. « J’essaye de courir le plus vite possible tout en me penchant en arrière pour garder l'équilibre ». Et tout ça pour franchir la ligne d'arrivée en moins d'une minute ! Mais, pour la première fois depuis 15 ans, Chris, « blessé à la cheville », ne participera pas au concours. Qui prendra la relève ? Rendez-vous le 27 mai au pied de la colline de Coopers Hill. En attendant, jetez donc un œil à cette publicité de Paddy Power, une entreprise de bookmakers irlandais mettant en scène Eric Cantona dans un bunker au milieu de la Manche. Pour
éviter les commentaires incessants sur le Brexit, il regarde la télé et tombe sur la… Cheese Roll ! Le fromage érigé en symbole britannique ? Qui l'eût cru… Elisabeth Blanchet
Brockworth, 27.05, Cooper's Hill, 10 h, gratuit, officialcheeserolling.com à visiter / Simon Pizzey : simonpizzey.com Gilbert A Turner : www.flickr.com/photos/gilbert-uk à lire / L’interview intégrale sur lm-magazine.com Queen's Diamond Jubilee, 96 p., env. 55 €, blurb.co.uk/b/4355764-queen-s-diamond-jubilee Open Studio 2013, 44 p., env. 30 €, blurb.co.uk/b/4835611-open-studio-2013 à venir / The Battle of Lewisham, flic.kr/s/aHskZVWv3b European Adventure, flic.kr/s/aHsmtK5w58
© Simon Pizzey Courtesy of Gloucestershire Live
© Simon Pizzey Courtesy of Gloucestershire Live
Chris Anderson, toujours au sommet.
style
Bierbuik-Bloemeke
Bon, brut et gourmand Texte François Lecocq Photo Caspar Miskin / Alexandra Battut / Virginie Garnier
# 22
Le chef étoilé Florent Ladeyn inaugure un nouvel établissement à Lille. Au menu du Bierbuik-Bloemeke ? Deux ambiances différentes, mais pareillement alléchantes. à l'étage, on trouve un "bistronomique" chaleureux et brut (plancher et plafond en bois, murs de briques). Au rez-de-chaussée, un estaminet avec frites au maroilles, viandes au feu de bois et quelques bières singulières, nous rappelle que la gourmandise est un divin défaut.
Š Caspar Miskin
Kevin Rolland, Florent Ladeyn et ClĂŠment Dubrulle.
© Alexandra Battut
# 24
© Virginie Garnier
© A. Battut
© A. Battut
Bierbuik
© A. Battut
E
ntouré de son cousin et chef du Vert Mont Clément Dubrulle, mais aussi de Kevin Rolland, son ami d’enfance et chef du Bloempot, Florent Ladeyn ouvre un troisième établissement, rue Royale à Lille. Sans doute le plus surprenant, celuici marie deux concepts sur plus de 200 m2 et deux étages. Au premier, on trouve le Bloemeke ("petite fleur" en flamand), où la carte fait la part belle aux produits locaux (flamiche, poitrine de cochon confite… dans la droite ligne du Bloempot), via une formule entrée, plat, dessert et boisson à 25 € le midi et le soir. Mais la nouveauté se concentre au rez-de-chaussée,
au Bierbuik ("ventre à bière"), qu'on aperçoit depuis la rue à travers de grandes baies vitrées. à l'entrée, un bar tout rose moucheté de vert fanfaronne avec sa rangée de pompes à bière. Il précède une vaste salle à manger (80 places) plongée dans l’obscurité et, au fond, une cuisine ouverte avec ses rôtissoires carburant au feu de bois et quatre cuves de brasserie de 1 000 litres. Vague de chaleur Le contraste rose-noir, lumière-pénombre, est saisissant. L'ambiance est rehaussée par des lampes en plafonnier focalisant, comme dans suite
un théâtre de poche, sur ce qui se joue dans l'assiette. Ou plutôt dans les plats métalliques bruts qui rappellent… la cantine. « L'idée est de retrouver la simplicité des estaminets, ces lieux sociaux où l'on venait discuter, boire une chope et manger une tartine ou un bouillon », assure Florent Ladeyn. à l'heure de l'hyperconnexion et du wifi à tous les étages, cet esprit convivial a certes dégusté… Ici, on le réhabilite jusque tard le soir autour de grandes tables communes, invitation aux rencontres fortuites, avec en prime une carte savoureuse. Ça mousse Au menu, la célèbre frite-sauce-maroilles, du cochon bio rôti avec ketchup de betterave, mayo fumée ou parfumée au shiitaké, des falafels aux lentilles de
Leffrinckoucke, flamiches, salades aux verdures locales et autres gaufres à la mimolette… Ou même, parfois, du homard d'Audresselles flambé à la cheminée ! Pour les boissons, le Bierbuik porte bien son nom, avec une sélection de dix mousses régulièrement renouvelées, dont plusieurs brassées sur place (betterave-cassis, patateromarin, seigle…) en collaboration avec Le Singe Savant et la Brasserie du Pays Flamand. Du gourmand, du brutal et du local pour moins de 15 € par convive. Le credo de Florent reste le même : prouver que l'on peut bien manger sans se ruiner. Pari réussi !
19, rue Royale à Lille, www.bierbuik.fr Bierbuik : mer & jeu : 12 h > 00 h, ven & dim : 12 h > 01 h, sam : 12 h > 02 h, sans réservation Bloemeke : mer > dim, services à 12 h & 13 h 30, puis 19 h, 20 h 30 & 22 h
© Alexandra Battut
# 26
Bloemeke
© Caspar Miskin
# 28
David Bowie
portfolio
noma bar Figures de style Simple et efficace. Ainsi pourrait-on définir le travail de Noma Bar. Né en 1973 en Israël, installé depuis 20 ans à Londres, ce graphiste et designer est réputé pour ses illustrations offrant une double, voire triple lecture ! Son style épuré a d’ailleurs conquis les plus grands journaux (The Guardian, The New York Times…). « Je suis un conteur graphique, explique l’artiste. Mon "langage silencieux" utilise une palette de couleurs limitée, visant un effet maximal en réduisant les dessins à leurs formes les plus élémentaires ». Jouant avec les contrastes, il entremêle les symboles pour donner un nouveau sens à l’image ou mieux croquer les célébrités, usant d’attributs qui ont bâti leur renommée. Son "Guess Who" s’étend de David Bowie à Audrey Hepburn, en passant par Amy Winehouse dont le portrait est ici esquissé avec une cuillère chauffée à blanc. « Je l’ai réalisé après l’avoir vue errer dans les rues de Camden, défoncée, commente Noma Bar. Son chignon aurait suffi à l’identifier, mais les autres éléments de l’illustration suggèrent ce qui a causé sa chute ». Plus joviale, la bobine de Steven Spielberg adresse des clins d’œil à E.T., Jurassic Park et Les Dents de la mer, quand celle de Stanley Kubrick réunit quatre de ses films – à vous de les trouver ! Vous aurez sans doute aussi souri devant Jules Winnfield et Vincent Vega de Pulp Fiction, unis pour le meilleur et (surtout) le pire. « Oui, l’humour joue un rôle essentiel dans mon travail. C’est le meilleur moyen de décrire une tragédie, ou même une comédie ». Les deux faces d’une même pièce (la vie, quoi) que Noma Bar confond avec maestria. Julien Damien
à visiter / www.nomabar.com à lire / L’interview de Noma Bar sur lm-magazine.com Bittersweet (Thames and Hudson), 400 p., 44 €, thamesandhudson.com
Amy Winehouse
Pulp Fiction
Stanley Kubrick
Steven Spielberg
Bob Dylan
Audrey Hepburn
musique
Interview
Loud’Her à armes égales
Propos recueillis par Sarah Elghazi Photo Lindsey Bahia
# 36
Chasses gardées des hommes et berceau de nombreux stéréotypes, les musiques actuelles n'échappent pas aux inégalités entre les genres. Il fallait bien un collectif déterminé pour mettre à bas ces disparités et autres préjugés. Composée de jeunes professionnelles de la culture ou militantes de tous horizons, l’association lilloise Loud’Her bouscule avec opiniâtreté (et une bonne dose d’humour) une industrie plombée par le machisme. Rencontre avec trois de ses fondatrices.
© Loud'her
Quel fut le constat à l'origine de la création de Loud'her ? Marion : Tout commence avec un comptage effectué dans les salles de musiques actuelles des Hautsde-France, mesurant le taux de femmes dans la programmation. Affligeant, ce ratio est de 20 %, dans des lieux subventionnés… Au niveau national, nous trouvons à peu près les mêmes chiffres. De plus, ces lieux sont toujours dirigés par des hommes. C'est un réseau ultra-masculin. Comment le collectif est-il né ? Emeline : Il a été créé fin 2017 autour d’un cercle d’amies proches,
musiciennes amatrices ou professionnelles, lassées par ce manque de représentation. Aujourd’hui, nous comptons une cinquantaine d’adhérents et adhérentes, et une trentaine de membres actifs. Avec quelques hommes, mais une écrasante majorité de femmes, et nous n'en sommes pas peu fières (rires) ! Concrètement, comment percevez-vous les inégalités entre les hommes et les femmes dans le domaine musical ? Marion : Nous sommes chargées de projet, de communication ou d’action culturelle dans des structures d’accompagnement. suite
Et savons toutes que les postes de direction ne s'ouvriront pas à nous… Ensuite, on ne connaît pas de techniciennes résidentes dans les SMAC* des Hauts-de-France, à l'exception du 9-9 bis à Oignies. Notre milieu croule aussi sous les remarques sexistes hyper-lourdes.
« Accepter le débat, c’est le début du changement. »
# 38
Que met en place l’association pour lutter contre ces disparités ? Marion : Nous avons rédigé un manifeste prônant l'égalité, la diversité et les bonnes pratiques. Très pédagogique, il est diffusé dans le réseau régional. C’est un outil qui favorise les échanges et la discussion. Ensuite, notre annuaire recense toutes les femmes de la région impliquées dans les musiques actuelles, occupant une fonction artistique ou technique. Il s'agit de créer un réseau. Emeline : Nous défendons aussi un projet de "mentorat", soit un rapprochement entre musiciennes amatrices et professionnelles. On le teste à l’échelle du binôme. Cela prend la forme d’échanges informels sur des thèmes spécifiques : la valorisation de soi, de ses compétences…
Marion : Sans oublier les approches ludiques avec le grand public, comme les apéros blind-test. Durant ce moment festif entre potes, on souligne le manque de femmes sur les scènes, tout en appréciant leurs productions au long de la soirée. Plus spécifiquement, quelle est la situation dans les Hauts-de-France ? Marion : La question est traitée de manière superficielle. Heureusement, on compte quelques soutiens et relais, notamment le Grand Mix, l’Aéronef, Haute Fidélité (le pôle régional des musiques actuelles), la maison Folie Moulins… Emeline : Oui, des portes s'ouvrent, accueillant notre discours. Mais, dans un deuxième temps, on interpellera les plus réfractaires. Car il n’est plus possible de rester neutres : le constat est saisissant, les chiffres aussi. Soit on accepte cette remise en question, soit on assume d’être contre… Quelle est la situation en Belgique ou à l’étranger ? Emeline : Il existe des initiatives semblables en Wallonie et en Flandre. Nous invitons par exemple Girls go Boom en juin, un collectif féminin flamand spécialisé dans le booking. Nous avons aussi été contactées par Wallonie
Blind-test aux 4écluses © Angélique Lyleire
Bruxelles Music, un regroupement de salles soutenant une charte de bonnes pratiques, pour offrir plus de visibilité aux musiciennes. Marion : Nous sommes aussi en relation avec Loud Women, une association anglo-saxone qui réunit des femmes artistes avec des porteurs de projet. Elle organise un festival axé sur les musiques indé et l’autoproduction. La prise de conscience est donc collective. Constatez-vous une évolution suite à vos actions ? Leila : Certains programmateurs restent bridés. Ils refusent d’entendre qu’ils sont eux-mêmes conditionnés, comme s’ils n’étaient pas influencés par la pression sociale. En prendre conscience,
accepter le débat, c’est le début du changement. Marion : Une des missions de Loud’Her consisterait aussi à identifier et former des "alliés", facilitant le travail des femmes au quotidien dans les structures musicales. Chacun peut signaler une remarque sexiste adressée à une collègue. * Scènes de musiques actuelles.
Who’s That Grrrl ? Lille, 12 > 14.06, maison Folie Moulins et Bulle café, 5 € > gratuit, maisonsfolie.lille.fr Programme / 12.06 : Ateliers "explique à tes parents ce que tu voudrais faire plus tard", (14 h > 18 h, gratuit) // 14.06 : Rencontre "voler les bonnes pratiques et les idées de nos voisines européennes", (18 h, gratuit) / concerts de Génial au Japon + guest + Loud'Her dj set (20 h 30, 5 €) à visiter / www.loudher.com à lire / L'interview intégrale sur lm-magazine.com
musique
Les Nuits Botanique Ah, Le Botanique ! Ses jardins, sa verdure, ses verrières, sa vue imprenable (ou presque), son coucher de soleil, son… Pardon ? Ah oui, les concerts ! Eh bien comme chaque année, la crème de la scène indé, quelques classiques et de nombreuses découvertes, c'est bien ça ? Parfait. Il est des routines dont on ne se lasse pas. Thibaut Allemand Bruxelles, jusqu’au 05.05, Botanique, 1 concert : 29 > 11 €, www.botanique.be Sélection / 30.04 : Flavien Berger, Aurel, Sarah McCoy, Bertrand Belin (complet !), Sarah McCoy… 01.05 : L'Impératrice, Papooz, Benny Sings… // 02.05 : Jeanne Added, Hervé, Lubomyr Melnyk, Tirzah… 03.05 : Salut C'est Cool, La Fine Equipe, Kate Tempest (complet !), Monolithe Noir & Percussive Ensemble 04.05 : KOMPROMAT, Molécule, Weyes Blood (complet !)… // 05.05 : Voyou, Nico Casal, Yegor Zabelov…
# 40
Tirzah Tirzah n'est pas née de la dernière pluie londonienne. En 2013, son premier single se nommait I'm Not Dancing. Mal parti pour cartonner dans les clubs, donc, mais idéal pour un zonage brumeux dans le salon. Son premier album, lui, nous rappelle la trop discrète Martina Topley-Bird (inusable Quixotic, 2003). Cosigné et coproduit par Mica Levi (Micachu & The Shapes), ce disque est un instantané de la vie d'une trentenaire dans le Londres post-Brexit (ou pré-, on ne sait plus très bien), une ballade ouatée sur fond de r’n’b parfaitement digéré, de pop indé faute de moyens et de UK Garage qui a rythmé sa jeunesse. + Lafawndah + Laryssa Kim : 02.05, 19 h 30, 24 > 17 €
Tirzah © Clare Shilland
Herbes folles
Kompromat
Jadis hébergée chez Big Dada (la division hip-hop de Ninja Tune), Kate Tempest tend vers la poetry au sens large – oui, comme la dub poetry de LKJ. Six albums sous le coude, la rage intacte, l'ex-Sound Of Rum prend la scène par le col pour laisser le public lessivé, essoré. Parfois, cette femme de lettres écrit du théâtre. Souvenez-vous de sa pièce, jouée en novembre dernier à la Maison de la Culture d'Amiens. Son titre, déjà ? Ah oui : Fracassés. Tout un programme.
France, 2005 : Vitalic publie enfin son premier LP et le pays ébaubi (re)découvre la puissance de Poney Part 01. Pendant ce temps-là, à Nantes, on s'écoute, rigolards, le premier maxi CD-R de Sexy Sushi – contenant l'hymne Fokjarette2boire. Bref, on n'aurait pas misé un kopeck sur une rencontre entre le Lyonnais et Rebeka Warrior. Et pourtant, marqué par le Berlin industriel de Neubauten et débarrassé son côté second degré de Sexy Sushi, le tandem fait mouche. En somme, la puissance et la joie.
