2013, une année de braises

Page 1

HORS-SÉRIE

UNE ANNÉE DE BRAISES

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9876

MARDI 12 FÉVRIER 2013

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO10000

WWW.LIBERATION.FR

MARDI 9 JUILLET 2013

WWW.LIBERATION.FR

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9919

MERCREDI 3 AVRIL 2013

WWW.LIBERATION.FR

• 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9828

SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 DÉCEMBRE 2012

WWW.LIBERATION.FR

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9936

MARDI 23 AVRIL 2013

WWW.LIBERATION.FR

SPECIAL PIERRE ET GILLES

REPORTAGE, PAGE 6

Papus interruptus IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

PHOTO BULENT KILIC. AFP

Benoît XVI, 85 ans, a annoncé hier sa démission, assurant n’avoir plus la force nécessaire. Un événement dans l’histoire de la papauté. PAGES 2­11

TOUS INDIGNE ÉGAUX Après des mois de mensonges, Jérôme Cahuzac a avoué hier détenir un compte à l’étranger et a été mis en examen. De quoi provoquer une crise politique.

Mariage, adoption, assistance médicale à la procréation… les promoteurs de cette réforme de société majeure PAGES 2­7 appellent à manifester ce week-end.

PIERRE ET GILLES 2013

Benoît XVI en janvier 2011, au Vatican. PHOTO GABRIEL BOUYS.AFP

Pour prolonger la mobilisation née sur la place d’Istanbul contre l’autoritarisme d’Erdogan, les laïcs se retrouvent chaque soir dans les parcs pour des prises de parole spontanées.

CHARLES PLATIAU . REUTERS

Turquie

TAKSIM PARTOUT

PAGES 2­5

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

HORS SÉRIE LIBÉRATION DÉCEMBRE 2013

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

FRANCE MÉTROPOLITAINE 7 € BEL/LUX 8 € ­ ALL/ESP/ITA/GR/PORT (Cont) 8 € ­ SUI 11 CHF DOM 520 8 € ­ CAN 11,50 $ CAN


enseignants, la CASDEN s’engage ainsi auprès de plus d’un million de Sociétaires à réinvestir leur épargne dans le financement des projets de chacun. Rejoignez-nous sur

casden.fr

ou contactez-nous au

0826 824 400*

*Accueil téléphonique ouvert de 8h30 à 18h30 du lundi au vendredi (0,15€ TTC/min en France métropolitaine)

L’offre CASDEN est disponible en Délégations Départementales et également dans le Réseau Banque Populaire.

CASDEN Banque Populaire - Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable. Siège social : 91 Cours des Roches - 77186 Noisiel. Siret n° 784 275 778 00842 - RCS Meaux. Immatriculation ORIAS n° 07 027 138 BPCE - Société anonyme à directoire et conseil de surveillance au capital de 467 226 960 €. Siège social : 50 avenue Pierre Mendès France - 75201 Paris Cedex 13. RCS PARIS n° 493 455 042. Immatriculation ORIAS n° 08 045 100 - Illustration : Killoffer.

Quand une banque tire sa force de l’esprit coopératif, elle s’appuie sur des valeurs de solidarité, d’écoute et de confiance. Créée par des


édito 2013, une année de braises Par Fabrice Rousselot Un jeune homme à terre dans le hall d’accueil de Libération. Une scène que le ministre de l’Intérieur lui-même décrira comme «une scène de guerre» et que l’on veut ne plus jamais revoir. On aurait préféré que l’année se termine autrement, mais voilà, pour Libération, 2013 sera à jamais marqué par l’irruption d’un tueur fou dans nos locaux. Le choc, l’angoisse, l’inquiétude pour un jeune assistant photographe et puis l’arrestation d’Abdelhakim Dekhar, individu dérangé sorti tout droit d’un passé lointain et qui fait ressurgir des annales judiciaires l’affaire Rey-Maupin, vieille de presque vingt ans. 2013, année de tourments. Avec un climat français de défiance envers les institutions. Et surtout envers un locataire de l’Elysée incapable de tenir sa promesse d’une France plus sereine, et qui semble condamné à voir mois après mois sa cote de popularité chuter. François Hollande veut s’inscrire dans la durée, et on ne peut que saluer l’intention. Mais ce sont ses volte-face que tout le monde retient, entre bégaiements fiscaux et reculs écolos. Sans même parler du scandale Cahuzac, qui vient ternir encore un peu plus l’image des politiques. D’un coup, le mot «couac» s’invite dans le paysage comme qualificatif de l’(in)action gouvernementale. Le mécontentement d’une région sur l’éco-

taxe se pare d’un nouvel accessoire vestimentaire. Le bonnet rouge, puis vert, puis bleu comme symbole de la révolte. Et quand le Président intervient enfin, il se prend les pieds dans l’expulsion de Léonarda, affaire mal gérée de bout en bout. Pour la première fois de l’histoire, une gamine répond en direct au chef de l’Etat français à la télévision et refuse de rentrer seule dans l’Hexagone. 2013, année de tourments. Des gens dans la rue pour éructer contre une évidence, le mariage pour tous, le mariage pour vous, pour moi, pour eux, pour nous. L’irruption d’une France de droite homophobe et intolérante. Un climat qui s’installe. Des élus de l’UMP qui, après s’être écharpés pour prendre la tête d’un parti explosé, se laissent prendre au piège de l’extrême. On voudrait ne rien retenir de leurs dérives. Mais on relève l’épisode Fillon, un membre de la droite républicaine qui appelle à voter au second tour des municipales pour les candidats «les moins sectaires» entre PS et FN. Un calcul politique indigne, qui vaut à Marine Le Pen de faire le tour des plateaux de télé, le sourire aux lèvres. Peu à peu, on a l’impression que la parole publique se libère, pour dire l’innommable. Christiane Taubira, garde des Sceaux, se fait insulter pour sa couleur de peau et des enfants manipulés hurlent

