LM magazine 191 - octobre 2023

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A RT & C
E
/ Belgique
N°191 / OCTOBRE 2023 / GRATUIT
ULTUR
Hauts-de-France

l'automne à l’institut pour la photo graphie

avec

David de Beyter

Olivier Despicht

Claire Fasulo

Bertrand Gadenne

Mohammad Hadi Rahnaward

Justine Pluvinage

Bettina Rheims

SAEIO

11 rue de Thionville, 59000 Lille

3 novembre → 24 décembre 2023 Attirance-Repulsion, Lille 2021-2022 © Claire Fasulo, 2023 Graphisme : Sébastien Lordez Gratuit institut-photo.com

NEWS - 10

Pussy Riot

Arpenter

Boire et conduire

Circulation altérée

Ça sent le sapin

Cartooning for Peace

Noir brillant

SOCIÉTÉ - 14

RapMinerz

Le vrai du flow

Grégoire Duteretere

Explicit lyrics

PORTFOLIO - 22

Lucas Wakamatsu

Colore le monde

RENCONTRE

Jef Aérosol - 78

Sortez les pochoirs

Dena Vahdani - 114

Drôle de dame

ÉVÉNEMENT

Tourcoing Jazz Festival - 38

Rencontres au sommet

Don Giovanni - 104

Enjeux de séduction

Biennale de Charleroi danse - 118

Liberté de mouvements

LE MOT DE LA FIN - 130

Sandro Giordano

L’art de la chute

4 magazine SOMMAIRE
magazine 191 - octobre 2023
LM
© Gr é goire Duteretere © Lucas Wakamatsu Jef Aérosol © Julien Damien Don Giovanni © Simon Gosselin
Jef Aérosol, Stories © Musée de l’Hospice Comtesse, Lille, 2023 32 rue de la Monnaie 59000 Lille

MUSIQUE - 32

Baxter Dury, Kalika, Do Nothing, Big Joanie, Tourcoing Jazz Festival, Émilie Simon, 2manydjs, Richie Hawtin, Booka Shade, Tiga, Pomme vs Marie-Flore, Diana Ross, Gilberto Gil, Gaz Coombes, Peter Kernel, Loraine James, Jeanne Added, Ciné-concert Psychose

CHRONIQUES - 56

DISQUES : Eloi, Stéphane

Milochevitch, Jorja Smith,

Simplement Sheller, Sufjan Stevens

LIVRES : Ottessa Moshfegh, Steve Goodman, Benjamin Lacombe & Sébastien Pérez, Ludovic Villard, Laurent Galandon, Anne-Sophie

Reinhardt & Amandine Puntous

ÉCRANS : Bernadette, Le Règne animal, Lost Country, L’Autre Laurens, Une Année difficile

EXPOSITION - 68

Animaux fantastiques, Erwin Blumenfeld, Jef Aérosol, Coronation Street, Humain Autonome : fossiles mécaniques, La Beauté sauvera le monde, Julie Decubber, Panorama 25, La Bonaventure, Au Bout de mes rêves, Chagall, Agenda

THÉÂTRE & DANSE - 104

Don Giovanni, Nuit d’octobre, Le Champ de bataille, Mes parents, Regarde les tomber, Dena princesse guerrière, Biennale de Charleroi danse, Le Prato à St So, Ulysse, Agenda

6 SOMMAIRE LM magazine 191 - octobre 2023 selection
Baxter Dury © Tom Beard

John Bulmer CORONATION STREET

En 1966, John Bulmer photographie le Bassin minier du nord de la France, pour la première fois en couleur...

d e s Électriciens

John Bulmer 1966 ©Popperfoto / ©Frédéric Iovino 2023

Jusqu’auEXPOSITION03/12/2023
aL étiC

Direction de la publication

Rédaction en chef

Nicolas Pattou nicolas.pattou@lastrolab.com

Rédaction

Julien Damien redaction@lm-magazine.com

Élise Coquille info@lm-magazine.com

Publicité pub@lm-magazine.com

LM magazine – France & Belgique

28 rue François de Badts

59110 LA MADELEINE - Ftél : +33 (0)3 62 64 80 09

Direction artistique & graphisme

Cécile Fauré cecile.faure@lastrolab.com

Couverture

Artificial

Lucas Wakamatsu lucaswakamatsu.com behance.net/lucaswakamatsu @lucaswakamatsu

Administration

Laurent Desplat laurent.desplat@lastrolab.com

Réseaux sociaux

Sophie Desplat

Impression

Tanghe Printing (Comines)

Diffusion C*RED (France / Belgique) ; BHS.MEDIA (Bruxelles / Hainaut)

Ont collaboré à ce numéro : Fatma Alilate, Thibaut Allemand, Rémi Boiteux, Flo Delval, Marine Durand, Grégory Marouzé, Raphaël Nieuwjaer, Lucas Wakamatsu et plus si affinités.

LM magazine France & Belgique est édité par la Sarl L’astrolab* - info@lastrolab.com

L’astrolab* Sarl au capital de 5 000 euros - RCS Lille 538 422 973 Dépôt légal à parution - ISSN : en cours

L’éditeur décline toute responsabilité quant aux visuels, photos, libellé des annonces, fournis par ses annonceurs, omissions ou erreurs figurant dans cette publication. Tous droits d’auteur réservés pour tous pays. Toute reproduction, même partielle, par quelque procédé que ce soit, ainsi que l’enregistrement d’informations par système de traitement de données à des fins professionnelles, sont interdites et donnent lieu à des sanctions pénales.

LM magazine est imprimé sur du papier certifié PEFC. Cette certification assure la chaîne de traçabilité de l’origine du papier et garantit qu'il provient de forêts gérées durablement. Ne pas jeter sur la voie publique.

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PAPIER ISSU DE FORÊTS GÉRÉES DURABLEMENT
Scannez-moi
MAGAZINE www.lm-magazine.com
HumainAutonome: Fossiles Mécaniques exposition 2023 La Condition Publique PlaceRoubaixFaidherbe, 15.09 — 17.12 laconditionpublique.com
Interceptor III , Alexandra Bircken © Achim Kukulies

Cartooning for Peace

Signée par le Portugais André Carrilho, cette image décrit à merveille le muselage de la presse par les régimes autoritaires. Elle illustre aussi les interrogations que soulève la nouvelle exposition de l’association Cartooning for Peace, à savoir le respect des droits de l’Homme dans le monde. Baptisé Enjeux humains, ce parcours réunit à Liège une centaine d’œuvres de dessinateurs internationaux (dont Kroll et Plantu). Il sera question de démocratie, d’égalité de genre, de migration, de paix… Enfin, pas besoin de vous faire un dessin, si ?

Liège, 07.10 > 28.01.2024, Cité Miroir, lun > ven : 9h-18h • sam & dim : 10h-18h 7 > 3€ (gratuit -6 ans), citemiroir.be

Arpenter

Lisez-vous le Belge ? Vous devriez. Le Centre Wallonie Bruxelles célèbre la scène littéraire du plat pays, qui ne manque pas de reliefs. Entre lectures performées, fictions radiophoniques ou concerts dessinés, on se laisse emporter par des plumes singulières. On se posera ainsi des questions existentielles avec Charly Delwart (Que ferai-je à ma place ?) avant de succomber aux textes poétiques de Lisette Lombé – histoire de rester à la page !

Lille, 06 > 08.10, mF Moulins, ven & dim : 18h • sam : 12h, gratuit

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news
© Carrilho © Gérald Kurdian

RAPMINERZ Le vrai du flow

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s o ciété instagram.com/rapminerz/

C’est entendu, le rap est la nouvelle pop mondiale. Le 11 août dernier marquait d’ailleurs le 50e anniversaire de la naissance du hip-hop, célébré à New York par, entre autres, Run-DMC, Snoop Dogg ou Ice Cube. Alors, tout a-t-il déjà été dit sur le genre ? Pas sûr. De ce côté-ci de l’Atlantique, le média RapMinerz ausculte la langue de Booba par le prisme des datas, livrant une analyse pointue de son évolution, tout en tordant le cou à certains a priori.

Jules Dubernard et Maxime Benoît nourrissent depuis le lycée une passion commune : le rap. Le premier a suivi une formation de journaliste. Le second est data scientist. En 2019, ils mutualisaient leurs compétences pour créer RapMinerz, le premier "data média" du rap français. L’objectif ? Agréger un ensemble de données (durée des morceaux, textes...) afin « de valider certaines intuitions, d’analyser objectivement ce genre et comprendre son évolution », détaille Jules. Concrètement, le duo a mis au point un "scraper",

soit un robot collectant des informations via différentes sources sur le web. Il a ainsi passé au crible plus de 165 000 morceaux de rap français, du milieu des années 1980 à nos jours.

Le fric, c’est chic

Première constatation, « les mots issus du champ lexical de la société et du militantisme, comme les a

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© instagram.com/rapminerz
« Mesurer objectivement l'évolution du rap »

références à la délinquance ou les appels à la contestation, sont en chute libre », selon Maxime. Cette musique aurait-elle perdu son rôle revendicateur ? « Statistiquement parlant, oui, toutefois le rap politique n’est pas mort. Les questions sociétales demeurent mais elles sont noyées au milieu d’autres sujets ».

« Un rap poétique émerge »

Parmi eux, l’un est de plus en plus prégnant : l’argent. « C’est le vocabulaire qui évolue le plus vite, avec chaque année de nouveaux mots pour l’évoquer, comme "moula". Le rap est devenu une énorme industrie, beaucoup d’artistes vantent leur réussite matérielle ». Pour autant, les rappeurs ne manquent pas

de profondeur. « Étonnamment, on remarque aussi une évolution du lexique lié à la spiritualité ou à la nuit, à la description de la Lune, des astres… Quelque chose de poétique émerge ».

De la figuration à l’abstraction

Au-delà de l’enrichissement de la langue par l’argot étranger (du Maghreb, d’Afrique, d’Espagne…), la structure elle-même du texte a changé. « Le rap est plus abstrait, observe Jules. Avant on racontait une histoire, on parlait de sa vie, de la société. Aujourd’hui on développe rarement un seul thème sur un titre. On conjugue une multitude de formules, d’images, de réflexions… ». Le rythme s’est également accéléré. Les BPM mesurés par RapMinerz n’ont fait qu’augmenter. « À partir de 2013,

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youtube.com/@RapMinerz

youtube.com/@RapMinerz

il y a eu un virage en France, on est passé du boom-bap à la trap, avec des morceaux plus rapides et dansants ». On se rassure, il existe encore de belles plumes. « Parmi les plus originaux, on recense surtout

des artistes issus de la francophonie : de Guadeloupe, de Martinique, du Québec aussi, comme Kasper 939, qui enrichit ses textes de franglais. En France, parmi les plus lettrés, on peut citer Lucio Bukowski ou Hippocampe Fou ». Alors, étaitce mieux avant ? « Certes, le rap a perdu en engagement, un peu de son âme originelle mais il a gagné en musicalité et n’en finit plus d’évoluer ». Julien Damien

À visiter / rapminerz.io

App Rappeurs artificiels –Cette application est un générateur de couplets de rap français qui imite le style de trois célèbres rappeurs : Alkbote (en haut), Jool (au milieu), B2oia (en bas). @pixel_gangster

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À tester
« Le genre a gagné en musicalité »
© Grégoire Duteretere / DR

GRÉGOIRE DUTERETERE

Explicit lyrics

Depuis deux ans, Grégoire Duteretere lit des textes de rap français d’hier et d’aujourd’hui comme de grands classiques de la littérature. Costume trois pièces, petites lunettes sur le bout du nez, ce Parisien déclame avec un ton neutre et de sa voix grave des propos souvent explicites, provoquant un hilarant décalage. Publiées sur les réseaux sociaux, ses vidéos cumulent des dizaines de milliers de vues. Des "métagores" de Booba aux envolées dadaïstes de Vald, ses performances remettent les paroles au centre du game. Entretien OKLM.

Comment est venue l'idée de réciter des textes de rap ?

C'est un concours de circonstances. Un jour j'écoutais un morceau d'Aya Nakamura, et n'y comprenais rien. J'ai donc cherché les paroles sur le Net. Je les ai lues à voix haute, d'une façon assez détachée, et ce décalage m'a amusé. J'ai commencé à envoyer des messages vocaux à mes potes, qui étaient morts de rire. De fil en aiguille, je me suis dit que ça serait pas mal d’enregistrer des vidéos.

Voilà donc comment est né Grégoire Duteretere...

Oui, c'est un pseudo. Pour renforcer ce décalage j'ai créé un personnage à mille lieues du rap. Je porte une panoplie très simple : veston, gilet, cravate et chemise.

J'ai aussi des accessoires, comme un "recueil des grands classiques du rap français" et une pipe, à l’ancienne. Je lis ces textes avec un ton guindé et des notes de piano en fond sonore. J'ai façonné un petit monde dans mon salon, une sorte de boudoir. a

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socié t é
Booba © Jean-Nicolas Chambon

Au-delà de la farce, quel est votre objectif ?

J'essaie de mettre les mots du rap en valeur. C'est une forme d'hommage à ces auteurs, dont certains méritent d'être connus. Mais j'émets aussi une "critique soft". En lisant de cette manière, "à plat", j'offre la possibilité à chacun de se forger sa propre idée sur ce qu'il entend vraiment, pour le meilleur et le pire.

très engagé. Et puis Booba bien sûr car il a des punchlines à tomber. Je l'ai beaucoup écouté durant sa période Lunatic, à la grande époque. Dans La Lettre, morceau racontant le dialogue entre un détenu et un copain, à l’extérieur, il lâche par exemple : "Quand je sors, ramènemoi une petite pute, bête, sans but. Je la ferai crier du bout de ma longue bite". Le propos est discutable, mais il faut lui reconnaître un sens certain de l'allitération.

Oui, vous révélez des propos assez outranciers, notamment à l'égard des femmes...

C'est vrai, le genre se révèle volontiers sexiste, insultant, voire violent et prône la plupart du temps l'argent et le pouvoir... C'est ce qu'on appelle le "rap game", avec sa surenchère. Il y a des grands spécialistes dans le domaine : Kaaris, Booba, Seth Gueko ou encore Niska et Luidji chez les plus jeunes. Alors oui, certains textes sont très vulgaires, misogynes, mais vachement bien écrits, comme ceux de Damso.

Quels seraient les rappeurs dont les textes vous impressionnent le plus ?

On peut citer Oxmo Puccino, La Brigade, Kery James, un rappeur

Comment expliquer qu'à l'ère de MeToo de tels propos soient encore de mise ? N'y aurait-il pas une forme d'impunité pour les rappeurs ?

Je suis d’accord, c'est très surprenant. Pour vous dire, je suis parfois obligé de censurer mes vidéos avec des bips, sinon elles sont supprimées des réseaux, notamment sur Instagram... Alors que je lis simplement des textes écoutés des dizaines voire des centaines de millions de fois sur les plateformes, sans aucun filtre ! Je ne l'explique pas.

Comment choisissez-vous les textes que vous interprétez ?

Ça dépend, il faut d'abord que le morceau me plaise un peu, quand même. J'écoute aussi beaucoup de nouveautés et puis je reçois des demandes via les réseaux, ça me permet de découvrir des artistes.

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« Mettre les mots du rap en valeur »

Avez-vous des retours de rappeurs ?

Assez régulièrement. Certains me demandent même une vidéo, me remercient ou me saluent avec un smiley. Plusieurs artistes se sont abonnés à mes pages, comme Alkpote, Kaaris, Seth Gueko... ça fait plaisir.

inspiraient davantage de réflexion, sans doute moins d'obscénité et de violence. On peut citer Laisse pas traîner ton fils de NTM ou Petit frère d'IAM, pour les plus connus. Aujourd'hui c'est plus rare, en tout cas dans le rap mainstream. Car certains artistes moins célèbres comme Furax Barbarossa ont encore une belle plume.

Quel serait votre album phare ?

Observez-vous une évolution, vous qui lisez "les anciens et nouveaux classiques du rap français" ?

J'ai grandi dans les années 1990, dans une cité en banlieue parisienne. Le rap fait partie de ma jeunesse et à l'époque les textes

Pour moi la référence reste L'École du micro d'argent d'IAM. Il n'y a rien à jeter dans cet album, le genre de vinyle qu'on peut encadrer et poser sur un mur.

Propos recueillis par Julien Damien

À visiter / @ duteretere

À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

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« Je suis parfois obligé de censurer mes vidéos »
Damso © Guillaume Durand
Artificial

LUCAS WAKAMATSU

Colore le monde

Avec son trait à l’esthétique japonisante et son patronyme évocateur, Lucas Wakamatsu trompe bien son monde. Point d'ascendance asiatique ici, c’est un passeport brésilien que l’illustrateur, formé au design graphique à l’université d’ État de São Paulo, conserve dans sa besace. Sa palette est tout aussi ensoleillée. Les images de ce jeune artiste regorgent de bleus éclatants, d'orangés vibrants ou de jaunes flamboyants.