+ Apollo Noir + Peritelle : 03.05, 19 h 30, Complet ! + Hilvarenbeek, 02.06, Beekse Bergen, 85 / 80 €, bestkeptsecret.nl // Hasselt, 18.08, Kiewit, 1 jour :100 €, www.pukkelpop.be
+ Molécule + Glauque + Kap Bambino : 04.05,19 h, 28 / 21 € + Dour, 14.07, Plaine de la Machine à Feu, 75 €, www.dourfestival.eu // Aulnoye-Aymeries, 28.07, centre-ville, 1 jour : 42 > 27 €, www.lesnuitssecretes.com
© Erwan Fichou & Theo Mercier
© Dan Fontanelli
Kate Tempest
+Σtella + Puts Marie : 05.05, 20 h, 20 / 13 € + Dour, 14.07, Plaine de la Machine à Feu, 1 jour : 75 €, www.dourfestival.eu
© Pierre-Emmanuel Testard
Voyou Thibaud Vanhooland a mis tout son cœur dans son premier essai, mais aussi toutes ses influences. En témoigne À nos jeunesses, ouverture convoquant la bossa nova façon Bacharach et une idée de l'electro pop à la française. Nos suffrages iront forcément à Lille, ville dont il fut déraciné dans l'enfance. Barbara a chanté Nantes, Dick Annegarn a immortalisé Bruxelles. La capitale des Flandres a désormais son hymne, élégie trempée d'une drache de cordes, et traversée d'une trompette altière.
Pop majuscule
# 42
H
© Frankie & Nikki
musique
o
abitué des fonds de scène, en soutien des fines plumes de la pop hexagonale, de Syd Matters à Mina Tindle, Olivier Marguerit avait conquis les devants en 2016. Son premier album, Un torrent, la boue, signé O, serpentait astucieusement entre chanson figurative et pop espiègle. Malgré un accueil enthousiaste, le multi-instrumentiste demeurait discret, coincé dans une bulle en forme de nom rétif aux exigences du référencement web. Il devenait cependant difficile de ne pas remarquer la récurrence de sa silhouette au générique des plus passionnants projets français. Après des tournées avec Thousand, Halo Maud et Chevalrex, O a repris du temps pour lui-même. Il publiait en février à terre, un deuxième disque renfermant cette évidence que d’autres cherchent en vain toute leur carrière. Olivier Marguerit est un O majuscule, qu’importe la lumière qui lui est accordée. Mathieu Dauchy Lille, 03.05, L'Aéronef, 20 h, 13 > 5 €, aeronef.fr
© Ebru Yildiz
musique
Chris Cohen Ce nom circule depuis quelques années parmi les aficionados de musiques pop exigeantes (Deerhoof, Cryptacize) et les amateurs de notes de pochette (ce producteur accompli a épaulé, entre autres, EZTV, Weyes Blood ou Marietta). Mais ce multi-instrumentiste est aussi et avant tout signataire de trois albums absolument indispensables pour qui rêve de rencontres au sommet entre l'école britannique (John Martyn, Robert Wyatt) et nordaméricaine (Neil Young en tête). Soit un bonheur pour tout amateur de folk mélancolique et délicatement boisé, traversé de refrains surprenants et de couplets apaisants – à moins que ce ne soit l'inverse. T.A. Roubaix, 16.05, La Cave aux Poètes, 20 h, 14 > 10 €, www.caveauxpoetes.com
© Charlie Cummings
# 44
Loyle Carner Révélé en 2017 avec Yesterday's Gone, parfaite symbiose entre jazz et rap introspectif, le prodige londonien récidive avec un deuxième disque et un single déjà addictif, You Don't Know. Celui-ci repose sur un sample de Deep Shadows, pépite Northern Soul oubliée et signée Little Anne, en 1967. Plus qu'une anecdote, cela dit tout d'un artiste accordant son flow à un répertoire immense, pour le conjuguer au présent. Respect. J.D. Bruxelles, 15.05, Botanique, Complet !, botanique.be Hasselt, 16.08, Kiewit (Pukklepop), 1 jour : 100 €, pukkelpop.be
© DR
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VKRS
Le clip, c'est chic T
irant son nom du hit des Buggles, Video Killed The Radio Star, premier clip diffusé sur MTV lors de sa création, le 1er août 1981, ce festival est dédié à l’art du clip et aux relations entre la musique et l’écran. La pop a toujours entretenu des rapports intimes avec les images animées : la mémoire collective a retenu des vidéos à l'ampleur cinématographique (Thriller de Michael Jackson, les courts-métrages épiques de Mylène Farmer, les vacances de PNL) et quelques grands noms du septième art tels Kathryn Bigelow (New Order), Michel Gondry (Björk, White Stripes), Spike Jonze (Weezer, Kanye West)… Outre une compétition des meilleurs clips belges, un focus sur le Québec, des DJ-sets et ciné-concerts (dont celui du quatuor post-rock bruxellois We Stood Like Kings, qui rejoue le soundtrack du documentaire Koyaanisqatsi), un concours propose de réaliser une vidéo en trois jours, sur un titre imposé et découvert au dernier moment. Enfin, une conférence du critique et écrivain Patrice Blouin répondra sans doute à cette question : dans quelle mesure ces pastilles influencent-elles la réception d'une chanson ? Thibaut Allemand
# 46
Bruxelles, 09 > 11.05, Les Riches Claires & cinéma Palace Conférences : gratuit, Projections clips & workshop : 3 €, Concert & Vijing live : 5 €, Pass 10.05 : 7 € Pass 11.05 : 12 €, Pass 3 jours : 19 €, www.lesrichesclaires.be Sélection / 09.05 : compétition national jour 1, clips hors compétition, DJ Mellow + VJ June Peduzzi 10.05 : conférence "Produire des clips", conférence de Patrick Blouin, ciné-concert We Stood Like Kings 11.05 : Focus Québec, Film Music Workshop, palmarès du festival au Palace, VJing avec Dwelllll Project…
musique
dEUS
Crash test Vingtième anniversaire d'un album fondateur oblige, la réédition grand luxe s'accompagne pour dEUS de huit dates consacrées à The Ideal Crash à l'Ancienne Belgique, avant une tournée européenne (dont un passage à Bruges). Un crash idéal ? Un envol, plutôt.
# 48
V
erre à moitié vide : dEUS, qui n'a rien signé depuis sept ans, passe à la caisse en jouant en intégralité l'un de ses albums-phares, comme à peu près tous les groupes des nineties. Verre à moitié plein : dEUS a marqué l'histoire de la pop européenne avec The Ideal Crash,
et nous offre l'occasion de le redécouvrir sur scène, de A à Z. évidemment, on verra toujours le verre à moitié plein. D'autant que ce disque, paru en 1999, fut un jalon dans la carrière des Flamands. Après le départ du fantasque Stef Kamil Carlens, la formation se resserre
© Jose Carlos Nero
autour de Tom Barman et Craig Ward. Épaulés par le producteur canadien David Bottrill (Tool, The Smashing Pumpkins…) les Belges signent le disque qu'ils n'ont jamais surpassé depuis. La cour des grands dEUS laisse libre cours à ses envies et compose des morceaux paradoxaux : immédiatement accrocheurs, ils se révèlent écoute après écoute. On découvre alors de multiples strates, des hooks disséminés et une juxtaposition de chœurs, refrains altiers et trouvailles mélodiques. On pourrait en citer un paquet, mais le single Instant Street
reste dans toutes les mémoires et symbolise à merveille cette approche d'un songwriting tout en pleins et déliés. Finalement, le groupe aura accompli sa mue à peu près au moment où, outre-Manche, d'autres têtes de gondoles se remettent en question – pensez au Blur de 13 (1999) ou au Radiohead de OK Computer (1997). Oui, à l'époque, dEUS jouait dans cette catégorie. Thibaut Allemand Bruxelles, 20 > 27.05, Ancienne Belgique, Complet !, www.abconcerts.be Bruges, 07.07, Cactusfestival (Minnewaterpark), 55 €, cactusfestival.be Herk-de-stad, 12.07, Rock Her (St. Truidersteenweg), 36 €, rockherk.be
Ou l'histoire de rendez-vous manqués. En 2004, ces Londoniens avaient toutes les cartes en main pour devenir l'un des plus grands (voire gros) groupes du monde. Mais tel n'était pas leur plan. Alors, après un premier essai grandiose, ces cousins de Grandaddy ou Sparklehorse disparurent des écrans radars, laissant le champ libre aux besogneux (Arcade Fire, évidemment). Treize ans plus tard, le quintette revenait comme si de rien n'était avec un deuxième album aussi aérien et inventif que le premier. Avec une tournée à la clef mais aussitôt annulée, pour raison de santé. Cette fois-ci, rendez-vous est bien pris. Pour des retrouvailles inespérées. T.A. Lesquin, 28.05, Centre Culturel, 20 h, 10 / 6 €, www.centrecultureldelesquin.fr
# 50
© Mc Caughey
Kurt Vile & The Violators Longtemps, ce natif de Philadelphie fut introduit comme un ex-War On Drugs. Dix ans plus tard, c'est la formation qui est présentée comme l'ancien groupe de Kurt Vile. Notre homme a depuis fait pas mal de chemin, enregistrant avec ses amis (Courtney Barnett) et ses idoles (de Kim Gordon à Neil Young). Nourri par Dinosaur Jr. ou Pavement, Vile a récemment signé un huitième LP qui éclabousse tel un panaché de ses influences – franchement rafraîchissant ! T.A. Lille, 27.05, L'Aéronef, 20 h, 26 > 19 €, www.aeronef.fr Werchter, 28.06, Festivalpark (Rock Werchter), Complet !
© Neil Phillips & Monique Cronje
Flotation Toy Warning
Futur antérieur
© Steve Double
Stereolab
# 52
Durant un hiatus discographique d'une dizaine d'années, les membres de Stereolab n'ont pas chômé. On les a entendus dans Monade, Cavern Of Anti-Matter, entre autres. Aujourd'hui, la formation remonte sur scène pour accompagner le travail de restauration de son œuvre. Immanquable ! Stereolab, c'est avant tout la rencontre entre un jeune Anglais marxiste (Tim Gane, ex-McCarthy) et une Française née en mai 68 (Laetitia Sadier). Entre 1991 et 2009, le groupe mixte incarna un drôle de rêve : imaginer le futur à partir d'une vision des sixties. Ainsi, se marièrent pop baroque (The Free Design, Montage), krautrock (Neu! en tête) ou musiques répétitives (Reich, Glass…). Entre claviers divers (Moog, Farfisa, Mellotron…) et trouvailles sonores façon Joe Meek perçait un yé-yé vu d'Angleterre, porté par l'accent frenchy de Laetitia et des emprunts à la langue de Molière. Au vu de l'impact culturel de Stereolab (parlez-en donc à The Soundcarriers, Le SuperHomard, The Sea & Cake, Vanishing Twin…), son impact commercial, lui, semble moindre, et c’est un doux euphémisme. Ce n'est donc a priori pas pour des raisons pécuniaires que la formation franco-anglaise remonte sur les planches. D'ailleurs, aucun nouvel album n'est en vue, même si 2019 est marqué par un magnifique travail de rééditions à paraître tout au long de l'année chez Warp. En attendant, retrouver Bruxelles, 30.05, Botanique sur scène la bombinette French Disko, le blues (!) Complet !, www.botanique.be Transona Five ou rêver sous Des Etoiles élecHilvarenbeek, 31.05, Beekse troniques ne se refuse pas, si ? Bergen (Best Kept Secret), 14 h Thibaut Allemand
85 / 80 €, www.bestkeptsecret.nl
musique
Best Kept Secret Festival
Autant le dire, ce festival porte très mal son nom. C’est sans doute l’un des secrets les moins bien gardés du pays de feu Johan Cruyff ! Dans le cadre champêtre d’Hilvarenbeek, situé à une encablure de la frontière belge, se pressent depuis 2013 quelques poids lourds de la scène internationale – de Bon Iver à Fat White Family en passant par Charlotte Gainsbourg, rien que pour cette édition. Si le mystère est éventé depuis un bail, la surprise reste de mise. Voici notre quarté gagnant… Thibaut Allemand & Julien Damien
© Jabari Jacobs
Confidence pour confidence
Lizzo
# 54
Originaire de Houston, Melissa Viviane Jefferson, alias Lizzo, en impose. Et pas seulement par ses mensurations (qu'elle porte en étendard via le mouvement body positive). Cette-ex-flûtiste s’est installée en 2011 à Minneapolis, a fondé rien de moins que cinq groupes de hip-hop, avant d’être repérée par Prince (excusez du peu). à l’instar de son troisième album, Cuz I Love You, la trentenaire diffuse un cocktail pétillant de funk, soul et r’n’b, s’amuse des poncifs contemporains (du téléshopping au fitness) et prône l’acceptation de son corps, quel qu’il soit. Sur scène, elle se mue en reine du twerk lors de shows à la bonne humeur contagieuse – et fichtrement addictive ! + Werchter, 30.06, Festivalpark, 1 jour : 105 €, www.rockwerchter.be + Arras, 05.07, Citadelle, 1 jour : 54 €, mainsquarefestival.fr
Allez, soyons un tantinet snobs : Kraftwerk a perdu de sa superbe. Un seul membre originel (Ralf Hütter), pas un seul nouveau morceau (le plus récent étant Tour de France Soundtracks, 2003). Enfin, le mystère qui nimbait la formation a totalement disparu depuis que nos Allemands se rendent dans à peu près tout ce que le village global compte de festivals – des Bigflo et Oli sans frontières. Ceci étant dit, qui cracherait sur The Model ou Computer World sur des enceintes gigantesques et en 3D ?
Toro Y Moi En 2010, l'affaire semblait pliée. Toro Y Moi ? Un drôle de zigue qui s'écraserait aussi vite que la vague qui nous l'avait amené – on disait chillwave, à l'époque. Pas loin de dix ans plus tard, le Californien est toujours dans les parages et, avec six albums au compteur, a su se renouveler. Alors, tout ne fut pas parfait (la sale manie de s'en remettre aux pires tics de productions 80's) mais son p'tit dernier, Outer Peace, est un disque estival idéal. Ça tombe bien, le mercure grimpe.
John Grant fit ses armes au sein des Czars, formation maudite et signataire d'une poignée d'albums à la tristesse déchirante durant les années 2000. Désormais installé en Islande, l'Américain développe une étrange œuvre solitaire, puisant dans la pop ultra mélodique des seventies comme dans une approche électronique très actuelle. Travaillant avec des membres de Midlake ou de GusGus, il réalise un improbable syncrétisme entre savoirfaire à l'ancienne et tâtonnements modernes, passé et futur.
© Shawn Brackbill
John Grant
Hilvarenbeek, 31.05 > 02.06, Beekse Bergen, ven : 14 h, sam & dim : 12 h 1 jour : 85 / 80 €, pass 3 jours : 157,50 / 152,50 €, www.bestkeptsecret.nl Sélection / 31.05 : Bon Iver, Charlotte Gainsbourg, DJ Koze, Spritualized, Stereolab, John Grant, Primal Scream… // 01.06 : Kraftwerk 3D, Cigarettes After Sex, Mac DeMarco, Sophie, Aldous Harding, Fat White Family, Toro Y moi… // 02.06 : Christine and The Queens, Carly Rae Jepsen, Interpol, Kurt Vile and The Violators, Liz Phair, Julia Holter, Kate Tempest, Lizzo, Princess Nokia…
© Jack Bool
©Peter Boettcher
Kraftwerk
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Festivals
Sur la ligne de départ
Rock Werchter
© Jokko
Voici venu le temps des festivals (ne ratez pas nos deux prochains numéros !). Un avant-goût de ce qui vous attend près de chez vous ? Autant le dire, ces quelques noms saisis au débotté, au milieu de quatre affiches incontournables, annoncent la couleur d’une saison sous haute tension. Julien Damien
Désigné six fois meilleur festival du monde, Rock Werchter fait honneur à sa réputation. Entre grands (immenses) noms d’hier et d’aujourd’hui, on attend The Cure et son nouvel album (qui serait « putain de bon », selon Robert Smith). Parmi les autres légendes vivantes, citons aussi (surtout !) New Order, qui en dehors même de toute actualité discographique raflera la mise à coups d'hymnes synthétiques. Enfin, la très funky Janelle Monaé trouve ici une scène à la mesure de son talent, idéal pour déployer son show futuriste et sophistiqué.
