Hors-série : Hollande, l'histoire d'une victoire

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LIBÉRATION HORS­SÉRIE MAI 2012 FRANCE MÉTROPOLITAINE 4€. BEL/LUX 4,50€ – ALL/ESP/ITA/GR/PORT (CONT) 5€ – SUI 6 CHF – DOM 5€ – CAN 7.95 $CAN

L’HISTOIRE D’UNE

VICTOIRE

SÉBASTIEN CALVET

HORS­SÉRIE MAI 2012 • 4 €


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A la Bastille, le 6 mai 2012. PHOTO REMY ARTIGES


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SOMMAIRE

Le jour de gauche PAGES 3 À 9

Les dessous de la victoire PAGES 10 À 13

Retour sur une candidature PAGES 14 À 25

La bataille de la primaire PAGES 26 À 47

La campagne PAGES 48 À 71

www.liberation.fr –11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 –Tél.: 0142761789 –Télex: 217656F –Edité par la SARL Libération. SARL au capital de 8726182€. RCS Paris: 382.028.199 –Durée: 50 ans à compter du 3/06/91– Cogérants: Nicolas Demorand et Philippe Nicolas. Directeur de la publication et de la rédaction: Nicolas Demorand. L’HISTOIRE D’UNE VICTOIRE. Responsables des hors­série: Fabrice Drouzy et Sibylle Vincendon. Iconographie: Isabelle Grattard et service photo de «Libération». Equipe rédactionnelle: Laure Bretton, Mathieu Ecoiffier, Robert Maggiori, Paul Quinio. Direction artistique: Sandrine Cabouat et le service Maquette de «Libération». Edition: Antoine Cotton et le service édition de «Libération». Développement: Raimbaut Veran. Rédacteur en chef technique: Christophe Boulard. Photogravure: Libération. Fabrication: Graciela Rodriguez et Daniel Voisembert. Impression: POP –Membre de l’OJD­ Diffusion Contrôle. CPPP: C80064. ISSN0335­1793. CCP 2240185 Paris.


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Dans Paris, le 6 mai, après l’annonce du nom du nouveau président de la République.

Rue de Solférino, dans l’attente des résultats. PHOTOS CLAUDE PAUQUET

L’émoi de Le matin du second tour de la présidentielle, François Hollande est allé voter à Tulle, son fief de Corrèze. PHOTOS SÉBASTIEN CALVET


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Parade parisienne, le candidat socialiste a obtenu 51,6% des suffrages.

mai

Place de la Bastille, parmis les supporteurs du nouveau président. PHOTOS CLAUDE PAUQUET

Dimanche 6 mai 2012, 20 heures. François Hollande est élu président de la République. Dans toute la France, les sympathisants du candidat socialiste descendent dans la rue. A Paris, la foule en liesse qui a envahi la place de la Bastille rappelle celle qui, trente et un ans plus tôt, avait accompagné l’élection de François Mitterrand.

A Tulle, ville dont il a été a été maire de 2001 à 2008, François Hollande passe sa dernière journée de candidat avec Valérie Trierweiler (ci­dessus). PHOTOS SÉBASTIEN CALVET


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Ci­contre: Le 6 mai 2012, place de la Bastille. A gauche: rue de Solférino. PHOTOS VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS

Au centre: Annonce des résultats sur le plateau de France 2. PHOTO BENOÎT GRIMBERT

Sur la Grand­ Place de Lille après l’annonce des résultats. PHOTO OLIVIER TOURON. FEDEPHOTO

Ci­contre: Soir de victoire à Lille. PHOTO OLIVIER TOURON. FEDEPHOTO

A droite: François Hollande sur la scène de la place de la Bastille. PHOTO ALBERT FACELLY


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Place de la Bastille, le soir du second tour. PHOTO JEAN­MICHEL SICOT

Le nouveau président devant ses sympathisants à Paris, le 6 mai 2012. PHOTO ALBERT FACELLY


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Ci­contre et en bas à gauche: François Hollande à Tulle, après l’annonce des résultats du second tour. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

Ci­dessus et en bas à droite: place de la Bastille, le soir du 6 mai 2012. PHOTO ALBERT FACELLY


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Le temps de la présidence normale Par Paul Quinio

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rançois Hollande est président de la République. Et je me souviens de lui se retournant dans sa voiture vers les passagers installés à l’arrière et dire : «Vous ne trouvez pas qu’il fait meilleur tout d’un coup ?» La Scenic grise vient de passer la «frontière» entre la Vienne et la Corrèze sur cette autoroute dont il connaît tous les virages. Et celui qui était alors premier secrétaire du PS de rajouter dans un sourire : «Et les vaches, regardez, elles ne sont pas plus belles, les vaches ?» Renégociation du traité européen. Je me souviens, entre deux portes au siège du PS, rue de Solférino, de nos échanges sur le championnat de France de foot. Crise des dettes souveraines. Je me souviens de ces dîners de journalistes chez André, chaque vendredi d’ouverture de l’université d’été du PS à La Rochelle, d’un bon client pour prolonger le café de fin. Mon ennemi, c’est le monde de la finance. Je me souviens avoir souvent répondu à des proches qui me demandaient «Alors, il est comment Hollande?» qu’ils pourraient l’inviter à partager un barbecue au fond du jardin sans craindre qu’il plombe l’ambiance. Réforme fiscale. Je me souviens, toujours dans cette voiture où il passait tant de temps, de ces bribes d’intimité volées parce qu’il était l’heure de faire, au téléphone, un bisou à la petite avant le coucher. Retrait d’Afghanistan des troupes combattantes. Pourquoi ces détours anecdotiques ? Parce que la présidence «normale» promise par le candidat François Hollande, moquée par son adversaire, ne doit pas rester un slogan de campagne. C’est au contraire une des clés majeures du quinquennat qui s’ouvre. Peut-être la plus importante. Bien sûr, le deuxième président de gauche de la Ve République sera jugé sur sa

capacité à sortir le pays de la crise. Nicolas Sarkozy a échoué sur le terrain économique et social. François Hollande réussira ou pas sur le même terrain. Tout essayer contre le chômage. Enrayer cette spirale qui creuse les inégalités, en redonnant du pouvoir d’achat aux plus humbles. Maîtriser les dépenses publiques. Réussir la réforme fiscale. Bien sûr, François Hollande sera jugé sur sa capacité à convaincre ses partenaires que l’Europe peut et doit emprunter un autre chemin que celui de la rigueur, rien que la rigueur. Bien sûr, l’urgence de l’école, de l’hôpital, du logement… Mais il est une urgence qui englobe toutes les autres. Elle a été omniprésente pendant la campagne électorale. Elle se voit comme le nez au milieu du visage dans les résultats du premier tour, et notamment dans le score élevé du Front national. C’est l’urgence d’un renouveau démocratique que la bonne participation au premier comme au second tour ne doit pas masquer. La défiance des Français envers la politique ne date pas d’hier, ni de l’arrivée de Nicolas Sarkozy à l’Elysée. Ce poison

coule dans les veines de la vie politique hexagonale depuis de nombreuses années, et la gauche en a largement pris sa part. C’est aussi le propre d’une démocratie de devoir remettre sans cesse son idéal sur le métier. Mais Nicolas Sarkozy, par sa pratique du pouvoir, son style, ses débuts bling-bling, son langage, ses transgressions gratuites, sa présidence de tout, ses réunions du premier cercle de donateurs, a malmené ce lien qui unit les Français à leurs représentants, en l’occurrence le premier d’entre eux. L’ancien président disait vouloir ressembler aux Français. Il a creusé un fossé entre eux et la politique. Le candidat Sarkozy avait aussi mené en 2007 une campagne convaincante, où il promettait tout. La force de son volontarisme aura été sa plus grande faiblesse, avec une victime centrale: la crédibilité de la parole politique. Marine Le Pen en a fait son miel. Et ses électeurs, victimes de la crise économique et sociale, expriment aussi cette rupture avec la politique. François Hollande sait qu’il ne doit pas ressembler aux Français, mais que les Français doivent se reconnaître en lui.

Il est une urgence qui englobe toutes les autres. Elle a été omniprésente pendant la campagne. C’est l’urgence d’un renouveau démocratique.

Le soir du 6 mai, il a très vite prononcé le mot «exemplarité». Il devra l’incarner. La présidence «normale» servira de test. Elle suppose que le nouvel élu résiste aux apparats du pouvoir et aux pièges liés à l’enfermement de la vie du Château. Plus facile à écrire qu’à faire, même si François Hollande, par tempérament et éducation, force rarement le trait de sa simplicité d’être et de conduite. Le danger, comme souvent, peut venir d’ailleurs : des entourages, des conseillers, des proches, avec qui le premier secrétaire du PS n’a pas toujours eu la sévérité dont il devra faire preuve dans ses nouvelles fonctions. Encore une fois, François Hollande sait que la gauche est loin d’être sur ce point irréprochable. Mais l’indispensable renouveau de la vie démocratique française ne peut pas s’arrêter aux portes de l’Elysée. Le droit de vote des étrangers non communautaires aux élections municipales doit être assumé fièrement. La promesse d’impartialité des nominations dans la justice ou l’audiovisuel public doit être tenue. Le renouvellement des générations dans le gouvernement comme dans la haute fonction publique, leur féminisation, la représentation des minorités, la revalorisation du rôle du Parlement, le respect des syndicats et des corps intermédiaires, sont autant de sujets cruciaux qui changeront le visage de la République. Et donc l’image que peuvent avoir certains citoyens de la politique. L’expérience prouve que les raisons de ne pas avancer sur ces sujets sont multiples. Si la gauche devait s’enliser dans ce chantier de rénovation de la démocratie, le risque existe de voir l’extrême droite continuer à prospérer. François Hollande, qui a personnellement incarné cette promesse pendant la campagne, a désormais toutes les cartes en main pour imposer le changement. Y compris à son propre camp. •


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Il ne faut jamais commenter sa propre campagne» Connu pour ses traits d’humour, François Hollande est également un expert en vraies-fausses confidences. Des propos que le candidat distille en petits comités aux journalistes qui le suivent dans ce qu’ils appellent le «Hollande Tour». Par Laure Bretton et Matthieu Écoiffier

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e «off», c’est son péché mignon. Il y a trente ans, François Hollande, jeune conseiller à l’Elysée, racontait avec force détails savoureux aux journalistes – notamment ceux de Libération– la vie au Château du temps de François Mitterrand. Pendant sa longue marche présidentielle, des élections cantonales de mars 2011 à la campagne officielle en passant par la primaire socialiste, le candidat socialiste a multiplié les off, ces conversations aux allures de monologue avec les journalistes. En tête-àtête ou en petit comité, dans un bus, un train ou lors d’un déjeuner, il s’est livré à son exercice favori : commenter la campagne électorale. Et la sienne en particulier. «François se commente à la troisième personne. Se regarde à distance et rationalise, ça lui sert de garde-fou», observe un dirigeant socialiste. C’est aussi une façon habile de se mettre dans la poche des journalistes toujours friands de vraies-fausses confidences. Voire de contrôler en alimentant le récit de ses tribulations. Retour sur quelques moments.

UN PROFIL DE «TECHNO HUMANISÉ» MARDI 21 SEPTEMBRE 2010 Ce jour-là, le candidat part pour Trélazé (Maine-et-Loire) rencontrer des jeunes qui font leur service civique avant de tenir meeting à Nantes. Vu le nombre de candidats à la primaire, les journalistes se répartissent, et on se retrouve seul

avec François Hollande dans un carré première du TGV. Pour une mission quasi impossible : le faire parler de lui. C’est en évoquant les angles d’attaque de son futur adversaire qu’il se livre, indirectement. «Sarkozy va dire que je n’ai pas eu une carrière de ministre. Mais mon image n’est pas celle d’un fantaisiste qui découvrirait le fonctionnement des institutions. J’ai quand même un profil de techno humanisé.» Quand on lui fait remarquer qu’il est le seul candidat, lors du premier débat télévisé de la primaire, à ne pas avoir parlé de sa famille, il sourit. Mais ne lâche rien. «Montebourg l’a fait avec la Rosette Montebourg [Arnaud Montebourg avait raconté qu’il était le fils d’un charcutier dont le saucisson était célèbre, ndlr]. Moi, je ne l’ai pas fait. Il ne vous a pas échappé que je n’aime pas parler de moi-même, confiet-il. Je n’allais pas dire: “Moi, le fils d’une assistante sociale ayant connu les malheurs du monde et père de quatre enfants.” Il faudra le faire plus tard.» Il rappelle la manière dont François Mitterrand parlait de lui en évoquant «son amour de la littérature, des plantes et des arbres. Il avait un discours très au point sur son grand-père qui faisait de la moutarde à Angoulême». Un peu plus tard, on lui demande s’il pense, en cas de victoire de la gauche, déménager de l’Elysée pour marquer une rupture avec la monarchie républicaine. «Non. Pour des raisons de coût. Est-ce que ce serait bien compris?» s’interroge le candidat. Qui se souvient de son entrée en 1981 à l’Elysée par la petite porte comme conseiller de JeanLouis Bianco. «Je n’étais pas officiel. Je voyais tout ce protocole, presque ce faste, autour de Mitterrand, droit comme un i,

prenant possession du lieu et je me demandais: “pourquoi fait-il ça?” Comme la gauche était illégitime au pouvoir aux yeux de la droite, il fallait montrer qu’il avait investi la fonction.» Aujourd’hui, ce débat n’existe plus. «On peut, sans rien perdre de l’autorité de la République, avoir plus de modestie. A l’Elysée, vous n’osez pas marcher sur le gravier, c’est invraisemblable !» Arrive une journaliste de France Info, un grand reporter de Télérama. François Hollande saute sur l’occasion pour revenir pendant vingt minutes à son registre préféré : l’analyse politique. Teintée d’humour. Lorsqu’au moment de se quitter on lui demande quelle est l’erreur à ne pas commettre pour un candidat à la présidentielle, il répond : «Il ne faut jamais commenter sa propre campagne !»