« Lorsque je choisis des couleurs, tout est question d’intention et de sensibilité, dit-il. J’essaie de transmettre des messages à l'aide de combinaisons harmonieuses ». Au risque de nous décevoir, l’intéressé explique n’avoir aucune méthode pour créer, ni recette à partager. Tout juste confesset-il s’inspirer de son quotidien, d’anciennes œuvres d’art japonaises et du travail d’une foule d’artistes contemporains. Dans les scènes qu’il croque depuis son ordinateur, un mouvement se déploie et nous embarque. On chausserait bien nos baskets pour suivre ces coureurs enjoués ou ce cheval galopant au milieu des étoiles. Ses portraits ne manquent pas non plus de relief. Ils invitent au voyage, sublimant les maquillages rituels de peuples autochtones avec un regard moderne. Questionné sur notre sélection, Lucas Wakamatsu raconte un souvenir encore vivace de l’homme à la moustache, posté sur sa bicyclette. « Après quelques mois sans se voir pendant la pandémie, un de mes amis a réussi à me rendre visite à vélo, et m'a dit à quel point c'était bon pour sa santé mentale ». Pour nous, c'est sa palette qui fait office de remède, histoire d'affronter l'automne avec le sourire. Marine Durand

À visiter / lucaswakamatsu.com // behance.net/lucaswakamatsu // c @lucaswakamatsu

À lire / L'interview de Lucas Wakamatsu sur lm-magazine.com

23 portfol i o
« Tout est question de sensibilité »
Blom
25 Blom
26
Horse
27
Neighborhood
28 Artificial

Flavien Berger dim. 01 oct. |

L’Aéronef - Lille

GiedRé dim. 01 oct. | Thé. Louis Pasteur - Lille

Caroline Estremo

Le Splendid - Lille

Industrial Night #2

Combichrist + Megaherz + Janosch Moldau ven. 06 oct. | The Black Lab - Wasquehal

Imany Voodoo Cello mar. 10 oct. | Théâtre Sébastopol - Lille

Monsieur Poulpe

Lord of the Lost

The Black Lab - Wasquehal

Shaka Ponk jeu. 12 oct. |

Le Zénith - Lille COMPLET

Aymeric Lompret

Le Kursaal - Dunkerque

Luidji

Le Splendid - Lille

Kaamelott - 1er volet Ciné-concert

PLACES Jonathan Lambert

Le Zénith - Lille

Skip The Use

Thé. Louis Pasteur - Lille

Le Zénith - Lille

jeu. 05 oct. |
mar. 10 oct. | Le Splendid - Lille
mer. 11 oct. |
Le Zénith - Amiens DER. PLACES 13 & 14 oct. |
jeu. 21 mars |
DER.
Sceneo - Longuenesse
PLACES
ven. 13 oct. |
ven. 13 oct. |
sam. 14 oct. |
La Condition Publique - Roubaix COMPLET MPL
dim. 15 oct. |
DER.
dim. 15 oct. |
jeu. 19 oct. |

RÉSA:

Rise of the Northstar + Deez Nuts ven. 20 oct. | Le Splendid - Lille

Leto sam. 21 oct. | Le Zénith Club - Amiens dim. 22 oct. | L‘Aéronef- Lille

Werenoi sam. 21 oct. | Le Splendid - Lille COMPLET

Gaz Coombes sam. 21 oct. | Le Grand Mix - Tourcoing Nneka

jeu. 26 oct. | The Black Lab - Wasquehal

TIF ven. 27 oct. | Slalom - Lille

Gazo ven. 27 oct. | Le Zénith - Lille COMPLET Resolve dim. 29 oct. | La Bulle Café - Lille

Yellowstraps jeu. 02 nov. |

agauchedelalune.tickandyou.com et dans les points de vente officiels habituels graphisme : marceau truffaut - hypothèse.studio

La Bulle Café- Lille Ko Ko Mo jeu. 02 nov. | Le Splendid - Lille Lord Esperanza ven. 03 nov. | Slalom - Lille Punish Yourself + Shaârghot + Carbon Killer sam. 04 nov. | The Black Lab - Wasquehal Jain sam. 04 nov. | Le Zénith - Lille 47 Ter dim. 05 nov. | L’Aéronef - Lille Fear Factory lun. 06 nov. | Le Splendid - Lille
©
Tom Beard

BAXTER DURY À pas feutrés

Le Baxter Dury nouveau est arrivé. Un événement ? Une tradition, plutôt. Où les mêmes adjectifs sont prêts à sortir, l’Anglais ne surprenant guère, traînant son spleen et sa gueule de Droopy sur les scènes d’Europe et les disques des amis. C’est ce que l’on pensait. Et pourtant...

On évitera, promis, d’utiliser le terme de "dandy" – un mot tellement galvaudé ! D’autant que ledit personnage arbore, en toute circonstance, un sens assuré du détachement. De fait, excepté un certain art dans le porté du marcel et une façon bien à lui de manier le talk-over, le rejeton de Ian Dury n’a jamais semblé détaché ou blasé. Encore moins dans sa dernière livraison dont le titre amusant (I Thought I Was Better Than You) sonne comme un bel aveu de modestie et de remise en question. Il faut dire qu’il lui en a fallu, du culot et de la confiance en soi, pour se lancer dans la musique avec un nom pareil. Après deux albums hautement recommandables parus en 2002 et 2005, l’Anglais disparut un temps. Il produisit ensuite le premier LP d’Alister (vous savez, le patron de la revue Schnock), et fit un come-back inespéré avec Happy Soup (2011).

Mélange des genres

Depuis, Baxter n’a plus jamais surpris, se contentant de remanier les formules qui firent son succès, avec plus ou moins de bonheur – non, rien ne fut totalement à jeter. N’empêche. Dans son septième essai, le quinquagénaire règle définitivement les comptes avec le paternel. Use de son accent à couper au couteau pour caracoler sur un hip-hop "melodynelsonien" et glisse toujours des chœurs féminins en contrepoint. Certainement pas un dandy, donc. Plutôt un petit producteur habile, un pépiniériste averti qui a trouvé un son et tente des greffes de-ci de-là, laissant quelques épines en plein cœur. Thibaut Allemand

Bruxelles, 08.10, Botanique, 19h30, complet !

33 musiqu e

KALIKA

Évacuons d’emblée ses débuts dans la navrante émission Nouvelle Star. C’était en 2016 –une éternité. Aujourd’hui, à 25 ans, Kalika s’impose, à l’instar d’Eloi, comme une figure de l’hyperpop française. De son vrai nom Mia Rosello, la native d'Avignon a choisi ce pseudonyme en double référence à la déesse hindoue Kali et à Sara la Kali, sainte des Gitans, communauté où elle a grandi. La force de Kalika, passée par le conservatoire, réside dans les grands écarts (musicaux, thématiques) entre une langue volontiers crue et des sentiments mis à nu. Il faut jeter une oreille à Chaudasse ,

single féministe et bien vénère, qui jongle entre R&B et beats techno binaires. Ailleurs, l’enfance infuse Sarah et Stéphane , chronique poignante et autobiographique d’un couple dévasté par les violences conjugales – ses propres parents. Sur scène, celle qui semble surgie d’un manga (coupe déstructurée, maquillage outrancier, costumes improbables) devient véritable combattante (hyper)pop, et exorcise ses démons dans des merveilles qui laissent exsangue. La grande classe. Thibaut Allemand

Tourcoing, 07.10, Le Grand Mix, 20h, 14 > 6€ www.legrandmix.com

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© Mathias Adam
NEW !
Hyperpopstar
Artwork © L’astrolab*Photo © Maksym Vlasenko, UnsplashLicences 1-001911 / 2-001912 / 3-001913 23
AURÉLIE SAADA + FEU MINÉRAL • MARIE FLORE + AMOUË PATRICE • PARITÉ MON Q • ANDRÉ MANOUKIAN CHERS PARENTS • TROIS CAFÉS GOURMANDS LE SOLDAT ROSE • UN CULOT MONSTRE • TRAQUEURS DE NAZIS / OLDELAF & ARNAUD JOYET • LES GOGUETTES • MAX BOUBLIL UNE IDÉE GÉNIALE • MAXIME LE FORESTIER • LOUANE MIOSSEC • THE AMY WINEHOUSE BAND • AVE CÉSAR ! ISLANDS / CAROLYN CARLSON • BENJAMIN TRANIÉ ZAZIE • AHMED SYLLA • BELLES DE NUIT • ARTIMINI THÉÂTRE MUNICIPAL DE BÉTHUNE Boulevard Victor Hugo F - 62400 Béthune Renseignements et réservations 03 21 54 97 40 - theatre-bethune.fr Billetterie : application B-Tick
BETHUNE THEA TRE
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Do Nothing

Do Nothing. Soit littéralement "ne rien foutre" en VO. Vaste programme, et nom plutôt parfait pour un groupe dont le leader, Chris Bailey, n’aime rien tant que déclamer ses textes avec un sens de la distance et de la dérision typiquement anglais - allure désinvolte, mines faussement consternées... Un morceau tranchant et ironique, LeBron James (oui, comme le basketteur) plaça le quatuor de Nottingham sur la carte des jolies promesses et possibles héritiers de The Fall. Si Snake Sideways, premier album de la bande, présente un son plus produit, sur scène ces sales gosses arborent encore une morgue rêche et revêche. Tant mieux ! T.A.

Bruges, 09.10, Cactus Muziekcentrum, 19h30, 15 > 9€, cactusmusic.be Bruxelles, 10.10, Botanique, 19h30, 10/7€ // Tourcoing, 20.10, Le Grand Mix, 20h, 14 > 6€

Big Joanie

Elles se nomment Stephanie, Estella et Chardine. "Big Joanie", c’est leur idée d’une femme qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. À leur image donc, ces Londoniennes brandissant le flambeau féministe de Bikini Kill et leur contingent de Riot grrrls. Mais pas seulement : ce rock décharné se nourrit de punk-funk comme de pop ténébreuse, soit la rencontre entre les Slits, ESG et The Shangri-Las. Une hargne joyeuse qui prend tous ses atours sur scène.. T.A.

Bruxelles, 12.10, Botanique, 19h30, 16,50 > 10,50€, botanique.be Lille, 16.10, L'Aéronef, 20h, 6/3€, aeronef.fr

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© Adrian Vitelleschi Cook © Sam Keeler

MADAME ARTHUR CALI

TROUILLE BLEUE STRUCTURES...

OIGNIES 9-9bis.com SEPT.23 > JANV.24 Illustration : Roxane Campoy Rue Alain Bashung - 62 590 Oignies À 30 MIN DE LENS - ARRAS - LILLE Accès A1 Sortie 17.1 - “ Site minier 9-9bis“
FUSÉE ARNAUD REBOTINI ON MONTE LE SON ! VOYOU
FEST LA P’TITE FUMÉE
POPPY
TYRANT
AMADOU & MARIAM
LÉNINE RENAUD WAX TAILOR THE PSYCHOTIC MONKS

TOURCOING JAZZ FESTIVAL

Rencontres au sommet

Trente-septième édition du rendez-vous des amateurs de cuivres (mais pas que). On pourrait parler d’institution… mais on ne le fera pas, car cela sous-entendrait une pesanteur dont le Tourcoing Jazz Festival nous dispense. Au contraire, c’est en toute légèreté que s’organisent des bacchanales entre jazz, soul, funk, pop, electro… Des rencontres uniques entre anciens et modernes, passé et présent. La preuve par quatre. T.

Erik Truffaz

En bon disciple de Miles Davis, ce Franco-Suisse ne s’est jamais cantonné aux clichés du jazz (caves enfumées, etc.). Au contraire, à l’instar de la légende américaine, le trompettiste a, dès la fin des années 1990, confronté le genre à la modernité venue d’outre-Manche (drum & bass en particulier). On se souvient de Bending New Corners (1999), album pivot qui tenait la dragée haute aux Anglais. Toujours à l’affût des courants (il partage d’abord la scène avec le jeune Foehn Trio), le sexagénaire revisite ici quelques célèbres partitions du cinéma, dont Ascenseur pour l’échafaud, du précité Miles Davis. La boucle serait-elle bouclée ?

Tourcoing, 10.10, Théâtre municipal Raymond Devos, 19h, 30 > 10€

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© Vincent Guignet Allemand

Hypnotic Brass Ensemble

Les chiens ne font pas des chats. Sur les neuf membres de cette fanfare moderne, huit sont les fils du regretté Phil Cohran, dont la trompette illumina les compositions cosmiques du Sun Ra Arkestra… Loin de tomber dans le mimétisme, la fratrie confronte son jazz à des influences R&B, soul, funk ou hip-hop. Une ouverture d’esprit et une maestria qui les virent travailler avec Mos Def, Wu-Tang Clan, Gorillaz, Erykah Badu ou encore Prince – excusez du peu. Le meilleur brass band en activité ?

Sans doute.

Tourcoing, 11.10, Magic Mirrors 20h15, 20 > 5€

Boubacar Traoré

Les Égarés

Ballaké Sissoko (kora) et Vincent Segal (violoncelle) d’un côté, Émile Parisien (saxophone) et Vincent Peirani (accordéon) de l’autre. Voici ces deux binômes réunis sous une appellation en clin d’œil à leur parcours – tant furent nombreux les chemins de traverse arpentés sans jamais se perdre de vue. On peut compter sur le feeling de ce carré magique pour rendre justice à des compositions largement improvisées, mêlant jazz, musiques traditionnelles, contemporaines et avant-gardistes.

Tourcoing, 11.10, Théâtre municipal Raymond Devos, 19h, 30 > 10€

Cet homme eut deux vies. La première, dans les sixties, lors de l’indépendance du Mali. Mais les vents (politiques) tournèrent et, après vingt ans d’errances et de petits boulots, ce guitariste et chanteur hors pair fut redécouvert. Il marqua les années 1990 de son blues habité, le frottant volontiers aux influences acadiennes (cajun, zydeco…). On l’a récemment vu, à Ixelles, simplement accompagné d’un joueur de calabash et d’un harmoniciste – le Malien mit la salle à genoux. La traversée du désert est bien derrière.

Tourcoing, 13.10, Magic Mirrors, 20h15, 15 > 5€

Tourcoing, 07 > 14.10, divers lieux, 1 concert : 41€ > gratuit tourcoing-jazz-festival.com

Sélection / 07.10 : Belmondo

DeadJazz, Jeanne Added

08.10 : Goran Bregovic…

10.10 : Foehn Trio feat Erik Truffaz + Christian McBride / Erik Truffaz, Ana Carla Maza

Quintet… // 11.10 : Les Égarés, Hypnotic Brass Ensemble…

12.10 : Daniel Garcia Trio, Kenny Barron solo / Gabi

Hartmann… // 13.10 : Abraham Inc feat David Krakauer, Fred Wesley & Socalled, Boubacar

Traoré Trio… // 14.10 : Chucho

Valdés, Chloé & Vassilena

Serafimova "Sequenza"…

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© Ray Yau © Claude Gassian

ÉMILIE SIMON

Retour aux sources

Voix mutine et trouvailles technologiques : telle pourrait être décrite, en peu de mots, l’œuvre singulière d’Émilie Simon. À l’occasion des vingt ans de cette drôle de carrière, l’autrice-compositrice et musicienne revient sur son essai inaugural. Pour le revisiter. De fond en comble.

Lorsqu’elle apparut en 2003, Émilie Simon demeurait irréductible à tout classement. Face à cette pop électronique, par paresse, certains convoquèrent Björk, autre férue d’hybridation entre inspiration pop classique et nouvelles technologies. On se souvient ainsi du bras électronique avec lequel la Montpelliéraine manipulait les sons. Formée en musicologie à la Sorbonne et à l’Ircam, la multi-instrumentiste reprenait délicatement I Wanna Be Your Dog des Stooges et, au rayon animalerie toujours, mit en musique La Marche de l’empereur. Depuis, la jeune femme s’est faite discrète, enchaînant d’autres BO et opérant, voici dix ans, une Mue francophone plus classique et, avouons-le, moins convaincante. On en revenait donc sans cesse à son premier essai. Or, c’est celui-ci que l’intéressée a réenregistré intégralement. Caprice un peu vain ? Plutôt une continuité pour cette adepte de la remise à plat. En 2015 par exemple, à Wuhan (eh oui !), des problèmes techniques (dont l’absence d’ordinateur) l'avait contrainte à donner un concert acoustique au débotté en intégrant une flûte traditionnelle chinoise. On n’en dira pas plus sur cette version réorchestrée. Le mieux étant de la (re)découvrir sur scène. Thibaut Allemand

Bruxelles, 14.10, Botanique, 19h30, 31,50 > 25,50€, botanique.be (Festival FrancoFaune) Valenciennes, 21.10, Le Phénix, 20h, 22/19€, lephenix.fr Aire-sur-la-Lys, 10.11, Manège, 20h, 12/7€, ville-airesurlalys.fr (Festival Haute-Fréquence)

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© Nicolas Despis

CLAY AND FRIENDS 05.10 La Bulle Café / Lille

FRANJO 06.10 Théâtre Sébastopol / Lille

JULIEN GRANEL 06.10 Théâtre Charcot / Marcq-en-barœul

DAVID VOINSON 07.10 Le Spendid / Lille

MAXIME LE FORESTIER 07.10 Le Touquet

POMME 17, 18 & 19.10 Théâtre Sébastopol / Lille

ROMAN FRAYSSINET 27.10 Le Touquet

THOMAS ANGELVY 28.10 Le Spendid / Lille

BRÖ 28.10 La Bulle Café / Lille

LAURA FELPIN 03.11 Le Zéphyr / Lille

LOMEPAL 07 & 08.11 Zénith / Lille

NOVEMBER ULTRA 08.11 Théâtre Sébastopol / Lille

LOUIS ALBI 10.11 La Bulle Café / Lille

ALLTTA 15.11 Le Spendid / Lille

ALEXIS LE ROSSIGNOL 16.11 Le Spendid / Lille

SOKUU 17.11 La Bulle Café / Lille

LISA LEBLANC 21.11 La Bulle Café / Lille

SAEZ 21.11 Zénith / Lille

ARCHIVE 23.11 L’Aéronef / Lille

MOJI X SBOY 23.11 Le Slalom / Lille

RENAUD 01.12 Palais des Congrès / Le Touquet

MENTISSA 02.12 Théâtre Sébastopol / Lille

E Q TUMETONNESPRODUCTIONS LICENCES : R-2021-012664 / R-2021-012665CRÉATION GRAPHIQUE L'ASTROLAB*INFO@LASTROLAB.COM AGENDA
COMPLET COMPLET COMPLET COMPLET COMPLET COMPLET COMPLET COMPLET
COMPLET & RÉSAS :

QUOI DE NEUF ?

Avec le temps va, tout s’en va… Ben non, pas toujours. Jadis promesses d’avenir, les musiques électroniques relèvent désormais du patrimoine. Ainsi, des artistes qui firent les plus belles nuits des années 1990 et 2000 sont toujours en activité. Sont-ils encore pertinents ? Au risque de spoiler, la réponse est globalement oui.

2manydjs

En 2002, il était impossible d’échapper à As Heard on Radio Soulwax Pt. 2. Un sommet du bootleg, ou mash-up, soit la science de mixer des morceaux qui, a priori, n’ont rien à voir ensemble, comme Nirvana et Destiny’s Child. Les frères Dewaele ne furent pas les seuls (Kid606 ou Knifehandchop s’y étaient essayé), mais ils furent les maîtres, au point d’éclipser un temps leur "vrai" groupe, Soulwax. Si l’album précité fut le seul commercialisé officiellement, on trouve jusqu’à seize (!) sessions sur la Toile. Depuis, le mash-up a lassé, DJ Zebra nous a saoulés, mais ces Belges demeurent de surprenants enchanteurs. Souvent imités, jamais égalés.