des horreurs en marge de manifestations. Il faudra un long entretien dans Libération et les ignominies de Minute pour qu’un sursaut salutaire se fasse entendre. 2013, année de tourments. La Syrie, encore et toujours, comme illustration tragique de l’impuissance de la communauté internationale à peser sur un conflit qui s’éternise. L’horreur d’une attaque chimique aurait pu tout changer. Mais elle ne changera rien. Les images d’hommes, de femmes et d’enfants, la bave à la bouche, choquent la planète. Elles font penser un temps à une opération militaire menée par un couple franco-américain inédit. Mais la diplomatie reprend ses droits. On pourrait s’en féliciter, si ce n’est que rien ne semble devoir aboutir. Bachar al-Assad, redevenu soudain interlocuteur de l’Occident, continue à tuer et à torturer son peuple sans vergogne. Et aucune solution politique viable ne se dégage pour un futur proche. Sur le front du printemps arabe, le doute s’est installé. L’Egypte retombe dans le chaos et n’échappe pas à un coup d’Etat qui met fin à la gouvernance indigente du président Morsi, démocratiquement élu. Le pouvoir islamique de plus en plus autoritaire tremble en Tunisie, et la Libye sombre dans le chaos. Au Mali, la France intervient pour éviter que le pays ne se

fracture face à la menace des groupes extrémistes. L’opération Serval est un succès, et permet la tenue d’élections libres et démocratiques, mais Aqmi (Al-Qaeda au Maghreb islamique) et ses nombreux affiliés continuent à semer le trouble. Surtout, ils s’en prennent aux Français, devenus la cible privilégiée des enlèvements. Quatre sont libérés, d’autres sont exécutés, d’autres sont pris en otages, certains s’enfuient. La presse, elle aussi, est visée. Les reporters sont kidnappés en Syrie, dont notre ami et ancien de Libération, Didier François. Au Mali, ce sont deux collègues de RFI que l’on assassine froidement dans le désert. Et comme pour ajouter une nouvelle catastrophe naturelle à une actualité déjà sombre, un typhon dévaste les Philippines. Les morts se comptent par milliers. 2013, année de changements. En Grande-Bretagne, la Dame de fer disparaît, mais un bébé apparaît chez des Royaux plus people que jamais. A Rome, le nouveau pape François change de ton et donne le sentiment que l’Eglise pourrait enfin entrer dans l’ère moderne. A pas comptés évidemment. Et puis, après dix ans de discussions, un accord – temporaire certes – est trouvé avec l’Iran sur le nucléaire. Un signe peut être que l’on est jamais obligé de parier sur le pire •

www.liberation.fr –11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 –Tél.: 0142761789 –Télex: 217656F –Edité par la SARL Libération. SARL au capital de 8726182€. RCS Paris: 382.028.199 –Durée: 50 ans à compter du 3/06/91– Cogérants: Nicolas Demorand et Philippe Nicolas. Directeur de la publication: Nicolas Demorand. Directeur de la rédaction: Fabrice Rousselot. HORS­SERIE ALMANACH 2013. Responsables des suppléments: Fabrice Drouzy et Sibylle Vincendon. Equipe rédactionnelle: Delphine Duprat et Bernadette Sauvaget. Conception graphique: Sandrine Cabouat, Sarah de Gaudemar Photo: Mina Rouabah.Rédacteur en chef technique: Christophe Boulard. Fabrication: Graciela Rodriguez et Daniel Voisembert. Impression: Maury –Membre de l’OJD­Diffusion Contrôle. CPPP: C80064. ISSN0335­1793. CCP 2240185 Paris.


LUNDI 14 JANVIER 2013

MARIAGE POUR TOUS LA MANIF MASSIVE DES ANTI

WWW.LIBERATION.FR

PAGES 10­12

Mali

LES RAISONS D’UNE GUERRE

Paris poursuit ses raids contre les positions islamistes, affirmant que l’opération durera «le temps nécessaire». Au risque d’un enlisement.

PAGES 2­8

Photo réalisée par l’armée française de Mirage 2000 destinés aux opérations au Mali, et survolant le Tchad dans la nuit de vendredi à samedi. PHOTO E.NICOLAS­NELSON. ECPAD. AP

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9851

P 6 À 61

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

Monde MALI, ALGÉRIE, SYRIE, OTAGES, LAMPEDUSA, EUROPE, PAPE, ITALIE.

P 62 À 93

VENDREDI 29 MARS 2013

WWW.LIBERATION.FR

FORUMDE RENNES «LACONFIANCE RÈGNE?» DEUXJOURSDE DÉBATSAVEC LARÉDACTION DE«LIBÉ»

Jusqu’ici tout va mal PHOTO SÉBASTIEN CALVET

Politique

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9915

Devant l’ampleur de la crise et la montée du chômage, François Hollande a expliqué hier soir que tous les outils sont déjà en place. Le Président s’engage même à redresser la France en deux ans. Vivement 2015! PAGE 2 À 5

CAHIERSPÉCIAL 12PAGES Chypre s’épargne une ruée aux guichets Enfin autorisés à retirer de l’argent après douze jours de fermeture, les Chypriotes se sont rendus à la banque dans l’ordre. Reportage. PAGES 16­17

Le Hezbollah prépare l’après Al-Assad L’organisation libanaise sème ses milices en vue d’une éventuelle chute du régime et d’un morcellement communautaire de la Syrie. PAGES 6­7

Juge Gentil: des attaques politiques à la menace de mort La garde des Sceaux a saisi le CSM pour apaiser le climat après les commentaires virulents de l’entourage de Sarkozy et le courrier de menace envoyé au magistrat en charge de l’affaire. PAGES 12­13 IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

LA PRÉSIDENCE HOLLANDE, LES DOUTES DE LA MAJORITÉ, LE GOUVERNEMENT, L’AFFAIRE CAHUZAC, LES DIVISIONS À L’UMP, LA POUSSÉE DU FN.

