LM magazine 154 - Septembre 2019

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n°154 / septembre 2019 / GRATUIt

Art & CulturE

Hauts-de-France / Belgique



sommaire

LM Magazine #154 – Septembre 2019

Le Monde d'après © Thierry Girard

magazine

news – 08

portfolio – 34

Station spéciale, Balance ton pote, étranges dessins, La braderie d'Hollywood, La Symphonie du feu

Dulce Pinzón La Véritable histoire des super-héros

style – 10 L'Hirondelle Drôle d'oiseau La Friche Gourmande Table ouverte Quartier Libre Pause toujours

rentrée spéciale – 20 Folkehøgskule Au temps des Vikings

événement Le Grand Mix - 44 Retour à la maison Les Toiles dans la ville - 130 Quel cirque !

rencontre Benoît Olla - 58 L'Aéronef a 30 ans Thierry Girard – 94 Dans le grand bassin

L'école des hackers Cyber police academy

le mot de la fin – 146

L'école des détectives Cours élémentaire

J.F. Novotny Selfie défense


sommaire sélection

musique – 44 Miossec © Julien Hamon

Réouverture du Grand Mix Sônge, Bedouine, Celeste The Sisters of Mercy, Mattiel L'Aéronef a 30 ans Jean-François Zygel & Art Point M Le Poulpaphone, Muse & Piano Rozi Plain, Little Simz, Khalid Scènes sonores, The Selecter Miossec, Agenda...

exposition – 94 Thierry Girard, Boule et Bill Brussels Design September Monkeybird, Eugène Dodeigne Les Photaumnales, Agenda...

CineComedies, Rumba © mk2 Films

théâtre & danse – 120 Royal de Luxe, Mourad Merzouki Expériences Urbaines Collectif Mensuel Les Toiles dans la ville Christophe Rauck Pour qui tu me prends ? Mohamed El Khatib Sidi Larbi Cherkaoui Les Tailleurs, Agenda...

disques – 80

livres – 84

écrans – 86

Francis Lung, Ty Segall Gruff Rhys, Seratones Nas, Belle & Sebastian Mike Patton & Jean-Claude Vannier

Nina Allan R.J. Ellory Kaouther Adimi Laurent Binet Mark SaFranko

CineComedies Portrait de la jeune fille en feu, The Brink L'Insensible La Vie scolaire Une fille facile



Magazine LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 La Madeleine - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09

www.lm-magazine.com

Direction de la publication / Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com

Direction artistique / Graphisme Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Tanguy Croq info@lm-magazine.com

Couverture Dulce Pinzón Harvey Birdman © Patricia Conde Galería, Mexico www.dulcepinzon.com

Publicité pub@lm-magazine.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com Réseaux sociaux Sophie Desplat Impression Imprimerie Ménard 31682 Labège Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Sonia Abassi, Thibaut Allemand, Elisabeth Blanchet, Rémi Boiteux, Mélissa Chevreuil, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Sarah Elghazi, Hugo Guyon, François Lecocq, Grégory Marouzé, Dulce Pinzón, Marie Pons et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM / Let'smotiv est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

Papier issu de forêts gérées durablement



© Reddit, ORNGVladman

news

news à Francfort, on trouve de fameuses saucisses, mais aussi un métro fracassant. Voici l'entrée de la station Bockenheimer, construite par le facétieux Zbigniew Peter Pininski en 1986. Cette curiosité architecturale s'inspire des tableaux de Magritte. Elle est située à proximité du quartier des affaires et empruntée matin et soir par des centaines d'usagers. Cette fois, tout le monde descend !

Balance ton pote

news

news

Station spéciale

© Ronald Rael & Virginia San Fratello

Deux professeurs californiens ont installé des balançoires à bascule entre le Mexique et les états-Unis. Ces tape-culs sont posés en équilibre à travers les barrières délimitant la frontière. En se plaçant de chaque côté, les enfants de deux pays peuvent jouer ensemble, faisant fi des projets de mur érigés par vous-savez-qui, et de ses puantes annonces de "tolérance zéro" envers les familles de migrants. www.rael-sanfratello.com


© Humouring the Fates

étranges dessins On est d'accord, les saisons 2 et 3 de Stranger Things tenaient de la caricature. Qu'importe, la série des frères Duffer inspire toujours les fans. Parmi eux, les Américains du studio Humouring the Fates en ont réalisé un petit dessin animé de deux minutes, façon mangas des années 1980. Oui, c'est vraiment le monde à l'envers. fates.com

La braderie d'Hollywood Envie de découper une porte avec la hache de Jack Torrance dans Shining, vêtu du costume de Spock ? De planquer le "Facehugger" d'Alien dans le lit de la petite sœur, avant de détaler avec les Nike de Forrest Gump ? C'est possible, mais ça va coûter cher. Les 30 septembre et 1er octobre, 900 objets cultes du cinéma sont vendus aux enchères à Londres, pour une valeur estimée à plus de huit millions d'euros. Sacrée braderie, et belle piste aux étals… ukm.propstoreauction.com

Les Belges de la compagnie Showflamme adorent jouer avec le feu. Créée en 2018, cette "symphonie" met en scène le dieu Vulcain dans un spectacle se déclinant en cinq temples au sein du Bois-du-Luc. La scénographie embrase l'écomusée dédié à la mine (sans éclairage artificiel) tandis que la programmation musicale (baroque) est assurée par le contre-ténor Dominique Corbiau. Lumineux ! La Louvière, 28.09, Bois-du-Luc, 20 h, 25 > 12,50 €, lasymphoniedufeu.be

Lara Castiglioni © Augustina Iohan

Forrest Gump, 1994 © The Prop Store / DR

La Symphonie du feu


© Nicolas Pattou

© Mange Lille !, M.L. Fréchet

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L'Hi ron delle Elle ne fait certes pas le printemps, mais a déjà égayé l'été. Ouverte en juin pour une période de 27 mois, l'Hirondelle associe un bar à bières artisanales, un "food court" et un glacier, le tout dans une ambiance indus' mais chaleureuse, juste en face de la gare Saint Sauveur à Lille. Ce projet de copains et de bon goût séduit plus de 600 gourmets par jour, avec des événements culturels en prime.

| Nid gourmet |

Dans le civil, ils sont architectes. Benjamin Fréchet, Victor Lasch et Julien Hu, 105 ans cumulés, vouent aussi une passion pour les bières craft (artisanales) et la bonne chère. En fin d'année, ils ont toujours offert des gueuzes plutôt que du champagne aux clients de leur agence, O Architecture. « Depuis huit ans, on élabore des bières "à façon" chez des brasseurs de la région, et puis on a eu envie de créer notre propre marque : l'Hirondelle », raconte Victor. Le 19 février dernier, ces amis lancent un crowdfunding pour transformer un ancien garage de 1 200 m2, boulevard Lebas, en bar-brasserie et "food court".

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La caravane passe

Le trio engage alors six semaines de travaux, chine du matos et commence à brasser chez Lepers à Warneton trois premières mousses : la Fauve, la Dorée et l'Isabelline. Dans cet élan, le chef Maxime Schelstraete, l'éleveur-boucher Grégory Delassus, le maraîcher-voyageur Julien Magniez et le glacier piémontais Corrado Barberis alimentent l'Hirondelle avec leurs recettes originales à consommer sur le pouce. •••


© François Lecocq

Sans se plumer

Inaugurée le 13 juin, l'Hirondelle reçoit plus de 2 000 convives chaque fin de semaine. « Ce succès s'explique par la convivialité, l'originalité du concept et la qualité de ce qu'on y déguste, sans se ruiner », remarque Maxime Schelstraete. En plus du breuvage maison, on y trouve des bières réputées (brasseries Saint Germain, De Ranke, Thiriez…). Côté nourriture, l'offre est éclectique et savoureuse. Elle associe des planches de charcuterie, hot dogs et autres burgers aux pickles de Grégory Delassus et Willy Kedziora. Citons aussi les bo buns végétaux de Julien Magniez. En cette rentrée, l'oiseau rare accueille également des marchés de producteurs, de créateurs, des concerts… et autres envolées lyriques ! François Lecocq

●●● L'Hirondelle

34 Boulevard Jean-Baptiste Lebas à Lille jeu & ven : 17 h 30 > 23 h 30 (food court à partir de 18 h 30), sam : 10 h > 23 h 30, dimanche : 10 h > 17 h Marché alimentaire (15 exposants) et marché des créateurs et de l'artisanat (premier étage) à partir de septembre, samedi & dimanche Pop up de créateurs (organisé par Etsy, Le Grand Bassin de Roubaix et le collectif Main à mains) : 13 >15.12 ●●● Festival Mange Lille !

Lille, 14 > 22.09, L'Hirondelle et dans toute la ville tous les jours, mangelille.com

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© Mange Lille !, M.L. Fréchet

Outre sa longue terrasse ombragée, ce lieu éphémère dispose d'un bar de 60 m2 et d'un grand hangar de briques et de béton, sur deux niveaux. Au rez-de-chaussée, une caravane dorée, un camion de boucherie vintage et un corner de street food asiatique composent un décor bariolé, complété par le triporteur mauve d'un glacier. « Cet espace est libre jusqu'en octobre 2020, on a saisi l'occasion de le louer », détaille Benjamin. Il faudra donc vous dépêcher, en sachant que ça se bouscule au portillon !



© Julien Damien

La Friche Gourmande | à la bonne franquette |

92 rue Philippe Lebon à Lille, mer > jeu : 17 h > 23 h // ven & sam : 17 h > 00 h // dim : 12 h > 23 h www.lafrichegourmande.com

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« Créateurs de lieux gourmets », Philippe Blanchot et Guillaume Souloumiac avaient inauguré La Friche Gourmande l'été dernier, au cœur des anciennes usines Fives-Cail, à Lille. Forts de leur succès (près de 60 000 curieux), ils remettent le couvert pour une ultime saison, jusque fin 2019. La recette est toujours la même : une large terrasse avec de longues tables et bancs en bois, façon kermesse de village, alimentée par deux bars et leurs bières artisanales, cidres de Picardie ou jus de fruits "maison". Côté restauration, l'offre se décline en quatre stands : Smokey Banh Mi et sa cuisine vietnamienne, Le Galettoire avec ses crêpes et galettes bretonnes, Barbaque (faux-filet et frites) et un dernier, "rotatif". Familial, ce spot atypique propose aussi des jeux (fléchettes, babyfoot), tournois de pétanque, marchés aux plantes, concerts… Cerise sur le gâteau, cette parenthèse éphémère et enchantée s'ouvre dans un décor postindustriel – pas sans rappeler Détroit. Le food-court s'étale sur 1 200 m2, dans les 17 hectares d'un site légendaire, fleuron de l'industrie lilloise (1861 - 1997) qui vit sortir le Pont Alexandre III, l’ascenseur de la Tour Eiffel (et même l'hymne de l'Internationale). Ce quartier deviendra d'ici 2020 une vaste Halle gourmande. Pas de doute, la Friche, c'est chic ! J.D.


sept. > OCT. 2019 ————————————————————————————

à l'agenda ————————————————————————————

des mAISONS FOLIE

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www.maisonsfolie-lille.fr #mfwazemmes • #mfmoulins

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mFW 70 rue des Sarrazins, Lille / +33 (0)3 20 78 20 23 mFM 47/49 rue d’Arras, Lille / +33 (0)3 20 95 08 82

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journées


y l e - st y © Julien Damien

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Quartier Libre | Pause toujours |

1 allée des Marronniers, Parc de la Citadelle à Lille, mer, jeu & dim : 11 h > 21 h // ven & sam : 11 h > 00 h quartierlibrelille.fr

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Poumon vert de Lille, lieu chargé d'histoire, le Parc de la Citadelle est un endroit prisé des joggeurs ou des flâneurs en quête de belles balades au bord de la Deûle. Depuis quelques années, la municipalité souhaite en faire un "Central Park lillois". Depuis mai dernier, l'entrée de ce site exceptionnel accueille Quartier Libre. à la barre pour six ans, Alexandre Huau-Armani et Azeddine Jawad inaugurent « un concept hybride » entre le bar et le coffeeshop. à l'écart du tumulte de la ville, en face du Vieux Lille, on en profite en journée comme en soirée, en terrasse ou à l'intérieur (nous sommes dans le Nord…). Installé dans un ancien cinéma militaire et bordé de palmiers, il propose à midi une restauration avec produits frais et locaux (servis dans des bocaux) et s'anime en fin d'après-midi avec des DJ sets, concerts ou spectacles façon "comedy club". Assis sur des bancs en bois ou échoués dans des transats, étudiants, collègues en quête d'afterwork ou familles (il y a des jeux pour les enfants) se retrouvent dans « une ambiance guinguette ». Les plus sportifs y trouvent même des vestiaires et des douches, histoire d'être frais pour l'happy hour… J.D.





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La rentrée des Vikings

© Seljord Folkehøgskule

Folkehøgskule


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Aujourd’hui, à la Folkehøgskule de Seljord, on apprend à monter une tente. Pas avec des sardines en métal, des cordons en nylon ou des toiles se déployant toutes seules, non. Plutôt à l'aide de gros piliers en bois, de maillets et de tissus antédiluviens… à l'ancienne, quoi. Ce spectacle de jeunes hommes et femmes s'échinant en tenue traditionnelle (vêtements de lin et laine, parfois relevés de galons), rappelle volontiers une scène de Game of Thrones. Mais le bruit d’une perceuse nous ramène vite à la réalité : nous sommes bien au début du xxie siècle. Plus précisément en Norvège, à 150 km d'Oslo. ■◆

Do it yourself

Perchée sur les collines du pittoresque comté de Telemark, cette "école communautaire" est un établissement intermédiaire entre le lycée et l’université. Ses étudiants suivent un cursus unique en Norvège. Même si le bois et les outils proviennent du magasin de bricolage du coin, les techniques dispensées sont bel et bien celles des aïeux de cette quinzaine de novices. Mais pourquoi un tel enseignement ? « Le directeur de l’école de Seljord avait remarqué un déclin pour les formations manuelles, alors il a eu l’idée de monter cette classe », raconte Jeppe Garly, professeur de "culture Viking". Les frais de scolarité s'élèvent à 11 000 euros par an, dont une partie est financée par l’état selon les revenus de chacun. Et dès la première rentrée, en 2015, le succès fut

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« L’idée est d’associer artisanat et histoire. »

Eh bien voilà, c'est la rentrée… Alors que des millions d'étudiants inaugurent une année scolaire plus ou moins passionnante, de jeunes Norvégiens ont choisi une formation de… Vikings ! Certes, ils n'échapperont pas à quelques cours d’histoire ni même à l'uniforme (plutôt particulier), mais durant un an, ils vont vivre au jour le jour comme leurs ancêtres. Au programme : forge à l'ancienne, travail du bois, du textile, tir à l'arc, fabrication de pain, pilotage de drakkar… Plus exaltant que les maths, n'est-ce pas ?


au rendez-vous. « L’idée était d’associer artisanat et histoire. On apprend à nos étudiants à couler le bronze, fabriquer des bijoux, des objets en bois, des perles de verre, des couteaux… On leur montre aussi comment travailler le cuir ou sécher les plantes, les légumes et la viande », précise Jeppe. ■◆

Pas si barbares

Trois drôles de dames.

© Seljord Folkehøgskule

Miser sur les Vikings n'a rien de farfelu en Norvège. Du viiie au xie siècles, ils dominaient les environs de Seljord, la Scandinavie et bien au-delà, s'invitant jusqu’aux côtes de Normandie, d’Angleterre ou du Portugal. Mais contrairement à l’image d’épinal, les envahisseurs et les pilleurs ne représentaient qu’une petite partie de ce peuple germanique. « La plupart des Vikings restaient chez eux, en famille et vivaient de leur artisanat. Ils étaient d’ailleurs de très bons commerçants », explique Jeppe. Selon lui, cette ère compte beaucoup pour les Norvégiens. Le jeune Thor Eriksen, 18 ans, confirme : « Je connais les noms de mes ancêtres depuis 40 générations. •••



Š Seljord Folkehøgskule

Copains d'avant-hier.


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« On ouvre des portes sur un mode de vie plus authentique. »

© Seljord Folkehøgskule

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Je me suis inscrit ici pour partager un peu leur expérience. Et puis, si j'en retiens quelque chose d'utile pour plus tard, c’est du bonus ». ■◆

Jeux de mains

à visiter / seljord.fhs.no

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Au regard de l’éventail d’activités proposées, on imagine mal Thor quitter le navire sans quelques cordes à son arc ! Conception du pain, pilotage de drakkar avec des rames, lancer de haches… « Nous menons aussi beaucoup de recherches archéologiques, nous farfouillons dans les histoires et les légendes », poursuit Jeppe. Pour lui, la réussite de cette école tient à cette combinaison entre travail manuel et théorie issue d'un savoir-faire ancestral : « Je crois qu’une partie de notre intelligence est canalisée dans nos mains. En cela, nous avons tendance à être de plus en plus stupides… Nous souhaitons que nos étudiants deviennent plus habiles avec les leurs ». Quels sont les débouchés ? Il ne s’agit là que d’une année intermédiaire dans le cursus norvégien mais, parmi les anciens, certains sont devenus guides de musée, forgerons, constructeurs de bateaux, quand d'autres étudient l’histoire ou l’archéologie à l’université. « On ouvre aussi des portes sur un mode de vie plus authentique. Un nombre croissant de jeunes adhère à cette démarche, et pas seulement en Norvège ». Alors, à quand une "licence Gaulois" dans nos contrées ? Elisabeth Blanchet


Š Seljord Folkehøgskule

Le pari Drakkar.