Seraing, 07.10, OM, 21h, 32/ 30€, omconcerts.be

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© DR ELECTRO

Richie Hawtin

En voici un que l’on peut légitimement considérer comme une légende vivante. Ce Britannique grandi au Canada incarne pourtant ce que… Détroit a produit de meilleur. Signataire d’une pierre angulaire du genre (Consumed, 1998, sous le nom de Plastikman), notre homme a posé les bases de la techno minimale, via les labels Plus 8 et Minus, et organisé une rencontre rêvée entre le son de Jeff Mills et l’approche de Steve Reich. Enfin, ce qui ne gâche rien, ses sets allient toujours prouesses sonores et performances visuelles. Bruxelles, 13.10, Bozar, 20h, 30€, bozar.be

Booka Shade

Au début du siècle, ces deux artistes publièrent coup sur coup trois albums inusables, glissant dans leur tech house un imparable sens du groove. À l’époque, leur label, Get Physical, avait le vent en poupe et les sorties conjuguées des œuvres de M.A.N.D.Y., Modeslektor, Junior Boys, Trentemøller ou Damian Lazarus soufflaient un vent d’air frais sur la capitale allemande. Alors, certes, ses derniers titres s’avèrent moins redoutables, mais Booka Shade séduit toujours autant les foules. Bruges, 13.10, Cactus Muziekcentrum, 22h 26 > 19€ // Seraing, 14.10, OM, 20h, 25,50/24€

Tiga

En pastichant, pour son premier LP modestement nommé Sexor (2005), le visuel d’ In Your Mind de Bryan Ferry (1977), Tiga peaufinait son image de playboy international. Hédoniste total, flambeur né, il aura mêlé pop, house et techno dans un joyeux lupanar et grillé ses cartouches en quelques années et… trois albums seulement. Ce qui ne l’a pas empêché de multiplier les sorties avec Audion, Hudson Mohawke ou Roman Flügel. Dans le cadre post-indus du Rockerill, nul doute que le Montréalais saura faire résonner ses beats classés X. Bruges, 11.11, Cactus Muziekcentrum, 22h, 25 > 19€ //

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Charleroi, décembre, Rockerill, 15€ © Marin Driguez © Wasserman Music
© DR

Mots pour maux

Si loin, si proches. Nouvelles figures de la scène française, Pomme et Marie-Flore cultivent les points communs comme les différences. La première a connu un succès fulgurant dès son premier album ( À peu près , 2017). La seconde a pris son temps, s'est un peu cherchée avant de se réinventer. Quoi d'autre ? J.D.

Le blaze. Claire Pommet a vite été surnommée "Pomme" par ses camarades de classe. « En plus à l’époque, on mangeait des Pom’Potes », ditelle. L'histoire aurait-elle été la même si elle avait enchaîné les Yop ? De son côté Marie-Flore (Pol) doit son prénom à une chanson de Joan Baez dont ses parents étaient fans – Milanese Waltz / Marie Flore. Vous avez dit "destin" ?

Langues qui piquent. Féminisme, droits LGBT, environnement... Pomme, ouvertement lesbienne, n'hésite pas à s'engager, dans ses textes comme dans les médias. Marie-Flore n'a pas non plus la langue dans sa poche mais mène d'autres combats : dans le morceau 20 ans, elle dénonce par exemple le jeunisme ambiant. Monte le son. Une voix chaude et écorchée posée sur des chansons popfolk bardées de cordes : Pomme, c'est la douceur à l'état pur. Plus badass, Marie-Flore revendique ses influences rap. Après des débuts folk-rock en anglais, la trentenaire marie mélancolie et textes crus sur des compos electropop. Cette fan du Velvet Underground chante désormais dans la langue de Françoise Hardy, et ça lui va comme un gant – clouté. Certes, elle n'a pas encore le succès de la première, mais notre chouchoute, c'est elle !

Pomme

Lille, 17 > 19.10, Th. Sébastopol, 20h, 45 > 32€

Bruxelles, 14.11, Forest National, 20h, 40 > 38€

Marie-Flore

Béthune, 18.10, Théâtre, 20h, 22 > 11€

Roubaix, 19.10, Grand'Place, 20h, 14/12€ lesgrandesondes.fr (Fest. Les Grandes ondes)

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© Lian Benoit // © Sam Hellman Marie-Flore
Pomme
VS
HOMMAGE AU CORPS IMPULSIF, ÉMOTIF ET VIEILLISSANT. DANSE JEU. 19 OCT. I 20H I LE VIVAT MAMA TEKNO Julie Dossavi levivat.net I 03 20 77 18 77 Place Saint Vaast, Armentières Toute la programmation en ligne : marcq-en-baroeul.org + d’infos Théâtre Charcot 122 rue du Dr Charcot 59700 Marcq-en-Barœul 20 € / 16 € / 13 € - places numérotées
+ Pur Sang JEUDI 16 NOV. 20 H • CONCERT •
OLDELAF « LE MONDE EST BEAU »

DIANA ROSS

Suprême retour

DIVA SOUL DE LA MOTOWN AVEC THE SUPREMES, PUIS REINE DU DISCO DANS

LES ANNÉES 1980, DIANA ROSS S'OFFRE UN DERNIER TOUR DE PISTE - OU

AVANT-DERNIER, QUI SAIT ? DE MICHAEL JACKSON À BEYONCÉ, L'AMÉRICAINE

À LA VOIX CRISTALLINE A INFLUENCÉ PLUSIEURS GÉNÉRATIONS... ET CE N'EST

PAS FINI ! À 79 ANS, CELLE QUI FUT CONSACRÉE "PLUS GRANDE ARTISTE FÉMI -

NINE DE L'HISTOIRE DE LA MUSIQUE" PAR LE GUINNESS S'APPRÊTE À METTRE LE

PALAIS DES SPORTS D'ANVERS "UPSIDE DOWN" .

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© DR

DE LA SUITE DANS LES IDÉES

Née en 1944 à Détroit, la petite Diana Ross a une voix jugée "nasillarde et agaçante" mais sait déjà ce qu'elle fera de sa vie : star internationale ! Avec deux voisines, elle fonde The Primettes qui deviendra The Supremes en 1961, tête de gondole du jeune label Motown, avec les hits que l'on sait – Where Did Our Love Go, Baby Love... En 1969, elle décide de voler de ses propres ailes. Ses débuts en solo se traduisent par le bien-nommé Ain't No Mountain High Enough (reprise du hit interprété par Marvin Gaye et Tammi Terrel).

GAY-FRIENDLY

Sorti en août 1980, écrit, produit et joué par Chic, I'm Coming Out est bien plus qu'un hit : il devient un hymne de la communauté gay. Les paroles sont sans équivoque : I'm coming out ("Je me dévoile"), I want the world to know ("Je veux que le monde le sache"), Got to let it show ("Je dois le montrer")... Tout est dit.

HIT MACHINE

Au milieu des années 1970, la diva soul se transforme en disco queen et signe un premier tube, Love

Hangover, rivalisant avec une certaine Donna Summer (avec qui on la confond parfois !). Mais c'est l'album

Diana, produit en 1980 par les incontournables Nile Rodgers et Bernard Edwards (Chic), qui la fait exploser. Le disque contient son lot d'incunables, comme Upside Down

AVOIR UN BON COPAIN

« Une mère, une amante et une sœur, le tout réuni en une seule femme extraordinaire ». C'est ainsi que Michael Jackson parlait de Diana Ross, qu'il imitait depuis son enfance et idolâtrait – c'est d'ailleurs à elle qu'il doit ses mythiques "Aouw". Les deux stars se sont rencontrées dans les bureaux de la Motown. Elle brillait avec les Supremes et lui débutait avec les Jackson 5. Ils resteront proches jusqu'à la mort du roi de la pop.

Anvers, 17.10 Sportpaleis 20h, 149 > 95€ sportpaleis.be

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© rockarchive.com / DR
© DR

GILBERTO GIL

Révolution permanente

Voici quelques semaines, Caetano Veloso nous rendait visite. Ce moisci, Gilberto Gil, autre légende vivante brésilienne, débarque lui aussi à Bruxelles, accompagné de ses trois fils. L’occasion d’admirer un morceau d’histoire du xxe siècle, tant musicale que politique.

Il serait vain de retracer ici le parcours de Gilberto Gil. On ne peut que s’incliner devant le talent, les visions et l’engagement de ce fils de bonne famille et étudiant modèle qui envoya tout valser après s’être pris le typhon psychédélique en pleine poire. Au mitan des années 1960, le natif de Salvador de Bahia pose les bases du tropicalisme en compagnie d’Os Mutantes, Caetano Veloso, Tom Zé ou Gal Costa. Farouchement libre, il modernise la samba à grands coups de guitares électriques et applique à la lettre le programme des hippies nord-américains. Mais en 1968, les militaires au pouvoir ne l’entendent pas de cette oreille. Enchristé quelques mois, Gil prend la tangente, direction Londres – il sera le seul Latino-Américain à jouer au festival de Wight ! Les années 1970 le voient se pencher sur les musiques africaines et conserver un engagement politique en faveur des minorités opprimées de son pays. Cette prise de position le mène à devenir ministre de la Culture du gouvernement Lula entre 2003 et 2008. Aujourd’hui, Gilberto Gil, 81 ans, peut se targuer d’avoir signé plus de cinquante albums mêlant, au gré des envies, samba, bossa nova, rock, reggae, funk, forró, disco… Et révolutionné, non seulement la musique brésilienne, mais la pop en général. Thibaut Allemand

Bruxelles, 23.10, Cirque royal, 20h, complet !, cirque-royal-bruxelles.be

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© DR

4 OCTOBRE

DON QUICHOTTE

Grand Théâtre - 20H30 - Théâtre picaresque

6 OCTOBRE

AURÉLIE SAADA + INI

Gérard-Philipe - 20H00 - Musique Pop

12 OCTOBRE 1983

Grand Théâtre - 20H30 - Théâtre de boulevard

19 OCTOBRE

KO KO MO + RAVAGE CLUB

Gérard-Philipe - 20H30 - Musique Rock

8 NOVEMBRE

ROMÉO ET JULIETTE

Grand Théâtre - 20H30 - Théâtre classique

Retrouvez le programme ici

Retrouvez la billetterie : www.billetterie.calais.fr

www.spectacle-gtgp.calais.fr

C M J CM MJ CJ CMJ N

Gaz Coombes

Parmi les vétérans estampillés brit-pop (Damon Albarn, les frères Gallagher, Jarvis Cocker...) Gaz Coombes est le seul à n’avoir pas encore atteint la cinquantaine. À 14 ans, il fondait les attachants The Jennifers. Quatre ans plus tard, il remportait la timbale avec Supergrass, signant une poignée de tubes et d’albums très recommandables. Ce petit génie précoce, héritier d’une certaine tradition anglaise (The Small Faces, Buzzcocks, Madness…) a su élargir sa palette, comme en témoignent ses quatre essais en solitaire. Certes, le natif d’Oxford est resté à la marge du succès total, mais il a écrit quelques-unes des plus belles pages de la pop anglaise. T.A.

Peter Kernel

Peter Kernel, ou le secret le mieux gardé de l'indie-rock. Formé du graphiste Aris Bassetti et de la cinéaste Barbara Lehnhoff, ce duo suisso-canadien écume les petites salles du monde depuis près de 15 ans. Hautement inflammables, toujours imprévisibles, leurs morceaux évoquent la folie furieuse des Pixies ou de Sonic Youth. Sur scène, ces éternels punks entourent deux batteurs et n'hésitent jamais à inclure le public à leurs sets. Immanquable. J.D.

Lille, 18.10, La Bulle café, 20h, 13/10€, maisonsfolie.lille.fr Bruxelles, 22.10, Le Botanique, 19h30, 20,50 > 14,50€ botanique.be

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Tourcoing, 21.10, Le Grand Mix, 20h, 23 > 15€, www.legrandmix.com © DR © Double Drummer

L’AÉRONEF

LILLE OCT. 23

ET PLUS !
Ma. 10 oct. KID CONGO & THE PINK MONKEY BIRDS + HOWLIN’ JAWS AERONEF.FR Licences : 1-012328 / 2-012329 / 3-012330 Design graphique : les produits de l’épicerie / Lille Sa. 07 oct. THE YOUNG GODS PLAY TERRY RILEY IN C + RAD + PUCE MOMENT Me. 11 oct. HYPNOTIC BRASS ENSEMBLE Hors Les Murs Je. 12 oct. SILLY BOY BLUE + QUASI QUI Ve. 13 oct. ASTEREOTYPIE + TRUNKS + LA BELLE BOUFFE Sa. 14 oct ALCEST + THE DEVIL'S TRADE Sa. 21 oct. ADÉ + JOHNNY JANE Dernières places Ma. 24 oct. COACH PARTY + HALLAN Sa. 28 oct. HANIA RANI + guest Ma. 31 oct. KARKWA + LOVERMAN Me. 25 oct. RODRIGO Y GABRIELA Dernières places Lu. 16 oct. BIG JOANIE + FRÄULEIN Ma. 17 oct. WARHAUS + OYESONO Ve. 20 oct. MODERAT + SYLVERE Complet Ma. 03 oct. THIS IS THE KIT + BLUMI Je. 05 oct. INHALER + NIEVE ELLA Ve. 06 oct. THE SLOW SHOW + RADIO HITO

JAMES

Ombre et lumière

Débarquée du quartier d'Enfield, au nord de Londres, Loraine James n’a pas passé sa jeunesse dans les raves de la capitale. Elle a découvert les musiques électroniques tranquillement, dans sa chambre via The Postal Service, le side project electropop des rockeurs emo de Death Cab For Cutie. Une épiphanie qui la pousse à remonter le fil – l’IDM d’Aphex Twin, de Squarepusher, entre autres. Ses productions conjuguant futurisme et introspection mélancolique ont séduit le label Hyperdub. Pas un hasard : la maison est réputée pour son jusqu’au-boutisme

sonore (une bass music radicale poussant le dub le plus intense et la techno la plus lourde dans leurs derniers retranchements) et sa précision théorique (voir l’ouvrage de Steve Goodman, alias Kode9, page 58). À ce titre, Loraine James étonne et détone dans ce paysage

« entre gris clair et gris foncé », pour citer un célèbre philosophe français. Elle n’en devient que plus précieuse, comme un îlot de fragilité au milieu d’une troupe de guerriers soniques.

Bruxelles, 01.11, Botanique, 19h30 21,50 > 15,50€, botanique.be

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NEW !
© Alice Ivor

Martine Au Bruit : John Gómez

+ Seb Le Vinyl + Donov

Lucie Antunes + Lydsten

2TH + Danyl

Kalika + Thérèse

Tourcoing Jazz Festival : Foehn Trio feat Erik Tru az

Dekker + Maybe Margate

Tourcoing Jazz Festival : Abraham Inc. feat David Krakauer, Fred Wesley & Socalled

The Murder Capital + guest

Nuit du Rap Français au LaM (Villeneuve d'Ascq) : Rad Cartier + Selug & Senar + Konga + Dirty Berlin

bdrmm + guest

Do Nothing + Humour

Gaz Coombes + Ralfe Band

Lee Fields + guest

A erwork : ATOEM

FACS + Monolithe Noir

Black Country, New Road + guest

LES INFOS SUR LESGRANDESONDES.FR LA GRANDE SOPHIE RENAN LUCE MARIE-FLORE ZAOUI SHARKO LA CARAVANE PASSE ... LES ROUBAIX GRANDES ONDES GRAND PLACE
OCT. 2023 01 /10 05/10 06/10 07/10 10/10 12/10 13/10 16/10 18/10 18/10 20/10 21 /10 24/10 27/10 29/10 31 /10
TOUTES
14>22
SCÈNE DE MUSIQUES ACTUELLES TOURCOING
→oct.2 023 LE MIX legrandmix .com design_les produits de l’épicerieL-R-22-4685 / L-R-22-4687 / L-R-22-4689
LE GRAND MIX

Ciné-concert Psychose

« Hitchcock n’achève un film qu’à 60%. Je dois y mettre la touche finale », déclara un jour le compositeur Bernard Herrmann (1911-1975). Songeons à la scène de la douche de Psychose : ces 45 secondes n’auraient sans doute pas eu la même postérité sans ces fameux accords stridents qui ajoutent l’effroi à l’horreur. Pour ce film, le 47e du réalisateur, Herrmann a mobilisé vingt musiciens, et uniquement des cordes (violons, violoncelles, contrebasses), jouant avec la variété des approches. 63 ans plus tard, la terreur demeure intacte – la preuve sur grand écran et avec l’ONL. T.A.

Jeanne Added

Chanteuse et musicienne accomplie, Jeanne Added est passée par le jazz et la "grande musique" avant de se lancer sous son nom en 2011. Quatre albums plus tard, elle croule sous les prix, les acclamations critiques, publiques, et le respect de ses pairs. Mêlant dans un même mouvement pop, R&B, postpunk ou funk, acoustique et électronique, la Rémoise s’octroie une rare liberté, s’avérant à la fois inclassable et immédiatement reconnaissable – la marque des grandes. T.A.