Economie • 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9828

SAMEDI 15 ET DIMANCHE 16 DÉCEMBRE 2012

WWW.LIBERATION.FR

TOUS ÉGAUX Mariage, adoption, assistance médicale à la procréation… les promoteurs de cette réforme de société majeure PAGES 2­7 appellent à manifester ce week-end.

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.

4

P 126 À 139

LA RÉFORME FISCALE, LE DOSSIER DES RETRAITES, L’EMPLOI, LA RÉVOLTE CONTRE L’ÉCOTAXE.


P 94 À 125

Société YANN LEGENDRE

• 2,50 EUROS. PREMIÈRE ÉDITION NO10058

ACTU. P9­30 LES ENFANTS PERDUS DE LA TUNISIE/SKINS ET ANTIFAS: L’APRÈS­MÉRIC

PHOTO PASCAL COLRAT (ASSISTANTS : M. FAGET, E. OMNES; MODELE: M.DOSSIKIAN; MAQUILLAGE: MADEMOISELLE MU)

LE MARIAGE POUR TOUS, LE MOUVEMENT FEMEN, LA RÉFORME DE L’ÉDUCATION, L’IMMIGRATION.

SAMEDI 14 ET DIMANCHE 15 SEPTEMBRE 2013

IDÉES. P31­39 GUILLON, IACUB… RETROUVEZ NOS CHRONIQUES/ ENTRETIEN: LUC BOLTANSKI

CULTURE. P41­54 «LIBERACE», SOMMET KITSCH/LE GUIDE CULTUREL DU WEEK­END

WWW.LIBERATION.FR

NEXT. P55­64 GÖTEBORG, LA SUÈDE BOHÈME/LA NOUVELLE VIE DE MARC VEYRAT

WEEK­END

A bas la crise!

Plutôt que de chercher des remèdes à une crise de toute façon durable, la société civile invente de nouveaux modèles sans compter sur les politiques. Une mutation invisible et réjouissante. NOTRE DOSSIER, PAGES 2­8

VOTRE NOUVEAU «LIBÉ» SPÉCIAL WEEK­END, 64 PAGES IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCEAllemagne 3,20 €, Andorre 2,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,60 €, Canada 5,50 $, Danemark 34 Kr, DOM 3,30 €, Espagne 3,20 €, Etats­Unis 6 $, Finlande 3,60 €, Grande­Bretagne 2,60 £, Grèce 3,60 €, Irlande 3,30 €, Israël 24 ILS, Italie 3,20 €, Luxembourg 2,60 €, Maroc 27 Dh, Norvège 33 Kr, Pays­Bas 3,20 €, Portugal (cont.) 3,30 €, Slovénie 3,60 €, Suède 31 Kr, Suisse 3,90 FS, TOM 520 CFP, Tunisie 3,90 DT, Zone CFA 2 600 CFA.

Photo du film «les Infidèles». PHOTO MARS DISTRIBUTION

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9843

VENDREDI 4 JANVIER 2013

WWW.LIBERATION.FR

Culture Ecrans Sports

Cachets des acteurs

INTOUCHABLES?

En pleine polémique, «Libération» ouvre le débat sur le financement du cinéma.

PAGES 2­5

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

P 140 À 163

LE SALAIRE DES STARS, L’AFFAIRE DEPARDIEU, LES 40 ANS DE «LIBÉ», FACEBOOK, LE NUMÉRIQUE, LE TOUR DE FRANCE, LE FOOT BUSINESS.

5


Monde Les attentes déçues Par François Sergent L’Occident est en crise mais les peuples du Sud continuent à frapper à ses frontières. Jusqu’à la mort. Comme les plus de 350 Africains naufragés au large de Lampedusa en octobre. On ne connaîtra jamais leur nombre exact, encore moins leurs noms. Ils seraient venus du port de Misrata en Libye; des Somaliens, des Erythréens, des Ghanéens. Des hommes, des femmes, certaines enceintes, des enfants. Ils sont les boat people du XXIe siècle, anonymes comme leurs prédécesseurs, de pays faillis et de pays en guerre. Les rares rescapés racontent comment ils ont été enfermés, torturés, les femmes violées par leurs passeurs somaliens. Pour son premier voyage, le pape François, qui se veut pasteur des

pauvres, se rend dans l’île de Lampedusa d’où il dénonce «la culture du bien-être qui rend les hommes insensibles aux cris d’autrui et aboutit à une globalisation de l’indifférence». Si les premières années de la décennie 2010 avaient fait souffler l’espérance d’un monde meilleur dans le monde arabe, 2013 aura douché ces attentes. La route de ces damnés de la mer jalonne un parcours tragique de pays en ruine et en proie à d’éternelles guerres civiles. Comme la Somalie, pays sans Etat depuis des décennies dont les bandes islamistes sont allées tuer au Kenya voisin ; comme la Libye abandonnée à elle-même et à ses démons sécessionnistes depuis l’opération occidentale qui mit fin au

régime de Kadhafi mais ne sut bâtir un Etat. Les apprentis sorciers interventionnistes n’avaient pas anticipé la contamination islamiste du Sahel, notamment du Mali. Le président français a eu raison, en janvier, d’arrêter l’avancée sur Bamako des bandes qui occupaient le nord de ce pays démuni et divisé. Mais la région reste instable comme le montrent les prises et exécutions d’otages. Cette menace islamiste n’épargne pas la Tunisie berceau du printemps arabe mais aujourd’hui confrontée à la lutte armée à ses confins alors qu’à Tunis, le gouvernement d’Ennahda agonit. Même leçon en Egypte, où un coup d’Etat militaire a mis fin au mandat du premier président élu de l’histoire de ce pays. Que Morsi ait

