N°175
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AVRIL
2022
/
GRATUIT
ART & CULTURE
Hauts-de-France / Belgique
SOMMAIRE magazine
LM magazine 175 - avril 2022
NEWS - 08 La vie sans plastique Les marques de la discorde FC Spotify Clavier du futur ? Entre et prends ! Festival Demain Maxi’Mômes ÉVÉNEMENT
Saype © Valentin Flauraud
Urbain.es - 12 Terrain d’enjeux
Youth is Great - 106 Rêvez jeunesse !
PORTFOLIO - 74
Alber Figures libres
RENCONTRE
Mark Jenkins & Sandra Fernandez - 22 Scotchant Charlotte Adigéry & Bolis Pupul - 30 Le sens de la fête
© Alber
Bouli Lanners - 64 Fougue sentimentale
LE MOT DE LA FIN - 130
Leon Keer Fresque parfaite
L’Ombre d’un mensonge © Versus production – Brian Sweeney
SOMMAIRE Sélection
LM magazine 175 - avril 2022
MUSIQUE - 30
Charlotte Adigéry & Bolis Pupul, Benjamin Epps, Metronomy, Still Corners, Cate Le Bon, Thundercat, M. Ward, Jane Birkin, Dani, Joy Crookes, Franz Ferdinand, Grandaddy, Gregory Porter, Sparks, Fishbach, Les Nuits Botanique, Fontaines D.C., Beautiful Swamp Blues Festival, Agenda
CHRONIQUES - 60 Disques : Kae Tempest, Warmduscher, Erin Rae, Christian Lee Hutson, Peter Doherty & Frédéric Lo Livres : Nick Kent, Olivier Bruneau, Jon Halliday, George Samuel Schuyler, Djaïli Amadou Amal Charlotte Adigéry et Boris Pupul © Camille Vivier
Écrans : L’Ombre d’un mensonge, En corps, La Revanche des crevettes pailletées, Bruno Reidal, Drôle, En thérapie - saison 2
EXPOSITION - 82
Rome, la cité et l’empire, Créatures, bestiaires fantastiques de la bande dessinée, Aline Bouvy, Anto Carte, Agnès Thurnauer, Picasso et les avant-gardes arabes, Frieke Janssens & Servaas Van Belle, Agenda
THÉÂTRE & DANSE - 106 Youth is Great, Ce que j’appelle oubli, Le Dragon, Antigone à Molenbeek, Le P’tit Monde, Les Turbulentes, Le Misanthrope, George, Pablo Mira, Kheiron, Stéphane Guillon, Alex Vizorek, Agenda Pablo Mira © Aksel Varichon
MAGAZINE LM magazine – France & Belgique 28 rue François de Badts 59110 LA MADELEINE - F tél : +33 (0)3 62 64 80 09
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Direction de la publication Rédaction en chef Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com Rédaction Julien Damien redaction@lm-magazine.com Maïssam Mezioud info@lm-magazine.com
Direction artistique Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com
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Réseaux sociaux Sophie Desplat
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Impression Tanghe Printing (Comines) Diffusion C*RED (France / Belgique) ; Zoom On Arts (Bruxelles / Hainaut)
Ont collaboré à ce n° : Alber, Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Mathieu Dauchy, Marine Durand, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer et plus si affinités.
LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L’astrolab* - info@lastrolab.com L’astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours
L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales. LM magazine est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.
PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
Turn off the Plastic Tap © Benjamin Von Wong
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Flux tendu Élevé à plusieurs mètres au-dessus du sol, ce robinet déverse sans discontinuer bouteilles vides, tubes de dentifrice usagés et autres emballages. Signée par le Canadien Benjamin Von Wong, cette œuvre monumentale fut révélée en mars à Nairobi, à l’occasion du sommet mondial contre la pollution plastique. Où l’on apprenait, entre autres, que la production de ce sinistre matériau a quadruplé ces 30 dernières années, pour atteindre 460 millions de tonnes par an… dont seuls 9% sont recyclables. Ne serait-il pas temps de couper les vannes ? www.vonwong.com
Tandis qu’Auchan ou Leroy Merlin rechignent à quitter le pays de Poutine et tirer un trait sur leurs bénéfices malgré le massacre perpétré en Ukraine, de nombreuses marques internationales ont décidé de s'éloigner (jusqu’à nouvel ordre) du marché russe. Un boycott dont se délecte le Tchèque Václav Kudělka en détournant une quinzaine de logos iconiques. Ici Amazon devient "Amazoff", Adidas "Adios"… Nul besoin de vous expliquer l’astuce pour "Stopify", "Nyetflix" ou "Neinekein", si ? c @vkudinson
© Václav Kudělka
À VOS MARQUES, PRÊTS, PARTEZ !
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© DR
Tandis que Léo Messi fait désormais les beaux jours du PSG (rires), le FC Barcelone vient de signer avec un autre géant : Spotify. La plateforme de streaming va verser 70 millions d'euros par saison, durant quatre ans, au club catalan pour associer son nom au maillot des joueurs mais aussi au stade, rebaptisé "Spotify Camp Nou". Plus fortunée que jamais (elle a triplé sa valeur durant la pandémie) la société suédoise n'a pour autant pas prévu d'augmenter les revenus des artistes. Pour le jeu collectif, on repassera…
Glove 80 © MoErgo
LES ODIEUX DU STADE
COMME UN GANT Vendu comme le clavier le plus ergonomique au monde (et pour la modique somme de 267 euros), le Glove80 a été conçu pour épouser la forme de mains humaines. Modulable, minimaliste, équipé de repose-poignets, ce concentré de technologie et de design peut même se connecter en Bluetooth pour être utilisé sur une tablette. On attend avec impatience les lunettes-écrans, histoire de fusionner totalement avec son outil de travail. Chic alors ! www.moergo.com
À Lasécu de Lille, on touche les œuvres du regard... et on repart avec ! Soucieux de démocratiser la culture, l'espace d'art contemporain propose d'emprunter gratuitement, pour quelques mois, une photographie, une sérigraphie, une peinture ou une gravure pour laquelle vous auriez eu un coup de cœur lors de la visite de cette exposition. Il y a de quoi vibrer : celle-ci rassemble des pièces de Nina Childress, Jef Aérosol ou Françoise Pétrovitch. Lille, jusqu'au 23.04, Lasécu, mer & jeu : 14h-
18h • ven & sam : 14h-19h, gratuit, lasecu.org
© DR
Entre et prends !
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© Simon Gosselin
Festival Demain César du meilleur documentaire en 2016, Demain de Cyril Dion et Mélanie Laurent souleva une phénoménale vague d’enthousiasme, jusqu’à inspirer cet éco-festival. Car non, il n’est pas trop tard pour empêcher le péril climatique. À Mons, associations, artistes ou citoyens dessinent les contours d’un futur désirable. Où l’on apprendra, entre autres spectacles, conférences et ateliers, à mettre les mains à la pâte et dans la terre pour favoriser une alimentation plus saine. Une belle mise au vert. Mons, 20.04 > 01.05, divers lieux, 15 € > gratuit, surmars.be
© Marjolaine Mamet
MAXI’MÔMES Mini-spectateurs… mais maxi-spectacles ! Depuis 2011, ce festival convie la crème de la création pour le jeune public (de 12 mois à 99 ans), ici largement mis à contribution dans un programme proposant six spectacles et 16 heures d'ateliers. Après avoir appris les subtilités du langage des oiseaux à l’ombre d’un grand-nid cabane avec le collectif Maw Maw, les mômes s’initient aux arts du cirque ou participent à la fresque XXL créée par l’illustratrice lilloise ClOük. Bienvenue dans la cour des grands. Lille, 30.03 > 09.04, maisons Folie Wazemmes & Moulins, 1 spectacle : 5 > 2€ (lectures gratuites), maisonsfolie.lille.fr
L’heure des festivals – Après deux années couci-couça, la saison des festivals s’annonce flamboyante. Notre équipe est dans les starting-blocks pour vous concocter deux éditions spéciales. Rendez-vous dès le mois de juin. 10
Magda Sayeg, Bali, 2010 © Mike Piscitelli
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URBAIN.ES La voie est libre
Vous avez aimé Street Generation(s) ? Alors vous adorerez Urbain.es. Après le succès d'une première exposition célébrant 40 ans d’art urbain, en 2017, la Condition Publique remet le couvert. Ce nouveau parcours interroge cette fois la place de la femme dans la ville, toujours sous le regard avisé de Magda Danysz. La célèbre galeriste réunit à Roubaix œuvres iconiques et créations in situ, signées d'une vingtaine de street artistes du monde entier, et pour qui l’engagement n’est pas un vain mot. Qu'en est-il de la représentation de la femme dans l'espace public ? Vaste question à laquelle s'attaque cette exposition, dont la première partie pose des bases historiques. « À l'origine du graffiti, dans les années 1970-80, le regard porté sur la femme est d'abord très caricatural : elle est en général dévêtue, avec une grosse poitrine et de grosses fesses », commente Magda Danysz, la commissaire. Le milieu est alors très masculin, voire machiste, mais ces dames ne sont pas en reste. Lady Pink, présentée comme « la première graffeuse », se fit un nom dès les années 1980 à New-York. En France, on citera Miss. Tic et ses pochoirs poétiques ("J'ai du vague à l'homme") ou encore Robert Montgomery, Salvage Paradise, 2021
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Miss Van, connue pour... ses plantureuses pin-up.
qu'il a tirée de cet enlèvement – et ses demandes de rançon.
La rançon de la gloire L'aube des années 2000 marque un premier tournant, d'un point de vue formel et même conceptuel. Le Français Zevs (prononcer "zeus") commet un coup d'éclat retentissant, un sacré pied de nez à la chosification de la femme. « Nous sommes sur la place principale de Berlin, Alexanderplatz, et il y a cette énorme publicité Lavazza, une bâche de plus de 15 mètres de haut qui figure une mannequin quasi nue, pulpeuse, son intimité simplement recouverte par le logo de la marque... Bref, elle est présentée comme un objet ». Une nuit, Zevs va patiemment la découper au cutter et… la kidnapper. À la Condition Publique, on découvre l'"otage" originale, ainsi que la vidéo
État des lieux Pour autant, Magda Danysz se défend d'avoir monté une exposition féministe. Il s'agit avant tout de révéler la diversité de pratiques recouvrant le street art, entre abstraction (Maya Hayuk), sculptures hyperréalistes (Mark Jenkins et Sandra Fernandez), land art (Saype) et même phrases ou citations. Surnommé le "Banksy des mots", l'Écossais Robert Montgomery présente, sous forme de LED ou lettres en feu, des textes poignants ("l'amour est le temps qui rêve pour toujours") empruntant aussi bien à Sylvia Plath qu'à Guy Debord. Plus qu'une exposition donc, une véritable agora visuelle. Julien Damien
••• Roubaix, 31.03 > 24.07 La Condition Publique, mer > dim : 13h30-19h 8 > 3€ (gratuit -18 ans) laconditionpublique.com À visiter / danyszgallery.com À lire / L'interview de Magda Danysz sur lm-magazine.com
Swoon, Kamayur, Brooklyn, 2016 © DR
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ZEVS, Visual kidnapping, Berlin 2002
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URBAIN.ES YZ, Empress Akha, 2017
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Portrait YZ, Marianne © Olivier Metzger
YZ
Femmes puissantes
Le grand public connaît au moins une de ses œuvres : c'est à elle que l'on doit la Marianne qui illustre les timbres postaux français depuis 2018, soit l'affirmation d'une figure « forte, fière et volontaire ». Yseult Digan, aka YZ (qu'on prononcera "eyes"), n'en était pas à son coup d'essai. Voilà près de 20 ans que cette artiste franco-britannique orne les rues du monde de portraits, souvent féminins. Grandie dans un village de potiers, dans le Cher, cette fille de céramistes et sculpteurs s'est d'abord consacrée à la réalisation de documentaires avant de se tourner vers le street-art. ••• 17
© Julien Damien
« En fait, je creuse le même sillon, car j'effectue un important travail de recherche en amont de chaque fresque, dit-elle. Je tiens à rencontrer les habitants pour établir un lien avec le patrimoine, leur identité ». Pour ce projet intitulé Empress (soit "impératrice"), YZ s'est intéressée au parcours de plusieurs jeunes Roubaisiennes pour en choisir une. « En réalité c'est une synthèse de toutes les autres, symbolisant une femme puissante et fière de sa différence, ici symbolisée par ces ornements « Je tiens à rencontrer africains ». Ce visage qui nous accueille les habitants au bout de la rue couverte de la Condipour établir un lien tion Publique a été réalisé à l'encre de avec le patrimoine, Chine sur des panneaux de bois. Sa paleur identité. » rure est constituée d'éléments en métal récupéré. « Les couleurs sont un peu sépia, comme s'il s'agissait d'un personnage contemporain mais provenant d’un autre temps. C'est un clin d'œil à ses ancêtres, soulignant l'importance de nous reconnecter à nos racines ». Histoire de réconcilier passé et présent, et regarder l'avenir dans les yeux. Julien Damien À visiter / yzart.fr À lire / L'interview de YZ sur lm-magazine.com
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Photos : YZ, Roubaix 2022 © Maxime Dufour Photographies
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URBAIN.ES Un tissu social, SAYPE, Roubaix 2022 © Valentin Flauraud pour Saype
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SAYPE
La cour des grands
Saype © Valentin Flauraud
Guillaume Legros, aka Saype, s'est révélé avec ses fresques peintes sur des milliers de mètres carrés d'herbe, à flanc de montagne ou au pied de monuments, de Paris à New York en passant par Istanbul. Ici une fillette fabriquant un bateau en papier pour le poser sur un lac, là une immense chaîne humaine formée de mains tendues... Hautement symboliques, humanistes, ses créations sont réalisées avec une peinture biodégradable qu'il a lui-même inventée, et disparaissent au bout de quelques jours. Des images éphémères, mais inoubliables. « C'est l’essence même de mon travail : marquer les esprits par le gigantisme des œuvres sans que l’environnement n’en soit victime », indique le natif de Belfort, aujourd'hui installé en Suisse. Concrètement, il élabore d'abord un motif, place des marquages au sol avant de tracer ses aplats et dégradés avec un pistolet Airless. « Je ne vois pas « Marquer les esprits, grand-chose quand je peins. Le drone ne me sert qu’à prendre la sans que l’environnement photo finale. Un peu comme dans n’en soit victime. » la vie, c'est en prenant du recul sur une situation qu’on distingue les choses plus clairement ». Pour l'exposition Urbain.es, ce pionnier français du land art s'est inspiré de l'histoire industrielle de Roubaix, ancienne capitale mondiale du textile. Il a investi le toit végétalisé de la Condition Publique pour y concevoir deux énormes mains d'ouvrier et d'ouvrière se tenant par un fil. La même composition a été reproduite un kilomètre plus loin, au sein du parc Barbieux, pour mieux relier le quartier populaire du Pile à celui des anciens capitaines d'industrie de la ville, dans une puissante allégorie du tissu social. Julien Damien À visiter / www.saype-artiste.com À lire / L'interview de Saype sur lm-magazine.com
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URBAIN.ES Mark Jenkins et Sandra Fernandez, Roubaix 2022 © Maxime Dufour Photographies
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interview
Propos recueillis par Maïssam Mezioud
MARK JENKINS & SANDRA FERNANDEZ Scotchant Des jambes qui dépassent d’une poubelle, une tête enfoncée dans un mur, des silhouettes suspendues sur des lampadaires voire dans les airs comme à Roubaix, sur le toit de la Condition Publique... Bienvenue dans le monde déroutant de Mark Jenkins et Sandra Fernandez. Depuis 2006, ces Américains installent leurs sculptures hyperréalistes dans l'espace public, aux quatre coins du globe. Conçues avec du ruban adhésif, ces œuvres surgissent de manière improbable, et scotchent immanquablement les passants.
Pouvez-vous nous rappeler votre parcours ? Mark Jenkins : Je n’ai pas suivi de cursus artistique, j’ai étudié la géologie. Je visitais des expositions sans imaginer devenir moi-même un artiste ! Un jour, j’ai commencé à m’amuser avec du scotch, réalisant des moulages avec des objets puis mon propre corps. En les plaçant dans la rue en 2003, les gens ont immédiatement considéré cela comme de l'art, m'invitant à continuer. Deux ans plus tard j’ai rencontré Sandra et depuis on travaille ensemble. On a commencé à
habiller ces sculptures, cultivant un style hyperréaliste. Comment fabriquez-vous ces œuvres ? Mark Jenkins : On enveloppe nos modèles avec une pellicule plastique, ensuite on y ajoute du scotch, avant de vêtir l'ensemble. Et le tour est joué !
