LM magazine 167 - juillet-août 2021

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N°167 / JUILLET-AOÛT 2021 / GRATUIT

ART & CULTURE

Hauts-de-France / Belgique



1 heure de Lille · 45 min de Valenciennes ©️ Charlotte Abramow, Find Your Clitoris II, 2017, Paris


SOMMAIRE – MAGAZINE LM magazine 167 - juillet-août 2021

NEWS - 10 Good Beer Spa - 12 Bain moussant Brique House - 14 Bière qui roule Petit manuel de cuisine punk- 20 Anarchie dans l’assiette

Myd © Alice Moitié

STYLE

PORTFOLIO - 24

RENCONTRE

Delgres - 64 Accords parfaits Myd - 80 Loser magnifique

© Brique House

César Santillán Voilà l’été !

LA RUE EST À EUX Nicolas Portnoï - 102 Décalage immédiat Jean-Luc Feixa - 108 Autels particuliers

Delgres © Bobby

Laurence Rosier - 88 De l’art de traiter l’insulte

Ememem - 112 As de carreau

LE MOT DE LA FIN - 146 Erik Burke Passion vinyle

© Ememem

Frédérique Dimarco - 116 Panser la ville



SOMMAIRE LM magazine 167 - juillet-août 2021

Le Cabaret Vert © David Truillard

– SÉLECTION DOSSIER SPÉCIAL FESTIVALS - 32 Festival international de jardins Hortillonnages Amiens, C’est l’été sur Mars !, Ceci n’est pas une cave, La Fête de l’îlot, Pile au RDV, Parc en fête, Refugee Food Festival, Les Nuits d’été, En voiture Simone !, Bruxelles fait son cinéma, Les Belles sorties, Festival international du film de Mons, C’est Extra, Jazz Middelheim, Les Pianos Folies, Face B, Festival international des Arts de la rue de Chassepierre, Les Rencontres inattendues, W-Festival, Touquet Music Beach, Séries Mania CHRONIQUES Disques - 86 Daniel Avery, Georgio, Anika, The Goon Sax, Astaffort Mods

Thaïs Lona © Sandra Gomes

Livres - 92 Benjamin Durand & Nico Prat, Édouard de Pomiane, Luc Moullet, Fabrice Erre, Nicolas Puzenat

ÉCRANS - 96

Désigné coupable, Teddy, Freaky, Milla, La Fièvre

Locomobile © Lépo Angles

ARTS VISUELS - 102 Nicolas Portnoï, Jean-Luc Feixa, Ememem, Le Tendre espace, Libres figurations, années 80, BXL Universel II : multipli.city, Niki de Saint Phalle, Centre d’innovation et de design, Lettres de verre, Marguerite BurnatProvins, Derrière les images, Lucien Jonas, Métamorphoses, Agenda...



MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09

www.lm-magazine.com

Direction de la publication Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Publicité pub@lm-magazine.com

Direction artistique Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Administration Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com

Graphisme Christophe Gentillon concepteur-graphic.fr

Réseaux sociaux Sophie Desplat

Couverture César Santillán www.behance.net/ santillandesign instagram @cesarsantillan37

Impression Imprimerie Ménard (Labège) Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce n° : Thibaut Allemand, Audrey Chauveau, Marine Durand, François Lecocq, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer, César Santillán et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L'astrolab* - info@lastrolab.com L'astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours

L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM magazine est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT



© Jon Foreman

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SABLES ÉMOUVANTS Sur la plage, Jon Foreman est comme un poisson dans l'eau. Ce Gallois y réalise de remarquables œuvres avec tout ce qui lui tombe sous la main : des cailloux, des débris ou en dessinant directement sur le sable, à l'instar de cette gigantesque fresque aux allures de gouffre. Le land-artiste photographie ensuite ses créations debout sur une falaise surplombant le rivage, histoire d'immortaliser la scène avant l'arrivée de la marée. Une certaine idée de l'humilité. sculpttheworld.smugmug.com

© Hermès

MISE AU VERT Avec des concombres, du chou ou des asperges. Ce ne sont pas les ingrédients de notre régime minceur, mais ceux des nouveaux sacs Hermès. Signées par l'artiste Ben Denzer, ces créations reproduisent le célèbre modèle Birkin, conçu en 1984, avec des légumes. Si ces accessoires ne sont pas à vendre, ils cultivent la volonté de la marque de luxe de proposer des produits plus verts - quitte à faire exploser le cours du poireau. bendenzer.com


L'ESSENCE DE L'ART

© Mauritshuis

Quelles odeurs pouvait-on renifler au xviie siècle ? C'est tout le sujet de la nouvelle exposition du Mauritshuis, un musée sis à La Haye. Grâce aux diffuseurs positionnés face aux tableaux, Fleeting – Scents in Color invite le visiteur à sentir le parfum d'une aristocrate durant un bal, un bouquet de fleurs comme les effluves d'un canal nauséabond. Une façon originale de saisir l'art, et un joli pied de nez au Covid et sa sinistre anosmie.

© Museum of Fine Arts, Houston

© DR

La Haye, jusqu'au 29.08, Mauritshuis, www.mauritshuis.nl

OH MON BATEAU !

LA GRANDE VADROUILLE

Pour le "monde d'après", sans bagnole ni pollution, c'est par où ? En tout cas pas du côté des plages égyptiennes. C'est ici qu'un dénommé Karim Ami a conçu, avec quelques amis, un bateau en forme de voiture de sport. L'engin utilise le même système qu'un jet ski et fonce jusqu'à 70 km / h. Une douzaine de bolides du même genre a déjà été fabriquée, et de nombreuses commandes devraient suivre, hélas.

Célèbre pour ses monumentales installations, le Brésilien Ernesto Neto a conçu un gigantesque labyrinthe s'élevant en spirale jusqu'à cinq mètres au dessus du sol du Musée des beaux-arts de Houston. Constitués de fils jaunes, orange et verts crochetés à la main, ce dédale de 25 mètres de long embrouille le public dans les airs. Une autre façon de prendre de la hauteur. www.mfah.org


© Good Beer Spa

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GOOD BEER SPA

Bain moussant Les super-pouvoirs de la bière ne sont plus à démontrer. Au-delà de ses effets relaxants (avec modération), le divin breuvage regorgerait aussi « de substances nourrissantes et de vitamines. Il y a plus de 2 000 ans, les Égyptiens et les Romains l’utilisaient déjà dans leurs cosmétiques », selon Benedict Biebuyck, responsable du premier spa à la bière belge. Au Good Beer Spa, à Bruxelles, on peut donc plonger dans une eau à 38°C, mélangée à de la bibine, de la levure « et d’autres ingrédients naturels ». Cette balnéothérapie d’un nouveau genre fait depuis longtemps fureur dans les Balkans, en République Tchèque ou (ô surprise) en Allemagne et gagne doucement en popularité par chez nous. Le houblon ouvrirait ainsi les pores, nettoyant la peau en profondeur, tout en diminuant l’anxiété. Évidemment, lors de ce bain moussant il est aussi possible de déguster sa gueuze, et cela grâce à de petits robinets fixés à côté de la baignoire. Voilà ce qu’on appelle relâcher la pression. J.D. Bruxelles, 47 rue Scailquin, ven, sam & dim : 13 h - 21 h 2 personnes pour 1 baignoire : 115 € / heure, goodbeerspa.com



Les deux font la bière © Brique House


BRIQUE HOUSE Bière qui roule Première beer’s factory de la métropole lilloise, Brique House a ouvert juste avant le premier confinement. Son concept associant bières et pizzas mitonnées sur place a d’emblée été un énorme succès. À tel point que les deux fondateurs, Baptiste Dufossez et Joseph Timmermans, annoncent l’ouverture de deux nouvelles enseignes. Pourquoi ça marche ? Suivez le guide. Dans la petite zone d’activité de Saint-André-lez-Lille, non loin du canal de la Deûle, on entre par un immense parking avant d’apercevoir, au fond, un ancien château de l’industrie, avec ses longs murs de briques et autres tourelles carrées. Le tout est ceinturé d’arbres et d’une grande terrasse de plein-air que l’on devine derrière une palissade en bois. Sur le fronton, cette annonce en blanc sur fond « RÉPONDRE AUX ATTENTES rose et violet : "Get beer or die trying". DE BIÈRES ARTISANALES » Bienvenue à Brique House ! À l’intérieur de ce vaste bâtiment de 1 500 m2, on se croirait dans une factory new-yorkaise. Avant d’inaugurer Brique House, le 4 mars 2020, Baptiste Dufossez (29 ans) et Joseph Timmermans (39 ans) ont roulé leur bosse, entre autres, chez le leader mondial de la bière (AB-InBev), Danone ou pour la chaîne de restauration SoGood. « En 2017, j’ai voulu créer mon entreprise dans le secteur de la bière et en renouveler l’approche, répondant aux attentes des amateurs de crafts (ndlr. boissons artisanales) de plus en plus nombreux, explique Baptiste. J’ai étudié 50 candidatures en six mois puis j’ai rencontré Joseph, et c’est parti ».

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© Brique House

Emporté par la foule - À peine associés, les deux entrepreneurs trouvent cette halle suffisamment grande pour y créer une brasserie avec cuves de fermentation et chaîne d’embouteillage. Ils y adjoignent un resto avec une carte courte de plats simples, concoctés avec la trattoria lilloise Papà Rafaele et ses pizzaioli inspirés. Dès les deux premières semaines, le succès est au rendez-vous. Il faut dire que le « NOTRE TERRASSE-JARDIN lieu en jette, mêlant les codes de la SÉDUIT LES JEUNES FAMILLES » fabrique indus’, le grand bar avec son alignement de becs à pression, sa signalétique en néons flashy et des rangées de tables façon braderie. « On a clairement été surpris, avec tout de suite plus de 250 personnes par service ! Ce concept n’existait pas à Lille, les clients apprécient l’endroit et notamment la terrasse-jardin qui séduit les jeunes familles ». Les bières et les pizzas sont originales et le ticket moyen de 22 € raisonnable. Les multiples confinements ont certes marqué un coup d’arrêt mais la dynamique est enclenchée. Depuis la réouverture, avec l’attente suscitée, on mise sur 400 à 500 clients par service.


© Brique House style – 17


Hein ? - Progressivement, Brique House commence aussi à distribuer ses bières dans les bars, restos et autres cavistes, au point qu’on les trouve aujourd’hui dans plus de 140 points de vente des Hauts-de-France mais aussi à Paris et d’autres métropoles. En 12 mois d’activité et malgré la fermeture administrative des bars et restos, la start-up réalise 1,4 million d’euros de chiffre d’affaires. De quoi inciter les deux compères à dupliquer le concept. « En nous associant avec les fondateurs du Mother, du Babe et du Britney, nous allons créer deux nouvelles taprooms en septembre, octobre ». Ce sera le Hein (à prononcer avec l’accent ch’ti) en face du centre commercial Euralille, et le Heavy Toys & Slash Machines à la Maillerie de Villeneuve d’Ascq. Soit d’un côté, sur 480 m2, un concept de cuisine régionale revisitée avec une nano-brasserie. De l’autre, une rôtisserie de poulet, cochon et autres viandes sur 1 900 m2, dont 1 100 de terrasse sur un rooftop. Vivement l’automne ! François Lecocq BRIQUE HOUSE

Saint-André-lez-Lille, Parking Halls de la Filature, 27 Rue Félix Faure, www.briquehouse.com

© Brique House


LA PREUVE PAR 3 Voici les trois bières à déguster en priorité à Brique House, en sachant que, depuis sa création, la brasserie en a sorti une trentaine. Et ce n’est pas fini.

New Queen in Town

La reine des mousses selon Brique House, d’où son nom. C’est une American Pale Ale pas trop alcoolisée (4,8 %) et avec une amertume subtile. Elle est élaborée avec trois variétés de houblon (citra, magnum et simcoe) et des malts d’orge et de blé.

Yankee Trouble

Une Neipa, pour New England India Pale Ale, qui titre à 6,5 %. Comme toutes ses congénères, sa robe est claire et bien jaune, légèrement brumeuse. Elle associe trois variétés de houblon (amarillo, citra et mosaïc) et des malts d’orge, de blé et d’avoine. Elle offre peu d’amertume en bouche mais bouscule gentiment par sa fraîcheur et ses notes fleuries.

La Bagarre

Attention, mousse pour grosse levée de coudes ! Cette double India Pale Ale (IPA) envoie du lourd mais en toute amitié. Sa belle robe orangée est rehaussée par une mousse bien blanche. Son amertume et son titrage s’adressent aux buveurs de caractère, son brassin est bien houblonné (citra, mosaïc et colombus) avec des malts d’orge et de blé.

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© Louise Browaeys

Pesto aux fanes de navet


PETIT MANUEL DE CUISINE PUNK Anarchie dans l’assiette Et si l’avenir de la cuisine était… punk ? Ingénieures agronomes, Louise Browaeys et Hélène Schernberg proposent des recettes élaborées avec des produits locaux, bruts, sans marque voire périmés ! En somme, une alimentation bio, équitable et économique, à rebours de la malbouffe et du consumérisme des plats préparés. Sous-titré "pour ceux qui en ont ras la crête", l’ouvrage nous invite à cracher dans la soupe de l’industrie agroalimentaire et des calories sur-emballées de plastique. Renversons la table. Évacuons d’emblée tout quiproquo : non, il ne s’agira pas de plonger la tête dans la gamelle du chat ou de gober le poisson rouge. Plutôt d’imaginer une cuisine saine et éthique, « en y injectant les fondamentaux du mouvement punk, précise Louise Browaeys. À savoir sa dimension alternative et anticapitaliste, pour proposer une alimentation éthique, écologique et pas chère ». Fille de pépiniériste, « élevée comme un tilleul au milieu d’un beau potager », la Nantaise « CHOISIR SES ALIMENTS a concocté avec son amie Hélène EST UN ACTE POLITIQUE » Schernberg une quarantaine de plats faciles à préparer (tous accompagnés d’une suggestion musicale, tel Navet Maria des Fatals Picards) avec des ingrédients à portée de bourse et de main - "Do it yourself", comme on dit.

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© Aurélie Jeannette

Yaourts vaniLLés , à L avoine

Concombre façon cornichons

Qui l’eût cru ? - Dans cette popote underground, on bannira les produits transformés pour favoriser le local : de préférence de saison, glanés sur le marché ou même invendus (les « gueules cassées » dont personne ne veut). Oh, pas besoin de parcourir des kilomètres pour trouver sa pitance : « l’ortie, par exemple, est l’ingrédient archétypal de la cuisine punk : ça pique et surtout, c’est un trésor nutritionnel ». En somme, il s’agit de réaliser des miracles avec pas grand-chose, pourvu qu’on soit inventif ! En cela les aliments crus (céleri, navet, radis), « L’ORTIE EST L’INGRÉDIENT fermentés ou les restes (les chips d’épluTYPE DE LA CUISINE PUNK » chures) deviennent ici les stars de la table. « Chez moi, il y a toujours des légumineuses ou des céréales qui trempent. Laissez sur votre radiateur un saladier empli d’eau et de flocons d’avoine, et cela aboutira à une forme de yaourt, c’est très facile et délicieux ! ». Au-delà de l’aspect gustatif, la démarche vise bien plus haut. « Ce qu’on place dans notre assiette a une incidence écologique. Choisir ses aliments est un acte politique : déguster un énorme morceau de viande dont la production a favorisé la déforestation en Amazonie, ce n’est pas la même chose que de se nourrir d’algues ramassées en bas de chez soi ». Pas si No Future, le punk… Julien Damien


Le menu punk de Louise Browaeys

Entrée

CARPACCIO DE BETTERAVES À L’AIL DES OURS

radiceLLes de poireau

Une recette qui conjugue promenade en forêt, haleine de chacal et sang végétal. Avec des betteraves crues coupées en fines lamelles, saupoudrées d’ail des ours fraîchement récolté. Ajoutez une larme d’huile de noix et de vinaigre de cidre, un peu de graine de lin et le tour est joué ! Accommodez le plat en réécoutant Give ‘Em Enough Rope de The Clash.

Plat principal

SOUPE À LA BIÈRE, CHOU-FLEUR ET COMTÉ Rien ne se perd, tout se transforme : après une soirée arrosée, récupérez les fonds de bouteilles pour le souper (enfin, s’il en reste…) avant de faire mijoter le tout durant 15 minutes. Ou comment réaliser des miracles avec de la bibine éventée, des carottes ou du chou-fleur. En BO ? Bowling for Soup d’Almost, évidemment.

Dessert

CRUMBLE LSD Ici, la drogue psychédélique est remplacée par un cocktail "santé" composé de graines de lin, de sésame et de dattes. Mélangez le tout dans un grand saladier – avec un peu d’eau. Rien n'empêche de planer sur It’s a Beautiful Feeling de Rich Kids on LSD.