# 56
Werchter, 27 > 30.06, Festivalpark, 13 h, 1 jour : 105 € (complet : ven & sam), pass 4 j. : 243 €, rockwerchter.be Sélection / 27.06 : P!NK, Charlotte Gainsbourg, Maribou State… 28.06 : The Cure, Weezer, Janelle Monáe, The 1975, Robyn, Jungle, Tom Misch, Kurt Vile & The Violators… 29.06 : Florence & the Machine, Macklemore, The Good, The Bad & The Queen, Beirut, Angèle, The Blaze… 30.06 : Muse, Balthazar, New Order, Underworld, Mac DeMarco…
Angèle © Charlotte Abramow
© Sarah Bastin
La Bonne Aventure
Main Square
Une plage ensoleillée (sans doute l’une des plus belles du Nord de la France), une grande scène gratuite, des parcours secrets, un "Klub"… Oui, La Bonne Aventure, c’est un peu Les Nuits Secrètes au bord de la mer. Logique, l’organisateur est le même. L’esprit aussi : familial et défricheur, pointu et rassembleur. à l’image de Charlotte Gainsbourg, Feu ! Chatterton ou du groove raffiné de Parcels, invités d’honneur d’un festival qui a rapidement pris ses marques (de bronzage).
Le petit frère de Rock Werchter se défend aussi magistralement. Dans la Citadelle d’Arras, on s’enjaille sur la techno dada d’Agar Agar ou le punk-rock d’Idles, avant de rejouer la demi-finale du dernier mondial russe, mais cette fois sur scène. Côté Diables Rouges, Damso et Angèle donnent le change à des Bleus emmenés par Lomepal et Jain. En arbitres, les Américains (dopés) de Cypress Hill, toujours aussi nuls en foot, mais champions du monde quand il s’agit d'enflammer un public.
Dunkerque grand littoral, 22 & 23.06 Plage de Malo-les-Bains & Kursaal, 12 h > 00 h, Grande scène : gratuit, Parcours secret : 8 €, Klub : 10 €, www.labonneaventurefestival.com
Arras, 05 > 07.07, Citadelle, ven : 15 h 30, sam : 13 h 30, dim : 12 h 30, 1 jour : 54 €, pass 3 jours : 129 €, mainsquarefestival.fr
Sélection / 22.06 : Georgio, Feu! Chatterton, Parcels, Charlotte Gainsbourg, Boys Noize… 23.06 : Groundation, Meute, Therapie Taxi…
Sélection / 05.07 : DJ Snake, Cypress Hill, Christine & The Queens, Damso, Angèle, Lizzo… 06.07 : Macklemore, Agar Agar, Lomepal… 07.07 : Jain, Bigflo & Oli, Idles, Eddy De Pretto…
Dans cette cité nichée au creux de la jolie campagne avesnoise, on a repéré Metronomy, Nekfeu, Roméo Elvis et quelques lads parmi les plus barrés de la perfide Albion : Sleaford Mods et Fat White Family ! Au-delà de l’affiche, pointue et populaire, n’oublions pas le concept (génial) des parcours secrets : on monte dans un bus qui nous emmène n’importe où, pour voir n’importe qui mais (vous l’aurez compris) pas n’importe quoi. Aulnoye-Aymeries, 26 > 28.07, ven : 18 h, sam : 14 h, dim : 15 h, 1 jour : 42 > 27 €, pass 3 j. : 85 > 50 €, lesnuitssecretes.com Sélection / 26.07 : M, Jeanne Added, Hot Chip… 27.07: Romeo Elvis, Vitalic, Odezenne, Flavien Berger, Sleaford Mods… 28.07 : Metronomy, Polo & Pan, Blick Bassy, Thylacine, Kompromat…
Blick Bassy © Justice Mukheli
Les Nuits secrètes
Kittin
et aussi… Mer 01.05 Kitty, Daisy & Lewis + Black Box Revelation + Jon Spencer & The HITmakers Lessines, Centre Culturel René Magritte, 11h, 35>20e
Jeu 02.05 Kap Bambino + Hantrax + Party Harders Liège, Reflektor, 20h, 20,50e Mélanie De Biasio Tournai, Halle aux Draps, 20h, 32>30e Wovenhand + Miles Oliver Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15/12e Fatoumata Diawara Douai, L'Hippodrome, 20h30, 22>12e Jil Caplan (Tournai Jazz Festival) Tournai, Magic Mirrors, 21h45, 16e
# 58
Ven 03.05 Bachar Mar-Khalifé Oignies, Le Métaphone, 20h30, 17>11e
© DR
Apparue il y a une vingtaine d'années au sommet de la vague electroclash, Miss Kittin a signé des classiques abrasifs avec The Hacker (1982, Frank Sinatra). Si la Grenobloise a depuis multiplié les sets et les collaborations (Felix da Housecat, Vitalic), elle n’avait plus publié de long format depuis 2013. La voici de retour avec Cosmos. Pour cet album, elle a changé d’alias (Kittin, son surnom original) et délaisse les kicks assassins pour les nappes de synthé et les textures rétro-futuristes, taillées pour les anciennes forges du Rockerill. J.D. Charleroi, 17.05, Rockerill, 22 h, 15 / 12 €, www.rockerill.com
Sinsémilia Orchies, Le PACBO, 20h30, 25/20e Stoned Jesus + Fire Down Below 4 AD, Dixmude, 20h30, 15>11€
Sam 04.05 Seth Troxler + Walrus + Pierre Bruxelles, Fuse, 23h, 12>9e
Dim 05.05 Bonnie Tyler Ostende, Kursaal, 20h, 65>35e
Mar 07.05 Rat Boy Anvers, Trix, 19h30, 17>15,5e
Sam 11.05 Ma mère l'oye Lille, Nouveau Siècle, 16h, 14>5e Angèle Lille, Le Zénith, 20h, 35>29e Hoshi + Fergessen (Supervia) Maubeuge, La Luna, 20h, 20/15€ ARAT KILO feat MAMANI KEITA & MIKE LADD Baloji Oignies, Le Métaphone, 20h30, 17>11e Michel Jonasz Boulogne-sur-Mer, Espace de la Faïencerie, 20h30, 26/22e
lun 13.05
Elliott Murphy Lillers, L'Abattoir, 21h, 12>8€
Ricard Live Music : Salut c'est cool + Suzane + Dampa Lille, L'Aéronef, 19h, gratuit
Ven 10.05
Mer 15.05
George Ezra Bruxelles, Forest National, 20h, 41,32e
Ozark Henry Ostende, Kursaal, 20h, 25e
Kimberose + Sandra Nkaké Hazebrouck, Centre André Malraux, 20h, 20>5e Mr. Scruff - All Night Long Gand, Vooruit, 22h, 14,75e
Samael + Hangman's Chair Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 18>15e Véronique Sanson Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 72,5>36e
Jeu 16.05
Mar 21.05
Sam 25.05
Peter Doherty & the puta madres Anvers, Trix, 19h30, 31/30e
Puppetmastaz Liège, Reflektor, 20h, 19,50e
Darius, Kartell, dabeull & cezaire Lille, Magazine Club, 23h, 13€
Mer 22.05
Nouvelle Vague Bruxelles, Botanique, 20h, 27>21e
M Lille, Le Zénith, 20h, 69>35e Still Corners Lille, L'Aéronef, 20h, 11e>grat.
McAnuff & Fixi Boulogne-sur-Mer, Carré-Sam, 20h, 10>6e It It Anita + Dewaere Béthune, Le Poche, 20h30, 8/6e Kyle Eastwood Arras, Théâtre, 20h30, 22>12e Véronique Sanson Roubaix, Le Colisée, 20h30, 70>50e
Tom Walker Lille, Le Splendid, 20h, 27e
Jeu 23.05 Elton John Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 162>58e Glauque + Doxx Lille, L'Aéronef, 20h, 18>5e
Bertrand Belin Beauvais, L'Ouvre-Boîte, 21h, 16>11e
M Lille, Le Zénith, 20h, 69>35e
Marc Ribot + Film Am Montag Villeneuve d'Ascq, La Ferme d'en Haut, 21h, 8>5€
Alain Chamfort Bruxelles, WHALLL, 20h30, 38/35e
Ven 17.05
Brigitte Béthune, Théâtre, 20h30, 44>22e
Jain Lille, Le Zénith, 20h, 50>40e
Ven 24.05 Hugo Barriol + Louis Aguilar Béthune, Le Poche, 20h, 10/8e
Malik Djoudi + Inuït Béthune, Le Poche, 20h30, 12/10e
Sam 18.05
M Bruxelles, Forest National, 20h, 57>32e
Jon Spencer & The Hitmakers Lille, L'Aéronef, 20h, 22>14e
Rokia Traoré Calais, Le Channel, 21h, 7e
Dim 26.05 Aldous Harding Lille, maison Folie Wazemmes, 18h, 17/13e Eagles Anvers, Antwerp Sportpaleis, 18h30, 168>73e Thomas Azier Bruxelles, Botanique, 20h, 20>14e
Mer 29.05 Zazie Saint-Omer, Sceneo, 20h, 59>25e
Jeu 30.05 Brigitte Mons, Théâtre Royal, 20h, 45,50>35,50e Hyphen Hyphen Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 38,15e
Ven 31.05 Vanessa Paradis Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 70,85>38,15e Ago! Benin Brass + Ahmad Roni & The New Era 4 AD, Dixmude, 20h30, 12>8€
Lille, 21.05, Le Splendid, 20 h, 22 €, www.le-splendid.com
© Maud Chalard
Nach Dans la famille Chedid, demandez Anna, la petite dernière. Petite-fille de la poétesse Andrée, fille du musicien Louis et petite sœur de Matthieu (pour qui elle fut choriste et claviériste), Nach se distingue par son timbre grave, que d'aucuns comparent à celui de Camélia Jordana. Formée au chant lyrique et au jazz, elle fut révélée dès 2015 avec des mélodies pop et sucrées. Elle étrenne à la fin de ce mois L'Aventure, deuxième album en clair-obscur, qui devrait attirer la lumière sur elle… A.B.
disques Fat White Family
Serfs Up ! (Domino) À force de les présenter comme une bande d’arrachés camés jusqu’aux yeux et totalement irresponsables (ce qu’ils sont), certains avaient oublié que ces Britanniques sont également capables de coups de génie. Reconnaissons qu’on écoute plus souvent Whitest Boy On The Beach (quatre minutes et quatorze secondes de pure angoisse libératrice) que le reste de leurs albums. Or, ce troisième essai change radicalement la donne. Nourrie des expériences extra-incestueuses de ses membres (The Moonlandingz, Insecure Men…), la Famille détient désormais un savoir-faire insensé. Et conserve une approche déglinguée. Ainsi, entre confessions à mi-voix sur fond de Library Music façon KPM Records (Vagina Dentata), post-punk et proto-techno (Fringe Runner), ballade mélancolique noyée sous les cordes (Oh Sebastian), funk codéiné façon Iggy berlinois (Tastes Good With The Money), le sextette s’approprie tous les genres noctambules. Sommet de ce disque, Rock Fishes, fresque profondément anglaise, de celles jadis admirées chez The Specials. Oui, Fat White Family joue désormais dans cette cour. Et demeure pourtant une bande d’arrachés camés jusqu’aux yeux. Joli tour de force ! Thibaut Allemand
Foxygen
# 60
Seeing Other People (Jagjaguwar) Coutumier des bonnes surprises comme des franches déceptions, le duo avait annoncé ce disque comme celui de la fin de l’insouciance. Seeing Other People marque en effet une transition dans l’histoire de Foxygen. Les Californiens s’éloignent du psychédélisme pour puiser dans le classic-rock et la pop des eigthies. Contrairement au très baroque Hang, le précédent opus, cet album se veut plus so(m)bre, dans ses sonorités et ses thématiques. En témoigne la complainte amère, Livin’ a Lie, fustigeant l’aveuglement des fans les plus obstinés, ou encore le disco cynique de Face the Facts, où le groupe renonce à ses dernières illusions. Mais le disque s’achève par The Conclusion, impro un peu bordélique sur une basse vrombissante. Le message est clair : Foxygen n’a pas dit son dernier mot. Hugo Guyon
KiDD
The Drums
Chance Weekend
Brutalism
(Zenzerino Records) Si l’on écrivait pour Whisky Magazine, on évoquerait l’écosse via ses distilleries – Laphroaig, Lagavulin, Ardbeg… Là, le bonheur se mesure en années. Mais dans cette rubrique, on se penche sur le versant musical d’un pays où, en matière de pop, la patience n’a pas lieu d’être. En témoigne Stuart Kidd, alias KiDD. Membre émérite des Wellgreen et pivot discret de la scène de Glasgow (Teenage Fanclub, Stevie Jackson, BMX Bandits…), ce musicien hyperactif (et très inspiré) signe un quatrième album décrit comme de la "pop de placard". Enregistrées à la maison (dans un placard, donc) en quelques jours, ces chansons amples conjuguent science mélodique et simplicité de l’exécution – toutes ces choses que l’on a toujours aimées chez les Écossais. Thibaut Allemand
(ANTI- / Boogie Drugstore) L’electro-pop sucrée de The Drums peut en rebuter plus d’un. Les autres se laisseront séduire par la naïveté enivrante des mélodies de Jonathan Pierce. Dernier membre fondateur encore impliqué dans le projet depuis Abysmal Thoughts (2017), le New-Yorkais trace sa route avec ce cinquième album. Abusant moins des reverb’ et de fioritures, Pierce y dévoile un peu plus son timbre juvénile, notamment dans Nervous, ballade pour cœurs brisés. Certes, Brutalism n’est pas révolutionnaire, et certaines sérénades semblent usées. Mais le morceau Loner et son refrain accrocheur invitent à lâcher prise sur la piste ou, à défaut, dodeliner de la tête dans le métro. Au final, n’est-ce pas ce qu’on attend d’un album de The Drums ? Hugo Guyon
Jamila Woods
Legacy ! Legacy ! (Jagjaguwar) Pour son second album, Jamila Woods cherchait « une manière novatrice d’écrire ». La complice de Chance The Rapper a choisi de sacraliser des avant-gardistes, du légendaire Jean-Michel Basquiat au révolté James Baldwin, en passant par l’emblématique Sonia Sanchez. Pour le planant Earhta, elle se glisse dans la peau de la sensuelle chanteuse et danseuse Miss Kitt. En hommage à l’écrivaine Zora Neal Hurston, la native de Chicago brise les préjugés et idées préconçues (Zora). Avec Frida, elle empreinte aux codes du r’n’b old school pour dresser un portrait puissant de la peintre mexicaine. Pour sûr, en recomposant ainsi le passé, entre musique, poésie et performance, Legacy ! Legacy ! ("héritage !"...) restera longtemps dans les mémoires. Sonia Abassi
littérature
Victorine raconte cette journée du 19 mars...
Nous pensions qu’une ère nouvelle s’ouvrait. Mais il ne suffit pas d’avoir triomphé. Il faut savoir garder le terrain conquis.
Ce pauvre Paris nous donnait le spectacle d’un magnifique défilé militaire allant à Versailles, emportant argent et archives.
Les citoyens étaient si naïfs qu’ils croyaient sincèrement faire œuvre de gloire en se hissant sur l’impériale des omnibus, lançant des programmes en profusion, en faveur du mouvement communaliste.
VIVE LA COMMUNE !
VIVE LA COMMUNE !
VIVE LA COMMUNE !
Je vois encore ce brillant défilé. Quelques pauvres diables de lignards se retournaient, attrapaient au vol ces morceaux de papier insignifiants.
Quelques-uns avaient entonné La Marseillaise, lorsque des officiers se mirent à crier...
FANTS...