« On cultive un style hyperréaliste. » Sandra Fernandez : On peut réaliser toutes sortes de moulages avec notre méthode. ••• 23
© Julien Damien
Quand on utilise nos propres corps, les possibilités sont infinies. Il faut quand même être à deux pour concevoir ces moulages. Mark a essayé seul mais c’est très compliqué, on peut rester coincé ! Pourquoi vos personnages n'ontils jamais de visage ? Mark Jenkins : Parce qu'il serait réducteur de leur donner une identité. Et puis c’est difficile de façonner un visage crédible, cela risque d'altérer l'aspect hyperréaliste.
© Maxime Dufour Photographies
« Il s'agit de bousculer le train-train quotidien. » Comment choisissez-vous l'emplacement des sculptures dans la rue ? Sandra Fernandez : Certains endroits nous attirent pour leur architecture, d'autres à cause d'un détail, comme une boîte aux lettres.
© Maxime Dufour Photographies
Votre travail comporte-t-il une dimension humoristique ? Sandra Fernandez : Je vois mal les gens éclater de rire devant nos œuvres ! Mark Jenkins : Je pense qu’il y a un peu d'humour noir peut-être. Il est vrai qu'on peut rire de choses horribles, pour camoufler sa peur... Notre travail a plutôt tendance à perturber les gens. Imaginez, vous marchez dans la rue et tout d’un coup vous apercevez la silhouette 24
d’un gars qui a la tête dans le mur... Forcément, ça déstabilise !
Quelles œuvres dévoilez-vous à Roubaix ? Mark Jenkins : Nous exposons une sculpture sur le toit de la Condition Publique. Elle est en équilibre, avec un pied dans le vide. On dirait qu’elle va tomber mais elle n’a pas peur, il y a quelque chose de presque féroce ici. J’aime l’assurance qu’elle dégage. Sandra Fernandez : Oui, elle ressemble à une super-héroïne, sauf qu’elle ne saute pas du toit, elle le grimpe... Mark Jenkins : Nous dévoilons aussi une autre sculpture. Elle représente deux femmes très proches, liées entre elles par leur chevelure et semblant se chuchoter des choses. L'œuvre dégage une forme de tendresse, d’intimité. Je la trouve très féminine. À visiter / www.xmarkjenkinsx.com À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com •••
© Julien Damien
Quelles réactions espérez-vous susciter alors ? Mark Jenkins : Je conçois une œuvre d’art comme un symbole. Nos sculptures sont comme des points d’interrogation : Pourquoi sont-elles là ? Qu’est-ce que c’est ? Il s'agit de bousculer le train-train quotidien, générer une tension, que les passants lâchent un peu leurs téléphones et se reconnectent à la vie réelle.
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URBAIN.ES © Julien Damien
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ICY & SOT
Frères d'armes Pour Icy et Sot, de leurs vrais noms Saman et Sasan Oskouei, l’art est éminemment politique. Surnommés les "Banksy d’Iran", ces frères ont découvert le street-art adolescents, par le biais du skateboard. En regardant des vidéos sur le web, ils furent intrigués par les graffitis et tags recouvrant les murs. Très vite, ils se sont attaqués à ceux de Tabriz, leur ville natale. « Là-bas, c'est illégal, précisent-ils. Nos œuvres étaient systématiquement censurées par les autorités ». Frondeurs, ils n'hésitent pas à égratigner le pouvoir en place et sont incarcérés plusieurs fois. En 2012, le duo demande l’asile politique aux États-Unis, et ne retournera plus jamais en Icy and Sot, Emancipate, 2020, courtesy Danysz gallery Iran. Depuis, il s'est construit une solide réputation en usant de moult techniques (barbelé, fil « Les choses changent pour de fer...) et abordant des sujets les femmes, mais il y a encore ô combien sensibles, des réfugiés au changement climatique. énormément à faire. » À Roubaix, on découvre Let Her Be Free (2014), soit un pochoir sur toile montrant le visage d’une femme entourée d’un voile constitué d’oiseaux. On admire aussi une création in situ. Icy & Sot ont utilisé du grillage pour représenter une silhouette féminine détruisant un mur. « Nous voulons montrer que les choses changent pour les femmes, en Iran ou ailleurs, mais qu’il y a encore énormément à faire ». Et d'œuvres à créer, donc. Maïssam Mezioud À visiter / icyandsot.com À lire / L'interview de Icy & Sot sur lm-magazine.com
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© Camille Vivier
interview
CHARLOTTE ADIGÉRY & BOLIS PUPUL Extension du domaine de la fête
Après une poignée de morceaux emballants (High Lights, Cursed and Cussed), Charlotte Adigéry et Boris Zeebroek (aka Bolis Pupul) dopent le printemps avec leur premier album. En compagnie des frères Dewaele (Soulwax), les Gantois parachèvent un euphorisant mélange de house et musiques caribéennes ! Coup de maître, Topical Dancer a le chic d’aborder des sujets graves sans jamais se prendre au sérieux, mais secoue invariablement le dancefloor. Entretien avec le duo belge le plus excitant du moment. 30
© Camille Vivier
Quelle est l’histoire de votre duo ? Charlotte : On s’est rencontrés à Gand durant le tournage du film Belgica de Felix van Groeningen. Soulwax assurait la bande originale et avait créé des groupes fictifs desquels nous faisions partie.
« Cet album est un instantané de notre vision du monde. » Après l’enregistrement de ces morceaux, Stephen et David Dewaele m’ont invitée dans leur studio, mais j’étais trop intimidée. Ils l’ont ressenti et m’ont alors proposé de travailler avec Boris. Après quatre ou cinq jours on avait déjà un EP !
Comment définiriez-vous votre musique ? Peut-on parler de "dance music métissée" ? Charlotte : Exactement ! Notre son est très éclectique, convoquant un peu tous les genres. On est comme des éponges, absorbant tout ce qui passe. Quelle est l’influence des frères Dewaele sur votre musique ? Bolis : Stephen et David assurent le mixage des morceaux pour maintenir une cohérence. Ils nous donnent aussi beaucoup de conseils en studio. Je dirais qu’ils sont comme des chiropracteurs musicaux, car lorsqu’on est bloqués ils ont toujours une solution ! ••• 31
Il y a autre chose qui caractérise vos morceaux : l’humour… Charlotte : Oui, c’est très important. Cela nous permet d’évoquer des sujets sensibles comme le racisme, la misogynie, le post-colonialisme, sans rien revendiquer. On n’est pas moralisateurs, on ne se prend pas au sérieux. C’est notre façon de digérer des choses douloureuses en se moquant de la connerie humaine. Oui, dans le titre Blenda vous chantez par exemple « Retourne dans le pays auquel tu appartiens / Dis Siri, tu sais d’où je viens ? »… Charlotte : Ce sont des choses qu’on a vécues ou entendues, et pas juste une fois… « D’où vienstu ? » Eh bien nous sommes autant belges que chinois ! La house a toujours été une musique de revendication, on peut parler du Paradise Garage par exemple. Vous inscrivez-vous dans cette filiation ? Charlotte : Oui, beaucoup de gens ignorent que la house est d’abord une musique de noirs, et plus largement de minorités.
Comment Topical Dancer est-il né ? Bolis : On avait déjà écrit deux ou trois morceaux avant la crise sanitaire. Puis Stephen et David nous ont conseillé de sortir un disque. On a alors réuni nos chansons dans un album concept. C’est un instantané de notre vision du monde dans les années 2020, traversé par les questions de sexisme, de xénophobie, d’appropriation culturelle… Vous évoquez aussi les réseaux sociaux, n’est-ce pas ? Charlotte : Oui, c’est une évolution tellement puissante. Je pense que les gens ne savent pas encore bien utiliser ce média. Ils en abusent parfois jusqu’à devenir dangereux sous couvert d'anonymat. Cet outil polarise aussi les débats… c'est tout cela que l'on interroge. Que pourra-t-on voir et écouter lors de cette tournée ? Charlotte : Il y aura un éléphant sur scène, et Boris arrive sur le dos d’un tigre ! Plus sérieusement, on commence à avoir pas mal de morceaux sous le coude, il y a de quoi choisir. Ce sera donc un mix entre toutes nos chansons. Propos recueillis par Julien Damien
À voir / Bruxelles, 20.04, Ancienne Belgique, 19h, 25/24€, www.abconcerts.be À écouter / Topical Dancer (Deewee / Because Music) À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com 32
© Fifou
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BENJAMIN EPPS Egographie
Un homme qui titre un de ses morceaux Zidane en 2006 est forcément sensible à l’art de la dramaturgie. Benjamin Epps a en effet une idée très précise de l’histoire qui l’attend. Le kid de Libreville au Gabon a débarqué dans le rap français en 2020 avec une mine discrète, un EP baptisé Samba les couilles et l’intention ferme de détrôner les princes du jeu. Si les fortes têtes et concurrents ne manquent pas dans le rap, la stratégie de ce jeune rookie était elle inattendue : exit le bling bling et les productions embrumées. Lui compte sur un boom bap "à l’ancienne", lardé d'egotrip, et affiche des références peu usitées par ses contemporains (Notorious BIG, Westside Gunn). Le désormais Parisien clive aussi en assumant un flow peu spectaculaire mais frondeur. Ce faisant, il boucle la première partie du scénario qu’il s’est écrit : l’histoire du hip-hop est parsemée de disruptions cristallisées autour de grandes figures. Booba fut l’une d’elles. Epps lui promet une fin de règne. Mathieu Dauchy Lille, 09.04, Le Splendid, 20h, 27€, www.le-splendid.com Bruxelles, 12.05, Botanique, 19h30, 26,50 > 19,50€, botanique.be (Les Nuits Botanique, voir page 54)
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Metronomy, c’est une belle histoire. Au début des années 2000, un jeune Anglais introverti, Joseph Mount, rêvasse. De sons et de chansons. Des songes concrétisés dans sa chambre, seul face à son ordinateur. Des bricolages initiaux, alors marqués par une certaine frange de l’electronica anglaise, ne reste plus grand-chose. Désormais entouré d’un groupe solide et fidèle, Mount s’essaie (avec brio) à une pop volontiers orchestrée, cuivrée, lorgnant vers la soul avec un imparable sens de la mélodie – citons les tubes The Look, The Bay, Love Letters… Un rêve de gosse devenu bande-son de nos nuits ? Oui, une belle histoire, vraiment. T.A.
© Hazel Gaskin
METRONOMY
Bruxelles, 03.04, Ancienne Belgique, 19h, 34/33€, www.abconcerts.be Lille, 04.04, Zénith, 20h, 44/38,50€, www.zenithdelille.com
© Bernard Bur
STILL CORNERS Still Corners, soit "des coins tranquilles" en VF. Sans jouir de l’aura de Beach House (leurs grands frères), Still Corners persévère dans l’ombre, par amour de l'art. The Last Exit, dernier LP en date, pouvait inquiéter. La dernière sortie, vraiment ? À l’écoute de ce précipité de pop éthérée aux guitares nonchalamment acoustiques et trempées dans la brume, on se prend à rêver qu’ils n’arrêtent jamais. Ça tombe bien, un nouveau single vient de paraître. T.A. Lille, 04.04, L'Aéronef, 20h, 10 > 5€, www.aeronef.fr Sint-Niklaas, 06.04, De Casino, 20h, 18 > 12€, decasino.be
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© H. Hawkline
CATE LE BON
Douceur vénéneuse Depuis treize ans, à l’abri des modes, Cate Le Bon trace sa route. Et quelle route ! Sinueuse, tout en lacets et parfois bien raide. On la suivrait pourtant n’importe où. Accrocheuses, défricheuses, ses chansons renvoient rien de moins qu'à David Bowie, comme en témoigne Pompeii, son dernier album. Lorsque la Galloise apparut en 2009, nous fûmes intrigués par ces chansons tordues et enivrantes, clamées d’une voix de pythie de proximité. Nous songeâmes alors à la cousine de province des New-Yorkais The Fiery Furnaces… avant de tomber à la renverse en découvrant la suite : une poignée de disques rigoureusement indispensables, empruntant aussi bien au Velvet Underground (chansons à l’os, scoliose de guitares, rythmiques bien raides) qu’à la douceur d'un folk pastoral britannique. Cate Le Bon, c’est la mélancolie et l’étrangeté, une douceur vénéneuse qui jamais ne hausse le ton, préférant jouer avec les rythmes et les sons pour faire surgir le bizarre au milieu de l’harmonie. Pas étonnant que se pressent à son portillon tout ce que l’indie rock compte de têtes plus ou moins chercheuses. Ainsi de Tim Presley, qui formera avec elle Drinks, ou du plus classique Kurt Vile. Surtout, Cate Le Bon fut invitée aux manettes d’albums de Deerhunter ou de Josiah Steinbrick en tant que productrice. Ce qui pour une femme, aussi étonnant que cela puisse paraître en 2022, demeure rare. Rien que pour ça, la Britannique est l’une des artistes majeures de ce début de siècle. Vous n'y croyez pas ? Rendez-vous dans quelques années. Thibaut Allemand Bruxelles, 11.04, Ancienne Belgique, 20h, 20/19€, www.abconcerts.be 38
Un homme qui tire son pseudonyme du dessin animé Cosmocats (ThunderCats, en VO) aura toujours notre sympathie. Et puis, la seule mention de son CV en dit plus que de longs éloges : Suicidal Tendencies, Flying Lotus, Erykah Badu, Kendrick Lamar, Childish Gambino, N.E.R.D.... on en passe. Surtout, le Californien relève de ces bassistes (à six cordes) qui jonglent entre hip-hop franc-tireur, jazz psychédélique, soft-rock, electro et soul. Le tout avec une présence et un look impressionnants, façon Bootsy Collins. Et visionnaire, avec ça : en 2011 paraissait son premier LP, The Golden Age of Apocalypse. Avouez que c’était prémonitoire ! T.A.
© Quinn Dunziela
THUNDERCAT
Anvers, 09.04, De Roma, complet !, www.deroma.be
© Holly Andres
M. WARD Auteur d’une douzaine d’albums, et de six autres avec She & Him, M. Ward n’est pas du genre à chômer. Sur scène, la classe innée et l’humour pince-sans-rire en bandoulière, ce héros de Portland trimballe ses ballades belles comme tombées du ciel. Nourri au folk, à la pop et au jazz, Matthew Stephen Ward pourrait chanter le bottin qu’il nous collerait des frissons – il fait mieux, contant souvenirs personnels ou migrations humaines. Un songwriter précieux. T.A. Bruxelles, 15.04, Botanique, 19h30, 27,50 > 21,50€ www.botanique.be 40
© Nathaniel Goldberg // © Jb Mondino
Jeu de dames
DANI
JANE BIRKIN
VS
Icônes, égéries, muses... et surtout artistes. Jane Birkin et Dani ont toutes deux écrit, chacune à leur façon, quelques-unes des plus belles pages de la chanson française de ces 50 dernières années. Le temps passe, mais les œuvres restent. État des lieux. J.D. Figures - Jane fut une icône de la mode dans les années 1970 et 80, incarnant avec son style androgyne la quintessence du style bohèmechic. ◊ Dani fut l'égérie des plus grands photographes, de Jeanloup Sieff à Helmut Newton. Elle a même posé pour Bernard Buffet, fasciné par son coté "garçon manqué". Au cinéma - Jane Birkin a une filmographie longue comme une bobine. On y compte quelques navets et pas mal de chefs-d'œuvre comme Blow-Up d'Antonioni ou La Piscine de Jacques Deray. ◊ Dani fut plus discrète, mais a tout de même joué pour Truffaut, Lautner, Chabrol... Gainsbourg - Nul besoin d'expliquer l'influence de Gainsbourg
dans la carrière de Jane Birkin. Oui, il fut son Pygmalion (ou elle la muse) mais l'Anglaise a tout de même sorti 14 albums sans lui. ◊ L'homme à tête de chou a écrit pour Dani Comme un boomerang pour l'Eurovision... en 1975. Jugée trop sombre, elle ressortira 25 ans plus tard, et relancera sa carrière. Et maintenant ? - Entre deux relectures du répertoire du grand Serge avec un orchestre symphonique, Jane Birkin écrit, tourne et compose. Son dernier album, Oh ! Pardon tu dormais…, est mis en musique par Étienne Daho, et mâtiné de cet accent anglais mythique. ◊ Dani a sorti en 2020 Horizons dorés, élégant précipité de morceaux joués selon la formule guitare-voix.