À LIRE / Petit manuel de cuisine punk, de Louise Browaeys et Hélène Schernberg, 80 p., 10 €, boutique.terrevivante.org

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CÉSAR SANTILLÁN Voilà l’été ! 6 On le confesse, écrire sur le travail de César Santillán depuis un appartement sous les toits, en pleine canicule, a de quoi rendre fou. Exploitant une joyeuse palette de couleurs acidulées, ce designer mexicain « tombé par hasard dans l’illustration » esquisse les temps forts d’un été à son zénith. Le soleil, la mer, la glisse… Ce natif de Pachuca, dans l’état d’Hidalgo, s’est inspiré des Caraïbes mexicaines où il a posé ses valises pendant six ans. La série entière, conçue avec les Bee Gees dans les oreilles, ouvre aussi une fenêtre sur son monde. Ce gros plan d’une jeune femme, fière, sensuelle, lunettes sur le nez ? « Mon épouse m’a inspiré ». Le skate ? « Un mode de vie ». Le surf ? « Je commençais à peine à être à l’aise sur une planche quand il a fallu rentrer chez nous, à Pachuca » - où il finalement monté son studio de design. Mais la légèreté n’est pas le seul horizon de César, qui peut aussi s’asseoir à sa table, crayon en main, en ayant à l’esprit la révolution mexicaine ou les classiques de l’écrivain argentin Jorge Luis Borges. Derrière chacun de ces dessins au vernis minimaliste frémit une aventure, un destin. L’artiste le confie, il est aussi « écrivain par héritage ». Marchant dans les pas de son père, il couche sur le papier, depuis l’enfance, des nouvelles et petites histoires qui se transformeront un jour en livre. À moins que Frida, sa fille, à l’aise avec la poésie, ne lui grille la priorité. « Les arts ont infiltré ma famille comme un cadeau ». On vous laisse suivre les aléas de cette lignée de créateurs. Nous, on file s’acheter un maillot de bain. Marine Durand

À VISITER / À LIRE

i nstagram @cesarsantillan37 www.behance.net/santillandesign

/ L’interview de l’artiste sur lm-magazine.com

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© César Santillán



© César Santillán


© César Santillán



DOSSIER SPÉCIAL FESTIVALS

© David Truillard

JUILLET-AOÛT 2021

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Festival international de jardins - Hortillonnages Amiens, (Arts visuels) jusqu’au 17.10, Amiens, p.35 En voiture Simone !, (Cinéma) 30.06 > 04.07 & 26 > 29.08 La Louvière, p.48 Bruxelles fait son cinéma (Cinéma) 30.06 > 27.07, Bruxelles, p.48 C’est l’été sur Mars ! (Pluridisciplinaire) 01.07 > 26.08, Mons, p.38 Ceci n’est pas une cave (Musique) jusqu’au 29.07, Roubaix, p.40

Festival international du film de Mons, (Cinéma) 09 > 16.07, Mons, p.54 C’est Extra, (Pluridisciplinaire) 10 > 25.07, Aulnoye-Aymeries p.56 Jazz Middelheim, (Musique) 13 > 17.08, Anvers, p.62 Les Pianos Folies, (Musique) 17 > 22.08, Le Touquet-Paris-Plage p.62 Face B, (Pluridisciplinaire) 19.08 > 26.09, Charleville-Mézières p.64

La Fête de l’îlot, (Musique) 01.07, Dunkerque, p.40

Festival international des Arts de la rue de Chassepierre (Théâtre) 21 & 22.08, Chassepierre, p.68

Pile au RDV, (Pluridisciplinaire) 02 > 11.07, Roubaix, p.42

W-Festival, (Musique) 25 > 29.08, Ostende, p.72

Les Belles sorties (Pluridisciplinaire) 02 > 27.07, métropole lilloise, p.50

Séries Mania, (Écrans) 26.08 > 02.09 Lille & Hauts-de-France, p.78

Parc en fête, (Pluridisciplinaire) 03.07 > 30.09, Lens, p.44

Touquet Music Beach (Musique) 27 & 28.08, Le Touquet-Paris-Plage p.76

Refugee Food Festival (Gastronomie) 06 > 11.07, Lille, p.46 Les Nuits d’été, (Musique) 07, 08 & 10.07, Lille, p.46

Les Rencontres inattendues (Pluridisciplinaire) 27 > 29.08, Tournai, p.70

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Photo 1 : Pierre-Alexandre Rémy, Hortillonnages en pli, 2013, © Yann Monel Photo 2 : Collectif POP UP, 2020, Festival international de jardins |Hortillonnages Amiens © Yann Monel

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ARTS VISUELS

FESTIVAL INTERNATIONAL DE JARDINS

HORTILLONNAGES AMIENS Nul besoin de se rendre à l’autre bout du monde pour découvrir des sites d’exception. À quelques encablures de Lille et de Bruxelles, les hortillonnages d’Amiens offrent un voyage en barque entre les jardins flottants dessinés par des artistes et paysagistes. Qui dit mieux ? Les hortillonnages doivent leur nom au latin hortellus, soit "petits jardins". A l’origine, l’endroit est un marais asséché par les Romains il y a plus de 2 000 ans. Au xixe siècle, le site fut dévolu à la culture maraîchère. Disséminés sur 300 hectares de marais, ces jardins flottants valurent ainsi à Amiens le surnom de "Venise des légumes". Traversé par un réseau de canaux (65 km !), ce petit paradis aurait pu disparaître, notamment à cause d’inondations. En 2010, Gilbert Fillinger, alors directeur de la Maison de la Culture d’Amiens, eut l’idée d’inaugurer ici un festival honorant la création paysagère. Depuis, des artistes réinventent le lieu chaque année, offrant une échappée des plus poétiques.

L’accident - On peut parcourir ce dédale à pied, bien sûr, mais le must reste la balade en barque en bois et électrique, se laissant dériver au fil de l’eau pour s’arrêter dans chaque îlot. Ici les Hortillophones de Raphaëlle Duquesnoy amplifient le chant des oiseaux, là surgit un abri en forme d’origami signé Alexis Deconinck… Originales, les œuvres résonnent aussi avec notre actualité et ses enjeux écologiques. Parmi les nouveautés de cette 12e édition, on découvre par exemple ALEA du collectif Free-Birds, soit une installation figurant un crash de montgolfière. Inspiré de Cinq semaines en ballon de Jules Verne, ce "naufrage aérien" se lit comme une allégorie de la catastrophe, et de notre capacité à l’affronter. Bon, dans tous les cas, mieux vaut voyager en barque… Julien Damien Amiens, jusqu’au 17.10, Hortillonnages, www.artetjardins-hdf.com PIED / Accès par le chemin de halage à l’île aux Fagots, puis rejoindre l’île Robinson À et passage par l’étang de Rivery, lun > dim : 12 h 30 -19 h, gratuit N BARQUE (PARCOURS DE 2 H 30) / Accueil au Port à fumier : lun > ven : 13 h-19 h E sam & dim : 10 h-19 h, 19 € (1/2 pers.), 24 € (3/4 pers.), 26 € (5/6 pers.) gratuit -3 ans réservation : +33 (0)6 37 25 74 70

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PLURIDISCIPLINAIRE

Quitte à griller l’exclusivité au robot Persévérance ou à Thomas Pesquet, on peut d’ores et déjà l’affirmer : il y a de la vie sur Mars. Durant l’été MonsArts de la Scène remue le borinage avec moult spectacles, concerts ou objets festifs non-identifiés, à l’instar du Carrousel Shuriken. Sur ce drôle de manège, enfants (et parents) se déguisent en samouraïs pour lutter contre des ninjas, au rythme d’un banjo et d’un orgue de barbarie (si si). Dans le genre bien perché, citons aussi M*A*TT*C*H, méditation poético-sportive de la Clinic Orgasm Society. Où quand un homme seul sur sa chaise d’arbitre, au milieu de la rue, nous fait revivre à lui seul la finale de Wimbledon 1981 entre Björn Borg et John McEnroe. Dans le Jardin du Mayeur, ces grands fous de la compagnie N’Soleh ont installé un ring de boxe où s'affrontent des groupes de motards, danseurs, jets setters, à coups de coupé-décalé et de breakdance. Pendant deux mois, la cité du Doudou est ainsi traversée de propositions hors-normes, en extérieur (donc gratuites) et en salle. Au théâtre le Manège, Rosario Amedeo nous raconte notamment sa drôle d’expérience avec... Jackie Chan. Ce Montois a en effet tourné dans une superproduction du maître des arts martiaux. L’occasion d’évoquer les hauts et les bas du métier d’acteur, ou comment tutoyer les étoiles en gardant les pieds sur Terre. J.D. M ons, 01.07 > 26.08, Théâtre le Manège, Théâtre royal, Jardin du Mayeur et divers lieux 20 € > gratuit (tous spectacles en extérieur), surmars.be / 01 & 02.07 : Fabrice Murgia et Laurent Gaudé : La Dernière nuit du monde 06.07 : Compagnie N’Soleh : Faro Faro // 07 & 08.07 : La Boîte à clous : Carrousel Shuriken 08 & 09.07 : Rosario Amedeo & Jean-Michel Van den Eeyden : Jackie Chan et moi 09.07 : Cie La Muette : L’Homme-orchestre // 09 > 23.07 : Etienne Saglio : Projet fantôme 10.07 : Clinic Orgasm Society : M*A*TT*C*H // 24.07 : Cie L’Homme debout : Comme si personne ne regardait // 07.08 : Festival Hip Hop… festivals– 38 S ÉLECTION

Faro-Faro © Stéphane Bebeto

C’EST L’ÉTÉ SUR MARS !



MUSIQUE

CECI N'EST PAS LA FÊTE DE L'ÎLOT UNE CAVE Créé l'an passé, au sortir du premier confinement, ce rendez-vous hebdomadaire propose des concerts sur le parvis de la Cave aux Poètes, en extérieur et dans-le-respect-desgestes-barrières. Pour compenser cette distance entre spectateurs, l'affiche laisse une large place aux musiques chaudes. À l’instar de la new soul de Thaïs Lona, et du jazz sous toutes ses formes : psyché avec Songø, déroutant avec Ladaniva ou azimuté avec La Récré, le nouveau projet d'Emile Sornin (Forever Pavot). Pas des caves, quoi. T.A. oubaix, Jusqu'au 29.07, La Cave aux R Poètes, 19 h, gratuit sur réservation www.caveauxpoetes.com S ÉLECTION / 16.07 : Thaïs Lona, Selektaa, Charlotte Van Smedt // 21.07 : Songø, Temps Calme, DJ Caroll // 22.07 : Ladaniva, Lunar, Juliette Saucée // 29.07 : La Récré, Quantum Quantum, Sir Keith

Dans le jardin des 4 Ecluses, la jauge est réduite à 100 personnes, mais l'ambiance est à son zénith. On le doit beaucoup au zouk-claquette et chemises à fleurs de Francky Goes to Pointe-à-Pitre, et tout autant à Bafang. Ces Normands mélangent rock et rythmes camerounais pour servir un cocktail funky - sous le haut-patronage de Manu Dibango. Les Lillois d'Orange Dream étrennent quant à eux leur premier album à grands coups de percussions tribales et de guitares psychés - et nous donnent la pêche durant tout le week-end. J.D. unkerque, 03.07, Les 4 Ecluses (jardin) D 19 h, gratuit, 4ecluses.com S ELECTION / Francky Goes to Pointe-à-Pitre, Bafang, Orange Dream

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Bafang © Franck Blanquin

Selektaa © DR MUSIQUE



Matières sensibles © Julien Damien

PILE AU RDV

Point d’orgue de la saison Africa, Pile au RDV convie les Ghanéens du collectif Exit Frame à rythmer ce début d’été. Conçu pour et avec les habitants du quartier du Pile (et d’ailleurs), ce festival nous téléporte cette année à Kumasi, leur ville d’origine. La scénographie se pare de grands parasols en bois typiques de l'ethnie ashanti. Entre concerts, DJ sets, dégustations de spécialités africaines ou bal guinguette, on découvre les nouvelles œuvres du Sud-Africain Breeze Yoko et du Ghanéen Serge Attukwei Clottey, réalisées spécialement pour la manifestation. On en profite aussi pour (re)visiter l’exposition Matières sensibles, réunissant une quinzaine d’artistes contemporains. Enfin, on glisse sur Colorama, le skatepark indoor conçu par le designer Yinka Ilori, histoire d’entamer les vacances comme sur des roulettes. Julien Damien R oubaix, 02 > 11.07, La Condition Publique, Place Faidherbe, Canal de Roubaix, Mercado Negro et divers lieux en ville, gratuit, laconditionpublique.com festivals– 42

Matières sensibles © Julien Pitinome - Collectif Œil

PLURIDISCIPLINAIRE



PARC EN FÊTE

Parc en fête ? « C’est notre Louvre-Lens Plage », résume Marie Lavandier, la directrice du musée. À défaut de sable et de mer, on y trouve un parcours d’installations conçues par six artistes spécialement pour le vaste espace vert bordant l’institution. Cette monumentale main en bois (Mano à mano) de Pedro Marzorati ou les filaments de lin suspendus et vibrants (Partition sismique) d’Anne Poivilliers parent ainsi les lieux d’une délicate étrangeté. Entre autres déambulations et parenthèses musicales, on peut aussi rejoindre des ateliers sur la biodiversité, l’alimentation ou pratiquer un peu de sport. Enfin, on n’hésite jamais à pousser les portes du musée pour (re)découvrir l’exposition Les Tables du pouvoir, et admirer dans le Pavillon de verre la dernière création de Bernar Venet. Baptisé L’Hypothèse de la gravité, ce gigantesque assemblage de poutres en acier industriel, en forme d’arc ou de lignes droites, semble au bord de l’effondrement. Il s'offre telle une spectaculaire métaphore de l’imprévisible. Parfaitement raccord avec notre époque. J.D. Lens, 03.07 > 30.09, parc du Louvre-Lens, gratuit, www.louvrelens.fr S ÉLECTION / 03 > 24.07 : Alimentation et bien manger // 25.07 > 27.08 : Écologie et biodiversité // 28.08 > 30.09 : Le corps à l’honneur // Jusqu’au 26.07 : Les Tables du pouvoir 11.07 > 10.01.22 : L’Hypothèse de la gravité, de Bernar Venet

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Musée Parc Louvre-Lens © Louvre-Lens, F. Lovino

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© DR

© Charles Mangin GASTRONOMIE

REFUGEE FOOD

FESTIVAL

Pour une fois, ce sont eux les hôtes. Tant mieux ! Durant une semaine, les restaurants lillois servent des plats concoctés par des chefs réfugiés. Tel est le principe de ce festival conjuguant humanisme et gastronomie. On déguste des spécialités irakiennes à L’Annexe ou au Baysca, syriennes au Présentoir et guinéennes au Sébastopol. Il s’agit d'abord de changer le regard sur les migrants, de favoriser leur insertion professionnelle à la faveur de savoureux échanges. Du "win-win" ? Cette fois, on peut le dire. Lille, 06 > 11.07, divers lieux refugee-food.org

MUSIQUE

LES NUITS D’ÉTÉ LA BELLE HÉLÈNE

Les grands classiques sont immortels, mais peuvent toujours être revisités. Tenez, La Belle Hélène d’Offenbach. L’histoire ? Vénus a promis à Pâris, fils du roi de Troie, l’amour de la plus belle femme du monde, Hélène, qui est déjà mariée au roi de Sparte. L’intervention de la déesse promet donc son lot d’imbroglios… De cet opérabouffe en trois actes pastichant la Guerre de Troie, Lionel Rougerie a tiré une nouvelle version plus actuelle mais tout aussi décalée. La musique, elle, est assurée par l’ONL, sous la direction d’Alexandre Bloch. L ille, 07, 08 & 10.07, Nouveau Siècle, 20 h 55 > 6 €, www.onlille.com

S ÉLECTION / 06.07 : Grand Scène 07.07 : L’Annexe // 09.07 : Baysca 10.07 : Le Sébastopol 11.07 : Le Présentoir

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© Libération Films Animation

© Universal Pictures CINÉMA

EN VOITURE SIMONE !

Remis au goût du jour suite à la pandémie, le drive-in a le vent en poupe. Tant mieux ! À la Louvière, on ne sacrifie rien à ce rituel made in USA : popcorn servi en roller, foodtrucks… Mais on a plus d’humour que chez l’oncle Sam, l’affaire se déroulant sous le haut patronage de Simone, interprétée par la comédienne Fanny Hanciaux. Côté grand écran, on regarde du côté des classiques des nineties, de Thelma et Louise à Scream en passant par Retour vers le futur 2. Quitte à contredire le docteur Emmett Brown, là où on va, on a besoin d'une route cette fois. J.D. L a Louvière, 30.06 > 04.07 & 26 > 29.08 Parking de Louvexpo, 22 h 30 en juillet et 21 h 30 en août, 15 € par véhicule www.cestcentral.be S ÉLECTION / 30.06 : Retour vers le futur 2 01.07 : La Cité de la peur // 26.08 : Thelma et Louise // 27.08 : Scream…

CINÉMA

BRUXELLES FAIT SON CINÉMA

Voilà 20 ans que cet événement ressuscite une belle tradition méditerranéenne : le cinéma itinérant de plein-air (et gratuit !). De SaintJosse à Molenbeek, en passant par Schaerbeek ou Anderlecht, ce festival pose ses toiles et ses transats aux quatre coins de Bruxelles et des environs. Pas d’avant-premières dans la sélection (là n’est pas le but) mais une bonne séance de rattrapage. Si vous avez raté Camille redouble de Noémie Lvovsky ou Été 85 de François Ozon, c’est le moment ou jamais. J.D. ruxelles, 30.06 > 25.07, divers lieux, B gratuit, bruxellesfaitsoncinema.be S ÉLECTION / 30.06 : Mon cousin (Forest) 08.07 : Camille redouble (Forest) 09.07 : Un Divan à Tunis (Molenbeek) 10.07 : Antoinette dans les Cévennes (Koekelberg) // 11.07 : Venise n’est pas en Italie (Saint-Josse) // 14.07 : Été 85 (Watermael-Boitsfort)...