Douai, 03.10, Hippodrome, 20h30, 38 > 27€, tandem-arrasdouai.eu Tourcoing, 07.10, Théâtre municipal Raymond Devos, 20h, 38 > 10€ tourcoing-jazz-festival.com (Tourcoing Jazz Festival, voir page 38)

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Lille, 26.10, Nouveau Siècle, 20h, 38 > 10€, www.onlille.com Psycho © A Universal Pictures © Camille Vivier
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disques

Eloi

Dernier orage (Romance Musique / Universal)

Depuis quelques années, un spectre hante l’Occident : l’hyperpop. Un genre hybride mêlant R&B du futur, electro toutes directions, vocaux rap et trafiqués, couplets pop et surpitchés… On en passe. Ainsi, ce courant défendu par le label PC Music et A.G. Cook ou 100 Gecs voit éclore des représentants en France – ils se nomment Ascendant Vierge, Kalika (voir page 34) ou… Eloi, donc. Sans doute la plus convaincante des trois noms cités. Ses deux EP (Acedia et Pyrale, portés par Divorce et sa reprise de Jtm de ouf de Wejdene) n’ont guère quitté les enceintes cette année. L’album s’avère à la mesure des attentes. Cette jeune femme, qui cite pêlemêle Alex G et Brigitte Fontaine, Chopin et Sébastien Tellier, Debussy et les oubliés Fischerspooner, organise un maëlstrom sonore où se mêlent trance flinguée (Pyromane), pop déstructurée (Aquarius), tension planante (Volcan) et de rares pauses (Tamaris). Si la Parisienne revendique haut et fort l’influence de Sexy Sushi, on ne retrouve pas ici l’humour absurde du tandem nantais. On est plus proche des visions apocalyptiques et cyberpunk d’un William Gibson et du cut-up de Burroughs, le tout passé au filtre d’une génération désenchantée. Thibaut Allemand

Stéphane Milochevitch

La Bonne aventure (Talitres)

« Appelle-moi demain, demain Milochevitch », disait le texte de Mon Dernier voyage, l’un des sommets d’Au paradis, ultime album signé Thousand. Promesse tenue : cette fois, Stéphane Milochevitch nous dit La Bonne aventure sous son propre nom. S’il y apparaît un peu plus "sans fard" qu’à l’accoutumée (voix plus fragilement humaine, dépouillement occasionnel), on y retrouve l’enivrant dédale de signes et de figures qui fait sa patte. Dédale pour lequel il sème des sésames à notre attention — ici, notamment « la poésie est partout ». Son imaginaire rimbaldien, noyauté autant par la culture de masse que par l’hermétisme mystique ou le punch du rap, se manifeste une nouvelle fois avec fougue, sensualité, humour et esprit. Un authentique chef-d’œuvre. Rémi Boiteux

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Jorja Smith Falling or Flying (FAMM / Because Music)

Remarquée en 2018 avec Lost and Found, petite réussite R&B soul, Jorja Smith signe un second LP qui souligne la capacité de son autrice à se glisser dans tous les genres. Hélas ? Peut-être. Originaire des Midlands de l'Ouest (à 200 km de Londres) la protégée de Drake livre un disque finalement passe-partout, sans aspérité. Parfois comparée à la regretté Amy (Angleterre + soul, forcément…), Smith ne possède pas l’assurance vocale de son aînée déglinguée, et se paume trop souvent dans des vibes et feulements assez creux. Dommage, car elle fait mouche lorsqu’elle s’impose vraiment. Citons le UK Garage de Little Things, imparable, ou, dans une moindre mesure, les accents grime pop de GO GO GO. Un album qui se cherche, mais ne nous trouve pas. Thibaut Allemand

Compilation Simplement Sheller (Barclay)

Fin mélodiste, parolier faussement simple et interprète en retrait, William Sheller relève de ces artistes discrets, dont un tube ou deux masquent une œuvre autrement foisonnante. Cet album-florilège souligne son importance sur la scène francophone. Disons-le tout net : si l'ensemble est honorable, ces chansons nécessitent retenue et perdent en charme dès qu’on les force un peu trop (Calogero, Zaho de Sagazan). Véronique Sanson embarque Fier et fou de vous dans sa drôle de vie, tandis que Nicolas semble avoir été écrite par et pour Florent Marchet. Jeanne Cherhal, Emily Loizeau ou encore Marie-Flore rendent justice à ces morceaux mais, au rayon des absents, on se dit que Jean Felzine ou Pharaon de Winter auraient eu toute leur place ici… La prochaine fois ? Thibaut Allemand

Sufjan Stevens

Javelin (Asthmatic Kitty / Modulor)

Autrefois petit prince d’une certaine idée du folk sophistiqué, le natif de Détroit a multiplié les sorties depuis 2000. On le vit parfois flirter avec les synthétiseurs et une imagerie un peu fluo – et s’égarer un peu. Voici son œuvre la plus "classique" depuis Carrie & Lowell (2015). Celui qui nous avait promis, en vain, un album consacré à chaque état des USA signe ici un disque dépouillé. Javelin est principalement acoustique, porté par son chanté-murmuré délicat, soutenu de quelques chœurs féminins et rehaussé çà et là de quelques concessions discrètes à la modernité. S’il ne possède pas l’ampleur d’A Sun Came (son premier et meilleur, sans doute), il ravira les amateurs de Seven Swans (2004), l'album du coin du feu.

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Ottessa Moshfegh

Lapvona (Fayard)

C'est l'une des romancières les plus douées de sa génération. L'une des plus originales aussi. Après la fable existentialiste (Mon année de repos et de détente) ou le polar métaphysique (La Mort entre ses mains), l'enfant terrible des lettres américaines s'aventure au Moyen Âge. Plus précisément à Lapvona, village crasseux où la bêtise le dispute à la cruauté. On suivra les tribulations grand-guignolesques de Marek, enfant candide et difforme. Battu par son berger de père, méprisé par tous, il sera adopté par le seigneur local duquel il a accidentellement tué le fils, en guise de "dédommagement". Une nouvelle vie s’offre à lui, mais la sécheresse et la famine s’abattent sur la contrée… Dans ce conte médiéval raconté en quatre saisons, Ottessa Moshfegh sonde les tréfonds de la condition humaine, entre réflexion sur le rôle de la religion et critique sociale. D’une plume simple (donc parfaite), usant de personnages hautement symboliques, elle noue horreur et burlesque avec maestria, comme si Ari Aster (le réalisateur de Midsommar) avait réécrit Game of Thrones. Plus fort, elle fait jaillir la beauté de la laideur. On a rarement lu œuvre aussi noire, et pourtant c'est brillant. 324 p., 22€. Julien Damien

Steve Goodman Guerre Sonore : son, affect et écologie de la peur (Sans Soleil / Audimat)

Figure de la bass music, fondateur du label Hyperdub, Kode 9 (Steve Goodman, donc) est également titulaire d’un doctorat de philosophie. Son objet d’étude ? Le son, et son utilisation dans nos sociétés contemporaines – mais pas seulement. Singulier, déroutant et placé dans la lignée des travaux de Deleuze, Guattari et Michel Foucault, l’Écossais explore le détournement des sons à des fins mercantiles (les earworms, l’identité sonore de certaines marques) ou plus agressives (les ultrasons utilisés pour éloigner les ados des centres commerciaux, voire les bombes sonores au-dessus de la bande de Gaza). Cet essai traverse plusieurs champs : science, philosophie, fiction, esthétique… Un ouvrage exigeant, certes, mais passionnant et très instructif. 365 p., 24€. Thibaut Allemand

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Benjamin Lacombe & Sébastien Perez

Histoires de femmes samurai (Éditions Oxymore)

Connaissez-vous Nakano Takeko, Tomoe Gozen ou l’impératrice Jingū ? Effacées de l’histoire, comme tant d’autres, ces femmes ont emprunté la voie du samurai. Victimes d’un système conservateur et patriarcal peu enclin à leur confier un katana, elles se sont pourtant distinguées par leurs faits d’armes. Benjamin Lacombe et Sébastien Perez leur redonnent vie à travers ce livre illustré retraçant leurs aventures. Inspiré par le folklore japonais, le trait du premier renoue avec la poésie des estampes traditionnelles, tout en gardant son style caractéristique, à la fois gothique et merveilleux. Partant du point de vue de ces guerrières, ces contes épiques nous rappellent comme les femmes doivent se battre pour gagner leurs droits.

184 p., 32,95€. Élise Coquille

Ludovic Villard Bandes originales et cinéma de genre (Le Mot & le Reste)

Voici une nouvelle référence des "guides d'écoute" dont le Mot et le Reste s'est fait une spécialité. Dans une introduction instructive et très complète, l'auteur (également musicien sous l'alias Lucio Bukowski) documente les liens entre les histoires du cinéma, de la musique et de la technique. S'ensuit une sélection, forcément subjective et incomplète, d'une centaine de BO, de 1960 à 1982. Celle-ci présente un vaste panorama des genres : films d'horreur ou de SF, westerns spaghetti, films de yakuzas, gialli italiens et toutes les variétés du Nouvel Hollywood. Assez courtes, les notices volontiers lyriques peuvent laisser sur notre faim, mais attisent la curiosité. On regrettera qu’aucune composition idéale ne soit mentionnée… Dans un second volume ?

312 p., 24€. Thibaut Allemand

Laurent Galandon, A.-S. Reinhardt & Amandine

Puntous Le Temps des jonquilles (Futuropolis)

Parisienne et illustratrice de presse, Jeanne se voit confier la réalisation d’un reportage sur les Gilets jaunes. Pas de quoi l’enchanter, car elle a tendance à mépriser ces gens, des « ploucs et fachos ». Mais de ces idées toutes faites, notre héroïne va se défaire peu à peu… Les scénaristes Laurent Galandon (Lip, des héros ordinaires, 2014) et Anne-Sophie Reinhardt relatent moins la plus grande révolte sociale de ces dernières années que les préjugés et le mépris de classe – on pense souvent au fameux Retour à Reims, de Didier Eribon, ou aux récits d’Annie Ernaux. Le propos est servi par le trait rond d’Amandine Puntous dont les couleurs, majoritairement pastel, douces et grises, soulignent les nuances d’un récit qui refuse tout manichéisme. 120 p., 21€. Thibaut Allemand

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24e édition 3-12 novembre 2023 www.arrasfilmfestival.com Cituation &
/
Ensemble
Jean Philippe Devulder / GrafoLab
Arras

L’évènement incontournable de l’automne en région Hauts-de-France

• Compétition Européenne

Longs métrages en première française

Dominik Moll, Président du Jury Atlas

• 75 inédits et avant-premières

Films de l’actualité en présence des équipes, Visions de l’Est, Découvertes européennes, Cinémas du monde

• Sales Bêtes !

Des Oiseaux à Piranhas, une sélection de 8 films incontournables

• Cinéma d’Europe de l’Est

Films de l’actualité, versions restaurées, rétrospective Drôles de Tchèques

• Festival des enfants et des familles

Avant-premières, Ma première séance, ateliers, scolaires

Et du 13 novembre au 22 décembre

dans 30 salles de la Région Hauts-de-France

Annonce de la programmation le 5 octobre

Pour plus d’infos : www.arrasfilmfestival.com

#ArrasFilm2023

Cituation et Ensemble • Arras
© 2022Laurent Champoussin / Karé Productions

BERNADETTE Dame de pique

Vrai-faux biopic de Bernadette Chirac, Bernadette oscille entre fable féministe et farce caustique. Catherine Deneuve, impériale, y campe une première dame en quête de revanche, tandis que Michel Vuillermoz donne vie à un Jacques Chirac plus vrai que nature. Une satire réjouissante et sacrément gonflée.

L’annonce du projet Bernadette fut accueilli avec circonspection. Rendezvous compte, Catherine Deneuve allait incarner Bernadette Chirac ! Que des producteurs se soient lancés dans une telle aventure avait de quoi interroger sur la santé du cinéma hexagonal. Sauf que Léa Domenach connaît la politique (ses parents sont l’éditorialiste Nicolas Domenach et la journaliste Michèle Fitoussi) et offre, dans cette première réalisation, un vrai point de vue : la revanche d’une femme ! Quand le film commence, en 1995, Jacques Chirac accède à la présidence de la République. Mais Bernadette en a soupé des vexations de son époux. Jugée ringarde, elle va tout faire pour redorer son image et devenir une figure médiatique…

La comédie du pouvoir

Ne tournons pas autour du pot : Catherine Deneuve est exceptionnelle en Bernadette Chirac. Si elle rend la première dame plus sympathique qu’elle ne l’est vraiment, sa puissance comique nous cueille. Michel Vuillermoz campe un Jacques Chirac drôle et crédible. Au-delà de la farce, Bernadette ne s’affranchit pas totalement de la réalité. Les affaires sont abordées. Nicolas Sarkozy et Dominique de Villepin ne sont pas épargnés. L’accession de Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle, le 21 avril 2002, sonne aussi comme une piqûre de rappel... L’air de ne pas y toucher, Léa Domenach en dit long sur l’exercice de la politique dans une société patriarcale. Grégory Marouzé

De Léa Domenach, avec Catherine Deneuve, Michel Vuillermoz, Denis Podalydès, Sara Giraudeau… Sortie le 04.10

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LE RÈGNE ANIMAL

Cas d'espèce

Et si la nature reprenait ses droits ? C'est la question soulevée par Thomas Cailley dans ce drame fantastique. Victime d’une étrange maladie qui change les humains en bêtes, notre monde voit ses rapports de force basculer. Interprétant un père et son fils, Romain Duris et Paul Kircher nous invitent à renouer avec notre part animale.

François s’occupe seul de son fils Émile depuis que sa femme, frappée par un mystérieux mal transformant les humains en animaux, a quitté le foyer familial. Il part la rejoindre dans le Sud où elle doit recevoir un nouveau traitement. Mais sur la route, il découvre son véhicule dans un fossé, les portières grandes ouvertes. Déterminés à la retrouver, François et Émile s’engagent dans une quête effrénée dans la forêt, où l’animal règne en maître… Après des millénaires de domination humaine, Le Règne animal ressuscite une émotion enfouie en nous : la peur primitive. Le ton est donné dès les premières minutes avec une contre-plongée dévoilant un impressionnant homme-oiseau. Oui, l’inconnu effraie. Mais si le film joue avec cette crainte, c’est pour mieux questionner notre rapport à la différence et au changement. Terrifié par ce darwinisme inversé qui échappe à tout contrôle, l’Homme réplique par la violence, engendrant plus de tension. Certains, moins nombreux, prônent quant à eux la cohabitation. Dans cette fable écologique, Thomas Cailley envisage la métamorphose comme une allégorie. Renouant avec la nature, l’humanité deviendraitelle plus sage ? Vaste question. Élise Coquille

De Thomas Cailley, avec Romain Duris, Paul Kircher, Adèle Exarchopoulos… Sortie le 04.10

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© 2023 Nord-Ouest Films, Studiocanal, France 2 Cin é ma, Artemis Productions
lillemetropole.fr ������������������������������������������������������������������������������ ������m������������ ������ ���� �� hèm�� d�� ����������
bibliothèques sont dans les starting-blocks !
13 au 15 octobre 2023 des bibliothèques
Vos
Les nuits Du

LOST COUNTRY Le déchirement

Alors que des tensions séparatistes traversent de nouveau la région, Vladimir Perišić revient sur la vague de manifestations étudiantes ayant en 1996 ébranlé le pouvoir du président serbe Slobodan Milošević. Quinze ans après Ordinary People , le réalisateur natif de Belgrade continue avec ce deuxième long-métrage, de sonder la complexe histoire de l'ex-Yougoslavie.

Au loin, l'orage gronde. Stefan, quinze ans, ne s'en inquiète pas, préférant continuer de cueillir des noix avec son grand-père. La complicité entre les générations donne au jardin familial des airs de paradis. Mais voilà, il faudra bien rentrer à Belgrade et se confronter au réel. Porte-parole du parti de Milošević, la mère de Stefan est aux premières loges pour contester le résultat (défavorable à son camp) des récentes élections municipales. Y at-il eu trucage, comme elle le clame à longueur d'antenne ? L'adolescent en doute. D'abord emporté par la ferveur de ses camarades, qui s'organisent pour manifester contre le pouvoir, Stefan est en même temps rattrapé par l'amour qu'il porte à sa mère. Ce déchirement intime se traduit par un travail (parfois scolaire, au sein d'une mise en scène néanmoins rigoureuse) sur l'ombre et le visage. D'abord scindée en son centre, la figure du jeune garçon finit engloutie par le flou. Le conflit politique exige de notre héros, pour qu'il naisse à lui-même, de s'arracher au confort utérin. Mais pour aller où ? Et rejoindre qui ? La force de Lost Country est de se confronter à ces questions avec une logique implacable. Raphaël Nieuwjaer

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De Vladimir Perišić, avec Jovan Ginic, Jasna Djuricic, Miodrag Jovanović... Sortie le 11.10 © KinoElektronEasy Riders FIlms / Rezo Films

L'Autre Laurens

Un détective privé fatigué, une jeune fugueuse, des bikers louches, un jumeau disparu, une héritière retorse... Autant de figures bien connues des amateurs du genre noir, dont Claude Schmitz entrecroise les trajectoires avec habileté. Par son rythme indolent, L'Autre Laurens évoque Le Privé (Robert Altman, 1973) ou Inherent Vice (Paul Thomas Anderson, 2014), relectures affectueuses des classiques nerveux de Dashiell Hammett et Raymond Chandler. Le cinéaste en profite pour repeindre la nuit de couleurs extravagantes et faire de son intrigue un palais des miroirs. Tout cela tient certainement de l'exercice de style, mais Schmitz n'en manque pas, comme il n'est pas avare d'humour – mention spéciale au duo de flics incarnés par Francis Soetens et Rodolphe Burger. Raphaël Nieuwjaer.

De Claude Schmitz, avec Olivier Rabourdin, Louise Leroy, Kate Moran, Rodolphe Burger, Francis Soetens... Sortie le 04.10

Une Année difficile

Albert et Bruno sont surendettés. Alors qu'ils s'enfoncent progressivement dans la précarité, ils découvrent Objectif Terre, un collectif de militants écologistes. Plus attirés par la bière gratuite que par la justice sociale, ils rejoignent sans grande conviction le groupe. Menés par leur cheffe "Cactus", ils deviennent "Poussin" et "Lexo". Commence alors une croisade contre l’inaction climatique. Celleci leur révèlera l’importance de ce combat pour les générations à venir… Parler sérieusement d’écologie dans une comédie mettant en scène deux surconsommateurs ? Il fallait oser, ne pas céder aux clichés. Et pourtant, le film remporte son pari. Il reste enjoué sans décrédibiliser le propos. Éric Toledano et Olivier Nakache confirment sans pathos que le climat est l’affaire de chacun. Élise Coquille

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D’Éric Toledano et Olivier Nakache, avec Jonathan Cohen, Pio Marmaï, Noémie Merlant… Sortie le 18.10
© Wrong Men / Cheval deux trois
© Gaumont Distribution

ANIMAUX FANTASTIQUES En plein dans le mythe !