été un incapable, plus préoccupé des intérêts de la confrérie des Frères musulmans que de son pays, ne peut excuser ce déni de démocratie et les massacres des opposants par centaines. Autre échec du printemps arabe, le long hiver syrien. Le régime Assad torture, affame son peuple et par milliers les Syriens sont déplacés, réfugiés ou boat people s’échouant sur les plages d’Europe. Cet Occident si désiré qui n’en finit pas de vivre la plus longue crise de l’après-guerre. Avec son cortège de peurs et de racismes, de doutes identitaires et de remises en cause dangereuses et permanentes des démocraties et de leurs gouvernants. Le XXIe siècle est encore à naître. •

SOMMAIRE

6

Mali, Algérie, Syrie, otages, Lampedusa, Europe, élection du Pape, Italie. Chapitre un kjk PAGES X­Z


LUNDI 14 JANVIER 2013

MARIAGE POUR TOUS LA MANIF MASSIVE DES ANTI

WWW.LIBERATION.FR

PAGES 10­12

Mali

LES RAISONS D’UNE GUERRE

Paris poursuit ses raids contre les positions islamistes, affirmant que l’opération durera «le temps nécessaire». Au risque d’un enlisement.

PAGES 2­8

Photo réalisée par l’armée française de Mirage 2000 destinés aux opérations au Mali, et survolant le Tchad dans la nuit de vendredi à samedi. PHOTO E.NICOLAS­NELSON. ECPAD. AP

e

• 1,60 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9851

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,30 €, Andorre 1,60 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,70 €, Canada 4,50 $, Danemark 27 Kr, DOM 2,40 €, Espagne 2,30 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,70 €, Grande­Bretagne 1,80 £, Grèce 2,70 €, Irlande 2,40 €, Israël 20 ILS, Italie 2,30 €, Luxembourg 1,70 €, Maroc 17 Dh, Norvège 27 Kr, Pays­Bas 2,30 €, Portugal (cont.) 2,40 €, Slovénie 2,70 €, Suède 24 Kr, Suisse 3,20 FS, TOM 420 CFP, Tunisie 2,40 DT, Zone CFA 2 000CFA.

7


6

MALI MONDE

PARUTION DU 12 JANVIER

LIBÉRATION SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 JANVIER 2013

Revenant sur ses engagements, le chef de l’Etat a annoncé, vendredi, l’appui militaire de la France aux autorités maliennes. Des frappes ont visé dans la journée des groupes islamistes.

Mali:leprésidentHollande Le président Hollande s’enva-t-enguerre s’en va-t-en guerre Par THOMAS HOFNUNG

Côte-d’Ivoire en 2011, il a été rattrapé par tervention au tout début de la guerre en le principe de réalité», estime un haut Libye par les Français, puis par les foru nom de la France», le chef responsable français. Même s’il évoque ces britanniques et américaines, à Bende l’Etat a donné son feu un simple «soutien» aux troupes ma- ghazi. Celles-ci avaient anéanti une covert, vendredi, à une in- liennes, l’action de l’armée française lonne entière des troupes de Kadhafi. tervention militaire au est déterminante. Débordées la veille Au nord de Mopti, une colonne compoMali, officiellement en «soutien» aux par les islamistes d’Ansar ed-Dine et sée d’une centaine de pick-up bien troupes locales. Sans donner de ses alliés, les forces locales sont équipés et dotés de réserves d’essence détails, François Hollande a exsoudainement repassées à l’of- – soit plus d’un millier d’hommes – a RÉCIT pliqué, dans une courte allocufensive vendredi à la mi-jour- été repérée. tion depuis l’Elysée, avoir répondu à née. Quelque chose s’est donc passé en- Pour l’heure, affirment plusieurs sourl’appel à l’aide lancé par le président tre ces deux moments. ces, l’armée française ne serait pas inpar intérim du Mali, Dioncounda Tra- Ce quelque chose, c’est bien l’engage- tervenue au sol. Cités par l’AFP, des téoré. La veille, les groupes islamistes qui ment militaire de la France au Mali. moins assuraient pourtant avoir vu des contrôlent les deux tiers du territoire D’après des sources fiables, il aurait es- avions de transport déposer, dans la avaient infligé une sévère défaite aux sentiellement consisté, vendredi, en un nuit de jeudi à vendredi, des renforts troupes loyalistes à Konna, s’ouvrant appui aérien, probablement des frappes militaires, avec parmi eux des ainsi la route de la ville de Mopti, et au- contre les véhicules légers mais bien «Blancs», sur l’aéroport de Sévaré, au delà de Bamako. Cette intervention équipés des groupes islamistes. «Ce sont nord de Mopti, où l’armée malienne française durera «le temps nécessaire», les hélicoptères qui sont entrés en action», dispose d’un centre de commandea indiqué le Président, ajoutant que le affirme une source diplomatique. Les ment. Une dizaine de militaires français Parlement serait saisi dès lundi. forces spéciales, équipées d’hélicoptè- y sont d’ailleurs stationnés, en toute Face à la menace d’une progression dé- res d’attaque et de transport de troupes, discrétion, depuis le début de la crise. cisive des groupes islamistes en direc- sont présentes dans la région, notam- Autant de moyens militaires non néglition du sud, et alors que le déploiement ment au Burkina Faso, mais aussi en geables mais pas forcément suffisants d’une force africaine se fait toujours at- Mauritanie et au Niger. La France dis- si les opérations devaient durer. «Dans tendre, François Hollande a donc sauté pose aussi de cinq Mirage stationnés sur ce type de crise, on déploie un dispositif le pas, plaçant de facto la France en pre- l’aéroport de N’Djamena, au Tchad. d’urgence: une force robuste au sol charmière ligne dans la crise au Mali. Le Bien ciblés, leurs raids peuvent être dé- gée de faire barrage aux assaillants, apchef de l’Etat se retrouve ainsi dans la vastateurs, comme l’a montré leur in- puyée par des avions de chasse et des hélisituation qu’il cherchait à éviter dans le Sahel depuis son élection. Il y a quinze jours, à l’occasion d’une autre crise sur REPÈRES le continent, cette fois en Centrafrique, il avait assuré que le temps où la France Zone contrôlée depuis intervenait directement était révolu. AYRAULT REÇOIT fin juin par des groupes