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ENR © Johann Rousseau

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ONL © DR

© DR

LES BELLES SORTIES

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Le principe est louable : délocaliser les spectacles programmés par les grandes salles de la métropole lilloise dans de petites communes. En somme, de l’art partout et pour tous. Ainsi vont les Belles Sorties depuis dix ans ! Pour fêter son anniversaire, l’événement paie sa tournée estivale. Suivez le guide. L’idée est née en 2011 sous l’impulsion de Martine Aubry, alors présidente de la Métropole européenne de Lille. Les années ont passé, mais les Belles Sorties demeurent un rendez-vous apprécié. Le principe ? « Rendre accessible la culture au plus grand nombre, sur toutes les communes du territoire », explique Alix Dutrieux, coordinatrice du projet. La manifestation s’adresse aux 78 communes de la métropole (sur 95) de moins de 15 000 habitants et « la métropole finance une date par ville, chaque année ». Théâtre, concerts, performances… ces spectacles sont proposés « sur-mesure » par 14 salles dont la réputation n’est plus à faire (citons l’ONL, la Rose des Vents, le Théâtre du Nord) dans des lieux souvent insolites (un bistrot, une cantine, une église) donnant à l’événement un tour sinon convivial, d’autant plus intimiste.

G. Defacque © Diane Barbier

La grande vadrouille - En dix ans, ce sont ainsi plus de 70 000 spectateurs (« souvent néophytes ») qui ont pu assister à une représentation. Au-delà de cet aspect, les Belles Sorties permettent aussi de jolies promenades au sein de la région, jusqu’aux Weppes. Portée par l’Aéronef, le Prato et les street-artistes du collectif Renart, cette tournée estivale s’apparente en l’occurrence à un grand bol d’air, les représentations se jouant en extérieur. Des fanfaronnades de Giorgio Harmonie aux déambulations circassiennes de Prato sur macadam, voilà de bonnes occasions de s’évader. Julien Damien

étropole lilloise, 02 > 27.07, divers lieux, M gratuit, www.lillemetropole.fr


Yerko y Denisse © Benoitpoix

Balaphonics © DR

L’AÉRONEF

3X

LA PREUVE PAR TROIS

L’Aéronef joue la carte de la musique en déambulation. De ballades en balades, on suit ainsi la Locomobile qui arpente les rues d’Englos. Cette petite charrette bardée d’instruments nous ouvre la voie avec son electroswing. On guette aussi l’afro brass band Balaphonics, au pied du Moulin Blanc de Leers, entre ethio-jazz et afro-beat – histoire d’être dans le vent. S ÉLECTION

/ 02.07 : Balaphonics // 03.07 : General Strike // 04.07 : Giorgio Harmonie 09.07 : E.N.R : Ensemble National de Reggae // 10.07 : La Locomobile & Skyzophonik 14.07 : Ceux qui marchent debout • Super Panela // 16.07 : The Swinging Dice…

COLLECTIF RENART

Depuis le début des années 1990, cette association composée de peintres, graffeurs, illustrateurs ou photographes défend « l’accès à l’art pour tous et par tous ». Au programme ? Réalisation de fresques en direct, par exemple sur les grandes femmes de la cinquième république à Lys-lez-Lannoy, et ateliers pour la jouer collectif. 05 > 11.07 : Deûlemont // 13 > 19.07 : Wattignies // 21 > 27.07 : Lys-lez-Lannoy

PRATO SUR MACADAM

Dans cette création sur-mesure « mise en rue » par Gilles Defacque, on croise, entre autres, une tragédienne des ruisseaux, une livreuse de pizza hip-hop ou encore un monsieur Loyal en robe de chambre verte. Tout ce petit monde doit composer avec le GMC (le grand méchant Covid) et trouvera (on l’espère) son salut auprès d’un marchand d’air – bien essentiel… nstaing, Baisieux, Bauvin, Bois-Grenier, A Bousbecque, Lesquin, Lompret, Mouvaux, 07 > 15.07, divers lieux

Rouge Hartley BIAM 2021 © Collectif Renart

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Gagarine © Haut et Court

Jaco Van Dormael © Gaspard Pauwels CINÉMA

FESTIVAL INTERNATIONAL DU FILM DE MONS

Question : a-t-on vraiment envie de s’enfermer dans des salles obscures à l’aune de cet été déconfiné ? Et comment ! Surtout lorsqu’il s’agit d’assister à une sélection de choix. Pour cette 36e édition, le Festival international du Film de Mons dévoile 70 œuvres dont une trentaine de longs-métrages internationaux présentés pour la première fois en Belgique. Parmi eux Sweat, du réalisateur suédois Magnus von Horn. Sélectionné à Cannes en 2020, ce film raconte le cauchemar d’une influenceuse, plongée dans la solitude malgré ses 600 000 followers. On attend aussi le biopic Gagarine signé Fanny Liatard et Jérémy Trouilh (histoire d’avoir un peu plus la tête dans les étoiles) ou encore Io Sto Bene de l'Italien Donato Rotunno, délicate rencontre entre un vieil homme en plein deuil et une jeune artiste. Entre les séances en plein air ou jeune public, la compétition internationale et celle de courts-métrages belges, le déplacement vaut sacrément le coup. Le play pays, terre du 7e art ? Plus que jamais, comme en atteste la présence à Mons du grand Jaco Van Dormael. Récompensé aux César (Le Huitième jour), ambassadeur de la Belgique aux Oscars (Le Tout nouveau testament), l’Ixellois est célébré à l’occasion des 30 ans de la sortie du cultissime Toto le héros, honoré par une Caméra d'or à Cannes et diffusé ici en copie restaurée. J.D. ons, 09 > 16.07, Imagix, Auditorium Abel Dubois (Plaza Art), Théâtre Royal, Van der Valk M Hotel Mons Congres, Wallonia Conference Center Mons, 1 séance : 5 € pass 12 séances : 30 €, www.festivaldemons.be festivals– 54



Her - Les Nuits Secrètes 2017

festivals– 56 Feu Chatterton - Les Nuits Secrètes 2018 © Sarah Bastin


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C’EST EXTRA

Annulées à cause de vous-savez-quoi, les Nuits secrètes laissent place à "C’est Extra", un festival alternatif mais "essentiel" ! Entre une exposition de photographies disséminées dans toute la ville et des concerts épatants, les Aulnésiens ont de la suite dans les idées. Les plus mélomanes auront reconnu le clin d’œil à Léo Ferré, dont le théâtre local porte le nom. « C’est aussi un pied de nez à cette période extraordinaire, au sens littéral du terme », explique Olivier Connan, le directeur. En somme, à circonstances exceptionnelles, programmation idoine. En témoigne cette exposition de photographies. Accrochés dans toute la ville, ces 200 clichés signés par huit jeunes artistes offrent à AulnoyeAymeries des allures de musée à ciel ouvert, mais aussi l’occasion de belles balades, « du centre au bord de la Sambre, en passant par la campagne ou les sites historiques du festival ». Parmi ces images, on citera la série Le 1⁄4 d’heure américain de la Française Billie Thomassin, montrant en très grands formats des corps enlacés - comme un appel à des jours meilleurs.

Remise en selle - Côté musique, neufs concerts sont programmés à l’Eden, soit un petit miracle au regard de la situation. Georgio, Pomme, Vianney, Yseult… Les grands noms partagent ainsi l'affiche avec de belles découvertes, telle Olivia Merilahti aka Prudence. La moitié du duo The Dø étrenne ici son premier album solo, l’electropop Beginnings - pas sûr qu’on reste assis longtemps… Enfin, que serait Aulnoye-Aymeries sans ses Parcours secrets ? Cette année, on file à pied ou à vélo n’importe où pour voir n’importe qui. Une certaine définition de la liberté. Julien Damien ulnoye-Aymeries, 10 > 25.07, Eden & divers lieux en ville, concerts : ven & sam : 16 h 30 • A dim : 15 h, pass 1 soirée : 30 €, parcours secrets : 10 €, parcours photographique : gratuit sur réservation, cestextra.lesnuitssecretes.com ARCOURS PHOTOGRAPHIQUE (Charlotte Abramow, Inka&Niclas, Benjamin Schmuck, P La Straussphère, Billie Thomassin et Kourtney Roy) / 10 > 25.07 ONCERTS / 23.07 : Vianney, Yseult, Ladaniva // 24.07 : Pomme, Prudence, Lianne La Havas C 25.07 : Georgio, YN, PLK + Parcours secrets : 10, 11 & 17, 18.07 festivals – 57




AU CINÉMA

© Mathieu Cesar

Mine de rien, Biolay peut s’enorgueillir d’une belle filmographie. Passons sur son apparition dans Divorce Club de Michaël Youn mais retenons, entre autres, ses rôles dans Chambre 212 de Christophe Honoré, Au bout du conte d'Agnès Jaoui, en attendant de le voir dans France de Bruno Dumont.

GIVE ME

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Los Angeles (2002), Dans la Merco Benz (2007), La Superbe (2010), Brandt Rhapsodie (2010), Miss Miss (2016)

TÊTE À CLASH Le Gone n’a pas vraiment la langue (ni les pouces) dans sa poche. On ne compte plus les tweets ou piques épidermiques contre tout et n’importe qui (celle contre Chirac lui a d’ailleurs valu un contrôle fiscal). En 2009, il s’est même fait gifler par Bénabar dans un restaurant, suite à une bordée d'injures. Tout doux l’ami…


LA VIE LATINE Maradona, le tango, Che Guevara… Comme Florent Pagny (mais pas forcément pour les mêmes raisons) Benjamin nourrit une passion pour l’Argentine où il vit une partie de l’année. En 2016, l’album Palermo Hollywood rendait ainsi hommage au pays de Borges et des buts de la main.

BENJAMIN BIOLAY DANDY DE GRAND CHEMIN –

Benjamin Biolay s'est distingué en composant Chambre avec vue pour Henri Salvador au début du millénaire. Il a ensuite été salué pour Trash Yéyé avant le triomphe de La Superbe. Populaire et pointu, adoré ou détesté, le Lyonnais perpétue une noble tradition de la pop française, entre spoken word voilé par les excès et songwriting torturé. Il effectue volontiers des pas de côté : hier les sonorités latines (Palermo Hollywood, Volver), aujourd’hui le rock et la F1 (Grand Prix, albumconcept qu’il défend lors de cette tournée). Petit détour de piste. oulogne-sur-Mer, 17.07, Site Éperon, 20 h 30, 32 €, www.festival-cotedopale.fr B (Festival de la Côte d'Opale) harleville-Mézières, 27.08, plaine de La Macérienne, 16 h, 34 €, cabaretvert.com C (Festival Face B, voir page 67) Lille, 16.09, Sébastopol, 19 h, 34 €, www.theatre-sebastopol.fr Lens, 17.10, Le Colisée, 18 h, 37,50 > 19,50 €, villedelens.fr

D’abord arrangeur pour L’Affaire Louis Trio, en 1995, le Lyonnais a multiplié les collaborations. Il a produit le premier disque de Keren Ann (La Biographie de Luka Philipsen, 2000) avec laquelle il a ensuite ressuscité Henri Savaldor (Chambre avec vue). Parmi les artistes passés par son studio, citons aussi Françoise Hardy, Juliette Gréco, Vanessa Paradis, Melvil Poupaud ou Orelsan (on ferme les yeux pour Elodie Frégé et Isabelle Boulay).

© Clémence Coulon

HOMME-ORCHESTRE

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Avishai Cohen © Andreas Terlaak

Khatia Buniatishvili © Gavin Evans MUSIQUE

LES PIANOS FOLIES

Du palais des congrès au centre hospitalier, en passant par de nombreuses églises, ce festival n'a pas tempéré ses ardeurs. Tant mieux ! Résultat, une programmation prometteuse invitant, entre autres, le lisztomaniaque Benjamin Grosvenor, deux rachmaninophiles avertis, le pianiste David Bismuth et le flûtiste Jordan Arbus, et surtout la très attendue Khatia Buniatishvili, aussi à l'aise avec les œuvres de Chopin ou Brahms qu'avec celles de Satie, Morricone ou Gainsbourg. Chi va piano, va sano… T.A.

MUSIQUE

JAZZ MIDDELHEIM

Plein air oblige, ce festival sis dans le parc Den Brandt libère les esgourdes des sons trop entendus ailleurs. Fureteuse, son affiche s'enorgueillit d'une palanquée de "grands noms" d'hier et de demain. Au rayon des valeurs sûres, citons John Zorn, Laurie Anderson, Bill Laswell ou Michel Portal (l'octogénaire signait en mars le remarquable MP85). Quant à l'avenir, il appartient sans doute au jeune Samuel Ber. En solo ou avec la paire Dumoulin-Malaby, le Belge confère un élan nouveau à la batterie jazz. T.A.

L e Touquet-Paris-Plage, 17 > 22.08 divers lieux, 17 h & 20 h 30, 1 concert : 45 > 12 €, www.lespianosfolies.com

Anvers, 13 > 17.08, Park Den Brandt 44 / 39 € pass 4 jours : 105 € www.jazzmiddelheim.be

S ÉLECTION / 17.08 : Evelyne Berezovsky, Ensemble Phileas… // 18.08 : Anita Balazs Jordan Arbus, Simon Adda-Reyss… 19.08 : Benjamin Grosvenor, J.-M. Dayez 20.08 : Nikolaï Luganski… // 21.08 : Khatia Buniatishvili, Irma Gigani, J.-P. Gasparian…

S ÉLECTION / 13.07 : Portico Quartet, Alfa Mist, Emma-Jean Thackray ‘Movement’ 14.07 : John Zorn, Laurie Anderson, Bill Laswell, Samuel Ber // 15.07 : Michel Portal, Youn Sun Nah // 16.07 : Avishai Cohen Trio

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© Boby

interview Propos recueillis par Audrey Chauveau MUSIQUE

DELGRES

ACCORDS PARFAITS Après un premier album remarqué pour son hard blues créole aussi inédit qu'inclassable, Delgres sort 4 Ed Maten. Le trio, baptisé du nom du héros antillais mort en luttant contre l'esclavage, revient plus mordant que jamais. Ses morceaux sont portés par des textes aux indignations positives, du son à l'énergie détonante et des influences métissées. Rencontre avec Pascal Danaë, chanteur, guitariste, auteur et compositeur. festivals– 64


Comment présenteriez-vous votre musique ? C'est du hard blues chanté en créole, un son rugueux qui grogne et qui groove. Il y a un contraste entre l'énergie qu'on dégage et les paroles, et ça c'est foncièrement créole et blues.

Comment cultivez-vous justement ce style unique ? La guitare dobro est emblématique du blues. Quand je l'électrifie, le slam pico (écho très court) marque ce son vintage qu'on retrouve chez les Black Keys ou dans la voix d'Elvis. Les batteries de Baptiste (Bondy) et les sons des caisses claires rappellent les tambours des fanfares.

« UN SON RUGUEUX QUI GROGNE ET QUI GROOVE » Enfin, le son ronflant du sousaphone de Rafgee évoque la Nouvelle Orléans et les carnavals antillais. Soit un appel cuivré populaire et noble !

Vous chantez presque exclusivement en créole. Pourquoi ? Mes parents guadeloupéens sont arrivés en France à la fin des années 1950. Je suis né après, mais ils m'ont toujours parlé créole et raconté des histoires sur les Antilles. Chanter dans cette langue c'est se reconnecter avec leur histoire, celle de Louis Delgrès et de mon ancêtre

Louise Danaë dont j'ai trouvé la lettre d'affranchissement. Cela me transporte sur ces terres que je n'ai pas connues pour exprimer des sentiments profonds, des douleurs sur lesquelles il faut mettre un pansement, tel un conteur familial. Je ne pourrais pas ressentir cela avec le français ou l'anglais. C'est un peu ma thérapie.

Vous abordez les thèmes de l'esclavage moderne, des héros ordinaires... En choisissant ce nom emblématique, vous êtesvous donné une mission ? Pour le premier album je voulais rendre justice à Delgrès. Dans ce nouveau disque, je puise en effet dans tous ces thèmes. Tous les trois, on veut partager ce qu'on ressent de manière simple, sans passer pour des donneurs de leçons. On fait de la musique, il faut que les gens puissent entrer dans notre monde en toute liberté.

Pourquoi ce titre, 4 Ed Maten ? C'est l'heure à laquelle se levait mon père quand il est arrivé en France. Cet album et ce titre sont dédiés à tous ces héros anonymes qui se défoncent pour les autres. Avec le Covid on a redécouvert ces invisibles grâce auxquels la société fonctionne pendant qu'on dort encore.


© Boby

Comment décririez-vous ce disque ?

À quoi peut-on s'attendre sur scène ?

C'est une odyssée caribéenne, un conte sur la résilience et le courage de nombreux anonymes. D'abord, des Africains ont été déplacés vers plusieurs pays sous la contrainte. Bien des années après, mon père et d'autres Antillais sont arrivés en France, inaugurant une autre épopée. Dans tous les cas, il y a cette présence de la mer, du déracinement, de la séparation.

On va retrouver toute l'énergie de Delgres. On progressera dans le bayou avec un côté très rugueux, puis l'instant d'après sur la mer. Avec La Penn la voile gonflera au clair de lune et on tracera. C'est un voyage immobile à la recherche d'émotions fortes renouant avec la lumière et un vif espoir.