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interview

Franck Ebel

Cœur de hacker

Propos recueillis par Julien Damien

© DR

C'est une école pas tout à fait comme les autres. Dans le sud des Hautsde-France, à Maubeuge, la licence professionnelle "Cyber défense, anti-intrusion des systèmes d'information" (proposée par l'IUT de Valenciennes) forme depuis 2008… des hackers. Comprenez, des as du numérique chargés de nous protéger contre les pirates et leurs virus. Franck Ebel, le créateur de ce cursus unique en Europe, par ailleurs commandant de gendarmerie réserviste et spécialiste de la lutte anticybercriminalité, nous décrit une réalité qui n'a rien de virtuelle, et n'aurait pas dépareillé dans un épisode de Black Mirror.


Franck Ebel © CDAISI

Quand et comment cette licence est-elle née ? Je travaille dans la sécurité informatique depuis 2002. à l’époque on parlait très peu de cybersécurité. Puis on s’est rendu compte, au fil du temps, de l’importance du piratage. J'ai donc créé cette licence en septembre 2008 à Maubeuge.

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Les cyberattaques sontelles devenues un fléau ? Oui, et concernent tout le monde. Les professionnels, les services publics comme les particuliers sont visés chaque jour et chaque nuit.

Quels types d'agressions visent les particuliers ? Si vous êtes faillible, les pirates peuvent utiliser votre adresse IP grâce à des outils automatiques, de façon aléatoire. Ils prennent alors possession de vos machines pour, par exemple, attaquer une banque sans être repérés. Charge ensuite à vous de prouver votre innocence. Ils sont aussi capables de contrôler votre webcam via un trojan (ndlr : un cheval de Troie), regardant ce qui se passe chez vous à votre insu. J’ai déjà rencontré ce cas de figure : des gens ont été filmés au cours d’un •••


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Qu’en est-il du "ransomware", le logiciel de rançon ? Il concerne plutôt les entreprises. C’est simple : le pirate envoie un mail quelconque avec une pièce attachée. En cliquant sur le lien, la victime installe sans le savoir le "ransomware", qui chiffre la machine. Toutes les données deviennent dès lors inaccessibles. Pour débloquer la situation, il faut une clé de déchiffrement, que le pirate cèdera moyennant une somme d’argent. C’est une sorte de kidnapping.

« Les cyberattaques nous visent chaque jour. »

La cyberdéfense revêt-elle un enjeu de société important ? De plus en plus. Aujourd’hui, on sait pertinemment que les pays s'agressent entre eux, en déposant chez l'autre ce qu’on appelle des "APT", pour Advanced Persistent Threat (ndlr : menace persistante avancée). Ce sont des logiciels dormants. Ils infiltrent les sociétés d’importance vitale, comme celles gérant la distribution d'eau, d’électricité ou de télécommunication. Ils seront déclenchés en cas de cyber-guerre, provoquant l'effondrement de tout le réseau et une capitulation rapide.

Concrètement, en quoi consiste votre licence ? Avant tout, nous formons des hackers, et non pas des pirates. En France, on a l’habitude de confondre ces termes. Quelle différence ? Le hacker fait exactement la même chose que le pirate, jusqu’à la découverte de la faille pour entrer dans le système. Mais lorsqu’il l’a trouvée, il la dénonce et prévient les utilisateurs, il ne l’utilise pas pour récupérer de l’argent. à un moment on parlait même de "white" et de "black" hacker. Quelles techniques enseignez-vous ? Toutes celles utilisées par les pirates pour pénétrer les systèmes, afin de mieux les contrer. On leur apprend aussi à détecter ces attaques, à rédiger des rapports aux entreprises pour les protéger. C'est une école de hackers éthiques, unique en France et en Europe, car elle s’intéresse à l’aspect préventif. Ne craignez-vous pas de former de "méchants" hackers ? Nous sommes étroitement liés aux services d’état, et les étudiants sont fichés. S’il y avait un souci, on le saurait avant d'inscrire les candidats. Ensuite, on leur dispense des cours de droit avec des avocats spécialisés,

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acte, disons, très privé. Les vidéos servaient ensuite un chantage…


© CDAISI

« C'est une école de hackers éthiques. »

et sommes très attentifs aux questions éthiques. à notre connaissance, il n’y a pas eu de problème, mais il est toujours possible que certains sortent du droit chemin…

Ces étudiants sontils aussi protégés ? Oui, car ils sont les cibles des pirates. La licence ayant acquise ses lettres de noblesse au fil du temps, elle est très connue des

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à visiter / formations.uphf.fr à lire / L'interview intégrale sur lm-magazine.com

professionnels, mais aussi des individus malveillants. Le cybermonde est très fermé. Si un étudiant crée un site web quelconque, il sait très bien qu’il sera "testé". L'école a-t-elle pour ambition de se développer ? Non, car le contenu deviendrait trop universitaire. Les intervenants sont là par amitié, mais difficiles à trouver. C’est pourquoi cette école n'a pas encore été copiée.


Claude Cancès, parrain de la promo 2017/18, ancien directeur de la P.J. de Paris © Bernard Custodio

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école de détectives privés (Esarp) | Un métier à suivre |

Esarp 55 avenue Marceau, Paris à visiter / ecole-detective.com

à lire / Les Détectives privés pour les nuls (édition pour les nuls) de Jean-Emmanuel Derny et Samuel Mathis, 253 p., 15,99 €, www.pourlesnuls.fr

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Avis aux Sherlock Holmes et autres Nestor Burma en herbe. Depuis 2012, à Paris, l'Ecole supérieure des agents de recherches privées (Esarp) dispense une formation… de détective privé. Au programme ? Surveillance, filature, recueil de témoignages, prises de vue… D'une durée d'un an, ce cursus est accessible aux titulaires d'un bac+2 et, évidemment, d'un casier vierge. Quels sont les débouchés ? Ils sont vastes. Si le constat d'adultère reste un classique, la plupart des clients demeurent des entreprises (le salarié est-il vraiment malade ? Vole-t-il du matériel ?). « Les demandes proviennent également d'organismes parapublics comme la Caisse d'allocations familiales ou la Caisse primaire d'assurance maladie, cherchant à confondre les fraudeurs, explique Samuel Mathis, président de l'Esarp. La généalogie est aussi une voie intéressante ». C'est l'Arrageois François Vidocq, bagnard devenu policier, qui est considéré comme le père fondateur du métier, au début du xixe siècle. Mais attention, si cette activité est bien ancrée dans l'imaginaire collectif, elle ne s'improvise pas. Elle est d'ailleurs contrôlée par le Conseil national des activités privées de sécurité, placé sous tutelle du ministère de l’Intérieur. élémentaire… Julien Damien



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- po li o

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| Tragi-comics | Dulce Pinzón a photographié des Mexicains travaillant clandestinement à New-York et habillés en… super-héros. Au-delà de l’aspect ludique de ses images, cette artiste originaire de Mexico rend hommage à des hommes et femmes qui se sacrifient pour leur famille. Baptisée La Véritable histoire des super-héros, cette série est exposée à la médiathèque La Corderie de Marcq-en-Barœul, illustrant la thématique de l’Eldorado initiée dans la métropole par lille3000.

Superman Noe Reyes, de l’état de Puebla, est livreur à Brooklyn. Il envoie au Mexique 500 dollars par semaine.

Spiderman lave les vitres d’un gratte-ciel, suspendu au-dessus du vide. Superman s’élance à vélo pour livrer des colis, sa cape rouge flottant au gré du vent. Muscles saillants, Hulk porte de lourdes caisses de légumes aux épiceries de la ville… Au premier abord, ces images de super-héros employés à des tâches quotidiennes prêtent à sourire. •••

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Dulce Pinzón


Iceman Bolivar Abril originaire d’équateur est vendeur de glaces. Il envoie 250 dollars par semaine à sa famille.


Catwoman Minerva Valencia, de l’Êtat de Puebla, est nourrice. Elle envoie 400 dollars par semaine au Mexique.



Spiderman Bernabe Mendez de l’Êtat de Guerrero est laveur de vitres. Il envoie 500 dollars par mois au Mexique.


Hulk Paulino Cardozo de l’état de Guerrero est manutentionnaire. Il envoie au Mexique 300 dollars par semaine.

Elles cachent pourtant un propos éminemment politique. Pour réaliser ces 20 clichés, la photographe Dulce Pinzon a demandé à des immigrés mexicains entrés illégalement à New York de poser déguisés sur leur lieu de travail. à chaque métier correspond ainsi un personnage de comics.

Le prix de l’argent

Intitulée La Véritable histoire des super-héros, cette série est née après les attentats du 11 septembre 2001. « Dès lors, la notion d’héroïsme est devenue omniprésente dans l’imaginaire collectif américain, explique Caroline Carton, commissaire de l’exposition. Les médias ont glorifié les pompiers, policiers et toutes ces personnes risquant leur vie pour autrui ». Mais selon Dulce Pinzón, le pays de l’Oncle Sam abrite aussi des héros se sacrifiant tous les jours, dans l’indifférence générale. « Ces immigrés exécutent des missions ingrates, qu’aucun New-Yorkais ne voudrait effectuer. Ils s’échinent de longues heures, sans protection sociale, et envoient une partie de leur maigre salaire à la

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Wonderwoman Maria Luisa Romero, de l’état de Puebla, travaille dans une laverie. Elle envoie 150 dollars par semaine.

famille restée au pays ». Les Aztèques sont ainsi devenus dépendants de cette manne financière, et les états-Unis d’une main-d’œuvre bon marché… ■◆

Le drame sous les comics

Situées entre le documentaire et l’art contemporain, les œuvres de Pinzón dénotent par leur humanité. « Elles rappellent l’esthétique des couvertures de comics. Les personnages s’affichent au premier plan, mais leur regard trahit une certaine tristesse. Le drame social couve derrière la mise en scène ». Ces photographies sont présentées à La Corderie selon une scénographie immersive. Les grands tirages « à l’échelle 1 » replacent le visiteur dans le quotidien de ces héros invisibles. Le (super) pouvoir de l’image en quelque sorte.

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Julien Damien - Photos © Patricia Conde Galería Mexico Dulce Pinzón - La Vraie histoire des super-héros Marcq-en-Barœul, 03.09 > 02.11, La Corderie mar & jeu : 14 h > 18 h // mer & sam : 10 h > 18 h, ven : 14 h > 20 h, gratuit, corderie.marcq-en-baroeul.fr

à visiter / www.dulcepinzon.com à lire / La version longue de cet article sur lm-magazine.com




© Julien Damien


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r u o t rce e R fo en

Fermé depuis l'automne 2017 pour cause de travaux, le Grand Mix rouvre enfin. Après exactement 666 jours de silence et des concerts en vadrouille dans toute la métropole, ce temple des musiques actuelles retrouve ses ouailles, lors de quatre jours d'agapes sonores. Plus grand, plus beau, il dévoile aussi de nouveaux terrains de jeux : un studio de répétition et surtout une nouvelle salle. Petit tour du proprio.

Depuis la place Notre-Dame, le constat est flagrant. Le Grand Mix s'est refait une petite beauté… mais a sacrément pris du poids ! Pour ses 20 ans, il avait en effet reçu un beau cadeau : le bâtiment Herrebeau qui le jouxte. Les 1 400 m2 de cet ancien magasin ont été bien répartis. Au sous-sol, on trouve par exemple un studio de répétition, à destination des groupes de la région. Que les fidèles se rassurent, la grande salle et son mythique bar n'ont pas changé – ouf ! L'essentiel se situe au rez-de-chaussée. Dès l'entrée, le visiteur-mélomane est accueilli par un couloir plus vaste. Sur sa droite, il remarque alors un grand escalier menant vers un nouvel espace, quelques mètres plus haut : "le club". Eclairé par de grandes baies vitrées, cet écrin d'une capacité de 300 places sera accessible en soirée comme en journée. « C'est un lieu de vie ouvert sur la ville, un espace de convivialité ou de travail. Il propose une petite restauration à midi, on peut s'y poser l'aprèsmidi… », explique Boris Colin. Le directeur imagine déjà ici moult rendezvous : conférences, impros, masterclass…

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L'amour du risque

« Surtout, cet outil va nous permettre de prendre des risques, de découvrir plus d'artistes émergents », assure le programmateur, Julien Guillaume. Eh oui, il est plus facile de convier un nom encore confidentiel dans un endroit plus modeste – « moins de 200 entrées dans la grande salle, c'est un coût… ». Certes l'ambition est d'organiser « 100 concerts par an, au lieu de 80 », mais sans modifier l'ADN. Niché entre l'Angleterre, la Belgique et Paris, identifié "pop-rock-folk indé", le Grand Mix s'est fait une spécialité d'attraper des groupes internationaux peu connus dans nos contrées – on se souvient •••


Charlotte Adigéry © DR


MNNQNS © Sarah Bastin

Catastrophe © Philippe Groslier


© Julien Damien

La nouvelle salle (club) durant la fin du chantier.

de la venue de Tame Impala, avant son explosion. Cet automne, les surprises pourraient s'appeler The Murder Capital (des Irlandais post-punk) ou Wives, débarqués du Queens avec Andrew Bailey (guitariste de DIIV). ■◆

Double impact

Mais il y a encore mieux : le club et la grande salle peuvent fonctionner… en même temps. « Oui, on expérimente cette configuration durant le week-end d'ouverture, afin de faire circuler le public ». à l'affiche de ce « mini-festival », on navigue dès vendredi entre l'electro-soul de la Gantoise Charlotte Adigéry (dépêchez-vous, pas sûr qu'on la revoit ici) et un joli plateau rock emmené par l'Américaine Mattiel (cf page 56). On attend aussi les Anglais de Flamingods (« possible grosse sensation ») et le collectif Catastrophe, lequel promet « un spectacle incroyable, façon comédie musicale ». Foutraque, inventif, et furieusement emballant. Dans l'esprit de la maison, en somme. Julien Damien

Réouverture Tourcoing, 26 > 29.09, Le Grand Mix, jeu : 19 h (gratuit), ven & sam : 19 h (23 > 5 €), dim : 12 h (20 > 5 €) ●●● Programme : 26.09 : Weekend Affair, La Chorale Seniors, Mathieu Harlaut (Chamberlain), KaraOkay Live // 27.09 : SX, Charlotte Adigéry, Le Villejuif Underground, Cabaret Contemporain, Mattiel, TH da Freak, Groove des Familles (DJ set) 28.09 : Dope Lemon, Michelle Blades,

Scratch Massive, Catastrophe, MNNQNS, Buvette, Groove des Familles (DJ set) // 29.09 : Brunch avec Rozi Plain (complet !), En Famille avec Sofiane Saidi & Mazalda + Rozi Plain, Flamingods, Indianizer à venir (sélection) : 04.10 : Pépite // 10.10 : Nusky 11.10 : Derya Yıldırım & Grup Şimşek 12.10 : Youv Dee // 15.10 : Chassol 16.10 : Reverie // 18.10 : Chaton 19.10 : Bobby Oroza // 22.10 : Lolo Zouaï 26.10 : Jay-Jay Johanson // 27.10 : Nick Waterhouse 28.10 : The Murder Capital // 29.10 :Blue Red Shoes 03.11 : Sinkane // 14.11 : Boy Harsher 16.11 : Wives…

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Le Grand Mix Tourcoing, 5 Place Notre Dame, legrandmix.com



© Goledzinowski

Sônge À la charnière du millénaire, le r'n'b a bénéficié du lifting de Timbaland ou The Neptunes. Le genre a depuis connu mille et une métamorphoses. Citons Banks, FKA Twigs ou… Sônge, dont le premier essai produit par Myd (Club Cheval) s'inscrit dans cette glorieuse lignée. La jeune Quimpéroise, dont le chant se pare parfois de subtiles touches d'autotune, mêle nappes synthétiques, basses profondes et chœurs découpés. Elle observe des constructions dancehall et glisse quelques bidouillages rappelant les productions des labels PC Music ou Tri-Angle. À l'arrivée, ce travail d'architecte sonore ne prend jamais le pas sur l'émotion. T.A. Lille, 14.09, L'Aéronef, 21 h, 17 > 5 €, www.aeronef.fr

Après un premier album renversant, Azniv Korkejian, alias Bedouine, signe un deuxième essai marqué par une certaine idée de la soul folk orchestrée des années 1960-70. C'est simple : on jurerait entendre des trésors exhumés du Laurel Canyon, alors que leur autrice, née à Alep (Syrie), n'est arrivée aux USA qu'à dix ans. Héritière de Joni Mitchell et du Chelsea Girl de Nico, Bedouine délivre un son doux, vaporeux, mais plus profond qu'il n'en a l'air… T.A. Bruxelles, 10.09, Botanique, 19 h 30, 19 >13 €, www.botanique.be Leffinge, 15.09, De Zwerzer (Festival Leffigeleuren, 13 > 15.09) 14 h, 26 € (week-end : 58 €), leffingeleuren.be