ALLONS EN
Sacré nom de Dieu ! Marcherez-vous, espèces de brutes ! La foule se contenta de rire et de siffler les galonnés.
# 62
La journée du 19 mars, si belle à son aurore, était déjà vouée à l’échec au déclin du jour. L’insuccès de la révolution est tout entier dans cette journée qui promettait tant.
12
© Éditions Delcourt, 2019 -‐ Meyssan
La Commune
La mémoire réveillée Première insurrection prolétarienne autonome (selon Karl Marx), la Commune de Paris (1871) est un événement difficile à appréhender, vu de 2019. C'est pourquoi cette "autre histoire" par Henri Guillemin et la bande dessinée de Raphaël Meyssan sont bienvenues – surtout en cette période agitée.
« L
a défaite, la révolte, le massacre ». Ainsi l'écrivain et communard Jules Vallès résuma ces 72 jours qui changèrent l'Histoire. Peut-on conter la Commune de manière objective ? Vaste et insoluble débat. En partant du principe que la subjectivité est de mise, on considère l'approche de Raphaël Meyssan qui signe une splendide bande dessinée sur le sujet (Les Damnés de la Commune). Ce graphiste de formation a en effet entamé des recherches titanesques pour retracer le parcours du communard Lavalette, qui vivait, voici un siècle et demi… dans le même immeuble que lui ! Le second volume de la trilogie impressionne encore. N'utilisant que des gravures d'époque, s'alignent ici des trouvailles graphiques et narratives pour mêler la petite et la grande histoire – faisant même écho à la nôtre. Des planches aux images Chez Henri Guillemin, en revanche, le dispositif spartiate étonne : en 1971 et en 13 épisodes filmés pour la TSR, l'historien français, vissé à sa table, contait la Commune. Prenant fait et cause pour les insurgés, vomissant Thiers et les Versaillais, il donne des armes à la critique (en attendant la critique des armes). L’homme fut souvent condamné pour impartialité. Il n'en demeure pas moins que les conférences de cet anti-Decaux, ici exhumées en Les Damnés de la Commune, un coffret de trois DVD (et sept Vol. 2 : Ceux qui n'étaient rien de Raphael Meyssan, (Delcourt), 144 p., heures de film) demeurent passion23,95 €, www.editions-delcourt.fr nantes et instructives. à chacun, Une autre histoire de la Commune de Paris, de Henri Guillemin, Coffret 3 DVD ensuite, de poursuivre la réflexion. Thibaut Allemand
+ 1 livre (Les Mutins de Pangée), 35 € www.lesmutins.org
Des bulles et des Hommes
© Vincent Hequet
Rendez-vous de La BD d'Amiens
# 64
Créé par l’association On a Marché sur la Bulle, ce festival est un incontournable des fans de BD. Rencontres, expositions, spectacles… Durant deux jours, Amiens prend des airs d'Angoulême (quelques degrés en moins, la chaleur humaine en plus), offrant un fascinant panorama du 9e art. Après 24 éditions, nul besoin de rappeler l'importance de ces Rendez-Vous. D'ailleurs, les auteurs ne s'y sont pas trompés. Ils seront cette année plus de 90 au sein des 5 000 m2 de la Halle Freyssinet. Parmi eux l'Italien Enrico Marini. Connu pour son trait réaliste (Rapaces, Les Aigles de Rome…), il est le premier "franco-belge" (eh oui, il est édité chez Dargaud) autorisé à dessiner "sa" version de Batman (The Dark Prince Charming). D'ailleurs, c'est à lui qu'on doit l'affiche du festival. En parlant de monument "restauré", Blake et Mortimer s'offrent une nouvelle jeunesse sous les crayons de… François Schuiten. Le dessinateur des Cités obscures a planché trois ans sur Le Dernier Pharaon, épaulé par d'autres Belges illustres : Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux. L'album révèle ses premières pages à Amiens. Au fil des nombreuses expositions disséminées dans l'ancienne friche industrielle Amiens, 01 & 02.06, Halle Freyssinet (et partout en ville) on s'arrête aussi devant sam : 10 h > 21 h, dim : 10 h > 19 h, 1 jour : la nouvelle enquête graphique de Xavier 3 € / gratuit (-25 ans), rdvbdamiens.com Betaucourt et Jean-Luc Loyer. Après Le Sélection / Expositions (jusqu'au 30.06) : Blake et Mortimer. Le Dernier Pharaon Grand A, passionnant récit de la genèse du (François Schuiten, Jaco Van Dormael, Thomas Gunzig et Laurent Durieux) // plus grand Auchan de France (cf LM 114), Sortir de terre - Louvre-Lens (Xavier le duo s'intéresse au Louvre-Lens, dans un Betaucourt et Jean-Luc Loyer)… Exposition "hors les murs" (Maison de ouvrage à l'image de cette manifestation : la Culture d'Amiens, 31.05 > 14.10) : Enrico Marini… en dehors des cases. Julien Damien
livres Manu Larcenet & Jean-Yves Ferri Le Retour à la terre, T.6 Les métamorphoses (Dargaud) D’abord, se souvenir des fantastiques cinq premiers tomes de la saga champêtre de Manu Larcenet – alias Manu Larssinet. En fait de saga, l’installation de deux Parisiens (l’auteur et sa copine) dans la commune rurale (fictive) des Ravenelles. Lui est auteur de BD, elle reprendra ses études, ils auront un enfant, feront la connaissance de leurs étranges voisins (Monsieur Henri, Madame Mortemont…). Scénarisée par Jean-Yves Ferri, cette histoire jouait sur la mise en abyme (Larssinet dessinant lui-même la BD dans la BD, vous suivez ?) et pas mal de gags visuels – les cartons en guise de meubles… égratignant gentiment les néo-ruraux, elle était aussi traversée de thèmes tels l’âge adulte, la paternité. On retrouvait ces réflexions dans Le Combat ordinaire, du même auteur, mais sur un mode bien plus léger. Et puis, plus rien dans ce genre. D’ailleurs, lorsque nous fermâmes le tome 5 en 2008, nous étions loin d’imaginer qu’un sixième verrait le jour. Mais la vie continue, celle de Larcenet aussi, et le voilà bientôt père d’un deuxième enfant, cherchant le sien (de père). Comme d’habitude, les blagues font mouche et le tandem parvient à saisir l’air du temps. Des petits riens, comme dirait Trondheim. 48 p., 12 €. Thibaut Allemand
Frédérique Aït-Touati, Alexandra Arènes & Axelle Grégoire
# 66
Terra Forma (éditions B42) La crise environnementale est aussi celle des représentations. Partant de cette idée, deux architectes et une historienne des sciences s’associent et renouvellent l’art et l’imaginaire de la cartographie. D’un tracé figé et vidé de ses habitants, offrant aux humains la promesse d’une prise incontestable sur le monde, il s’agit de faire un instrument de perception du vivant. Bref, de redécouvrir notre Terre. « Envisagée comme une scène, la carte devient un outil modulable, ouvert, déployant des histoires et des situations : un nouveau theatrum mundi qui fait place aux agents naturels, mêlés et associés à la comédie humaine », écrivent-ils. Passionnant dans ses implications théoriques et politiques, volontiers pédagogique, Terra Forma est également un superbe objet. 192 p., 25 €. Raphaël Nieuwjaer
Benjamin Fogel
Fabcaro
La Transparence selon Irina
Open Bar 1ere tournée (éd. Delcourt)
(Rivages Noir) 2058. Internet a disparu pour laisser place au "Réseau", gigantesque entité numérique contrôlée par les états et régissant les relations humaines. Les données de chacun sont accessibles par tous (ce que vous achetez, votez…). La transparence est devenue la norme. La paix sociale est à ce prix. Dans ce monde dématérialisé se débattent les rienacalistes (ceux qui n’ont rien à cacher, la majorité consentante), les obscuranets, des terroristes anti-système, et les nonymes, dissociant leurs existences virtuelle et réelle. Comme l’héroïne, trentenaire fascinée par Irina, mystérieuse pythie digitale… Evidemment, on pense à Orwell ou à la série Black Mirror. Benjamin Fogel mêle d’une écriture au cordeau anticipation et thriller, dans un roman (hélas) visionnaire. 280 p., 19 €. Julien Damien
L’humour et Les Inrocks ? Vaste programme, qu’on pourrait résumer ainsi : autrefois, c’était Pierre La Police. Très bien ! Puis la Ligue du LOL. Navrant. Oublions ces ados mal dégrossis. Préférons Fabcaro, qui offre une bonne raison de lire l’hebdomadaire : des strips transpirant l’élucubration. Le style demeure celui de Zaï Zaï Zaï Zaï. Des vignettes ubuesques tirant sur le fil de l’absurde pour pousser chaque situation au point de rupture. Le fil conducteur ? Un cheveu sur la soupe – enfin, vous verrez. Le trait est soigné, le noir et blanc élégant. D’après la formule de Tati, qui servit de devise aux Inrockuptibles première période, « trop de couleurs distrait le spectateur ». En vrai, la monochromie n’est pas triste non plus ! 56 p., 13,50 €. Thibaut Allemand
Alfonso Zapico Ceux qui construisent des ponts (Futuropolis) Zubigileak, soit "ceux qui construisent des ponts", est une expression idiomatique en Euskara, la langue basque. Ici, elle désigne les gens qui ont choisi de militer pour une solution pacifique, qu’ils soient indépendantistes ou loyalistes espagnols. La BD illustre le dialogue entre Eduardo Madina, ancien cadre du parti socialiste ibérique, et Fermin Muguruza, leader du groupe de ska-punk Kortatu, gauchiste et indépendantiste. Le premier a perdu sa jambe lors d’un attentat de l’ETA à 26 ans, le second plusieurs camarades devant les assauts des paramilitaires. Ils parlent du pays, de la légitimité de la lutte armée mais aussi de musique. Revenir sur cette histoire douloureuse est un exercice délicat. Zapico s’y livre avec un optimisme rafraîchissant et un trait léger comme l’air. 200 p., 25 €. Hugo Guyon
écrans
Interview
Michel Vuillermoz
# 68
l'apprenti
Propos recueillis par Julien Damien Photo Fabien Campoverde, OCS
Alphonse Président, c'est l'histoire d’un prof d'histoire-géo propulsé sans le vouloir président de la République ! Dans la saison 2 de cette série produite par OCS, Alphonse Dumoulin, désormais à son aise à l’élysée, lutte contre le projet d’humain augmenté de "Goolag" (allusion à peine voilée aux GAFA), imaginant une "Déclaration des droits de l’Homme déconnecté"… Burlesque à souhait, cette création de Nicolas Castro dénote par ses thèmes (en gros, le monde d'hier résistant au "nouveau"). Dans la peau du chef de l'état zélé, on trouve Michel Vuillermoz. Pilier de la Comédie-Française, éternel second rôle au cinéma, l'inoubliable interprète de Cyrano de Bergerac trouve ici un personnage à la mesure de son talent.
Comment présenteriez-vous cette série ? C'est une comédie un peu "rétro". Nicolas et moi aimons ces références aux années 1970-80, voire aux Trente Glorieuses d'où est issu le président Alphonse Dumoulin. Ce dernier a pour modèles De Gaulle ou Mitterrand, de grandes figures du pouvoir et du siècle passé. Sans éprouver de nostalgie particulière, c'est une époque et un cinéma qui nous ont fait rêver, où tout était encore possible…
« Ce héros isolé part en guerre contre la marche du monde et les GAFA. » Nicolas Castro s'inspire aussi des comédies américaines, comme Seinfeld… Oui, et même Blake Edwards, dont on perçoit l'influence dans la deuxième saison, très burlesque. J'adore ce ton-là. Comment avez-vous composé votre personnage ? Pensiez-vous à une personnalité politique ? Pas du tout. Mais, quand Nicolas Castro m'a expliqué qu'Alphonse Dumoulin fumerait la pipe et porterait des costumes de velours, très "vintage", le personnage était composé ! J'ai aussi pensé à
Jean-Pierre Marielle. Je me sens proche de cet humour, cette mauvaise foi, ce côté un peu misogyne et vieille France… Pour tout dire, les propos d'Alphonse Dumoulin sont assez proches de mes pensées. La série est burlesque mais dit beaucoup de choses sur le monde actuel, n'est-ce pas ? Oui, sans se prendre au sérieux. Elle n'est pas politique comme Baron noir, même si ce registre reste sous-jacent. Alphonse a un certain âge, ses propres références historiques, et le voilà propulsé dans un monde numérique qui le dépasse complètement. J'aime son côté "seul contre tous", renvoyant un peu à Cyrano ou à Don Quichotte. C'est le héros isolé, qui part en guerre contre la marche du monde et les GAFA, comme on le découvre dans la deuxième saison. Je reste séduit par cette idée du "Gaulois résistant". Pourquoi ? Parce que cette société nous engloutis, nous transforme en robots. On assiste impuissant à notre déshumanisation… Je ne suis pas optimiste face à ce formatage des individus, la réussite à tout prix, la compétition, l'idée de "gagner sa vie", la pensée unique. Pour moi, Matrix était un film visionnaire. suite
# 70
Cela vous fait quoi de jouer les premiers rôles ? On a plus de temps ! Lorsqu'on porte la série, tout est écrit en fonction de votre personnage, c'est beaucoup plus confortable ! A contrario, quand on joue les seconds ou troisièmes rôles, il faut être efficace tout de suite, dans les quelques scènes qui nous sont attribuées…
est un grand réalisateur. J'y interprète l'un des généraux responsables de l'accusation de Dreyfus, le commandant Armand du Paty de Clam, une véritable saloperie…
On vous verra également en novembre dans J'accuse de Roman Polanski. Qui jouez-vous ici ? Oh, c'est un petit truc, une ou deux scènes… Mais c'était tout de même formidable, Roman Polanski
On se souvient aussi de vous dans le rôle de Cyrano de Bergerac, mis en scène par Denis Podalydès. était-ce un moment fort de votre carrière ? Bien sûr, c'est un rôle mythique… et épuisant à jouer. Après cela,
« Je me sens proche de l'humour de Jean-Pierre Marielle. »
tout me semble une récréation ! Mais on oublie la fatigue car c'est tellement de plaisir pour le spectateur, les jeunes en particulier. Je garde plein de beaux souvenirs avec des enfants qui ont découvert le théâtre avec Cyrano. D'ailleurs, il est possible qu'on le reprenne… mais rien d'officiel ! Comment travaillez-vous ? Vous semblez "boulimique"… Pas du tout ! Je suis plutôt paresseux. Si on ne m'appelle pas, je reste chez moi à lire et m'occuper de mes filles et de ma famille ! Je réponds bien sûr aux projets intéressants mais, sinon, je ne recherche pas le travail à tout prix.
Je suis l'anti-Vincent Lindon, qui se bagarre pour obtenir un rôle. D'ailleurs je ne sais pas le faire et ça ne m'intéresse pas. Je reste d'un naturel assez sauvage. Je ne suis pas du tout "people", dans les soirées où il faut être… Je ne me sens pas à l'aise dans une pièce où il y a plus de six personnes (rires).
Alphonse Président De Nicolas Castro, avec Michel Vuillermoz, Bruno Gouery, Jean-Michel Lahmi,… Saison 1 disponible sur OCS, saison 2 disponible le 02.05 à lire / L’interview intégrale sur lm-magazine.com
# 72
© Tobin Yelland
90's
Planche de salut Los Angeles, une famille dysfonctionnelle, une bande de skaters : pour sa première réalisation, Jonah Hill semble avoir choisi le territoire le plus arpenté du cinéma indépendant américain contemporain. Et pourtant, aussi fragile que rayonnant, 90's a le charme indéniable des premières fois.