En quoi cette tournée post-Covid sera-t-elle particulière ? Parce qu'elle existera (rires). Le public va savourer sa chance d'être au concert et nous d'être sur scène. Je pense qu'il y aura une communion extraordinaire.

harleville-Mézières, 29.08 C Plaine de La Macérienne, 14 h, 19 € cabaretvert.com (Festival Face B) LIRE / La version longue de cet article sur À lm-magazine.com


© David Truillard

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FACE B

À défaut de pouvoir organiser le Cabaret Vert, l’association FLaP met sur pied un rendez-vous alternatif. Un plan B ? Pas exactement. L’affiche musicale parle d’elle-même : Arlo Parks, Benjamin Biolay, IAM, Stephan Eicher, Delgres… parmi plus d’une vingtaine de noms enchanteurs. Mais ce n’est ici que la partie émergée de l’iceberg, car ce rendez-est bien plus ambitieux. Face B se présente comme un lieu d’occupation temporaire, en l’occurrence de la Macérienne, ancienne usine phare de la région où l’on produisait des voitures et aujourd'hui inscrite aux monuments historiques. Durant plus d’un mois, on pourra s’y retrouver chaque jour de la semaine pour boire, manger, assister à des films, des expositions ou des concerts. Une oasis éphémère rythmée par quatre week-ends de temps forts : dédiés à la musique donc, mais aussi à la BD (avec plus d'une soixantaine d’auteurs invités) ou à la marionnette. Cet événement préfigure rien de moins qu’un grand projet de Tiers Lieu dans cette friche industrielle. Porté par l’association FLaP et Ardenne Métropole, le site fera d’ici 2025 la part belle à la culture, aux loisirs au développement durable... « À l’aune de cette crise sanitaire, il s’agissait de se réinventer, de transformer le négatif en positif », assure Julien Sauvage, le directeur du festival. Pas de doute, on sait rebondir dans la cité de Rimbaud. J.D. harleville-Mézières, 19.08 > 26.09, La Macérienne, entrée gratuite sur le site C (concerts : 34 > 19 €), cabaretvert.com S ÉLECTION / 19 > 21.08 : Warm-up // 26.08 : Balthazar, Gaël Faye, Sébastien Tellier Arlo Parks, Hervé, Kid Francescoli // 27.08 : Benjamin Biolay, Dionysos, L’Impératrice, Yseult... 28.08 : IAM, PLK, Vladimir Cauchemar... // 29.08 : Stephan Eicher, Pomme, Delgres Tinariwen... // 03 > 05.09 : Week-end BD // 17 > 26.09 : Temps fort marionnettes

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FESTIVAL INTERNATIONAL DES ARTS

DE LA RUE DE CHASSEPIERRE

Les programmateurs de festival ont dû craindre pour leur santé mentale ces derniers mois : maintenir, annuler, ajuster sans cesse les scénarios à d'instables restrictions sanitaires… Certains ont renoncé. Mais après une année 2020 en berne sur le front de la culture, il n’était pas question pour Florenville, charmante bourgade wallonne bordée par la Semois, de laisser à nouveau ses ruelles et prairies vides d’artistes. Ce Chassepierre 2021 ne ressemble donc à aucun autre, mais l’esprit de fête résiste. Une vingtaine de fanfares, compagnies de cirque, troupes de théâtre et autres marionnettes grandeur nature déboulent durant un week-end. Pour retrouver le plaisir des concerts, on applaudit le spectacle mécanique des hommes (et des machines) du Piston Errant. On prend aussi de la hauteur avec les Chaussons rouges, trois sublimes funambules plutôt bien perchés. Histoire de bien se dérouiller les zygomatiques, on fait confiance à Joe Sature et ses joyeux osselets. Lors d’une comédie retentissante, sur scène ou au grand air, ils marient comme personne flamenco et thalasso - une bonne thérapie. Pour la suite, on vous laisse explorer le programme. Autant savourer les libertés retrouvées et, comme vous le savez, l’aventure est toujours au coin de la rue... Marine Durand F lorenville, 21 & 22.08, divers lieux en ville Pass 1 jour : adulte 15€, enfant 8 à 12 ans, 5€, (gratuit -8 ans), www.chassepierre.be S ÉLECTION / Joe Sature et ses Joyeux Osselets : Ouh lala, Les Chaussons rouges : Nadir, Les Déguindés, Car à Pattes : La Bim déboule, Fritüür, Joshua Monten : Game Theory, D’un autre temps, Five Foot Fingers : Jungle Five, La Burrasca : Marée Noire, La Migration : Landscape(s) #1, Le Piston Errant : Blues O Matic… festivals– 68

Five Foot Fingers - Jungle Five © Emmanuel VIVERGE Joe Sature et ses joyeux Osselets © Sam Neaud

THÉÂTRE



© Véronique Pipers PLURIDISCIPLINAIRE

LES RENCONTRES INATTENDUES

C’est peu dire qu’on les attendait, ces rencontres. À l’aune de la crise sanitaire, mais aussi de l'omniprésence des réseaux sociaux, la parole des écrivains, essayistes et autres penseurs est d’autant plus précieuse. Face aux bouleversements actuels, qui sommes-nous ? Telle est la vaste question que pose le festival tournaisien à la faveur d'un dixième anniversaire. Et d’un dialogue prometteur entre le psychologue Tobie Nathan et la philosophe Vinciane Despret. Se creuser les méninges, c’est bien, mais en musique c’est encore mieux ! Voici tout l’objet du spectacle Paroles d’honneur. Adaptée de deux ouvrages de la romancière Leïla Slimani, cette création mêle lectures de témoignages, chants ou projection de dessins réalisés en direct. La pièce aborde la sexualité des Marocaines, dans un pays où l'islam est religion d'État. Dans la magnifique cour de l’évêché, on salue enfin la mémoire d’Aldous Huxley. Si le Britannique reste célèbre pour sa dystopie Le Meilleur des mondes (préfigurant, quelque part, le nôtre), il n’a cessé de croire aux "super-pouvoirs" de l’humanité – à l’image des Portes de la perception, narrant ses expériences sous drogues psychédéliques. Les philosophes et musiciens Joachim Lacrosse et Dorian Leynen retracent six jours de sa vie lors d’un voyage sonore (et au sitar), histoire d’éclairer le futur à la lumière du passé. J.D. T ournai, 27 > 29.08, Imagix, cour & jardin de l’évêché, cathédrale Notre-Dame de Tournai, Grand Place, Beffroi, 18 € > gratuit, lesinattendues.be S ÉLECTION / 27.08 : Lecture participative – Petite histoire de la philosophie • Leila Slimani, Éloi Baudimont & Laetitia Coryn : Paroles d'honneur // 28.08 : Pascal Chabot, Joachim Lacrosse & Dorian Leynen : Six jours dans la vie d’Aldous Huxley • Bruno Latour, Duncan Evenou & Ensemble Klang : Moving Earths // 29.08 : Café, croissant, philo avec Tobie Nathan • Martin Legros & Chassol : Deviens ce que tu es • Soirée anniversaire 10 ans de musiques et philosophies • Grand débat avec Tobie Nathan & Vinciane Despret : Qui sommes-nous ?



W-FESTIVAL Le W-Festival s'est fait une spécialité de ramener sur scène, voire à la vie, des formations que l'on pensait totalement enterrées… mais que l'on n’est pas mécontents de retrouver ! Sur la jolie plage d’Ostende, on rejoint ainsi quelques ténors, mais aussi des one-hit wonders – l'occasion, parfois, de redécouvrir une œuvre sous-estimée. T. Allemand

MARC ALMOND Phénoménal Marc Almond ! Ce freluquet précieux et flamboyant ne rentre dans aucune case. Il insufflait un érotisme à la Genet au sein de Soft Cell, a chanté avec, entre autres, Nico, Gene Pitney, Jimmy Somerville et Siouxsie. Il a aussi consacré un album de reprises à Jacques Brel et célébré Barbara, Léo Ferré, Charles Aznavour ou Juliette

Gréco. Voici quelques temps, il montait sur scène en compagnie de Biolay et Carl Barât (The Libertines) dans une version pop de l'opéra Le Couronnement de Poppée de Monteverdi. Bref, un artiste unique, inclassable, doté d'une véritable vision. Dur à suivre, sans doute. Mais ô combien passionnant, car toujours actuel.

© Pascal Vanelstlande

MUSIQUE


© André de Kok

© DR

THE HUMAN LEAGUE Né au début des années 80 à Sheffield, bassin industriel en décomposition (comme Cabaret Voltaire ou Pulp), Human League incarnait cette frange de la jeunesse britannique marquée par les idéaux, le savoir-faire punk-rock (éloge de la débrouille) et l'amour des synthétiseurs popularisés par Kraftwerk. En résultent des tubes tels Don't You Want Me ou Human – une synthpop teintée de soul. Le groupe tient toujours la route et la scène, ses derniers albums étant réellement plaisants.

VISAGE On en revient au big bang punk. Dans un Londres transformé en soupe primitive pataugent de futurs membres de Magazine, Ultravox, Culture Club, Siouxsie And The Banshees… et Visage donc. David Bowie et une certaine idée du glam planent sur ces jeunes gens. Les Britanniques décrocheront la timbale avec Fade To Grey mais, finalement, ne publieront jamais d'album aussi important que ceux des groupes précités. Ce n'est pas grave : dans l'urgence, un single fait très bien l'affaire.

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© Roger Sargent

ABC

ABC, c'est le nom du deuxième album des Jackson Five. Mais c'est aussi et surtout l'une des grandes figures de la synthpop, née dans le tourbillon postpunk (fanzinat, création de label indépendant, accointances avec Wire). Pourtant, ABC ne restera pas longtemps underground et s'imposera parmi les pop stars de la première moitié des 80's avec un album majeur (The Lexicon of Love, 1982) et un single imparable (The Look of Love). Attention : de la formation d'origine, ne reste plus que le chanteur Martin Fry… stende, 25 > 29.08, Plage (Klein Strand), mer : 11 h, jeu, ven & dim : 12 h, sam : 11 h 30 O 1 jour : 70 €, 2 jours : 130 €, 3 jours : 220 €, w-festival.com S ÉLECTION / 25.08 : The Neon Judgement, Front 242, The Young Gods... // 26.08 : Howard Jones, A Flock of Seagulls, Marc Almond, Toploader... // 27.08 : The Human Leage Paul Young, Midge Ure, ABC, Heaven 17, Matt Bianco, Big Country... // 28.08 : OMD, Visage, Johnny Hates Jazz, Kissing The Pink... // 29.08 : The Jacksons, Starship, Wet Wet Wet, The Christians, T-Pau, The House of Love, Snap! & Technotronic...

festivals – 73


© DR

© Alex Lake

W-FESTIVAL

OMD

THE JACKSONS

Enola Gay. Ce tube inusable peut être considéré comme un petit frère du fameux Blue Monday, de New Order. Au point d’oublier qu’Orchestral Manœuvres in the Dark a poursuivi sa route. Sinueuse, certes, mais pavée de morceaux de bravoure (Electricity, Souvenir, Joan of Arc…). À l’instar des précités New Order ou de Gary Numan, OMD fait partie de ces héritiers de Kraftwerk, convaincus que les synthés avaient une âme. Autant dire que 41 ans après leurs débuts, ces titres n’ont pas pris une ride – la magie du rétrofuturisme.

C'était pas toujours la fête, au 2300 Jackson Street, Gary (Indiana). Jugez plutôt : des classiques pop en pagaille (ABC, I Want You Back…) mais un papa un brin violent et quatre grands dadais qui se font voler la vedette par le cadet. Ah, ça, ils devaient être bien dégoûtés, les Tito, Jermaine et compagnie. Heureusement, la vie est bien faite, Michael est mort et les survivants, désormais sexagénaires, viennent entonner les tubes de la plus funky des familles dysfonctionnelles.

Snap! & Technotronic ensemble, c'est un peu Emile & Image, non ? Trêve de plaisanterie, car nous avons affaire à deux pionniers de la dance grand public, où comment la house (musique américaine et underground) s'est imposée dans les charts européens avec des singles comme Pump Up The Jam (par les Belges de Technotronic) et The Power (les Teutons de Snap!), ouvrant dès lors la voie à une horde de groupes eurodance préfabriqués. Certes, c'est cheesy, binaire, mais surtout franchement efficace.

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SNAP! & TECHNOTRONIC

festivals– 74


JUILLET 2021

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© Bruno Catty MUSIQUE

TOUQUET MUSIC BEACH FESTIVAL

Dès ce mois de juillet, rendez-vous à la guinguette de la baie : restau, bar, programmation planante élaborée par Desert Land, ciné-club, pétanque et… matches de l'Euro, le tout du côté de la Maison de la Baie de Canche. Et le festival ? Eh bien, comme son nom ne l'indique pas, Le Touquet Music Beach s’installe cette année au Jardin d'Ypres, en plein centre-ville. Avec beaucoup de place : 21 000 mètres carrés ! Le Touquet n'étant pas exactement Blackpool ou Ostende, la programmation fait montre d'une certaine élégance : un DJ set de Polo & Pan, les ritournelles de Sébastien Tellier, l'electropop de Purple Disco Machine et la techno plus musclée de Paul Kalkbrenner… De quoi remuer dans nos chaussures-bateau ! Plus curieux encore, ce back2back entre le vulgairement clinquant Bob Sinclar (dont l'intelligentsia electro s'est longtemps gaussé) et Busy P (aka Pedro Winter, fondateur d'Ed Banger et ex-manager de Daft Punk). Ces deux-là ont, finalement, beaucoup à se dire car ils partagent le même background. Cette rencontre peut donc produire de belles surprises. Thibaut Allemand L e Touquet-Paris-Plage, 27 & 28.08 Jardin d'Ypres, 16 h, complet, www.touquetmusicbeach.com / 27.08 : Paul Kalkbrenner, Purple Disco Machine, Folamour, Tessae, Lydsten, Soulstorm // 28.08 : Bob Sinclar b2b Busy P, Lost Frequencies, Polo & Pan (dj set), Sébastien Tellier, Skandr, Desert Land Soundsystem, Loic Dewet festivals– 76

SÉLECTION



© Jonathan Lelong

SÉRIES MANIA

Durant le confinement, le débat a animé les salons de France et de Navarre : les séries et les plateformes de streaming tueront-elles le cinéma ? On n’en sait rien, mais ce festival met tout le monde d’accord, en diffusant des séries sur grand écran - dont une projection en plein air, au Parc Matisse. Délocalisé à Lille en 2018 (au nez et à la barbe de Paris), l’événement a trouvé ici une ville à taille humaine… et une véritable terre de tournage. On n’en dévoilera pas beaucoup plus, mais les fans des Petits meurtres d’Agatha Christie auront droit à quelques exclusivités ! Ils découvriront aussi des secrets de fabrication et l’envers du décor, entre le Vieux-Lille et Tourcoing… Parmi une succession de premières mondiales, on attend l’adaptation de Germinal, mini-série de six épisodes écrite par Julien Lilti (le frère de Thomas) et réalisée par David Hourrègue (Skam). Enfin, notons que le village du festival, habituellement sis au Tripostal, s’installe sur la place Rihour. Sans oublier le lancement d’une plateforme digitale dédiée au grand public, histoire de bénéficier d'un maximum de nouveautés - et de poursuivre les débats. J.D L ille, 26.08 > 02.09, place Rihour, Parc Matisse (+ projections à Tourcoing, Lens, St Quentin, Amiens, Dunkerque, Wallers-Arenberg), seriesmania.com festivals– 78

© Renaud Wailliez / Séries Mania

ÉCRANS



« UNE SORTE DE BENNY HILL DE L'ELECTRO »

© Alice Moitié /Ed Banger Records

musique – 80


interview Propos recueillis par Julien Damien

MYD Loser magnifique Révélé au sein de Club Cheval, Quentin Lepoutre (aka Myd) sort un premier album solo lumineux. Publié sur le prestigieux label Ed Banger, Born a Loser se déguste comme un rafraîchissant cocktail estival. Soit 14 titres mêlant house raffinée, techno, pop et surtout une bonne humeur contagieuse, à l’image de ce Lillois à la désarmante décontraction. Mais qu’on ne s’y trompe pas, derrière l’apparente nonchalance, la petite moustache et les lunettes aux verres teintés se cache un redoutable producteur, nommé pour le César de la meilleure musique de film pour Petit paysan ou plébiscité par la planète rap (SCH, Georgio). De quoi perdre la boule ? Pas vraiment… Quel est ton parcours ?

Comment cela a-t-il commencé ?

J’ai grandi entre Lille et Villeneuve d’Ascq. J'adorais la musique électronique anglaise et me suis découvert une passion pour le Djing vers 14 ans. Alors, je me suis mis derrière les platines, essayant de mixer comme mes idoles, Fat Boy Slim, The Chemical Brothers... Heureusement à Lille, il y avait un bon magasin de vinyles. Toutes les semaines j'y achetais mon petit disque que j'enchaînais avec le précédent. Mais, rapidement je me suis senti limité. J'ai donc produit mes propres sons.

J’ai d’abord monté un groupe avec deux copains baptisé Sexual Earthquake In Kobe (SEIK) qui a eu sa petite notoriété à Lille. Parallèlement, j'ai suivi un BTS audiovisuel option son à Roubaix, puis je me suis inscrit dans une école de cinéma et d'ingénieur du son à la Fémis, à Paris. C’est à ce moment-là que j’ai rejoint Club Cheval, aussi composé de Lillois. On a joué six ans ensemble, tourné partout dans le monde... C'était une belle aventure.

musique – 81


Pourquoi t’es-tu lancé en solo ? Même si on s'adore, on avait des choses plus personnelles à raconter chacun de son côté. Il y a quatre ans, j'ai donc décidé de me concentrer sur ma propre musique. Je me suis enfermé en studio, dans mon salon chez moi à Paris. Je passais toute la journée en caleçon derrière mes machines, à essayer de mélanger mes styles préférés, l'indie rock, la folk et la musique électronique.