Jane Birkin Bruxelles, 13.04, Cirque Royal, 20h, 54,50 > 35€ // Anvers, 18.05, De Roma, 20h, 49/47€ Lille, 19.05, Nouveau Siècle, 20h, 55 > 44€ // Sin-le-Noble, 21.05, Théâtre Henri Martel, 20h, 28 > 16€ Dani Woluwe-Saint-Pierre, 27.04, W:Halll, 20h30, 28/25€, www.whalll.be 42
© Carlota Guerrero, Sony Music UK
JOY CROOKES Clé de soul
C’est par un « heureux hasard », dit-elle, que sa carrière a débuté. À 14 ans, depuis sa chambre d'ado, Joy Crookes poste une reprise de Hit the Road Jack ! de Ray Charles, avant d'être repérée par une maison de disques. De la chance ? Sans doute, mais surtout un timbre de voix caractéristique, rauque et un brin vintage qui lui vaut des comparaisons avec Amy Winehouse. La Britannique est depuis la chanteuse la plus en vogue du moment dans les rues de Londres. Une voix de velours doublée d’un franc-parler déroutant, à l’image de Skin, premier album nimbé de jazz et de R&B. Elle y conte sa vie amoureuse, les rues de Brixton, célèbre le cosmopolitisme, forte de ses origines irlandaises et bangladaises, mais pas seulement. À rebours du tout-venant soul, Joy adopte aussi des positions politiques affirmées, n’hésitant pas à égratigner le gouvernement conservateur de Boris Johnson (du Brexit à son relatif sens de l’accueil) dans l’excellent Kingdom. Nommée en février dernier aux Brit Awards, aux côtés d’Adele et de Dua Lipa, Joy Crookes est repartie bredouille, mais n’a pas fini de faire parler d’elle. Maïssam Mezioud Tourcoing, 19.04, Le Grand Mix, 20h, 22 > 6€, legrandmix.com 44
© David Edwards
FRANZ FERDINAND L'âge de raison
À l’heure où paraît Hits to the Head, premier best-of d’une carrière quasi exemplaire, l’iconique groupe écossais, révélé au début des années 2000, brûle à nouveau les planches. L’occasion de redécouvrir sur scène, de Lille à Bruxelles, des morceaux qui ont marqué deux décennies… mais n’ont pas pris une ride. Revenir sur Franz Ferdinand c’est, avouons-le, un petit coup de vieux pour les quadras. C’est qu’on les a vu grandir, ces p’tits jeunes ! Enfin… pas tout à fait. En 2004, les Écossais d’adoption ont déjà, pour la plupart, la trentaine bien sonnée et en ont vu d’autres. Alex Kapranos croonait au sein de The Karelia et avait traîné ses guêtres dans un groupe ska punk, The Amphetameanies, comptant également un membre de… Belle And Sebastian ! Bref, ceci pour souligner que lorsque le succès leur est tombé dessus (imparables Darts of Pleasure ou Take Me Out), nos hommes étaient prêts. Et en avaient encore sous la semelle. Alors, certes, on peut désormais faire la fine bouche, dédaigner un troisième LP un peu éparpillé (seuls dans Berlin, ils s’essayaient maladroitement à l’electro) et lui préférer le quatrième, cours magistral de powerpop pour les amphithéâtres et les stades, ou leur collaboration avec les Californiens de Sparks (FFS). Mais force est de constater qu’à l’heure du best-of (soit l’âge adulte, pour un groupe) et malgré quelques changements de line-up, Franz Ferdinand demeure sur scène une formidable machine à hits et à la mécanique très précise. Impérial, donc. Thibaut Allemand Bruxelles, 21.04, Cirque Royal, 20h, 43€, www.cirque-royal-bruxelles.be Lille, 06.05, Zénith, 20h, 45/39€, www.zenithdelille.com 46
Grandaddy aura beau sortir les meilleurs disques du monde, on reviendra toujours vers The Sophtware Slump. Que voulez-vous, on ne s’est jamais remis de l’émerveillement ressenti à la fin du printemps 2000. Un album post-bug mariant la fragilité d’antiques synthétiseurs à la force de mélodies puisées dans le folk le plus pur et chanté d’une voix séraphique. Un disque mélancolique au futur antérieur. Aujourd’hui, Jason Lytle, après mille et une aventures en solo, reprend intégralement ce chef-d’œuvre avec des réarrangements "classiques" signés Jean-Christophe Cheneval. Pour une fois, on est bien content que Pépé radote. T.A.
© DR
GRANDADDY & THE LOST MACHINE ORCHESTRA
Lille, 21.04, L’Aéronef, 20h, 26 > 19€, www.aeronef.fr Anvers, 24.04, De Roma, 20h, 25/23€, www.deroma.be
© Erik Umphery
GREGORY PORTER Gregory Porter est avant tout un grand nom du jazz. Mais il a su dépasser ce cercle étroit grâce à Liquid Spirit (2013), troisième album qui remporta tous les suffrages. Moins extraverti qu’un Jamie Cullum, le natif de Sacramento amena son art en territoire pop sans rien renier de ses racines. Gospel, soul, hard-bop et autres couleurs cuivrées inondent les compositions de cet héritier de Bill Withers et de Donny Hathaway. Le dernier des géants ? T.A. Bruxelles, 23.04, Forest National, 20h, 69 > 52€ www.forest-national.be 48
SPARKS
Bruxelles, 22.04 Ancienne Belgique 20h, 35/34€ abconcerts.be
Cas barrés
Sparks, pour le dire vite, c'est "le groupe préféré de votre groupe préféré". Des génies de l'ombre qui ont inspiré plus d'un demi-siècle de musique, de Joy Division aux Rita Mitsouko. Fondé par les frères Ron et Russell Mael, désormais septuagénaires, ce duo californien creuse le sillon d’un rock symphonique où l'humour le dispute aux mélodies étincelantes. Un cabaret déjanté combinant tous les styles. À l'heure où sont réédités cinq de leurs albums sortis entre 2000 et 2009 (en sus du petit dernier, A Steady Drip, Drip, Drip) et où le cinéma français les honore d'un César, retour sur deux ou trois petites choses que vous ignorez peut-être. 50
pêle-mêle
NOM DE NOM !
Halfnelson. Pas du goût d'Albert Fondé en 1968, le duo s'appelait au début ds (et manager de Bob Dylan). Recor ville Bears label Grossman, le patron du les "Sparks Brothers", en tiser Celui-ci suggère aux frangins de se rebap . Ils ne garderont finadrôles si sont u'ils puisq ers, Broth Marx référence aux VF. en lement que Sparks - soit étincelles"
FAN CLUB
Glam rock, synthpop, disco, new wave... Ron et Russell Mael sont passés par tous les styles, qu'ils finissent par mélanger avec cet humour pince-sa nsrire faisant leur marque de fabrique. Tellement éclectiques qu'ils sont cités comme influence majeure par des artistes ou groupes aussi disparat es que New Order, Morrissey, Depeche Mode, Sonic Youth, Björk... La classe, quoi.
SPACE DISCO
rniens prennent à la fin des anImpressionnés par le tube I Feel Love, les Califo o Moroder. La collaboration Giorgi tant sollici en s degré 180 à nées 1970 un virage ment nimbé de disco. évidem album n, débouche sur The No. 1 Song in Heave
AWARE
Césarisés pour la BO du film Anne tte signé Leos Carax, les frères Mae l n'en étaient pas à leur coup d'essai. Pass ionnés de cinéma, ils avaient nota mment signé en 1998 la musique de... Pièg e à Hong Kong, avec Jean-Clau de Van Damme. Plus par sympathie pour le réalisateur, Tsui Hark, que pour le plus "aware" des Belges – désolé JC.
GIVE ME 5
When I'm With You, Town Ain't Big Enough for Both of Us, Beat the Clock, Cool Places, Singing in the Shower.
© Philippe Mazzoni
BAGARRE D'OPÉRETTE
sous le nom de Queen assurent En 1972, quatre jeunes blancs-becs réunis e du Marquee Club de Londres, l'entré t Devan s. la première partie de Spark porter leurs caissons... lesquels de Freddie Mercury demande aux frères Mael plus tard, le duo sort This Town ans Deux ». foutre faire « se lui suggèrent d'aller d’opérette qui inspirera granforme en au Ain't Big Enough for Both of Us, morce n'y trouve à redire. nne perso que sans ody, Rhaps ian Bohem dement
51
Fishbach Avec les yeux
© Luka Booth
(Les Disques Entreprise / Sony)
FISHBACH
Romantique sans toc Dans le monde des comics ou des séries, on appelle ça un retcon : un développement inattendu qui donne un sens différent à ce qu’on croyait connaître. Fishbach, c’est un grand retcon sur les a priori collant à la variété française eighties. Entre ses mains, le pompiérisme des guitares et la mélancolie des claviers renferment une force irrésistible autant qu'une salutaire fragilité. Sur scène, la native de Dieppe prouve qu’elle n’a rien d’un produit de studio vite emballé. Elle promène sa silhouette gracile et sa voix envoûtante de chansons symbolistes en hymnes fiévreux. Gardant le sens du tube chewing-gum (Démodé) en face du romantisme crépusculaire (Téléportation), seule en scène ou entourée, Flora Fischbach se joue des nuances comme des extrêmes. Rémi Boiteux
Avec Dans un fou rire en ouverture, on retrouve intact le talent de Fishbach pour marier Kate Bush et Jeanne Mas sous des synthétiseurs millésimés. Mais depuis cinq ans, la prêtresse rétro-futuriste embrasse un spectre musical plus large. Les guitares se font plus conquérantes (l’irrésistible rock FM à tue-tête de Tu es en vie) et les ballades plus atmosphériques (la brume de Nocturne ou Arabesque). Sa pop onirique s’aventure même là où on ne l’attendait pas (Quitter la ville, joué sur un fond de cordes). En suivant ainsi de nombreuses pistes, Avec les yeux est un album de variété au sens premier du terme – et une vraie réussite. R.B.
Amiens, 28.04, La Lune des Pirates, 20h30, 13 > 8€ Bruxelles, 29.04, Botanique, 19h30, 26,50 > 19,50€ botanique.be (Les Nuits Botanique, voir page 54) Dunkerque, 13.05, Les 4 Écluses, 20h, 15/12€ Tourcoing, 15.10, Le Grand Mix, 20h, 21 > 6€ 52
Après deux éditions un brin chamboulées, on se refait une joie de fouler les jardins du Botanique. Une fois encore, l’affiche est foisonnante. Chaque date paraît immanquable, mais il est hélas impossible de tout voir. Sélection drastique, donc, entre punk, dance ou folk soyeux. Thibaut Allemand
© Ebru Yildiz
LES NUITS BOTANIQUE
À plein pot !
MITSKI En 2019, le tube Be the Cowboy ouvrit pas mal de portes à Mitski. À l’heure du sixième album, les chansons de la Nippo-Américaine séduisent toujours… et intriguent, aussi. Inclassables, transcontinentales, elles ne renvoient pas vraiment à un genre ou une scène particulière. Mais tiennent avant tout à une voix grave, hiératique. Leur (grosse) production confèrent une grandeur charmante et désuète – on pourrait ranger cela avec désinvolture dans la pop commerciale. Mais de très haute tenue, comme le furent, dans des registres différents, Lorde ou Taylor Swift. L’émotion à fleur de peau, mais très travaillée. Vous voyez ? 30.04, complet ! (+ Tourcoing, 02.05, Le Grand Mix, complet !) Bruxelles, 27.04 > 16.05, Botanique, 1 concert : 29,50 > 12,50€, www.botanique.be Sélection / 27.04 : Oboy, Geeko… 28.04 : Gaëtan Roussel… // 29.04 : Hania Rani,
Fishbach… // 30.04 : Mitski, Lujipeka, Jawhar… 01.05 : Thylacine… // 02.05 : Tindersticks… 03.05 : Myd, Papooz, Lewis OfMan, Los Bitchos… // 04.05 : Crystal Murray… 54
© Colin Medley
© Eecoute Cheerie
LEWIS OFMAN
ANDY SHAUF
Signataire de quelques maxis séduisants, le Français a vu les choses en grand pour son premier album et s’est offert les services de la légende britannique Tim Goldsworthy (Unkle, LCD Soundsystem, Massive Attack, The Rapture…). Autant dire que l’homme s’y connaît, question mélanges qui détonent. Et le résultat est là : un disque dans l’air du temps mais affranchi des modes, une sorte de précipité dance pop imparable. Nul doute alors que la scène décuple un chouïa les effets de cette alchimie.
Depuis une douzaine d’années, Andy Shauf, jadis préposé aux fûts du groupe Captain, se construit une œuvre solide, entièrement vouée à la perpétuation d’un folk mâtiné d’inflexions pop voire jazz. Ce digne rejeton du regretté Elliott Smith ne se contente pas d’être un formidable songwriter. Le Canadien se révèle aussi en storyteller accompli, composant ses albums comme des petits romans. Un auteur qui n’a sans doute pas encore écrit le dernier, ni le plus beau de ses chapitres. À suivre…
03.05, 19h, 27,50 > 19,50€ (+ Myd & Papooz)
05.05, 19h30, 27,50 > 20,50€
VIAGRA BOYS
© Fredrik Bengtsson
Ici, les Suédois revisitent leur répertoire accompagnés d’un orchestre de chambre. Nimbés de cordes, Amphetanarchy ou Secret Canine Agent révèlent d’insondables et indicibles charmes capiteux. Le prochain LP serait même enregistré en compagnie de l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm... Évidemment tout cela est faux. Soyons sérieux : quand les Viagra Boys arrivent en ville, leur blues punk ne fait pas de prisonniers. D'ailleurs, on n’est pas sûr que la bande passe l’année. C’est le moment ou jamais, donc. 06.05, complet !
05.05 : Andy Shauf, Rodrigo Amarante… 06.05 : Viagra Boys… // 07.05 : Squarepusher, PC Music Label Night, Hubert Lenoir, Aksak Maboul, Laetitia Sadier… // 08.05 : Clap Your
Hands Say Yeah, Sega Bodega… 11.05 : Vendredi-sur-Mer, Léonie Pernet… 12.05 : Bagarre, Jacques, Benjamin Epps… 15.05 : P. Lapointe, Wet Leg, Erika De Casier… 55
FONTAINES D.C.
© Paul Good Night Films
On doit bien avouer que l’on n’a pas totalement compris l’engouement pour Fontaines D.C., groupe de rock ni pire, ni meilleur que, au hasard Shame ou Idles – autres mystères. On ne peut cependant ôter à ces formations l’honnêteté et la hargne, faute d’inspiration. Et l’on admet finalement que les Dublinois, qui mêlent violence brute et envolées poétiques, séduisent. À l’heure où un Pete Doherty s’assagit, il est temps que le flambeau soit repris. Peu importe la manière ? T.A. Anvers, 08.04, Trix, complet ! // Lille, 10.04, L’Aéronef, complet !