G
ringalet de 13 ans, Stevie est régulièrement tabassé par son grandfrère. C'est d'ailleurs ainsi que le film débute, avec une sécheresse et une violence inattendues. Père absent, mère attentionnée mais dépassée, le garçon semble condamné à la solitude. Jusqu'au jour où il croise un groupe d'ados qui a fait d'une boutique de skate son repaire. L'approche est timide. Mais le ravissement immédiat. Stevie décroche les posters des Tortues Ninja recouvrant les murs de sa chambre, et négocie la planche de son frère. L'apprentissage commence, avec ses chutes innombrables puis la soudaine légèreté offerte par la glisse. Mieux : notre héros découvre une communauté ouverte et bienveillante. Glissement de terrain Si Jonah Hill a retenu quelque chose de sa collaboration avec Judd Apatow (réalisateur d'En cloque, mode d'emploi et producteur de l'inégalable SuperGrave, sortis en 2007), c'est bien le souci de ne juger personne. Certes, il n’y a pas qu'amour et sympathie dans 90's. Mais chacun est considéré avec suffisamment d'attention pour révéler une faille, un espoir, une déception trop longtemps tue. à l'image de cette conversation entre les jeunes et un homme sans domicile évoquant son addiction. En cela, Hill se distingue de Larry Clark et d’Harmony Korine (qui apparaît au détour d'un plan) et de leur fameux Kids (1995). Ce qu'il cherche est différent : le moment fugace où un sourire s'épanouit. Raphaël Nieuwjaer De Jonah Hill, avec Sunny Suljic, Lucas Hedges, Katherine Waterston… En salle
Plus belle la ville
© Meteore Films
écrans
Monrovia, Indiana
Après In Jackson Heights (2015) et Ex Libris (2017), tournés à New York, Frederick Wiseman s'aventure dans la région bien plus austère du Midwest. Entre les champs de maïs et les élevages de bétail se niche Monrovia, bourgade de 1 400 âmes soucieuse de préserver sa tranquillité.
# 74
Monrovia, Indiana s'ouvre sur une succession de plans bucoliques : un champ nu, des nuages qui s'effilochent, le vent soufflant dans les arbres. Mais il ne faut pas attendre longtemps pour entendre les cris apeurés de cochons parqués dans un hangar, et qu'un tracteur chargé de produits toxiques ne commence à entailler la terre. Très vite, nous assistons à une réunion, avec ses prises de parole codifiées. "Cinéaste des institutions" certes, Wiseman élargit cette fois le cadre. Il s'agit ici de saisir le fonctionnement d'une ville, rien de moins. Des étalages de supermarchés aux différents styles de coiffure, aucun détail n'échappe au cinéaste. Une véritable passion de la collecte se déploie, moins guidée par un souci fétichiste que par le goût de l'ordinaire. Entre montage alerte et longues discussions, on perçoit le ciment de cette communauté. Il repose sur une économie agricole et tertiaire, des infrastructures, des rituels et surtout la ferme croyance de vivre selon les prescriptions de Dieu. Paradis de l'"américanité", Monrovia semble exister hors du monde. Sans porter la charge, mais avec méthode, Wiseman suggère aussi la violence charriée par un tel désir. Dans sa version tonitruante, on appelle ça le "trumpisme". Raphaël Nieuwjaer Documentaire de Frederick Wiseman. En salle
Nage libre
© Thibault Grabherr
Les Crevettes pailletées
# 76
Les Crevettes pailletées s’inspire du parcours de Cédric Le Gallo. Membre d’une équipe de water-polo ayant participé aux Gay Games, le sportif en a tiré une comédie, réalisée avec Maxime Govare, qui s’attaque à l’intolérance et l’homophobie. Le film s’amuse des clichés pour mieux nous émouvoir. Une bonne surprise ! Qu’on se le dise, nous ne sommes pas face à un remake opportuniste du Grand bain ! Le scénario a été écrit il y a cinq ans, bien avant la réalisation de Gilles Lellouche. La référence serait davantage Priscilla, folle du désert. Comme le film de Stephan Elliott (1994), Les Crevettes pailletées est un road-movie. Celui-ci nous conduit en car jusqu’en Croatie, où se déroulent les Gay Games, l’équivalent des Jeux Olympiques pour les LGBT. Il est question d’un champion de natation, condamné à entraîner une équipe de water-polo gay, après avoir tenu des propos homophobes. Cédric Le Gallo et Maxime Govare adoptent la structure classique du feel good movie. Mais ils dépassent largement le cadre de la comédie. Si le film s’amuse de certaines caricatures, joue de l’anti-politiquement correct, le drame n’est jamais loin. Derrière chaque personnage haut en couleur, sous les provocations et le mascara, sommeillent autant de fêlures et de tragédies. En ces temps où le rejet de l’autre montre chaque jour sa triste figure, voici un film salutaire. D’autant qu’il n'adopte jamais une posture moralisatrice. Lorsque Kid, la chanson d’Eddy de Pretto, résonne au générique de De Cédric Le Gallo et Maxime Govare, fin, les réalisateurs ont remporté la partie avec Nicolas Gob, Alban Lenoir, Michaël Abiteboul… Sortie le 08.05 depuis longtemps. Grégory Marouzé
Ricky Gervais aura marqué l'histoire de la comédie avec une série, The Office. Il interprétait alors un patron faussement cool, vraiment imbuvable, pour qui on éprouvait un mélange de mépris et d'empathie. Depuis, le Britannique a créé quelques oneman-shows révélant un moraliste, au sens La Bruyère du terme. Ici, Tony, quinqua scribouillard pour un canard local, a perdu son épouse et le goût de vivre. Ce contexte permet à Gervais de disserter intelligemment sur le deuil, la solitude, la prostitution, l'héroïne… Sombre ? Certes. Mais Gervais n'est pas Mike Leigh ou Haneke – tant mieux. Loin de se complaire dans le désespoir, il pose un regard désabusé mais lumineux (voire souvent hilarant !) sur le genre humain. Comme le chantait Morrissey, « il faut du cran pour être doux et gentil ». T.A.
© Netflix
De Ricky Gervais, avec lui-même, Tom Basden, Tony Way, Diane Morgan… Disponible sur Netflix
© Netflix
After Life
Chambers Sasha, jeune Amérindienne victime d'un arrêt cardiaque, doit sa survie à une transplantation d'urgence. L'intrigue, au départ classique, va basculer dans l’étrange. Notre héroïne devient en effet obsédée par sa donneuse, Becky, morte dans de mystérieuses circonstances, jusqu'à développer des traits de caractère similaires. En sus, une relation trouble s'instaure avec la mère de la défunte (Uma Thurman)... Dévoilée en avant-première lors du festival Séries Mania, cette production Netflix dénote par sa réalisation très soignée et son atmosphère oppressante. La créatrice, Leah Rachel, a joué « sur une tension permanente, plus que sur des jump scares ». Rappelant Rosemary’s Baby par son approche horrifique subtile, Chambers affiche sa singularité. Alix Bailleau De Leah Rachel, avec Uma Thurman, Sivan Alyra Rose, Nicholas Galitzine... Disponible sur Netflix
exposition
# 78
Vue d'exposition © Laurent Lamacz
Homère
L’odyssée fantastique Après s’être intéressé aux mystères de l’amour, le Louvre-Lens poursuit son exploration des grands thèmes ou figures, en l’occurrence avec Homère. Peintures, sculptures, extraits de films, pièces archéologiques rares, manuscrits… Près de 250 œuvres datant de l’Antiquité à nos jours nous (re)plongent dans L'Iliade et L'Odyssée. Elles illustrent à quel point le prince des poètes demeure une source d’inspiration inépuisable pour les artistes, mais aussi la culture occidentale.
L
Portrait de Victor Hugo, Léon Bonnat, 1879, huile sur toile, Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon © RMN-Grand Palais (Château de Versailles) / Gérard Blot
e cheval de Troie, Achille le guerrier invincible au talon fragile, Hector, le voyage d’Ulysse… Autant de héros (de super-héros ?) et d’histoires qui ont traversé le temps. Ils sont issus des siècles obscurs, cette époque mal connue de la Grèce antique s’étalant du xiie siècle au viiie siècle avant J.C., et surtout de la même imagination : celle d’Homère. Si l'existence même de l'aède barbu est toujours débattue, son poids sur l'imaginaire collectif reste immense. « Tout ce qui le concerne est incertain et pourtant, il est partout ! Dans la littérature, le cinéma ou même notre langage : on connaît tous le talon d'Achille, la voix de Stentor… », rappelle Luc Piralla, le directeuradjoint du Louvre-Lens. Parcours fleuve
# 80
Après avoir interrogé la figure du poète, le parcours se scinde en deux "fleuves". Le premier nous transporte dans L’Iliade et les scènes mythiques de la guerre de Troie. Un récit jalonné de morts, de combats, de héros impitoyables et aux sentiments exacerbés, telle cette superbe Colère d'Achille de Louis édouard Fournier (prix de Rome en 1881), où Athéna empêche in extremis le demidieu de tuer son roi, Agamemnon. Le second fleuve nous entraîne dans L’Odyssée, narrant le retour d'Ulysse à Ithaque après 20 ans de luttes. Vue d'exposition, Pénélope, Antoine Bourdelle, 1909, Bronze, Lille, Palais des Beaux-arts © Julien Damien
On y retrouve les monstres qu’il combattit durant son périple, comme le cyclope Polyphème ou les sirènes qui ont ici inspiré Chagall, mais aussi de grands personnages féminins telles Pénélope, immortalisée par ce bronze de Bourdelle, ou cette Circé peinte par John William Waterhouse.
Ulysse aveuglant le Cyclope, Peintre de Thésée (attribué à), Vers 500-490 avant J.-C., OEnochoé à figures noires, Musée du Louvre - DAGER © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
Héros intemporels Au centre de ces deux fleuves, un couloir s’intéresse à "l’homéromanie", cette fascination que le prince des poètes exerça sur les scientisuite fiques, intellectuels, artistes La colère d'Achille, Fournier, Louis Edouard, 1881 © Beaux-Arts de Paris, Dist. RMN-Grand Palais
exposition
# 82
Ulysse et les Sirènes, Marc Chagall, 1974-75, lithographie ; Nice, Musée Chagall © musées nationaux du XXème siècle des Alpes-Maritimes / Photo Patrick Gérin 2006 ; © 2019 ADAGP, Paris
ou artisans de tous temps. Pour preuve ce célèbre portrait de Léon Bonnat (1879) représentant l’auteur des Misérables le coude appuyé sur un exemplaire d’Homère, ou le film O’Brother des frères Coen, librement inspiré de L’Odyssée. « Les héros d’Homère sont suffisamment protéiformes et universels pour que chaque époque puisse les investir d'un sens nouveau, décrypte Alexandre Farnoux, directeur de l’école française d'Athènes. La figure d’Ulysse fut énormément interprétée. Les chrétiens y ont vu une métaphore de l'âme aux prises avec la vie terrestre et trouvant le
paradis à Ithaque. Aujourd'hui, il est le migrant par excellence, bravant mille obstacles sur les mers pour atteindre un eldorado ». Pour citer cette phrase du philosophe Saloustios (ive siècle) qui clôt l’exposition : « Toutes ces choses n'existent pas, mais elles durent encore ». Julien Damien
Lens, jusqu’au 22.07, Louvre-Lens, tous les jours sauf mardi : 10 h > 18 h, 10 > 5 € / gratuit (-18 ans) www.louvrelens.fr
à lire / La version intégrale de cet article et les interviews d'Alexandre Farnoux et de Luc Piralla sur lm-magazine.com
# 84
© musée du quai Branly - Jacques Chirac © photo Sandrine Expilly
Masques
Figures marquantes Le masque est utilisé depuis la nuit des temps. Pourquoi diable les Hommes ont inventé cet objet énigmatique ? Réponse à Liège, lors d'un voyage entre art et ethnologie. Issues du Musée du quai Branly-Jacques Chirac, plus de 80 pièces révèlent comment cet accessoire ancestral a façonné le visage de l'humanité – pour mieux nous faire tourner la tête.
B
ien sûr, l’Europe a ses carnavals et ses masques, mais c’est sous d’autres latitudes que s’est développé un art particulier, lié à la magie et aux esprits. Conçu comme un périple au cœur des sociétés traditionnelles, ce parcours nous emmène sur quatre continents grâce à un code couleur : Vert (bambous d’Asie), Ocre (terre d’Amérique), bleu (eaux d’Océanie) et jaune (savane africaine). Chaque objet a sa propre histoire, son usage rituel ou pas. Le masque tigre mexicain appartient par exemple à la tradition ancestral carnavalesque d’Amérique centrale. Tout en bois laqué jaune, rouge et noir, il nous fixe de ses deux gros yeux plantés au-dessus de larges babines et une gueule hérissée de quatre canines. Il était déjà porté à l’époque précolombienne lors de danses où le fauve était mis à mort, signifiant la victoire de l'humain sur les forces obscures du monde barbare. Derrière les apparences Reliant les Hommes à l’au-delà, cet accessoire animiste par excellence cache ou révèle, selon les usages – souvent liés à la mythologie et au sacré. La personne qui revêt le masque janus nigérien se voit ainsi doté d’un pouvoir punissant les comportements antisociaux. Conçu en bois brut rehaussé de légères touches de pigment, surmonté de cornes, il présente un double visage peu rassurant. à méditer, à l'heure des "Anonymous" ou des réseaux numériques, qui nous encouragent à nous dissimuler pour mieux nous exposer...