« TOUTE LA JOURNÉE EN CALEÇON DERRIÈRE MES MACHINES » Tu as baptisé ton premier album Born a Loser. Pourquoi ce titre ? Pour tout dire, j'ai retrouvé une vieille photo de moi à 14 ans, prise dans ma chambre à Lille. On me voit derrière mon énorme PC et mes synthés, fan d'électronique quand tous les mecs cool du lycée

écoutaient du punk-rock en faisant du skate (rires). Quoi que je fasse aujourd’hui ma démarche reste sincère, je ne te triche pas, ne cherche pas à créer une image plus "vendable", j’appuie donc un clin d'œil à ce mec un peu loser mais qui n’a jamais dévié de sa trajectoire. C’est un hommage à cet anti-héros.

Comment définirais-tu ton son ? Entre house, techno, avec une bonne dose de pop ? Oui, mais je suis DJ et producteur de musique électronique avant tout. Ma vie, avant le Covid, c'était le club tous les week-ends jusqu’à six heures du matin. Ma passion, c’est faire danser les gens. Ce format album, par essence plus long, m’a permis d'être plus extrême dans mes choix. Sur des morceaux comme Weather the Weather, je balance entre guitares plus douces et techno plus violente.

© Alice Moitié /Ed Banger Records

« NOTRE ALBUM EST UNE POCHETTE-SURPRISE. »


© Alice Moitié /Ed Banger Records

Tu parles parfois de « dance music artisanale »… Oui, j’adore cette formule. Ce côté "artisanal " traduit mon besoin d’imperfection, du fait-main. Je veux qu’on sente l’être humain derrière la musique. J’utilise par exemple des bandes magnétiques, des K7 audio ou des synthés vintage… soit autant d’instruments imparfaits qui créent des accidents, une émotion particulière.

D’ailleurs, tu as un sacré look, avec la casquette, la petite moustache… Est-ce un contrepied à la branchitude ? Je ne sais pas, certains disent que c’est ça la branchitude. Moi, ça me ressemble, je ne me pose pas la question !

Quid de l'humour qui traverse tes clips, tes sets... Cela fait-il partie du projet Myd ?

que ma mère qui m’appelle Quentin. J’aime me marrer, faire des blagues, ça aurait été bizarre de me brider.

Tu sembles aussi avoir une propension à te balader tout nu, n’est-ce pas ? Oui, (rires). C’est grâce à la photographe et réalisatrice Alice Moitié. La pochette qu’elle a créée reste ma carte de visite : cette photo de moi cul nu sur le pont d’un paquebot. Elle a réussi à résumer en une image qui j’étais, une sorte de Benny Hill de l’electro (rires). Mais j’aime bien être à poil, au sens propre et figuré, je me suis vraiment mis à nu avec ce disque. Symboliquement, c’était un message, comme pour dire « c’est bon les gars j’y vais ! ». Après, je t’avoue que cette pochette n’a pas trop plu à ma mère (rires).

Le projet Myd, c’est moi, il n’y a plus musique – 83


Oui, mais pour moi, ils ne sont pas si éloignés. Ils triturent pareillement la pop pour la moderniser. Berger était un immense fan de jazz et de musique classique, il a réutilisé ces harmonies pour renouveler la pop française. Metronomy bidouille admirablement ses synthés, oscillant entre musique solaire et quelque chose de plus grinçant, bizarre.

Tu travailles aussi avec des rappeurs, comme SCH pour qui tu as signé l’instrumental de Champs-Élysées et qui d’ailleurs t’a valu un disque d’or. Comment considères-tu cet exercice ? Je crois qu’aujourd’hui il est même disque de platine... Pour moi, c’est

important de placer mon savoir-faire au service d’autres projets. Le rap est propice à l’innovation, les rappeurs aiment casser les codes. Ils te poussent dans tes retranchements pour sortir de nouveaux sons, c’est très inspirant.

Tu vas bientôt démarrer une tournée. A quoi va ressembler ton live ? On sera trois sur scène. J’avais besoin de renouer avec la danse, donc il y aura des boîtes à rythmes, des synthés, mais aussi des guitares sèches. Entre les deux je chante. Disons que ce sera un mix entre la boîte de nuit et le camp scout ! À ÉCOUTER À LIRE

/ Born a Loser (Ed Banger Records)

/ La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

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© Alice Moitié /Ed Banger Records

Tes goûts musicaux sont variés : de Michel Berger à Metronomy…



Daniel Avery Together In Static (Phantasy / PIAS)

Bientôt dix ans que Daniel Avery s’est installé dans le paysage électronique. Des débuts placés sous le saint patronage de deux figures de la fête (le regretté Andrew Weatherall et Erol Alkan) et que d’aucuns vécurent comme un revival big beat, tant l’influence des Chemical Brothers était manifeste. Mais voilà : Avery n’est pas du genre à se complaire dans la nostalgie. Il emmena sa techno un peu plus loin, la confrontant aux drones et à une approche plus ambient. De quoi dérouter les fans de la première heure et toucher un nouveau public, intrigué par cette post-techno à la fois cérébrale et physique. Successeur attendu de Love + Light, disque surprise paru en juin 2020, Together In Static relève de la divine surprise. En réalité celui-ci s’est imposé à lui : tandis qu’il composait quelques morceaux en vue d’un concert de confinement, à l’église de Hackney, l’Anglais s’est aperçu qu’il tenait là de quoi remplir un album complet ! Onze titres peu portés sur le dancefloor, mêlant l’ambient façon Eno à quelques éclats de trip-hop que n’aurait pas reniés Massive Attack. En ce sens, Avery, bien que signé chez Phantasy et Mute, s’impose comme l’héritier de l’IDM jadis défendu par Warp : une techno qu’on écoute moins en club qu’à la maison. Thibaut Allemand

Georgio Sacré (Panenka Music)

Mine de rien, voilà une décennie que Georgio enchaîne les albums de qualité. Repéré en 2011 par une première mixtape (Une nuit blanche pour des idées noires), le Parisien publie un quatrième disque toujours aussi sombre et mélancolique – pas sans rappeler le regretté Népal, comme dans Soto. Parcouru de notes de pianos et de cordes (sensibles), d’electro et de beats purement hip-hop, Sacré témoigne de la maturité atteinte par l’artiste de 28 ans. La plume est plus aiguisée que jamais, les thèmes tranchent avec le tout-venant rap (la mort, l’amour, la jeunesse désabusée) sans rien sacrifier aux mélodies et à l’efficacité des refrains. S’il convie quelques frères d’armes (S.Pri Noir, Kalash Criminel), Georgio se livre ici à un exercice finalement très intime, mais sans se la raconter. Julien Damien


Anika Change

The Goon Sax Mirror II

(Invada Records / PIAS)

(Chapter Music / PIAS)

Onze ans après un premier essai inusable, Anika publie un deuxième album. Certes, l’Anglaise expatriée à Berlin avait régulièrement donné des nouvelles, collaborant avec Beak> et signant trois albums au sein d’Exploded View. Cette nouvelle sortie sous son nom ne verse absolument pas dans la redite. Au krautdub des débuts, Anika préfère une pop sombre, reposant sur des nappes de claviers et de lourdes basses. On citera, au passage, les scansions martiales de Naysayer, Freedom et ses échos du Cabaret Voltaire ou l’inquiétante étrangeté numérique de Rights, qui n’est pas sans rappeler les aspects plus pop de Throbbing Gristle. Enfin, l’œuvre s’achève sur Wait For Something, pas très loin de la Nico de Chelsea Girl (1967). Noir et brillant. Thibaut Allemand

The Goon Sax, c’est avant tout Up to Anything (2016), feu d’artifice pop et juvénile qui semble désormais indépassable. Déçu par le toujourstrès-difficile-second-album, on misait beaucoup sur le troisième. En vain. Dès Psychic, qui mêle un chant fragile inscrit dans une tradition indie 80’s à des arrangements musclés et synthétiques, on s’interroge : ce groupe sait-il où il veut aller ? Rien n’est moins sûr. On reconnaît les bribes d’une certaine nonchalance en vogue du côté de Seattle dans les années 1990 (Temples), des échos de My Bloody Valentine (Desire, Til Dawn) et cette bonhomie à la Jonathan Richman (Carpetry). Mais à aucun moment la grâce n’apparaît dans cet ensemble trop dispersé. The Goon Sax, groupe d’un seul disque ? Hélas, on s’en approche. Thibaut Allemand

Astaffort Mods Fermeture administrative (À tant rêver du roi)

Moins d’un an après Ouverture facile, Astafford Mods revient avec un troisième LP. Pas question de redite. Certes, le flow rocailleux et sous amphétamine est toujours au rendez-vous, les histoires abracadabrantesques aussi, mais musicalement, le tandem évolue un brin, s’ouvrant à des passages synth-punk (Plouc et Belgica, où l’odyssée hallucinée de deux Français au plat pays), voire speed metal (Yvon Le Thrashos) ou même… hardtech (Sentiment). Leur force : de l’humour, certes, mais jamais de gaudriole pouet pouet – dans ce domaine, Philippe Katerine fera l’affaire. Bourré de punchlines dont Booba rêve en secret, Fermeture administrative s’impose d’ores et déjà comme l’album préféré de tous ceux et celles qui érigent la vie de bâton de chaise en idéal indépassable. T. Allemand disques – 87


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interview Propos recueillis par Julien Damien

LAURENCE ROSIER Les gros maux

Comment traiter l’insulte ? Cette question taraude Laurence Rosier depuis une quinzaine d’années. À une époque où l’invective règne sur les réseaux sociaux, dans la rue et jusqu’au sein des grandes assemblées, cette professeure de linguistique française dissèque les mécanismes de la violence verbale. Enseignante à l’Université Libre de Bruxelles, elle est l’auteure, entre autres, du Petit traité de l’insulte et de L’Insulte… aux femmes. Entretien sans (trop) de gros mots. Comment définir l’insulte ? Chaque mot est potentiellement blessant. Certains le deviennent selon la situation, le contexte. "Eh banane" ou "Ducon" sont parfois considérés comme amicaux. En revanche, le "espèce de..." peut transformer n’importe quel terme en insulte. Sur un site d’extrême droite par exemple, on lira "espèces de Fantômettes" pour désigner des femmes voilées.

« L’INSULTE EST UN BAROMÈTRE SOCIAL » Or, le personnage de Fantômette n’a rien de dénigrant au départ.

En fait, l’insulte est un petit théâtre : avec un locuteur et un récepteur et des mots porteurs de multiples sens. Chacun possède une mémoire, une étymologie, une histoire, coloniale par exemple. Que dit l’insulte de la santé d’une société ? C’est un baromètre social. Elle révèle ce qu’une société autorise ou interdit. En Belgique par exemple, la législation punit désormais les propos sexistes, mais il y a très peu de plaintes, les femmes n’osent pas se manifester ou, pire, ont intégré le fait d’être offensée dans la rue comme normal. société – 89


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« SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX L’ANONYMAT PERMET TOUTES LES OUTRANCES »

Constate-t-on une évolution linguistique en matière d’insulte ? Relevant du patrimoine oral, ce lexique clandestin accompagne l’évolution de la langue. Mais le fond reste stable avec son petit top 5 : salope, enculé, fils de pute, pédé, connard... Il y a finalement peu d’inventivité dans le domaine. À contrario, je mène des ateliers avec des enfants pour imaginer des insultes non-stigmatisantes. Leur créativité est autrement plus grande. Une fillette de huit ans m’a par exemple traitée d’"espèce de porte qui ferme mal" ou de "cacahuète anarchiste". C’est assez poétique. Où commence l’insulte et où s’arrête la liberté d’expression ? Il y a insulte, liberté d’expression mais

aussi humour, parfois mal interprété. Selon moi la liberté d’expression ne peut composer avec l’incitation à la haine. Le plus compliqué est de déterminer les limites. Certains humoristes belges, comme Pierre Kroll, le proclament : "on peut rire de tout, mais on n’est pas obligés". Le problème aujourd’hui, c’est que les images circulent à très grande échelle avec les réseaux sociaux. Il devient difficile d’éviter de regarder ou de lire des choses blessantes, or les mots ou dessins - parfois décontextualisés - peuvent tuer. L’insulte aurait-elle le vent en poupe ? Elle est en tout cas de plus en plus visible. Aujourd’hui, on lit des horreurs qui ne se disaient même pas il y a quelques années. J’appelle


cela la violence augmentée, en l’occurrence par le numérique et les réseaux sociaux, où l’anonymat permet toutes les outrances. Chacun se lâche, sans retenir ses coups. On n’est plus dans l’humour là, mais dans un tribunal populaire malveillant. Pourquoi vous intéressez-vous aussi plus particulièrement à l’insulte adressée aux femmes ? Quel fut l’élément déclencheur de cet essai ? La fréquentation des réseaux sociaux. J’y ai constaté un retour en force des féministes, mais aussi toute une violence à l’égard des femmes. Pourquoi insulte-t-on Thatcher ou Nabilla pareillement de salopes ? Quel est le lien entre elles ? Quelles formes peuvent prendre les insultes faites aux femmes ? Salope, pute… il y a toujours quelque chose de l’ordre de la sexualité ici, et même de la saleté. Par contre, l’insulte faite aux hommes ne contient qu’une connotation morale ("gros salaud" n’a rien de sexuel). Parfois, on injurie aussi un garçon en lui attri-

buant des caractéristiques supposées de fille, comme si le féminin était péjoratif, à l’image de "gonzesse". S’agit-il d’un moyen de contrôle insidieux ? Bien sûr, réduire la femme à son corps, son sexe, c’est affirmer sa disponibilité. Ces insultes les rabaissent au rang d’objets et non de sujets.

« À L’ENCONTRE DES FEMMES, IL EST TOUJOURS QUESTION DE SEXUALITÉ » Vous tirez aussi le fil conducteur de la "pisseuse" dans votre livre… Oui, c’est un grand classique. Avant même de naître, la femme est assignée à une place, une catégorie l’assimilant à de la saleté. Annonçant qu’elle sera plus insultée que d’autres... Il y a quand même des "contre-attaquantes", comme Christiane Taubira, qui répond aux pires injures par l’éloquence… Oui, elle peut opposer à l’insulte un poème, mais tout le monde n’a pas d’alexandrins dans sa poche. Citons aussi Simone Veil qui répondait avec une grande dignité. En ce moment, je travaille d’ailleurs sur l’éloge de la riposte, cherchant des "riposteuses" célèbres. À LIRE

/P etit traité de l’insulte (2006, Labor) 112 p., 10 ,95 € // De l’insulte...aux femmes (2017, 180° Editions), 192 p., 17 € + La version longue de cette interview sur lm-magazine.com


Benjamin Durand & Nico Prat Oasis ou la revanche des ploucs (Playlist Society)

Douze ans après sa séparation fracassante, Oasis fascine toujours. Mine de rien, les frères Gallagher ont défini une bonne partie de l’esthétique des 90’s. En s’appuyant sur des entretiens déjà parus outre-Manche (Mojo, NME…), Benjamin Durand et Nico Prat n’apprendront rien aux fans. D’ailleurs, les nombreuses notes de bas de page soulignent cette volonté de s’adresser au plus grand nombre. La force de ce bouquin réside dans sa vision : pour les auteurs, le miracle Oasis, c’est la réussite de cinq rejetons de la classe ouvrière que rien ne prédestinait au succès. Alors quoi ? Tout tiendrait à la belle gueule de Liam ? Au sens de l’hymne de Noel ? Entre autres. N’oublions pas l’importance du timing : la fin de l’hégémonie grunge avec la mort de Kurt Cobain, l’avènement de Tony Blair, la volonté de l’ancien empire britannique de retrouver un peu de fierté… C’est sous cet angle, plus historique et sociologique, que l’ouvrage court mais dense trouve tout son intérêt. On pourra regretter le ton un peu trop neutre, surtout vu son sujet. Mais ce parti pris renforce le sérieux de l’affaire et, pour la gaudriole, les frères Pétard de Manchester donnent toujours des interviews. Lisez-les !. 144 p., 14 €. Thibaut Allemand

Edouard de Pomiane Le carnet d’Anna (Menu Fretin) Le carnet d’Anna est un recueil de recettes très singulier. Sans classement ni catégorie, il rassemble entrées, plats et autres desserts que cette bonne mitonnait entre les xix et xxèmes siècles, et qu’elle consignait dans un carnet dissimulé dans son tablier. Menu Fretin le ressort en respectant l’esprit de l’édition d’origine de 1938, due à Edouard de Pomiane qui avait goûté sa cuisine savoureuse. Une introduction retrace l’histoire douloureuse de cette femme née sur un bateau, abandonnée par sa mère, violée à 16 ans et qui a dû confier son fils Michel à un curé avant qu’il ne disparaisse, plongeant Anna dans le désespoir. Autant de biographèmes sombres comme la couverture de ce Carnet, ressuscitant les pratiques culinaires d’un autre temps, autodidactes et complètement libérées. 160 p., 22 €. François Lecocq


Luc Moullet Mémoires d’une savonnette indocile (Capricci)

Fabrice Erre Mal dominant

Pour Luc Moullet, le cinéaste est plus proche du contrebandier que du peintre ou de l’écrivain. Présentant un long comme deux courts métrages afin de doubler les primes du CNC, profitant d’une erreur de la banque pour cause d’homonymie, grattant ici un repas et là un voyage, le réalisateur d’Une Aventure de Billy le Kid (1971) et de Foix (1994) décrit avec une hilarante méticulosité les mille combines qui lui ont permis de bâtir une œuvre iconoclaste. N’oubliant pas sa formation critique (il débuta à 18 ans aux Cahiers du cinéma, entouré de Truffaut, Godard, Rivette, Rohmer ou Bazin...), il ponctue son récit de jugements, listes et distinctions toujours acérés, ainsi que de quelques sentences définitives (« un auteur, c’est celui qui ôte »). Une texte jubilatoire.

