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Cafés de la Croix-Rousse (les
LES CAFÉS DE LA CROIX-ROUSSE
Aux premières lueurs du jour, les lumières de leurs vitrines signalent le réveil du quartier. Avant de partir au travail ou pour un rendez-vous amical, les premiers clients se pressent dans le tintement des verres, des tasses et le ronronnement de la machine à café. Les odeurs de cuisine de la veille croisent celles du jour, puisque le mijoté se prépare dès potron-minet.
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Les tables sagement alignées sont entourées de chaises en bois courbé et de banquettes en skaï. Parfois, un billard trône au milieu de la pièce, attendant, imperturbable, les premiers coups d’adresse, comme si les jeux à la Croix-Rousse, à l’image des boules ou des fléchettes, prolongeaient naturellement la précision du geste de tissage. Les murs sont peints et repeints de couleurs chaudes et parfois assez vives, mais jamais criardes. Ce décor est également complété par un bric-à-brac de bibelots, de livres, d’affichettes et d’objets publicitaires évoquant les goûts du patron ou la mémoire du lieu. Les journaux du matin, tels des drapeaux sur leur hampe en bois, commencent à circuler entre les tables.
Toute cette ambiance rappelle les souvenirs d’enfance à la campagne : une chaleur réconfortante, défendue de la froideur de l’hiver par un rempart de buée, ou bien, à l’inverse, une terrasse animée et ombragée balayée par la brise légère de juin.
Le plaisir de vivre commence ici par la rencontre avec l’autre, le voisin, l’ami, le collègue. Tout le monde se salue cordialement et beaucoup s’appellent par leurs prénoms. C’est du reste ce qui qualifie d’emblée les habitués. Ils sont plus souvent à deux la semaine et beaucoup plus nombreux le samedi lors de tablées amicales et rieuses. Les étaliers du marché de la Croix-Rousse y ont également leurs petites habitudes. Levés très tôt, ils viennent marquer la pause en milieu de matinée : ils n’ont même pas besoin de passer commande, leur boisson chaude ou leur bière est déjà sur le comptoir. À chaque table, les conversations vont bon train sur les nouvelles du jour ou la naissance du petit dernier. Dans un coin, des lycéens achèvent à la hâte quelques devoirs en retard. Quelques-uns ramèneront d’eux-mêmes leur tasse sur le comptoir pour aider le barman. Du temps de la pleine activité des soyeux et vers 10 h du matin, on pouvait y rencontrer des hommes en cravate ou en bras de chemise qui venaient faire un «petit mâchon*» pour conclure une affaire entre un fabricant, un teinturier et un arraseur*.