et aussi… VEN 01.04 MAGENTA
MAR 05.04 DEE DEE BRIDGEWATER
Bruxelles, Bozar, 20h, 42>9€ LES FOUTEURS DE JOIE
UKULELEBOBOYS
Lesquin, Centre Culturel, 20h, 10/6€ DANIIL TRIFONOV
Lille, Nouveau Siècle, 20h, 33>27€
Avion, Espace Jean Ferrat, 20h, 10/8€
SAM 09.04
Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15/12€
MER 06.04 TRENTEMØLLER
Bruxelles, Botanique, 19h30, 32.50>26.50€
SEA GIRLS
Bruxelles, AB, 20h, 15€
Anvers, Trix, 19h, 30€
CHAPELIER FOU ENSEMB7E
SUZANE
Lille, L'Aéronef, 20h, 22>14€ PONGO + UZI FREYJA
Arras, Théâtre, 20h30, 22>5€ DOMBRANCE + CHAMBERLAIN
Béthune, Théâtre municipal, 20h30, 34>17€
JEAN-LOUIS MURAT
CHIEN NOIR
Lille, La bulle café, 20h30, 15€ OLDELAF
Béthune, Théâtre municipal, 20h30, 22€
Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h30, 12>8€
J E U 0 7. 0 4
DIM 10.04
ACID ARAB
LAST TRAIN + BANDIT BANDIT
Charleroi, Rockerill, 22h, 15/12€
Mons, Maison Folie, 18h, 22/18€
IGORRR + OTTO VON SCHIRACH
JOHN TALABOT
AURORES BORÉALES - A. THARAUD
Anvers, Trix, 22h, 20>14€
Lille, Nouveau Siècle, 20h, 55>6€
SAM 02.04
JEAN-LOUIS MURAT
MÉLISSA LAVEAUX
LOFOFORA
Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 39,50>34,50€
TRENTEMØLLER
MER 13.04
Bruxelles, Atelier 210, 19h30, 18>15€ VENDREDI SUR MER
Lille, Le Splendid, 20h, 28€ DANAKIL
Divion, Complexe sportif Carpentier, 20h30, 15€ KID FRANCESCOLI
Oignies, Le Métaphone, 20h30, 15/18€ ACID ARAB
Bruxelles, VK*, 22h, 19€
LUN 04.04 WAYNE SNOW
Bruxelles, AB, 19h, 15€
Lille, Le Splendid, 20h, 35,90€ Charleroi, Rockerill, 20h, 15/12€ Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 23>6€
VEN 08.04 WHITE LIES + CHARMING LIARS
Gand, Vooruit, 19h, 35€
ALEX CAMERON + ROSIE ALENA
Oignies, Le Métaphone, 18h, 15>12€
LUN 11.04 JULIETTE ARMANET
ADRIEN GALLO
Lille, Le Splendid, 20h, 29,80€ DRY CLEANING
Tourcoing, Le Grand Mix, 20h, 14>6€
Bruxelles, Botanique, 19h30, 21,50>15,50€
RANDY NEWMAN
BEN PLG + SIMA
JEU 14.04
Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12>8€ BIG|BRAVE + FÅGELLE
Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 13/10€
Anvers, De Roma, 20h, 39/37€
JORDAN RAKEI + OLIVIA DEAN
Bruxelles, AB, 20h, 25/24€ OBOY
Lille, Le Splendid, 20h, 27,80€
56
BEAUTIFUL SWAMP BLUES FESTIVAL Apparu vers 1920 dans les plantations du sud des États-Unis, le blues n’en finit plus d’inspirer les courants, du rock au rap. À Calais, depuis 16 éditions, ce festival réunit quelques pointures du genre, à commencer par Luke Winslow King. Venu tout droit de La Nouvelle-Orléans, ce chanteur et guitariste incarne l’esprit même de cette musique à la fois rustique et urbaine. Outre Slam Allen, on citera aussi la diva nord-irlandaise Kaz Hawkins, pour un vibrant hommage à Etta James. J.D. Calais, 07 > 23.04, La Halle & divers lieux, 1 soir : 12€ • pass 3 soirs : 24 € (concerts «Off» et d’inauguration gratuits), calais.fr
PINK MARTINI
Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 49>35€
VEN 15.04 KT GORIQUE
Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15/12€ L'OR DU COMMUN
Bruxelles, AB, 20h, 30/29€ MDOU MOCTAR + MR THIBAULT
Roubaix, La Cave aux Poètes, 20h, 12>8€ SOPICO
Lille, Le Splendid, 20h, 27,80€
SAM 16.04 TEXAS
Lille, Le Zénith, 20h, 44>31€ JAHNERATION + SCARS & SELECTA ANTWAN
Lille, Le Splendid, 20h, 25,80€
DELGRES + ARASH SARKECHIK
Noyelles-Godault, Espace Giraudeau, 20h30, 10€
LUN 18.04 THE SISTERS OF MERCY
Bruxelles, AB, 20h, 43/42€
MAR 19.04 MILES KANE
Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 28€ TEXAS
Ostende, Kursaal, 20h, 59,50>39,25€
RICHARD KOLINKA + LOUIS BERTIGNAC + CALOGERO + MADEMOISELLE K + CALI
M E R 2 7. 0 4 EAGLES OF DEATH METAL
Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 89 > 39€
Anvers, Trix, 19h30, 32>28,50€
VEN 22.04
Lille, Le Zénith, 20h, 60>35€
MILES KANE
Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19€ OURS
Bully les Mines, Espace François Mitterand, 20h, 5€ RICHARD KOLINKA + CALOGERO + LOUIS BERTIGNAC + MADEMOISELLE K + CALI
Lille, Théâtre du Casino Barrière, 20h30, 89 > 39€
SAM 23.04 THE WAR ON DRUGS
Anvers, Sportpaleis, 18h30, 63>41€ DINOS
Bruxelles, La Madeleine , 20h, 27€ HUBERT FÉLIX THIÉFAINE
Bruxelles, Cirque Royal, 20h, 65>45€ TARAF DEKALE
Lille, L'Aéronef, 20h, 18>11€
EDDY DE PRETTO HANIA RANI
Lille, L'Aéronef, 20h, 15>5€ CAMELIA JORDANA
Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 32>24€ SANSEVERINO
Lille, Le Splendid, 21h, 31/18,60€
VEN 29.04 CHINESE MAN SCRATCH BANDITS CREW + BAJA FREQUENCIA+ ASM
Lille, L'Aéronef, 20h, 26>19€ HUBERT FÉLIX THIÉFAINE
Béthune, Théâtre municipal, 20h30, 44€ LES WRIGGLES
Oignies, Le 9-9 bis, 20h30, 12/9€ FLASHFORWARD : DAVE CLARKE
Charleroi, Rockerill, 22h, 25/20€
SAM 30.04 ALAIN SOUCHON
LUN 25.04
Bruxelles, Forest National, 20h, 69>39€
JOSÉ GONZÁLEZ + CAMILLE CAMILLE
BEKAR
Bruxelles, AB, 20h, 28/27€
MAR 26.04 EDDY DE PRETTO
JEU 21.04
Bruxelles, Forest National, 20h, 58>36€
ALCEST + HANGMAN'S CHAIR
TINDERSTICKS
Dunkerque, Les 4 Ecluses, 20h, 15/12€
Kaz Hawkins © Philip Ducap
Lille, Théâtre Sébastopol, 20h, 38>30€
Lille, Le Splendid, 20h, 22€ STRUCTURES + SERPENT
Béthune, Le Poche, 20h, 14/12€ GENERAL ELEKTRIKS
Douai, L'Hippodrome, 20h30, 22>5€ TAGADA JONES + CRISIX
Calais, Centre Culturel Gérard Philipe, 20h30, 20€
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disques Kae Tempest The Line is a Curve
(American Recordings Republic Records / Virgin)
Kate Tempest s’appelle désormais Kae Tempest, choisissant un alias plus neutre pour affirmer sa non-binarité, et ce n’est pas anodin. Cette figure du rap anglosaxon, à qui l’on doit aussi poèmes, romans (le remarquable Écoute la ville tomber) ou pièces de théâtre s’émancipe de toutes contraintes (de genre, mais aussi artistiques) et cet album en est le manifeste. « Moins de pression, plus de débit, s'il te plaît laisse-moi lâcher prise », entend-on dans More Pressure, soit une ode à la liberté mêlant boucles électroniques obsédantes et ce spoken word typique, scandé avec un léger accent cockney. Produit par Dan Carey (compagnon de route de Franz Ferdinand), ce quatrième disque s’aventure vers la techno (Move) mais aussi la soul lors d’un duo avec Lianne La Havas (No Prizes), marie pop et synthés (Salt Coast) ou se dépouille de tout apparat lors d’une merveille de chanson, accompagnée d’une simple guitare (Grace). « J’ai vu la lumière » avance l’artiste en donnant la réplique à Grian Chatten, le chanteur de Fontaines D.C., et on ne peut qu’y croire. Son prénom a perdu une lettre, mais Tempest a encore gagné en créativité, donnant tout son sens à la définition même du mot rap : rhythm and poetry. Julien Damien
Warmduscher At the Hotspot (Bella Union) Unissant des membres de ces grands fous de The Fat White Family, mais aussi de Childhood, Paranoid London et Insecure Men, ce groupe se fiche allégrement des modes et des aléas de l’actualité – non, on ne va trop causer Covid ou "résilience" ici. Warmduscher fait de la musique, tout simplement. Produit par Joe Goddard et Al Doyle de Hot Chip, ce quatrième album dégouline de stupre, de folie et de créativité décomplexée – sans doute un poil arrosée. Ces onze morceaux tanguent entre rock stoner bavard (pensez The Jon Spencer Blues Explosion), acid house indécente (Super Cool), funk et disco zinzin (Baby Toe Joe), évoquant à l’occasion le David Bowie des 70’s (Greasin' up Jesus). Bref, la parfaite BO pour glander une bière à la main, en attendant la fin du monde. Julien Damien 60
Christian Lee Hutson Quitters
Erin Rae Lighten Up
(ANTI- Records Boogie Drugstore)
(Good Memory)
Venue de Nashville, capitale d’une certaine idée (conservatrice et peu inspirée) de la country, Erin Rae séduit pourtant en évoquant les légendes – d’hier comme d’aujourd’hui. On songe forcément à Joni Mitchell ou Bobbie Gentry. À un T. Rex éthéré (True Love’s Face, saisissant). Mais aussi à Weyes Blood ou Cate Le Bon (dont on ne dira jamais assez de bien, voir page 38). À la façon de Father John Misty ou Jonathan Wilson (qui produit d'ailleurs l’album) l’Américaine plonge ses racines dans les riches heures de l’Americana et d’une country finement orchestrée, mais s’enrichit de nombreuses trouvailles mélodiques et d’un vibrato séduisant. Et comme toujours, avec ce genre souvent méprisé dans nos contrées : quels textes ! Thibaut Allemand
Certains disques surgissent sans crier gare, comme des miracles. C'est le cas de Quitters, deuxième essai de folk raffiné signé Christian Lee Hutson. Disons-le : celui-ci réveille chez l'auditeur une capacité d'émerveillement émoussée par des années d'écoutes parfois blasées. Avec sa sublime ouverture Strawberry Lemonade, l'album emporte immédiatement notre adhésion. Titre après titre, on s’ébaudit que le charme ne se rompe jamais, des cuivres qui hantent Age Difference aux claviers qui pleuvent sur Teddy’s Song. Les guitares cristallines, les textes ciselés, tout se pose délicatement comme dans le plus cotonneux des songes, rehaussé par une production magistrale. En toute simplicité, l'Américain signe ici un chef-d’œuvre. Rémi Boiteux
Peter Doherty & Frédéric Lo The Fantasy Life of Poetry & Crime (Strap Originals / Virgin)
Une résurrection ! Franchement, on était gêné de voir Doherty passer des jadis glorieux Libertines aux relous Puta Madres (ce nom, déjà…). Mais voilà : installé en Normandie, régnant sur Étretat comme un coq empâté, l’Anglais signe son meilleur disque depuis Grace / Wastelands, en 2009. En compagnie d’un artisan en or, Frédéric Lo, il ne lâche jamais les chiens mais croone fragilement d’une voix éraillée, délicate et brinquebalante. Piano, guitares légères et voiles de cordes nimbent l’ensemble. Soit une merveille d’orchestration faussement simple et vraiment sophistiquée. Des ballades inspirées, une reprise de Daniel Darc, un pastiche ou deux des Smiths… L’album qu’on n’attendait plus. La joie de retrouver un vieil ami. Parfait. Thibaut Allemand 61
livres Nick Kent The Unstable Boys (Sonatine) Nick Kent, figure de l’âge d’or du NME, puis du Libération des 90’s, pourrait à juste titre se pavaner sur sa gloire passée – d’autres ne s’en privent pas, cachetonnant même dans des revues d’extrême-droite (Patrick Eudeline, quel naufrage !). Le Londonien a heureusement un peu plus d’élégance et signe, à 70 ans, son premier roman. The Unstable Boys, formation fictive ayant connu son heure de gloire dans les 60’s, nous rappelle Johnny Thunders et ses Dolls, ou plus sûrement Vince Taylor. Les voici de nos jours, survivant comme ils le peuvent, ennemis mais (peut-être) réunis grâce à la ténacité d’un écrivain de best-sellers souhaitant renouer avec sa jeunesse, en pleine crise existentielle. Se croisent alors un critique rock à la trentaine fatigué, un vieux disquaire qui a toujours la flamme, une pute au grand cœur, un hacker cynique… On songe parfois à Vernon Subutex de Virginie Despentes. Mais là où la Lyonnaise alignait des portraits creux, Kent donne du corps, une âme, une histoire à ses personnages. Éclaboussé de réflexions acides et spirituelles sur la fascination pour les stars du rock et de la pop, ce roman se lit d’un trait, que l’on soit, ou non, familier du grand cirque rock’n’roll. 320 p., 21€. Thibaut Allemand
Olivier Bruneau Pharmakon (Le Tripode) Après avoir détourné les codes des films d’horreur de série Z (Dirty Sexy Valley) et ceux du polar SF (Esther), Olivier Bruneau s'attèle à l'anticipation. Son héros est un tireur d'élite œuvrant pour une société privée dans un pays en guerre jamais nommé (qui pourrait être l'Afghanistan) afin de protéger une raffinerie de pétrole. Le soldat va peu à peu perdre pied, rappelant par endroit la dérive de Travis Bickle dans Taxi Driver. Pour cause, il sert de cobaye à un traitement expérimental lui permettant de rester éveillé plusieurs jours et nuits d'affilée sans jamais éprouver de fatigue... Bruneau signe ici une fable cynique sur l'éternelle quête de performance. Un récit court, efficace, mais qui aurait mérité un plus large développement pour convaincre totalement. 128 p., 15€. Julien Damien 62
Jon Halliday Pasolini par Pasolini (Seuil)
Publié pour le centenaire de la naissance de Pier Paolo Pasolini, ce livre d'entretiens permet de traverser l'œuvre du cinéaste film par film. Peu axé sur la mise en scène, le questionnement serré de Jon Halliday offre surtout au réalisateur de L'Évangile selon Saint Matthieu (1964) ou de Porcherie (1969) l'occasion d'expliciter le contexte historique, social et culturel dans lequel s'ancre sa recherche artistique. Les transformations de l'Italie d'aprèsguerre se trouvent éclairées par le regard du poète. Remarquables de précision, les annotations de René de Ceccatty, traducteur et biographe de Pasolini, complètent les échanges où se mêlent intuition et théorie. Une riche iconographie achève de rendre cette lecture indispensable. 240 p., 32€. Raphaël Nieuwjaer
George Samuel Schuyler L’internationale noire (Sans soleil) Un groupe révolutionnaire noir, dirigé par le charismatique Dr Belsidus, souhaite libérer l'Afrique de l’impérialisme européen… Visionnaire ? Paru en feuilleton dans le Pittsburgh Review au début des années 1930, ce roman immédiatement accrocheur déroute, dérange, détonne. On est frappé par la modernité des thèmes abordés, entre SF, antiracisme, critique du colonialisme… Fascinant aussi, le parcours de Schuyler (1895-1977) : d’abord très à gauche, ce Noir américain finira franchement réactionnaire mais exercera une influence certaine sur les mouvements d’émancipation. Édité par une nouvelle maison très prometteuse, le premier volet de ce diptyque est une petite gifle – de celles dont on se souvient longtemps. 260 p., 14€. Thibaut Allemand
Djaïli Amadou Amal Cœur du Sahel (Editions Emmanuelle Collas) Lauréate surprise du Goncourt des lycéens 2020 (Les Impatientes), la Camerounaise Djaïli Amadou Amal reste ici en terres connues. Pour échapper à un destin tout tracé dans les champs, Faydé accepte un poste de bonne dans une concession de Maroua (Nord du Cameroun). Elle y découvre des conditions de travail éreintantes, le mépris des maîtres mais aussi la solidarité entre domestiques et le frisson de la vie nocturne. Tandis qu’un mal nouveau, Boko Haram, fait régner la désolation dans les campagnes, une autre menace plane sur les employées de maison, surtout quand elles sont jeunes et jolies... Dans une langue métissée, la romancière dit avec force toute la difficulté d’être femme dans un pays où l’honneur et les traditions ont plus de poids que les sentiments. 252 p., 17€. Marine Durand 63
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© Julien Damien
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interview
BOULI LANNERS Fougue sentimentale
Phil s’est exilé dans une petite communauté presbytérienne sur l'île de Lewis, au nord de l'Écosse. Une nuit, le Belge est victime d’un AVC et perd la mémoire. Millie, austère quinquagénaire résidant dans cet endroit isolé, va lui faire croire qu’ils étaient en couple… Ainsi débute L’Ombre d’un mensonge, histoire d’amour hors norme écrite, interprétée et filmée par Bouli Lanners. Pour son cinquième long-métrage, le Liégeois signe une romance tout en pudeur et sensibilité, doublée d’un magnifique portrait de femme – ici incarnée par la Britannique Michelle Fairley. Entretien avec un monument du cinéma belge, où il sera question de peinture, de sentiments et d’imposture. Propos recueillis par Julien Damien
Comment ce film est-il né ? D’un vieux rêve que je nourris depuis 20 ans : tourner un film en Écosse. J’ai une relation fusionnelle avec ce pays où je vais chaque année. Après Les Premiers, les derniers, je voulais aussi marquer une rupture dans mon travail, mais je ne savais pas quelle histoire raconter. Au départ j’avais acheté les droits d’un roman pour réaliser un thriller. Mais en relisant le bouquin je me suis rendu compte qu’il était vraiment mauvais. Je me suis alors installé sur l’île de Lewis, où j’ai des amis, et me suis remis à l’écriture.
Quel fut l’élément déclencheur ? Le morceau Wise Blood des Soulsavers. J’ai rapidement compris que je n'avais pas envie de filmer un polar mais une histoire d’amour. Les paysages de l’île m’ont beaucoup inspiré. Ce décor renvoie à l’imagerie du xixe siècle, cette confusion temporelle ajoutait du romantisme au récit. J’avais un peu peur de me lancer, car écrire une mauvaise histoire d’amour c’est la pire chose au monde, bien plus grave qu’une comédie ratée ! Mais je pense avoir l’âge pour aborder ce sujet. ••• 65
Pourquoi incarner vous-même le personnage de Phil ? Ce n’était pas mon choix initial. Je cherchais un comédien avec un physique particulier qui ne formerait pas un couple glamour avec Michelle Fairley. Il nous fallait donc quelqu’un dans la cinquantaine, éventuellement un peu gros. Et là, ma directrice de casting m’a dit : « on en a un sous la main… c’est toi ! ». Paradoxalement vos personnages semblent enfermés dans ces vastes espaces… Oui, c’était le challenge. J’ai situé le récit sur cette île, au sein d’une communauté presbytérienne pour montrer à quel point cette femme se sent prisonnière, psychologiquement et géographiquement.