Quadra, blanc, cis-genre, hétéro et omnivore : Fabrice Erre est un dominant. Si si, n’en déplaise au chétif Zemmour, comme à deux, trois YouTubeurs d’extrême droite dont les biscotos masquent bien mal les problèmes de virilité. Prenant la question de la domination masculine à bras-le-corps, notre ex-prof d’histoiregéo se lance dans un… one-manshow dessiné ! L’auteur se représente sur scène donc, et déroule un discours moins caricatural que le format pourrait laisser présager. Sans jamais lasser (la narration est ultra-maligne à ce niveau), Erre traque le machisme ordinaire, s’interroge sur l’intersectionnalité, l’histoire des féminismes… et signe un ouvrage remarquable, à la fois drôle et intelligent, sans jamais sombrer dans le mansplaining. Viril, mais correct ! 104 p., 14 €. Thibaut Allemand

LUC MOULLET

MÉMOIRES D’UNE SAVONNETTE INDOCILE

400 p., 22 €. Raphaël Nieuwjaer

(6 Pieds Sous Terre)

Nicolas Puzenat Mégafauna (Sarbacane) Dans cette uchronie, Néandertal n’a pas disparu, mais cohabite avec Sapiens – séparé cependant d’une barrière façon mur d’Hadrien ou Game of Thrones. Or, Timoléon de Veyres, jeune médecin, et son complice Pontus doivent se rendre par-delà cette frontière pour rencontrer et étudier leurs descendants, les Nors. Ils découvrent un monde qui n’a rien à voir avec le leur, et se décille peu à peu – pas mal de sombres légendes circulaient sur cette peuplade. Cette fable politique s’inscrit dans un certain air du temps, oscillant entre Moyen Âge et merveilleux pour questionner notre époque, façon L’Âge d’or (Pedrosa et Moreil), Peau d’Homme (Hubert et Zanzim) ou Géante (Deveney et Tamarit). Originale et bien menée, cette œuvre impose décidément Nicolas Puzenat en auteur à suivre… 92 p., 18 €. T. Allemand livres – 93




© Metropolitan Filmexport / Graham Bartholomew


DÉSIGNÉ COUPABLE Une vie volée Trou noir juridique né de la « guerre contre la terreur » déclarée par George W. Bush suite au 11 septembre 2001, la prison de Guantánamo n’a guère suscité l’intérêt des cinéastes américains. Adapté du journal d’un ancien détenu, Désigné coupable se charge de rappeler dans quel abîme tombent parfois les démocraties. Arrêté fin 2001 par la police mauritanienne alors qu’il assiste à un mariage, transféré en Jordanie puis en Afghanistan, Mohamedou Ould Slahi ne retournera chez lui qu’en octobre 2016, sans jamais avoir été inculpé. En quête d’un impossible aveu, ses geôliers lui imposent d’interminables interrogatoires, avant de passer à la torture. Kevin MacDonald s’essaie à en reproduire les conditions, non sans lourdeur et naïveté : musique assourdissante, lumières stroboscopiques, perte de repères, humiliations sexuelles, violences physiques et morales... Mais l’intérêt du film se situe ailleurs, tenant davantage à sa dimension judiciaire.

La rage de survivre - Prenant en écharpe les séquences de prison, un montage parallèle présente le travail de l’avocate Nancy Hollander (Jodie Foster) qui défend Ould Slahi (Tahar Rahim), et celui du procureur Stuart Couch (Benedict Cumberbatch), en partie choisi pour son amitié avec l’un des pilotes tués dans les attaques contre le World Trade Center. Plutôt qu’une confrontation, le film organise ainsi la convergence de ces deux idéalistes. Ce n’est toutefois pas sur le rétablissement de la justice que Désigné coupable s’achève, pas même sur la reconnaissance d’un "dysfonctionnement", mais sur le mélange de foi et de courage dont aura fait preuve le Mauritanien. Le récit ne vise pas à "blanchir" la démocratie américaine, mais à rendre hommage à un survivant – et un témoin capital. Raphaël Nieuwjaer De Kevin MacDonald, avec Tahar Rahim, Jodie Foster, Shailene Woodley Benedict Cumberbatch… Sortie le 14.07

écrans – 97


© Les Bookmakers / The Jokers

TEDDY

Bête de film

Doublement récompensé au dernier Festival du film fantastique de Gérardmer, le loup-garou Teddy surgit dans nos salles obscures. Soit la bonne surprise que le cinéma d’épouvante français, inexistant, n’en pouvait plus d’attendre. Drôle, émouvant, effrayant, ce nouveau long-métrage des frères Boukherma nous fait hurler de plaisir ! Un vent d’espoir se lève sur un cinéma français plombé par les comédies bas de plafond. Après Le Dernier Voyage et Méandre, c’est à Teddy de se frotter au "genre". Les jumeaux Ludovic et Zoran Boukherma, dont c’est le deuxième long-métrage après l’étonnant Willy 1er, nous transportent dans les Pyrénées, où un loup attise la colère des villageois. Un soir de pleine lune, Teddy, jeune révolté de 19 ans, est griffé par une bête inconnue. Il est vite saisi de curieuses pulsions animales… Si le film ose les références aux classiques (La Mouche, façon Cronenberg, et sa traumatisante scène d’arrachage d’ongles) sa force est de ne pas singer les Américains. L’histoire se déroule dans la "France profonde", ses protagonistes composent avec un contexte morose. Ainsi, Teddy (Anthony Bajon, épatant) bosse dans un salon de massage glauque pour gagner sa vie tandis que sa copine attend de passer le bac. La réalisation assume son aspect naturaliste voire surréaliste (l’ouverture évoque P’tit Quinquin de Bruno Dumont) mais joue aussi, sans ironie, la carte de l’horreur. À ce titre, la séquence finale glace le sang et imprime durablement la rétine. Non, Teddy ne manque pas de mordant. Grégory Marouzé De Ludovic et Zoran Boukherma, avec Anthony Bajon, Christine Gautier, Ludovic Torrent Noémie Lvovsky… En salle écrans – 98



© 2020 Universal Studios

FREAKY

Double tranchant

Avec Happy Birthdead I et II, le réalisateur Christopher Landon et le producteur Jason Blum avaient plongé le slasher dans la boucle temporelle d’Un jour sans fin. À travers Freaky, ils poursuivent leur entreprise de relecture décalée et (surtout) subversive d’un genre que l’on croyait épuisé. Depuis Black Christmas (Bob Clark, 1974) et Halloween (John Carpenter, 1978), le slasher reposait sur au moins deux règles : avoir une vie sexuelle vous condamnait à mourir dans d’atroces souffrances, et seule une jeune vierge pouvait venir à bout de la puissance destructrice s’abattant sur sa petite communauté. Freaky semble d’abord respecter ces codes à la lettre, lorsque deux couples d’adolescents libidineux se font massacrer à coups de raquette de tennis ou de bouteille de vin. Mais la malice de ce préambule singulièrement gore ne tient pas qu’à l’usage extravagant des accessoires criminels. Bientôt, le "Boucher de Blissfield" se retrouve dans le corps de celle qu’il a voulu tuer – et inversement. Leur caractère se trouve en même temps transposé : tandis que l’adolescente maladroite se démène avec la carcasse massive de Vince Vaughn, le tueur a désormais le charme fatal d’une jeune fille, parfaitement incarnée par Kathryn Newton. Le genre, affichant souvent une tendance puritaine, se trouve ainsi revitalisé par ce traitement queer. Et tandis qu’on passe à la moulinette les tenants d’une masculinité toxique, les femmes, mère et filles, et les gays gagnent leur émancipation. Raphaël Nieuwjaer De Christopher Landon, avec Vince Vaughn, Kathryn Newton, Celeste O’Connor… En salle écrans – 100


Si les grands cinéastes australiens se nomment George Miller (Mad Max), Peter Weir (The Truman Show), Jane Campion (La Leçon de Piano), de nouveaux compatriotes produisent, à leur tour, de sacrés films (The Nightingale, de Jennifer Kent). Il faudra aussi compter sur Shannon Murphy, qui signe ici un premier long-métrage en forme d’uppercut. Milla,15 ans, y découvre l’amour alors qu’elle est atteinte d’un cancer... Rythmé par des séquences découpées en chapitres (insomnie, nausée, romance…), plongeant le spectateur dans le récit, Milla traite certes du thème douloureux de la mort, mais fait le choix de célébrer la vie. Couvert de prix, beau comme une fugue de Bach, ce film nous bouleverse, et révèle une grande comédienne : Eliza Scanlen. Grégory Marouzé

© Baby Teeth / Lisa Tomasetti

De Shannon Murphy, avec Eliza Scanlen, Toby Wallace... Sortie le 28.07

© Survivance

MILLA

LA FIÈVRE Agent de sécurité dans le port de Manaus, Justino évolue dans le labyrinthe abstrait des containers. Les yeux mi-clos, quelque chose l’attire pourtant vers un endroit hors-champ que le récit dévoile petit à petit : celui de la forêt amazonienne et des animaux-esprits qui l’habitent. Issu de la tribu des Desana, le quadragénaire est partagé entre l’existence qu’il a construite à la lisière de la ville et le rapport au monde animiste de sa communauté. Plutôt que de marquer une opposition, le film cherche à créer des zones de trouble – ainsi de la fièvre frappant le protagoniste, mais aussi de la présence jamais avérée d’un prédateur. Pour son premier long-métrage de fiction, Maya Da-Rin démontre autant rigueur dans la mise en scène que de sensibilité avec ses acteurs, non-professionnels mais tous excellents. Raphaël Nieuwjaer De Maya Da-Rin, avec Regis Myrupu, Rosa Peixoto, Johnatan Sodré… En salle écrans – 101


NICOLAS PORTNOÏ Décalage immédiat arts visuels – 102


arts visuels– 103

Dunkirk © Nicolas Portnoï


Voyage en Carolofornie © N. Portnoï

Charleroi, pays noir ? Dunkerque, ville meurtrie ? Pas exactement, en tout cas jamais sous le regard de Nicolas Portnoï. On le sait, ces anciennes cités industrielles ne jouissent pas d’une bonne réputation – la commune wallonne fut même qualifiée de « ville la plus laide du monde » par quelques plumitifs hollandais. Mais à la misère, au chômage et autres poncifs maintes fois usités, le photographe français a préféré saisir l’humanité, la tendresse, la loufoquerie parfois. En résulte des images où l’humour le dispute au mystère, où les contrastes dézinguent les clichés. Allez, on enfile son "beste clet'che" avant de s’envoler pour la Carolofornie.

Nicolas Portnoï a toujours aimé les pas de côté, « le hors-champ », suivant les bons préceptes de Henri Cartier-Bresson. Lors du carnaval de Dunkerque par exemple, le photographe a préféré s’éloigner de la foule et du chahut pour focaliser sur

des individualités, des tableaux plus intimes. À l’instar de cet homme vu de dos, perruque blonde sur la tête, vêtu d’un manteau de fourrure et d’un kilt, perdu dans ses pensées face à une mer étrangement verdâtre. À quoi songe-t-il ? arts visuels – 104


Voyage en Carolofornie © Nicolas Portnoï

Où sommes-nous réellement ? On peut tout imaginer. « En décalant le cadre de cette façon, je crée une ambiance plus mystérieuse. Cette scène pourrait se dérouler n’importe où, dans une sorte de monde parallèle ». Ainsi travaille Nicolas Portnoï, entre l'approche documentaire et artistique, en perpétuelle quête de ce « petit rien » qui entraîne le quotidien sur un terrain plus surréaliste – et intéressant.

Métal hurlant - Dans la foulée de son escapade dunkerquoise, le hasard l’a ensuite dirigé vers Charleroi, cité sinon mal-aimée, diablement inspirante. « Je ne la connaissais pas du tout, c’est une amie installée làbas qui m’en a parlé. J’en avais

d’abord une image un peu sombre, confesse-t-il. Mais depuis je suis tombé amoureux de cette ville. On admire sa splendeur passée, de belles maisons, de beaux bâtiments…

« JE SUIS TOMBÉ AMOUREUX DE CHARLEROI » La balade le soir au bord de la Sambre, le long des usines désaffectées, est hyper-impressionnante, on se croirait dans Blade Runner. Et puis les habitants sont attachants ». Ancien saxophoniste de jazz converti à la "street-photograhy" (mais toujours avec la même science de de l’improvisation), le Parisien a alors arpenté les rues de la "Carolofornie", comme on plaisante ici.


Voyage en Carolofornie © N. Portnoï

Dunkirk © N. Portnoï

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Il en a tiré, là aussi, une série tranchant avec les images d’Épinal collant à la région. Des clichés certes subjectifs mais sincères, « au-delà de tout cynisme ».

The Dude - Ces photographies débordent de couleurs (« surlignées avec un coup de flash ») et surtout d’humanité – ce travesti chantant et acclamé dans un bistrot en furie, ces surprenantes tenues de mariage. Nicolas Portnoï cite d’ailleurs le Belge Harry Gruyaert ou Martin Parr « pour sa façon d’approcher les gens, sa témérité ». Les frères Cohen aussi, en commentant cette image d’un monsieur au bonnet rouge au regard menaçant et, disons, bien

portant. À y regarder de plus près, notre homme semble tout droit sorti de The Big Lebowski. « Ce qui m’a intéressé c’est sa présence, énorme.

« LE LONG DES USINES DÉSAFFECTÉES, ON SE CROIRAIT DANS BLADE RUNNER » Autour de lui les gens semblent tout petits, renvoyant à la symbolique des contes de fées ». Les géants du carnaval en arrière-plan achèvent la mise en abyme, sublime. Au final, peu importe qu’elles soient rêvées ou pas : la Carolofornie et la cité de Jean Bart n’ont pas trouvé meilleur ambassadeur. Julien Damien À VISITER

/ www.nicolas-portnoi.com

Dunkirk © N. Portnoï

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© Jean-Luc Feixa

Tétris made in Belgium


L’amour du maillot © Jean-Luc Feixa

JEAN-LUC FEIXA Autels particuliers Les Belges n’ont pas attendu le confinement pour communiquer avec le monde extérieur par des biais détournés. Dans la série Strange Things Behind (Belgian) Windows, le photographe français Jean-Luc Feixa témoigne d’un folklore national bien singulier : l’exposition d’objets hétéroclites derrière ses fenêtres. Dans les rues de la patrie de Magritte se déploie un bazar parfois bizarre, où l’humour et la poésie débordent souvent du cadre. Bustes égyptiens, autel à la gloire d’Elvis Presley, animaux empaillés, jouets, figurines servant des installations ésotériques… Il s’en passe de belles derrière les fenêtres belges, souvent érigées en musées très personnels et ouverts sur la rue. De cette habitude incongrue, Jean-Luc Feixa a tiré une série de photographies aussi loufoques que poétiques. « Au

gré de mes trajets quotidiens, j’avais déjà observé des trucs bizarres posés derrière ces fenêtres. J’ai donc décidé de creuser la question ».

« LES BELGES SONT DES ARTISTES QUI S’IGNORENT » De Bruges à Ostende, de Liège à Charleroi, ce Français installé à Bruxelles arpente depuis trois ans


© Jean-Luc Feixa

à des scènes intrigantes, à l’image de ce renard en peluche sombrant derrière une vitre. Mais le plus souvent, la pose demeure intentionnelle, et cette version ancestrale d’Instagram fait alors cohabiter kitsch et culture pop, patrimoine et histoires personnelles… Bref, tout et son contraire (dans le sillage de Magritte) : une ventouse pour WC appuyée sur un crâne humain, un bouddha à côté d’une licorne dorée, des bataillons de poupées…

Goûte mes disques

« MON ACTIVITÉ PEUT PARAÎTRE LOUCHE » les rues du plat pays « en voiture, à vélo et à pied », en quête de ces avant-scènes dadaïstes, saisies avec un smartphone ou un appareil photo. Familier de l’argentique et du noir et blanc, il privilégie ici la couleur et l’efficacité du cadrage. « Le principal problème était d’éviter les reflets lumineux ». Les ennuis, aussi. « J’avoue rester peu de temps sur les lieux, mon activité pouvant paraître louche… ».