CONVERSATION AVEC DSK EN FÉVRIER 2011 Il est des invitations qui ne se refusent pas. «Vous montez avec moi dans la voiture?» propose Hollande. Il est 17 heures, une nuit noire et froide tombe sur le parking du conseil général de Corrèze, cet ancien couvent dominant Tulle. Son chauffeur démarre en trombe, enchaîne les lacets. Nous voilà épaule contre épaule, le stylo mouillé de sueur dans l’habitacle surchauffé. Direction Uzerche pour une réunion publique. François Hollande a fait de sa réélection à la tête du département un tremplin pour son ambition présidentielle. Un vrai-faux suspense. Après un long développement sur les chances du PS canton par canton –«la paysannerie plutôt à gauche de la Haute Corrèze» –, il en vient au plat de résis-

tance : sa rencontre quelques jours auparavant à Paris avec Dominique Strauss-Kahn, son grand rival. Le managing director du FMI est alors le grand favori dans les sondages pour l’Elysée. «Dimanche, j’ai reçu un coup de téléphone. Ils m’ont demandé qu’on puisse se parler. C’est logique et naturel.» L’entrevue a lieu boulevard du Montparnasse, «chez un de ses amis qui l’accueillait avant le déjeuner» : «On a discuté de la situation politique. Il m’a fait part de sa réflexion et m’a demandé mes intentions. Je lui ai dit: “Ben voilà, la situation a pas mal évolué depuis quelques semaines. J’attends les cantonales et j’annoncerai ma décision.”» Alors que certains strauss-kahniens racontaient que Hollande aurait dealé Matignon contre son retrait en faveur de DSK, Hollande affirme, lui, qu’il n’a fait «aucune proposition de négociation». Un proche de l’ancien directeur du FMI donne une version légèrement différente de cette conversation : «François a été assez malin pour rouler Dominique dans la farine. Il lui a dit: “Je ne serai pas irresponsable.” Ça veut dire quoi? Rien.» A peine arrivé à Uzerche, les phares de la voiture balaient une maison de retraite où l’on distingue des personnes âgées en train de dîner. Comme une barre de verre éclairée dans la nuit.

CAFÉ DE LA PAIX À TULLE, REPAIRE DU CANDIDAT VENDREDI 6 JANVIER 2012 «Alors, comment ça va dans la grotte?» Hollande est dans son fief pour une série de vœux officiels. Après avoir arpenté le marché jusqu’au dernier auvent, il s’installe pour une demiheure au comptoir avec deux journalis-


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tes, dont celui Libération. Touillant indéfiniment une cuillère dans son café, qu’il prend pourtant sans sucre. De nature pudique, le candidat sait qu’il va falloir donner plus. «Je suis reconnu mais pas découvert. J’ai besoin d’en montrer davantage. Pour les Français, l’identification est quand même plus facile avec la Corrèze qu’avec les Hauts-de-Seine. Chacun a une légitimité tirée d’un endroit. Nicolas Sarkozy vient de quelque part, de Neuilly. C’est la région parisienne, pas la France. Chirac, entre Paris et le Massif central, avait réussi à avoir un pied rural, un pied urbain. C’est très important que les Français sachent d’où vient celui qui se présente à eux pour les représenter. J’ai été longtemps discret sur la Corrèze, je ne voulais pas utiliser un territoire. Aujourd’hui, il faut parler de ce récit français: d’où on vient, ce qu’on veut faire ensemble et ce que je suis.» S’il est si attaché à ce département où il a débarqué en 1981 pour s’attaquer à Jacques Chirac, pourquoi n’y a-t-il pas acheté une maison, installé sa famille ? «Je voulais être approprié, pas propriétaire», répond-il.

DERRIÈRE LE PARAVENT, À JARNAC DIMANCHE 8 JANVIER 2012 Comme à Avignon, il y a le in et le off dans la ville natale de François Mitterrand, où convergent, tous les ans en janvier, les pèlerins socialistes. Face aux caméras, François Hollande a déposé une gerbe sur la tombe du président socialiste, devisé avec Gilbert et Mazarine Mitterrand, et visité la maison d’enfance de l’ancien chef de l’Etat. «Ici, tout a commencé, pour ne jamais finir», signe dans le livre d’or celui qui veut lui

succéder. Mais lui, c’est lui. Plus qu’aux forces de l’esprit, Hollande croit «dans l’esprit d’une force, qui doit amener les Français à changer». Pendant le déjeuner traditionnel dressé sous les néons orange du gymnase de la ville, Hollande s’éclipse pour parler aux journalistes. Pas question de froisser le ban et l’arrière-ban mitterrandiste qui s’apprête à entamer le dessert. La troupe se réfugie derrière un grand paravent qui sépare la salle des cuisines. Entre deux serveurs qui débaroulent plateaux en mains, Hollande annonce son idée de «constitutionnaliser le dialogue social». Mais, surtout, l’expert ès élections récite quasiment à la virgule près les scores des précédentes présidentielles, de Gaulle à 55% en 1965, le duel Pompidou-Poher qui se conclut par 58% des suffrages pour le premier en 1969… Il relativise son statut de favori. «Pour un début d’année, c’est plutôt bien de partir sur ces bases», reconnaît-il. Mais il ne croit pas pouvoir se qualifier en tête du premier tour. «Pour un président sortant, arriver en deuxième position, rendez-vous compte !» Et, pour le deuxième tour, Hollande ne croit pas au score canon que les études d’opinion lui prédisent. «La France a de grandes sensibilités, de grandes cultures, donc 55-45 ce n’est pas possible. Ça se finit toujours par 50 et des poussières.»

AÉROPORT D’ORLY MARDI 24 JANVIER 2012 Au Bourget (Seine-Saint-Denis), l’avant-veille, «quelque chose s’est passé», frétille François Hollande dans le salon d’embarquement en profitant du retard. «Ce matin, les gens ne se comportent pas de la même manière que la semaine dernière. Là, ils regardent un vrai candidat. Les gens se disent: “Il peut être président.”» Justement, un cinquantenaire débonnaire s’approche, mais pas pour saluer le futur président. «Vous vous souvenez? On faisait les courses au même Super U de Cannes.» Hé oui, François visiblement se souvient. Et de l’homme et du magasin.

DANS SON BUREAU, AU CONSEIL GÉNÉRAL DIMANCHE 26 FÉVRIER 2012 Sous l’œil d’Henri Queuille, dont le buste accueille les visiteurs à l’entrée du bureau, Hollande commente les événements de Montauban et de Toulouse, cette «semaine exceptionnelle» que vient de vivre la France. Il salue la «cohésion remarquable» des Français et ajoute que tout cela «oblige les candidats à être dans une forme de gravité, dans un esprit de dignité. Moi, ça ne me changera pas, j’ai toujours été dans cette démarche». Il réfute le procès en laxisme de la gauche sur les questions de sécurité, parle de

lutte contre le terrorisme, notamment devant la «somalisation» du Mali. Et la présidentielle, Sarkozy qui pourrait bénéficier de la séquence Merah, Mélenchon qui monte dans les sondages? «Ce qui compte pour moi, c’est que le total des voix de gauche soit élevé, le plus élevé possible. Mais mieux vaut en effet qu’il n’y ait pas trop de transferts de suffrages qui pourraient nous affaiblir. C’est le rôle de la campagne. Il faut faire le meilleur premier tour possible. Je ne pense pas qu’on sera en tête.» On lui demande s’il est fatigué. «Non, je vous remercie. Mais c’est vrai que vous [les journalistes, ndlr], vous faites des rotations. Moi, je n’ai pas de double.» La troupe quitte le conseil général, Libération s’attarde. Dans les couloirs, Hollande rajoute d’un trait : «Tout peut se passer dans une campagne, il faut être prêt à tout supporter, à tout surmonter, montrer qu’on a du sang-froid, qu’on tient bon, qu’on est constant. Il faut être digne, placide et cohérent.» Pause puis conclusion : «Tout le contraire de Sarkozy.»

A Tulle, le 24 février 2011. François Hollande vient de présider la dernière séance du conseil général de Corrèze avant les élections cantonales. PHOTO MARC CHAUMEIL

LES SANDWICHS MOUS DE L’EUROSTAR MERCREDI 29 FÉVRIER 2012 «Ah, si on n’était pas en campagne, on mangerait des frites croustillantes et pas des sandwichs mous», rigole François Hollande devant un sandwich suédois réchauffé au micro-ondes et une poignée de journalistes. 22 heures, dans le

«A l’Elysée, vous n’osez pas marcher sur le gravier, c’est invraisemblable!» Le 21 septembre 2011


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Dans le bus entre Vitry­le­François et Saint­Dizier, dans les Ardennes, le 20 avril 2012, deux jours avant le premier tour de l’élection présidentielle. PHOTO LIONEL CHARRIER

wagon bar de l’Eurostar de retour de Londres où il a lancé «I am not dangerous» pour rassurer la City, le candidat mange debout et parle pendant plus d’une heure. De l’entrée en lice récente de Nicolas Sarkozy: «Quand il fait campagne sur “j’aime la France”, sous-entendu l’autre n’aime pas la France, il fait une campagne clivante. Les Français de droite se retrouvent, y compris sur les valeurs, dans le Figaro magazine.» Ce qui a l’avantage, à ses yeux, de rendre la campagne intéressante : «Là, à aucun moment, les gens ne vous disent : “Il n’y a pas de différence entre la gauche et la droite”.» Il savoure les réactions effa-

rouchées à sa proposition de taxer à 75% les ultrariches : «On a été traités de marxistes, rendez-vous compte, c’est formidable. Rendez-vous compte, c’est bien le moins !» lance-t-il en reprenant ses deux gimmicks. «Il est exceptionnel que les socialistes soient à ce point de bonne foi et de bonne humeur. Ça ne m’étonne pas, car je l’avais vu venir. Toutes les générations ont envie de gagner cette fois-ci!» «Pour moi, c’est la première et la dernière chance», ajoute-t-il. Juste avant de tourner les talons, il conclut. «Voilà, nous avons manqué à tous nos engagements qui étaient de ne pas faire de off dans le TGV,

puisque Manuel Valls nous avait laissés en liberté… Il arrive ? Retenez-le !» rigolet-il en se retournant vers son dircom fantôme. «Nous n’avons rien dit qui permette un drame pour demain.»

LES COURBES SE CROISENT MARDI 13 MARS 2012 Presque une année à faire campagne, ça fatigue les organismes même les plus politiquement aguerris. François Hollande boucle sur les rotules une journée dans la Drôme à parler hôpital public. En début d’après-midi, il a même failli s’endormir pendant une table ronde. D’autant que la veille, pour la première

«On a été traités de marxistes, rendez-vous compte, c’est formidable.» Le 29 février 2012

Dans l’Eurostar, de retour de Londres, le 29 février 2012. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

fois, Nicolas Sarkozy est passé en tête des sondages de premier tour. Pour gérer ce moment délicat et faire le tampon avec la presse, Manuel Valls a rappliqué alors qu’il devait passer la journée à Paris. Mais Hollande assume et accueille les journalistes dans un carré du TGV Valence-Paris. Comment réagir? «Il faut leur foutre la trouille, aux électeurs de gauche», professe l’ancien premier secrétaire du PS. Tout simplement. Cela veut dire reparler du 21 avril, rappeler, dès qu’on peut, qu’il a «manqué deux bulletins Jospin par bureau de vote» ce jour-là, bref dramatiser, explique-t-il. Hollande fanfaronne quand on lui demande comment il va tenir deux mois encore. «Je vais demander des prolongations», lance le candidat à l’Elysée. Deux mois seulement, semble dire le futur président. Après ? «Qu’est-ce qu’on va devenir?» demande-t-il à voix basse en tournant les mains ouvertes vers le ciel.

A Périgueux, le 4 mai 2012, deux jours avant le second tour. PHOTO SÉBASTIEN CALVET


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«Ça va être une longue journée, pour certains elle sera belle, elle le sera moins pour d’autres.»

Le 6 mai 2012

À BORD DU «HOLLANDE BUS» VENDREDI 13 AVRIL 2012 Pendant une grosse heure, le candidat délaisse sa voiture officielle pour voyager avec les journalistes. Pour la première fois, la veille, il a prononcé: «On va gagner.» «Le dire, ça plaît. Les gens viennent dans les meetings autant par peur de perdre que par envie. Cela fait des années qu’ils n’ont pas gagné. Ils se disent : “Ce n’est pas possible qu’on y arrive, il va se passer un truc.” Je sens cette peur.» Il dit pourtant qu’il «sent les Français dans une logique d’alternance». A une semaine du premier tour, il envisage la suite. Le débat télévisé ? «Il ne faut pas être obsédé par son adversaire. En 2002, Jospin était obsédé par Chirac. Sarkozy, lui, est hanté par lui-même.» Son gouvernement? «Socialo-socialiste avant les législatives, mais il ne sera pas amené à durer.» Des personnalités de la société civile ? «C’est dur la politique, tout le monde pense que c’est facile. C’est comme au foot : devant sa télé, tout le monde pense qu’il peut marquer des buts. Ce que vous faites pour les autres, vous devez le faire sans espoir de retour, avec le sens de l’intérêt général. Il ne faut pas mettre de sentiment. Simplement le meilleur à chaque place.» Où en est-il dans sa tête ? «Quand on est au bord de l’Histoire, on peut tomber d’un côté comme de l’autre.»