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© Moises Galvan

Bedouine



© DR

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Celeste

L'histoire récente de la soul, au sens très large, est peuplée d'astres plus ou moins brillants (Adele, au hasard…) mais aussi d'étoiles autrement plus fascinantes, telles Jorja Smith, Janelle Monáe et désormais Celeste Waite. Repérée par Lily Allen, qui en fit l'une des premières sensations de son jeune label Bank Holiday Records, la chanteuse de 25 ans suscite déjà les comparaisons flatteuses : Aretha Franklin, Etta James, Tina Turner ou Amy Winehouse. Mais cette complice de Michael Kiwanuka, dont elle assure les premières parties durant sa tournée européenne, n'a pas besoin de ces grands noms pour qu'on retienne le sien. Il suffit d'écouter Father's Son, merveille de ballade downtempo posée sur des accords d'orgue Hammond, pour s'en convaincre. Née sous le soleil de Los Angeles, aujourd'hui installée dans l'excentrique Brighton, Celeste alterne mélancolie et suavité, accompagne sa voix grave et un brin éraillée de cuivres jazzy, percussions ou synthés. Une lumière dans la nuit. Julien Damien

Bruxelles, 16.09, Ancienne Belgique, 20 h, 15 €, www.abconcerts.be

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| Clé de soul|



Andrew Eldritch © Primary

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The Sisters of Mercy Les maîtres-corbeaux sont de retour. Depuis bientôt quatre décennies, ce groupe culte (oui, un de plus…) vit sur sa légende et quelques tournées nostalgiques, mais lucratives, au regard de sa production pas exactement prolifique. Retour sur l'histoire (en dents de scie) de ces piliers du rock-gothique.

| Noir c'est noir |

Bruxelles, 23 & 24.09, Ancienne Belgique, 20 h, 42 / 41 € (lundi Complet !), www.abconcerts.be

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Né en 1980 et nommé ainsi d'après une chanson à double-sens de Leonard Cohen, The Sisters of Mercy est le fruit de la vision d'Andrew Taylor. Marqué par l'expressionnisme allemand et le romantisme de la vieille Europe (oui, comme Joy Division), il se rebaptise Eldritch et met sa voix de baryton un brin empruntée au service de chansons situées à la charnière du punk rock et du metal. Parangon de la scène gothique, la formation de Leeds a souffert du caractère pas facile de son leader, d'où d'incessants changements de personnel, et l'arrivée de quelques "pointures". Citons Patricia Morrison (The Gun Club), Tony James (Generation X, Sigue Sigue Sputnik) ou Tim Bricheno (All About Eve). Le plus étonnant, finalement, c'est bien sa maigre discographie. En bientôt 40 ans d'existence, les Britanniques n'ont publié que trois albums et n'ont rien signé depuis… 1990. Mais leur influence se mesure moins au nombre de sorties qu'à celui de leurs disciples. Des groupes tels Nine Inch Nails, Paradise Lost ou même Marilyn Manson peuvent rendre grâce à ces Sœurs de la Miséricorde. En 2019, la voix d'outre-tombe d'Eldritch et ses brûlots noirâtres font toujours mouche – à condition, bien sûr, d'apprécier la théâtralité de l'ensemble. Thibaut Allemand



© Jason Kofke

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Mattiel

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L'histoire semble banale : une jeune fille élevée dans une ferme au fin fond de la Géorgie (USA), entourée des disques de ses parents (Donovan, Peter, Paul and Mary…). Débarquée à Atlanta, elle se prend de plein fouet le hip-hop et l'indie rock, remonte les sources, découvre le blues… et compose à son tour un premier essai édité par Burger Records (The Black Angels, Curtis Harding). Jack White tombe sous le charme et l'embarque en tournée. Désormais signée chez les esthètes britanniques de Heavenly Recordings (Saint Etienne, Gwenno), Mattiel peaufine sa jolie formule, qui doit autant aux girls bands sixties qu'aux antiques traditions du rock et du blues américains. Il n'y a absolument rien de nouveau chez elle. Cependant, aucune chanson ne sonne comme un artefact ou une pâle copie. L'Américaine retravaille avec les moyens du bord et une grande spontanéité, une matière à la patine évidente – une certaine idée de la pop, finalement. Thibaut Allemand

Bruxelles, 26.09, Botanique, 19 h 30, 16 > 10 €, www.botanique.be Tourcoing, 27.09, Le Grand Mix, 19 h, 23 > 5 €, legrandmix.com (soirée de réouverture, cf page 48)

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| Retour aux sources|



L'Aéronef, Euralille © Kmeron

interview

L'Aéronef ans


iq u e us Benoît Olla © Julien Damien

Quelle idée saugrenue. En septembre 1989, une bande d'acharnés inaugurait une salle de concert, rue Colson à Lille, la débrouille et la passion en bandoulière – rock'n'roll, quoi. Alain Bashung, immortel parrain, essuya les plâtres avant que Motörhead, The Residents ou NTM (entre autres) ne fassent trembler les murs… et ceux des voisins. L'Aéronef dut alors se poser à Euralille, en 1995. Trente ans plus tard, elle demeure l'une des scènes les plus réputées de France, a passé le cap des 100 000 spectateurs et 180 dates par saison. Mais l'esprit des débuts est resté le même : exigeant, (forcément) perché et pourvoyeur de "spectacles sans gravité". Benoît Olla, le directeur, revient sur une belle histoire et nous attend pour moult fêtes d'anniversaire. Propos recueillis par Julien Damien

Comment l'aventure a-t-elle démarré ? En septembre 1989, à l'initiative de militants et à la force du poignet. Jean-Pascal Reux, Nicolas Robichez et Emmanuel Vinchon en furent les trois chevilles ouvrières. à l'époque, la façon dont on vivait la musique était très différente, plus "underground", rock'n'roll. Il n'y avait pas cette structuration autour de labels, d'institutionnalisation du secteur. L'Aéronef était alors situé rue Colson à Lille, dans une petite salle au charme indéniable, avec du bois, de belles colonnes, façon théâtre à l'ancienne. 59

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| L'âge de (dé)raison |

Quelle est la particularité de cette salle, aujourd'hui ? Elle a sans doute moins de charme qu'auparavant. C'est un paquebot de béton et de métal situé en hauteur et dans un vaste centre commercial… Mais on compose avec ces contraintes, mettant l'accent sur la chaleur humaine pour que L'Aéronef ne soit pas un simple lieu de passage, mais de découvertes et d'échanges. La façon d'apprécier la musique a tellement évolué, aujourd'hui on l'écoute sur Youtube. Du coup, une salle de concerts doit proposer autre chose. •••


Gardez-vous un souvenir particulier ? Lou Reed en 2012, pour l'un de ses

derniers shows. Il n'avait pas exactement une réputation de bouteen-train et était déjà très diminué. Au début j'ai eu un peu peur, ça ne sonnait pas très juste, puis la soirée a décollé. On voyait qu'il était heureux d'être là. D'ailleurs, il nous a offert un rappel imprévu, deux personnes l'ont aidé à marcher sur scène… c'était un grand moment de générosité. Quelles seraient vos plus belles rencontres ? Jeanne Added, d'abord en "formule club", avant d'exploser. Nous l'avons accueillie au tout début en résidence et désormais elle remplit la grande salle. On a aussi vécu de sacrés moments avec Jules-édouard Moustic. à l'opposé de son personnage de punk grolandais, c'est une putain d'oreille, avec des goûts musicaux très larges. En plus, il est très humain, hyper-accessible.

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Comment ? En faisant un pas de côté : grâce à une exposition, la projection d'un film ou en déroulant des fils rouges au long de la saison. Par exemple en focalisant sur une ville dynamique comme Manchester. On organise aussi des soirées un peu dingues avec du catch, où la scène se transforme en ring, avec des "lives" entre les combats… Bref, l'Aéronef, ce n'est pas que des concerts. Il est situé dans un centre commercial, mais ce n'est pas un temple de la consommation culturelle !

« L'Aéronef n'est pas un temple de la consommation culturelle. »

à l'époque de la rue Colson, audelà des concerts, on voyait pas mal de truc barrés à L'Aéronef. On essaie donc d'entretenir cet esprit-là, humblement.


Photos © Lumière Rock

D'ailleurs, il reviendra mixer pour notre anniversaire. Comment allez-vous célébrer ces 30 ans ? On aurait pu créer un gros évènement, avec des noms qui claquent… Mais cela aurait été trop réducteur, ne reflétant pas les nombreuses facettes du lieu. Tout au long de la saison, on multipliera les clins d'œil à notre histoire. Par exemple ? Le 30 novembre, on organise une soirée hommage à notre parrain, Alain Bashung, notamment avec l'orchestre symphonique Lalo et des étudiants de l'E.S.M.D * de Lille. Il y aura aussi des "guests" qui ont travaillé avec Alain,

comme Edith Fambuena (réalisatrice de l'album posthume En amont) et puis au chant Chloé Mons, sa dernière compagne, ou encore Dani… Quels autres événements ? En octobre, nous ouvrirons 30 heures non-stop ! Les concerts seront ponctués de performances, comme celle du collectif 9ème Concept. Nous allons aussi renouer avec le "restau sur la grande scène" et recevoir Brandt Brauer Frick, trio mêlant techno et musique classique. C'est un petit clin d'œil à notre saison 2013, consacrée à Berlin. Nous voulions regarder dans le rétro. D'ailleurs, ça serait pas mal de retourner rue Colson le temps d'une soirée… Non ?

* École Supérieure Musique et Danse L'Aéronef Lille, 168 Avenue Willy Brandt, Euralille

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●●● Sélection "30 ans"

18 & 19.10 : Les 30 heures de l'Aéro : La Fine équipe, Brandt Brauer Frick, Tshegue, The SlowReaders Club, Life, Automatic, French 79, The YD, Yellow Straps, Jonathan Jeremiah, Nihiloxia,

Mario Batkovic, Le 77, Flèche Love,9ème Concept 21.11 : concert "club" à 3 € : Dead Man Ray 30.11: Hommage à Alain Bashung : L'Orchestre Lalo + Edith Fambuena, Martin Barker, Simon Edwards, Chloé Mons, Dani… (en partenariat avec le Conservatoire de Lille & l’École Supérieure Musique et Danse Lille – Hauts-de-France) 02.12 : concert "club" à 3 € : !!! (Chk Chk Chk)


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© Jacob Khrist / hanslucas

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Jean-François Zygel & Art Point M

Amiens, 27.09, Maison de la Culture, 20 h 30, 14 > 7 €, www.maisondelaculture-amiens.com (dans le cadre du NAME Festival)

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On ne présente plus Jean-François Zygel : ce pianiste, improvisateur hors pair, est également connu de tous grâce à ses dons de passeur. À la télévision comme à la radio, l'érudit nous introduit au jazz, à la musique classique et autres genres réputés difficiles d'accès. Voici deux ans, Zygel avait déjà fait équipe avec Art Point M. Le compositeur parisien retrouve ici Fanny Bouyagui, créatrice du NAME festival, et le duo de Djs à quatre mains APM001. Entre énergie club, techno minimale, cordes sensibles et images chocs, ce mix "piano platines" devrait laisser, une fois encore, une large place à l'improvisation maîtrisée. T.A.



Kiddy Smile © Nico Bustos

Poulpaphone | Garde la pêche !|

Pour bien affronter la rentrée, posez donc votre baluchon du côté de Boulogne-sur-Mer. Chaleureux et défricheur, le Poulpaphone constitue une belle alternative aux mastodontes estivaux. Cette année, notre céphalopode préféré s'aventure dans des eaux plus "rétro", et a encore ferré quelques gros poissons. Le Poulpaphone lorgne vers le vintage, mais conserve toute sa fraîcheur, à l'image de Bon Entendeur. Fondé en 2012, ce collectif rétromaniaque remixe des tubes d'antan avec une bonne humeur contagieuse (jetez donc une oreille à leur version de La Rua Madureira de Nino Ferrer). Prolongeant ce voyage temporel, le village s'orne d'un mur de vieux postes radio avec le TSF Sound System, tandis que des coiffeurs-barbiers proposent des coupes de circonstance – et nous collent une sacrée banane ! Le line-up reste toutefois éclectique et « s’étend du punk à l'electro, en passant par le rap. Bref, de la musique pour tous. Nous remplissons un rôle de service public », revendique Lisa Torres, la programmatrice. Au sein d'un décor industriel se côtoient sur deux plateaux sensations d'aujourd'hui (Balthazar, Kadebostany) et sans doute de demain (les rappeurs sous tension de Sein, le "gonzo-rock" de Tankus the Henge). Leur point commun ? « Ce sont des artistes de "live", apportant une vraie plus-value sur scène ». En cela l'icône LGBT Kiddy Smile, attendue avec ses danseurs de voguing, colle parfaitement au cahier des charges, tout comme les métalleux de Céleste. Plongé dans le noir et éclairé par des lampes frontales, leur show s'annonce… abyssal. Julien Damien

●●● Sélection / 27.09 : Diaclase, Yorina, Edgär, Kadebostany, Bigger, Kiddy Smile, Juicy, Bon Entendeur 28.09 : Jah Style, Baloji, Sein, Inüit, Tankus The Henge, Balthazar, Céleste, Deluxe

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Boulogne-sur-Mer, 27 & 28.09, Site de Garromanche (Outreau), 19 h, 1 soir : 18 €, 2 soirs : 26 € www.poulpaphone.com



Muse et Piano Dès sa création, le Louvre-Lens a suscité le débat avec sa fameuse Galerie du Temps, qui met en perspective quatre millénaires de création artistique. Sept ans plus tard, elle fait toujours réfléchir. Mieux, elle inspire des festivals tels que celui-ci, où les récitals entre les murs du musée sont impromptus mais pas improvisés. Outre ces concerts surprises, Muse et Piano accueille de véritables pointures : citons l'Allemand Joseph Moog, la Lituanienne Mūza Rubackytė ou encore Paul Lay. Ce dernier présente des variations autour de Chopin et anime une rencontre à destination du jeune public. De quoi prendre son temps… et épater la galerie ! T.A. Lens, 27 > 29.09, Louvre-Lens (Galerie du Temps, Scène, Cafétéria, Centre de ressources), divers horaires, 1 concert : 14 € > gratuit, pass : 40 € (accès tous concerts), www.louvrelens.fr

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© Frederic Iovino

●●● Sélection / 27.09 : Récital interactif (jeune public), Silent Concert par Momo Kodama (Chopin, Bach), Soirée jazz par Paul Lay (improvisations autour de Chopin) // 28.09 : De l’enfance à la plénitude (récital 100% Chopin) par Momo Kodama, Chopin & Liszt, deux âmes romantiques par Mūza Rubackytė 29.09 : Chopin mystérieux (concert lecture) par Momo Kodama et Jean-Yves Patte, Une vie pour la musique (rencontre et master class avec Mūza Rubackytė), Récital hommage à la Pologne par Joseph Moog (Schubert, Chopin, Fauré, Liszt)



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© Jack Barraclough

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Rozi Plain

Ça serait tellement simple, si la folk n'était qu'affaire de guitares en bois. Certes, Rozi Plain maîtrise bien la langue de Dylan et sa musique traverse aussi les grandes plaines, mais la native de Winchester emprunte des chemins de traverse. Rehaussées de cuivres et de synthés vintage, ses mélodies d'orfèvre flirtent avec le jazz ou une pop mélancolique. Rien d'étonnant donc, à la voir copiner avec Frànçois and the Atlas Mountains, This is The Kit, Hot Chip, Weyes Blood ou Deerhoof. Signataire d'un premier album plutôt rigoriste en 2008, cette Britannique (qui porte des sweats à capuche comme personne) sortit réellement du bois en 2015 avec Friend. Désormais sous le pavillon de Memphis Industries (comme Barbarossa), elle publiait au printemps dernier What a Boost, merveille d'entrelacs sonores et rythmiques, témoignant d'une gourmandise sans borne. Invitée pour un brunch au Grand Mix, on a hâte de partager sa table !

| Détours d'horizon|

Julien Damien

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Bruxelles, 28.09, Botanique, 20 h, 18 > 12 €, www.botanique.be Tourcoing, 29.09, Le Grand Mix, 14 h, 5 € / gratuit (-10 ans) + Brunch avec Rozi Plain : 12 h, complet !, legrandmix.com (week-end de réouverture, cf page 48)



© Jack Bridgland


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Little Simz

En mai 2016, LM autopsiait Dead Body, tourbillon grime tiré du premier album d’une jeune Londonienne de 22 piges, et soulignait son « talent tout en maturité ». Trois ans, trois disques et quelques milliers d’articles plus tard, Little Simz n’a rien changé : elle continue à nous stupéfier. Autant dire que ce concert bruxellois a tout d’un événement.

| Haut débit |

Dans la tribune des admirateurs précoces de Little Simz, dont figuraient les auteurs de la rubrique musique de LM, siégeaient aussi (deux rangs derrière) Jay-Z et Kendrick Lamar. Depuis la mixtape Blank Canvas en 2013, tout le monde applaudissait alors un flow rageur et impeccable, mais marmonnait «… de la part d’une si jeune femme ». Ces biais d’écoute ont été entre-temps atténués par des prestations scéniques de haute volée, puis totalement balayés par un troisième album (Grey Area) tout en nuances et en dextérité. ■◆