Intimité publique - Pourquoi cette étalage de babioles ? Les raisons sont nombreuses. « Parfois, il s’agit simplement d’un oubli, l’objet a été abandonné derrière les rideaux et n’est alors ni tout à fait dehors, ni dedans », dans un entre-deux surréaliste. Ces omissions aboutissent

Si ce petit théâtre de l’étrange témoigne de la fameuse belgitude, savant dosage entre poésie, humour et excentricité, il révèle surtout une indéniable créativité, consciente ou non. « C’est de l’art brut en fait, les Belges sont des artistes qui s’ignorent ». Imaginée bien avant la crise du Covid, cette série dit également une certaine solitude. Jean-Luc Feixa y voit ainsi « une volonté de dialogue, de partage. Il s’agit d’ouvrir son intérieur à l’extérieur, dévoilant à la rue des choses parfois intimes ». Une sacrée piste aux étals. Julien Damien lire / Strange Things Behind (Belgian) À Windows de Jean-Luc Feixa (Luster), 208 p., 17,50 €, www.lusterweb.com + La version longue de cet article sur lm-magazine.com


© Jean-Luc Feixa © Jean-Luc Feixa

Le kitsch c’est chic

La mort dans l’âme

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Stavanger (Norvège) © Julien Damien

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EMEMEM As de carreau Connaissiez-vous le "flacking" ? Initiée en 2016 par un dénommé Ememem, cette pratique consiste à boucher les nids-de-poule, les fissures lézardant la chaussée et les murs avec des fragments de céramique ou de faïence. Colorés et poétiques, ses pansements pour trottoirs se fondent parfaitement dans le paysage. Mais qui se cache derrière ce mystérieux styliste du bitume ? Avec Ememem, le goudron arraché par le passage d’un poids lourd ou les pavés descellés pendant une manifestation laissent place à de sublimes mosaïques. Il s’agit de "guérir" la ville, quelque part entre le street art et le kintsukuroi, tradition japonaise où l’on répare de la porcelaine en appliquant de l’or ou de l’argent sur les fêlures. Symboliquement, cet acte de résilience ancestral embellit la plaie, qu’elle soit physique ou psychologique. Une belle allégorie, qui sied parfaitement au discret Lyonnais. « Mon travail consiste à mettre en lumière les blessures du tissu urbain, au sol ou en façade, dans un esprit de raccommodage créatif et d’invitation au rêve, commente-t-il. Les œuvres s’infiltrent dans l’architecture quotidienne. Elles créent de l’imprévu, des discontinuités

Lyon, 2021

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de formes et de couleurs qui bousculent les codes de l’urbanisme. C’est un prétexte pour ré-enchanter la ville ». Généralement, les "flacks" sont posées de nuit, dans l’anonymat, et révélées au petit matin. De Paris à Sète, en passant par Turin, Barcelone ou même la Norvège, ces fresques s'invitent aux quatre coins du globe. Ouvertes aux parte-

nariats, ces interventions jalonnent certains festivals, répondent à des commandes (de collectivité, d’association…). Enfin, Ememem et son équipe conduisent les ateliers participatifs, ne laissant ainsi personne sur le carreau - et c’est bien urbain. Julien Damien

À VISITER / www.ememem-flacking.net

Lyon, 20??

arts visuels – 114



LE TENDRE ESPACE Liberté de panser Non, le street art n’est pas réservé aux graffeurs – que pourtant nous aimons beaucoup ! À Arras, ce sont les photos délicates et cotonneuses de Frédérique Dimarco qui s’exposent façon implants muraux, comblant ici un creux, remplaçant là une brique. Une invitation à redécouvrir la ville le nez en l’air. Au départ de cette proposition inédite il y a l’envie d’Eric Le Brun, fondateur de l’agence Light Motiv, d'imaginer une autre forme d’art urbain. Après avoir mis au point une technique de tirage photo par émulsion sur de la terre cuite, il a proposé à Frédérique Dimarco de présenter sa série Le Tendre espace. Celle-ci résonnait avec le thème du dernier salon du livre d'Arras interrogeant la notion de "sauvagerie". Restait à dénicher, dans l’ancienne capitale de l’Artois, les " blessures" des façades pour les soigner en beauté. « Nous sommes partis en balade avec l’équipe, en quête de creux dont nous avons pris les empreintes. Puis nous avons sélectionné les images les mieux adaptées aux formes parfois biscornues », se souvient


© Frédérique Dimarco

la photographe aixoise, qui s’est tournée vers l’abstrait après un voyage initiatique en Algérie.

Conte mural - Du quartier Saint-Michel au Musée des beaux-arts, le passant devra ouvrir l’œil pour apercevoir ici une impression végétale, là un ours mélancolique. Et flâner de places en ruelles pour progresser dans ce conte mural. « Cette façon originale de montrer mes clichés les rend plus intimes, énigmatiques. Cela ajoute de la poésie et c’est très émouvant », observe Frédérique Dimarco, qui accroche en parallèle le reste de la série à la galerie L’Œil du Chas. D’autres murs (en intérieur cette fois) pour accueillir Le Tendre espace, histoire de prolonger la rêverie. Marine Durand Le Tendre espace – Parcours photographique inédit Arras, divers lieux en ville, www.lightmotiv.com + Exposition rras, jusqu’au 18.07, galerie L’Œil du Chas A mer, jeu, ven & dim : 14 h – 19 h • sam : 10 h – 19 h, gratuit À VISITER / www.frederiquedimarco.com arts visuels– 117


© Coralie Cardon - Timougies

Chasses aux trésors en Wallonie

Musée ou muser ? Aucune hésitation, on prend les deux ! Cet été on s’évade en famille, un smartphone à la main, pour des chasses aux trésors ludiques et gratuites avec le patrimoine wallon pour décor. Alors… à vos chargeurs. Prêts ? Partez ! Balades pour accros aux écrans Pour réveiller notre âme d’enfant ou occuper autrement nos loustiques, voici une petite sélection d’énigmes à résoudre en famille pour découvrir la Wallonie. Comptez en moyenne

Nivelles - Collégiale Sainte-Gertrude © WBT - Denis Erroyaux

1h15 pour des balades de 3 km.

On connait Geocaching®, dont les chasses aux trésors sont déjà présentes sur tout le territoire wallon. De nouvelles applis, gratuites, sont disponibles sur Appstore et Googleplay. C’est le cas de Totemus, une appli gratuite 100% wallonne à mi-chemin entre les jeux de piste et le Géocaching®. Le principe ? La valorisation des richesses du patrimoine wallon par le jeu. Près d’une trentaine de sites allient le sport, avec différents niveaux de balades de 3 à 7 km, la culture, grâce à la mise en valeur des richesses et du savoir-faire wallon (contes et légendes, art, gastronomie…), et l’aventure. Tout au long du parcours, les chasseurs sont invités à résoudre des énigmes qui font appel à leur sens de l’observation : trouver une date au pied d’une statue, compter le nombre de fenêtres d’un bâtiment, renseigner le nom d’une rue…Ils cumulent des points (les totems). A la clé, en échange des points, il y a des bons cadeaux culturels à gagner tels que des entrées dans des attractions. Il y a des chasses dans toute la région ! Du côté de Dinant, on peut suivre le Geoquizz de Wallonie, un jeu numérique itinérant, subtile mélange entre jeu de piste et quizz, pour partir à la découverte du patrimoine mosan de manière ludique et interactive. Cette vingtaine de quizz est répartie sur douze communes de part et d’autre de la Meuse. On peut également relever les défis des 5 gardiens du bouclier


Publi-communiqué en Haute-Meuse dinantaise pour vivre des aventures emplies d’histoire et de patrimoine dans cinq lieux mythiques de la vallée. Tout au sud-est, aux confins des méandres de la Semois que domine le château de Godefroid de Bouillon, il faut suivre la fée Luna et les gardiens de la forêt. Une aventure palpitante qui conduit la famille dans le massif forestier de la Semois et de la Houille. Cette intrigue fait vivre les spécificités légendaires, culturelles et historiques de chaque commune et les mystères de la forêt environnante.

pour mener l’enquête et résoudre des énigmes. Ainsi, c’est gratuitement que l’on recherche l’auteur du vol du chapeau de Napoléon lors des Aventures du Pays des 4 bras à Genappe. A moins de suivre les aventures de Martine, on suit celles des Magiciens de la forêt perdue à Tournai. Pour 10 €, il faut aider les frères Lakass et Brisakk à rendre accessible la forêt magique du centre-ville. Le sac contient tous les éléments nécessaires à la résolution des énigmes de cette enquête qui vous conduit aux quatre coins de la ville pendant plus ou moins deux heures. Le serment des 7 pierres sera prêté dans cinq villages autour de Dinant pour 13 €. Avec Mes aventures d’enchanteur en Condroz-Famenne, les petits bouts de chou vivront onze rencontres magiques avec leur kit d’apprenti sorcier disponible dès 9 €.

Puzzle, déduction, jeu des 7 erreurs, observations sur le terrain...de nombreuses animations ont été pensées au service des deux intrigues d’Aventures Liège : La Canne d’or et l’Anneau de Saint-Lambert. Tout en s’amusant, cette application permet d’apprendre quelques mystères de la cité ardente et de son cœur historique en se basant sur l’observation.

Aventures ludiques déconnectées Stop aux écrans pour la tribu ? Pour les familles qui cherchent la déconnexion, il y a les sacs aventure-jeu, à réserver et retirer auprès des offices de tourisme. Le principe ? Un sac avec un plateau, des cartes, des accessoires

Info pratique : Un publi-communiqué de Wallonie Belgique Tourisme Les applis sont disponibles sur App Store et Google Play. Les sacs-aventures, dans les offices de tourisme. Plus d’idées et d’infos sur visitwallonia.be/fr/chasses-au-tresor facebook.com/TourismeWallonieBelgique instagram.com/tourismebelge

© Naturaparc

Cascade du Bayehon © WBT - David Samyn

Sous forme de BD ou de cartes au trésor, l’office de tourisme de Liège ne manque pas d’idées de circuits découverte de moins de 2 km.


Vue d’exposition © Julien Damien

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Luciano Castelli, Portrait d’indiens Rainer & Luciano, 1981, Pigments sur toile, 160 x 200 cm © Adagp, Paris, 2021

LIBRES FIGURATIONS, ANNÉES 80 Génération spontanée Keith Haring, Basquiat, Futura 2000, Robert Combas… et bien d’autres ! Les musées de Calais rapprochent une cinquantaine d’artistes majeurs de la fin du xxe siècle. Soit plus de 200 œuvres réparties dans une double exposition, à la croisée du graffiti, du punk ou de la BD. Ces peintures, sculptures (ou mêmes vêtements) dessinent les contours d’un mouvement célébrant son quarantième anniversaire : les Libres figurations. On ouvre bien les yeux, et on prend une grande bouffée d’art. arts visuels– 121


Extraterrestres, 1986, Acrylique, 59,2 x 79,4 cm, Collection Paquita Escofet Miro © Valery Alakhov

6 Colorées, drôles, irrévérencieuses, délurées… et diablement revigorantes ! Telles sont les Libres figurations. L’appellation regroupe plusieurs courants apparus aux quatre coins du globe, quasi simultanément, au début des années 1980 : la Figuration libre en France (Robert Combas, Hervé Di Rosa, Rémi Blanchard), le graffiti aux États-Unis (Keith Haring, Crash), mais aussi les Nouveaux Fauves en Allemagne ou les Nouveaux Artistes en Russie. Leurs points communs ? Ils sont jeunes, iconoclastes, anti-consuméristes et fracassent les codes pour

inviter l’art dans notre quotidien. Ces artistes puisent leur inspiration dans la pop culture : la bande dessinée, le clubbing, la SF, le punk… Sans oublier le petit écran, vecteur de grands bouleversements. « Le déclencheur de cette vague fut en effet l’apparition de la télévision couleur dans les foyers, décrypte Pascale Le Thorel, commissaire de l'exposition. D’un bout à l’autre de la planète, tout le monde voyait les mêmes images ».

« CES ARTISTES EXPRIMENT UNE ÉNERGIE VITALE »

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Caisse Haring - Formellement, ces œuvres se caractérisent par l’emploi du cerne noir (renvoyant à la BD), une palette vive et surtout une grande liberté, notamment dans la représentation des drogues ou du sexe - témoin de mœurs idoines. « On est chez Rabelais, les artistes expriment une énergie vitale ». Celle-ci est palpable dans cette double exposition calaisienne. Elle vibre par exemple sur les grandes toiles de Hervé Di Rosa (La Rue du malheur) emplies de scénettes et d’un grouillement de personnages hallucinés « un peu comme chez Jérôme Bosch ». Du côté des Amé-

ricains, on admire la virtuosité à la bombe de Futura 2000 et une pièce inédite de Keith Haring, qui a dessiné un Radiant Angel sur le capot de la voiture de la sœur de François Boisrond, autre pilier français du courant.

Dernière fête avant fermeture L’autre belle découverte calaisienne se situe du côté des Russes. La censure (encore d’actualité) n’a jamais arrêté Afrika, Timur Novikov ou Oleg Kotelnikov. Chez eux, tous les supports sont bons pour exprimer leur rage : rideaux de douche, papier bulle, sacs plastiques, bouts de bois...

Vue d’exposition © Julien Damien

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C'est l'autre caractéristique de ces créateurs. « On peignait sur tout et n’importe quoi ! », se souvient le Brésilien Roberto Cabot, qui s’est attaqué à la façade des Beaux-Arts de Paris.

« ON PEIGNAIT SUR TOUT ET N’IMPORTE QUOI ! » Si la joie traverse ces peintures ou sculptures, une angoisse pointe aussi à l'horizon : celle de la fin de l’humanité, engendrée notamment par la menace nucléaire - "no future", en somme. François Boisrond prophétisait ainsi l’effondrement des Twin Towers dès 1981. « L’émergence

du Sida est également tangible. Nombre d’artistes succomberont d’ailleurs au virus, qui aura raison du mouvement », rappelle Pascale Le Thorel. Nous sommes à l’orée des années 1990. Les libertés régressent peu à peu, le capitalisme a raflé la mise. Mais 40 ans plus tard, à l’ère post-Covid, ces Libres figurations apparaissent comme un phare dans l’obscurité. Julien Damien

Calais, jusqu’au 02.01.2022 Musée des beaux-arts, mar > dim : 13h-18h Cité de la dentelle, tous les jours sauf mar : 10h-18h pass deux musées : 5 / 4 € (gratuit -5 ans) www.calais.fr

Vue d’exposition © Julien Damien

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Q(ee)R Codes BXL - Gaia Carabillo, Place de la Constitution, 2020 © Anna Raimondo

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BXL UNIVERSEL II : MULTIPLI.CITY Bruxelles, ville-monde Deuxième chapitre d’une trilogie initiée en 2016, BXL Universel est un portrait subjectif de la capitale belge et européenne. Après s’être intéressé aux folklores (et avant l’utopie), ce projet original se penche sur une facette primordiale de l’identité bruxelloise : le cosmopolitisme. À l’heure du repli sur soi et de la résurgence des nationalismes, cette exposition aiguise notre regard sur l’autre et souligne le rôle fédérateur de la culture - plus essentielle que d’aucuns le pensent.

Un pied dans la ville, un autre dans le monde. Ainsi va la foisonnante Bruxelles, où cohabitent près de 200 nationalités, soit « la seconde cité la plus cosmopolite au monde, derrière Dubaï », rappelle Tania Nasielski, l’une des commissaires de cet événement. Et pour faire le lien entre les deux ? L’art bien sûr, ici servi par la Centrale. C’est tout le propos de BXL Universel dont le deuxième volet (multipli.city) célèbre le « vivre-ensemble » et la diversité culturelle, dans tous les sens du terme. Celle-ci s’incarne dans le format des œuvres mais aussi le choix des onze artistes présentés ici, originaires des quatre coins du globe et tous établis dans la capitale belge. Pensé comme une "exposition-forum", ce parcours laisse

également une belle place au public, invité à dialoguer avec les curatrices où les créateurs dans un espace dédié. « Nous envisageons ce projet comme une conversation, un échange avec les associations locales et les artistes ».

« LA SECONDE CITÉ LA PLUS COSMOPOLITE AU MONDE, DERRIÈRE DUBAÏ » Intimité publique - La plupart des créations ont d’ailleurs été conçues avec les Bruxellois, à l’instar de l’Arbre à palabres du Belge Stephan Goldrajch, constitué de pièces de broderie, de couture ou de crochet réalisées par de jeunes enfants comme des

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Vue d’exposition, 13 BXL Universel II : multipli.city, Centrale, 2021 © Philippe De Gobert

personnes âgées – histoire de tisser du lien. De son côté, l’Italienne Anna Raimondo a recueilli la parole de femmes ou membres de la communauté LGBTQ, leur demandant de choisir un endroit spécifique de Bruxelles résonnant avec un événement joyeux, triste ou violent, mais toujours très intime de leur existence (Q(ee)R Codes). Ces douze témoignages sont disponibles numériquement. « Il y a un QR code pour chaque lieu et participant.e. Ils sont disséminés dans l’expo et la ville », explique Carine Fol, la seconde cu-

ratrice. Dans le même esprit d’ouverture, l’Algérien Oussama Tabti expose une série de sonnettes, invitant chacun à appuyer sur le bouton pour écouter les récits de personnes immigrées et qui ont fait de Bruxelles leur nouveau foyer. « Beaucoup de ces œuvres témoignent de parcours de vie qui sont ici partagés avec le public », observe Tania Nasielski. Soit une belle façon d’aller à la rencontre de l’autre. Une démarche salutaire, après des mois d’isolement et de solitude. Julien Damien

ruxelles, jusqu’au 12.09, Centrale For Contemporary Art, mer > dim : 10 h 30-18 h 8 > 2,50 € B (gratuit -18 ans), centrale.brussels arts visuels – 128



Niki de Saint Phalle, Dawn jaune, 1995 © Niki Charitable Art Foundation / ADAGP, Paris, 2021 Photo : © Linda and Guy Pieters Foundation, Saint-Tropez


NIKI DE SAINT PHALLE Dame épique Après tant de restrictions, une destination s’impose : le Touquet-ParisPlage. Il s’agit bien sûr de profiter de l’air marin, mais aussi d’un grand vent de liberté. En l’occurrence au musée municipal qui met à l’honneur l’immense Niki de Saint Phalle. Icône internationale d’un féminisme alors naissant, l’ancienne mannequin devenue artiste développa une œuvre pop, exubérante et plus que jamais contemporaine. À l’heure de MeToo, de l’émergence d’un nouveau féminisme ou du mouvement "body positive", c’est peu dire que l’œuvre de Niki de Saint Phalle résonne avec notre époque. « Son art est d’abord celui d’un combat pour l’émancipation des femmes », observe Henry Périer, le commissaire. Elle veut être l’égale du sexe dit fort, et même un peu plus… « Je veux être supérieure : avoir les privilèges des hommes et garder ceux de la féminité, tout en continuant à porter de beaux chapeaux », a un jour déclaré l’artiste.