Françoise Objois Liège, jusqu'au 20.07, Cité Miroir lun > ven : 9 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, 10 > 3 €, www.citemiroir.be
Nature vivante
Concrete Flowers, Shedding Paralysis © Naomie Fisher
La Déesse verte
# 86
La nature s'épanouit à la Gare Saint Sauveur de manière protéiforme et ludique, luxuriante et menaçante. Présentée dans le cadre d'Eldorado (cf LM 150), cette exposition bouscule notre rapport à l'environnement, entre mythologie et technologie, via le regard de jeunes créateurs fascinants. à Lille, l'ancienne gare de triage se mue en serre fantasmagorique pour accueillir La Déesse verte. De qui s'agit-il ? « Une incarnation hybride de la nature, explique Dorothée Dupuis, la commissaire. C'est en même temps un personnage et un paysage ». Cette entité synesthésique a été conçue avec les œuvres d'une vingtaine d'artistes sud-américains. Photos, vidéos, sculptures ou installations monumentales initient un dialogue entre culture préhispanique et SF, faune et flore, ruines et jardins féconds. Aux grandes toiles du Brésilien Miguel Penha, sublimant l'Amazonie, répondent par exemple les algorithmes du Martiniquais David Gumbs. « Il a imaginé un tunnel complètement fou, où le visiteur active des sons et des images animales et végétales en le traversant ». Dans cette jungle surréaliste, pensée comme « un parc d'attraction », nous déambulons sous le regard d'une figure féminine ambivalente... « La Déesse verte est bienveillante mais peut aussi nous menacer, à l'heure du changement climatique ». El Cobra Grande de la Colombienne Carolina Caycedo se présente ainsi comme un long serpent créé avec des filets de pêche. « Il symbolise le Quetzalcóatl, une divinité aztèque, mais aussi le pouvoir de Lille, jusqu'au 03.11 Gare Saint-Sauveur l'eau, à la fois nourricier et fragile ». Et sans mer > dim : 12 h > 19 h, gratuit eldorado-lille3000.com doute un peu magique... Julien Damien
exposition
# 88
Tlacolulokos Š collectif Renart
BIAM
Les murs du songe Ici un serpent à plumes accroché au métro aérien, là des zèbres batifolant sur un immeuble de huit étages, des enfants hauts comme trois pommiers... Vous les avez forcément remarqués en arpentant les rues de Lille, Wavrechain-sous-Denain, Hellemmes ou La Sentinelle. Exécutées seul ou à plusieurs depuis début avril dans huit villes des Hauts-deFrance, ces immenses fresques annoncent la Biennale internationale d'art mural. Visite guidée… Initiée par le collectif lillois Renart, la BIAM a pour objectif de « rendre l'art accessible à tous et partout », soutient Julien Prouveur, le coordinateur. Depuis 2013, cette biennale invite ainsi des muralistes internationaux et locaux à transformer nos villes en terrain d'expression artistique et populaire. Des "gouzous" clownesques du graffeur Jace aux fresques monumentales du Péruvien Jade Rivera, des broderies murales de la Française Lilyluciole aux agents d'entretiens irrévérencieux du pochoiriste bruxellois Jaune (disséminés à Lille), ce musée à ciel ouvert offre « un large panorama de styles, techniques et époques ». ¡ Ay Caramba ! Placée sous le thème de l'Eldorado (cf LM 150), cette quatrième édition met aussi à l'honneur les Mexicains ou Sud-Américains. Parmi la vingtaine d'artistes conviés, citons Spaik et ses animaux chimériques inspirés du folklore aztèque, les graffs mystiques et psychédéliques de Cix ou le duo Tlacolulokos. Associé à la Lilloise Lady Alezia (du collectif Renart), ils mêlent peinture et calligraphie pour créer une gigantesque figure féminine sur le fronton de la maison Folie Moulins – histoire de bien soigner son entrée. Et b(i)am ! Julien Damien Hauts-de-France, jusqu'au 08.06 Lille, Hellemmes, Lomme, Lompret, Villeneuve d’Ascq, Saint-André-Lez-Lille, Denain, Wavrechain-sous-Denain gratuit, biam-npdc.blogspot.com
Mémoire vive
© Ph De Gobert
Fiona Tan. L'Archive des ombres
# 90
Fiona Tan a fait de la mémoire son terrain d’expérimentation. Pour sa première exposition monographique au MAC’s, la plasticienne néerlandaise s’est plongée pendant deux ans dans les archives de Paul Otlet, génial fondateur du Mundaneum de Mons. Les pièces tirées de sa résidence éclairent d’un jour inédit le reste de son œuvre. Idéaliste, excentrique, Paul Otlet (1868-1944) a laissé derrière lui des milliers de manuscrits, témoins d’une vie passée à cataloguer (essayer, du moins) l’ensemble de la connaissance humaine. à la façon d’une « archéologue fouillant les entrailles poussiéreuses d’une pyramide très spéciale », Fiona Tan a exploré les mécanismes à l’œuvre dans l’esprit de ce « Don Quichotte qui s’était trompé de siècle ». Elle y a trouvé un écho aux questionnements qui sous-tendent son travail : qu’est-ce qui pousse l’homme à collecter, archiver ? Exposés pour la première fois, les croquis, fiches ou notes d’Otlet répondent aux dessins, photogravures et structures monumentales de Fiona Tan. Deux installations vidéo, parmi les premières réflexions de la plasticienne sur le rôle du musée, complètent le parcours. Une étrange poésie se dégage des spécimens animaux et végétaux conservés en bocaux au sein de divers muséums d’histoire naturelle (Depot, 2012). Une fragilité touchante émane aussi des vestiges de l’ère gréco-romaine, extraits de la collection d’un architecte néoclassique (Inventory, 2015). Ces archives, comme celles de Paul Otlet, se Hornu, jusqu'au 01.09, MAC's mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 2 € / révèlent comme des trésors chargés d’émotion. gratuit (-6 ans), www.mac-s.be Marine Durand
Sophie Whettnall, Shadow Piece, 2014 © Bruno Lopes
exposition
Sophie Whettnall - Etel Adnan
# 92
Forces de la nature Sous-titrée La banquise, la forêt et les étoiles, cette exposition établit un dialogue formel et poétique entre deux artistes fascinées par la notion de paysage. D’un côté, les installations, sculptures ou vidéos de la Bruxelloise Sophie Whettnall interrogent les rapports que nous entretenons avec la nature, dans un jeu souvent sensuel et tactile. Sa forêt est par exemple symbolisée par de grands panneaux de bois percés de petits trous, quand ses icebergs, par essence froids et blancs, sont conçus en... matelas roses. Mous et colorés, ils apparaissent alors comme de gros marshmallows. De l’autre, les toiles, aquarelles ou gravures de la Libanaise Etel Adnan nous invitent à la contemplation de panoramas, entre Orient et Occident, abstraction et figuration – rêve et réalité. Inspirée par les terres chaudes, montagnes escarpées ou le soleil baignant le mont Tamalpaïs, en Californie, la peintre et écrivaine livre des œuvres comme autant Bruxelles, jusqu'au 04.08 Centrale For Contemporary Art de calligraphies, esquissant en filigrane les mer > dim : 10 h 30 > 18 h, 8 > 2,50 € / beautés impalpables du monde. J.D. gratuit (-18 ans), centrale.brussels
© House of European History
Jeunesse rebelle
Cette exposition retrace les luttes et aspirations des jeunes générations du Vieux Continent ces 70 dernières années. Elle est sous-titrée "grandir en Europe depuis 1945", en référence à un rapport de la CIA de 1968, tentant d'appréhender une rébellion mondiale. Des jets de pavés au hashtag, en passant par la libération sexuelle, l'avènement des babyboomers ou des punks, ce parcours illustre sur deux étages les passions de ces "faiseurs d'histoire". Parmi ces objets iconiques (la Vespa, le walkman), œuvres d'art, photos ou couvertures de magazine, on trouve des pièces rares, comme la veste en daim portée par John Lennon lors d'une session des Beatles. A.B. Bruxelles, jusqu'au 29.02.2020, Maison de l'histoire européenne, lun : 13 h > 18 h, mar > ven : 9 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, gratuit, historia-europa.ep.eu
Bientôt déjà hier
# 94
Derrière ce titre intrigant se cache un trésor. En 2011, La Louvière faisait l’acquisition de 50 autoportraits réalisés selon le même principe par le Franco-Polonais Roman Opalka, depuis 1965 jusqu’à son décès en 2011. L’occasion rêvée de s’intéresser au passage du temps. Le Centre de la gravure et de l’image imprimée puise ainsi dans ses collections nombre d’œuvres illustrant un concept par essence insaisissable, et infiniment poétique. J.D. Recueil 1965-2010, 4 autoportraits © Roman Opalka
La Louvière, jusqu'au 08.09, Centre de la gravure et de l’image imprimée, mar > dim : 10 h > 18 h, 7 > 3 € / gratuit (-12 ans), www.centredelagravure.be
à cœur battant
© Musée des beaux-arts d’Arras
Depuis 2013, le Musée des beaux-arts d’Arras et l’Être Lieu invitent un artiste à créer des œuvres éphémères. Ils donnent cette année carte blanche à Sabrina Vitali. S’inspirant du tableau de Laurent de La Hyre, La Mort des enfants de Béthel (1653), la Parisienne a conçu dans l’ancienne abbaye SaintVaast une installation en végétaux. Pensée comme un jardin intérieur, elle se métamorphose au fil du temps, autorisant la contemplation comme la réflexion sur la fragilité de la nature. Arras, jusqu’au 03.06, Musée des beaux-arts, lun > ven (sf mar) : 11 h > 18 h, sam & dim : 10 h > 18 h, gratuit, arras.fr
Wim Delvoye
Conquête urbaine
Depuis la fin des années 1980, Wim Delvoye choque autant qu’il interroge. Le Flamand mêle le sublime au sordide, confronte les époques entre elles et, littéralement, l’art et le cochon. Pour preuve ses porcs recouverts de tapis orientaux, assis aux Musées royaux dans la salle dédiée à Pierre Paul Rubens. On y découvre aussi la fameuse Cloaca, installation reproduisant le processus de digestion. Cette rétrospective met en lumière 30 ans de provocation et de création tous azimuts.
Le musée des beaux-arts de Calais ouvre pour la première fois ses portes au street art, rassemblant les œuvres de 60 créateurs emblématiques, des années 1960 à nos jours. On trouve évidemment les signatures de Keith Haring, Banksy ou Shepard Fairey (Obey), mais aussi pas mal de "frenchies", qui occupent une place de choix dans cette "conquête urbaine". à l’image de Gérard Zlotykamien, qui tapissa dès 1963 les murs de ses "éphémères", finalement plus pérennes qu’on ne le croit.
Bruxelles, jusqu’au 21.07, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, mar > ven : 10 h > 17 h, sam & dim : 11 h > 18 h, 14,50 > 8 € / gratuit (-6 ans), www.fine-arts-museum.be
Calais, jusqu’au 03.11, Musée des beaux-arts mar > dim : 13 h > 18 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans), calais.fr
# 96
Georges Fessy et la photographie Né en 1937, Georges Fessy est considéré comme l’un des meilleurs photographes d’architecture en France. De par ses cadrages uniques et ses jeux de lumière, cet autodidacte a magnifié des monuments d’exception signés par les plus grands bâtisseurs, de Jean Nouvel à Dominique Perrault, en passant par Jean-Baptiste André Godin. Cette rétrospective restitue en une centaine d’images l’œuvre d’un témoin discret, mais essentiel, de notre temps. Guise, jusqu’au 13.10, Familistère, tous les jours : 10 h > 18 h, 9 > 4 € / gratuit (-10 ans), www.familistere.com
Vase en puissance, 2014-2015 © Laura Couto Rosado © Raphaëlle Muller
Design orienté verre Fondu ou poli depuis des siècles, le verre peutil encore nous surprendre ? Oui, affirme cette exposition, qui présente une sélection d’œuvres d’art éclectiques, signées des grands noms du design contemporain. Leurs expérimentations sont ici regroupées par esthétique. à l’image des suspensions et appliques murales vaporeuses de David Dubois, ou des "architectures" d’Andrea Branzi, initiant un dialogue entre la nature et nos objets domestiques. Hornu, jusqu’au 26.05, CID mar > dim : 10 h > 18 h, 10 > 2 € / gratuit (-6 ans) www.cid-grand-hornu.be
Protesta Fantasma. Carlos Amorales Invité dans le cadre d’Eldorado, l’artiste mexicain Carlos Amorales dévoile à l’Espace Le Carré une installation in situ. Protesta Fantasma prend la forme de silhouettes évanescentes, comme projetées sur les murs. Chacune d’elles porte un message sur une pancarte, questionnant la place de l’individu dans le monde, ses craintes ou rêves ("Il n’y a pas de temps pour la tendresse", "Et maintenant que tu es heureux ?"...). Elles témoignent d’un travail atteignant les limites du langage, entre l’image et le signe. Lille, jusqu’au 14.07, Espace Le Carré, mer > sam : 14 h > 19 h (et sur rdv), dim : 10 h > 13 h & 15 h > 18 h, gratuit, www.lille.fr
Eldorado Après avoir dispensé des Bombaysers, envisagé l’Europe XXL, les limites du Fantastic ou la Renaissance, lille3000 se lance à la conquête de l’Eldorado. Pérennisant l’"esprit de 2004", année où Lille fut désignée capitale européenne de la culture, cette triennale découvre de flamboyants horizons, à l’image du Mexique, invité d’honneur de cette édition. Où il sera question de musique, d’art visuel, de gastronomie, d’espoir, de fête, de politique, d’écologie… Alors, à l’abordage ! Métropole lilloise, jusqu’au 01.12, divers lieux et tarifs, www.lille3000.eu
# 98
Giorgio De Chirico Fondateur du mouvement de la peinture métaphysique, Giorgio De Chirico fut surtout le véritable initiateur du surréalisme. Dès le début du xxe siècle, ses toiles nimbées de mystère et de poésie inspirèrent René Magritte, bien sûr, mais aussi Paul Delvaux et Jane Graverol. Ce parcours thématique révèle les liens existant entre les œuvres de l’Italien et les trois créateurs belges, dessinant en filigrane une incroyable histoire de l’art moderne. Mons, jusqu’au 02.06, BAM, mar > dim : 10 h > 18 h, 9 / 6 € / gratuit (-6 ans) bam.mons.be
De lin et de laine En 2015, le Musée royal de Mariemont recevait en dépôt plus de 200 pièces de textile égyptien datant du iiie au xiie siècle. C’est ce trésor qui est ici dévoilé. Rassemblant vêtements ou tissus d’ameublement, le parcours remonte le fil de l’Histoire pour mieux nous conter le rapport de l’Homme à l’étoffe, décrivant notamment les techniques de tissage ou les colorants utilisés par nos ancêtres. Bien plus qu’un défilé de mode antédiluvien, un véritable voyage au cœur des foyers d’égypte. Morlanwelz, jusqu’au 26.05, Musée royal de Mariemont, tlj sauf lun : 10 h > 18 h, 5 > 2 € / grat. (-12 ans), musee-mariemont.be
Photographier l’Algérie
Figure de la peinture orientaliste du xixe siècle, Gustave Guillaumet découvrit l’Algérie par hasard. Fasciné par ce pays, le Français immortalisa ses vastes étendues et ses habitants avec sensibilité et empathie, aux premiers temps du joug colonial. En sus de ses représentations quasi mystiques de paysages désertiques ou du quotidien d’une population en souffrance, sont ici révélées nombre d’œuvres méconnues, notamment des grands tableaux de Salons.
Réunissant une centaine d’images prises depuis le début du xxe siècle jusqu’à 2002, l’Institut du Monde Arabe de Tourcoing embrasse une histoire de l’Algérie par le prisme de la photographie. On y découvre les toutes premières représentations orientalistes, la foule en liesse durant l’indépendance immortalisée par Marc Riboud, mais aussi les clichés à hauteur d’homme de Pierre Bourdieu ou ceux saisis durant la guerre par Mohamed Kouaci… Une affaire de visions ET d’optiques.
Roubaix, jusqu’au 02.06, La Piscine mar > jeu : 11 h > 18 h, ven : 11 h > 20 h, sam & dim : 13 h > 18 h, 11 / 9 € / gratuit (-18 ans), www.roubaix-lapiscine.com
Tourcoing, jusqu’au 13.07, Institut du Monde Arabe, mar : 13 h > 18 h, mer > dim : 10 h > 18 h, 5 > 2 € / gratuit (-6 ans), ima-tourcoing.fr
Alberto Giacometti, une aventure moderne
# 100
Attention, événement ! Le LaM retrace le parcours d’Alberto Giacometti à travers plus de 150 chefs-d’œuvre. De ses premiers pas cubistes et surréalistes à la création de ses fameuses sculptures de silhouettes d’hommes et de femmes, longilignes et fragiles, cette exposition célèbre l’un des plus grands artistes du xxe siècle. éternellement insatisfait, le Suisse privilégia la ressemblance au modèle vivant, avant de réduire la figure humaine à l’essentiel. Villeneuve d’Ascq, jusqu’au 11.06, LaM, mar > jeu : 13 h > 18 h, ven : 13 h > 21 h 30, sam : 11 h > 18 h, dim : 10 h > 18 h, 11 > 8 € / gratuit (-12 ans), musee-lam.fr
Alberto Giacometti, L'homme qui marche I, 1960 © Succession Alberto Giacometti (Fondation Giacometti, Paris + ADAGP, Paris), 2019
L’Algérie de Gustave Guillaumet (1840 - 1887)
Ethno parade Caretos de Lazarim, Portugal, Charles Fréger, Wilder Mann
# 104 théâtre & danse
Supervia
Dimension parallèle Grand ménage du côté du Manège. VIA, rendez-vous emblématique consacré aux arts numériques, fusionne avec le jeune 3D Festival, dédié aux arts urbains. Le résultat se nomme Supervia, un nouveau temps (super) fort de la Scène nationale de Maubeuge. Entre concerts, expositions et spectacles, du centre-ville jusqu'aux étoiles, on ne sait plus où donner de la tête.
E
ntre pixels et illusions d’optique, VIA, 20 ans au compteur, était attendu chaque automne par les habitués du Manège. Successivement baptisé Les Inattendus, Les Folies puis 3D Festival, le rendez-vous de printemps peinait, lui, à trouver son identité. Pour cette nouvelle manifestation XXL (deux semaines, quatre expos, 15 spectacles), Géraud Didier a marié l’originalité de l’un avec le caractère familial de l’autre. L’idée étant de « croiser les publics, et de les dérouter favorablement », selon le directeur. La salle Sthrau, joyau Art déco récemment rénové, accueille le versant "installations" de Supervia. Au programme ? Aventure holographique "On the moon" avec Pierrick Sorin ou voyage spatial dans la peau de Thomas Pesquet, grâce à une première captation vidéo pour réalité virtuelle tournée dans le cosmos !