«PAS LE PREMIER SOIR» LUNDI 16 AVRIL 2012 «Vous venez?» propose le candidat à la petite troupe de journalistes du «Hollande Tour». Zone industrielle d’Albi (Tarn). Dans le hall atelier de l’entreprise Safra, trône un magnifique prototype de bus électrique à pile lithium-ion baptisé Businova. Au fond duquel on se retrouve assis autour du candidat. Est-ce l’ivresse de revenir sur les terres de Jaurès et de «sa synthèse entre le socialisme et la république», qu’il va évoquer à Carmaux deux heures plus tard? Est-ce la présence des dizaines de milliers de personnes scandant «François

président» la veille sur l’esplanade bondée et bigarrée du château de Vincennes? Ou l’approche du premier tour qui le titille ? Pendant toute la campagne, on lui a posé à de nombreuses reprises la même question sans jamais obtenir de réponse: celle du désir qu’un candidat suscite lors d’une élection au suffrage universel direct. Pudique, composé, cérébral, Hollande esquive toujours. Les gens votent pour le «candidat le mieux placé pour battre Nicolas Sarkzoy». Mais, ce jour-là, Hollande se lâche. Dans l’habitacle du Businova, il évoque l’impératif de faire le score le plus haut dès le 22 avril. «Je vois des gens qui me disent : “Pour moi, c’est vous au second tour.” Je leur dis : “Et le premier ?” ils ont leur quant-à-soi. Pas tout de suite, comme on dit, pas le premier soir !»

PREMIER COUP DE RÉTROVISEUR DANS LES ARDENNES VENDREDI 20 AVRIL 2012 Pour son dernier jour de campagne avant le premier tour, Hollande sillonne les Ardennes, terre où la gauche n’est pas en position de force face à la droite et au FN. Entre Vitry-le-François (Marne) et Saint-Dizier (Haute-Marne), il monte dans le car. Et, pendant quarante minutes, se livre à un premier bilan. «Ce qui m’amuse toujours, et c’est rétrospectif, c’est que si mes camarades m’avaient écouté, je n’aurais pas été désigné. Je n’étais pas favorable à la primaire ni à leur date!» rappelle-t-il. Quand on lui demande s’il n’a pas fait une campagne trop défensive, sans prendre de risque, il rappelle que cette «tactique [l’]a conduit à gagner la primaire très largement. On va voir pour la présidentielle». A son habitude, il réfléchit en parlant et se reprend : «Mais j’ai pris des risques, les 60000 postes, les 75%… Ces mesures n’étaient pas dans le projet du PS. On aurait pu dire que c’est une campagne tellement prudente qu’elle empêche l’enthousiasme. Pas du tout!» Ensuite, il relève l’analogie «criante» entre la campagne de 1981 et celle de 2012. «Les

mots, les arguments des uns et des autres se retrouvent dans une tout autre époque avec une insistance confondante: le changement, la bataille entre l’espoir et la peur…» Il assure qu’à Vincennes, lorsqu’il a lancé : «Rendez-moi fort au premier tour !» il a paraphrasé Mitterrand sans l’avoir relu. Et que «Sarkozy fait du Giscard sans le savoir.» En cas de défaite s’attend-il à ce que ce dernier lance un spectaculaire «au revoir» ? «Je ne sais pas. Il y aura sans doute une dramaturgie», sourit-il, provoquant une réaction identique parmi la vingtaine de journalistes agglutinés dans l’habitacle.

À PÉRIGUEUX, APRÈS LE DERNIER MEETING VENDREDI 4 MAI 2012 A deux jours du deuxième tour, Hollande, toujours favori dans les sondages, se projette de plus en plus dans son rôle de président : «On voit bien qu’au-delà de cette élection présidentielle il va falloir

Le 6 janvier 2012 à Laguenne (Corrèze), lors des vœux de la ville. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

raccommoder le pays. C’est en ce sens que je conteste la campagne qui a été faite par mon concurrent, parce que c’est une campagne de fracture, de rupture, de censure, alors que je pense que l’enjeu – je l’ai répété ce soir– est la réconciliation, le remodelage, la réunion, le rassemblement.»

A Jarnac (Charente), le 8 janvier 2012, seize ans après la mort de François Mitterrand.

ULTIMES RÉFLEXIONS AVANT L’ÉLYSÉE DIMANCHE 6 MAI 2012

PHOTO SÉBASTIEN CALVET

A moins de douze heures du résultat, le candidat tourne en rond dans Tulle. A chaque étape il fait quelques mini-off aux journalistes du «Hollande Tour» qui lui sont familiers. 10 heures, à son bureau de vote, il confie avoir «brièvement» dormi. «Ça va être une longue journée, pour certains elle sera belle, elle le sera moins pour d’autres. Ce qu’il faut, après, c’est que ce soit un beau mandat.» Et soudain, à l’adresse des journalistes: «Mais vous avez fait des procurations, là tous ?» •

Déplacement à Besançon, dans le Doubs, le 10 avril 2012. PHOTO MARC CHAUMEIL


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Le candidat Tout de blanc vêtu Par Robert Maggiori

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a toge était l’habit national des Romains, des riches patriciens du moins. Elle était le plus souvent en laine, faite d’une seule pièce circulaire de plus de 2 mètres de diamètre. Il était difficile de la mettre, mais, bien posée, avec ses plis savamment disposés, elle donnait à celui qui la portait cet air digne et noble qu’on nommait dignitas. Dans la Rome antique, les citoyens consacraient une grande partie de leur temps à l’activité politique. Près de la moitié des jours de l’année étaient des dies comitales, c’est-à-dire des journées où il était possible de tenir des comitia, des assemblées, des «meetings». Si on voulait être élu à une charge politique ou administrative, on devenait petitor et on se préparait à affronter les «adversaires», les competitores. Hors les étrangers, les femmes et les esclaves, toute personne pouvait prendre part à la compétition électorale. Les magistrats devaient cependant s’assurer que le postulant n’avait jamais été «mis en examen», ni reçu de sanction pénale ou conspiré contre la liberté publique. Jugés «aptes», les petitores devaient revêtir une toge particulière, non pas blanche (alba), mais «plus blanche que blanche», d’un blanc lumineux et écla-

tant – reconnaissable de loin et signe non de «candeur» mais de pureté, d’honnêteté– qu’ils obtenaient en utilisant de la craie ou une chaux liquide très diluée : la toga candida. Ils devenaient alors candidats. Sous la nouvelle toge, ils ne portaient pas de tunique, afin de mieux exhiber, le cas échéant, leur intégrité physique ou montrer les blessures de guerre, attestant leur courage. Entouré de ses plus proches collaborateurs (deductores) et de ses supporteurs (sectatores), supposé pouvoir disposer d’un large réseau d’amitiés, de beaucoup d’argent, et de grandes qualités oratoires, le candidat pouvait alors «faire campagne», se lancer dans l’ambitus ou ambire, c’est-à-dire marcher, battre le pavé, aller ci et là, faire le «tour» électoral, solliciter, briguer les voix (de là l’ambition), en résistant à la tentation (punie par un nombre considérable de lois) de les acheter ou les obtenir par des moyens illicites. Lorsqu’il se mêlait à la foule, il était précédé de quelques nomenclatores, qui se renseignaient au préalable sur les passants et transmettaient dare-dare ces informations au candidat, qui dès lors pouvait «faire semblant de connaître», saluer familièrement voire appeler par leur nom ses éventuels électeurs. A son service, une armée de «profes-

sionnels du pinceau», de «tagueurs» (scriptores et dealbatores) et de «porteéchelle» (scalani) qui se chargeaient de remplir les murs de la ville de graffitis et d’affiches (programmata). Lorsque François Hollande a déclaré sa candidature à la primaire socialiste, et, par là, à l’élection présidentielle, il était en costume cravate. Une fois l’annonce officialisée, et bien qu’on eût alors en tête d’autres competitores qui semblaient s’imposer, nul n’a douté qu’il pût bénéficier lui aussi d’une armée de sectatores, de militants et de colleurs d’affiches, du soutien de tout un appareil, qu’il avait des ressources, de l’ambition, qu’il était intègre, qu’aucune casserole n’était accrochée à ses pieds, qu’il était excellent orateur et attaché à une éthique de la conviction qui lui aurait permis de gagner beaucoup de suffrages. Sa candidature ne manquait certes pas de légitimité, mais au secrétaire de parti, à l’homme des motions et des synthèses, faisaient quelque peu défaut la brillance et la prestance. Mais il n’était alors qu’au début de son parcours. Et sans doute conscient qu’avant de connaître les lustres élyséens il lui faudrait lustrer son personnage et donner à sa toga candida ce resplendissement particulier que Max Weber nomme «pouvoir charismatique». •


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MERCREDI 12 JANVIER 2011

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L’APPEL DE SOUTIEN AUX CHRÉTIENS DES MUSULMANS DE FRANCE:

«COMMENT SE TAIRE QUAND ON TUE EN NOTRE NOM?» AVEC «RESPECT MAGAZINE», PAGES 10­11

François Hollande progresse dans les sondages. Au point de devenir un rival pour DSK et Aubry? PAGES 2­4

OLIVIER ROLLER

PS

L’outsider

Mediator: le patron de l’agence «Abel», fils et papa du médicament veut partir au Mexique

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précédent, celle du Mediator, médicament dont j’ai suspendu l’autorisation de mise sur le marché en novembre 2009. Malgré la gravité de l’ébranlement actuel, je veux dire ma fierté d’avoir dirigé cet organisme. Mais comment nier que cette fierté est ternie par ce que

nous apprend l’analyse de l’historique du Mediator? Et comment ne pas être taraudé par une interrogation lancinante sur ce qui aurait pu et dû être fait pour que l’usage et le mésusage de ce médicament cessent plus tôt ?»

REBONDS, PAGES 22­23

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Psychosociologue, José Augier décrypte la ruée sur les bonnes affaires qui débute ce matin en France. AFP

ean Marimbert,directeur de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps), a choisi Libération pour annoncer sa décision de quitter cet organisme. «(…) Je vais quitter cet établissement public dans le contexte d’une crise sans

Les soldes, sport et rite d’hiver

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EVENEMENT

PARULIBÉRATION LE MERCREDI 12 JANVIER MERCREDI 12 JANVIER2011 2011

Martine Aubry, première secrétaire, et François Hollande, son prédécesseur, hier, rue de Solférino, au siège du Parti socialiste.

L’ex-patron du PS s’inquiète des dates choisies hier pour la primaire socialiste et n’exlut pas d’y participer.

Hollande: «Il n’y a pas de candidat providentiel» Recueilli par ANTOINE GUIRAL et DAVID REVAULT D’ALLONNES

A

ncien premier secrétaire du PS, François Hollande, député et président du conseil général de Corrèze, critique le calendrier de la primaire socialiste à la présidentielle et définit le profil d’un bon candidat du PS pour 2012. Martine Aubry a fait adopter hier un dépôt des candidatures à la primaire entre le 28 juin et le 13 juillet, et un vote en octobre. Qu’en pensezvous? La formule qui avait ma préférence conduisait à un dispositif cohérent et connu avant l’été pour démarrer notre campagne dès l’automne : projet adopté, candidat choisi, alliances préparées. La direction du parti a préféré faire la part des choses entre ceux qui voulaient un calendrier long et ceux qui préféraient une désignation avant l’été. C’est sa décision, je la respecte. Et l’argument selon lequel il faut re-

REPÈRES

L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Le candidat du PS pour 2012 sera connu le 16 octobre, selon le calendrier de la primaire adopté hier.

L’ENJEU Si DSK reste favori, Hollande progresse dans les enquêtes d’opinion. tarder la désignation pour préserver le candidat? François Mitterrand était-il un candidat surprise pour Giscard d’Estaing ? Faut-il cacher notre héros jusqu’à la primaire pour mieux le protéger? Si l’on craint de s’exposer alors mieux vaut ne pas y aller. Ce calendrier comporte-t-il un risque? Le risque, c’est d’avoir des primaires réduites à trois ou quatre semaines pour la confrontation des personna-

lités et des orientations. Le risque, c’est d’avoir une rentrée – en septembre, au moment des sénatoriales – essentiellement associée à nos débats internes quand le pays attend des réponses et une incarnation. Vous-même, quand ferez-vous votre choix? Je veux garder toute ma liberté. Une déclaration de candidature n’est pas un rite partisan, un passage obligé, un calcul tactique. C’est un moment où un candidat s’adresse à tout le pays. Il s’agit de prétendre à l’exercice de la fonction présidentielle et donc de délivrer une vision. Pas simplement une envie. Le résultat des cantonales en Corrèze en mars sera-t-il déterminant? C’est une évidence. La source de ma légitimité, c’est le suffrage universel. Non que je veuille surévaluer l’enjeu de la Corrèze, même si c’est une terre fertile pour produire des présidents. Sans la confiance de mes électeurs, comment pourrais-je convaincre les Français? Comment envisagez-vous votre

1981 Rocard devance Mitterrand En se portant le 19 octobre 1980 candidat à l’investiture socialiste, Michel Rocard contraint François Mitterrand, alors premier secrétaire du PS, à annoncer la sienne dès le 8 novembre, plus tôt qu’il ne l’avait prévu. Rocard se retire aussitôt «pour ne pas diviser le parti». Seul can­ didat, Mitterrand est officiellement investi par un congrès extraordinaire le 24 janvier 1981.