L’affranchie - Cette lutte s’incarne évidemment dans ses fameuses Nanas, monumentales silhouettes rondes et colorées. On en admire deux au Touquet, dont cette Big Lady de plus de deux mètres trônant au sein de la Villa Way Side. « Le modèle de ces sculptures fut son amie Clarice Rivers, alors enceinte ». Il s’agit là de réaffirmer la place des femmes dans l’espace public, mais aussi de trancher avec les canons de beauté sexistes véhiculés par la société. On apprend bien d’autres choses au fil de ce parcours chronologique, rassemblant une quarantaine d’œuvres. Entre la série des Tirs et son mirifique Jardin des Tarots, on découvre par exemple ce mobilier zoomorphe (vases en forme de grenouille, tables et tabourets ornés de serpents) encore méconnu. Ces pièces permirent de faire entrer son art par essence "pop" dans les foyers – et surtout les esprits. Julien Damien Le Touquet-Paris-Plage, jusqu’au 05.09, Musée du Touquet-Paris-Plage, tous les jours sauf mardi : 10 h - 12 h 30 & 14 h - 18 h 30, 3,50 / 2 € (gratuit -18 ans), www.letouquet-musee.com À LIRE / La version longue de cet article sur lm-magazine.com

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CENTRE D’INNOVATION ET DE DESIGN L'appel de la nature Le design n'inspire pas seulement la production de nouveaux objets, il répond aussi aux enjeux (nombreux) que traverse la société. Tel est le mantra du CID. L’eau, le bois et le feu sont au centre des deux nouvelles expositions du musée, reliant le passé, le présent et (on l’espère) le futur. Le CID a toujours eu le chic pour aborder les problématiques contemporaines par le prisme du design. Après l’alimentation (Serial Eater) ou le monde végétal (Plant Fever), le musée s’intéresse à la pénurie d’eau menaçant notre pauvre espèce. Selon le World Resources Institute, 37 pays doivent déjà composer avec le manque d’or bleu… Que faire ? Intitulée Après la sécheresse, cette nouvelle exposition réunit quelques solutions de créateurs inspirés, à l’image de Shaakira Jassat. Cette Sud-Africaine a inventé une machine à thé préparant le breuvage en condensant la vapeur d’eau flottant dans l’air ambiant. Rien ne se perd ni se crée, tout se transforme - et se récupère ! Kaspar Hamacher l’a bien compris, lui qui travaille exclusivement avec le bois… et le feu. Un second accrochage visible dans le vaste magasin aux foins de l’ancien charbonnage et en extérieur met à l’honneur l’œuvre de ce Isabelle Daëron - Chantepleure © Fabien Breuil discret Belge (Terre mère) qui envisage son art comme une forme de spiritualité. Cet artisan, comme il se définit, frappe, fend, creuse ou brûle le bois pour en extraire autant d’objets et de pièces de mobilier uniques, dans le respect de l’environnement. Il défend ainsi une relation plus prégnante entre l’Homme et la nature. À méditer d’urgence. J.D. Hornu, Centre d’innovation et de design, mar > dim : 10 h-18 h, 10 > 2 € (gratuit -6 ans) www.cid-grand-hornu.be APRÈS LA SÉCHERESSE. L’ÉTAT AQUATIQUE

Jusqu’au 25.07

KASPAR HAMACHER. TERRE MÈRE

Jusqu’au 26.09

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Première restitution de l’ensemble des lettres, N, Y… © Karine Faby

LETTRES DE VERRE En toute transparence Designer mondialement reconnu, Jean-Baptiste Sibertin-Blanc n’aime rien tant que sculpter le vide. Accueilli en résidence d’artiste au MusVerre en 2020, il s’est lancé dans un projet des plus ambitieux : façonner les 26 lettres de l’alphabet en usant des principales techniques du verre – une matière qu’il connaît bien, ayant notamment collaboré avec Saint-Gobain ou la Cristallerie Daum. Soufflage, bombage, travail à la flamme, pâte de verre… Pour réaliser ces œuvres, il s’est entouré des meilleurs verriers d’Europe. En découlent des pièces uniques, jouant avec les couleurs, la lumière, la transparence et nos perceptions. Un "B" aux courbes bonhommes, un "I" élancé, un "S" ondulant… Ces lettres sont accompagnées de dessins préparatoires au sein d’une scénographie immaculée. Dans ce bel écrin de Sars-Poteries, elles dialoguent discrètement avec des créations signées Jacques Villeglé ou Annette messager, entre tradition et innovation, artisanat et art contemporain.

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Sars-Poteries, jusqu’au 09.01.2022, MusVerre mar > dim : 11h-18h, 6>4€ (gratuit -26 ans), musverre.lenord.fr

arts visuels – 134



Marguerite Burnat-Provins (1872-1952) L’Opinion, Ma Ville, 1929 Collection privée, Lausanne (Suisse) © Infolio éditions

DERRIÈRE LES IMAGES

MARGUERITE BURNAT-PROVINS Née à Arras en 1872, Marguerite Burnat-Provins fut peintre, dessinatrice, mais aussi écrivaine, journaliste, militante écologiste avant l'heure et même... commerçante. Une énigme, donc. Et tout cas une rebelle, rétive à toute catégorisation. André Gide parlait ainsi de la Franco-Suisse comme « d'une extraordinaire créature ». Le Musée des beaux-arts tente de percer le mystère de cette figure trop méconnue, exposant plus de 200 œuvres. On découvre notamment ses personnages chimériques, mianimaux mi-humains (qui ont passionné les psychiatres), ses grandes toiles naturalistes ou la série Ma ville, évoquant Bruegel l’Ancien. Une vraie découverte.

La Première Guerre mondiale marque un nouvel essor pour la photographie, devenu un incontournable outil d'information de masse. En quatre ans, des dizaines de milliers d'images, prises par des professionnels ou des amateurs, reflètent la mobilisation du pays. Quelles histoires cachent-elles ? Comment furent-elles produites ? Cette sélection de clichés rarement montrés offre un nouveau regard sur cette période comme sur les Hauts-de-France. Notre-Dame de Lorette, jusqu'au 11.11 Mémorial'14-18 mer > dim : 10 h-13 h & 14 h-18 h gratuit, memorial1418.com

Arras jusqu'au 15.08, Musée des beauxarts, mar, mer, jeu, ven & sam : 10 h-18 h dim : 10 h-18 h, gratuit, www.arras.fr Fernand Cuville, Reims, deux poilus place Royale. Marne, 1917 © Fernand Cuville/Collection Mick Micheyl – Jean-Baptiste Tournassoud/ECPAD/ Défense/AUL 21

arts visuels – 136



Mineur à la toilette, pastel et fusain sur papier © Centre Historique Minier

MÉTAMORPHOSES Trois hectares arborés, dans la campagne de l'Avesnois : le site à lui seul vaut le coup d'œil. Durant l'été, la Chambre d'eau vibre aussi au rythme de concerts, de spectacles et d'un parcours d'art contemporain. Soit une dizaine d'installations et de sculptures illustrant le thème des "métamorphoses". Où l'on découvre, entre autres, les ballets mécaniques de Stéphane Cauchy, jouant avec le mouvement de l'air et la circulation des fluides.

Né en 1880 à Anzin, Lucien Jonas fut surnommé le "peintre des mineurs". Fidèles à la noirceur du charbon, ses toiles au fusain témoignèrent de la vie ouvrière des Hauts-de-France. Il s'agissait de « copier en critiquant sans railleries, sans méchanceté, les gens, les types, les physionomies ou les petits travers caractéristiques de mon temps ». Second prix de Rome en 1905, il participa à la Grande Guerre et réalisa des peintures dans les tranchées. Il fut aussi illustrateur de billets de banque et exécuta de grands décors - notamment pour l'hôtel de ville et le théâtre d'Anzin. Autant de facettes, pour certaines méconnues, ici révélées. Lewarde, jusqu'au 03.10 Centre historique minier, tous les jours : 9 h-19 h 30, 6,70 € (gratuit -5 ans) www.chm-lewarde.com

© Atelier Bivouac

LUCIEN JONAS

Le Favril, 15.07 > 03.10 La Chambre d'eau, ven, sam & dim : 14 h-18 h (15.07 > 03.08) • sam & dim : 14 h-18 h (26.08 > 03.10), gratuit (visite avec médiatrice : 3 €), www.lachambredeau.fr (+ Festival Eclectic Campagne(s) : 09 > 11.07)

arts visuels – 138



NOOR / PULSE Collectif indépendant, l’agence Noor se compose de 14 photographes et signifie "lumière" en arabe. Ce parcours présente leurs travaux menés autour du monde et leurs sujets fétiches, tels que les crises migratoires, politiques et climatiques car, disentils, « certaines choses ont besoin d’être vues ». Plus que de simples clichés, l’exposition propose également une expérience immersive grâce à un contenu augmenté, plongeant le visiteur dans une série d’archives sonores, visuelles et textuelles inédites. Charleroi, jusqu’au 19.09, Musée de la photographie mar > dim : 10 h-18 h, 7 > 4 €, (gratuit -12 ans), museephoto.be

RIMBAUD D’AUJOURD’HUI CHARLÉLIE COUTURE

BYE BYE HIS-STORY, CHAPTER 505 La naissance de l’écriture marque celle de notre civilisation, et aussi le début des ennuis : religion, luttes identitaires... 60 artistes bousculent nos croyances pour mieux défendre ce bien commun. Allusion au concept féministe de "herstory", le titre de l’exposition s’amuse du mot anglais désignant l’Histoire. Dans After the End, Nicolás Lamas présente ainsi des traces humaines (casque de moto, moulage de têtes antiques) dans un frigo-sarcophage-mausolée, posant en filigrane cette question : que restera-t-il de nous ?

Douai, jusqu’au 23.08 Musée de la Chartreuse mer > lun : 10 h-12 h & 14 h-18 h, 4,70 / 2,35 € (gratuit -18 ans), museedelachartreuse.fr

La Louvière, jusqu’au 26.09, Centre de la gravure et de l’image imprimée mar > dim : 10 h-18 h, 8 > 2 € (gratuit -12 ans) www.centredelagravure.be

Cruche à embouchure trilobée © RMN Grand Palais Christophe Chavan

Le saviez-vous ? C’est dans la cité de Gayant que le jeune Rimbaud composa Ma bohème et Le Dormeur du val. Ceux-ci figurent dans un recueil de 22 poèmes d’ailleurs baptisé Les Cahiers de Douai. Célébrant les 150 ans de cette escapade nordiste, le Musée de la Chartreuse donne carte blanche à CharlÉlie Couture, grand amoureux de "l’homme aux semelles de vent", et expose une quarantaine de ses peintures et dessins. Cette fois, c’est bien le moment de rêvasser.

LES TABLES DU POUVOIR Quand la grande histoire rejoint la petite. De la Mésopotamie à l’Élysée, cette exposition retrace 5 000 ans d’histoire des arts de la table. Riche de près de 400 œuvres, entre vaisselle, peintures, sculptures ou pièces d’orfèvrerie, le parcours décrypte les liens entre le repas et le pouvoir, tout en éclairant nos comportements actuels, fruits d’un héritage séculaire et finalement assez méconnu. Où l’on passe du service de Louis XV à celui de Jacques Chirac, avant de scruter les assiettes d’Emmanuel Macron... Lens, jusqu’au 26.07, Louvre-Lens, tous les jours sauf mardi : 10 > 5 € (gratuit -18 ans), www.louvrelens.fr arts visuels – 140



FESTIVAL DE LA PHOTOGRAPHIE DE PAYSAGES ET DE NATURE 21 expositions présentant 230 photographies réparties sur huit communes... et surtout un grand bol d’air ! Telle est la promesse de la première édition de ce festival. Comme son nom l’indique, cet événement célèbre la beauté des paysages, de la faune et de la flore du site des Deux-Caps, sans conteste un joyau naturel des Hauts-de-France. En sus, des balades sauvages sont assurées par des guides passionnés, et s’effectuent même à bicyclette le long de la Vélomaritime. En selle, donc. Les Deux Caps, jusqu’au 26.09, divers lieux, gratuit, www.lesdeuxcaps.fr

BIG RÉTRO

COLORS, ETC.

Depuis 2009, l’association Epsilone organise à Lille le Battle International de Graffiti (BIG, donc). Lors de ce spectacle unique, des graffeurs s’affrontent sous les yeux du public et selon des règles imposées. Cette exposition retrace dix ans de performances et de fresques à travers des photographies, sérigraphies, lithographies... On fait le bilan, calmement ? Oui, mais pas seulement. En sus d’ateliers ou de DJ sets, trois figures historiques du BIG réalisent une œuvre originale sur la façade du Flow.

Quel son produit une couleur ? Peuton la toucher ? Lui associer une odeur ? L’utiliser pour se soigner ? Voici le genre de questions pas si incongrues que l’on se pose au Tripostal. D’abord programmée dans le cadre de "Lille, capitale mondiale du design", cette exposition tombe finalement à pic. Elle dévoile sur trois étages et 6 000 mètres carrés une impressionnante palette d’œuvres contemporaines et de designers inspirés, stimulant les sens comme l’imagination.

Lille, jusqu’au 25.07, maison Folie Moulins mer > dim : 14 h-19 h, gratuit, maisonsfolie.lille.fr

Lille, jusqu’au 14.11, Tripostal mer > dim : 11 h-19 h, 9 / 7 € (gratuit -26 ans) www.lille3000.eu

NI MÉCHANT NI GENTIL !

© DR

Que n’a-t-on pas entendu sur le loup ! Au sein d’un musée en pleine transformation, cette exposition (destinée aux 3 – 7 ans) répond à une question souvent formulée par les enfants : l’animal est-il gentil ou méchant ? Ni l’un, ni l’autre. Au sein d’une scénographie conçue comme un pop-up, le parcours confronte les différentes représentations du loup dans la littérature (tantôt sympathique ou effrayant… voire en slip !) aux données scientifiques expliquant le véritable mode de vie du Canis lupus. Lille, jusqu’au 09.01.2022, Musée d’histoire naturelle lun, jeu & ven : 12 h 30-17 h • mer : 9 h 30-17 h sam & dim : 10 h–18 h, 5 > 2,60 € (gratuit -12 ans), mhn.lille.fr arts visuels – 142



ARNE QUINZE. MY SECRET GARDEN À Mons, on se souvient en 2015 de The Passenger, immense assemblage de poutres en bois dont il s’est fait une spécialité depuis plus de 25 ans. Arne Quinze (prononcez “Couin’tze”) est de retour dans la cité du Doudou. Le BAM accueille la première grande exposition rétrospective consacrée à l’artiste flamand en Belgique. Entre installations monumentales, peintures, dessins et maquettes, My Secret Garden dévoile un processus de création hors norme, puisant ses racines dans la nature. Arne Quinze, Rosa Forrestiana, 200 x 200 cm © Dave Bruel

Mons, jusqu’au 29.08, BAM, mar > dim : 10 h–18 h 9 / 6 € (gratuit -6 ans), www.bam.mons.be

MONS AU TEMPS DE WAUDRU. ITINÉRAIRES MÉROVINGIENS En Wallonie, les Mérovingiens ont le vent en poupe. Tandis que Mariemont vient de nous catapulter dans le monde de Clovis, Mons revient sur les pas de Waudru. Cette sainte, née en 612, est considérée comme la fondatrice de la ville, faisant bâtir un oratoire sur les hauteurs d’une colline autour de laquelle naîtra la cité du Hainaut. Cette exposition retrace ainsi le développement de la commune entre la fin du Ve et du VIIIe siècle, via une foultitude d’objets du quotidien découverts dans la région. Mons, jusqu’au 22.10, Artothèque jeu > dim : 10 h -16 h, 6 > 2 € (gratuit -6 ans) www.artotheque.mons.be

MATIÈRES SENSIBLES Initiée par l’Institut français, la saison Africa favorise à travers l’Hexagone un dialogue artistique entre l’Afrique et le vieux continent. À Roubaix, la Condition Publique a donné carte blanche au collectif ghanéen Exit Frame. Parmi une multitude d’événements, l’exposition Matières sensibles dévoile les œuvres d’une quinzaine de créateurs. Ils sont originaires du Maroc, de Tanzanie, du Congo… mais tous partagent une même ambition : dessiner l’Afrique d’aujourd’hui. Roubaix, jusqu’au 25.07 La Condition Publique mer > dim : 14 h - 18 h, mer > dim : 13 h 30-18 h 5 / 2 € (gratuit -18 ans) laconditionpublique.com

GIORGIO GRIFFA. MERVEILLES DE L’INCONNU Des lignes et arabesques, de subtiles touches de couleurs lumineuses ou pastel, de larges espaces vierges peuplés de mots et de chiffres… Considéré comme l’un des peintres les plus radicaux de sa génération, Giorgio Griffa fut jusqu’ici peu représenté en France, où sa dernière exposition d’envergure remonte à 2016, à Arles. Rendons grâce au LaM de Villeneuve d’Ascq, qui consacre à cette figure discrète mais majeure un parcours à l’image de son art : empli de mystères et de poésie. Villeneuve d’Ascq, jusqu’au 28.11, LaM, mar > dim : 10 h-18 h, 7 > 5 € / gratuit (-12 ans), www.musee-lam.fr arts visuels – 144



mot de la fin

© Erik Burke

Le

ERIK BURKE

www.eriktburke.com

En plein retour de «hype», le vinyle a trouvé en Erik Burke l’un de ses plus fervents admirateurs. Pour preuve cette fresque érigée sur le mur d’une brasserie, à Reno aux Etats-Unis. L’artiste y représente une pile de disques aux tranches usées par le temps, où se côtoient quelques grands classiques : Ready to Die de Notorious BIG, Live at Folsom Prison de Johnny Cash ou Give ‘Em Enough Rope de The Clash. Et oui, c’est vrai, ils prennent un peu plus de place qu’un smartphone...




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