Brit connection

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Little Simz aurait pu bénéficier d’une sortie mondiale sur le label de l’un des maîtres du monde qui sont à ses pieds (les précités Jay et Kendrick). Elle a plutôt opté pour une cuisine maison via son micro-label Age 101 Music, confiant la production à son ami d’enfance Inflo. Grey Area constitue pourtant un aboutissement, consacrant le flow, le chant et les harangues de la rappeuse et des histoires personnelles marquées par un immense « talent tout en maturité », donc. Avec son compatriote Loyle Carner, Little Simz représente un rap UK agile, parfois fragile, loin du quant-à-soi et affichant une grande ouverture formelle. La soul teintant Selfish est déjà un hymne et son succès couronne la trajectoire, loin d’être achevée, d’une artiste déjà incontournable. « A boss in a fucking dress », pour la citer. Mathieu Dauchy Bruxelles, 29.09, Ancienne Belgique, 20 h, 20 / 19 €, abconcerts.be


© SocialNews. XYZ / DR

Khalid

Son nom n'est pas (encore) sur toutes les lèvres et, en dépit de deux albums au potentiel hautement commercial, Khalid fait encore figure d'outsider dans nos contrées. Pourtant, cet Américain de 21 ans pourrait bien devenir à son tour un phénomène, à l'instar de Lorde voici quelques temps.

| Le challenger |

Pour saisir l'importance de Khalid, il faut le replacer dans un continuum que nous ferions débuter (arbitrairement) avec Pure Heroine de Lorde. À rebours des "entertainers" assumés, la Néo-Zélandaise s'est fait dès 2013 une place avec un son hybride, à mi-chemin entre la pop radiophonique et les expérimentations de la bass music. Six ans plus tard, on reconnaît les héritiers. Billie Eilish, et Khalid donc. Une scène ? Pas vraiment, bien que ces deux derniers aient travaillé ensemble (sur le single Lovely) et que l'Américain fut emmené par Lorde en tournée. Enfant, il a vécu aux USA comme en Europe (ses parents sont militaires) et compose désormais une pop affranchie des frontières, inspirée par l'œcuménisme du r'n'b' comme le mal-être propre à la soul. Les intitulés de ses albums (American Teen, Free Spirit) sonnent comme des clichés et ses pochettes renvoient souvent à l'esthétique de la publicité : focale grande ouverte, couleurs saturées, simplicité du message. Une fausse piste, puisque le Texan reprend le folkeux Father John Misty, travaille avec Disclosure et élabore une œuvre bien plus âpre et profonde. Reste à voir s'il sera, à son tour, cité par une hypothétique relève. Thibaut Allemand 72

Anvers, 29.09, Lotto Arena, 20 h, 46 €, www.lotto-arena.be



Scènes sonores

French Fuse © Boby Allin

Bâtiment Art déco élevé en 1934, le Théâtre d'Anzin vibre chaque rentrée au rythme d'un singulier festival. En l'occurrence avec French Fuse, duo samplant tout ce qui lui passe sous les claviers, et révélé en 2016 avec un mix de 35 jingles de pub. Au rayon mayonnaise qui prend bien, citons aussi Le Bal des Enragés. Ce supergroupe réunit la crème du metal français (Lofofora, Black Bomb A…) lors d'une grande révision des classiques du genre. En clôture, la techno acoustique d'Hilight Tribe marie instruments du monde entier et accorde tous les violons. J.D. Anzin, 26 > 28.09, Théâtre municipal, 20 h 30, 1 concert : 20 > 5 €, anzin.fr Programme : 26.09 : French Fuse + Péroké 27.09 : Le Bal des Enragés // 28.09 : Hilight Tribe

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Deerhoof + Lewsberg Bruxelles, Botanique, 19h30, 21>15e Jeu 05.09

De l’ombre à la lumière Lille, Nouveau Siècle, 20h, 14>5e Ven 06.09

Soprano Villeneuve d'Ascq, Stade Pierre Mauroy, 20h, 80>38e S a m 0 7. 0 9

Soprano Villeneuve d'Ascq, Stade Pierre Mauroy, 20h, 80>38e Mer 11.09

Freez + Lexa Large + Glauque (Crossroads Festival) Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, Gratuit

Jeu 12.09

Michel Cloup Duo + MellaNoiseEscape Prémesques, Salle SaintLaurent, 20h, 3e Jacco Gardner's Somnium Bruxelles, Atelier 210, 20h30, 15/12e Ven 13.09

Leffingeleuren : Raketkanon + The Soft Moon + The Warlocks + Pile + Squid… Leffinge, De Zwerver, 19h30, 1 jour : 28e / weekend : 58e Bjorn Berge Eeklo, N9, 20h, 16/13e Yannic Seddiki Trio Capinghem, Salle Robert Ghesquière, 20h, 5e Bambounou Lille, Magazine Club, 23h59, 15>10e Sa m 14 .0 9

Raismes Fest : Glenn Hughes Performs Classic Deep Purple Live + H.E.A.T + Zodiac + Dewolff + Laura Cox Band + 58 Shots + Molybaron… Raismes, Parc du Château de la Princesse d'Arenberg, 11h30, 1 jour : 45e / 2 jours : 80e

Leffingeleuren : Brutus + Charlotte Adigéry + Steve Gunn + Bill RyderJones + Mystic Braves + Marissa Nadler… Leffinge, De Zwerver, 19h, 1 jour : 28e / weekend : 58e Youssou N'dour et Le Super Etoile de Dakar Bruxelles, Forest National, 20h, 70>40e Dim 15.09

Raismes Fest : Phil Campbell & The Bastards Sons + Leprous + Brian Downey's Alive & Dangerous + The Night Flight Orchestra + Tokyo Blade + Electric Boys… Raismes, Parc du Château de la Princesse d'Arenberg, 11h, 1 jour : 45e / 2 jours : 80e Leffingeleuren : The Mystery Lights + Bedouine… Leffinge, De Zwerver, 19h, 1 jour : 28e / weekend : 58e Lun 16.09

Glenn Hughes Louvain, Het Depot, 20h, 31>27e

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Lun 02.09

Hozier Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 40>35e



M a r 1 7. 0 9

The Wedding Present Liège, Reflektor, 20h, 16,50e Mer 18.09

Marc Ysaye et Mister Cover Woodstock Louvain, Ferme du Biéreau, 20h30, 28e Jeu 19.09

Common Gand, Vooruit, 19h30, 31,75e Múm + Gyda Valtysdottir Bruxelles, Botanique, 19h30, 26>20e Mystic Braves + Jacuzzi Boys Lille, L'Aéronef, 20h, 17>5e Ven 20.09

Les Fouteurs de Joie Armentières, Le Vivat, 20h, 18>8e Lean Chihiro + Âmer Gang… Wattrelos, La Boîte à Musiques, 20h, 12/10€ Sa m 2 1 .0 9

Radioactivity + Bad Nerves + Bad Sports Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 9/6e

Alice Cooper + Black Stone Cherry Bruxelles, Forest National, 20h, 48€ CharlÉlie Couture Woluwe St-Pierre, W:Halll, 20h30, 28/25e Fills Monkey Oignies, Le Métaphone, 20h30, 20>10e Dim 22.09

Le Chant des Machines (TKMR + ateliers + DJ sets) Lille, maison Folie Moulins, 15h, gratuit MÚM Courtrai, Kerk Sint-Denijs, 20h, 24,50>18,50e Brad Mehldau Trio Bruxelles, Bozar, 20h30, 38>14e Lun 23.09

Prévert : Yolande Moreau & Christian Olivier Amiens, Maison de la Culture, 20h30, 27>11e Mar 24.09

Prévert : Yolande Moreau & Christian Olivier

Amiens, Maison de la Culture, 19h30, 27>11e

Just play - Une plongée au cœur de l’Orchestre (ONL) Lille, Nouveau Siècle, 20h, 10>5e Wilco + Ohmme Anvers, De Roma, 20h, 36>34e Mer 25.09

Nadia Rose + Lala &Ce + Law Lille, Le Flow, 20h, 15/12e Rendez Vous + Drab Majesty + Whispering Sons Lille, L'Aéronef, 20h, 19/14e Prévert : Yolande Moreau & Christian Olivier Amiens, Maison de la Culture, 20h30, 27>11e Jeu 26.09

Gérald Genty + Boule + Bora Boris Bruxelles, Botanique, 19h30, 17>11e Panda Dub Louvain, Het Depot, 20h, 21>15e Sleaford Mods + The DSM IV Lille, L'Aéronef, 20h, 23>18e

On a souvent vanté les mérites de 2 Tone Records (The Specials, Madness…) pour avoir uni noirs et blancs dans le tourbillon du revival ska. Mais cette mixité a ses limites. Aviez-vous remarqué ? The Selecter est la seule formation du glorieux label à compter une femme dans ses rangs. Pauline Black est toujours présente et, fort de ses 15 albums (!), le groupe de Coventry possède un répertoire solide, qui pioche dans le revival ska, mais aussi les standards jamaïcains, du mento au rocksteady.T.A. Anvers, 27.09, De Roma, 20 h, 24 / 22 €, deroma.be

© Dean Chalkley

The Selecter



Miossec

© Julien T Hamon

N'écoutez pas les paresseux qui reprochent à Miossec de tourner en rond. Certes, ses chansons ont toujours porté la mélancolie en étendard. Mais question emballage, ce chanteur limité a su varier les plaisirs pour le meilleur (le premier LP à l'os, le symphonique 1964 ou l'épure soyeuse d'Ici-Bas, ici-même) ou le pire (l'acoustique lourdingue de Mammifères). Lors des derniers concerts, le Brestois a électrisé sauvagement sa formule. En sera-t-il de même pour cette tournée ? Nul ne le sait. Tant mieux ! T.A. Béthune, 01.10, Théâtre municipal, 20 h 30, 22 / 18 €, theatre-bethune.fr Mons en Barœul, 08.11, Salle Allende !, 20 h 30, 25 > 10 €

Aftershow electro : Carte blanche à Matthus Raman Lille, Théâtre du Nord, 21h, gratuit V e n 2 7. 0 9

Sebadoh Anvers, Trix, 19h30, 20e Ludwig Von 88 + Grabuge Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13e Freddy K & Arnaud Le Texier Lille, Magazine Club, 23h59, 12/10e Sa m 2 8 .0 9

Dragons en ciné-concert Lille, Le Zénith, 15h, 60>29e Cher Anvers, Sportpaleis, 18h30, 140,50>50,90e Teen Bruxelles, Botanique, 19h30, 15>9e Jérémy Frerot Douai, Place d'Armes, 20h, grat. Jurassic Park ciné-concert Lille, Le Zénith, 20h, 60>29e Flamingods + Indianizer Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12>7e

Dim 29.09

Stéphane Belmondo & Sylvain Luc Duo Lomme, maison Folie Beaulieu, 16h30, 6/4e Local Natives Bruxelles, Botanique, 19h30, 24>18e Lun 30.09

Stéphane Belmondo & Sylvain Luc Duo Croix, Villa Cavrois, 20h, 6/4e Mar 01.10

Alex Cameron Lille, L'Aéronef, 20h, 13>5e Madrugada Bruxelles, AB, 20h, 31/32e (gratuit abonnés) Mer 02.10

« Tiens mon style » + CHEU-B + KRILINO Lille, L'Aéronef, 20h, 14e Jeu 03.10

Pépite Bruxelles, Botanique, 19h30, 21>15e FKJ Bruxelles, AB, 20h, 26/27e Brihang Dixmude, 4AD, 20h, 18>14€

Nuits sonores & European Lab Brussels Bruxelles, Bozar, 20h, pass 33e Ven 04.10

Canine Lomme, maison Folie Beaulieu, 20h, 9,30>5,20e Jan Garbarek Group feat. Trilok Gurtu Anvers, De Roma, 20h, 39>37e Pépite Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 13>5e (gratuit abonnés) Stéphane Belmondo & Sylvain Luc Duo Lesquin, Centre Culturel, 20h, 5/3e Sa m 0 5 . 10

Allah-Las Bruxelles, Botanique, 19h30, 25>19e Mass Hysteria Lille, L'Aéronef, 20h, 25>19e Rodrigo y Gabriela Liège, Le Forum, 20h, 38>28e Ärsenik Lille, Le Splendid, 20h, 28,80e Féfé & Leeroy + Lexa Large Oignies, Le Métaphone, 20h30, 19>13€

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Mystic Braves Amiens, La Lune des Pirates, 20h30, 12>7e



Francis Lung

A Dream Is U

(Memphies Industries / Boogie Drugstore)

On se souvient encore, un peu gêné, de l'esbroufe WU LYF. Oui, on était tombé dans le panneau ! Un concert impressionnant puis un buzz ravageur masquaient habilement que ces quatre Mancuniens n'avaient pas grand-chose à dire. à commencer par leur leader mégalo, Ellery Roberts. Pourtant, on suivit (de loin) la suite de leurs aventures à travers d'autres groupes (Los Porcos, Ménage à Trois…). Rien de renversant. Jusqu'à ce disque solo enregistré par Tom McClung, le bassiste au sapin de Noël tatoué sur l'épaule droite (authentique). Sous l'alias Francis Lung, le multi-instrumentiste signe une petite merveille de pop accrocheuse emplie de mélodies simples et honnêtes. De celles dont Mac DeMarco est sans doute capable, quand son soft rock ne se vautre pas chez Bozo le clown. Produite par Brendan Williams (Dutch Uncles), cette œuvre ramassée contient quelques sommets. Citons Comedown, dont les arrangements rappellent ceux de Robert Kirby pour Nick Drake, ou Unnecessary Love, dont le mellotron songeur évoque les débuts de Belle and Sebastian – et pas mal de rêveurs sixties, donc. Passera-t-elle le test du temps ? Nul ne le sait. Pour l'heure, des dizaines d'écoute n'ont pas épuisé ses charmes. Thibaut Allemand (Drag City / Differ-ant)

Le mois dernier fut chargé pour les fans de rock garage psyché. Outre la sortie du deuxième album de l’année de King Gizzard & the Lizard Wizard et la galette jazz-fusion de The Oh Sees, nos oreilles ont savouré le nouveau Ty Segall. L’opus est introduit par le single Taste, reflétant bien le style du bonhomme, soit un garage caverneux aux accents stoner. L’Américain ne semble d'ailleurs pas lassé du rock, contrairement à ses déclarations à la presse, l’an passé. Pour entretenir la flamme, il innove avec Ice Plant, sublime élégie a cappella, ou en testant une palanquée de nouveaux instruments : la mandoline de The Arms, le koto et enfin le bouzouki (luth grec) sur l’épique Lone Cowboys. On y regoûte sans chichi ! Hugo Guyon

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Ty Segall — First Taste


Seratones

Gruff Rhys

Power

Pang ! (Rough Trade) Un an après Babelsberg, on attendait, sans trop y croire, un album du même acabit : pop songs immenses, "crooneries" célestes, spectre de Lee Hazlewood et tout le toutim. Peine perdue. Plutôt que de tenter de rivaliser avec lui-même, l'ex-Super Furry Animals a préféré le pas de côté. Coutumier des associations improbables (on se souvient de Neon Neon avec Boom Bip), le Gallois marie ici sa langue maternelle au zoulou, idiome de Muzi, producteur électro sud-africain proche de Damon Albarn. Le résultat déroute souvent, séduit parfois, mais demeure anecdotique face au reste de sa production. Cependant, ce sont également ces essais qui forment l’œuvre de Gruff Rhys. Par conséquent, ce disque demeure indispensable. Sortie 13.09. Thibaut Allemand

(New West Records)

Malgré ce qu’annonce la pochette, Seratones n'est pas une jeune femme, mais un vrai groupe. Ces quatre gaillards et leur chanteuse, A.J. Haynes, ont signé en 2016 un bon disque de garage rock, mais pas renversant, pour le compte du label Fat Possum. Depuis, le quintette venu de Louisiane s'est découvert une passion pour la soul millésimée et, sans rien perdre de sa fougue punk, enchaîne les brûlots cuivrés, tout en s'autorisant certaines expérimentations synthétiques – le dénominateur commun demeurant le groove. Les textes interrogent les rapports de genre, des questions décidément dans l'air du temps. Même s'il y a certainement des dizaines de formations plus douées végétant dans l'ombre, le résultat est franchement réjouissant.Thibaut Allemand

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Nas — ­The Lost Tapes 2

(Mass Appeal Records / Def Jam)

Adeptes des sonorités boom-bap ou trap, de textes tranchants ou de beats puissants, tous s’accordent sur un point : Nas demeure l'un des meilleurs rappeurs au monde. Un an après son 11e album (Nasir), le fils prodige du jazzman Olu Dara revient avec The Lost Tapes 2. Cette compilation rassemble des inédits collectés pendant plus de 10 ans, et des noms prestigieux. Sans surprise, le disque est une réussite. Sur Tanasia, le New-Yorkais la joue à l’ancienne, sur une prod’ soignée de l’illustre RZA. Plus loin, il nous surprend avec You Mean The World to Me, magnifié par les rythmes minimalistes de Kanye West. Mais c'est avec Pharrell Williams qu’il livre ses meilleures punchlines – Vernon Family. Et dire que The Lost Tapes 3 et 4 seraient déjà en préparation… Sonia Abassi


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Belle and Sebastian

Days of the Bagnold Summer (Matador Records)

Mike Patton & Jean-Claude Vannier

Corpse Flower

C'est la troisième fois que les écossais s'attaquent à une bande originale. Il y eut Storytelling (2002) pour Todd Solondz. Puis le fabuleux God Help the Girl, paru en 2009 (le film n'était pas encore tourné) et réédité en version remaniée et réinterprétée après la sortie du long-métrage en salle, en 2014. Cette fois-ci, Stuart Murdoch et les siens ont travaillé sur la pellicule de Simon Bird, adaptation de la BD L'Eté des Bagnold (2012). On retrouve des éléments qui avaient plus ou moins disparu des récents disques, à commencer par la trompette et le violoncelle, trop longtemps remisés au placard. En définitive, Belle and Sebastian renoue ici avec sa période Jeepster Records, son âge d'or twee pop (1996-2001) : fragilité, vulnérabilité, simplicité. Fabuleux.