«A

8

ALGÉRIE

MALI

300 km

Kidal

MAURITANIE

Gao

Konna Mopti

Sévaré

Bamako BURKINA FASO GUINÉE GHANA

APPEL À L’AIDE. Avant de s’impliquer militairement, Paris a pris soin d’obtenir toutes les garanties juridiques et politiques nécessaires afin d’échapper à la critique d’une «ingérence néocoloniale». Réuni à la demande de la France, le Conseil de sécurité de l’ONU a demandé, jeudi, aux Etats membres d’«aider les forces de sécurité maliennes à réduire la menace représentée par les organisations terroristes». Adoptée le 20 décembre, la résolution 2 085 les autorise à prendre «toutes les mesures nécessaires» pour soutenir les autorités maliennes confrontées à une agression de type terroriste. Mais la France a également décidé de réagir très vite à l’appel à l’aide lancé par le président malien pour des raisons politiques. Selon le ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian, le régime de Bamako semblait sur le point de s’écrouler, précipitant un peu plus le pays dans le chaos. •

LUNDI LES POLITIQUES

Le Premier ministre a appelé vendredi l’ensemble des respon­ sables politiques pour les informer de la situation au Mali et recevra lundi «les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi que les présidents de groupes politiques des deux Assemblées et ceux des commissions des affaires étrangères et de la défense de l’Assemblée et du Sénat», a précisé Matignon.

Tombouctou

NIGER NIGERIA

«PRINCIPE DE RÉALITÉ». Mais au Mali, dit en substance François Hollande, nécessité fait loi: le chef de l’Etat a évoqué la protection de la population malienne, son droit «à vivre librement et en démocratie», et celle des 6000 Français résidant sur place, pour justifier l’intervention militaire. Dans les zones qu’ils contrôlent, les islamistes d’Ansar edDine et leurs alliés terroristes d’AlQaeda au Maghreb islamique (Aqmi) et du Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) font régner la terreur, n’hésitant pas à lapider les femmes jugées infidèles et à amputer les suspects de vol. Alors que le chef de l’Etat n’a dit mot des ressortissants français aux mains des différents groupes terroristes dans la région, son ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a déclaré: «Nous ferons tout pour sauver nos otages.» «Comme son prédécesseur, Nicolas Sarkozy au Tchad en 2008 et, surtout en

islamistes et touaregs armés

coptères», confie une source bien informée. Sur le continent, la France dispose de deux bases permanentes au Gabon et à Djibouti, dont une partie est déjà sollicitée en Centrafrique.

SUR LIBÉRATION.FR

Suivez tout le week­end sur notre site les derniers développements de l’intervention militaire au Mali et de l’engagement des troupes françaises.

6000

expatriés français se trouvent encore au Mali, selon l’estimation du président de la République lors de son allocution, vendredi, depuis l’Elysée.

LA RÉSOLUTION DE L’ONU Le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté le 20 décembre à l’unanimité la résolution 2085 autorisant le déploiement d’une force africaine d’assistance aux forces maliennes (Misma) dans la restauration de la sécurité de l’Etat, pour une période initiale d’un an.

Extrait d’une vidéo d’Al­Qaeda au Maghreb islamique récupérée jeudi par un site de veille des groupes jihadistes. PHOTO SITE MONITORING SERVICE. AFP


LIBÉRATION SAMEDI 12 ET DIMANCHE 13 JANVIER 2013

Almanach 2013MONDE Monde•

7

Des rivalités au sein des groupes islamistes ont probablement décidé les rebelles à attaquer vers le sud.

La surprenante offensive des jihadistes maliens B as les masques: l’accélération des événements au Mali a soudain pulvérisé tous les faux-semblants sur la situation réelle du pays. D’abord, l’armée malienne, censée être formée et appuyée par la communauté internationale, n’a toujours pas la capacité de se battre. Pour preuve, elle a été mise en déroute, jeudi, lorsque les groupes islamistes se sont emparés de Konna, dans le centre du pays. Certains ont même évoqué un véritable «carnage»: plus de 10 morts et une trentaine de blessés seraient arrivés à l’hôpital militaire de Sévaré, ville jumelle de Mopti, à 500 km au nord de Bamako, et pôle stratégique pour l’armée malienne. «Contents». Dans ce contexte de débâcle accélérée, l’hostilité à une intervention militaire étrangère, qui avait encore donné lieu à une manifestation à Bamako mercredi, semble s’être émoussée: «On est contents que les Français soient là», a résumé vendredi un habitant de la capitale. Un soulagement peut-