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Roping, Will Cotton, 2019-2020 Courtesy de l’artiste et Templon, Paris-Bruxelles-New York © Will Cotton © ADAGP, Paris 2023
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C’est à un voyage extraordinaire auquel nous convie le Louvre-Lens. Une excursion à travers le temps et les cultures, à la rencontre des animaux fantastiques : dragons, griffons, licornes… Quelle est l'origine de ces créatures hybrides aux pouvoirs surnaturels ? Quels rôles jouentelles ? Que disent-elles de nous ? Réunissant près de 250 œuvres, de l’Antiquité à nos jours, cette exposition nous plonge au cœur des mythes d’hier et d’aujourd’hui, entre peintures, sculptures ou extraits de films. Visite guidée – et un peu magique.

Gardons-nous de lui faire injure, mais la créature qui nous accueille dès l'entrée a une drôle d’allure. Un corps de cochon, des nageoires de poisson en guise d’ailes, des cornes de crustacés sur le crâne… Conçu par la compagnie lilloise Cendres la Rouge à partir d’une collection d'os hétéroclite, ce squelette de chimère résume à lui seul les enjeux de l’exposition : l’hybridité, l’ambivalence, les liens entre réalité et imaginaire. « Il nous inquiète autant qu'il nous fascine », ajoute Hélène Bouillon, la commissaire générale.

typiques de la civilisation mésopotamienne, soit 4 000 ans avant notre ère, dont un curieux sceau en forme de cylindre. Cet outil administratif est orné de serpopanthères (félins au cou allongé) et d’aigles léontocéphales (à tête de lion). Ce sont les ancêtres des dragons et griffons qui hantent aujourd’hui Game of Thrones ou Harry Potter .

Terreur et allégorie

À bien y regarder, notre propension à façonner un bestiaire surnaturel, combinant les animaux les plus effrayants de la création, ne date pas d'hier. Dès la première salle du parcours on découvre ainsi des objets

Les animaux fantastiques sont donc nés en Mésopotamie et en Iran, avant d’être adoptés par les Égyptiens, « lorsque surgissent les premières villes et l’écriture ». Ils apparaissent en même temps que les dieux, mais remplissent une tout autre fonction : « incarner la terreur de l’être humain face à la nature qui déborde ». En somme, c’est une manière d’expliquer les mystères du monde. Le rôle de ces entités va évidemment évoluer au fil des civilisations.

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« Le dragon reste l’animal fantastique par excellence »

Aubusson,

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Conversation with Smaug, D’après une aquarelle originale de J. R. R. Tolkien pour The Hobbit, 1937 © The Tolkien Trust 1977 Carton Delphine Mangeret et Anne Boisseau, Tissage Atelier A2, Aubusson, 2022 Cité internationale de la tapisserie © The Tolkien Trust 1977 © Tissage Atelier A2 / Aubusson 2022 © Collection Cité internationale de la tapisserie / Photo Studio Nicolas Roger
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Squelette de chimère, 2006 Paris, Muséum national d’Histoire naturelle © MNHN / J.-C. Domenech
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Roger délivrant Angélique, Jean-Auguste-Dominique Ingres,, 1819 Paris, musée du Louvre, département des Peintures © RMN-Grand Palais (musée du Louvre) / Franck Raux

Misfit (flamingo/pig)

Thomas Grünfeld, 2005

Taxidermie, Courtesy de l’artiste et de la galerie Jousse Entreprise

© Galerie Jousse / Lothar Schnepf

© ADAGP, Paris, 2023

Et encore moins notre imaginaire. C’est même tout le contraire ! Les animaux fantastiques n’ont jamais été aussi nombreux. Cette recrudescence est concomitante à l’avènement de la fantasy « genre né d’une désillusion face à une société trop industrialisée, matérialiste, dans laquelle il n’y a plus aucune magie. Désormais, elle est véhiculée par la littérature, le cinéma… c’est le rôle de la pop culture ».

« L’ère chrétienne en fait un combat du bien contre le mal, à l’image de Saint-Georges luttant contre le dragon ». Quelles que soient les époques, ce dernier reste d’ailleurs

« l’animal fantastique par excellence. Il est universel, atemporel et apparaît dans toutes les cultures », explique Hélène Bouillon.

En toute fantasy

Au xviiie siècle, la science se développe. L’Homme explore la planète et se rend compte qu’il n’y a point de licornes à l’horizon – même le kraken est déclassifié, lorsqu’on découvre que c’est un calamar géant. « Le merveilleux quitte donc le monde réel, mais pas notre quotidien ».

L’exposition se clôt sur une monumentale tapisserie d’Aubusson, reproduisant une aquarelle de Tolkien himself : Conversation with Smaug , épisode durant lequel Bilbo le Hobbit tue le dragon. Comme un symbole, l’œuvre relie les époques, usant d’un média propre au Moyen Âge pour illustrer une épopée moderne. « Dans cette exposition, je souhaitais mettre sur un pied d’égalité les anciens mythes et les modernes. Car si ça se trouve, dans 2 000 ans Harry Potter sera le nouveau Gilgamesh ». Qui sait ? Julien Damien

Lens, jusqu’au 15.01.2024, Louvre-Lens mer > lun : 10h-18h, 11/6€ (gratuit -18 ans) louvrelens.fr

À lire / La version longue de cet article sur lm-magazine.com

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« Le merveilleux n'a pas quitté notre quotidien »
La photographie au commencement Exposition 06.10.23 – 03.03.24  LaM Kiefer Anselm musee-lam.fr LaM Anselm Kiefer Anselm Kiefer, Ohne Titel (Sans titre) 1969–2009. © Anselm Kiefer, 2023. Photo : Atelier Anselm Kiefer. Conception : baldinger•vu-huu.
The
Red Cross, pour Vogue US, 1945 © The Estate of Erwin Blumenfeld 2022

ERWIN BLUMENFELD

Le chic et le choc

Son nom n’est pas nécessairement arrivé jusqu’au grand public européen. Pourtant, l’Allemand naturalisé américain Erwin Blumenfeld (1897-1969) était incontestablement une star de la photo de mode à la fin de sa carrière, aux États-Unis. Entre couvertures de magazine et photomontages politiques, le musée Juif de Belgique retrace son œuvre plurielle, et son destin tourmenté.

L’image est saisissante. Dans un contraste prononcé de noirs et de blancs, un visage se distingue : partie droite, un œil, une oreille, l’amorce d’une moustache tristement célèbre et une coiffe d’où émerge une croix gammée. Partie gauche, un squelette, orbite concave et béance au niveau du nez. En 1933, Erwin Blumenfeld a 36 ans lorsqu’il réalise le montage Hitler, Grauenfresse ("Hitler, gueule de l’horreur") depuis les Pays-Bas où ce juif berlinois s’est installé dix ans plus tôt. Il tient un magasin de sac pour dames à Amsterdam, et s’essaie au dessin, au collage, à la photo dans une veine dadaïste. Mais c’est une fois à Paris, où Cecil Beaton le prend

sous son aile, et plus tard encore aux États-Unis, où il émigre après un passage par les camps d’internement français, qu’il rencontrera le succès avec ses portraits pour Vogue ou Harper’s Bazaar . Le célèbre Œil de biche (1949), devenu référence ultime en matière de beauté, est une infime partie du travail laissé par cet amoureux des femmes.

Un autre regard

Jusqu’en février, le musée Juif de Belgique accueille l’exposition Erwin Blumenfeld. Photography 1930 –1950, déjà passée par le musée d’art et d’histoire du Judaïsme de Paris, au début de l’année. Une centaine de clichés retrace les années les plus prolifiques de l’artiste.

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Celles où il met sa créativité au service d’une large gamme de techniques (solarisation, réticulation, surimpression, jeux d'optique) et celles où il expérimente, en pionnier, les possibilités offertes par la couleur. Au sein du parcours, on s’arrêtera devant cette superbe prise de vue de la statue de la liberté en bichromie. « Mon grand-père était un autodidacte », témoigne sa petite-fille, Nadia Blumenfeld Charbit.

L'homme fut aussi un insatiable curieux. On découvre d’ailleurs à Bruxelles son reportage sur une famille gitane aux Saintes-Mariede-la-Mer, montrant une dernière facette, récemment mise au jour, de l’inclassable Erwin Blumenfeld.

Marine Durand

Erwin Blumenfeld. Photography 1930 - 1950 Bruxelles, 29.09 > 04.02.2024

Musée juif de Belgique, mar > ven : 10h-17h • sam & dim : 10h-18h, 12 > 7€ (gratuit -12 ans) mjb-jmb.org

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Hitler, Grauenfresse, 1933 © The Estate of Erwin Blumenfeld 2022

CHUTTT !!!, 2022 © Jef Aérosol

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JEF AÉROSOL Préparez vos

pochoirs

Ses pochoirs ont fait le tour du monde, l'imposant comme une figure internationale du genre. Pionnier en France de ce qu'on n'appelait pas encore le "street art", Jean-François Perroy, aka Jef Aérosol, inaugure une grande rétrospective au musée de l'Hospice Comtesse, à Lille, sa ville d'adoption. Jef Aérosol Stories réunit ici des icônes de la pop culture mais aussi une foule d'anonymes avec un réalisme mâtiné de poésie. L'occasion de (re)découvrir sa première œuvre réalisée il y a plus de 40 ans et ses dernières créations, toujours signées d'une fameuse flèche rouge...

Comment avez-vous découvert le pochoir ?

Avec la vague punk des années 1970, via des groupes anglais comme les Crass, qui bombaient leur logo dans les rues de Londres, et bien sûr les Clash qui peignaient leurs fringues de cette façon. Ce côté "vite fait, bien fait" m'a tapé dans l'œil. Et puis il y a eu un concert en 1981, au Théâtre Mogador à Paris, des Clash toujours. En fond de scène Futura 2000 peignait une toile avec des bombes aérosol. Je n'avais jamais vu ça ! Un an plus tard je m'y mettais.

Quel était le contexte de vos débuts ?

Dans les années 1970 et 80, on voulait s'affranchir des codes

classiques et des lieux sacralisés que sont les musées, les galeries. Notamment à cause de cette tendance à l'abstraction et à l'art conceptuel qui a éloigné le grand public. L'art de la rue, comme la figuration libre, ont brisé ces règles. a

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© Galerie Mathgoth (Paris)
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Christophe, 2009, techniques mixtes sur toile © Jef Aérosol

C'était l'esprit punk, d'urgence et de liberté, et je me suis senti appartenir à cette mouvance. Comme pour la musique, on se débrouillait avec ce qu'on avait, façon "do it yourself".

Votre carrière a sacrément décollé depuis...

C'est surtout à partir des années 2000, grâce à l'arrivée de Banksy et d'Obey. D'un seul coup le pochoir, étouffé par le graff et le tag, est revenu à la mode. Les anciens des années 1980, comme moi, Blek le Rat, Miss.Tic ou Speedy Graphito ont alors fait figure de pionniers. Les galeries nous on appelés, j'ai monté pas mal d'expos, voyagé en Chine, au Japon, aux États-Unis...

milieux sociaux. C'est ma façon poétique de lutter contre l'exclusion, les discriminations.

Par ailleurs, vous n'avais jamais dissimulé votre identité... Non, j'ai toujours affiché mon visage et mon vrai nom car je n'ai jamais eu le sentiment de faire quelques chose de mal. Peindre la ville, ça l'embellit et c'est une affaire de partage. J'ai toujours travaillé sur des palissades ou des murs lépreux. D'ailleurs je n'ai pas subi de garde à vue ni de procès, parce qu'il n'y a jamais eu de plainte.

Quelle est la genèse de cette rétrospective ?

Vous représentez des person-

nalités mais aussi beaucoup d'anonymes. S'agit-il de replacer l'humain dans la ville ?

Quand j'ai remis le pied à l'étrier au début des années 2000, j'ai effectivement multiplié les personnages grandeur nature dans la rue. Comme une manière d'ajouter quelques quidams à la foule. Mais les réaliser en noir et blanc m'éloigne du trompe-l'œil. Cela souligne qu'il s'agit d'une peinture. Je défends aussi la diversité des corps, des âges, des origines, des

J'ai fêté mes 40 ans de pochoir l'an passé à Paris avec une grosse exposition. Mais c'était aussi important pour moi de rendre hommage à la ville qui m'a accueilli en 1984, et où je suis resté vivre. Martine Aubry, qui m'avait sollicité pour réaliser une fresque à Wazemmes, a donc provoqué cette rétrospective.

L'endroit où vous exposez n'est pas non plus anodin...

J'ai choisi le musée de l'Hospice Comtesse pour mieux télescoper dans un lieu séculaire des œuvres anciennes, témoins de l'histoire de Lille, et l'art urbain. Dans la Chapelle par exemple, il y aura une installation, une "jungle urbaine" peuplée de stars de la pop comme d'anonymes, accompagnée d'une bande son très punk.

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« Dans un esprit punk, d'urgence et de liberté »

Comment concevez-vous cette rétrospective ?

Comme un album de souvenirs. Je présente des créations datant de ma petite enfance à aujourd'hui. Une vie, c'est ça : des photos, ce qu'on accumule dans nos cartons.

Et moi je garde tout, je suis très conservateur ! Il n'y aura donc pas que des œuvres murales mais aussi des vitrines contenant des fanzines, des flyers, mes veilles bombes, des fringues...

Découvrira-t-on des œuvres originales ?

Oui, sur une grande palissade de dix mètres sur deux installée dans la cour. La fresque sera trouée de passe-têtes découpés à la scie

sauteuse, offrant un côté "fête foraine". Les gens pourront incarner mes personnages. Trois œuvres ont également été recréées pour l'exposition, dont le fameux Chuuuttt !!!, fresque conçue à Paris. Il y aura aussi une impression sur plexiglas, présentée comme une sorte de sandwich, pour que les gens comprennent comment plusieurs pochoirs successifs s'associent pour former une image. Je souhaite que tout le monde s'approprie cette technique, justement pour désacraliser l'art. Libre à chacun d'essayer !

Propos recueillis par Julien Damien

Jef Aérosol Stories

Lille, 19.10 > 21.01.24, Musée de l'Hospice Comtesse, lundi : 14h-18h • mer > dim : 10h- 18h 6/4€ (gratuit -12 ans), mhc.lille.fr

À lire / La version longue de cette interview sur lm-magazine.com

À visiter / jefaerosol.com

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« Une façon poétique de lutter contre l'exclusion »
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is Beautiful, 130 x 195 cm, 2022 © Jef Aérosol
Vue d'exposition (John Bulmer 1966 © Popperfoto) © Julien Damien

CORONATION STREET

Plus belle la mine

Les corons comme vous ne les avez jamais vus, ou si peu. À Bruay-laBuissière, la Cité des électriciens expose 29 images du photoreportage réalisé en 1966 par l’Anglais John Bulmer, dans le bassin minier du Pas-de-Calais. La particularité de ces tirages ? Pour la plupart inédits, ils sont en couleur, offrant un autre regard, plus humain, sur l’histoire de la région.

Son nom ne vous dit peut-être rien, mais vous avez sans doute vu au moins un de ses clichés : celui de cet enfant roux penché sur un vélo déglingué, au centre d’une rue boueuse dans un coron du nord de la France. Sa chevelure brille comme une flamme au centre de ce décor grisâtre. Signée de l’Anglais John Bulmer, l'image avait fait le tour du web, grâce à un certain Guillaume Lecointre. En 2019, ce passionné de photographie avait initié une enquête via les réseaux sociaux pour retrouver le lieu de cette prise de vue, mais aussi la trace du petit garçon. Et avait réussi. Celui-ci avait été immortalisé à Courcelles-les-Lens, et se nommait Jean-Michel Longeois.

L’homme s’est finalement éteint en juillet 2022, à 62 ans. Mais l’histoire ne s’arrête pas là, car derrière ce tirage se cache tout un photoreportage...

Chaleur humaine

En 1966, John Bulmer travaille pour le Sunday Times Magazine. Connu pour son travail dans les cités industrielles du nord de l’Angleterre, cet admirateur de CartierBresson est envoyé par son éditeur en France pour témoigner du quotidien des "Froggies". Il passe notamment par le bassin minier, autour de Lens. Et a un style bien à lui. « Il saisit des instants à la volée, explique Guillaume Lecointre. Les corons ou les usines ne l’intéressent pas tant que ça. Il focalise

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plutôt sur les gens, montre l’étincelle dans les regards, le courage des hommes, la fierté des femmes, la chaleur dans les foyers ». En somme, il dépeint la vie telle qu’elle est, sans enjoliver sa dureté mais à rebours du misérabilisme souvent réservé au sujet.

Des sourires et des hommes Pour cela, l’Anglais est porté par l’avènement d’un nouveau procédé : la couleur. Et ça change tout ! Il y a du vert, du rose, du bleu dans ces compositions jouant avec les lignes de fuites et les effets de perspective. On découvre des sourires aussi. Malgré la rudesse

du travail, la poussière, les habitants semblent heureux « et toujours coquets ». C’est ici un jeune couple posant tendrement sur le pas de sa porte, ou là ce vieillard au béret et à l’air farceur, tandis que des majorettes surgissent au coin de la rue. Exposées à l’intérieur d’anciens logements, mais aussi sur les murs flamboyants de la Cité des électriciens, ces images tordent le cou aux clichés, et rendent un peu plus sa fierté au bassin minier. Julien

Bruay-la-Buissière, jusqu’au 03.12 Cité des électriciens, mer > dim : 13h-18h 6/4€ (gratuit -26 ans et photos en extérieur) citedeselectriciens.fr

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© Frederic Iovino Vue d'exposition (John Bulmer 1966 © Popperfoto) © Julien Damien
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Alexandra Bircken, Interceptor III, 2016 © Achim Kukulies Vue de l’exposition « Parallelgesellschaften », K21, Düsseldorf, 2016 Collection Frac Pays de la Loire, Carquefou The Promise, série Missing Stories, 2012 © Laura Henno Collection MAC VAL, Musée d’art contemporain du Val-de-Marne, Vitry-sur-Seine

HUMAIN AUTONOME : FOSSILES MÉCANIQUES Les compteurs à zéro

La voiture n'a plus le vent en poupe. Autrefois symbole de liberté et de puissance, elle est désormais synonyme de destruction de nos écosystèmes. Résonnant avec Chaleur humaine, la triennale "art et industrie" initiée à Dunkerque, cette exposition réunit les œuvres d'une trentaine d'artistes contemporains, et interroge avec malice la "civilisation du moteur" - sans rouler des mécaniques.