Entre les deux figures cultes que sont Mike Patton (Faith No More, Mr Bungle…) et l’arrangeur français JeanClaude Vannier (Melody Nelson…), c’est un peu la rencontre de la carpe et du lapin. On comprend vite à l’écoute de ce fascinant Corpse Flower que l’esprit de Serge Gainsbourg a servi de liant. Mais si on pense parfois aux volutes bleues de l’homme à tête de chou, ces 12 chansons suivent leur propre instinct. On Top of the World dévoile un music-hall d’apocalypse, Browning une fusillade capiteuse, Chansons d’Amour une sérénade désabusée. Litanies coheniennes, passages en français méconnaissable, épisodes orageux, ambiances dadaïstes et cordes somptueuses : la carpe et le lapin donnent naissance à un monstre magnifique.

Sortie 13.09. Thibaut Allemand

Sortie 13.09. Rémi Boiteux

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(Ipecac Recordings / Boogie Drugstore)



Nina Allan

La Fracture

(Tristram)

Est-ce bien Julie Rouane qui, 20 ans après sa disparition jamais élucidée, alors qu’elle était adolescente, réapparaît dans la vie de sa sœur ? Le lecteur va partager le quotidien de cette dernière, bouleversée par ce soudain retour. Il sera aussi confronté à plusieurs versions du récit, tissées avec une grande virtuosité par Nina Allan. La romancière britannique brille ici par son style et ses constructions d’orfèvre dignes d'un Rodrigo Fresán (trouvant leur accomplissement après les nouvelles de Complications et Stardust). Il convient de n’en rien déflorer, mais la trame rappelle les séries The Leftovers (sur la question de la croyance) ou The OA (sur la nature du réel) autant que Mysterious Skin de Gregg Araki et les nouvelles de Cordwainer Smith. Longtemps après la lecture, les questions se déploient. En plus d’être un véritable page turner (on est happé par le mystère et tous les personnages), La Fracture offre une réflexion puissante sur la fiction. Le talent de Nina Allan est décidément sidérant. Sidéral même, mais on ne vous a rien dit… 403 p., 23,90 €. Rémi Boiteux

(Sonatine)

1972. Condamné à perpétuité pour meurtre voici 20 ans, Evan Riggs n’a jamais connu sa fille, confiée à une famille adoptive. Lorsque Henry Quinn, son compagnon de cellule, est libéré, Riggs lui confie une lettre pour elle… Dans Papillon de nuit, à travers les yeux et le parcours d'un condamné à mort, R.J. Ellory dessinait une fresque sociale, politique et culturelle des années 1960 et 70 aux USA. On en retrouve le charme et le style ici. Au fil de cette quête, Riggs va sonder la mauvaise conscience d'un patelin texan, et découvrir tout ce que l'Amérique compte de chantage, corruption, petites lâchetés. L'écriture est précise, haletante, et compose un puzzle aux mille et une pièces, de rebondissement en rebondissement. Du grand Ellory. 496 p., 22 €. Thibaut Allemand

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R.J. Ellory — ­Le Chant de l'assassin


Laurent Binet

Kaouther Adimi

Les Petits de Décembre (Seuil)

De nos jours, dans la banlieue d’Alger, au cœur de la cité du 11-Décembre-1960. Un terrain vague est investi par les gamins du quartier. Ils y jouent au football et y refont le monde, loin du regard des parents. Leur quotidien est bouleversé lorsque deux généraux s’auto-désignent propriétaires de la parcelle, pour y bâtir des villas de luxe. Face à la résignation des adultes, les enfants organisent la résistance… L’écriture faussement naïve de Kaouther Adimi dévoile par touches intimistes les contradictions profondes de la société algérienne, les blessures de la colonisation et l’héritage de la guerre d’Indépendance. En écho au récent soulèvement populaire, cette parabole confronte les trajectoires des "petits" face à un régime corrompu. 256 p., 18 €. Sarah Elghazi

Civilizations (Grasset) Les Vikings ont fait leur trou en Amérique. Christophe Colomb, confronté à des autochtones peu dociles, n’a jamais revu la cour de Castille. L’empereur Inca Atahualpa a débarqué en Europe pour capturer Charles Quint. C’est du moins ce qu’imagine Laurent Binet, partant du postulat qu’il ne manquait aux Indiens que « le cheval, le fer et les anticorps » pour renverser le cours de l’Histoire. Dans cette uchronie menée tambour battant, l’auteur de HHhH navigue entre les genres (la saga, l’épistolaire, le journal de bord) et traverse le siècle des conquistadors, l’ironie en bandoulière. Hyper documenté, Civilizations n’a peut-être pas l’insolence de La Septième fonction du langage (2015), son précédent roman, mais la saveur d’un conte philosophique divertissant. 384 p., 22 €. Marine Durand

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Mark SaFranko — ­Suicide

(Inculte)

Mark SaFranko fut révélé en France grâce à des histoires mêlant drame et comédie, autobiographie et fiction (Putain d'Olivia, Dieu bénisse l'Amérique). Après la fermeture des éditions 13e Note en 2014, l'Américain disparut hélas des librairies hexagonales. Inculte reprend le flambeau en publiant son premier polar. Celuici met en scène l'inspecteur Vincenti dans un New York post-attentat, en 2002. En pleine crise existentielle (comme la ville), ce flic se débat entre les ruines de son couple et un suicide suspect. Peu à peu, les démons du passé resurgissent… Au fil de ce roman très noir, SaFranko assemble lentement mais sûrement les pièces du puzzle. D'une écriture concise, il dessine en filigrane un pays en dépression, où le Bien et le Mal demeurent des notions très relatives. 313 p., 18, 90 €. Julien Damien


Dikkenek Š EuropaCorp Distribution

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| L'humour libre |

Ce festival dédié à la comédie inaugure sa deuxième édition. Après avoir célébré la France et son maître burlesque, Pierre Richard (et avant, peut-être, les états-Unis…) ce nouveau programme lillois met le cap sur la Belgique. Faisant fi des frontières, il embarque au passage le discret Michel Blanc. Car ici, le rire est pris au sérieux.

La comédie serait-elle méprisée par le septième art ? « Oui, elle n' a toujours pas sa place à Cannes », déplore Jérémie Imbert, le fondateur de CineComedies. Certes, l'humour trône au sommet du box-office, mais pas toujours pour le meilleur. « C'est vrai, il ne vit pas exactement son âge d'or…». Raison de plus pour s'intéresser aux œuvres lui ayant donné ses lettres de noblesse, et à ses dialoguistes, scénaristes… En somme, le texte, « ce parent pauvre de la comédie française ». Le festival inaugure ainsi une résidence d’écriture, parrainée par Jean-François Halin (OSS 117). On prendra aussi quelques cours avec… Michel Blanc. L'ex-taulier du Splendid s'est affirmé comme l'une des plus fines plumes du genre. L'occasion de se (re)bidonner devant Marche à l'ombre ou Grosse fatigue, et d'une rencontre rare – « mais ne lui parlez pas de Jean-Claude Dusse ! » ■◆

C'est bon, c'est du belge

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Autre invitée de marque : la Belgique. Mettre à l'honneur la patrie de Benoît Poelvoorde tenait de l'évidence. « C'est un humour synonyme d'iconoclasme total, de politiquement incorrect, les Belges osent tout ! ». à l'image, bien sûr, de C'est arrivé près de chez vous… qui ne sera hélas pas diffusé. « Il est bloqué depuis près de 30 ans pour des questions d'ayants droit ». Dommage, mais on se consolera devant Dikkenek, pas moins perché. « Qui s'y frotte s'y frite », comme dirait Claudy. Julien Damien Lille, 02 > 06.10, UGC, Gare Saint-Sauveur et divers lieux en métropole gratuit (sauf avant-premières : tarifs UGC), www.festival-cinecomedies.com

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CineComedies


© Pyramide Films

é c r a ns

Portrait de la jeune fille en feu | Toile de maîtresse | C’est LE film qui a embrasé le dernier

festival de Cannes. En racontant une romance interdite, et de facto impossible entre une peintre et son sujet, Céline Sciamma déploie une palette de talents. Elle demeure l’une des rares réalisatrices françaises à évoquer l'homosexualité féminine avec autant de grâce.

De Céline Sciamma, avec Noémie Merlant, Adèle Haenel, Luàna Bajrami… Sortie le 18.09

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1770. Marianne est une peintre chevronnée. Spécialiste du portrait, elle n’a jamais rencontré de difficulté… jusqu’à sa rencontre avec la sauvage Héloïse. Fraîchement sortie du couvent, celle-ci est promise à un brillant mariage avec un noble italien. Ledit tableau scellera leur union. Mais la jeune femme refuse de se soumettre au jeu de la pose. Marianne doit donc se faire passer pour une dame de compagnie pour l’observer, avant de la peindre en secret, comptant sur sa seule mémoire. Pire : elle tombe sous son charme. La voilà piégée car, sitôt son œuvre achevée, Héloïse sera offerte à un autre… Céline Sciamma renoue ici avec un thème fétiche : les amours saphiques et secrètes. Les similitudes avec son premier film, Naissance des pieuvres, narrant l’amitié ambiguë entre deux ados, sont en effet nombreuses. Adèle Haenel y campait alors l’objet de tous les désirs. Mais cette fois les rapports de force avec sa nouvelle partenaire, Noémie Merlant, sont bien plus équilibrés. La tension est palpable. Cette passion est digne d'un supplice tant elle arrive lentement à son acmé. Les plans en clair-obscur renvoient quant à eux aux grands tableaux du xviiie siècle. Dans une sublime mise en abyme. Mélissa Chevreuil

cra



© L’atelier Distribution

The Brink

(Steve Bannon, le grand manipulateur)

| Basses manœuvres |

Deuxième documentaire sur Steve Bannon en deux ans, The Brink révèle les coulisses de sa nouvelle arène politique, en tant que figure autoproclamée du "mouvement populiste". Ce film précieux permet de mieux cerner la psychologie d'un croque-mitaine du xxie siècle.

Documentaire d'Alison Klayman. Sortie le 25.09

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Figure de l’alt-right américaine et mauvais génie de la campagne de Trump en 2016, Steve Bannon fascine autant qu’il répugne. Alison Klayman l'a suivi pendant un an, de son départ avec fracas de la Maison Blanche jusqu’à l’échec des élections de mi-mandat pour les républicains en 2018. Dans une perspective naturaliste, caméra à l’épaule, la documentariste accompagne l’idéologue dans tous ses déplacements. Loin du brûlot, le film dévoile un trublion à la psychologie complexe. On y découvre un ancien banquier d’affaires, enchaînant les boissons énergisantes et citant volontiers Abraham Lincoln. Cynique, Bannon assume attiser le ressentiment de la population, et cultive une certaine proximité avec la presse new-yorkaise (à l’opposé de ses discours anti-élites). En Europe, à la rencontre du "brexiteur" Nigel Farage, de Marine Le Pen ou du nationaliste flamand Filip Dewinter, il esquisse son projet d’internationale populiste. C’est lors de ces entrevues que Klayman a essuyé ses premières portes closes. Steve Bannon garde ses secrets sur les tractations, notamment financières… Le film se termine sur les doutes du démagogue, toutefois persuadé d’être à l’avant-garde de l’Histoire. Pour le coup, on rêverait d'un happy end. Hugo Guyon



© Destiny Films

é c r a ns

L’Insensible | Les maux bleus | Grand Prix du dernier Arras Film Festival,

L’Insensible est un thriller d'une grande noirceur doublé d'une œuvre politique. En filmant l’histoire d’un gamin atteint d’une maladie grave, Ivan I. Tverdovsky dresse le portrait d’une Russie gangrénée par la corruption. Du cinéma coup de poing !

D’Ivan I. Tverdovsky, avec Denis Vlasenko, Anna Slyu, Danil Steklov… Sortie le 11.09

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Dans Zoologie (2016), Ivan I. Tverdovsky s’intéressait à une jeune femme voyant une queue lui pousser au bas du dos. Avec L’Insensible, le cinéaste de 30 ans met en scène Denis, garçon abandonné dans un orphelinat et atteint d’une maladie rare : une analgésie congénitale. Autrement dit, il ne ressent aucune douleur physique. En retrouvant sa mère, il découvre qu’elle est associée à un gang de fonctionnaires corrompus. De fil en aiguille, il participe à leurs escroqueries en se jetant devant des voitures pour faire chanter de riches conducteurs… Superbement éclairée (le bleu de la nuit évoque le cinéma de Michael Mann), L’Insensible est surtout l'œuvre d’un homme en colère, cadrant là où ça fait mal. Denis est ainsi le souffre-douleur de ses camarades à l'orphelinat avant la récupération cynique de sa mère. à bien des égards, ce film symbolise une nation martyrisée, où toutes les strates de la société sont gâtées. La narration emprunte les codes du cinéma de genre pour fustiger la Russie de Poutine, sans manichéisme. Certains prétendus salauds sont d’abord des victimes qui cherchent à s'en sortir. En définitive, L’Insensible est autant une charge implacable contre le pouvoir en place qu’une déclaration d’amour au peuple russe. Grégory Marouzé

cra


Après le succès public (mérité) de Patients, Grand Corps Malade et Mehdi Idir franchissent le cap toujours difficile du deuxième longmétrage. Celui-ci suit une trame similaire à leur opus précédent. Le centre de rééducation laisse ici place à l’école publique. On découvre le quotidien d’une jeune CPE nommée dans un collège réputé difficile de la ville de Saint-Denis, en banlieue parisienne. Elle y rencontre des collègues et collégiens, parmi lesquels Yanis (Liam Pierron, dans son premier rôle), un ado renonçant à toute ambition et auquel elle va s’attacher… Ce nouveau portrait de groupe dépeint une France plurielle, telle qu’on l’aime. Avec La Vie scolaire, Grand Corps Malade et Mehdi Idir trouvent à nouveau le ton juste, à la fois drôle et émouvant. G.M.

© L. Montalembert / Gaumont Mandarin Production / Kallouche Cinéma

De Grand Corps Malade et Mehdi Idir, avec Zita Hanrot, Liam Pierron, Soufiane Guerrab, Alban Ivanov… En salle

©Julian Torres, Les Films Velvet

La Vie scolaire

Une fille facile Ah, l'été. Ses coups de soleil, ses romances contrariées… Un sujet vu et revu au cinéma, donc difficile à traiter. Hélas, Rebecca Zlotowski peine à renouveler le genre et ne propose qu’une jolie coquille vide. Le pitch tient d'ailleurs en peu de mots : Sofia, Parisienne bling-bling, vient faire bronzette dans le Sud chez sa cousine Naïma. Certes, les images de Cannes et la plastique de Zahia Dehar ne manquent pas de charme. Mais l'ensemble dégouline telle une bonne glace au soleil. Cette carte postale est au mieux ennuyeuse, au pire embarrassante. Tout comme Benoît Magimel, on se demande ce qu'on vient faire là. Point d'orgue, une imitation fumeuse de Brigitte Bardot signée de l'ancienne call-girl de Ribéry. Bref, un cocktail indigeste, à oublier comme un flirt d’été. Mélissa Chevreuil De Rebecca Zlotowski, avec Mina Farid, Zahia Dehar, Clotilde Courau… En salle


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| Chemins de traverse |

Photos Š Thierry Girard, Le Monde d'après


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Arpenteur-photographe, Thierry Girard a sillonné le bassin minier du Nord-Pas de Calais une première fois en 1978, puis lors d'une seconde campagne en 2017. Prises à 40 ans d'intervalle, ses images révèlent les évolutions de ce territoire aujourd'hui marqué par les vestiges industriels et l'effacement progressif du charbon. Aboutissement de sa résidence d'artiste à la Cité des Electriciens, à Bruay-La-Buissière, ce témoignage fait l'objet de la publication d'un livre de référence et d'une exposition fascinante. Visite guidée.

Monchecourt (59), octobre 1982.

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Denain (59), avril 1981.