être renforcé par le dernier faux-semblant à s’être évanoui: le groupe islamiste Ansar edDine, un temps considéré comme plus fréquentable que les autres mouvements présents dans le Nord (Aqmi et Mujao), combat

avril et les 6 000 expatriés français qui sont encore au Mali ne semblaient pas trop inquiets, d’autant plus que le lycée français et l’institut français sont encore ouverts. Vendredi soir, le gouvernement malien a, lui, décrété l’état d’urgence, après avoir Vendredi soir, le gouvernement malien interdit la veille toute manif dans la capitale. «Aidez-nous à mobiliser a décrété l’état d’urgence, après avoir le peuple plutôt qu’à l’affoler», a deinterdit la veille toute manifestation mandé un officier aux journalistes dans la capitale. locaux, lors d’une conférence de presse organisée par le ministère désormais ouvertement aux côtés des deux de la Défense à Bamako. Car certaines ruautres groupes. C’est ensemble qu’ils ont pris meurs sont tout de même susceptibles de Konna, «pour le jihad», a annoncé un porte- créer la psychose: comme celles qui évoquent parole d’Ansar ed-Dine, anticipant l’inten- de possibles «infiltrations» islamistes dans la tion des islamistes de «progresser vers le sud». capitale. Des expatriés ont, eux aussi, évoqué Vendredi, la France a demandé à ses ressortis- leurs craintes de «cellules dormantes» qui sants «dont la présence n’était pas indispensa- pourraient être activées. ble» de quitter le pays. Ce qui ne devrait pas Jusqu’au­boutisme. Reste une question : provoquer d’exode massif dans l’immédiat: pourquoi les groupes islamistes confortableun appel au départ avait déjà été prononcé en ment installés au Nord, peu inquiétés dans

l’immédiat par une intervention internationale qui semblait impossible avant septembre, ont-ils décidé d’engager cette offensive vers le Sud? Comptaient-ils sur l’effet de surprise et l’inaction de la communauté internationale pour changer la donne et agrandir leur territoire, voire prendre Bamako? Selon un bon connaisseur des acteurs sur le terrain, «ce sont des fractures au sein de ces groupes armés qui ont certainement joué. De nouvelles katibas se sont formées récemment, et les divisions internes sur la ligne à suivre –dialogue ou durcissement – ont pu conduire certaines factions à passer à l’offensive». Ce pari du jusqu’au-boutisme sera-t-il finalement fatal aux islamistes? La réponse se trouve aussi au Sud, où la guerre pourrait faire évoluer le paysage politique. Au camp de Kati, la base des putschistes, le capitaine Sanogo et les officiers sont restés pour l’instant silencieux. MARIA MALAGARDIS avec FABIEN HOFFNER (à Bamako)

9


ALGERIE EVENEMENT

Par VINCENT GIRET

Rupture Il demeure trop de zones d’ombre pour tirer le bilan de l’assaut de l’armée algérienne contre les preneurs d’otages de Tigantourine. Mais l’extension de la guerre au Mali en Algérie par le biais d’une prise d’otages barbare souligne avec une violence extrême l’un des nœuds stratégiques auxquels la France est confrontée depuis la première heure de l’opération «Serval» : il n’y aura pas de succès possible contre les jihadistes des sables sans le concours actif, déterminé et constant du régime algérien. L’impasse afghane a fait jurisprudence : s’il n’y a pas eu de victoire totale contre les talibans, c’est en grande partie faute d’une solidarité sans faille du grand voisin pakistanais, dont l’appareil d’Etat a cultivé en virtuose un cynique double jeu, soutenant d’une main les Occidentaux et couvrant de l’autre une liberté de manœuvre et de trafics laissée aux extrémistes. Il faut donc se féliciter des premiers signes encourageants donnés par l’Algérie : elle a pour la première fois autorisé le survol de son territoire par les avions militaires français et assure qu’elle a fermé son immense frontière commune avec le Mali. Si d’autres signes tangibles venaient confirmer cette politique de fermeté, il s’agirait d’un tournant, sinon d’une rupture. Comme si les relations franco-algériennes pouvaient ne plus être totalement contaminées par les fantômes du passé. Il est trop tôt pour pouvoir l’affirmer avec certitude, tant ce régime a fait de l’ambiguïté une seconde nature. Mais cette nouvelle donne ne devrait pas faire oublier les réalités d’un régime autoritaire, parmi les plus corrompus au monde, tenu par une petite caste galonnée qui a réussi à faire de l’Algérie un pays végétant dans la misère, quand la richesse de son sous-sol et l’énergie de sa jeunesse lui réservaient un tout autre destin.

Tigantourine: deux L’Algerie a choisi la force pour venir à bout de la prise d’otages qui se serait soldée, hier, par la mort de dizaines de personnes. Et pourrait reconsidérer sa stratégie envers les groupes islamistes présents au Mali. Par LUC MATHIEU