Rue des arts Côté art vivant, le festival voit grand. Sur scène, on applaudit La Reprise, dernier opus du dramaturge Milo Rau, inspiré d’un meurtre homophobe. Dans la rue, on s’émerveille des acrobaties funambulesques des Colporteurs ou des pitreries dadaïstes du roi soleil Fred Tousch. Convoquant la plume Maubeuge, 07 > 19.05, Le Manège, Salle Sthrau, La Luna et divers lieux en ville, pop et impertinente d’Hoshi, le pro1 spectacle : 20 > 4 €, gratuit pour les spectacles en ville, www.lemanege.com gramme n’oublie pas non plus de nous câliner les oreilles. L’opération Expositions : Pierrick Sorin, Fugue VR, Dans la peau de Thomas Pesquet, L.I.R : salle Sthrau, séduction de ce Supervia #1 devrait mar, mer, jeu & ven : 10 h > 12 h & 14 h > 18 h (20 h le 16.05 et 22 h le 17 & 18.05), se terminer en apothéose, avec sam & dim : 14 h > 18 h, 4 € une éthno-parade participative dans Spectacles (sélection) : 09.05 : Vidéo Mapping 11.05 : Hoshi + Fergessen // 16 & 17.05 : Milo le centre-ville, doublée d’un specRau : La Reprise – Histoire(s) du théâtre tacle pyrotechnique. On prend date 18.05 : Fred Tousch : Fleur, Groupe F : Paysage Axiome, Ethno-Parade... pour l’année prochaine ? Marine Durand
© Patrick Berger
Diotime et les lions
Bêtes de scène
La chorégraphe Mylène Benoit et la plasticienne Magda Kachouche signent une pièce destinée aux jeunes spectateurs. Elles content l'histoire d'une jeune fille éprise de liberté, quelque part entre l’Orient et l’Occident. Après L’aveuglement et La maladresse, la compagnie Contour Progressif fait un pas vers le jeune public. Diotime et les lions est l'adaptation d'une fable du Belge Henri Bauchau (1991), nous projetant dans la Perse antique. Diotime, 14 ans, rêve de participer au rituel annuel qui fédère son peuple : un combat à mort contre leurs ancêtres les lions. Mais cette guerre de deux jours et une nuit est réservée aux hommes. Soutenue par son grand-père, l'adolescente va transgresser la loi ancestrale (et patriarcale) pour suivre sa destinée. Sur scène, vêtue de noir et d’un masque de fauve, la danseuse Céline Cartillier incarne la jeune héroïne, dans une pièce en forme de rite initiatique. La musique est signée Puce Moment et les images diffusées dévoilent un cortège d’animaux ou un jardin merveilleux. Elles accompagnent la chorégraphie et les chants de Diotime dans sa quête d’émancipation, Mont-Bernanchon, 01.05 mais pas seulement. « La pièce est un rituel La Smob, 11 h 30, culturecommune.fr partagé avec le public », précise Mylène Armentières, 14 & 15.05 Benoit. Assis en cercle comme autour d’un Le Vivat, mar : 10 h & 14 h, mer : 17 h, 8 € levivat.net feu, les enfants participent aussi à cette Lille, 23 & 24.05, Le Grand Bleu aventure. Maquillés de deux traits rouges jeu : 10 h et 14 h 30, ven : 14 h 30 & 19 h sur les joues, ils agitent les flammes du 13 > 5 €, www.legrandbleu.com décor ou contribuent au son, lors d'une Maubeuge, 28.05, Théâtre le Manège 10 h & 14 h, 12 > 4 €, lemanege.com cérémonie (forcément) au poil ! Marie Pons
# 106
en famille
Candide © Florian Jarrigeon
théâtre & danse
Youth is Great
Place aux jeunes Le festival du Grand Bleu conçu pour et avec les adolescents se met aux couleurs de lille3000, et se saisit de cet "Eldorado" chatoyant qui anime la métropole européenne. Pas de sombreros ni de calaveras au programme (le Mexique est l’invité d’honneur de l’événement), mais une sélection de spectacles bien inspirés, sur la notion d’utopie.
# 108
« L
a prochaine génération peut-elle changer le monde ? ». Telle est la question de cette 4e édition de Youth is Great, construite autour d’un spectacle participatif. Pendant plusieurs mois, le metteur en scène Guy Alloucherie et sa compagnie Hendrick Van Der Zee ont accompagné 50 jeunes des Hauts-de-France. Après une réflexion en commun, des répétitions et périodes de résidence, ils livrent leur vision du "vivre-ensemble" dans la création Close to Me. « C’est du théâtre documentaire,
Somos © Sylvain Frappat
multiforme, se nourrissant de danse, de cirque et d’illustrations », décrit le directeur du Grand Bleu, Grégory Vandaele.
Nouvel idéal Le reste de la programmation fait écho à cette quête d’idéal. De façon frontale avec Alexis Armengol, offrant une mise en scène contemporaine au "texte fondateur" Candide ou l’Optimisme, de Voltaire. En jouant aussi des allégories, avec les acrobates colombiens d’El Nucleo et leurs lancers, portés ou sauts périlleux qui rappellent l’importance de la confiance dans un groupe. En pointant les initiatives d’anonymes qui font avancer notre société, comme Camille Rocailleux dans le concert augmenté Muances. Immense succès l’an passé, l’Open Stage coordonné Lille, 05> 18.05, Le Grand Bleu & par la bande d’ados "complices" du Le Grand Sud, 1 spectacle : 13 > 5 € / gratuit (Open Stage 2 et Close to Me), legrandbleu.com théâtre, introduit sur scène une vingtaine d’artistes en herbe, conscients Prog : 05.05 : Cie Hendrick Van Der Zee : Close to Me // 11.05 : Open Stage 2 : scène ouverte du monde qui les entoure. Oui, le 14.05 : Camille Rocailleux & Cie E.V.E.R : Muances 16 & 18.05 : Alexis Armengol & Théâtre à cru : futur est entre de bonnes mains. en famille
Marine Durand
Candide qu’allons-nous devenir ? // 17 & 18.05 : W. Marquez, E. Aleman & El Nucleo : Somos
Les Karyatides vs Jan Christoph Gockel Fruit de l'imagination de Mary Shelley au début du xixe siècle, Frankenstein n'a depuis cessé d'inspirer les artistes. Les questions qu’il porte sont en effet immenses, et atemporelles. D'où venons-nous ? Qui nous a créés ? Peut-on vivre par-delà la mort ? Aimer malgré les différences ? Autant de thèmes abordés sous toutes les coutures par Les Karyatides et Jan Christoph Gockel. Julien Damien
# 110
Voilà plus de 10 ans que cette compagnie belge revisite les grands classiques de la littérature sur un petit plateau. Après avoir joué Madame Bovary ou Les Misérables avec des figurines ou de vieilles boîtes de biscuits, Marie Delhaye et Karine Birgé s'attaquent à Victor Frankenstein. Cet opéra miniature, accessible dès dix ans, met en scène un savant fou hanté par ses souvenirs. Manipulant moult objets dans la solitude de son laboratoire, il se remémore les moments heureux passés auprès de sa créature, accompagné par une bande-son hétéroclite : de Verdi à Rachmaninov en passant par… Céline Dion ! Bruxelles, 07 > 12.05, La Monnaie 20 h (sauf dim : 15 h), 8 €, www.lamonnaie.be
Complice du marionnettiste Michaël Pietsch, Jan Christoph Gockel s'est révélé avec ses relectures de contes ou d’histoires fantastiques. Après Macbeth et ses animaux empaillés ou Pinocchio et son géant de bois, l’Allemand adapte Frankenstein. Cette fois, sa créature est constituée de… souvenirs. Ce pantin de six mètres est composé d’objets de récupération. Bijoux, vêtements, livres... Tous portent une histoire. Celle des gens auxquels ils ont appartenu, et aujourd’hui disparus. Les acteurs assemblent sur scène le "monstre" avec ces fragments d’existence, gommant la frontière entre la vie et la mort. Bruxelles, 06 > 10.05, Théâtre national, 20 h 15 (sauf mer : 19 h 30), 21>11 €, www.theatrenational.be Namur, 15 > 17.05, Théâtre, 20 h 30, 21,50 > 8,50 €, www.theatredenamur.be
© DR / © Hubert Amiel
Frankenstein
Coquillette la mauviette © Angelique Lyleire
# 112 théâtre & danse
Théâtre 100% objets
En avant les histoires Troisième édition pour ce "festival de poche" porté par la Rose des Vents. Au programme de ce temps fort pour le jeune public ? Des petites formes au service de grandes aventures. Grâce à quelques objets et surtout de bons sujets, il est permis de rêver ! Psst, il paraît que les parents peuvent venir aussi…
N
i mime ni marionnette, cette édition explore « la discipline dans toute sa variété, et se concentre sur la façon de raconter des histoires », affirme Audrey Ardiet, secrétaire générale de la Rose des Vents. Et il suffit souvent de pas grand-chose pour stimuler l’imagination du public. Une poignée de Playmobil et beaucoup d’espièglerie pour Caroline Guyot, qui conte les déboires de Coquillette la mauviette (d’après un texte d’Arnaud Cathrine). Une mini table et des objets du quotidien pour le jongleur étienne Manceau (compagnie Sacékripa), dans la peau d’un incorrigible maniaque que tout conduit à la catastrophe… L'imagination au pouvoir De Jean de La Fontaine (Les Fabuleux) à Maupassant (Première neige), les artistes traduisent aussi en gestes, bruits et images des classiques de la littérature. D’autres, comme l’Atelier Bildraum, nous convient à une balade poétique et sensorielle à l’aide de maquettes, vidéos et photos. « Cela donne une représentation douce, contemplative, mais destinée aux plus grands car elle demande un certain lâcher-prise », remarque Audrey Ardiet. Au cours de ce rendez-vous familial, plusieurs spectacles pourraient bien éclore dans des espaces insolites du théâtre… Villeneuve d’Ascq, 15 > 18.05 Et pour ceux que ces manipulations La Rose des Vents, divers horaires 1 spectacle : 12 > 3 €, pass 2 spectacles : inspirent, direction « l’atelier théâtre 16 €, pass 3 spectacles : 21 €, www.larose.fr d’objets ». Ici, on donne vie à des Sélection / 15 & 16.05 : Cie Elvis Alatac : cuillères, dinosaures ou paquets de Première neige // 15, 17 & 18.05 : Les Royales marionnettes : Les Fabuleux, Cie Sacékripa : Vu chips. Devinez qui sera le champion 15 > 18.05 : Barbaque Cie & Caroline Guyot : de l’histoire du soir ! Marine Durand Coquillette la mauviette en famille
17 & 18.05 : Atelier Bildraum : Bildraum
© Simon Gosselin
théâtre & danse
Départ volontaire
Rupture non-conventionnelle
# 114
C'
est l'histoire d'un procès. Celui que Xavier Garnier a intenté à son employeur, une grande banque internationale. Il lui reproche d'avoir refusé sa candidature à un vaste plan de départs volontaires, brisant du même coup ses rêves d'indépendance… Après Débrayage ou Bah oui mais enfin bon, Rémi De Vos s'inspire une nouvelle fois du monde du travail (et son univers impitoyable) pour livrer un texte féroce, entre fiction et réalité, mensonges et délires bureaucratiques – voire mentaux. Mise en scène par Christophe Rauck, la pièce alterne les points de vue et les temporalités grâce un système de tournette. Sur le plateau, cinq acteurs rejouent les différentes versions des faits énoncés, et doublent les rôles, incarnant tour à tour la mère de Xavier ou la présidente du tribunal, sa femme et sa maîtresse, son ami et son avocat… David contre Goliath ? Pas tant que ça… La narration évite l'écueil du manichéisme, mettant en scène un antihéros ambigu, épris d'argent et infidèle. Reste qu'au sein de ce décor très sobre, une mécanique subtile se met en place, matérialisant cette Lille, 14 > 26.05, Théâtre du Nord grosse machine broyant les hommes, et les mar > ven : 20 h 30, sam : 19 h, poussant au pire. J.D. dim : 16 h, 25 > 10 €, theatredunord.fr
théâtre & danse
Interview
Romeo Castellucci Esprit libre
Propos recueillis par Julien Damien
# 116
Photo R. Castellucci © Luca Del Pia La Flûte enchantée © B. Uhlig / De Munt La Monnaie
Joué depuis plus de deux siècles, La Flûte enchantée (1791) est l'ultime opéra de Mozart. L'histoire est connue : le prince Tamino est chargé par la méchante Reine de la Nuit de délivrer sa fille Pamina, captive de Sarastro, sage souverain du royaume de la Lumière. Enfant terrible de la scène contemporaine, Romeo Castellucci interroge les symboles de l'œuvre. Il réécrit le livret, ne préserve que les chants et lui offre une vision féministe. Il transforme ici Sarastro en tyran et la Reine de la Nuit en mère éplorée... Mais pouvait-on attendre autre chose du plasticien et dramaturge italien ? Rencontre avec un artiste radical.
Comment présenteriez-vous cet opéra ? La Flûte enchantée constitue l'un des chapitres fondamentaux de la culture humaine. C'est une œuvre universelle, extrêmement stratifiée et complexe. Elle représente parfaitement son époque et la nôtre. Ce n'est qu'un conte de fées en apparence... En lisant le livret, j'ai aussi découvert un récit idéologique. Quelle idéologie ? Le monde exposé dans la version originale est très manichéen. D'un côté il y a la nuit, l'ombre, le mal qui sont représentés par la femme, la Reine de la Nuit.
De l'autre l'esprit, la lumière... c'est le royaume de l'homme, celui de Sarastro. Le masculin domine et écrase le féminin. Aujourd'hui, cette œuvre doit être réinterprétée. Comment ? En suivant la musique de Mozart et non Emanuel Schikaneder. Dans le livret la Reine est présentée comme une hystérique mais je crois au cri de douleur de cette femme, ce fameux Air de la Reine de la nuit. Elle rappelle Clytemnestre, cette mère rêvant d'une revanche contre le père (ndlr : elle en voulait à son mari Agamemnon d'avoir sacrifié leur fille, Iphigénie). Nous sommes dans la tragédie grecque. suite
Concrètement, que verra-t-on sur scène ? J'ai demandé pour le premier acte l'aide d'un architecte, Michael Hansmeyer, qui a conçu un décor avec des algorithmes. Celui ci apparaît comme un organisme biologique envahissant l'espace. Mais cette forme évoque aussi un palais baroque, rococo, caractéristique de l'époque de Mozart, avec ses grottes, ses plumes et beaucoup de blanc. Pour le second acte, j'ai créé un décor moche, avec une couleur que je déteste : le beige.
« Aujourd'hui, cette œuvre doit être réinterprétée. »
# 118
Pourquoi ce choix ? J'ai découvert dans un article l'existence d'une prison pour femme, en Amérique, où tout est peint avec cette teinte. C'est une façon d'imposer un contrôle, en empêchant tout stimulus. Ici, le beige colore le palais de Sarastro, c’est un lieu oppressant. La société qu'il imagine est en effet peuplée d'anonymes, l'individualité est bannie. Sauf la sienne. Qu'en est-il de la mise en scène ? Elle est scindée en deux parties très distinctes. Le premier acte se présente comme une fête, reposant sur un effet de miroir, comme
si tout était coupé en deux. Même les personnages se dédoublent, cherchant leur moitié. Chacun danse, chante, toujours avec un autre... qui est le même. C'est une sorte d'hallucination. Cet acte respecte ainsi un principe esthétique cher à Mozart : la symétrie. La chorégraphie est minutieusement réglée, comme une horloge. Que nous réserve le second acte ? Deux groupes de comédiens amateurs font leur apparition. N'appartenant pas au monde du théâtre, ils nous racontent leur vraie vie. D'un côté, cinq femmes aveugles, symbolisant la cour de la Reine de la Nuit, témoignent de leur expérience de l'obscurité. De l'autre, cinq grands brûlés représentent la cour de Sarastro, le souverain du royaume de la Lumière. Mais celle-ci s'avère radioactive, dangereuse. En effet, dans chaque source de lumière il y a un petit incendie, un feu. Ces hommes livrent le récit de leur accident, leur rencontre avec cette lumière. Cet acte est important, n’est-ce pas ? Oui, il porte le sens caché de La Flûte enchantée : le désir de vivre et de s'affirmer comme individu. Tamino et Pamina vivent ces épreuves pour enfin se révéler à eux-mêmes.