éventuelle déclaration? Dans la logique d’un parcours. Depuis plusieurs mois, j’ai présenté des propositions, souligné l’urgence d’un redressement économique et financier, marqué l’exigence de la juste répartition de l’effort, fixé une priorité majeure, les jeunes, et souligné l’enjeu de la cohésion nationale. Comment définissez-vous votre lien au pays? Je le tisse patiemment. Je suis à la fois connu et méconnu. J’ai toujours été lié à des rôles, celui du premier secrétaire ou celui de l’élu corrézien. Ce que je façonne, c’est mon identité politique. Je veux montrer ce que je peux apporter à la gauche et à la France. J’ai une connaissance du pays, une crédibilité économique. Et la conviction que la question fiscale sera l’élément majeur de la confrontation avec la droite. Tout comme j’ai la conviction qu’il y a urgence à mettre la génération qui vient au cœur de nos arbitrages. Vous êtes en forte progression dans les sondages, après avoir

1988 Mitterrand fait durer le plaisir Président sortant, François Mitterrand se dévoile très tard. Son Premier ministre de l’époque, Jacques Chirac, avait annoncé sa candidature à la mi­janvier. Le 22 mars 1988, Mitterrand, interrogé au journal de 20 heures sur son intention de briguer un second septennat, répond simplement «oui». Et il ajoute: «Je veux que la France soit unie.»

longtemps stagné. Pourquoi? Je ne me désintéresse pas des sondages, mais je connais trop leur volatilité pour me réjouir trop rapidement. Ce qui me paraît solide, c’est le rapport que j’ai installé avec les Français. Il est fondé sur le sérieux, le travail, la cohérence. Cette approche met toujours du temps à apparaître. Je ne suis pas au bout du chemin. En 2006, vous n’aviez pas été candidat. Qu’est-ce qui a changé? J’ai accompli une maturation, une sorte de retour sur l’essentiel. La crise oblige aussi à un dépassement. En 2006, ce n’était pas mon moment. Des épreuves, le 21 avril 2002 comme le référendum de 2005, m’avaient amené à faire prévaloir l’unité de mon parti sur toute autre considération. J’ai beaucoup sacrifié. De moi-même comme de mes ambitions. En 2007, nous avions des candidats de transgression. En 2012, il faudra un candidat normal. Pas banal, mais grave, stable et rassembleur. Le patron du FMI écrase les sondages. Comment résister? Il n’y a pas de candidat providentiel. Ceux qui il y a cinq ans exhibaient les sondages comme facteur de légitimité les mettent aujourd’hui en cause, et ceux qui les contestaient s’en réclament pour leur champion. Je ne sais si DSK sera candidat, mais c’est lorsqu’il aura éventuellement annoncé sa décision que les sondages auront un sens. Je ne me détermine pas par rapport à tel ou tel. J’avance… Quelle sera selon vous la physionomie de la campagne de 2012? Le thème de Nicolas Sarkozy sera la protection. Il a besoin d’un pays inquiet pour justifier la continuité. Le pessimisme est à la fois son échec et son levier. L’affrontement se fera donc sur l’espoir ou la peur. •

1995 Emmanuelli s’oppose à Jospin Le 4 janvier, Lionel Jospin annonce au bureau national du parti qu’il est «prêt à être candidat à l’élection présidentielle», «si notre parti le décide». Pour la première fois, le PS organise une primaire qui oppose le futur Premier minis­ tre au premier secrétaire en titre, Henri Emma­ nuelli: Jospin l’emporte avec près de 66% des voix des militants.


4 • EVENEMENT

LIBÉRATION MERCREDI 12 JANVIER172011

Arnaud Montebourg, hier, rue de Solférino. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

Dominique Strauss­Kahn à Washington, le 16 décembre. PHOTO JONATHAN ERNST.REUTERS

Inventaire des forces et faiblesses du député de Corrèze à seize mois de la présidentielle.

Hollande, un rival se révèle

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l n’était pas à Jarnac samedi à jouer des coudes entre Martine Aubry et Ségolène Royal pour se recueillir sur la tombe de François Mitterrand. Mais songe à s’y rendre seul à un autre moment. A l’instar de l’ancien chef de l’Etat, François Hollande sillonne la France à raison d’un déplacement par mois depuis le lancement de ses propositions sur la «sortie de crise» à Lorient en juin 2009. «François Mitterrand est allé partout en France, dans les salles polyvalentes les plus reculées. Quand vous avez rencontré quelqu’un, cela crée un lien qui demeure. J’essaye de faire comme lui», confie-t-il. Se tenir à l’écart du duel AubryRoyal et le plus loin possible de la rue de Solférino, tout en labourant ses réseaux d’ex-premier secrétaire du PS: ce positionnement de challenger qui «se prépare» à briguer l’Elysée commence à porter ses fruits dans l’opinion. «Il y a un an, il y avait une éventualité Hollande, aujourd’hui il y a une crédibilité Hol-

lande pour la présidentielle», note François Miquet-Marty, directeur de l’institut Viavoice. Selon un sondage Ifop publié lundi dans France Soir, le député de Corrèze enregistre un gain de 13 points chez les sympathisants socialistes. 18% d’entre eux souhaitent voir Hollande «désigné comme candidat» pour 2012. C’est encore très loin derrière Dominique Strauss-Kahn. Mais cette poussée lui permet de devancer Martine Aubry et Ségolène Royal dans l’électorat du PS, le plus à même de voter aux primaires. «Il existe». «Si DSK n’y va pas, pour Hollande tout devient possible, analyse Frédéric Dabi, directeur du département opinion de l’Ifop. Il joue une partition singulière au PS. Il serait ridicule de dire aujourd’hui: il va gagner, mais il existe. Ce qui n’était pas donné lorsqu’il a rendu les clés du PS.» Chez les sympathisants de gauche, le député de Corrèze reste en quatrième position. De quoi renouveler l’exploit de Jacques Chirac en 1995, parti le premier en

campagne pour finalement coiffer au poteau Edouard Balladur le grand favori des sondages? Hollande surfe sur un contexte favorable et, par définition, fluctuant. «Il est perçu comme à l’écart des rivalités de leadership entre DSK, Royal et Aubry», souligne François Miquet-Marty. Frédéric Dabi ajoute: «Il bénéficie d’un double agacement qui monte dans l’opinion envers les non-intentions de DSK rappelant celles de Jacques Delors en décembre 1994 et la lutte entre les deux dames qui se marquent sur les 35 heures puis à Jarnac.» Autre facteur jouant en sa faveur, l’ex-numéro un du PS «a travaillé sur son image et son style personnel. Mais c’est difficile à quantifier», observe François Miquet-Marty. Fini le surnom de Flanby dont il était affublé quand il siégeait rue de Solférino: le député de Corrèze a maigri, s’est noirci les cheveux et arbore des lunettes plus en vogue. Doté d’une agilité verbale hors norme, le candidat putatif évite,

non sans mal, ses légendaires pointes d’humour pour se doter de la gravité seyant à celui qui brigue l’Elysée. Il a aussi raconté dans la presse people que sa compagne Valérie Trierweiler, journaliste politique à Paris Match et Direct 8 est «la femme de [sa] vie aujourd’hui». «Je n’ai pas posé pour Gala, j’ai juste voulu dire qu’elle était ma vie», confiait-il à Libération lors d’un déplacement à Brest en novembre. «Plafond de verre». Question entourage politique, Hollande peut compter sur une kyrielle de fidèles dont l’eurodéputé Stéphane Le Foll, les députés Bruno Le Roux, Michel Sapin et André Vallini. Et sur le soutien de ses amis Jean-Marc Ayrault et Jean-Pierre Bel, respectivement présidents des groupes PS à l’Assemblée nationale et au Sénat. Plus difficile est d’évaluer son poids dans le parti. «Aubry a la légitimité de la première secrétaire, mais Hollande la sympathie des militants», assure Olivier Falorni, patron de la fédération de Charente-Maritime.

Pour les amis de DSK, c’est justement son passé d’homme de la synthèse molle qui lui colle aux basques : «Hollande est brillant, mais il a un plafond de verre à traverser: les gens ne voient en lui que le premier secrétaire», juge un député. Le président du conseil général de Corrèze accuse toujours, selon les sondeurs, un déficit en terme de «présidentiabilité et d’identifiant politique». «Lorsqu’on leur dit “DSK”, les gens répondent “compétence”. Aubry, “les 35 heures”. Royal, “l’ordre juste”. Hollande a une image politique encore vierge», note François Miquet-Marty. Lors de ses visites, Hollande invoque toujours la vitalité démographique du pays pour faire «le pari de la jeunesse». Reste à convaincre les 55-65 ans qui font l’élection «qu’il n’y a pas d’avenir pour les plus anciens s’il n’y a pas de place pour les plus jeunes de voter pour l’avenir de leurs enfants». C’est là son «intuition» et son pari à lui. MATTHIEU ÉCOIFFIER

Dans «Les secrets d’une ambition», des journalistes étudient à la loupe le parcours de la patronne du PS.

Les sept vies de Martine Aubry ceux qui l’ont côtoyée, sur les différentes vies de celle qui, en 2012, pourrait bien porter les couleurs du PS contre Sarkozy. Car ce sont bien les multiples facettes d’Aubry que l’on croise dans ce portrait au long cours. Martine «l’héritière», celle de Jacques Delors, qui fut toujours d’une grande exigence: «Avec lui, ce n’était jamais suffisant», dit-elle. La numéro deux de la dream team Jospin, bien sûr, qui à l’époque incarnait une DR

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lle a coutume de dire qu’elle «franchit les haies les unes après les autres». De ce point de vue, le livre que Rosalie Lucas et Marion Mourgue, journalistes politiques au Parisien et aux Inrockuptibles, consacrent à Martine Aubry est particulièrement éclairant: la trajectoire de la première secrétaire n’a rien d’un sprint, discipline dans laquelle s’épanouit plutôt Ségolène Royal. Mais tout d’une course de fond. Martine Aubry. Les secrets d’une ambition (L’Archipel, 206 pp.), qui sort demain, est une enquête fouillée, riche en témoignages de

certaine modernité politique. La maire de Lille, bien sûr. Et la meilleure ennemie de Royal: «Je ne suis pas allée au congrès de Reims pour être élue première secrétaire […] Je me suis dit que Ségolène ne pouvait pas être chef de parti alors qu’elle s’était positionnée en dehors.» Et puis, surtout, il y a la patronne du parti, mal élue et réticente à exercer le job, mais qui, au fil des mois, s’installe dans le fauteuil. Voilà donc l’ex-ministre, personnalité complexe, à la fois affective

et dure, «Dr Martine et Mrs Aubry», selon le mot de Marc-Philippe Daubresse, ministre et élu nordiste, étudiée à la loupe. Tout comme son époux Jean-Louis Brochen, brocardé par l’extrême droite comme «avocat des islamistes», accusations que le clan Aubry s’attache à contrer. Les secrets d’une ambition recèlent aussi quelques savoureuses déclarations. Comme cette affirmation, prononcée en 1991 au congrès de la CFDT : «Je ne crois pas qu’une mesure générale de diminution du temps de travail créerait des emplois…» Ou celle-ci, alors qu’elle est aujourd’hui considérée comme

bien plus à gauche que le directeur général du FMI: «Dominique et moi sommes sur la même ligne, nous ferions la même politique, mais nous n’avons pas la même image, on le sait tous les deux.» Quant aux doutes sur son envie présidentielle, elle les évacue prestement: «C’est une question nulle. Je serai capable de faire le job, de remplir la fonction.» Dont acte. Et sa candidature, alors? «Je ne l’exclus pas», s’avance-t-elle doucement, sûre d’«avoir acquis des armes supplémentaires» à chaque étape. Une haie après l’autre, toujours. DAVID REVAULT D’ALLONNES