■◆ Bonne

mine

Le Nantais a arpenté le Nord de la France à la fin des années 1970, d'abord pour un reportage sur les colombophiles. Il y reviendra régulièrement, focalisant sur le bassin minier dont il pressent la fin. En noir et blanc, ses clichés captent tout autant les reliefs des terrils, le démantèlement des chevalements que le dénuement social et les habitudes des familles de mineurs (corons décatis, estaminets…). Tous révèlent l'emprise de la mono-industrie sur les corps et le cantonnement de la population dans l'habitat minier, sous la domination tellurique •••

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« Une pratique photographique étroitement liée à la marche. »

Il rêvait d'abord de cinéma, mais pas ses parents. Puis il eut une révélation, au début des années 1970, en découvrant les photos de Robert Frank. « à l'époque, mon amie vivait à Londres et c'est en sillonnant l'East End que la pratique photographique étroitement liée à la marche s'est imposée à moi, avec ce mélange de solitude et de présence au monde », explique Thierry Girard. Aujourd'hui âgé de 68 ans, il a depuis parcouru beaucoup de chemin, tant du point de vue artistique que de la pérégrination pédestre. Son approche reste la même. Il s'agit de s'imprégner d'un territoire et de fournir un effort pour le comprendre.


97

Lallaing (59), novembre 1982, combat de catch.

Thierry Girard, terril n° 97 sous la neige, Méricourt (Pas-de-Calais), février 2018.


des terrils. Le contraste est saisissant avec les photos couleurs prises en 2017 et 2018, et c'est tout l'intérêt de cette série présentée dans une ancienne maison d'ingénieur des mines. ■◆

Mutations

« C'est un regard pertinent sur le territoire, parce qu'il est extérieur et réalisé avec un intervalle de temps suffisant pour en révéler les transformations », analyse Isabelle Mauchin, responsable de la Cité des Electriciens. Plus posées et frontales, ses images en couleur marquent les profondes mutations de cette région lors des dernières décennies. « Elles soulignent en effet la colorisation du monde par rapport à la minéralité du noir et blanc », précise Thierry Girard. Ainsi les sombres terrils sont devenus des terrains de jeux verdoyants avec des lacs où se baigner, les centres commerciaux ont fleuri avec leur signalétique criarde tandis que les boutiques de centre-ville ont baissé le rideau. Les habitats rénovés s'ouvrent sur l'extérieur, la population a rajeuni et les traditions comme les jeux de bourle ou de billon sont menacées… Autrement dit, c'est Le Monde d'après, titre de l'exposition et du livre. Après la mine, bien sûr, « mais aussi 30 ans de crise qui ont suivi ». Le contraste, toujours… François Lecocq

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« Un regard extérieur qui révèle les transformations du territoire. »

Montigny-en-Ostrevent (59), avril 2017, buvette du club colombophile.


Rieulay (59), juin 2017, zone de loisirs et de baignade du site des Argales.

Wallers-Arenberg (59), avril 1983, mineurs marocains.

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Le Monde d'après Bruay-La-Buissière, jusqu'au 08.12 Cité des Electriciens, tous les jours sauf mardi : 14 h > 18 h, 6 > 4 € / gratuit (-6 ans) www.citedeselectriciens.fr

à lire / Le Monde d'après, de Thierry Girard (Light Motiv), 240 p., 39 € editionslightmotiv.com à visiter / www.thierrygirard.com et le blog "Des images et des mots" www.wordspics.wordpress.com


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© Anteale

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La Cité des électriciens

Rue Franklin, Bruay-La-Buissière, centre d’interprétation : 11 h > 18 h exposition temporaire (maison d’ingénieur) : tous les jours sauf mardi, 14 h > 18 h 6 > 4 € / gratuit (- 6 ans), +33 (0)3 21 01 94 20, citedeselectriciens.fr

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Arrivant à la Cité des Electriciens, nous sommes d'abord submergés (et subjugués) par le rouge cerise des murs de briques, rehaussé par le blanc encadrant les portes et fenêtres et le vert des boiseries. Plus ancienne cité minière régionale (1856-1861), elle fut classée au patrimoine mondial de l'Unesco en 2009, et servit de décor à Bienvenue chez les Ch'tis. Ce quartier renaîtra suite à une rénovation aussi réussie qu'ambitieuse, menée durant cinq ans pour un budget de 15 millions d'euros. Celle-ci a non seulement permis de réhabiliter 10 des 43 logements, mais aussi de créer de nouveaux espaces. Inauguré en mai dernier, le nouveau site dévoile trois résidences d'artistes, quatre gîtes et une salle de restauration, le Carin Gourmand (menu traiteur pour une vingtaine d'euros). Deux ailes d'exposition permanente, dont l'une entièrement recouverte de tuiles vernissées du même rouge éclatant, rappellent l'habitat minier et surtout son évolution. Enfin, et c'est peut être le plus remarquable, car occupant la moitié des trois hectares du site, la Cité est entourée de jardins pédagogiques et artistiques chéris par des habitants avides de culture !

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Boule et Bill | Duo au sommet |

© Daniel Fouss, Musée de la BD

Boule et son chien Bill ont 60 ans, mais n'ont pas pris une ridule. Né la même année que Le Petit Nicolas ou Astérix, ce binôme créé par Jean Roba (1930-2006) demeure l'une des grandes vedettes du neuvième art. Dans un décor inspiré par la série et à travers des planches originales ou des jeux pour les plus jeunes, le Musée de la BD de Bruxelles célèbre ces aventures emplies d'insouciance.

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© Daniel Fouss, Musée de la BD

Tout un symbole. Le petit rouquin facétieux et son toutou aux grandes oreilles sont nés la veille de Noël, le 24 décembre 1959. Leur première aventure, Boule et Bill contre les mini-requins, paraît dans l'incontournable Journal de Spirou, d'abord sous forme de mini-récit à détacher au centre du magazine – comme Les Schtroumpfs. Près de 1 500 gags et une quarantaine d'albums plus tard, la série reste un best-seller.

L'aventure au coin de la rue

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Jean Roba n'a pas été bien loin pour dénicher ses "muses": il s'est


© Roba, Editions Dargaud

« Une famille dans laquelle chacun peut s'identifier. »

inspiré de son propre cocker pour croquer Bill, et de son fils pour Boule. « Il était plutôt casanier, parlait simplement de son monde. Il a toujours vécu dans la banlieue verte de Bruxelles, avec ses quartiers tranquilles et ses jardinets proprets. C'était un aventurier du quotidien », assure le commissaire, Jean Auquier. Au-delà de son « trait rond et lumineux, hérité de Walt Disney, Hergé et Franquin », c'est sans doute là qu'il faut trouver le succès de sa création. « Oui, car elle met en scène une famille dans laquelle tout un chacun peut s'identifier ». ■◆

Court mais bon

Bruxelles, jusqu'au 31.12, Musée de la BD tous les jours : 10 h > 18 h, 10 > 3,50 € gratuit (-6 ans), www.cbbd.be

à lire / La version intégrale de cet article sur lm-magazine.com

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Dessinateur d'une joie de vivre propre à l'enfance (cette « porte dont les adultes ont perdu la clé », déclara-t-il), Roba distillait un humour bardé de tendresse, au sein d'aventures brèves. « En huit ou neuf cases, il plantait un décor, une situation, des personnages et terminait par une chute imprévisible ». Nourri par son expérience dans la publicité, « il préférait le gag aux longs récits, et considérait comme un sommet de raconter une histoire en un seul dessin. En cela, c'était un maître du genre ». Divisée en sections thématiques, cette exposition présente nombre de planches originales, des agrandissements ou des jeux pour enfants. Les plus petits peuvent même s'inviter dans la niche de Bill ! à défaut d'os, leurs parents y trouveront, peut-être, cette fameuse clé ouvrant la porte vers leurs jeunes années… Julien Damien



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© Megane Fontaine

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Brussels Design September Chaque rentrée, les grands noms du design se donnent rendez-vous à Bruxelles. Marchés, expositions, conférences, parcours… Durant un mois, ce festival organise une centaine d’évènements dans les galeries, ateliers ou centres culturels de la capitale européenne, célébrant une discipline plus accessible qu'on ne le croit.

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| Le fond et la forme |

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© Megane Fontaine

Bien plus qu'une foire, Brussels Design September favorise de belles rencontres avec des créateurs belges (Xavier Lust, Maarten De Ceulaer) ou internationaux (l'Italienne Paola Navone). Il permet aussi de découvrir les nouvelles tendances (plus écologiques, forcément) et de percer quelques secrets de fabrication. Tous les ans, cette manifestation focalise en effet sur une discipline. Après le textile, "BDS" s'intéresse cette fois à la céramique, ouvrant les portes (habituellement closes) d'une dizaine d'ateliers mais aussi d'une exposition collective. De l'abstraction géométrique du sculpteur Enric Mestre aux modules architecturaux en béton de David Umemoto, ce focus révèle les facettes insoupçonnées d'un savoir-faire ancestral.

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Tour du monde

De l'exploration de la couleur rouge dans le design italien (Red in Italy) aux luminaires organiques de l'Argentin Fransisco Gomez, le festival parcourt pas mal de chemin, et s'arrête en Colombie, auprès de David Del Valle. Ce créateur atypique transforme des déchets en matériau brut. Il dévoile ici sa dernière œuvre : une table réalisée à partir de bouteilles en plastique recyclées, puis replongée dans du métal. En sus du Brussels Design Market (soit le plus grand marché vintage d'Europe), cette édition inaugure enfin le Contemporary Design Market, l'occasion d'acheter des pièces uniques et "made in Belgium" - du solide ! Julien Damien •••


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Xavier Lust

Xavier Lust s'est révélé à l’aube du millénaire avec une technique unique de déformation du métal, sans utilisation de moule, engendrant des formes harmonieuses semblant éclore naturellement. Fidèle du festival, il signe une série d'éditions limitées produites par Piet Stockmans. Cet orfèvre de la matière s'aventure ici sur un nouveau terrain de jeu : la porcelaine. Arums : Bruxelles, 18 > 27.09, Xavier Lust Design Studio

Maarten De Ceulaer

Un exposition et une conférence : pas de doute, c'est lui l'invité phare du festival. Jouant avec les matériaux, le travail de Maarten De Ceulaer se situe entre l'art contemporain et le design. à l'image de son projet Un tas de valises, série de meubles constitués de bagages ou de Mutation Series, s'appuyant sur le rembourrage pour donner aux pièces un aspect organique, et éminemment poétique. er

Exposition Maarten De Ceulaer, 10 years : Bruxelles, 06 > 30.09, Area 42 Conférence : Bruxelles, 19.09, Flagey

Feathers Round

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Fondateur du département design de l'Académie libanaise des beaux-arts, qui a révélé toute une nouvelle scène, Marc Baroud nourrit un goût viscéral pour la matière. Mariant aussi bien le noyer, le cuir ou le cuivre (Leatherscapes), ou jouant avec des fils d'acier (Wires), il réaffirme son leitmotiv, « faire plus avec moins », en produisant localement des objets et des meubles durables. Bruxelles, 06 > 30.09, Atelier Jespers Brussels Design September Bruxelles, 05 > 30.09, divers lieux et tarifs, www.designseptember.be

D to D, Marc Baroud Segments, CF0101 detail © Atelier Jespers

Marc Baroud

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Arums © Xavier Lust

La preuve par



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Le Colosse aux pieds d’argile - Nanterre © Lionel Belluteau

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Monkeybird | Entre les lignes |

Lille, 14.09 > 02.11, Lasécu, mer & jeu : 14 h > 18 h // ven & sam : 14 h > 19 h, Gratuit, www.lasecu.org

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Un trait fin et délicat figurant des animaux, des scènes quasi mystiques ou des cités utopiques. Oui, la patte de Monkeybird est reconnaissable au premier coup d'œil. Né à Bordeaux en 2012, ce duo conjugue les techniques (pochoirs, gravures), les matières (le bois, le métal, la pierre) et les supports (cadres anciens, miroirs…). Toutefois, il use d'une palette réduite au noir, au blanc et au doré, pour mieux révéler la profondeur et la lumière des compositions. Férus de mathématiques et d'architecture, Louis et Edouard s'inspirent des courbes des cathédrales, des vitraux ou de formes plus industrielles. Ils dressent ainsi des ponts entre l'Homme et la Nature, le gothique et le futurisme. Familiers des métaphores visuelles, ces muralistes ont érigé le singe et l'oiseau en totems, chacun incarnant un visage de l'Humanité. Le premier symbolise son ancrage à la terre et sa dimension charnelle, le second l'esprit et la liberté. Ces figures s'appréhendent tels des guides, au sein de dédales fourmillant de détails – à nous de nous y perdre. J.D.

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Signe © Natale Monorchio, Centre des monuments nationaux

Eugène Dodeigne - pierre et fusain Disparu fin 2015 à l'âge de 92 ans, l'année de la réouverture de la Villa Cavrois, Eugène Dodeigne aurait apprécié cette exposition. Huit de ses sculptures sont magnifiées dans le parc et à l'intérieur de ce monument d'architecture moderniste. Les grandes figures striées en pierre de Soignies, roche calcaire très dure qui avait sa préférence, donnent ainsi l'impression d'avoir toujours été là. Elles offrent un somptueux contraste gris-bleuté avec la verdure du parc arboré et les briques jaunes du "paquebot" de Robert Mallet-Stevens. F.L. Croix, jusqu'au 06.10, Villa Cavrois, mar > dim : 10 h > 18 h, 8 / 6,50 € / gratuit (-18 ans), www.villa-cavrois.fr

La 16e édition de ce festival de photographie zoome sur l'Anthropocène, soit l'ère de l'Homme, dont l'activité a irréversiblement atteint la planète. Un drame notamment illustré par les images floues d'animaux sauvages (comme s'ils s'effaçaient du monde) de François Fontaine, ou la série CTRL-X de Kai Löffelbein. L'Allemand y dénonce le déversement des déchets électroniques, en Afrique et en Asie, transformant notre Terre en décharge à ciel ouvert… J.D. Beauvais, 21.09 > 05.01.2020, Le Quadrilatère et divers lieux dans les Hauts-de-France, divers horaires et tarifs, www.photaumnales.fr

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Sirènes et Brumes © Jocelyne Alloucherie

Les Photaumnales. Terra nostra - le temps de l’Anthropocène



© Thomas Garnier - Château de Versailles

Le Traité de Versailles Le centenaire de la signature Signé le 28 juin 1919, le Traité de Versailles annonça la création de la Société des Nations et les sanctions prises à l'encontre de l'Allemagne. Ce document majeur (disparu en 1940) fut établi dans la galerie des Glaces du château de Versailles, en partie reproduite au musée d'Arras à l'occasion de cette exposition. Le parcours célèbre cet acte fondateur du xxe siècle grâce à une vingtaine d'œuvres et de pièces historiques, dont le bureau de l'ébéniste Charles Cressent sur lequel fut paraphé le texte. Arras, jusqu'au 11.11, Musée des beaux-arts lun, mer > ven : 11 h > 18 h // sam & dim : 10 h > 18 h 2 € / gratuit (-25 ans), arras.fr

Conquête urbaine Le musée des beaux-arts de Calais ouvre pour la première fois ses portes au street art, rassemblant les œuvres d'une soixantaine de créateurs emblématiques, des années 1960 à nos jours. On trouve évidemment les signatures de Keith Haring, Shepard Fairey (Obey) ou Banksy, mais aussi pas mal de "frenchies", qui occupent une place de choix dans cette "conquête urbaine". à l’image de Gérard Zlotykamien, qui tapissa dès 1963 les murs de ses "éphémères", finalement plus pérennes que prévu. Calais, jusqu’au 03.11, Musée des beaux-arts mar > dim : 13 h > 18 h, 4 / 3 € / gratuit (-5 ans) www.calais.fr

Olivier Theyskens In praesentia C'est l'un des créateurs les plus en vue. Ancien directeur artistique des maisons Rochas et Nina Ricci, Olivier Theyskens se distingue par un style alliant classicisme et modernité, mais aussi par son goût pour la dentelle. Conçue comme une "expérience émotionnelle", entre trompe-l'œil et nostalgie, cette exposition instaure un dialogue entre les vêtements du couturier belge et les collections textiles et industrielles de la Cité de la dentelle et de la mode. Calais, jusqu'au 05.01.2020 Cité de la dentelle et de la mode tous les jours (sauf mardi) : 10 h > 18 h 4 / 3 € / gratuit (- 5 ans), www.cite-dentelle.fr

Roman-photo

Charleroi, jusqu'au 22.09, Musée de la Photographie, mar > dim : 10 h > 18 h 7 > 4 € / gratuit (-12 ans), www.museephoto.be

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Souvent cantonné au rôle de tire-larmes, le roman-photo a toujours eu mauvaise presse. Né en 1947 en Italie, ce genre artisanal fut pourtant le plus gros succès éditorial d'après-guerre. Rarement décrypté, il se dévoile à Charleroi à travers ses "chefs-d'œuvre", mais aussi près de 200 objets, films ou documents. Ambitieuse, originale et décalée, cette exposition retrace en filigrane l’avènement de la société de consommation et l’évolution des mœurs durant le xxe siècle.