L

es militaires algériens n’auront pas attendu plus de trente-six heures. Ils ont lancé hier aprèsmidi un raid pour libérer les otages détenus depuis la veille par des combattants islamistes dans le complexe gazier de Tigantourine, dans l’est de l’Algérie. L’assaut, qui a mobilisé des tireurs d’élite et des hélicoptères, semble avoir viré au massacre. 34 otages étrangers ont été tués, ainsi que 15 ravisseurs, si l’on en croit les déclarations, non confirmées hier soir, d’un porteparole du groupe auteur du rapt à la télévision mauritanienne. L’armée a, elle, annoncé que 600 otages algériens avaient été libérés. Le sort de trois Belges, deux Japonais et un Britannique restait incertain, hier en début de soirée. Quelques heures plus tôt, 15 otages étrangers, dont un couple de Français, avaient réussi à s’évader. Ce dénouement meurtrier clôt une prise d’otages qui avait débuté mercredi, à 5 heures du matin. Des islamistes armés attaquent alors un bus d’expatriés sur le site gazier, géré par la RÉCIT compagnie nationale Sonatrach, le britannique BP et le norvégien Statoil. Repoussés par des agents de sécurité, ils investissent les bâtiments où vivent les employés. Un premier communiqué est diffusé rapidement. Les ravisseurs disent appartenir à la brigade «Khaled Abou Abbas», groupe dirigé par Mokhtar Belmokhtar, un Algérien de 40 ans surnommé «M. Marlboro» pour sa propension à mêler jihad et trafics (voir page ci-contre). L’un de ses porte-parole affirme que la prise d’otages constitue une «réaction à l’ingérence flagrante de l’Algérie autorisant l’usage de son espace aérien par l’aviation française» et demande «l’arrêt de l’agression au Mali». Après une nuit où ravisseurs et soldats

L'ESSENTIEL LE CONTEXTE De nombreux otages auraient été tués lors de l’assaut donné par l’armée algérienne sur le site de Tigantourine.

L'ENJEU Ce raid devrait marquer un tournant dans l’internationalisa­ tion du conflit malien.

se font face, le groupe se dit prêt à négocier si l’armée se retire. Le ministre de l’Intérieur, Dahou ould Kablia, qui impute l’attaque à une vingtaine d’hommes «de la région» (avant d’annoncer hier qu’ils venaient de Libye), refuse, craignant que des otages ne soient emmenés hors du pays. L’assaut est alors décidé. Il s’achèvera hier, vers 21 heures. «Tous les détails ne sont pas encore connus. Mais cela semble quand même surprenant que la décision d’intervenir pour libérer près de 700 otages soit prise aussi rapidement, sans explorer toutes les pistes qui auraient peut-être permis d’aboutir à une solution moins sanglante», réagit William Lawrence, directeur de la région Afrique du Nord pour l’International Crisis Group, une ONG spécialisée dans la résolution des conflits. «INTÉGRITÉ». Au-delà des questions tactiques et des conditions d’intervention, cet empressement des autorités illustre leur crainte de voir le conflit au Mali déborder sur le territoire algérien. Le président Abdelaziz Bouteflika s’est longtemps opposé à une intervention militaire pour déloger les groupes islamistes qui ont pris le contrôle du NordMali. Selon lui, seule la voie des négociations permettrait de résoudre le con-

L’une des installations gazières du norvégien Statoil dans la région In Amenas où se trouve le site de Tigantourine.

flit. Il a fallu la visite de François Hollande à Alger, fin décembre, pour aboutir à un consensus, au moins de façade. Tandis que les autorités algériennes acceptaient de ne plus s’opposer à un déploiement armé, le président français affirmait que la voie des discussions avec les islamistes n’était pas à exclure. «Il convient de faire du dialogue politique, de faire tout pour qu’une négociation puisse permettre au Mali de recouvrer son intégrité territoriale, avait-il déclaré. Le rôle de l’Algérie est très important. Nous

PHOTO KJETIL ALSVIK. STATOIL.AFP

Alger

Tigantourine

MAROC

A LG É RI E

REPÈRES

«Le gouvernement algérien est au courant que nous aurions préféré être contactés à l’avance.» Le porte­parole du Premier ministre britannique hier, regrettant de ne pas avoir été averti de l’opération militaire

10

«Hillary Clinton a demandé que la sécurité dans toute la région soit révisée dans le contexte de la crise des otages.» Victoria Nuland porte­parole du département d’Etat américain, hier

SAHARA

Vers Gadhamès V (Libye)

Tamanrasset MALI

NIGER

Site gazier de Tigantourine

Vers Tamanrasset

In Amenas

5 km

Image Google Earth

ÉDITORIAL

PARUTION DU 18 JANVIER

LIBÉRATION VENDREDI 18 JANVIER 2013

TUNISIE

LIBYE

2


Almanach 2013 Monde •

LIBÉRATION VENDREDI 18 JANVIER 2013

jours de chaos

L’ex-chef d’Aqmi, vieux routier du jihad, a organisé la prise d’otages.

Belmokhtar, solo macabre A

Le déferlement surprise de combattants islamistes vers le sud du Mali en fin de semaine dernière a achevé de vaincre les réticences algériennes. Acculé, Bouteflika n’a pas pu s’opposer au survol du territoire par les avions français et à fermer la frontière avec le Mali, quitte à déplaire à une population sensible à toute manifestation d’un éventuel «néocolonialisme» de la France. La prise d’otages, inédite par son ampleur, devrait forcer Alger à revoir sa stratégie face aux islamistes. «La guerre civile des années 90 ne s’est en fait jamais arrêtée. Les autorités ont d’abord tenté d’éradiquer les factions islamistes, mais cela a provoqué une augmentation des at-

tentats en représailles. Le gouvernement a ensuite changé de stratégie, préférant repousser Aqmi dans le Sud pour tenter de les contenir», explique William Lawrence. Si cette tactique a permis de limiter le nombre d’attaques sur le sol algérien, elle n’a pas empêché les jihadistes de profiter de la porosité des frontières du Sud pour se déployer dans le Sahel et participer à l’invasion du Nord-Mali. Depuis mercredi, elle est définitivement invalidée. Qu’ils viennent de l’intérieur du pays, de Libye ou du Mali, comme ils le revendiquent, les ravisseurs ont profité du faible contrôle des autorités dans la région pour prendre 700 employés, dont 41 occidentaux, en otages. •