Plus qu’un simple moyen de transport, la voiture véhicule tout un imaginaire. Sujet omniprésent dans l’art contemporain, « elle incarne un certain modèle civilisationnel, et même une idée de l’humanité », selon Sarah Ihler-Meyer, l’une des commissaires de cette exposition, qui ausculte justement les fantasmes liés à l’automobile. Un cliché de la Française Laura Henno résume parfaitement ce questionnement : il montre des jeunes gens pensifs derrière la vitre d’une voiture, comme s’ils étaient coupés du monde qui se reflète sur leur visage.

Mécanique implacable

Désormais synonyme de menace écologique, nos engins à quatre ou deux roues furent longtemps symboles de réussite sociale, de puissance, de domination de la nature, de l’espace et du temps. Cette dernière idée est justement mise à mal par Alexandra Bircken. La plasticienne allemande présente à Roubaix une moto dont le châssis a été inversé, adoptant ainsi une forme bestiale, comme indomptable. L’humain n'est donc pas si autonome. La relation avec la machine ressemble plus à une forme « d’interdépendance ». Pour le meilleur et souvent le pire. Le photomontage de Martha Rosler rappelle le véritable prix du pétrole qui nourrit nos moteurs – et donc notre confort. L’image dévoile un intérieur occidental douillet, tandis qu’à la fenêtre s’étale toute l’horreur de la guerre pour l’or noir... Élise Coquille

Roubaix, jusqu’au 17.12, La Condition Publique, mer & sam : 13h30-19h jeu, ven & dim : 13h30-18h, prix libre (gratuit -18 ans), laconditionpublique.com

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expositi o n

La Beauté sauvera le monde

Photographe et journaliste, collaborateur pour National Geographic ou GEO, Thierry Suzan a parcouru plusieurs fois la planète pour en révéler les trésors, avec un regard humaniste. Intitulée La Beauté sauvera le monde, cette exposition réunit une soixantaine de clichés immortalisant des sites exceptionnels, des icebergs de la baie de Disko au désert du Namib. Spectaculaires, ces images sont présentées en plein air, dans le jardin du Beffroi de Mons. Ce membre de la Société française des explorateurs dévoile aussi une série prise à Mons et sa région (les minières néolithiques de silex de Spiennes), montrant la cité du Doudou sous un angle inédit. J.D.

Mons, jusqu'au 29.10, Jardin du Beffroi, mar > dim : 10h-18h, gratuit, beffroi.mons.be

Julie Decubber

Julie Decubber nourrit une approche singulière. Pour cause, elle explore la céramique par le prisme du bijou. Révélée en 2021 au Musée des arts décoratif de Paris, cette exposition baptisée Tessons exquis est constituée de pièces réalisées à partir de rebuts, en l'occurrence des fragments de terre cuite ébréchés de 15 céramistes. En résulte une série "d'œuvres-récits" à appréhender comme un cadavre exquis, telle une mise en abyme de la création. J.D.

La Louvière, jusqu'au 21.01.24, Kéramis, mar : 9h-17h mer > dim : 10h-18h, 8 > 4€ (gratuit -18 ans), keramis.be

Collier Agn è s d. © Julie Decubber
© Thierry Suzan
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Vue d'exposition (Le plus ordinaire, le plus illusoire, Jisoo Yoo) © Julien Damien Vue d'exposition (Analog Collapse, Lucas Leffler) © Julien Damien

PANORAMA 25

Reflets du monde

Ici des enfants se transformant en fleurs, là les écailles photosensibles d'un poisson préhistorique restituant le plus vieux film du monde... Oui, il est souvent question de magie, et même d'émerveillement avec Panorama. La 25 e édition de l'exposition annuelle des étudiants du Fresnoy ne déroge pas à la règle.

Plongées dans la pénombre, ces œuvres brillent par leur aptitude à conjuguer réel et imaginaire, art et science, entre vidéo, photographie, sculpture, son... et surtout haute technologie. « On perçoit d'ailleurs une appétence grandissante pour la réalité virtuelle ou l'intelligence artificielle », observe Pascale Pronnier, responsable de la programmation artistique. Oh, pas de thèmes imposés ici, plutôt « des préoccupations communes d'artistes issus du monde entier, mais d'une même génération ». Une inquietude écologique, par exemple, comme en témoigne la Chinoise Yue Cheng. Baptisée The World, son installation dénonce l'extermination de la biodiversité par l'Homme. Elle projette chants et vidéos de dugongs sur une structure élaborée avec des matériaux de construction typiques des "villes champignons" qui ont grignoté leur habitat – et peu à peu la planète.

Fuite du temps

Au fil de ce parcours investissant l'ensemble du bâtiment (de la grand nef au bar), il sera aussi question de la guerre en Ukraine, de racines, d'appartenance à un territoire... et puis de l'image elle-même. Ainsi de Lucas Leffler, dont l'œuvre est constituée d'écrans de vieux iPhone. Fendus, carbonisés, ceux-ci sont utilisés comme supports accueillant les clichés de la destruction de l'usine Kodak, qui fut balayée dans les années 2000 par l'avènement... du smartphone. Une mise en abyme vertigineuse, télescopant les notions de progrès et d'obsolescence, mais aussi passé, présent et futur. Julien Damien

Tourcoing, jusqu'au 07.01.2024, Le Fresnoy, mer > dim : 14h-19h, 4/3€ (grat. -18 ans), lefresnoy.net

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expositi o n

LA BONAVENTURE

Intimité publique

Née d’une résidence du photographe belge Vincen Beeckman, à Lille, cette exposition participative dévoile les histoires intimes d’une douzaine d’hommes et de femmes. Ces parcours, espoirs ou rêves traduisent toute la fragilité et la force qui animent chacune de nos existences.

Vincen Beeckman nourrit une approche singulière de la photographie. Ce Bruxellois place la collaboration au cœur de son travail, abolissant la distance entre l’objectif et son sujet. Pour la série Cracks par exemple, démarrée en 2014, il a confié de petits appareils jetables à des sans-abris afin qu’ils témoignent eux-mêmes de leur quotidien. Pour La Bonaventure, initiée par l’Institut pour la Photographie, il s’est entouré d’une douzaine de personnes vivant dans le Vieux-Lille. Une particularité : chacun est entré dans le projet par le biais d’une tarologue. Cette rencontre a révélé des histoires enfouies, des rêves, des secrets, des peurs aussi, restitués par le biais de clichés, de petits objets, des dessins…. C’est ici Kathrin qui saisit en noir et blanc un lac autour duquel son existence semble tourner en rond. Là trois générations de femmes tissant un dialogue invisible à travers leurs photos de famille. Ces récits impressionnistes sont présentés sous forme d’autels, parfois au sein des confessionnaux de l’église Sainte-Marie-Madeleine. À l’heure où l’image est partout (donc nulle part), elle retrouve au fil de ce parcours sensible sa substantifique moelle, en se faisant vecteur d’émotions.

Damien

Lille, jusqu’au 05.11, Église Ste-Marie-Madeleine, jeu > dim : 14h-18h, gratuit, institut-photo.com

+ L’automne à l’Institut : Lille, 03.11 > 24.12, Institut pour la Photographie (rue de Thionville), avec David de Beyter, Olivier Despicht, Claire Fasulo, Bertrand Gadenne, Mohammad Hadi Rahnaward, Justine Pluvinage, Bettina Rheims, SAEIO

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© Claire-Marie R é gent Éditeur responsable: Nicolas Martin, Bourgmestre, Hôtel de Ville: Grande-Place, 227000 Mons

Au Bout de mes rêves

Derrière ce titre emprunté à une chanson de Jean-Jacques Goldman, on trouve la passion d’un homme pour l’art contemporain, en l’occurrence

Walter Vanhaerents. Comptant parmi les plus grands collectionneurs au monde, le Bruxellois (qui possède aussi son propre musée dans la capitale, quartier Dansaert) investit les trois étages du Tripostal avec un corpus d’œuvres exceptionnelles, rassemblées depuis les années 1970 à nos jours. La liste des artistes présentés à Lille donne le vertige. Entre peintures et sculptures, installations, photographies ou vidéos, on découvre des pièces

signées Yinka Shonibare, Laure Prouvost, Mariko Mori… parmi d'autres ! É.C.

Lille, 06.10 > 14.01.2024, Le Tripostal, mer > dim : 11h-19h, 9 > 7€ (gratuit -18 ans), lille3000.com

Le cri de liberté. Chagall politique

Chagall comme vous ne l'avez jamais vu. Pour la première fois (en tout cas jamais avec cette ampleur) une exposition présente l'œuvre du maître sous l'angle de son engagement politique. Éternel exilé, le peintre a placé la rencontre, la tolérance et la migration au cœur de son travail. Nourri de prêts d'exception et de documents inédits issus des archives de l'artiste, ce parcours dessine le portrait d'un grand témoin de son siècle. Un événement. J.D.

Roubaix, 07.10 > 07.01.24, La Piscine, mar > jeu : 11h-18h

ven : 11h-20h • dim : 13h > 18h, 11/9€, roubaix-lapiscine.com

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Mark Handforth, Stardust 2005, Courtesy de l'artisteVanhaerents Art Collection Marc Chagall (1887-1985) L’Homme à la tête renversée, 1919 Collection particulière Photo : Archives Marc et Ida Chagall, Paris © ADAGP, Paris, 2023

Diane Von Furstenberg

Le saviez-vous ? Derrière l’une des robes les plus vendues au monde (la wrap dress) se cache une Belge. Mais la carrière de Diane Von Furstenberg dépasse largement cette tenue iconique. Installée depuis cinquante ans à New York, elle a toujours été animée par une soif de liberté et cela se voit dans son vestiaire. Tout cela est à découvrir dans Woman Before Fashion. Soit une exposition regroupant 230 pièces : robes, jupes, chemises, mais aussi patrons, échantillons de tissu ou photographies.

Bruxelles, jusqu'au 07.01.2024, Musée Mode et Dentelle mar > dim : 10h-17h, 10 > 4€ (gratuit -18 ans) fashionandlacemuseum.brussels/fr

In the Eye of the Storm : Modernism in Ukraine, 1900 - 1930s

Présentée à Madrid et Cologne, cette exposition rassemble des œuvres qui ont été sorties in extremis de Kiev, bombardée depuis 2022 par l'armée russe. La plupart d’entre elles n’ont d’ailleurs jamais quitté le pays. Ce corpus exceptionnel de 70 toiles (d'Alexandra Exter, Kazymyr Malevych ou El Lissitzky, parmi quelques noms), se penche sur le modernisme en Ukraine, de 1900 à 1930. C'est une « vision de ce que la Russie essaye de détruire avec la guerre », alerte Volodymyr Zelensky.

Bruxelles, 19.10 > 28.01.2024, Musées royaux des beaux-arts de Belgique, mar > ven : 10h-17h • sam & dim : 10h-18h, 10 > 3€ (gratuit -18 ans) fine-arts-museum.be

Yves Saint Laurent : Transparences

L'œuvre d'Yves Saint Laurent est si vaste qu'on peut l'approcher à travers une infinité d'angles. Jusqu'en mai dernier, le Musée Yves Saint Laurent, à Paris, se plongeait dans ses "ors", tandis que le Centre Pompidou auscultait l'an passé ses inspirations africaines et surréalistes. À Calais, la Cité de la dentelle et de la mode réunit une soixantaine de modèles originaux et se penche sur une notion prégnante dans le travail du couturier, mais jusqu'ici jamais observée : la transparence. Calais, jusqu'au 12.11, Cité de la dentelle et de la mode, tlj sauf mardi : 10h-18h, 7 > 3€ (gratuit -5 ans), cite-dentelle.fr

Bertrand Meunier. Erased

Membre du collectif Tendance Floue, Bertrand Meunier a parcouru le monde pour témoigner des transformations des territoires où il s’est immergé, toujours en noir et blanc. Il y a eu la France, l’Afghanistan ou la Chine. Baptisée Erased, cette série-ci constitue son « grand œuvre » selon le journaliste Pierre Haski. De la disparition du monde paysan jusqu’à l’avènement de l’économie tertiaire, le photographe français a saisi comme peu d’autres les mutations de "l’empire du Milieu".

Charleroi, 30.09 > 28.01.2024, Musée de la photographie mar > dim : 10h-18h , 8 > 4€ (gratuit -12 ans), museephoto.be

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© Ara Gallant

Benjamin Lacombe et le victorien

Peuplée de monstres et de personnages aux grands yeux, mariant le macabre au merveilleux, son œuvre onirique est désormais connue à travers le monde. Figure de l’illustration contemporaine, Benjamin Lacombe investit le château d’Hardelot, à Condette dans le Pas-de-Calais. D'Alice à Dorian Gray, en passant par les contes d’Edgar Allan Poe, le Parisien ausculte la littérature victorienne à travers ses peintures, dessins ou sculptures, et nous invite à passer de l’autre côté du miroir.

Condette, jusqu’au 05.11, Château d’Hardelot, mar > dim : 10h-12h30 & 13h30-18h, 3€ (grat. -18 ans), chateau-hardelot.fr

Home Made

En cet ère post-Covid de télétravail généralisé, cette exposition sous-titrée "Créer, produire, habiter" ausculte les relations entre espace domestique, labeur et objets. Aussi, les enjeux nouveaux ne manquent pas : transformation de son petit chez soi en atelier, mutations de la ville engendrées par la production à domicile, du réseau de transports… Astucieux, inventifs et poétiques, les designers réunis au CID retissent habilement les liens entre l’intime et le collectif.

Hornu, 15.10 > 11.02.24, Centre d’innovation et de design, mar > dim : 10h-18h

10 > 2€ (gratuit -6 ans), cid-grand-hornu.be

Upcycling

Installé à Kinshasa, le collectif “Ndaku ya, la vie est belle” transforme la laideur en beauté. Ces artistes utilisent les déchets submergeant les bidonvilles congolais pour créer des costumes. Leurs performances furent immortalisées par le photographe Stephan Gladieu, dans la série Homo détritus (cf LM 181). Ces images dialoguent ici avec une collection de silhouettes issues du Défil'éco, un défilé éco-responsable à Liège, initiant une magistrale réflexion sur le gaspillage. Liège, jusqu’au 07.01.2024, Musée de la vie wallonne, mar > dim : 9h30-18h

7/5€ (gratuit -3 ans), viewallonne.be

Mari en Syrie

Après la Chine ou l'Égypte, le Musée royal de Mariemont nous projette 3 000 ans avant notre ère, au Proche-Orient, à Mari. Située au bord de l'Euphrate, dans l'actuelle Syrie, cette cité antique fut durant plus d'un millénaire une majestueuse capitale mésopotamienne. Elle fut mise au jour en 1934 lors d'une vingtaine de fouilles archéologiques. Cette exposition dévoile des objets essentiellement tirés des temples et du grand palais royal, comme des céramiques ou des statuettes, entre autres trésors.

Morlanwelz, jusqu’au 07.01.2024, Musée royal de Mariemont mar > dim : 10h-17h, 8 > 3€ (gratuit -18 ans), musee-mariemont.be

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© Benjamin Lacombe
Marc Ronet La main & le geste 13 oct. 2023 > 11 fév. 2024 Marc RonetPaysage, 2013©François PonsRéalisation : Service communication ville de Tourcoing -Juillet 2023

Marc Ronet. La Main et le geste

Élève d’Eugène Dodeigne, proche d'Eugène Leroy, Marc Ronet est le benjamin du fameux groupe de Roubaix. Installé dans le nord de la France, ce peintre (et graveur) trop discret s'est affirmé comme un maître de la lumière. Représentant des thèmes classiques (paysages, natures mortes...), ses toiles témoignent d'un travail obstiné de la matière. À Tourcoing, le MUba révèle les dernières productions de l'artiste, tandis que la Piscine de Roubaix dévoile une donation d'une vingtaine de ses tableaux.

Tourcoing, 13.10 > 11.02.2024, MUba, muba-tourcoing.fr (+ Marc Ronet. La peinture obstinée : une donation : Roubaix, 07.10 > 07.01.2024, La Piscine, roubaix-lapiscine.com)

Portrait d'amis #1 : Isabelle Detournay

Originaire de Tournai, Isabelle Detournay fut assistante sociale avant de devenir photographe, mais son travail focalise toujours sur l'humain. Intitulée

Le Travail et la maison, son exposition s’immisce dans les interstices du quotidien, capturant avec délicatesse des existences ordinaires. Au Musée des beaux-arts, ses clichés dialoguent avec les créations du peintre et photographe Louis Pion (1851-1934), tout aussi ancrées dans le réel, pour mieux sublimer notre commune condition.

Tournai, jusqu’au 06.11, Musée des beaux-arts tous les jours (sauf mardi) : 9h30-12h30 & 13h30-17h30, 4/3€ (grat. -6 ans), mba.tournai.be

C’est un artiste parmi les plus doués de sa génération. À la fois plasticien, vidéaste et photographe, Mohamed Bourouissa s'est révélé en posant un regard singulier sur la société, en particulier sur ses marges. Le contrôle, l'enfermement et l'autorité sont autant de thèmes traversant son œuvre. Intitulée Attracteur étrange , en référence à une formule mathématique modélisant la théorie du chaos, cette exposition décrypte le processus créatif de l'artiste, et met l'accent sur sa pratique du dessin.

Villeneuve d’Ascq, jusqu'au 21.01.2024

LaM, mer > dim : 10h-18h

11/8€ (gratuit - 18 ans), musee-lam.fr

Anselm Kiefer.

La photographie au commencement

Considéré comme l’un des plus grands artistes de notre temps, Anselm Kiefer est connu pour ses peintures, installations et sculptures souvent massives. Son œuvre est traversée par une fascination pour le mythe et l'Histoire, en particulier le souvenir de la Seconde Guerre mondiale. Par ailleurs, le plasticien allemand a toujours placé la photographie au cœur de son travail. C'est justement sur cette pratique, jusqu'ici peu exposée, que focalise le LaM, histoire de clore son 40e anniversaire en beauté.