« Je voulais marquer une rupture dans mon travail. » Comment le tournage s'est-il déroulé ? Dans des circonstances assez difficiles. Nous avions obtenu peu de financements, il faisait froid, puis il y a eu le Covid, le Brexit... ! En même temps c’était hyper enrichissant car nous avions l’obligation contractuelle de tourner avec des Écossais.
Vous êtes passé par l’Académie royale des beaux-arts de Liège. En quoi cette formation a-t-elle influencé votre mise en scène ? Je peins depuis toujours, en particulier de grands paysages industriels. Dans chacun de mes films il y a des références aux peintres, bien plus qu’aux cinéastes. Pour celui-ci je me suis inspiré des paysages anglais de John Constable, de William Turner mais aussi de l’Américain Andrew Wyeth, notamment pour les intérieurs. Quel regard portez-vous sur votre carrière ? Vous considérez-vous toujours comme un outsider… Je suis clairement un outsider, je n’ai jamais imaginé exercer ce métier, je voulais être peintre. Je me suis retrouvé à jouer totalement par hasard et j’étais très mauvais au début. Si j’ai pu continuer, ce n’est pas parce que j’étais bon mais parce que j’étais gros, d’où mon surnom. Car à l’époque on cherchait des physiques comme le mien. J’ai donc appris sur le tas avec des petits rôles me permettant de survivre. Quel était le contexte à l'époque ? J’ai eu la chance de démarrer lorsque le cinéma belge n’était pas encore une industrie mais un oxymore, comme "fromage américain" 66
© Versus production
ou "humoriste luxembourgeois". C’était le Far West ! Plus des trois quarts des gars que je croisais sur les plateaux n’avaient aucune formation. Selon moi le déclic s’est produit au tournant des années 1990 avec Toto le héros de Jaco van Dormael, où j’ai d'ailleurs obtenu mon premier rôle.
prix. Il est vrai que je me sens un peu plus légitime en tant que comédien et metteur en scène. D'ailleurs, on me propose de plus beaux rôles, je tourne avec Dominik Moll (pour La Nuit du 12), Thomas Lilti (la série Hippocrate), Claire Burger... Une nouvelle étape est en train de démarrer pour moi.
« Je suis toujours hanté par le syndrome de l’imposteur. »
À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com
Avec le temps ce sentiment a certainement évolué... Je suis toujours hanté par le syndrome de l’imposteur, qui parfois s’amenuise lorsque je reçois un
L’Ombre d’un mensonge De Bouli Lanners, avec lui-même, Michelle Fairley, Julian Glover, Clovis Cornillac… En salle
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© Emmanuelle Jacobson-Roques – CQMM
EN CORPS
Un pas de côté Cédric Klapisch signe son 14e long-métrage en trente ans de carrière. Après Le Péril jeune, L’Auberge espagnole et ses prolongements (dont la série Salade grecque, en cours de tournage) le réalisateur affine son observation de la jeunesse. Cette fois, il focalise sur le monde de la danse, sujet qui le passionne depuis des années. Garde-t-il le tempo ? Cédric Klapisch est un cinéaste culte. Sans doute grâce à ses portraits de la jeunesse française d'une grande justesse. Avec En corps, il saisit toujours l’air du temps, alternant légèreté et gravité. Il raconte ici le combat d’une danseuse classique. Elise, 26 ans, se blesse lors d’un spectacle. On lui apprend qu'elle ne pourra peut-être plus jamais exercer son art. Elle va alors se reconstruire, au sens propre comme au figuré, auprès d’une compagnie de danse contemporaine. Le film commence fort, avec une ouverture de plusieurs minutes d'une grande audace formelle, sans un seul mot. Il n’est question que de musique et de mouvements, avant qu’un générique d’une beauté fracassante (sur une musique de Hofesh Shechter et Thomas Bangalter, l’ex-Daft Punk) n’électrise le spectateur. Si la suite est plus attendue, En corps n’en demeure pas moins un spectacle populaire de qualité, criant son amour des artistes. Entourée de jeunes interprètes talentueux, Marion Barbeau (première danseuse de l'Opéra de Paris) impressionne dans son premier rôle. N’oublions pas que Cédric Klapisch est aussi un sacré découvreur de talents. Romain Duris ou Vincent Elbaz en savent quelque chose. Grégory Marouzé De Cédric Klapisch, avec Marion Barbeau, Hofesh Shechter, Denis Podalydès, Muriel Robin, Pio Marmaï... Sortie le 30.03 68
© Cyril Masson, Universal Pictures
LA REVANCHE DES CREVETTES PAILLETÉES Des idées dans la suite
Les Crevettes pailletées, comédie sur une équipe gay de waterpolo, fit 600 000 entrées en salles lors de sa sortie en 2019. Forts ce succès, Cédric Le Gallo et Maxime Govare replongent. Funeste symbole, cette suite censée se dérouler en Russie fut tournée en… Ukraine. Toujours aussi jubilatoire, le film s’avère plus profond que le premier volet. On retrouve ici toute la bande de potes à laquelle s’adjoint Selim, joueur d’une équipe de water-polo de banlieue. Censée prendre un vol pour les Gay Games de Tokyo, elle rate sa correspondance (suite à un quiproquo un peu forcé) et se retrouve en Russie. La suite des Crevettes pailletées est bien plus sombre que l’original. Bien sûr, elle comporte son lot de scènes drôles, portées par des comédiens à l’énergie communicative. Mais ce deuxième opus ose des thèmes plus lourds, voire tragiques. L’homophobie et les thérapies de conversion, dont sont victimes les gays en Russie (cela existe dans bien d’autres régions du globe, hélas), la violence qu’ils subissent dans les banlieues françaises, sont abordées sans détour. Cette suite, qui ne put être tournée en Russie pour des raisons évidentes, le fut en Ukraine. Depuis, les réalisateurs bouleversés par la guerre déclarée par Poutine, ont manifesté leur plein soutien à ce peuple meurtri et à l’équipe ukrainienne de water-polo avec laquelle ils ont tourné. Les meilleures comédies observent souvent les soubresauts du monde avec acuité. La Revanche des crevettes pailletées ne déroge pas à la règle. Grégory Marouzé De Cédric Le Gallo et Maxime Govare, avec Nicolas Gob, Alban Lenoir, Bilal El Atreby, David Baiot... Sortie 13.04 70
© Les Bookmakers / Capricci Films
BRUNO REIDAL, CONFESSION D'UN MEURTRIER Autopsie d'un crime L'affaire avait fait grand bruit en 1905. Sans motif particulier, Bruno Reidal tue et décapite François Raulhac, un gamin de douze ans, avant de se livrer à la police. Pour son premier long-métrage, Vincent Le Port tient moins à expliquer le geste qu'à se tenir face à son énigme. Posant avec ses camarades séminaristes pour un portrait de groupe, le jeune Bruno est rattrapé par le sentiment viscéral de sa différence. Un plan cadre alors ses chaussures fatiguées tandis qu'il les dissimule sous sa chaise. Épaules de guingois, regard par en-dessous, le jeune homme de 17 ans est souvent tassé sur lui-même, comme pour se protéger ou disparaître. C'est ainsi un mélange de fragilité et de retenue que Dimitri Doré, tenant là son premier rôle, a réussi à rendre sensible. La chose est d'autant plus délicate que Reidal est un être complexe, tourmenté depuis la prime enfance par de violentes pulsions. Le récit s'appuie sur les véritables confessions du garçon, rédigées à la demande de médecins dirigés par Alexandre Lacassagne. La précision de ses souvenirs laisse deviner la violence du conflit intérieur. Bruno aura-t-il finalement trouvé quelque apaisement à écrire ce qui l'avait tant tiraillé ? La force du film tient à la rigueur de sa mise en scène, permettant de se tenir au plus près du personnage sans pour autant donner une représentation complaisante de ses fantasmes et de son acte. Après des courts-métrages remarqués (Le Gouffre), Vincent Le Port s'impose comme un cinéaste à suivre. Raphaël Nieuwjaer De Vincent Le Port, avec Dimitri Doré, Jean-Luc Vincent, Roman Villedieu, Alex Fanguin... En salle 72
L'humour est une chose sérieuse... et pas toujours drôle. C'est, paradoxalement, ce qui fait la force de cette série créée par Fanny Herrero (à qui l'on doit Dix pour cent). Ces six épisodes racontent le parcours de quatre humoristes issus d'un comedy club parisien. Il y a le banlieusard timide mais à l'écriture flamboyante, l'ancienne vedette qui a perdu son "mojo", la jeune maman qui jongle entre sa vie de famille et sa nouvelle notoriété, et enfin l'étudiante en art tentant de s'extraire de son milieu bourgeois, pas franchement branché stand-up... Plus qu'une simple succession de blagues, il est question de lutte, d'abnégation et même d'amour. Ici les vannes s'écrivent à la lueur d'un quotidien tantôt tragique, tantôt comique (la vie, quoi) pour mieux le sublimer. Et c'est brillant. Julien Damien
© Mika Cotellon Netflix
De Fanny Herrero, avec Younès Boucif, Elsa Guedj, Mariama Gueye, Jean Siuen... Six épisodes disponibles sur Netflix
© Manuel Moutier
DRÔLE
EN THÉRAPIE (SAISON 2) Une personne livre ses états d'âme depuis un divan, un psychanalyste l'écoute patiemment... et c'est à peu près tout. Au premier abord, le concept peut rebuter, mais c'est sur le temps long que la série produit ses effets – largement cathartiques. Au fil des séances-épisodes, la parole se libère et l'intime raconte le collectif. Des secrets se dévoilent en même temps que se dessine le portrait d'une société : traumatisée par les attentats du 13-Novembre lors de la première saison, cette fois par la pandémie. D'autres souffrances émergent au rythme de la voix chaude de Philippe Dayan qui doit désormais rendre des comptes après la mort d'un de ses patients, et se confier à son tour.... La boucle est-elle bouclée ? Pas sûr, au regard d'une actualité toujours plus anxiogène. Julien Damien D’Eric Toledano et Olivier Nakache, avec Frédéric Pierrot, Charlotte Gainsbourg, Jacques Weber, Pio Marmaï, Agnès Jaoui... À partir du 07.04, tous les jeudis sur Arte (les deux saisons disponibles dès le 30.03 sur arte.tv) 73
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Figures libres Petit, Alber était un peu l’artiste de la famille, « et cela n'avait rien d’un compliment ». À l’aise avec des crayons dans un foyer où l’on goûte surtout la musique, le natif de Tourcoing, désormais installé près de Bordeaux, s’est d’abord assuré une carrière de graphiste avant de vivre de ses œuvres, exposées dans de nombreuses galeries. Pourtant, la démarche du trentenaire n’avait au départ rien de bien créatif. « Ce que j’aimais, c’était écrire mon nom illégalement dans la rue », sourit-il. Dans le Loir-et-Cher, où il a passé son enfance et son adolescence, les graffeurs ne sont pas légion, mais le jeune garçon nourrit sa culture urbaine à coups de séries culte (Le Prince de Bel-Air) et de rap américain. Quelques figures du graffiti dont il admire le travail (le Bruxellois Sozyone notamment) le conduisent à lâcher les lettrages pour du figuratif. Jusqu’à trouver son blaze, en hommage à « Je cherche avant son grand-père, et surtout son style. Soit tout l'impact visuel. » de beaux visages représentés l’œil en coin, avec jamais plus de trois camaïeux de couleurs, pour donner du volume. On admire aussi ce travail sur la courbe, étudié en amont sur ordinateur. Qu’il décline ses motifs sur les murs ou sur toiles, Alber reste fidèle à ses bombes de peinture, cherchant avant tout « l’impact visuel ». D’ailleurs, d’autres types de créations pourraient surgir dans l'espace public bordelais. « J’ai maintenant envie de travailler en 3D. En ce moment je réalise des sculptures en terre », confesse l'artiste, qui rêve toujours d'égayer la cité au détour d'un square ou d'une place. Marine Durand À visiter / alber.bigcartel.com, c @alberoner, f @alber.artiste Galerie Barthelemy Bouscayrol : galerie-barthelemy-bouscayrol.com/artistes/alber/ À voir / Exposition Instantanés Nancy, Galerie Goslin Kunst, jusqu’au 23.04. ven & sam : 11h-18h, gratuit, f @goslinkunst
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Enduit peint : Uranie, 62-79 (à gauche) et Melpomène (à droite), Peintures murales, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
ROME, LA CITÉ ET L’EMPIRE Naissance d’une civilisation
La dernière fois que les salles romaines du Louvre ont fermé pour travaux, c’était… pendant la Seconde Guerre mondiale ! Autant dire que l’occasion de délocaliser quelque 300 chefs-d’œuvre de l’Antiquité ne se représentera pas de sitôt. Au Louvre-Lens, les trésors des collections parisiennes rencontrent les vestiges découverts en "Gaule Belgique", pour une exposition balayant cinq siècles d’Histoire. Un parcours inédit, donc immanquable. C’est par un superbe buste de femme en marbre, sein découvert et fourreau à la ceinture, que s’ouvre la rétrospective. Personnifiée en guerrière amazone, voilà Rome conquérante, qui impose à partir du iie siècle avant J.-C. sa domination et sa civilisation à l’ensemble du bassin méditerranéen. ••• 82
Buste de jeune homme Début du 3e siècle, Reims Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © Louvre, Dist. RMN-Grand Palais / Thierry Ollivier
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Relief des soldats prétoriens, Sculpture, relief Marbre Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
Statue de Rome, 1er-2e siècle apr.JC, Asie Mineure (Turquie actuelle), Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © Musée du Louvre, dist. RMN - Grand Palais / Thierry Ollivier Casque de gladiateur, objets (archéo-antique-contempo), casque bronze, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © RMN - Grand Palais (Musée du Louvre) / Hervé Lewandowski
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La première partie de ce parcours s'intéresse à la construction de la "ville éternelle" comme cité-État. On y découvre son organisation politique, sa structure sociale (citoyens, esclaves, affranchis), ses mœurs et rituels religieux. L'exercice d'un pouvoir, toujours plus personnel, qui aboutit à l’émergence de l’empereur – tiens tiens... Rome retrouve la Gaule Le second volet ausculte la vie quotidienne des habitants d'un vaste territoire, la transformation de diverses communautés au contact du modèle romain, entre le détroit de Gibraltar et Palmyre (à l’apogée de l’Empire, au iiie siècle). Cette vertigineuse plongée dans l'Histoire « Nous avions la matière est alimentée par les plus grands pour une expérience chefs-d’œuvre des collections du exceptionnelle. » musée du Louvre. « Le Louvre-Lens explore régulièrement des civilisations, et nous avions la matière pour une expérience exceptionnelle, jamais présentée ailleurs », décrit Martin Szewczyk, conservateur du patrimoine au Louvre et co-commissaire de l’exposition, qui a également recentré le propos localement. « Dès le départ, nous voulions apporter une dimension régionale à l'événement. Une centaine de pièces supplémentaires ont ainsi été prêtées par des musées des Hauts-de-France. Elles illustrent les spécificités de la Gaule ••• 85
Belgique en matière de culte et la façon dont la romanité s’est épanouie dans cette région, façonnant la naissance d’une culture commune ». Mise en perspective Statues, reliefs, portraits, bijoux, tablettes, objets d’art ou décors architecturaux retrouvés en Italie, mais aussi en Égypte, Grèce, Tu rq u i e ou au Mag hreb... La richesse du fonds réuni ici a de quoi éblouir les visiteurs.