Principalement composé d'architectes, le collectif BijaRi (fondé en 1996 à São Paulo) remet la ville en question. Comment un paysage urbain se développe-t-il ? Quelles histoires porte-t-il ou efface-t-il ? Invités en résidence à Douchyles-Mines au printemps dernier, ces Brésiliens ont travaillé avec les habitants pour sonder la transformation de ce territoire autrefois minier. En résulte une série hybride d'affiches, de vidéos ou photographies situées entre réflexion politique et poétique. Douchy-les-Mines, 14.09 > 24.11, Centre régional de la Photographie, mar > ven : 13 h > 17 h // sam & dim : 14 h > 18 h gratuit, www.crp.photo

Design on Air Voici une exposition qui ne manque pas d'air ! Au sens le plus littéral de l'expression. Pour cause, elle présente les pièces de designers usant de ce fluide insaisissable, essentiel et ô combien menacé. Le parcours révèle notamment des meubles gonflables (la série iconique Aérospace de Quasar Khanh), des objets sifflants et des processus de fabrication originaux. Approchez-vous par exemple des chaises de Marcel Wanders, conçues à partir de ballons de baudruche et légères comme une plume ! Hornu, jusqu'au 13.10, Centre d'innovation et de design, mar > dim : 10 h > 18 h 10 > 2 € / gratuit (-6 ans), cid-grand-hornu.be

Resistance © Estudio Bartolomei Imagens Digitais, LTDA

BijaRi - La Machine du Monde

Hugo Pratt, les chemins du rêve Hugo Pratt demeure une icône du neuvième art, l'affaire est entendue. L'œuvre de l'Italien est synonyme d'aventures, de voyages… mais aussi de rêve. C'est tout le sujet de cette exposition montée dans l'antre d'un autre maître des songes : le Belge JeanMichel Folon. à la lisière de la forêt de Soignes, sa fondation accueille une soixantaine d'aquarelles et planches signées du père de Corto Maltese, de La Ballade de la mer salée au Songe d'un matin d'hiver. La Hulpe, jusqu'au 24.11, Fondation Folon mar > ven : 9 h > 17 h // sam & dim : 10 h > 18 h 7 > 5 € / gratuit (-6 ans), fondationfolon.be

Pologne

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La Pologne et les Hauts-de-France partagent une grande histoire. Le 3 septembre 1919, la convention entre Paris et Varsovie « relative à l’émigration et à l’immigration » entraînait l’arrivée massive de travailleurs polonais dans le bassin minier. Cette rétrospective de la peinture polonaise du xixe siècle rassemble près de 130 toiles de 1840 à 1918 (année de l'indépendance du pays) et signées Jan Matejko, Józef Brandt ou Jacek Malczewski, entre autres artisans de la "Polonité". Lens, 25.09 > 20.01.2020, tous les jours sauf mar : 10 h > 18 h 10 > 5 € / gratuit (-18 ans), Louvre-Lens, www.louvrelens.fr


Pierre Marie Lejeune Né en 1954, exposé dans le monde entier, Pierre Marie Lejeune se présente comme sculpteur et dessinateur. Son travail repose sur un alphabet poétique, constitué de formes, jeux de lumière et matières, associant par exemple l'acier, la pierre et le bois. Pour l'occasion, 12 de ses pièces monumentales investissent les parcs et jardins du Touquet, tandis qu'une soixantaine de ses dessins se dévoilent au musée. Plus que de simples ébauches, ces plans ou aquarelles demeurent des œuvres à part entière. Le Touquet, jusqu'au 22.09, Musée du Touquet-Paris-Plage et en ville, tous les jours sauf mardi : 14 h > 18 h 3,50 / 2 € / gratuit (-18 ans) www.letouquet-musee.com

à l’épreuve du fond, la mine vue par Paris Match

Panorama 21

La mine a toujours suscité l’intérêt de la presse, et donc des plus grands photographes. Ceux de Paris Match ont ainsi documenté les luttes, les accidents ou le simple quotidien éreintant des forçats du charbon. Des sauveteurs immortalisés lors de la tragédie du Bois du Cazier (Belgique) aux photos de repas enjoué des mineurs de Decazeville (Occitanie), en pleine grève générale de 1961, 25 images prises à travers l'Europe nous révèlent les entrailles de la terre, sans clichés.

Conclusion d'une année de travaux et de recherches artistiques tous azimuts, l'exposition annuelle des étudiants du Fresnoy s'intéresse cette fois aux "revenants". Derrière ce terme se cachent moult interprétations, entre une tentative de communication avec des aïeux disparus ou cette célébration angoissée du coucher du soleil (et s'il ne revenait pas ?). Vitrine des technologies les plus avancées, cette cinquantaine d'œuvres revient aux fondamentaux, pour mieux appréhender le futur.

Lewarde, jusqu'au 29.09, Centre historique minier tous les jours : 9 h > 19 h 30, 6,70 € (visite complète : 14,30 > 8,50 €) / gratuit (-5 ans), chm-lewarde.com

Tourcoing, 21.09 > 29.12, Le Fresnoy mer > dim : 14 h > 19 h 4 / 3 € / gratuit (-18 ans), www.lefresnoy.net

Inoubliable Fée des lilas dans Peau d'âne de Jacques Demy, icône du cinéma des sixties, héroïne des films de Resnais ou Truffaut, Delphine Seyrig (1932 - 1990) fut aussi une insoumise iconoclaste. Activiste au sein du collectif Les Insoumuses, la Française usa de sa caméra comme d'une arme de libération massive. Cette exposition retrace avec force pellicules, photos ou documents rares les combats menés via son objectif, du droit à l’avortement à la nécessité d’une solidarité internationale. Villeneuve d'Ascq, jusqu'au 22.09, LaM, mar > dim : 10 h > 18 h 7 / 5 € / gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr

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© DR / Archives Seyrig

Les Muses insoumises





© Victor Tonelli

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& théâtr

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événement

Royal de Luxe

Jean-Luc Courcoult aime jouer avec les échelles. Le génial fondateur de la compagnie Royal de Luxe, qui balade ses géants dans les métropoles de la planète depuis 1979, nous éblouit cette fois avec Miniatures. Il met en scène un pilote observant depuis les cieux la triste marche du monde (réduit en miniature, donc). Emmené par des personnages et marionnettes loufoques, ce voyage poétique tangue entre la grande et la petite histoire. Embarquement immédiat vers la fantaisie.

| Machine à rêves |

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© Serge Koutchinsky

Filant au-dessus des nuages, un pilote de ligne passé en mode automatique est happé par ses songes, telle Alice au pays des merveilles. Le public plonge avec lui dans un monde foisonnant. Les contes se mêlent à l’histoire familiale, dans une succession de tableaux farfelus. La mère, femme de ménage dans un aéroport, se transforme en reine (couronnée d’une soupière) tandis que le père, conducteur de tramway, part à la recherche d’une étrange montre à vapeur.


« La seule matière qui côtoie l’infini, c’est l’imagination. »

Les "sœurs pareilles", dans leurs habits de cartes à jouer, s’exercent quant à elles au patinage artistique… « La seule matière qui côtoie l’infini, c’est l’imagination », répète Jean-Luc Courcoult, dont les références sont Lewis Carroll, Jules Verne ou Saint-Exupéry. ■◆

De bric et de broc

De l’imagination, il en fallait pour concevoir les engins volants ou roulants non identifiés, maquettes, pantins et effets pyrotechniques illuminant ces 90 minutes de représentation. Jean-Yves Aschard, qui supervise depuis 1993 la fabrication des géants de la troupe nantaise (la Petite Géante, le Scaphandrier…) a détourné des aspirateurs, frigos ou chaises roulantes pour concevoir ces machines miniatures, « sans courir après les performances technologiques ». Lorsque les gags s’effacent au profit d’une critique de la vente d’armes ou de nos politiques migratoires, nul besoin d’artifices. Le corps inerte d’un enfant laissé seul sur scène, comme échoué sur une plage turque, est suffisamment marquant… Du haut de son ciel sans brume, notre pilote devient triste spectateur des horreurs se tramant ici-bas. Les Royal de Luxe, eux, portent le théâtre de rue à des hauteurs rarement atteintes. Marine Durand

© Sebastian Beltran

Calais, 06 > 15.09, Le Channel, ven & sam : 18 h // dim : 16 h gratuit et en plein air, lechannel.fr



© Laurent Philippe


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& théâtr

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Vertikal Mourad Merzouki est un explorateur. Depuis son terrain de prédilection, ce danseur instaure un dialogue avec la musique, l’art numérique, le cirque ou l’acrobatie, ouvrant de nouveaux horizons à la discipline. Avec Vertikal, il s'élève encore, sous l’impulsion d'interprètes-grimpeurs, dans un spectacle de haut vol.

| Décollage immédiat |

Figure incontournable de la scène hip-hop, Mourad Merzouki imagine des alliances inédites. Lorsqu’il crée sa compagnie, en 1996, le Lyonnais lui donne le nom de Käfig, soit "la cage" en arabe et en allemand. Un joli contre-pied à tout ce qui pourrait enfermer la danse dans un style, une esthétique ou des codes établis. Après avoir croisé boxe et musique classique (Boxe Boxe) ou ballet aérien et mapping (Pixel), l'actuel directeur du Centre chorégraphique national de Créteil projette ses danseurs dans une nouvelle dimension : la verticalité ! ■◆

En apesanteur

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Mêlant escalade et chorégraphie, Vertikal est né d'un rêve : celui de s’affranchir de la gravité. Le hip-hop, discipline volontiers ancrée au sol, s’envoie ici en l’air, changeant son rapport aux appuis et à son espace de jeu. Face à une paroi verticale, les dix interprètes composent avec la suspension, l’équilibre et la chute. Tenus par des fils, ils révèlent une amplitude de mouvements inédite. « Le danseur est tour à tour socle, porteur ou au contraire voltigeur, marionnette animée par le contrepoids de ses partenaires. Les jeux de contact entre les interprètes sont bousculés », précise le chorégraphe. En collaboration avec la compagnie Retouramont, spécialiste de danse verticale, ces acrobates livrent un spectacle hybride et, surtout, renversant. Marie Pons Roubaix, 27.09, Le Colisée, 20 h 30, 39 > 10 €, www.coliseeroubaix.com (festival Expériences Urbaines, cf page 126) Douai, 03.10, L'Hippodrome, 20 h, 22 > 12 €, www.tandem-arrasdouai.eu Calais, 22 & 23.11, Le Channel, ven : 20 h // sam : 19 h 30, 7 €, lechannel.fr Bruxelles, 05 > 07.02.2020, Wolublilis, 20 h 30, 40 > 28 €, www.wolubilis.be Charleroi, 18.03.2020, PBA, 20 h, 16 > 6 €, www.pba.be


Battle hip-hop séries - Zahrbat © DR

Expériences La "street credibilty" de Roubaix n'est plus à prouver. Durant dix jours, ce festival convie la fine fleur de l'art urbain, au sens très large. Graffiti, mode, sport, danse, musique… Outre une visite guidée du centre-ville à la découverte de spots cachés du street-art, cette cinquième édition accueille huit fresques pérennes. Citons 9ème Concept et LX One, mariant peinture et réalité augmentée sur les murs de l’Hôtel de la Musique. Plus éphémère, mais pas moins spectaculaire, le vidéo-mapping de Xavier de Richemont raconte sur la façade de l’Hôtel de Ville l’histoire de l’ancienne cité textile… qui n’en a pas fini avec le vêtement. Déroulant le fil de l’Eldorado, le label Maisons de Mode expose par exemple les pièces cousues de nouvelles technologies des Mexicains de Machina. Côté chorégraphie, Expériences Urbaines dévoile Vertikal de Mourad Merzouki, les Battle Brams de Brahim Bouchelaghem et la nouvelle création de la compagnie Farid’O. Step confronte jazz roots et lindy hop, danses pratiquées par les communautés afro-américaines aux écrits de James Baldwin, témoin essentiel de la lutte pour les droits civiques. Une autre histoire de la libération, et un joli pas de côté. J.D.

Roubaix, Lille, Hem, Wattrelos, Saint-André 18 > 29.09, divers lieux en ville et en métropole gratuit sauf certains spectacles : 39 > 5 €, www.ville-roubaix.fr ●●● Sélection / 18.09 : Lancement de #XU2019, Kizomba party // 19 > 29.09 : Exposition Intelligent Clothing for a Better You par Maisons de Mode 19.09 : DJ set Elektro Baobab + Lady Lykez 20.09 : Lean Chihiro + Kōha + La Toile, Mapping Urba IXO // 21.09 : Bel Endroit @ Faubourg de Béthune avec Quintessenz, Block Party on Truck, Défilé "RBX Made in Street" par Anti-Fashion,

Mapping Urba IXO, Hayce Lemsi +Toum’s et Beeli + JNR + Lyes Rap… // 22.09 : Block Party On Truck… 25.09 : Conférence sur le hip-hop féminin, concert Ladies in Rap : Nadia Rose + Lala &ce + LAW 26.09 : Visite street art en centre-ville de Roubaix, Cie Farid’O : Step, Défilé "Urban Fashion Show" par Marième Lô 27.09 : Mourad Merzouki : Vertikal, Mapping Urba IXO 28.09 : Racines Carrées : MonteETsouris, BMX/Skate, 13 Block + 404Billy + DI#SE + XIII… 28 & 29.09 : LX One & 9ème concept 29.09 : Zahrbat : Battle Brams

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| Quality street |



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Sabordage | Paradis perdu |

On les avait laissés au sommet de leur art avec Blockbuster (2016), mashup titanesque de 1 400 séquences de films hollywoodiens illustrant la violence de classes. Les agités du Collectif Mensuel repartent en tournée avec Sabordage, fable sur l’effondrement de notre civilisation inspirée d’un îlot perdu dans le Pacifique.

Liège, 22.09 > 03.10, Théâtre de Liège, mar, jeu & ven : 20 h // mer & sam : 19 h // dim : 16 h 23 > 5 €, theatredeliege.be // Charleroi, 21 > 24.10, Eden, 20 h, 14 > 9 €, www.eden-charleroi.be Mons, 06 > 08.11, Théâtre le Manège, mer & jeu : 20 h // ven : 10 h, 15 > 3 €, surmars.be Amiens, 05 & 06.05.2020, Maison de la Culture, mar : 19 h 30 // mer : 20 h 30, 34 / 13 €

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Pas un projet sans interrogation citoyenne, pas un spectacle qui ne dénonce les effets de la pensée capitaliste. Depuis 12 ans, Renaud Riga et ses deux comparses du Collectif Mensuel, Sandrine Bergot et Baptiste Isaia, créent un théâtre aussi engagé qu'inventif. Pour leur nouvelle production, ils voulaient raconter une belle histoire. Jusque dans les années 1990, celle de Nauru, petite île au large de la Papouasie-Nouvelle-Guinée, « en était plutôt une ». Voici donc portées à la scène les colonisations successives par l'Occident, attiré par les gisements de phosphate. L’indépendance et la reprise en main, par les Nauruans, de leurs richesses. Le boom économique. Et puis la chute d’un territoire vidé de ses ressources et d’un peuple malade d’avoir sombré dans la société de consommation. Le trio, réputé pour ses trouvailles techniques, innove encore en créant une maquette de l’île se transformant au fil de la représentation. Les ambiances sonores et le « théâtre pur » prennent le relais pour former une parabole de l’épuisement de notre planète. « Mais on s’écarte progressivement de la réalité pour finir sur une note d’espoir », relève Renaud Riga. Et s’il n’était pas trop tard pour réécrire l’histoire de la Terre ? Marine Durand



Miettes © Philippe Laurençon

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Les Toiles dans la ville


Initiées par Le Prato en 2011, Les Toiles dans la ville dévoilent durant quatre mois les multiples facettes du cirque contemporain. Le festival rayonne dans toute la métropole lilloise et au-delà, en salle, sous chapiteau, mais aussi en plein air, au coin de la rue (où on trouve toujours l'aventure). En somme, « c'est du théâtre international de quartier », promet Gilles Defacque, Monsieur Loyal d'un événement aussi populaire qu'inventif.