1618• FRANCE

PARU LE JEUDI 31 MARS LIBÉRATION JEUDI 31 MARS2011 2011

Hollande,premier poidslourdenpiste Le président du conseil général de Corrèze doit annoncer aujourd’hui sa candidature à la primaire socialiste. Par MATTHIEU ÉCOIFFIER

vague rose des régionales de 2004, avant DSK au poteau avant le dépôt des candide voir ses ambitions englouties par le datures le 28 juin. La fenêtre est étroite. ujourd’hui, François Hol- grand schisme socialiste du référendum Mais le contexte de crise à droite est lande fait une déclaration, sa sur la Constitution européenne et porteur. Et le déficit de leadership à déclaration aux Français. Si- l’échappée belle de Ségolène Royal, sa gauche patent. D’où son choix d’ignorer tôt réélu président du conseil compagne d’alors. les appels de ses camarades socialistes général de Corrèze il va, comme il l’avait Cette fois, Hollande revient de loin dans à différer son annonce, alors que la annoncé, officialiser sa candidature à la une course de fond dont il a théorisé droite s’étripe. Et que la direction du PS primaire de désignation du chacune des étapes, en admi- bat le rappel des ténors pour le lancecandidat socialiste à la présiENQUÊTE rateur du François Mitterrand ment du projet 2012. «François, ce n’est dentielle de 2012. En deux des années 70, celui de la pas le bon moment, ce serait maladroit», temps. «Je le fais comme je l’avais ima- «conquête du pouvoir». Parti le premier lui a dit mardi à l’Assemblée Jeanginé. Je réunis d’abord des amis à 14h30 en précampagne, il a labouré les fédéra- Christophe Cambadélis, premier lieuteà Tulle, parce que c’est ma ville», confie- tions du PS, serré la main des militants, nant de DSK, en l’appelant, pour une t-il à Libération. Puis, il rejoindra Paris embrassé les militantes. Soumis une ré- fois, par son prénom. Mais «François» et le plateau du JT de France 2. «Cette est resté coi. Il a choisi de se candidature ne surprendra personne. Elle Hollande a théorisé chacune déclarer aujourd’hui «pour est de l’ordre de l’évidence. C’est une étape ne pas interférer sur le projet du des étapes, en admirateur du importante, mais l’essentiel sera la priPS». Il en a averti Martine François Mitterrand des années 70, maire elle-même», rappelle-t-il. Aubry, qui n’a pas tenté de le N’empêche. A 57 ans, il s’agit pour le celui de la «conquête du pouvoir». retenir, obligée de reconnaîdéputé de Corrèze d’une étape politique tre que sa candidature s’inset personnelle décisive dans sa longue volution fiscale, un pacte productif et crit dans la logique de la primaire. route vers l’Elysée entamée il y a un an fait le «pari de la jeunesse» en propoet demi. Il en convient. «Je me suis pré- sant, par exemple, un contrat exonérant SYMPATHIE. «Hollande ira jusqu’au paré à ce moment de la candidature depuis de charges les employeurs qui embau- bout… de la primaire pour jouer Matiplusieurs mois, à la fois politiquement, cheront un jeune et garderont un senior gnon», trompettent les proches de ses psychologiquement, presque physiquement pour le former. Parce qu’une «présiden- rivaux. Lui dément. Il n’y va pas pour même.» François Hollande n’a pas sim- tielle se joue sur un thème fédérateur qui «goûter les eaux». Fort de sa progresplement maigri, il s’est peu à peu libéré unit les catégories sociales et les généra- sion dans les sondages, des marques de de ses habits d’ancien patron du PS rou- tions». Il a creusé le sillon du réfor- sympathie et des courriers qu’il reçoit, lant son monde dans la farine avec ses misme, de la gauche responsable. il juge que sa candidature «est nécessynthèses molles et ses traits d’humour. Le même que celui de Dominique saire et potentiellement gagnante». Cet Strauss-Kahn? Si Hollande a finalement après-midi, il va parler aux Français FÉDÉRATEUR. Le voilà prêt, pense-t-il, réussi à faire entendre sa petite musique, «de la France» comme le lui conseille à prendre une revanche sur son destin c’est aussi grâce aux silences du direc- dans de petites notes amicales Bernard politique. Comme un pied de nez à ses teur général du FMI. «Lui, il est là», di- Poignant, le maire PS de Quimper. camarades qui disent de lui «quel talent, sent ses aficionados. Et, à partir «Face à la descente aux enfers de la mais quel gâchis» ou affirment que son d’aujourd’hui, l’ancien jeune énarque, droite, seul le PS permet d’offrir une altertour est passé. En 2006, François Hol- conseiller technique à l’Elysée en 1981, nance possible crédible et républicaine. Il lande était en situation. Premier secré- est candidat. Il compte bien profiter de faut une incarnation, je la propose», taire du PS, il s’apprêtait à surfer sur la ce statut et du printemps pour coiffer conclut-il. Tout simplement. •

A

Des proches loyaux et soudés ix ans à la tête du PS, ça vous forme un réseau. Une équipe de proches efficaces aussi. Loyale. Autour de lui, François Hollande a gardé ses meilleurs lieutenants du temps où il était premier secrétaire. Stéphane Le Foll, député européen et ex-directeur de cabinet à Solférino, forme avec Michel Sapin, ancien camarade de l’ENA et ex-ministre du Budget, et les députés Bruno Le Roux et André Vallini, le premier carré de fidèles. Egalement dans l’orbite hollandaise : Jean-Pierre Bel, chef du groupe PS au Sénat, Jean-Marc Ayrault, son homologue de l’Assemblée et Jean-Yves Le Drian, président de la région Bretagne. Cette tablée toute mas-

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culine se réunit le mardi ou le mercredi soir à Paris pour concocter la stratégie Hollande. Dans un autre cercle, on trouve l’eurodéputé Kader Arif, l’exroyaliste François Rebsamen, l’ancien ministre Michel Delebarre ou encore la députée de Charente Martine Pinville, l’ex-Verts Marie-Hélène Aubert et l’élu d’Argenteuil Faouzi Lamdaoui. Le président de la Corrèze cultive aussi ses relations avec les parlementaires et certains cadres du PS lors de déjeuners organisés tous les mardis au Sénat. «On comptait une dizaine de participants il y a un an et demi. Ils étaient entre 30 et 50 dernièrement», assure Sapin. Hollande débute par une «analyse politique de

l’actualité puis laisse chacun exprimer sur son point de vue», poursuit Sapin. «Il écoute, note. Puis certaines idées ressortent dans ses discours», dit Le Roux. Hollande a par ailleurs gardé un réseau d’amitiés solides dans les fédérations socialistes qu’il a sillonnées une décennie durant. «Il a continué à se déplacer, à répondre à toutes les sollicitations à l’intérieur du parti, pointe Le Roux. Il en reçoit presqu’autant que lorsqu’il était premier secrétaire.» «Ce qui était parfois lourd à porter, il en tire avantage aujourd’hui», ajoute Sapin. Un maillage sur lequel il compte bien s’appuyer lors de la primaire. LILIAN ALEMAGNA

A Tulle, le 24 février. PHOTO MARC CHAUMEIL


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LIBÉRATION JEUDI 31 MARS 2011

Un look allégé ens presidentia in corpore svelto ? «Il a maigri», constatait en se pinçant le nez sa très chère Bernadette Chirac, fin février, au conseil général de Tulle. Cela saute aux yeux de tous ceux qui le croisent, François Hollande a «décollé». «Moins 15 kilos», selon ses proches qui précisent qu’il a juste arrêté les frites et la mousse au chocolat à tous les repas. L’intéressé en plaisante volontiers en engloutissant une seconde tartelette ou une corne de gazelle à sucre rapide. «J’ai perdu 8 kilos, je vais en reprendre 2», lâchait-t-il, en décembre, lors d’un banquet républicain à Brest. Il assure qu’il s’agit de se sentir mieux dans sa peau. Invoque un impératif de santé. Mais reconnaît que cette mue physique fait aussi partie de la préparation mentale. «Il a fait un effort physique sur lui-même. Il se prépare à tout point de vue, c’est ça que j’aime, se réjouissait alors Alain, un ex-permanent de la rue de Solférino. Il revient différent, “upgradé”,

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comme en informatique.» Le Hollande 2012 arbore désormais des lunettes à fines montures, des costumes de coupe plus seyants et des cheveux noir corbeau. Un peu trop, selon le magazine Elle qui a décrypté son look. Résultat, on a vu quelques mèches grisonnantes réapparaître aux tempes d’Hollande. En ces temps de pipolitique, le candidat à la primaire socialiste a sacrifié aux diktats de l’image. Face au couple régnant Nicolas Sarkozy-Carla Bruni, et à celui formé par son rival Dominique Strauss-Kahn avec Anne Sinclair, François Hollande s’est résolu à s’afficher en photo dans Gala avec sa compagne Valérie Trierweiler, journaliste politique à Paris Match. «C’est la femme de ma vie, aujourd’hui», précisait-il, fin 2010, pour ne pas heurter ses enfants et leur mère, Ségolène Royal. Si l’aspect joue un rôle, il peut s’avérer trompeur. En 2007, Nicolas Sarkozy avait juré : «J’ai changé»… M.É.

Une popularité bien retapée ette construction vient de loin. Sans surprise, ni feu d’artifices.» La marque Hollande, le député Michel Sapin la défend à merveille. C’est écrit sur le paquet : «sobriété» «sérénité», «sérieux», «normal». Après avoir quitté son bureau de premier secrétaire et entamé un an de cure médiatique, François Hollande a repris l’initiative à Lorient, en octobre 2009. Il enfile les thèmes : fiscalité, jeunesse… et les déplacements. «Il pose des idées, il est identifié comme le type qui bosse», vend Bruno Le Roux. Sortie d’un premier bouquin, Droits d’inventaires, en novembre. Et voilà les courbes des sondages qui se mettent à frémir… + 14 points entre octobre 2009 et février 2011 selon le baromètre Viavoice-Libération. «Il a encore une de marge progression car ce n’est pas quelqu’un de clivant, observe François Miquet-Marty, directeur associé de Viavoice. Hollande a l’image de quelqu’un de dé-

«C

terminé, qui apporte des éléments de contenu.» «Il n’est pas à la recherche du coup médiatique ni de la petite phrase», appuie Bruno Le Roux qui, comme tous les hollandais, a l’argumentaire rodé pour peaufiner l’image du patron. Et ça marche. En termes de popularité, il talonne Martine Aubry et se rapproche de Dominique Strauss-Kahn. Dans les intentions de vote, il fait désormais jeu égal avec elle. Mais François Hollande a sa limite. Même débarrassé de la lourdeur que lui procurait l’image de premier secrétaire, «il ne touche que des gens qui s’intéressent à la politique, explique François Miquet-Marty. Sa différence de popularité avec Strauss-Kahn vient de là. Peut-être que le temps des primaires lui offrira une stature de personnalité plus grand public.» La sortie d’un essai, Un destin pour la France, chez Fayard, en mai, doit permettre d’y remédier avant. Toujours sans coup d’éclat. L.A.

Aubry la meilleure ennemie es deux-là ne s’aiment pas. Et personne ne dit trop pourquoi… «On a beaucoup glosé sur leurs mauvaises relations. Je ne comprends pas d’où ça vient», fait mine de s’étonner Michel Sapin, proche de Hollande. Caractères incompatibles? Concurrence entre l’ex et la nouvelle première secrétaire ? Certains socialistes donnent une première explication : le «niet» opposé à Aubry lorsqu’aux législatives de 2007, elle souhaitait concourir dans la 2e circonscription du Nord. «On y est pour rien, écarte Bruno Le Roux, chargé des élections au PS sous Hollande. La fédération du Nord avait mis son veto !» Mais il y a un autre contentieux, plus lourd : la remise de clés glaciale entre eux à Solférino. «Je ne pardonnerai pas à François l’état dans lequel il a laissé le parti», confiait Aubry après l’emménagement au siège du PS. Pour fustiger l’état du PS, Aubry avait pointé le fait que «même les toilettes fuyaient». Les proches d’Aubry assurent alors que tout avait été

C

laissé vide: armoires, dossiers, tiroirs… Ambiance de suspicion généralisée entre les deux équipes. Les fuites dans la presse énervent Hollande et ses lieutenants. «Mais leurs relations sont aujourd’hui moins pires», assure Sapin. Les deux leaders se voient régulièrement au conseil politique du lundi soir où se réunissent les ténors. «Et puis ils doivent aussi s’appliquer le principe du rassemblement, prévient un hollandais. Car si chacun veut être crédible, il vaut mieux éviter de s’en être foutu plein la gueule avant!» Aubry a même proposé à Hollande de venir le soutenir pendant sa campagne en Corrèze lors des cantonales. Il a souri et décliné l’invitation laissant entendre qu’il n’avait pas besoin d’elle. «Légitimité de première secrétaire» pour l’une contre «sympathie des militants», pour l’autre, fait valoir un responsable fédéral. En cas d’absence de DSK aux primaires, le duel, ce sera eux. L.A.


10 • FRANCEXPRESSO

PRÉSIDENTIELLE 2012 LES GENS

NE VOUS LAISSEZ PAS ONS ! VOS CONVICTI IMPOSER JEAN­MARIE LE PEN, LA JUSTICE ET LES CRIMES NAZIS

Le président d’honneur du FN, Jean­Marie Le Pen, saura aujourd’hui si sa condamnation pour de desrépropos ductiondans l’hebdomadaire d’extrême droite Rivarol, où il minimisait les crimes nazis en France sous l’Occupation, est ou non devenue définitive. La Cour de cassation, qui a examiné son pourvoi le 15 mars, dira si elle le rejette, ou au con­ traire si elle annule la décision contestée. Le 21 jan­ LibérationLe Pen vier 2009, la cour d’appel de Paris avait condamné chaque à trois mois de prison avec sursis et 10000 euros jour chez d’amende pour «complicité de contestation de vous crime con­ tre l’humanité». Il avait notamment déclaré: «En France du moins, l’Occupation allemande n’a pas été particulière­ ment inhumaine, même s’il y eut des bavures, inévitables dans un pays de 550000 km2.» PHOTO AFP

PARU LE MERCREDI 27 AVRIL LIBÉRATION MERCREDI 27 AVRIL2011 2011

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Hollandecontinue sacourseàlaprimeur 2012 En tenant son premier meeting ce soir à Clichy-la-Garenne, le député

de Corrèze espère prendre de vitesse ses concurrents à la primaire du PS.