Tête d’Auguste portant la couronne de chêne, Début du Ier siècle apr. J.-C., Ancienne collection Campana, Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)
« La romanité s’est épanouie dans la région. » Ainsi d’une série de quatre bustes en marbre de Marc Aurèle et Lucius Verus, co-empereurs de Rome entre 161 et 169, admirablement conservés et ramenés spécialement du MET, à New York. « On a une image assez marmoréenne de Rome, or nous distinguons bien d’autres matériaux comme l’or, l’argent, Gobelets aux squelettes, 1 siècle apr. J.-C., Boscoreale (Campanie), Musée du Louvre, dpt des Antiquités grecques, les fresques de peinture, la étrusques et romaines © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) mosaïque ou la terre cuite. L'ensemble s'épanouit d’autant plus à Lens, dans une scénographie sobre, un langage architectural moderne permettant des respirations et des perspectives assez lointaines », décrit le commissaire. Raison de plus pour (re)découvrir ces merveilles, au sein d’un espace unique de circulation – car, c'est bien connu, tous les chemins mènent à Rome. Marine Durand er
Lens, 06.04 > 25.07, Louvre-Lens tous les jours sauf mardi, 10h-18h, 11 > 6€ (gratuit -18 ans), www.louvrelens.fr 86
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Alpi the Soul Sender, de Rona, éd. Ki-oon © 2018 by RONA, COAMIX
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CRÉATURES, BESTIAIRES FANTASTIQUES DE LA BANDE DESSINÉE Monstres et merveilles
Le Musée des beaux-arts de Calais ouvre toujours plus ses portes à la culture pop. Après le street art, place à la bande dessinée. Montée en partenariat avec l’association On a Marché sur La Bulle (qui organise les Rendez-Vous de la BD d'Amiens), cette exposition célèbre le neuvième art à travers un sujet bien particulier : les créatures fantastiques. Où l’on croisera toutes sortes d’elfes, de lutins, d’orques… et bien sûr de dragons ! Vous ne croyez pas aux créatures fantastiques ? C’est bien dommage. À Calais, le merveilleux fait partie du quotidien, en particulier depuis l’arrivée sur le front de mer, en novembre 2019, du gigantesque dragon-machine conçu par François Delarozière. À vrai dire, l’humanité a toujours eu un faible pour les monstres. « Dès la Préhistoire, on trouvait dans les grottes des représentations de faune irréelle » observe Fanny Debreux, co-commissaire
de cette exposition. Eh oui, bien avant l’avènement de la science, les humains ont d’abord expliqué les mystères du monde via des
« Des légendes transmises de génération en génération. » croyances, imaginant une kyrielle d'animaux extraordinaires. « Ces mythes, contes et légendes se sont transmis de génération en génération. ••• 89
Les créatures ont voyagé un peu partout, se sont croisées et transformées, pour composer un bestiaire toujours plus dense, sans cesse alimenté par les artistes ». Au Musée des beaux-arts de Calais, on découvre ainsi des centaures, krakens, licornes ou même animaux-robots, dessinés par une vingtaine d’auteurs. Bébête show Après avoir exposé les origines de ces êtres chimériques dans les arts, mais aussi les secrets de la cryptozoologie (soit l’étude très sérieuse des animaux "cachés", comme le Yéti ou le monstre du Loch Ness), le parcours nous plonge au cœur de la fantasy ou de la science-fiction, genres phares de la BD et propices aux rencontres fabuleuses. Parmi ces quelque 150 planches (dont une
quarantaine originales), on tremble par exemple devant les insectes extraterrestres géants peuplant la terre dévastée de La Belle mort, première œuvre signée par un certain Mathieu Bablet (Shangri-La, Carbone & Silicium). On s’émerveille aussi devant Le Château des étoiles, fresque steampunk époustouflante du Franco-Belge Alex Alice – dont on admire au passage la série Siegfried, inspirée de la mythologie nordique. On appréhende enfin les différentes étapes de la conception d’une bande dessinée avec Jérôme Lereculey (Wollodrin, Les 5 terres) de l’écriture du scénario jusqu'à la colorisation des planches. Vous avez dit fantastique ? Julien Damien Calais, 09.04 > 06.11, Musée des beaux-arts mar > dim : 13h-18h, 4/3€ (gratuit -5 ans) www.mba.calais.fr
Okko, Le Cycle de l'eau I, Tome 1, de Hub © Éditions Delcourt, 2004 – Hub Elfes, Tome 8 © Éditions Soleil, 2014 – Peru, Bileau, Merli et Saïto 90
Gravity level, 2_2 Désolation, Lorenzo Palloni et Vittoria Macioci © 2020, éditions Sarbacane 91
ALINE BOUVY L'insolente
Transgression, humour... et sexualité débridée. Au MACS, Aline Bouvy envoie valser le bon goût et les conventions lors d’une maraude joyeusement borderline. À travers Cruising Bye, la plasticienne belge imagine un parcours sous forme de cabaret déjanté, du genre politiquement incorrect. Où l’on croisera des policiers très coquins, des sorcières sous belladone ou des chiens errants un poil libidineux. Âmes sensibles… Adeptes des discours policés et des ambiances "bon chic bon genre", passez votre chemin. Si vous aimez être bousculés par contre, alors vous êtes au bon endroit. « La démarche d’Aline Bouvy flirte avec le mauvais goût, la crudité, confirme Denis Gielen, le directeur du MACS. Elle s’intéresse aux tabous moraux, donc ce qui a trait au sexe, au corps et à ses fluides, travaillant avec des matériaux parfois dépréciés ».
Sa propre urine, par exemple, avec laquelle elle lie ses plâtres, ou qu’elle représente en jets avec des grands néons jaunes façon "golden shower" – on vous expliquera plus tard. Cette position un
« Un sens certain du grotesque et de la parodie. » brin trash n’a rien d’innocent. À l’ère de la fluidité des genres, il s’agit de rudoyer la bien-pensance, •••
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Vue de l'exposition Aline Bouvy, Cruising Bye © photo Isabelle Arthuis
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l'hétéronormativité et le patriarcat. En somme, de contester toute forme d'entrave au désir, dans une ode décomplexée à la liberté. Dure à queer Lors de cette « parade sauvage », on admire par exemple des sculptures de policiers androgynes dénudés sous leurs képis et gilets pare-balles, dans des postures érotisées convoquant l'imagerie queer, voire SM. « Elle dépouille ces corps de leur uniforme autoritaire, mais c'est réalisé habilement, avec humour, un sens certain du grotesque et de la parodie », commente Denis Gielen. Pendant ce temps-là, au sol, de petites voitures automatiques traquent les visiteurs trop pudibonds, comme une maraude qui aurait dégénéré. « Finalement, l'exposition est une
sorte d’opéra-comique, un cabaret déjanté. Aline Bouvy n’est pas une donneuse de leçon ni une activiste. Elle est avant tout insolente ». Et ne s’interdit rien, renversant par exemple des urinoirs publics, par essence dévolus aux hommes, pour leur donner l’aspect de vulves, ici accrochées au mur comme autant d’éléments architecturaux – non, Marcel Duchamp n'est pas loin... Après avoir croisé quelques canidés se léchant les parties intimes sans pudeur (ni laisse), on aperçoit de gigantesques pieds posés sur le sol, à flanc de mur, tandis qu’un gros piercing traverse la brique, métamorphosant le musée lui-même en corps vibrant. Julien Damien Hornu, jusqu'au 18.09, MACS mar > dim : 10h-18h, 10 > 2€ (gratuit -6 ans) www.mac-s.be
Vue de l'exposition Aline Bouvy, Cruising Bye © photo Isabelle Arthuis
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ANTO CARTE Retour en grâce
Lorsqu’il s’agit d’évoquer de grands artistes belges, les noms de Magritte, Brueghel ou Van Eyck reviennent immanquablement. Mais connaissiez-vous Anto Carte ? Ce Montois trop discret en France demeure l’un des plus grands peintres du Royaume. Le BAM lui consacre une exposition exceptionnelle. Intitulée De terre et de ciel, celle-ci réunit 80 toiles à découvrir au fil d'une déambulation méditative.
Anto-Carte, Le Semeur, 1919, huile sur toile, 90,3 x 86,9 cm. Collection privée, © SABAM Belgium 2022
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Anto-Carte, La Pietà, 1918, huile sur toile, 94 x 112,5 cm. Collection du musée des Beaux-Arts (BAM), propriété de la Ville de Mons conservée à l’Artothèque. photo : Atelier de l’Imagier © SABAM Belgium 2022 Anto-Carte, Le Retour du fils prodigue, 1920, huile sur toile, 120 x 90 cm. Collection privée. photo : Jacques Vandenberg © SABAM Belgium 2022
Né en 1886, Antoine Carte eu de son vivant une renommée internationale. « C’est sans doute l’artiste le plus important de la région de Mons, le seul à avoir bénéficié de trois expositions monographiques au sein de notre musée, assure Xavier Roland, le directeur du BAM. Il représenta même deux fois la Belgique lors de la Biennale de Venise ». Son travail, hélas, n’a pas survécu au modernisme triomphant au milieu du xxe siècle. Et pourtant, quelle œuvre ! Nature humaine Naturalistes, teintées de symbolisme, les huiles sur toile d’Anto Carte célèbrent le monde paysan et la vie dans le Borinage via le prisme de l’iconographie chrétienne – citons cette sublime Pietà, renvoyant en filigrane à la vie des mineurs, ou cet émouvant Retour du fils prodigue. « Les mains de ses personnages sont rugueuses et contrastent avec la profondeur de leur regard, un bleu intense dans lequel on se perd ». Certes, ses tableaux sont figuratifs, mais les arrière-plans flirtent avec l’abstraction. Une dualité prégnante dans ce Semeur, silhouette massive sur un fond vaporeux, presqu’irréel,
traduisant une osmose entre le ciel et la terre. « Oui, c’est une œuvre spirituelle, au sens méditatif du terme. Ses tableaux nous reconnectent avec la nature, résonnent avec les bouleversements actuels de notre société ». En cela, Anto Carte n’a jamais été aussi moderne. Julien Damien Mons, jusqu’au 21.08, BAM, mar > dim : 10h18h, 9/6€ (gratuit -12 ans), www.bam.mons.be 97
AGNÈS THURNAUER Au pied de la lettre
Depuis les années 1980, Agnès Thurnauer développe une pratique située entre l'écrit et l'image, jouant avec les formes, les mots et leur sens. À Villeneuve d'Ascq, la plasticienne franco-suisse présente une série de peintures ou de sculptures mettant en relief le langage, nous conviant à l'appréhender physiquement.
Agnès Thurnauer dans son atelier devant River Tongue en cours de réalisation, décembre 2021. Photo : Olivier Allard
Fondement de toute civilisation, les mots permettent d'échanger avec l'autre, mais aussi de s'en éloigner lorsqu'ils ne sont pas partagés ou compris. Au LaM, Agnès Thurnauer les déconstruit littéralement. Intitulée A comme boa, l'exposition s'ouvre ainsi avec ses fameuses Matrices, soit des sculptures de lettres en verre décomposant l'alphabet. Éparpillées sur le sol, ces pièces reprennent la palette violette ornant l'arrière-plan de Sol y Sombra, tableau cubiste de Picasso. Ne demandant qu'à être ré-agencées, elles forment une allégorie plastique du langage, traduisant toutes ses nuances en jouant avec la lumière et l'espace. Plus loin, d'autres Matrices sont présentées : sous forme de mobilier, où l'on peut se lover, et même à l'échelle architecturale. Ces lettres hautes de plus de deux mètres nous invitent alors à habiter le langage. Au fil de ce parcours, l'écrit danse avec les formes et les aplats de couleurs. Il apparaît en surimpression sur la toile… ou se plie et se déplie. L'artiste présente ainsi un leporello, soit un livre accordéon fractionnant la phrase. Au centre est inscrit "border", nous rappelant que les mots, quand ils sont déformés, sont aussi (hélas) pourvoyeurs de frontières. Julien Damien
Villeneuve d'Ascq, jusqu'au 26.06, LaM, mar > dim : 10h-18h, 7/5€ (gratuit -12 ans), musee-lam.fr 98
Pablo Picasso n'a jamais visité les pays arabes, pourtant il y a inspiré de nombreux peintres en quête de modernité. Rassemblant 70 œuvres, cette exposition explore le dialogue instauré entre le maître espagnol et maints artistes originaires du Maghreb, du Proche et du Moyen-Orient. On y découvre ainsi l’influence du cubisme sur le travail du Syrien Adham Ismail (La Jeune mendiante et la belle robe) ou comment le tableau Guernica a suscité l’engagement de créateurs arabes, dès la fin des années 1930, de l’Égyptien Samir Rafi au Libanais Rafic Charaf, entre autres noms (trop) méconnus mais ici révélés au grand jour. M.M. Tourcoing, 02.04 > 10.07, Institut du monde arabe, mar > jeu : 13h-18h • ven : 13h-20h • sam & dim : 10h-18h, 8 > 4€ (gratuit -6 ans & pour les -30 ans le vendredi de 16h à 20h), ima-tourcoing.fr
Samir Rafi, Visage d’homme à la bougie, 1956, Mixed media on paper, Courtesy of Ramzi & Saeda Dalloul Art Foundation
© Frieke Janssens
PICASSO ET LES AVANT-GARDES ARABES
FRIEKE JANSSENS & SERVAAS VAN BELLE Connue pour ses photographies rappelant des toiles de maîtres flamands, Frieke Janssens inaugure une série intitulée Lightness. Ses images révèlent des corps en lévitation au-dessus d’une mer tantôt apaisée, tantôt agitée, illustrant notre besoin d’évasion. Parallèlement, on découvre le projet signé Servaas Van Belle, qui a sillonné la Belgique pour immortaliser de singulières étables, à travers un épais brouillard, nimbant ce parcours d’un peu plus d’étrangeté. M.M. Knokke-Heist, jusqu’au 12.06, Centre culturel Scharpoord, tlj sauf mardi : 10h-18h, ven & sam : 20h, 10/8€ (grat. -18 ans), knokke-heist.be 100
Merci de déranger ! Pendant que certaines pièces du Musée de Picardie voyagent au Louvre-Lens, l’institution amiénoise (qui a rouvert ses portes après trois ans de travaux) accueille les céramiques contemporaines de la Piscine de Roubaix, pour un dialogue avec ses propres collections. Cela donne des rencontres humoristiques et incongrues au sein d’une même vitrine entre Astro Boy et des céramiques gallo-romaines, illustrant des thèmes comme l’alimentation ou la religion – qui, eux, traversent toutes les époques. Jean-François Texier, La chaste beauté du sapeur pompier © Bruno Scotti
Amiens, jusqu'au 28.08, Musée de Picardie, mar > ven : 9h30 18h • sam > dim : 11h - 18h 7 /4€ (grat. -26 ans), amiens.fr
Sol LeWitt
Teen Spirit
Des lignes, des figures isométriques, des aplats de couleurs vives. Solomon "Sol" LeWitt (1928-2007) a construit durant la deuxième moitié du xxe siècle une œuvre identifiable au premier coup d’œil, oscillant entre graphisme, dessin mural et sculpture. Dès lors, comment éclairer d’un jour nouveau le travail d’un artiste mondialement célèbre ? Ce défi est ici brillamment relevé. Les incontournables (Wall Drawings) s’y mêlent à l’inédit (son rapport à la spiritualité) pour révéler les obsessions de ce pionnier du mouvement conceptuel.
« L’adolescence est la seule période où l'on puisse parler de vie au plein sens du terme », selon Michel Houellebecq. Sans doute, mais quelle adolescence ? Le BPS22 réunit une centaine d’œuvres contemporaines signées d’illustres noms (de Teresa Margolles à Nan Goldin, en passant par Larry Clark) pour mieux ausculter cet âge empli de mystères et de contradictions. Derrière ce titre empruntant à un hymne universel de Nirvana sur le mal-être de la jeunesse, se cache une exposition dénuée de clichés - mais pas d’émotion.
Bruxelles, jusqu’au 01.05, Musée Juif de Belgique, mar > ven : 10h-17h • sam > dim : 10h-18h, 12/7€ (grat. -12 ans), mjb-jmb.org
Charleroi, jusqu'au 22.05, BPS22 mar > dim : 10h-18h 6 > 3€ (gratuit -12 ans), bps22.be
Michel Vanden Eeckhoudt Cofondateur de l’agence VU, Michel Vanden Eeckhoudt (1947- 2015) fut connu pour ses photographies en noir et blanc d’animaux aux faux airs d'êtres humains, mais aussi pour les quidams saisis dans les interstices du quotidien. Le Bruxellois capturait des situations a priori banales (ici la promenade d'un chien, là une équilibriste en plein échauffement) pour en révéler toute leur étrangeté, humour ou mélancolie. On se délecte de ces improbables télescopages à Charleroi à travers une sélection de quelque 250 clichés. Charleroi, jusqu'au 22.05, Musée de la Photographie mar > dim : 10h-18h 8 > 4€ (gratuit -12 ans), museephoto.be 102
Orchestra (détail) 2021. Photos Kristien Daem
Gaillard & Claude. A Certain Decade Depuis leur rencontre à l'aube des années 2000, les Français Gaillard et Claude produisent des pièces protéiformes, entre sculpture en plâtre, impression textile ou musique électronique. D'apparence hybride, ces créations s'apparentent à des accidents poétiques croisant tout et son contraire. Cette exposition rétrospective (la première en Belgique) célèbre une œuvre souvent drôle, curieuse et propice aux doubles sens et sous-entendus. Hornu, jusqu'au 18.09, MACS, mar > dim : 10h-18h 10 > 2€ (gratuit -6 ans), www.mac-s.be
Tomi Ungerer, l'enfant terrible
La Chine au féminin
Décédé en 2019 à l'âge de 87 ans, Tomi Ungerer restera célèbre pour ses albums pour enfants, Les Trois brigands en tête. Cependant, l'œuvre de cet illustrateur, peintre et caricaturiste français est bien plus vaste. On lui doit aussi moult dessins satiriques (dont The Party, critique acerbe de la haute-société new-yorkaise), affiches ou même dessins érotiques (Fornicon). Scindée en dix parties thématiques, cette exposition témoigne des multiples facettes de ce créateur hors norme.