Dès lors, les femmes aveugles caressent la peau des hommes brûlés, et chacun se découvre. La lumière et l'ombre, qui habitent chacun de nous, se touchent.
« En lisant le livret, j'ai découvert un récit idéologique. » Vous avez aussi écarté les récitatifs et coupé le texte original, n'est-ce pas ? Oui, c'est un geste radical. Mais cette œuvre est tellement connue qu'on peut la modifier. Cela m'offre une liberté paradoxale.
êtes-vous toujours guidé par l’envie de bousculer le spectateur ? Le théâtre est l'art du contact par excellence, celui qui ressemble le plus à la vie. Ce n'est pas un objet mais une expérience. Il s'agit de toucher voire de pénétrer le corps du spectateur. Pour moi, c'est un protagoniste de la pièce. Il la construit avec moi. Lille, 30.04 > 18.05, Opéra, Complet !, opera-lille.fr Représentations sur grand écran, 11.05, 18 h, gratuit Lille : Tripostal, Palais de la Bourse – CCI Grand Lille, maison Folie Wazemmes / Jeumont : Gare numérique / Lomme : maison Folie Beaulieu Boulogne-sur-Mer : Carré Sam / Lens : La Scène du Louvre Lens / Guise : Théâtre du Familistère Beauvais : Théâtre du Beauvaisis Creil : La Faïencerie / Abbeville : Cinéma Rex Amiens : Maison de la Culture...
à lire / L'interview intégrale sur lm-magazine.com
Les Rois de la piste © Frederic Iovino
théâtre & danse
Tout Mons Danse
La beauté du geste
# 120
M
ons a la fièvre, et pas seulement le samedi soir. Durant deux semaines, ce festival fait la part belle à toutes les danses, sous toutes les formes. à commencer par Thomas Lebrun. Dans Les Rois de la piste, le Français mêle chorégraphie, musique et théâtre burlesque pour caricaturer la sacrosainte boîte de nuit. Dans un espace de type dancefloor illuminé (pour une personne), les interprètes se trémoussent sur des rythmes disco, funk, techno, house… Dans un registre plus tendre, We Should Be Dancing interroge notre goût (naturel) pour l'expérimentation. Emilienne Flagothier a filmé de jeunes enfants dans des squares. Ces mouvements spontanés, débarrassés de toute pression sociale, sont reproduits sur scène, à l'identique, par cinq acteurs. De quoi nous donner des idées pour partiMons, 10 > 24.05, Théâtre le Manège, maison Folie, Arsonic, Plaza ciper à "Grand-Place à la danse". Durant Art, Grand-Place & divers lieux en ville six jours, des compagnies locales ou inter1 spectacle : 15 € > gratuit, surmars.be nationales font trembler les pavés du cœur Sélection / 10.05 : ART2 en mouvement // 11 > 19.05 : Grandde ville ! à la manière d'un cadavre exquis Place à la danse // 11.05 : Thomas vivant, chacun se passe le relais dans son Lebrun : Les Rois de la piste // 13.05 : Cie Wooshing Machine : Homogramm propre style : hip-hop, modern-jazz, voire – Tanz // 16 & 17.05 : Emilienne Flagothier : We Should Be Dancing majorettes ! évidemment, vous êtes invités 17 & 18.05 : Elsa Chene : Mur / Mer à rejoindre la fête, danseur émérite ou pas. 19.05 : Cie Nyash : 10:10 22 & 23.05 : Une soirée avec Yoann Après tout, c'est le geste qui compte… J.D. Bourgeois // 24.05 : About 70's
Les Belles personnes Sébastien Ministru / Nathalie Uffner Après Ciao Ciao Bambino, décapante veillée funèbre, Sébastien Ministru est de retour aux affaires. Ou plutôt à table, lieu où se trament les enjeux de cette pièce. De brunch en cocktail dînatoire, trois couples échangent leurs points de vue gratinés sur la politique, la famille, l’échangisme… Soulignons que le spectacle est « composé pour moitié de choses entendues et d'autres que j’aurais pu entendre », confesse l'auteur, sans doute persona non grata désormais… © DR
Bruxelles, jusqu'au 31.05, Théâtre de la Toison d'Or mer > sam : 20 h 30, 25 > 8 €, www.ttotheatre.com
Rock’n Roll
Coup de soleil
Marc Ysaye
Marcel Mithois / Nathalie Uffner
Faut-il encore présenter Marc Ysaye ? La voix culte et désormais ex-directeur de Classic 21 (il a pris sa retraite en février) célèbre les 50 ans de Woodstock. Entre radio, théâtre et leçon d’histoire, le pendant belge de Philippe Manoeuvre (en moins agaçant… et plus érudit !) dissèque ce moment phare de la contre-culture occidentale. Au programme ? Drogues, amours libres et rock’n roll, bien sûr !
Ecrite pour Jacqueline Maillan en 1982, cette pièce de Marcel Mithois (1922 - 2012) n'a pas pris une ride. L'auteur de Croque-monsieur s'y délecte du pendant féminin du démon de midi : le "coup de soleil". On y suit les pérégrinations de Valentine qui, après 15 ans de relation avec Gérard, commence à s'ennuyer. Sentant le coup venir, son amant lui fait envoyer un bouquet… et notre héroïne s'éprend du fleuriste ! Plus ironique que romantique, cette comédie agit comme un baume apaisant.
Bruxelles, jusqu'au 17.05 Théâtre de la Toison d’Or, 20 h 30, 23 > 8 € www.ttotheatre.com
Bruxelles, jusqu'au 19.05, Théâtre des Galeries mar > sam : 20 h 15, dim : 15 h, 26 > 10 €, trg.be
Les Chauves-souris du volcan
# 122
Sophie Perez & Xavier Boussiron / Cie du Zerep Un conte dada ? Une fantaisie cruelle ? Une opérette dramatique ? Sans doute tout cela à la fois. Fondée en 1998, la compagnie du Zerep brouille les pistes entre théâtre, danse et performance. Dans ce spectacle, il est question de trois filles vivant au sein d'une caverne translucide, bâtie avec leurs propres larmes. Un jour surgit un braconnier facétieux, et un "mister Entertainment" accompagné de son orchestre... Parviendront-ils à vivre heureux ? Rien n'est moins sûr – pour notre plus grand bonheur. Charleroi, 03 & 04.05, Charleroi Danse (Les écuries), 20 h, 15 > 6 €, www.charleroi-danse.be
Les Turbulentes
[ Le Boulon ]
Durant trois jours, ce festival dédié aux arts de la rue transforme Vieux-Condé en théâtre à ciel ouvert. Entre danse, musique, "glissades alphabétiques" ou vide-grenier bien barré (en forme de spectacle interactif), cette 21e édition des Turbulentes ré-enchante l'ancienne cité minière. à la veille des élections européennes, citons aussi les Lillois de La Générale d’imaginaire, qui ont recueilli les témoignages de citoyens à travers le Vieux Continent, appuyant une déambulation à la croisée des chemins… Vieux-Condé, 03 > 05.05, au Boulon et en centre-ville, gratuit, leboulon.fr en famille
Mangeuse de terre
Missie / Mission
Compagnie de Fil et d'Os
David Van Reybrouck / Raven Ruëll
Après l'Espagne (Le Cœur cousu) et le Grand Nord (L'Os du cœur), la compagnie lilloise De Fils et d'Os pose ses objets et marionnettes en Amérique latine. Inspirées par Cent ans de solitude de Gabriel García Márquez, Julie Canadas et Anne-Sophie Dhulu nous ouvrent les portes de la tireuse de carte Pilar Ternéra. Celle-ci a une histoire à raconter : sa rencontre avec une petite "mangeuse de terre", et sa sacoche d'ossements... Entre réalisme et quête existentielle, ce récit tire les ficelles de tous les imaginaires. en famille
Croix, 05.05, Centre culturel Jacques Brel, 17 h, 8 > 6 €, www.lamanivelletheatre.com
Un père blanc raconte le demi-siècle qu’il a passé au Congo (sa "mission"). Entre anecdotes souvent drôles et récits de la misère qui frappe le pays, seul sur scène (formidable Bruno Vanden Broecke), l'homme d'église livre une critique de l’Europe mais aussi une touchante déclaration d’amour à l’Afrique. En s’appuyant sur des témoignages recueillis auprès des derniers missionnaires belges au Congo, David Van Reybrouck exhume ici la question coloniale avec humanité. Charleroi, 08.05, PBA, 20 h, 16 > 11 €, www.pba.be
Les crépuscules
© Simon Gosselin
# 124
Thomas Piasecki / Spoutnik Theater Thomas Piasecki revient dans son bassin minier natal à la faveur d’une fresque familiale. Le récit débute en 1998, à Bruay-la-Buissière, au moment de la victoire de la France en Coupe du Monde. Bac en poche, Charles s’élance confiant dans la vie. On le retrouvera en 2021. Au centre du plateau se tient la maison parentale où se croisent trois générations, entre tragédies et réflexions sociologiques, le poids du passé et la peur de l’avenir. Ou comment envisager la grande Histoire à travers la petite. Tourcoing, 09 > 11.05, Théâtre de l’Idéal, 19 h, 25 > 10 €, www.theatredunord.fr
Festen
© Simon Gosselin
Cyril Teste / Collectif MxM Le collectif MxM fut révélé grâce à ses "performances filmiques", soit des pièces mêlant théâtre et cinéma. Ou comment réaliser un long-métrage en direct, sous les yeux du public, tout en lui dévoilant les scènes hors-champ. Suivant ce principe, il livre une remarquable adaptation de Festen, de Thomas Vinterberg. L'argument ? Helge fête ses 60 ans. À cette occasion, il invite toute sa famille dans une grande maison. Au cours de la soirée, son fils dénonce des viols subis durant l’enfance... Villeneuve d'Ascq, 09 > 11.05, La Rose des Vents jeu & ven : 20 h, sam : 19 h, 21 > 6 €, www.larose.fr
La Dame aux camélias Arthur Nauzyciel / Alexandre Dumas fils Arthur Nauzyciel tire du roman d’Alexandre Dumas fils (1848) une pièce cruelle. Comme dans le récit original, Armand séduit la courtisane Marguerite. Mais point de rédemption ici. Le jeune bourgeois abandonne sa maîtresse dans les affres de l'amour tarifé. Dans un décor rouge sang, évoquant une maison close atemporelle où jouent des acteurs dénudés, cette adaptation sulfureuse interroge la marchandisation des corps et les rapports de domination et de soumission entre les sexes. Douai, 10 & 11.05, L'Hippodrome, ven : 19 h 30, sam : 19 h, 22 / 12 €, www.tandem-arrasdouai.eu
Les Carnets du sous-sol
Tartuffe d'après Tartuffe d'après Tartuffe d'après Molière G. Bailliart / Groupe Fantomas Plus qu’un spectacle, une performance. Comédien-caméléon, Guillaume Bailliart revisite Molière en jouant seul la majeure partie des rôles de Tartuffe… les yeux fermés ! Sur scène ? Rien qu’une table. Sur le sol sont inscrits les noms des personnages, comme une grande marelle sur laquelle il sautille pour mieux guider le public dans l’histoire. En résulte une sorte de fièvre théâtrale. Tartuffe avait deux visage, dit-on. Guillaume Bailliart en compte lui sept ! Aulnoy-Lez-Valenciennes, 14 > 18.05, Les Nymphéas, 20 h, 17 > 10 €, scenenationale.lephenix.fr
[ Benoît Verhaert / Dostoïevski ]
# 126
Les Carnets du sous-sol demeure une nouvelle méconnue de Dostoïevski. Elle narre la confession d'un homme malade et misanthrope, retiré du monde depuis 20 ans. Cet ancien fonctionnaire ressasse ses échecs et son histoire d'amour ratée avec une prostituée, dont le souvenir le hante... Seul sur scène (parfois visité par le fantôme de son ancienne amante) dans un appartement moderne, le Belge Benoît Verhaert porte (et incarne ) ce cri de désespoir devenu haine. Et signe une performance magistrale. Tourcoing, 14 > 29.05, Salon de Théâtre, lun, mer & jeu : 19 h 30, mar & ven : 20 h 30, sam : 17 h (complet : 23 & 24.05), 20 > 8 €, www.lavirgule.com
Optraken Galactik Ensemble Point de voltiges spectaculaires ici. Les cinq acrobates d’Optraken tentent coûte que coûte de rester debout. Il s’agit de trouver des stratagèmes pour résister à une rafale de balles de tennis, des pétards en pagaille, au sol se dérobant et à un plafond qui s'écroule ! Un spectacle intelligent, drôle et innovant où ces promeneurs lambda décortiquent les notions de chute, de déséquilibre et de mouvement. Et, oui, c'est renversant ! Dunkerque, 21 > 23.05, Le Bateau Feu, mar : 20 h, mer & jeu : 19 h, 9 €, www.lebateaufeu.com
Une île
Blockbuster
Samuel Gallet & Mariette Navarro / Julien Fišera & Arnaud Anckaert
Nicolas Ancion / Collectif Mensuel
Que ferions-nous si une catastrophe engloutissait notre territoire ? Mariette Navarro et Samuel Gallet ont interrogé les habitants sur leur rapport à leur commune, les endroits qu’ils aiment, mais aussi leurs désirs d’ailleurs. à partir de ces témoignages, ils ont imaginé une fiction où le Nord serait submergé par les eaux... sauf Béthune et ses environs, dès lors devenus une "île". Plongés dans une atmosphère de fête, les héros s'interrogent : faut-il partir ou rester ? à vous de voir...
# 128
© CCn Roubaix
Béthune, 21 > 24.05, La Comédie (Le Palace), mar, jeu & ven : 20 h, 20 > 6 €, www.comediedebethune.org
Attention, ceci n'est pas une pièce comme les autres ! Elle prend la forme d'un mashup de 160 films hollywoodiens. Ce montage d'extraits de blockbusters, donc, est mixé en direct. Le Collectif Mensuel assure les dialogues, le doublage, la musique et les bruitages devant le public. L'histoire met en scène l'insurrection du peuple contre un consortium de multinationales, organisant dans l'ombre une cure d'austérité... Un spectacle drôle et engagé ? Oui, mais avec du Bruce Willis dedans. Bruxelles, 22.05 > 01.06, Théâtre Varia, 20 h 30 (sauf mer : 19 h 30), 21 > 9 €, varia.be
Let's Move ! Sylvain Groud / CCN de Roubaix Nouveau directeur du Ballet du Nord, Sylvain Groud aime partager son goût pour la danse avec le public. En organisant des impromptus dans la ville ou en montant de grands spectacles participatifs. à l'image de Let's Move !, mobilisant six professionnels, six musiciens et quelque 60 amateurs ! L'idée ? Célébrer la comédie musicale et, surtout, se laisser porter par de grands classiques, de Chantons sous la pluie à Lalaland, en passant par Grease. Car la danse est avant tout une fête. Roubaix, 31.05, Le Colisée, 20 h 30, 25 > 10 €, coliseeroubaix.com
le mot de la fin
# 130
Alfra Martini – Marre de ces meutes de chatons qui peuplent le web ? Nous aussi. Mais on a quand même craqué devant les boules de poils d’Alfra Martini. Originaire de Brooklyn, cet artiste détourne des pochettes de disques mythiques avec des matous. Baptisé The Kitten Covers, son projet donne ainsi un petit coup de griffe à What’s Going On de Marvin Gaye ou Kill Uncle de Morrissey – mais rien sur Bernard Minet, étrangement… thekittencovers.tumblr.com