EN HAUT DE LA PILE Par ONDINE MILLOT

L’accès gratuit à tous les supports numériques

Un roman-enquête sur l’enfance maltraitée ulie est amoureuse. Elle a à Auby, dans le Nord, 24 ans, elle est serveuse, en 2005. Les personnages du elle vient de rencontrer livre sont ceux que l’on reDavid, de quatre ans son ca- trouve dans chacun de ces det. Il est beau, il est atten- faits divers. David, le beautionné, il est tellement mieux père tortionnaire. Julie, la que tous ceux qui mère, qui fait un sont passés et ont enfant pour se fui sa vie de mère sentir exister, et célibataire un peu oublie dans paumée. Celui-là, l’équation l’exiselle va «se battre» tence propre de pour le garder. son fils. Les paL’histoire se passe rents de Julie qui, dans l’appartesentant confusément 24 d’une cité ment le danger, À découperJulie et renvoyer sous enveloppe affranchie à tranquille. y préfèrent fuir pluservice abonnement, Béranger, Paris La vitLibération, seule avec Théo, 4 ans, 11 tôtrue que d’oser75003 l’analyser. petit garçon vif et curieux, et voisine qui se persuade David va emménager.Le récit qu’elle a mal entendu. Et Caje profite de l’offre découverte de Libération. démarre par l’installation de (78therine Langet, Je m’abonne pour 3 mois n°) pour 50 ¼ aul’assistante lieu leur trio, dans cede cadre relasociale qui refuse de mon signaler de 119 ¼ (prix vente au numéro). Offert avec tivement standard. Mais le une famille parce que, si on quotidien, je bénéficie de l’accès à tous les services lieu, les occupations de chaleur retire les enfants, les panumériques payants de Libération. cun importent peu. L’auteur, rents «vont sombrer». C’est 1RP journaliste spécialisée dans le courage du livre, aussi, les3UpQRP questions familiales, sait d’oser s’attaquer aux dys$GUHVVH que l’indifférence aux en- fonctionnements des servi n’a pas de milieu. Que ces sociaux avec connaisfants la &RGH SRVWDO surdité des voisins, la dé- sance et subtilité. abbbc mission 9LOOH de l’entourage, les atermoiements desac services En décidant de s’abstraire du 7pOpSKRQH ac ac ac ac sociaux, l’acharnement des «vrai» tout en collant au ( PDLO # adultes à préférer toujours se réel, Gaëlle Guernalec-Levy rassurer n’ont rien à voir permet une analyse utile et Ci-joint mon règlement : avec la beauté ou l’épaisseur rare des mécanismes de la O &KqTXH j O¶RUGUH GH /LEpUDWLRQ des violence. Il ne s’agit plus de O murs. &DUWH EDQFDLUH 1 juger, de s’indigner de tel fait abbc abbc abbc abbc Gaëlle Guernalec-Levy a divers en le présentant im([SLUH OH ac ac choisi la forme du roman, plicitement comme excepPRLV DQQpH pour livrer, finalement, un tionnel, mais de montrer &U\SWRJUDPPH abc 6LJQDWXUH REOLJDWRLUH OHV GHUQLHUV FKLIIUHV DX GRV document, fruit ou synthèse comment, de léger comproGH YRWUH FDUWH EDQFDLUH des insomnies provoquées mis sur le bien-être de l’en'DWH ac abbc par ses ac enquêtes sur la mal- fant en refus d’envisager le $3(/35 traitance infantile. On pense pire, la violence s’installe à l’histoire de Dylan, 4 ans, graduellement, jusqu’à &HWWH RIIUH HVW YDODEOH MXVTX¶DX GpFHPEUH H[FOXVLYHPHQW SRXU XQ QRXYHO en DERQQHPHQW HQ )UDQFH PpWURSROLWDLQH GX TXRWLGLHQ HVW DVVXUpH SDU à torturé à mort par son beau- /D OLYUDLVRQ devenir une voisine tout SRUWHXU DYDQW K GDQV SOXV GH YLOOHV OHV DXWUHV FRPPXQHV VRQW OLYUpHV SDU YRLH SRVWDOH /HV LQIRUPDWLRQV UHFXHLOOLHV VRQW GHVWLQpHV DX VHUYLFH GH YRWUH DERQQHPHQW HW père sous les yeux passifs de fait banale. saOH FDV pFKpDQW j FHUWDLQHV SXEOLFDWLRQV SDUWHQDLUHV 6L YRXV QH VRXKDLWH] SDV UHFHYRLU mère, en 2003, à Tou- «Appartement 24», Gaëlle GH SURSRVLWLRQV GH FHV SXEOLFDWLRQV FRFKH] FHWWH FDVH louse ; ou à celle de Marc, Guernalec­Levy, Bourin Editeur, 5 ans, quasiment identique, 151 pp., 19 euros.

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Bulletin d’abonnement Oui,

François Hollande, au parc de la Villette à Paris, le 9 avril, jour du conseil national dédié au projet socialiste. SÉBASTIEN CALVET ous avez remarqué que la mode est plutôt aux petites entreprises qu’aux multinationales ?» Goguenard et sûr de son bon droit, François Hollande met les deux pieds dans la primaire socialiste ce soir, au grand dam des partisans de Dominique StraussKahn, toujours condamné au silence à la tête du FMI. Un mois après l’officialisation de sa candidature et à un an pile de la présidentielle, le député de Corrèze organise son premier grand meeting de campagne - 600 personnes attendues pour 800 sièges- en banlieue parisienne. «Il fallait se lancer», confie à Libération l’ancien premier secrétaire du PS, qui assure verser sa réunion publique de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine) au pot commun du PS. «Il est important que les socialistes parlent du projet pour 2012, pour le valoriser. En tant que candidat, il est normal que j’apporte mon éclairage et mes propositions pour l’enrichir.» Beau fixe. Son discours au théâtre Rutebeuf - où sont passés François Mitterrand avant sa candidature en 1981 et, plus récemment, Ségolène Royal venue écouter le slameur Grand Corps Ma-

«V

lade - reprendra ses thèmes de prédilection - jeunesse, fiscalité, pouvoir d’achat– et parlera d’une «France conquérante et réconciliée» opposée à la «France en repli» de Nicolas Sarkozy. «Il faut mettre les Français en confiance», répète le présidentiable socialiste, dont la cote est au beau fixe. Dans le dernier baromètre Ifop-Paris Match, à paraître demain, il fait désormais jeu égal avec Nicolas Sarkozy au premier tour, tout en restant encore

que les militants socialistes planchent sur le projet présidentiel, qui doit être adopté fin mai. Les candidatures officielles à la primaire doivent être déposées ensuite, entre le 28 juin et le 13 juillet. «Chez Hollande, ils sont passés de la détermination à l’entêtement à l’heure où il y a une grosse demande de collectif», s’agace un secrétaire national strauss-kahnien. Et sur le fond, les proches de l’ancien ministre de l’Economie estiment qu’Hollande se trompe de part de marché élec«S’ils étaient sûrs d’euxtorale en faimêmes et de la candidature sant des jeude Strauss-Kahn, ils seraient nes le fil peut-être plus apaisés.» directeur de sa campagne, François Hollande à propos du clan DSK alors que les derrière Dominique Strauss- plus de 65 ans seront la clé Kahn. «On va lentement mais du scrutin de 2012. «Une ode sûrement», savoure Michel à la jeunesse permanente, ça Sapin, complice et conseiller crée des tensions dans une sodepuis plus de trente ans, qui ciété vieillissante. Sanctuariser vante la «crédibilité économi- “Tanguy”, c’est une erreur que et la capacité de rassem- électorale majeure», tacle un blement» de son poulain. En- lieutenant de Dominique tendre : étiqueté social Strauss-Kahn. libéral, le directeur général Les critiques glissent sur les du Fonds monétaire interna- plumes des hollandais, qui y tional divisera la gauche. voient autant une reconnaisPour les partisans de DSK, la sance du chemin parcouru tortue Hollande est partie depuis dix-huit mois que des «trop tôt» et «montre ses bi- signes de fébrilité. «S’ils ceps» à contretemps, alors étaient sûrs d’eux-mêmes et

de la candidature de StraussKahn, ils seraient peut-être plus apaisés», sourit François Hollande. Pour Michel Sapin, la seule chose qui peut pousser DSK à renoncer, «ce serait un terrain d’atterrissage où Hollande serait fort. Il est le seul à bousculer l’ordre établi quand Martine Aubry se prépare à envahir le terrain au cas où, Ségolène Royal tourne autour en courant, et les autres candidats sont dans les hangars». Artisanal. Même si Hollande s’en défend – «je ne regarde pas la campagne des autres»–, le coureur de fond va continuer son échappée en mai: poursuite du tour de France avec des étapes dans le Doubs et en Basse-Normandie, journée européenne à Bruxelles et visite à Berlin pour parler du couple franco-allemand. La Tunisie est en préparation, mais la piste de la Grèce a été abandonnée, «trop compliquée». La PME Hollande revendique presque le côté artisanal de la campagne, se démarquant une nouvelle fois des «plans com» prêtés au boss du FMI. «Nous, on n’est pas nourris, on fait avec les moyens du bord», balance le député européen Kader Arif. LAURE BRETTON


• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9317

JEUDI 28 AVRIL 2011

WWW.LIBERATION.FR

C’est parti! François Hollande, en tenant un meeting hier, a lancé la compétition interne au PS plus tôt que prévu. Aubry et DSK s’en agacent.

VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS ET SÉBASTIEN CALVET

PAGES 2­4

La diffusion d’une vidéo d’Aqmi, qui montre les quatre otages français, pourrait être un signe d’avancée dans les négociations. PAGES 6­7

Nantes: la PJ piste le père sur Internet MEURTRES Les centaines de messages de Xavier de Ligonnès postés sous sur le forum Cite-catholique.org intéressent au plus haut point les policiers. La police judiciaire mise sur une connexion qui permettrait de localiser le fugitif.

AFP

Primaire

AP

Otages au Niger: une preuve de vie

PAGE 10

Sarkozy rétropédale sur Hadopi Le Président a remis en cause hier le fonctionnement de la Haute autorité censée lutter contre le piratage sur le Net. PAGES 26­27

L LE CONFORT DES «PRIVILÈGES» DE JONATHAN DEE, LES CARNETS D’ANDRÉ DU BOUCHET… CAHIER CENTRAL

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.


2 22•

EVENEMENT

ÉDITORIAL Par PAUL QUINIO

Petit plomb Un séjour privé à Paris de DSK, un meeting en banlieue de Hollande, une rencontre impromptue d’Aubry avec la presse rue de Solférino et la plaine socialiste menace de s’enflammer. Attention danger. La primaire que le PS a prévu d’organiser pour départager ses candidats à la présidentielle n’a pas encore commencé. Mais on sent les tontons flingueurs socialistes prêts à ressortir les pétards planqués depuis des mois dans le vieux buffet de l’arrière-cuisine. Rien de grave pour l’instant. Du petit plomb. Mais les socialistes ont prouvé, il n’y a pas si longtemps, qu’ils pouvaient sortir la grosse artillerie. La primaire n’y survivrait pas. Bien organisée, ouverte, transparente, sans le moindre soupçon de fraude, cette compétition interne peut s’avérer un formidable tremplin pour celui ou celle qui en sortira vainqueur. Si la compétition devait tourner à la baston, le grand gagnant s’appellerait… Nicolas Sarkozy, trop content d’affronter un adversaire sur les rotules avant même d’entrer en campagne. Voire Marine Le Pen, qui se nourrit de tous les désordres démocratiques. La droite aborde la présidentielle avec un président-candidat sur une civière. Mais qui peut se remettre d’aplomb très vite. Le PS, lui, dispose de trois, sinon quatre postulants plutôt vaillants. Mais qui peuvent s’autodétruire très rapidement. Aubry, Hollande, Royal, StraussKahn et les autres ont le devoir de ne pas s’entretuer s’ils veulent succéder à Mitterrand. Les signaux envoyés cette semaine, de ce point de vue, sont inquiétants.

PARU LE JEUDI 28 AVRIL LIBÉRATION JEUDI 28 AVRIL2011 2011

Hollande aussi fait


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LIBÉRATION JEUDI 28 AVRIL 2011

de l’ombre à Aubry Déjà éclipsée par les sondages radieux de Dominique Strauss-Kahn, la patronne du PS voit son prédécesseur lui rogner encore un peu d’espace en vue de la primaire. Par LAURE BRETTON ET MATTHIEU ECOIFFIER Dessin LAURENT BLACHIER

«Ç

a va aller, je vous assure», se rassurait hier Martine Aubry dans son bureau blanc de la rue de Solférino. Ah bon? A peine rentrée, hâlée par quelques jours de vacances au Maroc avec ses parents, la première secrétaire se retrouve coincée entre François Hollande qui accélère sur le chemin de la présidentielle et une nouvelle visite mystère à Paris de Dominique Strauss-Kahn. Deux présidentiables aux stratégies opposées –l’un omniprésent sur le terrain, l’autre planant dans les sondages– qui relancent le feu sous la cocotte-minute de la primaire dont Martine Aubry essaye depuis des mois de contenir la pression, avec le projet 2012 du PS comme couvercle. Mais à deux mois de l’ouverture du dépôt des candidatures, les socialistes sont déjà chauds bouillants. Le premier grand meeting de Hollande hier soir à côté de Paris? «Ça ne me dérange absolument pas», dit Martine Aubry, tout miel. Sa rencontre avec le directeur général du Fond monétaire international (FMI) en France pour une «visite privée»? «C’est déjà fait», glisset-elle hilare. Avant de noyer le poisson : «Avec Dominique, on s’est vu avant, on se verra après. On n’envoie pas de cartons d’invitation». Qui d’elle ou DSK sera candidat? «Nous choisirons le mieux placé !» Et quand se décideront-ils? «En juin», martèle-t-elle, s’inscrivant strictement dans le calendrier. D’ici là, «le mois de mai doit être le mois du projet», intime-t-elle aux présidentiables. Et d’inviter tous les dirigeants du PS à participer à la centaine de réunions publiques prévues partout dans le pays avant la convention du 28 mai qui doit valider définitivement les propositions socialistes pour 2012. À LA VA­VITE. Le fond, rien que le fond, c’est pour Aubry la clé de la victoire à l’heure où «Nicolas Sarkozy a vraiment perdu la main». Face à un président qui joue à «mettre un peu de bois dans le feu de la peur et de la haine» et qui «court après le FN», «il faut montrer aux Français qu’il y a d’autres réponses possibles» sur les salaires, l’encadrement des loyers ou une vraie réforme de la fiscalité. Entourée de sa garde rapprochée pour un «lunch briefing» Aubry joue à la perfection la partition de la première opposante sur la réforme de l’ISF «un cadeau fait aux plus riches» ou sur «la précipitation» du chef de l’Etat en Libye. Le décor «collectif» est planté, avec la chef du PS en son centre… Mais plusieurs détails trahissent une certaine fébrilité: cette rencontre avec la presse a été montée hier à la va-vite, pile au moment où Hollande occupe le devant de la scène médiatique et où DSK est en séjour «privé» à Pa-

L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Les amis de Dominique Strauss­Kahn reprochent à François Hollande d’avoir lancé prématurément la campagne de la primaire socialiste.