Une femme sur cinq dans le monde serait chinoise. Sous-titrée "une aventure moderne", cette exposition rend pour la première fois hommage à ces dames à travers une fresque embrassant tout le xxe siècle. Entre guerres, révolutions et entrée dans le monde moderne, le parcours dessine un portrait d'une femme tour à tour travailleuse, combattante ou modèle. À travers des robes, bijoux, affiches de propagande ou héroïnes de cinéma émerge une figure aux antipodes des stéréotypes.
La Hulpe, jusqu'au 26.06, Fondation Folon mar > ven : 9h-17h • sam & dim : 10h-18h 15 > 5€ (gratuit -6 ans), fondationfolon.be
Morlanwelz, 02.04 > 23.10, Musée royal de Mariemont, mar > dim : 10h-18h 8 > 3€ (gratuit -18 ans), musee-mariemont.be
Jusque-là Entre François Pinault et le Fresnoy, c’est une longue histoire. Celle-ci débute à Lens, où l’homme d’affaires inaugurait en 2015 une résidence de création, à quelques pas du Louvre. L’institution tourquennoise y fut très vite impliquée. Cette affinité se traduit par une exposition réunissant 17 œuvres du Chilien Enrique Ramirez, passé par ladite résidence, autour desquelles gravitent 28 pièces issues de la Collection Pinault et signées de dix artistes, interrogeant la notion universelle de traversée. Tourcoing, jusqu'au 30.04, Le Fresnoy mer > dim : 14h-19h, 4/3€ (gratuit -18 ans), lefresnoy.net 104
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Le Processus © Christophe Raynaud de Lage
théâtre & danse
YOUTH IS GREAT Rêvez jeunesse !
La jeunesse est un art, affirmait Oscar Wilde. Mais à quoi ressemble-t-elle ? Quelles sont ses aspirations ? Quel regard pose-telle sur la société ? À Lille, depuis pile 30 ans, le Grand Bleu propose un théâtre « pour les jeunes d’aujourd’hui qui feront le monde de demain ». Temps fort de la saison, ce festival créé en 2016 pour et avec les adolescents est l'occasion d'entendre une parole trop rare sur scène. On le sait, la jeunesse a souffert durant ces deux années de crise mais, au-delà du constat, « à quel moment l'écoute-t-on ? », interroge Grégory Vandaële, le directeur du Grand Bleu. C'est tout le propos de ce festival : « lui offrir une fenêtre d'expression via le spectacle vivant ». Aucun sujet n'est interdit. « Les petites histoires côtoient les grandes, du dérèglement climatique à la sexualité » . Dans To tube or not to tube, Bernadette Gruson ausculte par exemple l'impact de la pornographie sur la vie amoureuse des adolescents, quand Camille Rocailleux leur ouvre une tribune sur l'avenir de notre planète. Pensé comme « un concert augmenté », Coda fait ainsi résonner pop rock et paroles de jeunes revendiquant leur droit à envisager le futur... On plonge Inventif, bouillonnant, révolté... Oui, on est un peu tout cela à cet âge. De la même façon, cette sélection de spectacles s'annonce foisonnante. On y trouve des formes participatives (Bunker), de la danse (Urgence) et même une pièce... jouée dans une piscine. Like me nous convie à nous déchausser puis enfiler un casque sur les oreilles. On suit alors, des casiers au grand bassin, l'histoire troublante d'un maître-nageur en mal de popularité, qui a véhiculé sur les réseaux sociaux un gros mensonge censé le faire briller. Être ou paraître ? Telle est la (nouvelle) question... Julien Damien ••• 107
La preuve par
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© DR
BUNKER
YOUTH IS GREAT
(Nicolas Drouet & Amélie Poirier / Collectif l a c a v a l e)
L'apocalypse a eu lieu, les adultes ont disparu. Seuls survivants, les adolescents ont trouvé refuge dans un abri de fortune où ils imaginent les moyens de leur survie, et dessinent un monde nouveau... À l'invitation du Grand Bleu, le collectif l a c a v a l e (à qui on doit Les Choses en face) met en scène un huis clos écrit au plateau avec des jeunes filles et garçons des Hauts-de-France. Ces bunkers sont ici quatre théâtres (Le Bateau Feu à Dunkerque, la Faïencerie de Creil, la Manekine de Pont-Sainte-Maxence et le Grand Bleu donc) où chaque petite troupe invente une histoire inédite. Soumis à un protocole bien précis (il reste un seul disque, un livre, un adulte...), ces apprentis auteurs-interprètes exposent avec leurs mots des solutions qui, peut-être, nous sauveront du désastre en cours. Entre documentaire et fiction, cette création originale permet à la jeunesse d'aujourd'hui de s'exprimer sur un sujet ô combien prégnant - et de transformer la dystopie en utopie. Lille, 24.04, Le Grand Bleu, 16h (+ restitution collective des quatre "bunkers" : 28.05, 19h)
Lille, 15.04 > 06.05, Le Grand Bleu, maison Folie Wazemmes, piscine Marx Dormoy & divers établissements scolaires, 1 spectacle : 13€ > gratuit, www.legrandbleu.com Sélection / 15.04 : Restitution du labo de création des moins de 24 ans // 24.04 : Nicolas Drouet & Amélie Poirier, Collectif l a c a v a l e - Bunker (+ 28.05 : restitution finale) 26.04 : Cie HKC - Urgence // 28.04 : Cie du Double - Histoire(s) de France // 30.04 : Théâtre de Romette, Johanny Bert & Catherine Verlaguet - Le processus // 03.05 : Cie Zaoum - To tube or not to tube // 03 & 05.05 : La Compagnie dans l'arbre - Like me // 05 & 06.05 : Cie E.V.E.R. - Coda 108
LE PROCESSUS
(Catherine Verlaguet, Johanny Bert / Théâtre de Romette)
Ou comment évoquer l'avortement auprès des ados... et de leurs parents. Claire et Fabien, 15 ans, sont amoureux. Il y a 15 jours ils "l'ont fait". Depuis, la jeune fille sent un "processus" en elle... Que faire ? Seule sur scène, la comédienne Juliette Allain livre un monologue poignant – et d'utilité publique.
© Romain Tissot
© Geraldine Aresteanu
Lille, 30.04, Le Grand Bleu, 19h (+ tournée dans les lycées des Hauts-deFrance : 25 > 29.04)
HISTOIRE(S) DE FRANCE (Amine Adjina / Cie du Double)
Durant trois ans, l'autrice Anne Rehbinder a recueilli les questionnements, révoltes ou émotions de jeunes issus des quartiers sensibles de Lyon. Sur scène, cinq danseurs hip-hop restituent cette parole rare, écorchée vive, lors d'une chorégraphie sensible et rageuse.
Nous sommes dans une salle de classe de sixième. La professeure a demandé à trois élèves de rejouer chacun un moment de l'Histoire de France. Camille, Ibrahim et Arthur nous catapultent au temps des Gaulois, de la Révolution française avant de nous faire revire la coupe du monde 1998. Dans cette comédie, les enfants s'approprient (en costumes) le fameux "roman national" tout en y injectant des questions d'aujourd'hui : quelle est la place de la femme dans tout ça ? Des immigrés ? Ils se replongent dans le passé pour mieux appréhender l'avenir.
Lille, 26.04, maison Folie Wazemmes, 20h
Lille, 28.04, Le Grand Bleu, 19h
URGENCE
(Antoine Colnot, Anne Rehbinder & Amala Dianor / Cie HKC)
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© Marion Bornaz
CE QUE J’APPELLE OUBLI La dernière gorgée de bière
Le fait divers a eu lieu à Lyon, un soir de décembre 2009. Un jeune homme de 25 ans, "marginal" ou "fragile" selon les versions, décapsule une canette de bière et la boit en plein supermarché. Les quatre molosses qui servent de vigiles à l’enseigne l’entraînent dans l’arrière-boutique et le bastonnent jusqu’à plus soif. Écrasé par le poids de ses agresseurs, il décèdera par asphyxie. L’écrivain Laurent Mauvignier a tiré de ce violent épisode un court roman en apnée. Le metteur en scène Michel Raskine cherchait lui le bon texte pour deux interprètes. Ce sera donc cette longue phrase unique adressée au frère du mort, à laquelle il n’a pas retiré un mot, pas une virgule – « la construction est tellement étayée, tricotée », dit-il. Thomas Rortais donne voix à la poignée de personnages, la victime, ses assassins, la famille ou le procureur. Louis Domallain lui fait face sans un mot, incarnant une sorte de double, souvent grâce à sa seule présence, parfois en imposant un rythme à l’aide de percussions. Évitant le pathos, ce dispositif scénographique d'une simplicité radicale restitue sa pleine et entière humanité à un homme – très lâchement – battu à mort. Marine Durand Dunkerque, 05 > 07.04, Le Bateau Feu, mar : 20h • mer & jeu : 19h, 9€, lebateaufeu.com 110
© Nicolas Joubard
LE DRAGON
Satire monstre Un Henry VI long de dix-huit heures (!), un Thyeste glaçant aux fauxairs de Tim Burton... le metteur en scène Thomas Jolly impressionne avec ses fresques classiques. Après Shakespeare ou Sénèque, sa nouvelle création vise encore le grand spectacle, à partir d’une œuvre rarement jouée dans nos théâtres : Le Dragon, du Russe Evgueni Schwartz. La pièce a tout du conte fantastique, pourtant elle déclencha la fureur des autorités soviétiques dès la première représentation, en 1944. Du haut de sa montagne, un dragon à trois têtes fait régner la terreur sur une petite ville imaginaire, réclamant de la bière, des bêtes et, une fois l’an, qu’on lui livre une jeune vierge. Tombé en pamoison devant Elsa, la prochaine victime, le justicier Lancelot se met en tête de libérer le peuple du joug du monstre. Hélas, anesthésiés par 400 ans de soumission à un tyran éloignant étrangers et menaces extérieures, les habitants ne verront pas d’un si bon œil ce chamboulement. Le sous-texte évident, critique de la servitude des masses et des régimes totalitaires, valut à l’œuvre de Schwartz d’être interdite pendant 20 ans en URSS. Thomas Jolly lui applique son esthétique gothique et son inventivité : musique vibrante, éclats de lumière, effets spéciaux... Il mise aussi sur l’humour en amenant ses 14 comédiens sur le terrain de la caricature et de la farce, le rire se révélant ici plus libérateur que Lancelot, le "héros professionnel" aux idées courtes. Marine Durand Tourcoing, 27 > 30.04, L’Idéal, mer, jeu & ven : 20h • sam : 18h, 25 > 10€, theatredunord.fr 112
© Kurt Van der Elst
ANTIGONE À MOLENBEEK Destins croisés
L’Antigone de Guy Cassiers s’appelle Nouria. Elle ne vit pas à Thèbes mais à Molenbeek. De l'héroïne de Sophocle, cette étudiante en droit a hérité du même désir de révolte. Dans cette relecture moderne de la tragédie antique, l'Anversois met en scène une jeune femme de confession musulmane dont le frère a rejoint Daesh, avant de se livrer à un attentat suicide. Nouria veut l'enterrer pour faire son deuil mais les autorités refusent de lui restituer son corps. Elle va alors s’efforcer de retrouver ses "restes" pour lui accorder une sépulture… La pièce, adaptée d’un texte du Flamand Stefan Hertmans, ne donne la parole qu’à Nouria, ici interprétée par la comédienne Ikram Aoulad. Elle est accompagnée d'une musique de Chostakovitch, jouée par le quatuor Debussy, et filmée par des caméras renvoyant les images sur grand écran. Un dispositif qui traduit au plus près le tiraillement entre le besoin d’obéir à sa propre morale et l’impossibilité de transgresser la loi. Fidèle à sa volonté de « confronter un public qui croit déjà savoir à d'autres points de vue », Guy Cassiers pose ici des questions brûlantes : quel sort réservons-nous aux proches des kamikazes ? Ontils suffisamment droit à notre compassion ? Qui mérite de porter le titre d’être humain ? Un spectacle coup-de-poing. Maïssam Mezioud Bruxelles, 29 & 30.04, Théâtre National, 20h, 21 > 11€, www.theatrenational.be 114
LE P'TIT MONDE Les choses en grand
Depuis 2003, ce festival propose des spectacles pour le jeune public (enfants en bas-âge jusqu'aux ados) sans jamais les prendre de haut. Entre théâtre d'objets, concerts, marionnettes ou magie, cette 19 e édition révèle un bouillonnement créatif. Un vaste monde prêt à accueillir toute la famille où l'on rit, s'émeut, réfléchit. La preuve par quatre. J.D.
© Simon Gosselin
QUE DU BONHEUR (AVEC VOS CAPTEURS) Les machines seraient-elles de meilleures mentalistes que les humains ? Thierry Collet pose sérieusement la question. Dans ce spectacle mis en scène par Cédric Orain, ce comédien et prestidigitateur « pactise » avec l'intelligence artificielle. À la façon d'un conférencier, il joue ici avec des applications ou objets connectés pour, entre autres, se fabriquer un double numérique, téléporter notre portefeuille dans le cloud, pirater nos pensées et, plus que jamais, semer le doute. Bref, que du bonheur - et un brin d'inquiétude... Hazebrouck, 04.05, Espace Flandre, 19h30 Steenvoorde, 03.04, Médiathèque, 19h30
Hazebrouck, 23.04 > 08.05, Espace Flandre, Salle des Augustins, Centre d’animation du Nouveau Monde & Espace Culturel Robert Hossein de Merville, 1 spectacle : 7 > 4€, centreandremalraux.com Sélection / 24.04 : Cie Javier Aranda - Vida // 25.04 : Théâtre du Mantois, d’après Richard Wright Black Boy // 27.04 : Cie Tourneboulé - Je brûle (d’être toi) // 28.04 : Cie (Mic)zzaj et Bimbom Théâtre L’histoire de Clara // 01.05 : Cie Le Syndicat d’initiative - Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu // 02 > 07.05 : Cie La Rustine - À la dérive ! // 06.05 : Cie Tourneboulé - Les Enfants c’est moi // 08.05 : Tony Melvil & Usmar - Manque à l’appel 116
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© David Poulain
COMME C'EST ÉTRANGE !
PRINCESSE K
Bizarre, vous avez dit bizarre ? Adepte des plus improbables télescopages, Söta Sälta ausculte l'étrange sous toutes ses formes. À l'aide d'instruments hétéroclites (vibraphone, percussions ou jouets) ce duo polyglotte formé par la Française Elsa Birgé et la Suédoise Linda Edsjö chante cet inconnu qui effraie et fascine. Des trolls jusqu'à la purée de cafards, leurs aventures surréalistes (parfois empruntées à Robert Desnos) racontent avec humour et poésie l'étranger comme l'étrangeté.
Le Bob Théâtre a toujours eu le chic pour parodier de grandes histoires avec trois fois rien. On se souvient de Nosferatu ou de Hans et Greutel. Il nous réjouit cette fois en détournant les codes du conte de fées. Tous les ingrédients sont là : la jolie princesse, le château, la forêt, les méchants... mais pas forcément dans le bon ordre. Denis Athimon incarne l'ensemble des personnages, multiplie les voix, appuie à l'occasion un clin d'œil aux films d'action, le tout armé d'une simple boîte à bijoux – mais des gags en or massif.