Villeneuve d’Ascq, 06.10 > 03.03.2024, LaM mer > dim : 10h-18h, 11/8€ (gratuit - 18 ans), musee-lam.fr

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Unfruchtbare Landschaften , 1969 © Anselm Kiefer, Photo © Charles
Duprat
21.04.23 — 07.01.24 fashionandlacemuseum.brussels

DON GIOVANNI Enjeux de séduction

L’Opéra de Lille a pile 100 ans. Alors, quoi de mieux que « l’opéra des opéras », comme l’affirmait Wagner, pour ouvrir cette saison anniversaire ? La capitale des Flandres s’apprête à vibrer au rythme d’une musique éternelle, celle de Mozart et de son Don Giovanni, dramma giocoso (ou "drame joyeux") parmi les plus célèbres, assurément le plus ambigu. Ce chef-d’œuvre est dirigé par la cheffe d'orchestre Emmanuelle Haïm, et mis en scène par Guy Cassiers, qui en promet une relecture politique, résonnant plus que jamais avec notre époque.

Depuis sa création en octobre 1787, Don Giovanni a vu fleurir au fil des siècles les productions, les déclinaisons. Son protagoniste, Don Juan, incarnation du mythe du séducteur, fut tour à tour dépeint en anarchiste, en libertin, voire en romantique désabusé… « C’est un écran sur lequel chaque époque se projette », selon Guy Cassiers, qui met en scène ce chef-d’œuvre.

À l’ère de MeToo, s’attaquer à cette figure n’a donc rien d’anodin. « On ne peut pas montrer sur scène un personnage qui abuse des femmes sans se poser de questions », poursuit le Flamand, qui voit dans cette figure « le contemporain d’individus comme Harvey Weinstein ou Jeffrey Epstein ». Soit un homme riche et puissant qui manipule les foules pour parvenir à ses fins.

« Un personnage qui abuse des femmes » a

t h é â t re& d an se
© Simon Gosselin

L’histoire, pour rappel, est des plus explicites : Don Juan agresse Donna Anna, puis tue son père, le Commandeur. Loin de se repentir, il poursuit son entreprise de séduction, transgresse toutes les règles, berne son monde jusqu’à sa chute.

En écho

Pour autant, il ne s’agit pas de faire de cette œuvre un manifeste féministe. La vision de Guy Cassiers est bien plus large. Il voit plutôt en Don Juan le symptôme d’un monde en déclin. Soit un individu « malade, incapable d’empathie », et dont les excès traduisent un comportement autodestructeur, dans une civilisation où les passions, les pulsions ont pris le pas sur la réflexion – et même la morale. « Don Giovanni évoque un sujet très actuel, celui de la séduction comme prise de pouvoir, qui peut être violente », souligne Caroline Sonrier, la directrice de l’opéra de Lille. Toute ressemblance avec notre époque, lardée de fake news et de populisme, ne serait donc pas fortuite…

Surconsommation

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que Guy Cassiers s’attaque à une figure "borderline", focalisant sur un homme moralement douteux pris dans l’engrenage d’une époque troublée. On se souvient de son adaptation des

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© Simon Gosselin

Bienveillantes de Jonathan Littell ou de son Caligula . Ce n’est pas non plus un hasard si l'Anversois dit s’être inspiré de La Grande Bouffe de Marco Ferreri – le film raconte le suicide collectif d’un groupe de bourgeois, s’empiffrant jusqu'à ce que mort s'ensuive. Sur le plateau, l’omniprésence de la viande et de la nourriture traduit l’appétit sexuel, le désir, la dévoration des femmes comme le capitalisme.

Écran large

Bien sûr, on sait aussi l’appétence du Guy Cassiers pour les écrans. L’artiste est passé maître dans l'art de marier théâtre et vidéo. Il imagine donc un dispositif coupant la scène en deux parties, avec en haut des images figurant l’aristocratie, une classe supérieure « bercée d’illusions », puis en bas le monde réel, plus « brut » : celui du petit peuple. Les deux se rejoindront lors d’une « une danse macabre » orchestrée par Don Juan. Le sol laisse deviner des ruines, un espace « annonciateur du déclin, comme un abîme qui s’ouvre lentement ». Et qui à coup sûr devrait aussi nous emporter. Julien Damien

Lille, 05 > 15.10, Opéra, jeu & mar : 19h30 • sam : 18h • dim : 16h, 75 > 5€, opera-lille.fr

Diffusion en direct sur France Musique : 07.10

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© Simon Gosselin

NUIT D’OCTOBRE Mémoire

vive

Nos livres d’histoire ne tarissent pas d’anecdotes sur le siècle des Lumières, la guerre froide ou la construction de l’Europe. Mais sur le massacre du 17 octobre 1961 à Paris ? Pas grand-chose. Louise Vignaud comble ce manque avec Nuit d’octobre , créé ce mois-ci à la Comédie de Béthune.

Le 17 octobre 1961, à Paris. Suivant l’appel du FLN, plusieurs milliers d’Algériens manifestent contre le couvre-feu imposé par le préfet Maurice Papon, suite à une série d’attentats du Front de libération nationale, dans un contexte de guerre d'indépendance. Pacifique, le mouvement sera pourtant réprimé dans l’extrême violence. Entre 100 et 200 personnes seront tuées, jetées dans la Seine ou assassinées par les forces de l’ordre. « Je n’avais jamais entendu parler de cet événement. C’est comme si j’avais grandi avec un mensong e », assène Louise Vignaud, à la tête de la compagnie La Résolue. Aidée de la dramaturge Myriam Boudenia à l’écriture, la trentenaire privilégie la fiction pour conter cet épisode sanglant. Sans être documentaire, son théâtre se révèle très documenté. Et ses personnages, un militant pour l’indépendance, une Française amoureuse d’un Algérien, des policiers, des harkis, sont inspirés de personnes ayant existé. Soucieuse de montrer « la vulnérabilité de chacun » face à la situation, Louise Vignaud alterne les scènes chorales et l’intime. Elle adopte aussi des choix forts de scénographie, comme cette grande bâche noire évoquant aussi bien un drap mortuaire que la nuit recouvrant ce crime d’ État. Marine Durand

Béthune, 13 > 20.10, La Comédie, mar, mer & ven : 20h • lun & jeu : 18h30 • sam : 18h, 10>6€ Dunkerque, 22.03.2024, Le Bateau Feu, 20h, 10€, lebateaufeu.com

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© DR
| 09 71 00 5678 | tandem-arrasdouai. eu Théâtre
©Nurith Wagner-Strauss
Danse LA OBRA Mariano Pensotti Grupo Marea 18 & 19 OCTOBRE Douai Hippodrome ZONA FRANCA Alice Ripoll . Cie Suave 14 OCTOBRE Douai Hippodrome
© Renato Mangolin

LE CHAMP DE BATAILLE

Parent, mode d’emploi

Quand votre enfant cesse de vous considérer comme un dieu vivant et que votre couple bat de l’aile, il ne vous reste qu’un seul refuge : les toilettes ! C’est en tout cas ce qu’affirme Jérôme Colin dans son roman publié en 2018, aujourd’hui adapté sur les planches par Denis Laujol. Mêlant comédie et tragédie, Le Champ de bataille aborde avec malice les difficultés de la parentalité. Incarné par un Thierry Hellin assis sur le trône, on découvre un père en guerre contre le monde et, surtout, contre son ado boutonneux. Voulant protéger son fils, il lui impose des règles, provoquant ainsi l’indignation juvénile. Une histoire bien connue de tous, ici racontée par un homme confronté au reflet de sa propre adolescence. Car après tout, « adulte, on a toujours les mêmes questions en nous », pour citer le metteur en scène. À cela s’ajoutent les interrogations venant avec l’âge : comment faire durer une relation ? Soutenir un enfant qui refuse notre aide ? Le système scolaire va-t-il enfin évoluer ? Bouleversé par l’écroulement de son petit monde, ce personnage aux accents shakespeariens touche à l’intime pour mieux atteindre l’universel. Élise Coquille

Watermael-Boitsfort, 03 > 15.10, La Vénerie, mar, jeu > sam : 20h • dim : 16h, 22>13€, poche.be Bruxelles, 14.11, Théâtre Marni, 20h, 16 >12€, theatremarni.com Bruxelles, 13 > 14.02.2024, Théâtre 140, 20h, 22>13€, www.le140.be

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© Debby Termonia
En coproduction avec La Coop asbl et Shelter Prod avec le soutien de taxshelter.be, ING et du tax-shelter du gouvernement fédéral belge Du 18 octobre au 12 novembre 2023
Directeur : David Michels Fabrice Roger-Lacan Mise en scène : Isabelle Paternotte Scénographie : Dimitri Shumelinsky Costumes : Béa Pendesini Lumières : Félicien Van Kriekinge  www.trg.be 02 512 04 07 Marie-Paule Kumps, Bernard Cogniaux, Nathan Fourquet-Dubart et Nicolas Buysse. Encore un instant
Théâtre Royal des Galeries

Mes parents

Mohamed El Khatib puise volontiers dans le réel la matière de ses spectacles intimes – donc universels. Née durant le premier confinement, sa nouvelle création met en scène le regard que portent les jeunes d’aujourd’hui sur leurs parents. Composé avec ses élèves de l’école du Théâtre national de Bretagne, à Rennes, cette pièce chorale interroge la notion de filiation et n’élude aucun sujet, même les plus personnels. Entre imitations et anecdotes croustillantes, souvenirs d’enfance et photos de mariage, ces apprentis comédiens disent ce qu'ils aiment ou rejettent de la génération ascendante. C'est souvent drôle, tendre et parfois piquant... J.D.

Regarde les tomber

Est-on celui ou celle qu'on voulait devenir ? Cette question traverse la nouvelle pièce de Thomas Piasecki. Irène, 59 ans, se remémore sa jeunesse dans le Larzac, dans les années 1970, entre lutte paysanne et histoires d'amour : la Nordiste s'éprendra de deux hommes... En fond de scène, un écran projette des images d'archives, tandis que le trio d'acteurs multiplie les allers-retours temporels, tirant le fil d'une existence mouvementée – et émouvante. J.D.

Dunkerque, 12 & 13.10, Le Bateau Feu, jeu : 19h • ven : 20h, 10€ lebateaufeu.com

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Tournai, 10 & 11.10, Maison de la culture, 20h, 22 > 6€, larose.fr © Yohanne Lamoulère © Simon Gosselin

THÉÂTRE DE DOUAI

2023 - 2024

238 e saison

SYLVIE TESTUD

GÉRARD & ARTHUR JUGNOT

CATHERINE FROT

CARTMAN

CHANTAL LADESOU

VÉRINO

FRÉDÉRIC BOURALY

CHRISTELLE REBOUL

ALEXIS DESSEAUX

MARIE-JULIE BAUP

THIERRY LOPEZ

LAËTITIA MILOT

MICHEL FAU

LISON PENNEC

THOMAS GENDRONNEAU ...

T H EATRE DE DO U IA
© Fahd Zidouh

DENA VAHDANI

L'humour libre

Née de parents iraniens exilés en Belgique, Dena Vahdani s’est longtemps cherchée avant de cultiver un don d'humoriste, par-delà les cultures et les étiquettes. Sur scène, sa présence burlesque et son énergie débordante contrastent avec sa voix posée. Évoquant son parcours et sa famille, cette "princesse guerrière" joue avec les contradictions et sait aussi bien provoquer le rire que les larmes. La stand-uppeuse reprend son premier spectacle au TTO, et nous en dit plus sur sa drôle de vie.

Quel est votre parcours ?

Je suis née en Belgique de parents qui ont fui l'Iran. J'ai été à l’école en Flandre mais j'ai grandi dans un environnement francophone et le farsi était la langue parlée à la maison. J'ai donc eu une éducation multilingue, m'offrant une ouverture sur le monde. Parler flamand m'a rapprochée de l'identité belge. J'ai deux cultures en moi.

Il paraît que vous avez d'abord

suivi des études de médecine...

Oui, j'étais plutôt douée à l'école. Mais j'avais aussi envie de créer.

J'ai donc arrêté ces cours consistant à absorber un maximum de

connaissances scientifiques, au grand étonnement de mes parents. Après une année sabbatique, j'ai enchaîné avec des études de graphisme que j'ai terminées sans passion. Pour mon travail de fin d'année, j'avais créé le visuel d'une entreprise qui, soi-disant, aidait les réfugiés mais sabotait en réalité leur parcours. Visuellement c'était trop nul, mais j'avais écrit un sketch où je jouais la porte-parole. Les profs étaient morts de rire et m'ont donné les points grâce à ça. En récupérant mon diplôme, mon professeur m'a vivement conseillé le théâtre. Une nouvelle fois, j'allais recommencer à zéro...

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Comment avez-vous rejoint la scène ?

J'ai passé l'examen d'entrée à l'école de théâtre, avec l'impression d'être dans The Voice. Accédant au dernier tour, le jury me trouvant trop drôle, déclara que le théâtre allait m'ennuyer. Ils m'ont alors recommandé un atelier de stand-up à Anvers. Il restait une seule place. Je m'y suis rendue dès le lendemain. On aurait dit un film américain.

Ça a beaucoup mieux "matché" devant ce public. Une fois que j'étais plus à l'aise, je suis retournée en Flandre.

Pourquoi titillez-vous à ce point la Flandre ? Notamment dans le sketch sur le "sourire du flamand", particulièrement peu expressif...

C’est un gag surtout visuel. Je l'appelle "le sourire du collègue”. D'ailleurs ce sont les Flamands qui rigolent le plus de cette blague, tandis que les Wallons sont gênés et défendent leurs compatriotes. Grâce à moi, la Belgique est unie ( rires ).

C'est comme ça que tout a commencé. Ensuite, j’ai travaillé comme tous les stand-uppers : tu écris ton premier "cinq minutes", tu le joues encore et encore, jusqu'à obtenir une heure de spectacle.

Vous avez déclaré : « Je jure en français, je suis sérieuse en néerlandais et j'aime en farsi ». Dans quelle langue avez-vous commencé le stand-up ? En flamand, qui était ma langue professionnelle. Mais j'ai assez vite "switché" en français car je me demandais pourquoi j'allais si loin en Flandre dans des villages pour jouer 10 minutes alors que je pouvais me produire à Bruxelles.

Pourriez-vous expliquer le titre de votre spectacle ?

Il fait référence à mes deux cultures, européenne et iranienne, le froid et le chaud, le calme et la tempête. L'Iran et la Belgique sont des pays contradictoires, à l’image

de ma personnalité. Et puis, bien évidemment, il y a un clin d'œil à la série des années 1990, Xena, la princesse guerrière, une icône de la culture lesbienne.

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« J'étais prête à accueillir les rires, mais pas les pleurs »
« J'ai deux cultures en moi »

Quel est le fil conducteur ?

La toile de fond est le départ de mes parents d'Iran et l'arrivée en Belgique. Il y a ensuite la scolarité flamande, la culture iranienne et mon homosexualité. Ce n'était pas difficile de tirer un fil rouge. Beaucoup de gens ressortent touchés...

J'étais prête à accueillir les rires, mais pas les pleurs. Certains restaient après le spectacle pour évoquer la migration de leurs parents. J'avais l'impression qu'on était tous liés.

Considérez-vous appartenir à une nouvelle scène féministe et LGBTQIA+, comme Tahnee, Fanny

Ruwet ou les Sous Entendu.e.s ?

Ce sont des amies et, comme nous exerçons le même métier, nous sommes proches. Cependant je ne me vois pas du tout comme la porte-parole d’un mouvement. Ces étiquettes peuvent nourrir le "clickbait" ( ndlr : "piège à clic" ).

Mais je parle de ma vie et des gens se retrouvent simplement dans ce que je raconte. Je reste avant tout une artiste.

Propos recueillis par Flo Delval

Dena princesse guerrière

Ixelles, jusqu'au 14.10

Théâtre de la Toison d'Or

20h30 (sauf mer : 19h30)

27 > 10€, ttotheatre.com

© DR
Planet [wanderer] © Rahi Rezvani

BIENNALE DE CHARLEROI DANSE

Liberté de mouvements

C'est un rendez-vous incontournable de la danse contemporaine, une valse à mille temps où s'entremêlent les cultures et les disciplines, du rock électrique de Kim Gordon au pantsula des townships de Johannesburg. Depuis sa création en 1992, cet événement a toujours su attirer de grands noms (cette année François Chaignaud ou Alice Ripoll, pour n'en citer que deux) tout en révélant les talents émergents (ne manquez pas la pièce de Némo Flouret au Rockerill). Propice aux rencontres et aux croisements des genres, ouverte aux quatre vents, la Biennale de Charleroi danse nous emmène en Afrique du Sud, au Brésil en passant par... le pays noir, l'un des fils rouges de cette programmation. Entre réflexions sur le "vivre-ensemble" (Serge Aimé Coulibaly), épopée sur l'évolution de l'humanité (Damien Jalet) ou ode à l'inutilité (Ayelen Parolin), ces spectacles dessinent le monde tel qu'il va, déraille, ou devrait être. Alors... entrons dans la danse !