L’ENJEU Une fébrilité certaine gagne les dirigeants socialistes qui tentent déjà de se neutraliser.

ris. Dans le bureau d’Aubry, les rôles ont été savamment répartis: la patronne retient ses coups –«rien ne serait pire que des socialistes commençant à s’envoyer des vannes» – mais ses lieutenants, eux, dézinguent plus ou moins subtilement la concurrence. David Assouline, chargé du tour de France du projet ménage Ségolène Royal, qui s’est «rendue

disponible» pour animer une réunion quand à droite qu’on aura jamais eu au PS», tacle un François Hollande se fait toujours attendre. aubryste sous condition d’anonymat. «Ses Guillaume Bachelay, corédacteur du projet, propositions sur le travail, c’est plus maigre que commence par se féliciter du «retour d’un Jospin en 2002 et moins bien que Royal en premier secrétaire du PS dans les usines, une 2007», poursuit ce responsable pour qui Holnouveauté appréciable et appréciée». Com- lande part à la bataille de la primaire «avec prendre, par rapport à l’ère Hollande à Solfé- une cartouchière assez vide». rino. Le même appelle à l’unité pour diffuser Dans le camp Strauss-Kahn l’heure n’est plus les solutions socialistes :«Il vaut mieux avoir au «off». En début de semaine, deux «snile maillot jaune pour le projet que tenter de dé- pers» ont sorti les armes lourdes pour concrocher le maillot à pois du meilleur grimpeur trer l’outsider Hollande. Jean-Marie Le Guen dans les sondages.» Le compliment vise une fois de plus l’an- «Hollande, c’est potentiellement cien chef du PS. Un de ses fidèles le candidat le plus à droite du PS.» l’a mauvaise estimant que les deux alliés du «pacte de Marra- Un soutien de Martine Aubry kech» veillent tout autant que le député de Corrèze à leurs intérêts présiden- a tiré le premier en l’accusant de «diviser le tiels: «Quand Martine Aubry tient une réunion PS» et Jean-Christophe Cambadélis a raillé publique, on ne dit pas qu’elle est candidate. Et un candidat poids moyen qui «montre ses biquand Strauss est la vedette d’un documentaire, ceps». «Vous êtes fous de mener une opération personne ne trouve à y redire.» agressive comme ça», a lancé hier un Autre signe de la tension ambiante, certaines aubryste à un secrétaire national proche de attaques sont de plus en plus frontales. «Hol- DSK dans la cour du siège du PS. Verdict conlande, c’est potentiellement le candidat le plus trit de l’intéressé: «C’était une connerie» propre à faire encore plus exister François Hollande.

REPÈRES

21%

PRIMAIRE EN OCTOBRE La désignation du candidat socialiste se fera lors d’une primaire ouverte à tous les citoyens inscrits sur les listes électorales au 21 décembre 2010, moyennant un euro et la signature d’une charte d’adhésion aux valeurs de la gauche. Elle aura lieu le 9 octo­ bre 2011. Un éventuel second tour est prévu le 16 octobre. Les candida­ tures seront reçues entre le 28 juin et le 13 juillet.

des Français voteraient pour François Hollande s’il était le candidat PS, selon un sondage Ifop (1) pour Paris Match. Aubry recueillerait 20%, DSK 27%. Hollande battrait Sarkozy au second tour par 56%­44%, contre 55%­45% pour Aubry et 61%­39% pour DSK. (1) Réalisé les 20­21 avril auprès 1106 personnes.

LES COTES DE POPULARITÉ DSK

AUBRY

HOLLANDE

ROYAL

Sondages Viavoice pour Libération

FÉV

AVRIL

JUIN

AOÛT

OCT

DEC FÉV

Qui est candidat? Parmi les ténors du PS, outre François Hollande, seuls Ségo­ lène Royal, Arnaud Montebourg et Manuel Valls sont officiellement candi­ dats. Pierre Moscovici et Gérard Col­

lomb iront si DSK n’est pas candidat. Se sont aussi déclarés: Christian Pier­ ret, Anne Mansouret et Daniel Le Scor­ net. Et, sur un mode humoristique, le député de l’Allier Jean Mallot.

BILLARD À VINGT­SEPT BANDES. De fait, le premier cercle de la Strauss-Kahnie ne décolère pas. Pour eux, il n’y a même pas de match tant le patron du FMI fait la course en tête dans les sondages. «Il y en a deux dans le trait de crayon, Hollande et Aubry, mais un seul qui qualifie la gauche à coup sûr pour le deuxième tour», explique un fidèle. Selon lui, les coups de gueule ne font pas une stratégie pour l’homme de Washington qui s’évertue depuis quatre ans à se tenir loin «des appareils politiques et des calculs politiciens». Sauf que dans la partie de billard à vingt-sept bandes qui se joue au PS, d’aucuns voient dans cette opération anti-Hollande conduite par un commando strauss-kahnien isolé un stratagème visant à gonfler Hollande pour gêner Aubry ! Objectif : éviter qu’elle ne prenne de court Strauss-Kahn en se déclarant candidate avant l’heure et avant lui. Inversement, Aubry qui ménage Hollande, c’est autant de bâtons dans les roues du champion DSK, qui rêve d’une ligne d’arrivée dégagée. Bref, chacun tente tant bien que mal de neutraliser l’autre, en ayant l’air de ne pas y toucher. Au PS, «on a des problèmes de riches en fait. On a un projet et de bons candidats», se targue Jean-Marc Germain, directeur de cabinet d’Aubry. «Je connais peu de partis qui ont trois candidats capables de gagner contre Nicolas Sarkozy au deuxième tour» se gargarise en écho cette dernière. Qui n’a donc renoncé à rien. Dans ses discussions en petit comité, confie Benoît Hamon, «jamais Martine n’a tenu pour acquis qu’il y avait un plan A et un plan B et qu’elle serait le plan B» de DSK… •


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LUNDI 16 MAI 2011 • 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9332

LUNDI 16 MAI 2011

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Dominique Strauss-Kahn, la chute du favori

D JULIEN DE ROSA.STARFACE

DSK OUT

imanche 15 mai 2011. La France se réveille avec un tsunami politique. Dominique Strauss-Kahn, patron du FMI, grand favori des sondages pour la présidentielle de 2012, vient d’être arrêté à New York où il est poursuivi pour agression sexuelle, tentative de viol et séquestration d’une femme de chambre. Traces ADN, sortie menottée sous les flashs des pho-

tographes, incarcération à Rikers Island… Après des dizaines de rebondissements, DSK rentrera finalement début septembre en France, où d’autres affaires de mœurs l’attendent. Coté PS, tout est à reconstruire : les alliances, les stratégies, le programme. Et François Hollande se retrouve du jour au lendemain dans le rôle du favori de la primaire à venir.

Le patron du FMI a été inculpé hier aux Etats-Unis pour une tentative de viol dans un hôtel new-yorkais. 10 PAGES SPÉCIALES

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SAMEDI 21 MAI 2011

MARDI 17 MAI 2011 • 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9333

• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9337

MARDI 17 MAI 2011

SAMEDI 21 ET DIMANCHE 22 MAI 2011

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8 PAGES CENTRALES

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• CANNES

EMMANUEL DUNAND . AFP

«DRIVE», UN POLAR POUR LA ROUTE

K.O.

Accusé de tentative de viol, Dominique Strauss-Kahn a été incarcéré hier par la justice new-yorkaise. 12 PAGES SPÉCIALES

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VENDREDI 20 MAI 2011 • 1,40 EURO. DEUXIÈME ÉDITION NO9336

VENDREDI 20 MAI 2011

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Projet7:Mise en page 1 19/05/11 1

HUIT PAGES SPÉCIALES

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DSK Résident Après une journée de rebondissements, le juge new-yorkais a finalement autorisé la libération conditionnelle de l’ancien patron du FMI, inculpé jeudi pour tentative de viol. PAGES 2­9

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RICHARD DREW.AP

Libéré

Après l’avoir formellement mis en examen hier soir pour tentative de viol, la justice new-yorkaise a accepté le principe d’une libération sous caution de Dominique Strauss-Kahn.

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M 00135 - 520 - F: 1,40 E

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Inculpé


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LUNDI 23 MAI 2011

WWW.LIBERATION.FR

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Après l’affaire DSK, notre sondage exclusif

MALICK, L’ARBRE À PALME

Et maintenant

QUI? AFP

François Hollande continue son ascension

Martine Aubry décolle mais réfléchit encore

HUIT PAGES SPÉCIALES

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AFP

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THE «TREE OF LIFE» , AU SOMMET D’UN PALMARÈS DÉCEVANT CAHIER CENTRAL

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.


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La primaire Le peuple élit Par Robert Maggiori

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e philosophe américain John Dewey n’avait pas tort de dire que les pathologies de la démocratie se soignent par «plus de démocratie». Parmi les nombreuses maladies qui ankylosent les processus démocratiques, il y a l’involution du statut et du rôle des partis politiques. Associations hybrides, à cheval entre société civile et institutions, les partis ont pour fonction de tresser un lien organique entre l’Etat, dont la visée est l’intérêt général, et les individus, avec leurs convenances propres et leurs droits –individus qu’ils assemblent en communauté de valeurs, idéologie, conception du monde et de l’histoire, qu’ils éduquent et «forment» à une culture politique partagée, afin qu’en leur sein se dégage une «classe dirigeante» apte à assumer les charges électives publiques. En ce sens, ils sont le moteur de la représentativité démocratique. Mais il arrive qu’ils se «grippent», qu’ils ne sachent pas huiler les mécanismes de démocratie interne ni empêcher la formation d’oligarchies ou de bureaucraties, qu’ils dépossèdent leurs membres et leurs «militants de base» du pouvoir décisionnel, les perdant ainsi presque tous, et finissent dès lors par devenir de simples «appareils», de pures machines électorales, fabriquant des «candidats»

à des fonctions politiques locales, régionales ou nationales selon des procédures et des calculs abscons. Un remède à ces maux fut trouvé il y a longtemps, dans des Etats outre-Atlantique qui encore aujourd’hui s’en disputent le «brevet», à savoir la Pennsylvanie, qui l’utilisa dès 1842 à Crawford County pour la nomination d’officiers locaux, le Wisconsin en 1906, pour la désignation directe de délégués à la Convention nationale, et l’Oregon en 1910, qui, en vue de la désignation des candidats à la présidence des EtatsUnis, lui donna force de loi : les primaries, les élections primaires. L’idée, alors, était de faire que les investitures soient arrachées aux leaders des partis, dont les mains n’étaient pas toujours propres, aux potentats locaux, aux lobbys, et rendues au «peuple». On ne dira pas si c’est ou non une bonne idée, si elle requinque les partis ou instille en eux un poison qui en accélère la mort, si elle expose ou non au risque de transformation de la démocratie représentative en démocratie plébiscitaire, de la politique en esthétique, vu que «le choix des électeurs» est largement conditionné par la télégénie. Toujours est-il que cette idée a été importée de ce côté-ci de l’Atlantique. En Italie, exploitée par le centre gauche en octobre 2005, la primaire permit à plus de 4 millions de citoyens

de choisir Romano Prodi, qui l’année suivante donnera à la moitié du pays la joie de voir Berlusconi au tapis. En France, elle a désigné François Hollande comme candidat socialiste à l’élection présidentielle. Force est de dire, après coup: c’était le bon choix, le choix des électeurs est plus démocratique que l’autoproclamation d’un candidat ou sa désignation par les instantes dirigeantes d’un parti. Force est de dire, surtout: c’était un bon coup. Qu’espérait-on, en effet, dans les partis de droite qui jamais ne songeraient à une primaire ? Que les candidats socialistes et radicaux se mangeraient entre eux, s’offriraient l’un(e) l’autre des cordes pour se pendre, étaleraient au grand jour leurs divisions, leurs contradictions, leurs faiblesses, leurs ambitions et leurs haines, et que les rentrées de ce spectacle navrant iraient à leur bénéfice… Ils mirent des semaines à réaliser qu’ils s’étaient fait piéger, que la primaire les mettait en stand-by dans une zone de silence et de non-visibilité, tandis qu’elle offrait à la gauche une précampagne gratuite, lui laissait tous les moyens de la mobilisation populaire, la plaçait au centre de toutes les discussions, lui ouvrait toutes les places publiques, tous les studios, tous les plateaux de télévision… Elémentaire, mon cher Watson… •


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VENDREDI 7 OCTOBRE 2011

Willem et la guerre des chefs

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LUNDI 29 AOÛT 2011

VENDREDI 8 JUILLET 2011

uand Dominique Strauss-Kahn est mis hors course, le 15 mai 2011 après l’épisode du Sofitel de New York, la donne change. Radicalement. Et les socialistes peinent à s’en remettre. Willem, l’éditorialiste qui dessine l’actualité pour Libération, croque début juillet les candidats à la primaire écrasés par l’ombre portée de l’embarrassant patron du FMI, accusé d’agression sexuelle. En août, les candidatures se précisent mais, aux yeux du dessinateur, seuls deux ténors ont les dents suffisamment longues pour pouvoir être les adversaires de François Hollande : Martine Aubry et Ségolène Royal, que Willem caricature à la sauce Twilight. A la veille du premier tour de la primaire, il y a six candidats mais un seul objectif : faire passer Sarkozy à la casserole.