« Le cirque ? De la poésie, tout simplement. »

| Jeux de piste |

D'abord, une question nous turlupine : c'est quoi, le "cirque d'aujourd'hui" ? « Un spectacle total, sans animaux, croisant théâtre, musique, vidéo et danse ». Enfin, si vous ne comprenez toujours pas : « eh bien c'est de la poésie, tout simplement ! ». Au-delà de l’aspect artistique, ce festival offre aussi l'occasion de belles balades, à la découverte de pépites cachées çà et là dans les Hauts-de-France. Par exemple au sein de la Ferme du Bocquiau, à Haubourdin, pour frissonner devant les prouesses acrobatiques de Rémi Luchez, tissant et cassant le fil sur lequel il risque sa vie (Miettes). ■◆ Le

radeau nous méduse

En pleines festivités de Lille 3000, cette cinquième édition suit la route de l'Eldorado, ou plutôt de L'Aile du Radeau. Derrière ce calembour se cache un temps fort du festival : des circonvolutions autour de Don Quichotte, made in Prato. Mine de rien, « l'idée de Gilles tombe à pic, ajoute Patricia Kapusta, la secrétaire générale du Prato. Nombre d'artistes ont créé des "radeaux de cirque" très mobiles, & Hauts-de-France, 07.09 > 22.12, divers lieux, pour mieux inclure le public ». Citons Lille 17 > 5 €, nombreux spectacles gratuits, leprato.fr le camion-théâtre de Yann Frisch, ●●● Sélection / 07 & 08.09 : Les Zampanos : où se joue Le Paradoxe de Georges. Le Petit cercle de boiteux de mon imaginaire 27.09 : Cie L'Ouvrier du Drame : Vous êtes ici, Que L'auteur du Syndrome de Cassandre Dalle Orchestra… // 28 & 29.09 : Olivier Debelhoir : Loin… // 04 > 06.10 : Carré Curieux : y sublime la magie des cartes pour L’Ouest Famille choisie // 05 & 06.10 : Rémi Luchez : mieux nous manipuler, quelque part L’Homme Canon, Miettes // 16, 17 & 18.10 : Yann Frisch : Le Paradoxe de Georges… entre le stand-up et l'illusionnisme 08.11 : Olivier Debelhoir : Un Soir chez Boris : Cie XY : Möbius // 13.11 : Cie P’art 2 Rien : – mais pile à l'endroit de la poésie. 12.11 Fenua // 15.11 : La Nuit du cirque… de création

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Julien Damien à lire / La version longue de cet article sur lm-magazine.com

27 > 30.11 : Cyril Viallon : He’s a maniac Opus… 15.12 : Collectif du Wagon : Wagabond 17 & 18.12 : Théâtre du Centaure : Centaures, quand nous étions enfants // 20 & 21.12 : Stéphane Ricordel & Dakh Daughters : Le Terabak de Kyiv…


La preuve par

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L'Aile du Radeau (Création Le Prato) Crise migratoire, mouvement MeToo… Mais que ferait Don Quichotte s'il était parmi nous ? Telle est la question posée par Gilles Defacque… qui y répond lui-même à travers cette fresque tragico-burlesque. Pour résumer ? « C'est de la commedia dell'arte avec un mât chinois, un chœur féminin, du cinéma muet, un violoncelliste… tout se tricote ! ». Sans s'emmêler.

© DR

Lille, 26 > 27.09 & 17 > 19.10, Le Prato, 26.09 : 20 h 30 // 27.09 : 14 h 17 & 18.10 : 20 h // 19 & 22.10 : 19 h, 17 > 5 €, leprato.fr Vieux-Condé, 06 & 07.12, Le Boulon, ven : 14 h 30 // sam : 20 h 30 9 / 6 €, leboulon.fr (+ Aubers, 08.10, Belles sorties, 20 h)

Appuie-toi sur moi Au centre d'un chapiteau ressemblant à un volcan (pour cause, la nef a disparu), deux acrobates virevoltent autour d'un mât chinois posé au centre de la piste. Accompagnés par un musicien, ils se livrent corps (suspendus) et âmes, évoquant aussi bien les risques de la vie en couple que leur île natale, La Réunion. Du cirque à cœur et à ciel ouverts. Lille, 26.09, Université, 12 h 30 & 19 h, gratuit, culture.univ-lille.fr Lille, 28 & 29.09, Gare Saint Sauveur, sam : 20 h, dim : 14 h 30, 5 €, leprato.fr (+ Hucqueliers, 19 & 20.09, jeu : 10 h & 19 h, ven : 14 h)

(GdRa)

Conçu en Guyane, ce spectacle mêle cirque et… anthropologie. Il met en scène Sylvana Opoya. Entourée par une comédienne, une danseuse, un acrobate et un musicien, cette Amérindienne de 20 ans raconte la destruction de son environnement par l'orpaillage, le prosélytisme des évangélistes américains… Cette éternelle lutte entre tradition et "modernité". Lille, 14 & 15.11, Le Prato, jeu : 20 h, ven : 21 h, 17 > 5 €, leprato.fr Dunkerque, 19.11, Le Bateau Feu, 20 h, 9 €, www.lebateaufeu.com

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© Hélène Canaud

Selve

© Romain Philippon

(Cirquons Flex)



© Simon Gosselin

Comme il vous

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écrite à la fin du xvie siècle, cette pièce de Shakespeare s'avance comme une ode burlesque à l'amour et à l'émancipation féminine. Fuyant la cour de son oncle, Rosalinde se réfugie dans la forêt où elle rencontre Orlando. Pour sonder le cœur de son prétendant, elle se déguise en paysan… à une époque où les femmes étaient bannies de la scène, le grand William jouait du travestissement avec maestria - un homme qui joue une femme qui joue un homme… Christophe Rauck avait déjà adapté ces jeux de miroir sentimentaux, il y a 20 ans. Alors insatisfait, il s'y replonge avec gourmandise. Resserrant la narration autour des joutes verbales et du fameux monologue de Jacques le Mélancolique (« Le monde entier est un théâtre. Et tous, hommes et femmes, n'y sont que des acteurs… »), le directeur du Théâtre du Nord dynamite lui aussi les conventions, s'appuyant sur une astucieuse création sonore. Au sein de décors minimalistes, entre chants a cappella (de Purcell à Queen) et échappées disco (superbe interprétation de When the Rain Begins to Fall), les comédiens donnent à entendre, micro en main, un texte tout en prose et vers, sans rien trahir de son esprit originel. Du grand spectacle. J.D. Lille, 17 > 20.09, Théâtre du Nord, 20 h (sauf jeudi : 19 h), 25 > 4 €, www.theatredunord.fr

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| Shakespeare in love |



Girl / Filles © Olivier Donnet

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Pour qui tu me prends ?

à quoi tient notre identité ? Sommesnous aliénés par les normes ? Le regard d'autrui ? Sous-titré "ode à la liberté", ce festival interroge la notion de genre par le prisme de la création contemporaine. Comment ? En bousculant par exemple notre représentation de la famille. Un papa, une maman… et pourquoi pas un "papan" ? Telle est la question posée (aux petits comme aux grands) par le TOF Théâtre. Dans ce duo pour un homme et une marionnette, la compagnie carolo jongle avec la répartition des tâches au sein du foyer. Tout aussi iconoclaste, Pink boys and Old Ladies de Clément Thirion met en scène un garçonnet ne voulant porter que des robes, provoquant le bazar qu'on imagine… Pendant ce temps-là, la journaliste Victoire Tuaillon détricote les clichés masculins (sur la nécessité de "tenir l'alcool", "l'amour des bagnoles"…). Créatrice du podcast Les couilles sur la table, elle nous rappelle aussi « qu'on ne naît pas homme, on le devient ». à travers l'opéra-ballet Romances inciertos, François Chaignaud incarne quant à lui des figures androgynes espagnoles, histoire de finir en beauté… et pas pour faire genre ! J.D.

| Pièces d'identité |

Mons, 23.09 > 08.10, Théâtre le Manège, divers horaires, 15 € > gratuit, surmars.be & Kosmocompany : Pink boys and Old Ladies // 30.09 : Vivement lundi : ARTS² spécial genre (gratuit) 01 & 02.10 : Isabelle Bats : Girl / Fille // 02.10 : Cie 1 Watt : Be Claude // 06 & 07.10 : TOF Théâtre : Pourquoi pas ! 08.10 : François Chaignaud & Nino Laisné : Romances inciertos, un autre Orlando

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●●● Sélection : 23.09 : Victoire Tuaillon : Les Couilles sur la table (gratuit) // 24 > 26.09 : Clément Thirion



Stadium | Côté gradins | Des pelouses aux planches, il n'y a parfois qu'un passement de jambes. Dans Stadium, Mohamed El Khatib confronte le public du foot à celui du théâtre. Lui-même ancien joueur de haut niveau (il fit partie de l'équipe de France junior), le dramaturge français s'intéresse non pas aux acteurs ni aux athlètes, mais plutôt à ceux qui les acclament. Sur scène, installés dans des gradins, 53 supporters du RC Lens évoquent leur passion dévorante pour les Sang et Or. Après un solo de trompettiste, ils parlent des méfaits du foot business ou de l’importance du collectif, avec une bonne dose de tendresse, d'humour et, bien sûr… en deux mi-temps de 45 minutes ! Durant cet entracte, des pom-pom girls et une baraque à frites s'invitent même sur le plateau. Du beau jeu. J.D.

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© Yohanne Lamoulère

Tournai, 01.10, Hall des sports, 20 h  (départ en bus de La Rose des Vents, à Villeneuve d'Ascq : 19 h), 16 / 10 €, www.maisonculturetournai.com



© Filip Van Roe / Memento Mori

Sidi Larbi Cherkaoui & Le Ballet royal de Flandre Monument de la danse belge, et artisan du clip de Jay-Z et Beyoncé tourné au Louvre, Sidi Larbi Cherkaoui marie tradition et modernité. Dans ce programme en deux temps, l'Anversois revisite deux de ses pièces avec le Ballet royal de Flandre, qu'il dirige depuis 2015. Dans Faun, il adapte la création de Nijinski, sur une composition de Claude Debussy. Il révèle une chorégraphie hybride (comme la créature mythique dont il est question) et convulsive. Memento Mori ("Souviens-toi que tu vas mourir") se déploie elle dans un décor de SF minimaliste. Portés par l'electro de Woodkid, ses mouvements fluides figurent un mouvement circulaire, semblant éternel. J.D. Bruxelles, 19 > 21.09, Cirque Royal, 20 h, 65 > 35 €, www.cirque-royal-bruxelles.be

Situé à écaussinnes, charmant village connu pour sa pierre bleue, ce festival a pignon sur rue depuis 2014. Au menu ? Du théâtre, de la musique et du cirque – dont les beaux gestes sont sublimés par l'exposition de photos Move’UP !. Déambulant sur les places, ponts ou ruelles pavées, on croise des types déguisés en mousse végétale (Jimbo), un blaireau borderline (Francis sauve le monde) ou un homme-orchestre toujours au diapason : Rémy Bricka ! J.D. écaussinnes, 05 & 06.10, divers lieux en ville 1 jour : 12 > 5 € // 2 jours : 18 > 10 €, www.lestailleurs.be ●●● Sélection : Cie Des Chemins de Terre : Ni cage ni nid / Cie Rubis Cube : En scène et bretelles / Lejo : Hands Up ! / Les Vrais Majors : Der Berg Menschenfresser… Ou La montagne / Cie Victor B : Francis Sauve le Monde / Les Rotules Effrénées : Le Musée des Monstres Sacrés du Rock / Jimbo : Mousse / Rémy Bricka / Cie Le Grand O : Souvent je regarde le ciel / Exposition photo : Move’UP !…

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Francis sauve le monde © Marianne Grimont

Les Tailleurs



© Alejandro Guerrero

Edmond — ­Alexis Michalik Cette troisième création d'Alexis Michalik raconte la difficile genèse de Cyrano de Bergerac par Rostand. Nous sommes en 1897. Alors que Feydeau triomphe, le jeune homme piétine. Sa rencontre avec l'acteur Constant Coquelin va tout changer et sa pièce deviendra le plus grand succès du théâtre français. Edmond s'en montre digne, raflant cinq Molières en 2017. Sur scène, 12 comédiens incarnent une trentaine de rôles mêlant le vrai au faux, l'humour à l'émotion. Bruxelles, 05.09 > 26.10, Théâtre Le Public, mar > ven : 20 h 30 sam : 19 h // dim (08.09 & 06.10) : 17 h, 35 > 5,50 €, theatrelepublic.be

Trois hommes et un couffin

La Mémoire des arbres

Alexis Goslain / Coline Serreau

F. Murgia / Cie Artara / D. Pauwels

Plus gros succès du cinéma français en 1985, la comédie de Coline Serreau débarque sur les planches. L'histoire est connue : célibataires endurcis, Jacques, Pierre et Michel partagent un appartement. Un jour, ils découvrent sur leur palier un bébé emmitouflé dans son couffin. Apparemment, il s'agit de la fille de Jacques. Nos trois compères vont devoir s'en occuper… Trois décennies après sa création, cette histoire continue de nous plier en deux, tout en soulevant des thèmes très actuels.

Bien avant Tchernobyl, la Russie avait déjà vécu une catastrophe nucléaire. En 1957, le complexe Maïak, situé près de la ville d'Oziorsk, avait explosé. En pleine Guerre froide, les autorités soviétiques avaient posé une chape de plomb sur ce drame, condamnant la population et son environnement. Fabrice Murgia renoue ici avec le théâtre-documentaire. Après avoir foulé ces terres hostiles, il reconstitue l'histoire d'une cité interdite, et dénonce l'inavouable avec force poésie.

Bruxelles, 11.09 > 06.10, Théâtre Royal des Galeries, mar > sam : 20 h 15 // dim : 15 h 26 > 10 €, trg.be

Bruxelles, 12 > 22.09, Théâtre National mar, jeu > sam : 20 h 15 // mer : 19 h 30, dim : 15 h, 21 > 11 €, www.theatrenational.be

Prévert — ­Yolande Moreau & Christian Olivier

Amiens, 23 > 25.09, Maison de la Culture, lun & mer : 20 h 30 // mar : 19 h 30, 27 > 11 € www.maisondelaculture-amiens.com

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Yolande Moreau incarne à merveille cette figure de bord de zinc. Christian Olivier conserve quant à lui cette voix ténébreuse qui tonne au fond des rades dépeints par les Têtes Raides. Une France de jadis ? Non, elle vit encore. Un malentendu, donc. Le même qui réduit Prévert à quelques bons mots. Soutenu par une guitare, des cuivres, accordéons, percussions et autres scies musicales, le tandem donne souffle à des inventaires géniaux, une poésie des petits riens, et des coups de gueule éternels.



Le roman d'Antoine Doinel Antoine Laubin / De Facto / D’après les films de François Truffaut Personnage drôle et grave à la fois, immortalisé sous les traits de Jean-Pierre Léaud, Antoine Doinel traverse cinq films de François Truffaut : Les 400 coups, Antoine et Colette, Baisers volés, Domicile conjugal et L’amour en fuite. Constitué de flash-backs, ce spectacle adapte ces long-métrages sur scène. De l'ado rebelle à l'écrivain divorcé, il dessine le portrait de ce héros à cinq âges de la vie, et celui d'un homme fuyant joyeusement la famille, le travail et la société. Bruxelles, 24.09 > 12.10, Théâtre Varia, 19 h 30, 21 > 9 €, varia.be

DJ Set (sur) écoute

Les Sea Girls au pouvoir

Mathieu Bauer

Les Sea Girls / Johanny Bert

Sur scène, deux musiciens et trois chanteurs-comédiens enchaînent les morceaux. De Kate Bush à Gustav Mahler, en passant par des bandes originales de films, le set est enrichi de commentaires replaçant chaque titre dans son contexte. Entre le concert et la conférence, ce spectacle mis en scène par Mathieu Bauer loge la musique au centre du jeu, et interroge le public : Que signifie écouter ? Jouer ? Quelles sont les recettes d'un tube ? Pourquoi n'entendons-nous pas tous la même chose ?

Il y a 2 500 ans, le poète grec Aristophane imaginait dans L’Assemblée des femmes un monde meilleur. Pour cause, celui-ci était dirigé par la gent féminine. Au programme ? Partage égalitaire des richesses, droit pour les plus laides et les plus âgées de choisir un compagnon. Il n'en fallait pas plus pour séduire les Sea Girls. Entre comédie burlesque, music-hall (et quelques emprunts au cinéma de Jacques Demy), nos quatre agitatrices prennent les choses en main – et c'est le pied !

Béthune, 27 & 28.09, La Comédie (le Palace), ven : 20 h // sam : 18 h 30, 20 > 5 €, comediedebethune.org

Dunkerque, 01 > 03.10, Le Bateau Feu mar : 20 h // mer & jeu : 19 h, 9 €, lebateaufeu.com Amiens, 14 > 18.12, Comédie de Picardie lun : 20 h 30 // mar, mer & sam : 19 h 30 dim : 15 h 30, 27 > 13,50 €, www.comdepic.com

Figure française de la house music, le chorégraphe Ousmane Baba Sy met en scène sept danseuses de Paradox-Sal, crew 100% féminin. Chacune dans leur style, du dancehall au popping en passant par le krump, elles interrogent via leurs gestes la notion de féminité. Scindé en deux tableaux, l'un rythmé par des musiques acoustiques et l'autre par des sonorités électroniques, ce spectacle mêle solos, duos et mouvements d'ensemble, à la croisée de l'intime et du collectif. Villeneuve d'Ascq, 02 > 04.10, La Rose des Vents, mer & ven : 20 h jeu : 19 h, 21 > 5 €, larose.fr // Amiens, 15.01.2020, Maison de la Culture

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© Timothée Lejolivet

Queen Blood — ­All4House / Ousmane Sy & les danseuses de Paradox-Sal



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CameraSelfie #7 © J. F. Novotny

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J. F. Novotny – Ce polaroid ne serait-il pas un peu narcissique ? Il a en tout cas pris un joli cliché de lui-même. J. F. Novotny, à l’origine de cet effet miroir, s’est posé une drôle de question : « Que se passerait-t-il si des appareils photo faisaient des selfies ? ». En signant ces "autoportraits", l’Allemand rend hommage à la "personnalité" de ces vieilles machines, à l’heure du smartphone tout-puissant, où les images sont partout mais vite oubliées.. www.cameraselfies.com




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