Merville, 26.04, Espace Culturel Robert Hossein, 19h
Hazebrouck, 02.05, Centre d’animation du Nouveau Monde, 19h
BABY MACBETH Jouer Shakespeare devant de très jeunes spectateurs... dès 12 mois ? En vieil anglais ? Oui, c'est possible. Figure majeure du théâtre d’objets, Agnès Limbos relève le pari. Debout derrière un grand plateau surélevé, dans une scénographie semi-circulaire, la Belge manipule marionnettes et accessoires pour raconter en 25 minutes (!) Roméo et Juliette, Macbeth ou Le Roi Lear, accompagnée par le pianiste Joachim Caffonnette. Qu'elle sorte un mini-crâne en se lamentant, main sur le front, "To be or not to be..." ou interprète avec une épée la guerre entre les Montaigu et les Capulet, l'artiste captive immanquablement son auditoire - parents compris. Hazebrouck, 30.04 & 01.05, Espace Flandre, sam : 18h • dim : 11h & 16h30 117
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Cie Kiaï, Pulse © Ray Flex
LES TURBULENTES Bouffée d’art
Un procès grandeur nature, une fable politico-métaphysico-comique et même, pour quelques heureux élus… un bain de pieds ! Voilà un échantillon de ce qui attend les spectateurs de ces 24e Turbulentes. Hybride mais surtout débridé, le festival du Boulon retrouve le grand air avec une programmation qui crée du lien. Deux ans que les "Turbus" se faisaient discrètes, attendant que le virus passe. Virginie Foucault, directrice du Centre national des arts de la rue et de l’espace public des Hauts-de-France, aborde donc cette édition 2022 décidée « à faire vibrer les gens ». Marionnettes, déambulations, théâtre de rue, théâtre forain, fanfares et cirque… « La richesse de ce secteur artistique, c’est son hybridation », remarque celle qui supervise le rendez-vous depuis sa création, en 1999. Comme une ville dans la ville, la friche industrielle du Boulon accueille une dizaine de spectacles dès l'ouverture, avant que les 29 compagnies françaises et belges n'égaillent les rues de Vieux-Condé. Vivre ensemble Pas de fil rouge ici, mais Virginie Foucault note que les spectacles ont un point commun : « On retrouve une attention à l’être ensemble, au collectif ». Venus du Jura, les Urbaindigènes invitent ainsi les habitants à construire, à leurs côtés, une monumentale charpente en bois, siège de toutes les acrobaties. En proposant « une audience de quatre heures en temps réel », les Arts Oseurs transforment la rue en tribunal, et incitent à un changement de posture. Non moins original, Waters, de la compagnie On Off, se présente comme une succession de brèves « thérapies » aquatiques, où la musique et le rire soignent autant que l’eau. On se mouille sans attendre ! Marine Durand Vieux-Condé, 29.04 > 01.05, Le Boulon & divers lieux en ville, ven : 19h • sam & dim : 10h30 gratuit, leboulon.fr Sélection / Cie 1 Watt - Nouvelles de Noone (four bodies) // Annibal et ses éléphants L’Étrange cas du docteur Jekyll et de monsieur Hyde // Bleu Cobalt - Enchantiée // Calixte de Nigremont // Centre Régional des Arts du Cirque de Lomme - Pistes ouvertes // Cie Kiaï Pulse // Cie On Off - Waters // Cie Victor B - Francis sauve le monde // Johnny & Wallace / La Meute - 78 tours // Les 3 points de suspension - Hiboux // Les Arts Oseurs - Héroïne // Les Urbaindigènes - Chantier ! La tournée du coq / Office des Phabricants d’Univers singuliers // Théâtre Magnetic - Et les 7 nains... 119
© Lorenzo Chiandotto
LE MISANTHROPE La sincérité doit-elle résister aux conventions sociales ? C’est en tout cas ce que revendique Alceste, bien décidé à dire ce qu’il pense de chacun. Dans cette adaptation du classique de Molière, Louise Vignaud propulse le public dans le salon de Célimène, jeune veuve aimée par Alceste. À la manière de boxeurs, les personnages confrontent ici leur conception des relations humaines et défendent, tour à tour, les compromis ou la vérité. Si Molière dénonçait les mensonges et les faux-semblants au temps de la monarchie absolue, cette pièce mesure la place de l'authenticité à notre époque où le conformisme est roi. M.M. Béthune, 26 > 29.04, La Comédie, mar, mer & ven : 20h • jeu : 18h30, 20 > 6€ www.comediedebethune.org
© Martina Basista
GEORGE George, un paysan fortuné, épouse la noble Angélique dans l’espoir de s’extraire de sa condition. Mais surmonter les barrières sociales n’est jamais facile, surtout quand la mariée s’avère infidèle... Dans cette adaptation carnavalesque du classique de Molière (George Dandin), la Clinic Orgasm Society réveille une « histoire furieusement drôle ». Elle dresse aussi un impitoyable portrait de notre société, à l’heure où les inégalités ne cessent de s’accroître. M.M. Bruxelles, 19 > 30.04, Théâtre Varia mar, jeu, ven & sam : 20h30 • mer : 19h30, 21>12€, varia.be Mons, 03 > 05.05, Théâtre le Manège, 20h, 15 > 9€, surmars.be 120
OUVREZ LES VANNES !
© Aksel Varichon
Ils sont corrosifs, loufoques, burlesques ou poétiques… mais pareillement hilarants. Ces valeurs sûres (ou en devenir) de la gaudriole débarquent près de chez nous pour le meilleur et le rire – et ce n’est pas de la blague. J.D
PABLO MIRA Formé à l'école du LOL au Gorafi, site parodique cher à Christine Boutin où il écrivit quelques 600 pastiches, Pablo Mira dit désormais "des choses contre de l'argent". Plutôt sales, les choses. Dans son costume favori (celui de l'éditorialiste de droite réactionnaire), cet « anthropologue de la connerie » transforme la bêtise humaine en vannes en or massif. Du genre : « Ce n’est pas aux hommes de réprimer leurs pulsions, c’est aux femmes de courir plus vite ». Ou encore : « On ne peut pas interdire aux riches d'être super riches alors qu'on autorise les pauvres à être super pauvres ». On attend maintenant sa candidature à la présidentielle. Lille, 09.04, Théâtre Sébastopol, 20h, 39 > 34€, www.theatre-sebastopol.fr 122
© Pascal Ito
© Audoin Desforges
KHEIRON Sans doute le plus fainéant des humoristes. Pour cause : Kheiron n'écrit pas ses spectacles, il les improvise. Face à une salle éclairée, l'Eminem de la blague lance une série de questions banales (« Tu viens d'où ? »... « Qui fait le métier dont il rêvait quand il était petit ? ») puis laisse sa science de la repartie opérer (en réalité, il a des vannes en stock) quitte à choquer – « Lâche ton sac, y a pas d'Arabes dans la zone ». Un conseil, n'arrivez pas en retard si vous ne voulez pas vous faire aligner... Liège, 14.04, Le Forum, 20h, 40>30€ Bruxelles, 15.04, Cirque royal, 20h, 40 > 30€ Lens, 16.04, Le Colisée, 20h, 35€
STÉPHANE GUILLON Montée de l'extrémisme, pandémie, guerre... Quelle époque formidable ! Enfin, surtout pour Stéphane Guillon. Après avoir fait ses "premiers adieux", le franc-tireur renoue avec l'exercice de la revue de presse si cher à son mentor, Guy Bedos. Déçu par la présidentielle (« le casting est naze »), il éparpille nos politiques façon puzzle, et cela malgré une petite forme : « ben oui avec le Covid j'ai perdu le goût. Je regarde Pascal Praud sur CNews, d'habitude il me fait gerber mais là ça passe ». Pauvre Stéphane... Hem, 22.04, Le Zéphyr, 20h, 35/32€
Avec son premier spectacle, le plus parisien des Bruxellois avait relevé un sacré pari : nous faire rire avec l'art contemporain, s'amusant de Bergson, Ravel ou du Carré noir sur fond blanc de Malevitch. Avec Ad Vitam (écrit avant la crise sanitaire), Alex Vizorek tente de nous plier en deux avec... la mort. Où l'on apprendra, entre autres, comment confectionner un sextoy avec les cendres du défunt – « encore faut-il que ce soit le mari qui parte en premier, sinon ça fait beaucoup de changements d'un coup ». Vous avez dit mortel ? Roubaix, 28.04, Le Colisée, 20h30, 39 > 10€ // Ath, 07.05, Le Palace, 20h, 35 > 20€ // Uccle, 13.05, Centre culturel, 20h, 40/36€
© Pascal Aimar / Tendance Floue
ALEX VIZOREK
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Arlequin poli par l’amour (Marivaux / Thomas Jolly)
Amoureuse d’Arlequin, une fée le séquestre pour mieux le conquérir. Mais celui-ci s’éprend d’une jeune bergère des environs, alimentant la jalousie… Connu pour ses pièces spectaculaires (Henri VI, Thyeste, Le Dragon), Thomas Jolly s’empare du classique en un acte et en prose de Marivaux pour en livrer une commedia dell’arte 2.0. Au programme ? Confettis, jeux de lumière, musique pop, perfectos et guirlandes, dans une ode survoltée à la fougue de la jeunesse. Calais, 05.04, Grand Théâtre, 20h30, 16 > 10€ www.spectacle-gtgp.calais.fr
© Nicolas Joubard
La Dimension d’après
La Réponse des hommes
Lors d’une représentation de GRANDE-, spectacle créé avec Vimala Pons, Tsirihaka Harrivel a connu un "imprévu" : une chute dans le vide depuis une hauteur de plus de huit mètres... L’acrobate "zoome" ici sur cette fameuse 28e minute, pour en extraire une pièce. Dans ce concertperformance, devant un grand écran, il raconte l’histoire d’un homme qui tombe. À la façon d’un Charlie Chaplin, il ausculte entre vidéos, claques et tartes à la crème cette descente abrupte sous toutes ses coutures.
Comment faire le bien ? Vaste question. Pour sa quatrième mise en scène, Tiphaine Raffier se penche sur les œuvres de Miséricorde, soit les actions de bienfaisance que se doit d’accomplir chaque chrétien – accueillir les étrangers, donner à boire aux assoiffés, assister les malades… Au fil d’un récit fragmenté en neuf tableaux, entre vidéo et musique classique, la pièce interroge notre humanité et notre engagement. Et pousse la morale dans ses retranchements.
(Tsirihaka Harrivel)
Lille, 05.04, Le Prato, 20h, 15 > 5€, leprato.fr
(Tiphaine Raffier)
Lille, 06 > 09.04, Théâtre du Nord mer & ven : 20h • jeu : 19h • sam : 18h, 25 > 6€
Play / Replay (The Rat Pack & Jos Houben) Quatre ans après Speakeasy, pièce qui sublimait l’esthétique des films noirs dans un décor de bar, The Rat Pack s’associe avec Jos Houben pour nous emmener... au cinéma. Ces anciens du collectif XY et le plus burlesque des metteurs en scène belges s’inspirent des films d’action, façon Belmondo. Entre courses-poursuites, explosions, roue Cyr et autres cascades vertigineuses, ce spectacle marie ainsi humour et cirque, bien rythmé par l’electro hip-hop de Chinese Man. Évidemment, ça déménage. Valenciennes, 06 & 07.04, Le Phénix, 20h, 25 > 10€, www.lephenix.fr 124
Revoir Lascaux
© Danielle Voirin
(Gaëlle Bourges)
Septembre 1940, en Dordogne. Quatre adolescents âgés de 13 à 18 ans découvrent les peintures rupestres de la grotte de Lascaux. Qu’ont-ils ressenti face à ce bestiaire merveilleux ? Gaëlle Bourges nous fait revivre l’émotion de ce moment. Dans un décor de laine et de cartons, les interprètes projettent des ombres sur les parois à l’aide de petites figurines et la lumière de leurs téléphones ou ordinateurs portables, lors d’une danse envoûtant toute la famille. Bruxelles, 20.04, La Raffinerie, 15h, 15 > 5€ Valenciennes, 04.05, Le Phénix, 15h & 19h, 15 > 6€
Chotto Xenos (Akram Khan)
Falaise
(Baro d’evel)
En 2018, Akram Khan incarnait dans Xenos la vie de soldats indiens envoyés par les colons britanniques dans l’enfer de la Première Guerre mondiale. Adaptée à hauteur d’enfants, cette chorégraphie les invite à réfléchir sur l’horreur de ces combats. Le spectacle nous plonge au cœur des tranchées grâce à une multitude d’effets vidéo, tandis que des interprètes traduisent une humanité affolée en mêlant danses indiennes (le kathak) et contemporaines. Une pièce sensible, hélas plus que jamais d’actualité.
Second volet d’un diptyque initié avec Là, Falaise nous catapulte dans un monde en noir et blanc. Sur scène, huit artistes, un cheval et des pigeons forment une tribu de survivants cherchant malgré tout la lumière dans un monde prêt à s’effondrer. Entre rock et baroque, danse et cirque, équilibre et déséquilibre, la compagnie franco-catalane Baro d’evel poursuit son théâtre poétique et animal. Une jouissive allégorie de la chute, mais où l’on finit toujours par se rattraper.
La Louvière, 20 & 21.04, Le Théâtre, 20h 15 > 5€, www.cestcentral.be
Charleroi, 22 & 23.04, PBA, 20h, 16 > 6€ www.pba.be
Reporters de guerre (Sébastien Foucault) Que peut le théâtre face à l’horreur de la guerre ? Raconter, pour ne pas oublier. Complice de Milo Rau, le Belge Sébastien Foucault met en scène dans cette pièce acteurs et témoins qui ont vécu le siège de Sarajevo ou les massacres de Srebrenica et de Tuzla. Les journalistes Françoise Wallemacq et Vedrana Božinović, Nikša Kušelj (survivant devenu cinéaste) ou Michel Villée (ex-attaché de presse à MSF-Belgique) convoquent leurs souvenirs sur scène, d’autant plus sensibles à l'heure du conflit ukrainien… Arras, 26 & 27.04, Théâtre, mar : 19h30 • mer : 20h30, 10 > 5€ // Bruxelles, 10 > 15.05, Théâtre les Tanneurs, mar, jeu, ven & sam : 20h30 • mer : 19h15 • dim : 15h, 16/10 € 126
Sentinelles (Jean-François Sivadier) Voici trois amis inséparables, tous pianistes virtuoses. Ils passent trois ans ensemble dans une prestigieuse école de musique. Aussi différents que complémentaires, ils s’admirent, s’épaulent, avant de se présenter à un concours international à l’issue duquel ils ne se verront jamais plus. Pourquoi ? Mystère… Inspiré par le roman de Thomas Bernhard, Le Naufragé, J.-F. Sivadier signe une fresque intimiste, dessinant en filigrane le rapport que chacun entretient à l’art. Dunkerque, 26 > 28.04, Le Bateau Feu, mar : 20h • mer & jeu : 19h, 9€ // Amiens, 04 & 05.05, Maison de la Culture, mer : 20h30 • jeu : 19h30, 20 > 8€ // Béthune, 11 > 13.05, La Comédie, 20h, 20 > 6€
Un Petit jeu sans conséquence
Showgirl (M. Saldana & J. Drillet)
(J. Dell et G. Sibleyras / M. Willequet) Claire et Bruno sont ensemble depuis 12 ans. Au cours d'une journée à la campagne, ils vont prétendre à leurs proches qu'ils se séparent. Drôle ? Peut-être, mais ils n’imaginent pas à quel point ce petit jeu sera lourd de conséquences… Composée par Jean Dell et Gérald Sibleyras, cette comédie aux cinq Molières (en 2003) s’est imposée comme une valeur sûre du théâtre moderne, et n’a pas pris une ride. En témoigne cette adaptation de Martine Willequet, parfaitement à l’aise dans ce genre de répertoire.
Déjantée, exubérante, explosive… Cette adaptation (très libre) du film éponyme de Paul Verhoeven appelle tous les superlatifs. Dans cet opéra-techno, Marlène Saldana incarne tous les personnages pour raconter l’histoire de Nomi Malone. Soit une jeune fille rêvant de devenir danseuse dans les plus beaux casinos de Las Vegas et bravant toutes les humiliations pour parvenir à ses fins. Sur une musique signée Rebeka Warrior, la performeuse chante, danse et livre un monologue halluciné au sein d’un décor volcanique.
Bruxelles, 27.04 > 22.05, Théâtre royal des Galeries, 20h15 (matinée : 15h), 26 > 10€, trg.be
Roubaix, 29.04, La Condition Publique, 19h 21 > 6€, www.larose.fr
Forme(s) de vie
© Victor Zebo
(Éric Minh Cuong Castaing / Shonen) Et si chacun de nos mouvements devenait un combat de tous les jours ? Dans cette chorégraphie, Éric Minh Cuong Castaing met en scène deux personnes atteintes d’insuffisance musculaire et motrice, ici épaulées au sens le plus littéral par des danseurs. Sur le plateau, cette ancienne danseuse et cet exboxeur voient leur corps et gestes soutenus par les autres. À l’heure où la question du handicap est plus que jamais prégnante, ce spectacle prend la forme d’une ode virtuose à la solidarité et l’entraide. Armentières, 30.04, Le Vivat, 20h, 18 > 2€, www.levivat.net 128
© Leon Keer
le mot d
e la fin
Leon Keer
leonkeer.com
Plougasnou, ses délicieux crustacés, ses merveilleux cidres et désormais son chef-d'œuvre du street art ! Signé par le Néerlandais Leon Keer, ce trompe-l'œil a remporté le prix de la plus belle fresque réalisée en France en 2021. Baptisée Kit de secours, elle représente un sac de jouets contenant quatre "petits" bateaux, et rend hommage aux sauveteurs des mers. Hissez haut ! c @leonkeer 130