vec la sanglante prise d’otages de Tigantourine, l’Algérien Mokhtar Belmokhtar signe peut-être sa première véritable opération d’électron libre des mouvements jihadistes. Ex-chef d’Al-Qaeda au Maghreb islamique (Aqmi), il aurait claqué la porte du mouvement début décembre après avoir été destitué par sa hiérarchie, qui lui avait à plusieurs reprises reproché un «travail fractionnel». Il fonde alors «les Signataires par le sang», sa propre katiba (brigade) avec laquelle il déclare désormais être engagé dans un combat «pour le règne de la charia» au-delà du Maghreb, dans une zone allant du Niger jusqu’au Tchad et au Burkina Faso. Ses proches affirment cependant «qu’il reste sous les ordres d’Aqmi» bien que s’étant éloigné de la direction de cette nébuleuse, et notamment de son émir, Abdelmalek Droukdel. Il a plusieurs fois évoqué «la France mécréante», qu’il accuse d’être l’une des principales causes des problèmes de l’Algérie actuelle. Maquis. Né à Ghardaïa (600 kilomètres au sud d’Alger) le 1er juin 1972, Belmokhtar a combattu très jeune en Afghanistan, où un éclat d’obus lui a arraché l’œil gauche: il en a gagné un premier surnom, «le Borgne» (laouar en arabe). Egalement appelé «M. Marlboro» en référence aux activités de contrebande, notamment de cigarettes, mais également de drogue et de clandestins qu’il avait mises en place au Sahara, le jihadiste était un temps plus connu pour ses activités lucratives que pour son engagement religieux. A son retour des maquis

pilote d’hélicoptère français tué le 11 janvier, au premier jour de l’opéra­ tion «Serval». w Une réunion des donateurs destinée à soutenir le déploiement de la force africaine au Mali se tiendra le 29 janvier en Ethiopie. w La Cédéao a formé une force d’intervention, conformément à une

résolution des Nations unies, pour aider Bamako à reprendre lenord du Mali. Quelque 2000 soldats sont attendus d’ici le 26 janvier. w La garde nationale tunisienne a saisi des armes et interpellé deux suspects à Médenine, près de la frontière libyenne, une zone considérée comme «un corridor»

pour approvisionner les forces islamistes du Nord du Mali. w Les shebab somaliens ont annoncé avoir exécuté leur otage français Denis Allex. En fait, ce dernier, un agent de la DGSE capturé il y a trois ans, aurait été tué lors de l’opé­ ration de sauvetage manquée lancée samedi par les forces françaises.

ANI.AFP

ne pouvons pas accepter qu’Aqmi [AlQaeda au Maghreb islamique, ndlr] s’installe [dans le] nord du Mali.» «REPRÉSAILLES». Le rapprochement franco-algérien s’explique par l’échec des négociations menées par l’Algérie avec le MNLA et Ansar ed-Dine, des rebelles touaregs du Nord-Mali. Alger espérait les convaincre de se désolidariser des jihadistes d’Aqmi et du Mujao. «L’idée des autorités était de diviser pour affaiblir. Mais elles ont été trahies par leurs contacts au sein d’Ansar ed-Dine. Cette rupture a ouvert la voie au rapprochement avec la position française», explique William Lawrence.

LES FAITS DU JOUR w Le groupe pétrolier britannique

British Petroleum a annoncé qu’il évacuait d’Algérie «un groupe de tra­ vailleurs non essentiels», sans en pré­ ciser le nombre. w Le Mali a décidé d’élever au grade d’officier dans son ordre national le

3

afghans, en 1993, il rejoint, au début de la guerre civile algérienne, le Groupe islamique armé (GIA), l’un des plus sanguinaires mouvements locaux. Il y a dirigé une unité principalement basée dans un Sahara qu’il connaît parfaitement et dans lequel il peut se déplacer à la tête de ses hommes en se jouant des frontières. En 1998, il intègre le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (GSPC), dernier groupe armé rescapé du conflit, qui fait allégeance à Al-Qaeda à la fin 2006. Maître du Grand Sud saharien, il y mène à la fois des actes de terrorisme, de brigandage et de trafics en tous genres. Armes. Mokhtar Belmokhtar est opposé à un autre chef de combattants, Abdelhamid abou Zeid, réputé plus radical, lui aussi issu du GSPC. Marié avec des femmes de plusieurs tribus touaregs du Nord-Mali, ce dernier s’est constitué un véritable sanctuaire dans la région. Il est notamment soupçonné d’avoir commandité l’assassinat de qautre Français en Mauritanie en décembre 2007, des prises d’otages de Canadiens, d’Italiens et de nombreux touristes en 2008 et 2009. Sa brigade aurait par exemple empoché 7 millions d’euros pour rendre la liberté à deux otages espagnols en 2010. Au début de la rébellion touareg, en mars 2012, Belmokhtar a séjourné en Libye pour s’y fournir en armes. Condamné à mort deux fois en Algérie, il aurait été vu en avril et juin 2012 à Tombouctou et à Gao (Nord-Mali) aux côtés d’Iyad Ag Ghaly, le chef touareg des islamistes d’Ansar ed-Dine. GÉRARD THOMAS

11


MALI

HOLLANDE SAUVEUR DU MALI Tombouctou a trouvé son 334e saint, et il se nomme François Hollande. La cité du nord du Mali, célèbre pour ses mausolées et son architecture classée au patrimoine mondial de l’Unesco, a explosé de joie, le 4 février, à l’occasion de la courte visite du président français, qualifié de «sauveur» par les Maliens. La décision élyséenne et la victoire des armées françaises sauvent le pays de la barbarie jihadiste. Le 11 août, un nouveau président, Ibrahim Boubacar Keïta, sera élu au terme d’élections démocratiques. PHOTO JÉRÔME DELAY . AP

12


Almanach 2013 Monde

13


Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.