Charleroi & Bruxelles, 06 > 21.10, Les Écuries, le Rockerill & La Raffinerie

1 spectacle : 12 > 8€, charleroi-danse.be

Sélection / 06 & 07.10 : Dimitri Chamblas & Kim Gordon - Takemehome // 06 > 08.10 : Damien Jalet & Kohei Nawa - Planet [wanderer] // 12.10 : Ayelen Parolin - Zonder // 12 > 14.10 : Némo Flouret

- 900 Something Days Spent in the XXth Century, Florencia Demestri & Samuel Lefeuvre - Troisième nature // 13.10 : Dalila Belaza - Rive // 14.10 : Saïdo Lehlouh - Témoin // 14 & 15.10 : Jefta van Dinther - Unearth // 18.10 : Jeremy Nedd & Impilo Mapantsula - The Ecstatic // 17 & 18.10 : François Chaignaud Aymeric & Hainaux - Mirlitons // 20 & 21.10 : Pick-Up Club, Alice Ripoll & Cie SuaveZona Franca // 21.10 : Serge Aimé Coulibaly & Faso Danse Théâtre - C la vie

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MIRLITONS

Accords à corps

Mirlitons marque la rencontre entre le beatboxer Aymeric Hainaux et le chorégraphe François Chaignaud. Cette pièce, dont le titre évoque aussi bien une pâtisserie, un chapeau, un instrument de musique ou un Louis d’or, célèbre le mariage du corps, de la musique et du son. Quelque part entre le concert et le rituel, voici une performance inclassable – et immanquable. François Chaignaud appréhende certes la danse via une approche historique, mais n'est jamais avare de recherches et d’explorations. En témoigne cette nouvelle collaboration, à déguster avec les yeux comme les oreilles. L’espace étroit qui réunit les deux performers est légèrement surélevé, propice à un étonnant pas de deux. Aymeric Hainaux, micro contre la bouche, produit des beats souvent bruts et martiaux. En écho à ces percussions vocales et à l’harmonica, François Chaignaud réagit par le claquement précis de ses souliers. Enrichie de cloches, cette "battle" est amplifiée par des micros dissimulés sous l’estrade. Entourant les artistes, le public est au plus près de cette rencontre. Le récit se dévoile peu à peu grâce à l’intonation des voix, des sons primitifs et les mouvements contraints. Après des moments de tension, les contorsions libèrent une gestuelle raffinée et une alchimie. Une complicité naît de ce dialogue inattendu, rythmé par les sons du corps. Ce duo invente de nouveaux langages musicaux et dansés. Ici on souffle, chante, crie, danse... En somme, on vit ! Fatma Alilate

Charleroi, 17 et 18.10, Les Écuries, 20h, 12 > 8€, charleroi-danse.be

Courtrai, 11.11, Feestzaal, 20h, 17 > 8€ // Valenciennes, 14 et 15.11, Espace Pasolini, 21h, 10 > 6€

Roubaix, 18 et 19.11, Théâtre de l’Oiseau Mouche, 17h30, 16 > 5€, nextfestival.eu (Next Festival)

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© Thibault Manuel

D'un côté, une légende du rock. De l'autre, un créateur insatiable, entre danse et art contemporain. Leur rencontre ne pouvait que produire des étincelles. Après Duet en 2018, Kim Gordon et Dimitri Chamblas poursuivent leur collaboration à la croisée des genres. L'ex-grande prêtresse de Sonic Youth et le chorégraphe français imaginent une nouvelle pièce pour dix interprètes, cinq guitares électriques et autant d'amplis. Sous une lumière qui pourrait provenir des étoiles comme d'un lampadaire, surgissent les oubliés des grandes villes, marginaux ou vieillards. Des silhouettes invisibles comme des ombres et pourtant bien vivantes. Elles vibrent ici entre les riffs et larsens composant une mélodie des corps – ou une musique en mouvement. J.D.

Charleroi, 06 & 07.10, Les Écuries ven : 19h • sam : 18h, 12 > 8€, charleroi-danse.be

+ Bruxelles, 11 & 12.10, Les Halles de Schaerbeek, mer : 19h • jeu : 20h, 22 > 14€, halles.be

C la vie

Créée après le confinement, la nouvelle pièce de Serge Aimé Coulibaly répond à une nécessité existentielle : « célébrer la vie et le faire ensemble », selon le chorégraphe belgo-burkinabé. Pour servir cette vaste ambition, il puise dans l'histoire des rituels, du carnaval au wara, une cérémonie de rassemblement typique de l'Afrique de l'Ouest. Sur un plateau évoquant la place centrale d'un village, neuf interprètes traduisent la folie qui nous habite et se moquent des règles sociales. Ils adoptent des postures grotesques ou jouent de grandes scènes de tendresse. Accompagnés par des compositions percussives, les artistes invitent aussi le public à faire corps avec eux, à célébrer cet instant ensemble, parce que… c'est la vie ! J.D.

Charleroi, 21.10, Les Écuries, 21h, 12 > 8€ charleroi-danse.be

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© Arnout Andre de la Porte ©
Charleroi danse
Josh Rose

ZONA FRANCA

Expression libre

Depuis près de 10 ans, la compagnie brésilienne Suave propose ses pièces politiques aux accents urbains sur les grandes scènes d’Europe. La Biennale de Charleroi danse, comme le Tandem Arras-Douai, ne s'y sont pas trompés en programmant Zona Franca, qui célèbre le bonheur de créer, et surtout de résister. En 2019 déjà, son Cria sensuel et fougueux nous avait séduits sans aucune réserve. La chorégraphe Alice Ripoll signe ici une troisième création avec sa troupe de danseurs magnifiques, dont certains issus des favelas de Rio. Écrite au moment du retour du président Lula au pouvoir, cette pièce porte les espoirs d’une jeunesse brésilienne en quête de changement. En tant que spectateurs, nous sommes d'ailleurs conviés à une fête. Les bières s’alignent sur une table, d’immenses ballons flottent au-dessus du plateau, et les 10 danseurs improvisent un bœuf, frappant sur un tom ou une conga. Mais quelque chose coince. Malgré les confettis et les paillettes, une douleur émane des sourires extatiques, des corps qui tressautent, twerkent ou puisent dans le passinho (dérivé du funk) et la samba. Sommes-nous dans un asile, une cour d’école, un anniversaire qui aurait mal tourné ? En enrichissant son travail de chant et de théâtre, Alice Ripoll ne craint pas de prendre les spectateurs à contre-pied. Tant mieux ! Elle dessine ainsi un espace de liberté absolue, enchaînant les tableaux sombres ou burlesques. Et fait jaillir la puissance émancipatrice de la danse. Marine Durand

Bruxelles, 20 & 21.10, La Raffinerie, ven : 21h • sam : 15h, 12 > 8€, charleroi-danse.be

+ Douai, 14.10, Hippodrome, 18h, 25 > 14€, tandem-arrasdouai.eu

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© Renato Mangolin

Et vous, si vous deviez faire une fête inoubliable pour vos 100 ans, vous rêveriez de quoi ? Sans doute, comme l’Opéra de Lille, de créer un dancefloor jamais vu... Trois évènements d’anthologie à vivre sur un parquet de danse entre la scène et la salle.

BIG BANG HAPPY DAYS DES ENFANTS

Festival européen d’aventures musicales pour la jeunesse avec Zonzo Compagnie

L’Opéra de Lille convie – en fanfare – les enfants (et leurs parents) à une célébration mémorable avec la Zonzo Compagnie.

25 nov. 12h30 | 26 nov. 11h

Au programme

Hip Hit Pop Classic Parade, Hey Meredith ! (création), installations sonores, loges musicales, jeu de piste, et autres surprises...

Entrée libre, programme détaillé disponible un mois à l’avance

opera-lille.fr

LE BAL DU SIÈCLE

Dancefloor géant spécial anniversaire

1er déc. 19h30

Swing !, The Orange & White Ball

Hosted by The Legendary Vinii Revlon

2 déc. 18h

Swing !, Le Taraf Dékalé fait son bal, Dj & Vj Set

LIBERTÉ CATHÉDRALE

Boris Charmatz, Tanztheater Wuppertal Pina Bausch + Terrain

14 déc. 20h | 15 déc. 20h | 16 déc. 18h

18 déc. 20h | 19 déc. 20h

Durée +/- 1h45

Le Prato à St So

Attention, le Prato entre en gare ! Pas n'importe laquelle : celle de Saint Sauveur. Et ses valises sont bien chargées. D'acrobaties vélocipédiques, par exemple. Dérapages (plus ou moins) contrôlés, jeux d'équilibre : la Bande à Tyrex fait du deux-roues un ballet cycliste et musical. On construit aussi une drôle de cabane en compagnie de la Contrebande. Avec des planches en bois bien sûr, mais aussi deux trampolines et des ressorts (236 !). Enfin, on s'assoit à table avec deux artistes sur le retour (ou à Marée basse) mais prêts à tout pour revivre le frisson d'antan... entre lancers de couteaux et verres de vin voltigeurs, évidemment. J.D.

Lille, 04 > 08.10, Gare Saint Sauveur, leprato.fr

04 > 08.10 : Cie Sacekripa - Marée basse (sous chapiteau), 15 > 5€

07 & 08.10 : La Contrebande - Clan Cabane (gratuit), La Bande à Tyrex (gratuit)

Ulysse

En 1981, Jean-Claude Gallotta présentait Ulysse, hommage à l'œuvre d'Homère comme à celle de l’écrivain irlandais James Joyce. Devenue mythique, cette pièce présentée par son auteur comme un « ballet blanc » a fait le tour du monde. Plus de 40 ans après, la voici recréée. Sur scène, dix interprètes en tenues immaculées livrent une foisonnante chorégraphie, entre portés et arabesques, gestes burlesques et courses répétitives, fougue et poésie. J.D.

Dunkerque, 17.10, Le Bateau Feu, 20h, 10€, lebateaufeu.com

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Clan Cabane © Th é o Lavanant © Guy Delahaye
Centre chorégraphique Wallonie Bruxelles 06—21 oct. charleroi -danse  .be

Jogging (Hanane Hajj Ali)

Figure de la scène culturelle libanaise, Hanane Hajj Ali est passionnée par le théâtre… et le jogging. Seule sur scène, vêtue d’une tenue noire, elle court et nous emmène dans les rues de Beyrouth pour mieux nous confier ses rêves, ses pensées et ses craintes. Alternant farce et tragédie, elle se glisse dans la peau de Médée, parle sans tabou de son pays déchiré par les guerres et de la condition des femmes dans le monde arabe, souvent réduites au silence. Une performance bouillonnante.

Bruxelles, jusqu’au 07.10, Théâtre national 20h30 (sf mer & sam : 19h30), 21 > 7€, theatrenational.be

Les Gros patinent bien

(O.

Vous ne savez plus où mettre vos emballages de colis ? Olivier MartinSalvan et Pierre Guillois en ont fait la matière première d'un spectacle détonnant. Sur scène, tout ou presque est en carton : costumes, décors, accessoires. Les deux dramaturgesinterprètes déballent, plient et replient leur attirail pour conter un road-movie (de l'Islande jusqu'au sud de l’Espagne) dans un anglais incompréhensible. Dans la lignée des Monty Python, ils enchaînent les gags et imitations, et ça cartonne !

Valenciennes, 03 > 14.10, Le Phénix, 20h (sauf sam & mar 10 : 19h), 25 > 5€, lephenix.fr

Orfeo

(A. Sartorio, P. Jaroussky & B. Lazar)

Créé pendant le Carnaval de Venise en 1672 par le compositeur italien Antonio Sartorio, cet opéra en trois actes livre une nouvelle vision du mythe d'Orphée et d'Eurydice. Ici, la jalousie demeure le véritable enfer. La mise en scène, signée Benjamin Lazar, focalise ainsi sur les tourments amoureux des personnages. Cette œuvre foisonnante, à la fois drôle et sombre, est ici teintée de modernité (tenues punk, militaires…), tandis que la musique (baroque) est dirigée par le contre-ténor Philippe Jaroussky.

Arras, 04.10, Théâtre, 19h30, 25 > 14€ tandem-arrasdouai.eu

Pinocchio(Live)#3 (Alice & Cécile Laloy)

Pinocchio comme vous ne l’avez jamais vu ! Point de Geppetto ni de fée bleue ici : Alice et Cécile Laloy nous emmènent dans une usine de fabrication de marionnettes, où de véritables enfants (en l’occurrence, de petits Dunkerquois, au Bateau Feu) sont transformés en pantins par des ouvriers mutiques. On fixe les fils, les yeux, on peint les corps, et voilà le travail ! Ce spectacle sans parole orchestre ainsi une étrange métamorphose, telle une allégorie du passage à l’adulte.

Dunkerque, 05 > 07.10, La Bateau Feu, jeu & sam : 19h • vendredi : 20h, 10€, lebateaufeu.com

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© Marwan Tahtah

On n'a pas pris le temps de se dire au revoir (Rachid Bouali)

Rachid Bouali a fait du quotidien son terrain de jeu, mais n’a franchement rien d’ordinaire. Après avoir évoqué sa passion pour le théâtre (Un Jour, j’irai à Vancouver) ou rendu hommage à sa maman (Le Jour où ma mère a rencontré John Wayne), il met en scène un homme confronté à la disparation simultanée de son père et de son quartier (celui de la Lionderie, à Hem). L’occasion de se (nous) raconter comme jamais : qui sommes-nous ? Quelle est notre place ? Une touchante pièce d’identité.

Armentières, 06 & 07.10, Le Vivat, 20h, 21 > 2€, levivat.net

Dunkerque, 16 & 17.11, Le Bateau Feu, jeu : 19h • ven : 20h, 10€

Nombril (Monsieur Poulpe)

Voilà déjà plus de 10 ans que ce céphalopode traîne son humour

pince-sans-rire sur nos ondes, écrans et réseaux, des Recettes pompettes au Golden Show . Pourtant, jamais il n’avait encore foulé les planches. C’est désormais chose faite avec Nombril . On l’aura compris, dans son premier spectacle il sera beaucoup question de lui. Et il ne s’épargne pas, évoquant ses années passées à Disneyland dans le costume de Dingo, sa vie de couple ou sa première coloscopie, entre autres « dingueries ».

Lille, 10.10, Le Splendid, 20h30, 38€

Dunkerque, 11.10, Le Kursaal, 20h30, 38€

Le Touquet, 31.10, Pal. des congrès, 20h30, 38€

Slows (Cie Aurélia / Rita Cioffi)

Vous rappelez-vous de votre premier slow ? Rita Cioffi ravive le souvenir de ce moment si ambigu, entre fébrilité et excitation. Sept danseurs et un musicien se partagent un plateau nu, ou seules quelques chaises traînent, comme lors d’une soirée chez des amis –ou dans une boîte de nuit. Chacun se fait face avant d’entamer une chorégraphie aux gestes ralentis, suspendus, traduisant l’attente et la tension des corps prêts à se jeter dans l’arène, à l’orée d’un instant aussi attendu que redouté.

Roubaix, 11.10, Théâtre de l’OiseauMouche, 20h, 10 > 5€, balletdunord.fr

En avant toutes (Zoé Grossot & Lou Simon / Cie BOOM)

Il suffit parfois de pas grand-chose pour monter un bon spectacle. Tenez, la compagnie BOOM. Avec quelques bouts de papier et une comédienne-narratrice survoltée, elle parvient à ressusciter des héroïnes effacées de l’Histoire. Anne Lister, Joséphine Pencalet, Louise Chatelain… Autant de noms inconnus et de femmes au destin extraordinaire. Ces exploratrices, guerrières ou compositrices retrouvent vie sous forme de petites statuettes. Et cette fois, on n’est pas près de les oublier.

Lille, 12 > 14.10, Le Grand Bleu, jeu & ven : 10h & 14h30 • sam : 19h, 13 > 5€, legrandbleu.com

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© DR

1983 (Jean Robert-Charrier)

Michèle Davidson est une styliste qui a vécu son heure de gloire. En panne d’inspiration, elle a décidé de se couper du monde en s’enfermant dans son grand appartement, mais aussi dans l’année de son succès : en 1983. Écrite sur mesure pour Chantal Ladesou, cette pièce de boulevard joue habilement du décalage (en l’occurrence temporel). Car lorsque notre héroïne à la choucroute monumentale s’aventure enfin dans notre époque, c’est le choc ! Un sacré retour vers le futur.

Calais, 12.10, Grand Théâtre, 20h30, 34 > 17€ // Arras, 29.10 Casino, 16h, 65 > 32€ // Douai, 01.12, Théâtre municipal, 20h30 44 > 8€ // Lens, 02.12, Le Colisée, 20h, 50 > 25€

Encore un instant (F. Roger-Lacan / I. Paternotte)

Actrice célèbre, Suzanne n’est pas remontée sur scène depuis la mort de son mari. Elle vit seule chez elle. Enfin, seule… Elle continue à converser avec le fantôme de son époux, comme s’il était à ses côtés. Jusqu’au jour où un auteur frappe chez elle, avec une pièce qu’il a spécialement écrite pour elle. Imaginée par Fabrice Roger-Lacan (complice d’Édouard Baer ou de Benoît Jacquot), ce spectacle aborde avec tendresse et humour le deuil, et montre comme la vie est plus forte que tout.

Bruxelles, 18.10 > 12.11, Théâtre royal des Galeries, 20h15 (+ 15h), 28 > 10€, trg.be

Tekno (Julie Dossavi)

Plus qu’un spectacle, un véritable manifeste. En l’occurrence pour les femmes de 50 ans, et bien plus !

Julie Dossavi, aka Mama Tekno, rend hommage à toutes celles qui l’ont inspirée. Seule sur scène, vêtue d’une combinaison intégrale, elle mêle danse, chant, vidéo et différents styles musicaux (dont pas mal de techno, évidemment) avec l'humour qui la caractérise ! L’occasion, aussi, de parler de l’histoire du corps féminin à travers les sociétés et les âges. Un solo vivifiant.

Armentières, 19.10, Le Vivat, 20h, 21 > 2€ levivat.net

Inventions (Mal Pelo)

Formé en 1989, le collectif Mal Pelo s’est fait une spécialité d’harmoniser danse, musique et textes poétiques. Voilà plus de 20 ans que ces Catalans s’inspirent de Jean-Sébastien Bach. Troisième œuvre d'une tétralogie initiée en 2004, Inventions met en scène huit danseurs, un quatuor à cordes et un autre à voix. Vêtus de noir, les interprètes délivrent des chants baroques tout en initiant une chorégraphie légère et virevoltante, comme s’ils composaient un long poème synesthésique.

Roubaix, 19 & 20.10, La Condition Publique, jeu : 20h • ven : 19h, 21 > 6€, larose.fr

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Mama © Jean-Louis Fernandez

Les Belles Sorties

Septembre > décembre 2023 ������������������������������ ��rè�� d�� ��h��z vou�� Av���� ���� MEL, ���� ��u����ur�� ������ ������������ib���� à ��ou�� !
CHARLEROI
SUIVEZ-NOUS! Photographie © Bertrand Meunier, Tendance Floue
Coproduction musée Nicéphore Niépce à Chalon-sur-Saône / Musée de la Photographie à Charleroi. Avec le soutien de Picto Fondation
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ERASED Bertrand MEUNIER

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