EVENEMENT

LIBÉRATION LUNDI 23 MAI 2011

PHOTO OLIVIER ROLLER

PHOTOSFRANKENBERG ROBERTO FRANKENBERG (MARTINE AUBRY) ET OLIVIER ROLLER (FRANÇOIS HOLLANDE) PHOTO ROBERTO

2 • 28

d’Arnaud Montebourg, tous deux che dernier. Pour François, c’est son Après le crash Par LAURE BRETTON en lice depuis l’automne ! De plus, L’ESSENTIEL chemin qui se poursuit», fait valoir a tortue a désormais un liè- quatre Français sur dix (44%) souun membre du conseil politique. de DSK, vre dans le moteur. Lancé haitent que le député de Corrèze LE CONTEXTE sur le chemin de la pri- soit président – un bond de VELLÉITÉS. «Une candidature, ça Depuis une semaine, l’affaire notre sondage maire socialiste depuis 13 points par rapport à début avril– vient de loin, ça se construit», souliDSK est venue bouleverser mois, officiellement can- et 53% des sondés pensent qu’il a gne Bruno Le Roux. «Quand on a le paysage politique français. Viavoice précise dix-huit didat depuis fin mars, François de grandes chances de battre Nicoenvie d’être président, et François le Hollande engrange les bénéfices de las Sarkozy l’an prochain. La seule pense depuis longtemps, il faut insL’ENJEU la nouvelle sa campagne de terrain. Dans notre chose qui compte, insiste son taller ses idées et sa personnalité dans DSK out, quel est le candidat sondage Viavoice, il cumule 56% équipe de campagne, c’est que le temps», ajoute le député de Seidonne pour socialiste le mieux placé pour d’opinions positives, à 4 points de- l’ancien premier secrétaire est en ne-Saint-Denis. Une pierre dans le la présidentielle ? vant Martine Aubry, 24 points de progression constante depuis jardin de Martine Aubry, qui ne la primaire Ségolène Royal janvier. pouvait faire étalage de ses velléités et à 30 points Dans un PS toujours très secoué par qui prospère sur le dos de l’ex-pa- présidentielles en vertu du «pacte socialiste. l’affaire Strauss-Kahn, il ne fau- tron du FMI. «C’est pour DSK que de non-agression» la liant à DSK et

L

drait pas apparaître comme celui

les choses ont changé depuis diman-

qui, pour l’heure, n’est

LES COTES DE POPULARITÉ avant et après l'affaire DSK

F. HOLLANDE

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SEPT

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- - MAI MAI

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M. AUBRY

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S. ROYAL

Sondage Viavoice pour Libération réalisé par téléphone du jeudi 19 au samedi 21 mai auprès d'un échantillon de 1 005 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

DÉC JANV

- - MAI MAI

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SEPT

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- - MAI MAI

POUR DES RAISONS TECHNIQUES, CETTE DOUBLE PAGE A ÉTÉ REMAQUETTÉE.

Hollande sur sa lancée, Hollandesursalancée, Aubrysursestalons Aubry sur ses talons


LUNDI 23 MAI 2011 •LEEVENEMENT 4PARU toujours pas candidate. Les sondages, François Hollande assure ne pas s’y intéresser. Mais il en parle tout le temps. «Bientôt on va me dire que c’est une calamité» d’être passé favori, rigolait-il encore la semaine dernière lors d’un déplacement à Dijon. «Ce qui compte, c’est d’arriver premier à la fin, pas d’être premier au début», ajoutait-il un peu plus tard. Mais, pour le camp Aubry, il n’y a pas péril en la demeure : la cote de la première secrétaire est également en hausse – elle gagne 6 points d’opinions positives en deux semaines, alors qu’elle n’est pas officiellement en course. «Hollande a prospéré sur l’absence de DSK et le silence de Martine», analyse un ca-

LIBÉRATION LUNDI 23 MAI29 2011

dre aubryste du PS, prédisant une inversion des courbes dès l’entrée en lice de sa championne. Même si les proches de Hollande s’en défendent, ils reconnaissent mezzo voce que le forfait de DSK change la donne, en bien, pour leur candidat.«Il est dans la position qui rassure après le choc», analyse un de ses amis. Entonné cet hiver, son plaidoyer en faveur d’un «président normal» visait Nicolas Sarkozy et lui seul, rappelle le candidat. Reste que jouer la carte de celui «qui garde ses nerfs» ne peut pas faire de mal à l’heure où on avance la théorie d’un éventuel «pétage de câbles» de DSK à New York le 14 mai. Et qu’importe si, préfigurant le match à venir,

Aubry a rappelé hier qu’elle était une «femme normale», mais qu’il fallait «un peu plus» pour être candidat à la présidentielle. Vouloir un président normal, «ça ne fait plus sourire», réplique François Hollande. «C’est la bonne position, c’est ce qu’attendent les Français», assure l’ex-chef du PS. CULTURE. Normal, soit, mais crédible ? «Si c’était un grand prix de camaraderie, ce serait Hollande, mais là, soyons sérieux deux minutes», raille un ancien ministre. Pour les hollandais, la contre-attaque est toute trouvée. «Il ne parle pas huit langues, il n’a pas fait le tour du monde, mais sa proximité répond au besoin de sécurité qu’on sent monter

chez les Français», estime un membre du staff. Poursuivant sa route – «Je ne me détermine ni par rapport aux autres ni par rapport aux circonstances»–, Hollande brode sur ses thèmes de prédilection à chaque étape de sa campagne : intervention publique forte, décentralisation, «contrat de génération» pour faire le lien entre jeunes diplômés et seniors dans les entreprises… Quid du projet du PS, qui doit être validé samedi? «Je fais le travail que j’ai à faire, je défends ce que je pense être utile», assure-t-il. Quitte à souligner les défauts du texte voté par 95% des militants, comme le manque de culture. «Il est dans le même registre que Ségolène. Il joue l’extérieur du parti»,

constate un membre de la gauche du PS. Pour lui, Hollande «aura du mal à incarner le candidat du rassemblement». Refusant de croire à une bataille de type congrès, un syndrome «tout sauf Hollande» au sein du PS, le député de Corrèze réclame une campagne «digne» et bat le rappel pour la primaire, prenant les Français à témoin. Ses deux adversaires s’appellent Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen. «Je n’en ai pas d’autres et sûrement pas les socialistes», répète-t-il dans les réunions publiques. «Je n’ai comme souci que la France», a-t-il martelé hier soir sur TF1. Et si quelqu’un doutait encore de sa détermination, Hollande a conclu : «Je veux être le candidat de la victoire.» •

Hier, devant un public plus large que ses fidèles, la candidate à la primaire a dénoncé les inégalités sociales.

A Toulouse, Royal veut oublier les sondages

Ségolène Royal et la députée socialiste Catherine Lemorton (à droite), hierdéplacement à Toulouse. PHOTO PHILIPPE La candidate à l’investiture socialiste Ségolène Royale à Toulouse, lors d’un consacré au GUIONIE. pouvoirMYOP d’achat. PHOTO PHILIPPE GUIONIE. MYOP Katia, jeune mère de famille marges de manœuvre» pour ne pas des quartiers défavorisés du laisser les gens comme Katia dans Mirail à Toulouse, qui dit ne la difficulté. Dans la foulée, quitplus s’en sortir avec ses 1300 euros tant les quartiers pour le centrede salaire, elle répond : «Blocage ville, la présidente de la région Poides prix sur 50 produits alimentaires tou-Charentes s’est engouffrée et d’entretien par les grandes surfa- dans la salle Barcelone décorée ces.» Ça, c’est pour l’«énergie». d’un immense drapeau bleu-blancPour l’«efficacité», Sérouge et s’est adressée, golène Royal laisse les REPORTAGE sûre de ses choix et de syndicalistes de Contison propos, à quelques nental Midi-Pyrénées se plaindre centaines de visiteurs, accrochée à du mauvais sort que le fabricant de un pupitre barré de la mention «La pneus fait à ses salariés, malgré ses force citoyenne». 53 millions d’euros de bénéfices Détermination. La prochaine soren 2010. Ils sont pour l’ex-candi- tie «sur le terrain» de Ségolène date socialiste de 2007, en campa- Royal sera pour Poitiers, où elle gne hier à Toulouse pour la pri- discutera Education. En attendant, maire, la preuve «qu’il y a des ce dix-septième déplacement était

A

consacré au «pouvoir d’achat». Et il n’était pas trop compliqué pour elle de se faire entendre hier au centre Alban-Minville du Mirail, mettant en parallèle les «15 milliards de bénéfices de Total» et le «prix du gas-oil qui ne cesse d’augmenter». La candidate à la candidature socialiste veut aussi montrer qu’elle sait écouter. Pas de moulinets de bras, aucun haussement de ton. Et une attention bien sentie pour Belkacem qui, à sa demande, lui annonce être «en grande section de maternelle». «Elle attrape tout!» se réjouit son entourage. La «force citoyenne» de Ségolène Royal est une détermination tranquille. Elle dit

de 9% pendant que l’économie réelle s’appauvrit. Yoplait est vendu 1,6 milliard d’euros alors que les producteurs de lait sont à la peine. Où se fait le transfert de richesse et où le travail gouvernemental?» demandet-elle simplement. Il ne faudrait s’étonner de rien, lâche Ségolène Royal, sachant que «les visiteurs du soir de l’Elysée» ne sont que banquiers et grands patrons. Aise. A gauche toute, donc. Et sur des thèmes qui touchent aux difficultés de la vie quotidienne de chacun. Parmi ceux qui l’attendent ce dimanche à 16 heures devant la salle Barcelone, il y a les ségolénistes impénitents qui saluent son «courage» et son «opiniâtreté». Et puis beaucoup de curieux venus écouter «ce qu’elle a à dire», surtout pressés de lancer un «dégage» au président sortant. «Tu me connais, dit ce vieux monsieur à cette vieille dame, Ségolène, c’est pas mon truc, mais je suis venu voir…» Idem ces trois étudiants en droit ou ce jeune papa et son marmot. Le public est un public de gauche, beaucoup plus que ségoléniste. Il est là au cas où elle serait la candidate de cette gauche. Ainsi le maire aubryste de Toulouse, Pierre Cohen, passe la saluer amicalement alors qu’elle déjeune, et c’est la députée aubryste Catherine Lemorton qui l’accueille avec des mots très chaleureux à l’heure du meeting. Hier à Toulouse, l’atmosphère dans le public ou chez les militants n’était pas à la guerre des chefs. Sé-

ne pas se soucier des livraisons du «grand business du sondage» qui la laisse derrière François Hollande et Martine Aubry. Elle s’amuse même d’une de ces études qui la classait en quatrième position derrière Manuel «Tu me connais, Ségolène, c’est pas Valls. «Tout de mon truc, mais je suis venu voir…» même, rit-elle, faut Dans le public toulousain hier rien exagérer !» Il s’agit, pour elle, de «dire aux Français qu’avec de golène Royal y semblait à son aise. l’énergie et de l’efficacité», il y a des «Aux gens qui m’interrogent sur ma solutions à tous leurs problèmes. Et candidature, dit-elle en aparté, je cela passerait d’abord par «plus de réponds que c’est eux, au final, qui en justice sociale», au contraire de Ni- décideront avec leur bulletin de vote.» colas Sarkozy qui aurait laissé les Royalement sereine. inégalités ronger le pays. «L’éconoDe notre correspondant à Toulouse mie financière, celle du CAC 40, croît GILBERT LAVAL


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FRANCE

Ladéclaration d’humourde ChiracàHollande En soutenant sur un ton blagueur le socialiste, l’ex-président provoque stupeur et rires gênés. Par SIBYLLE VINCENDON Envoyée spéciale à Sarran (Corrèze)

U

n cadeau empoisonné ? Jac- se connaissent de longue date.» «Je déques Chirac «vote François plore que cela ait pu être interprété autreHollande». Il l’a répété trois ment», a-t-il poursuivi. Et de rappeler fois samedi à comme il «l’a toujours dit» Sarran (Corrèze), en inauREPORTAGE qu’il «ne prendrait pas part gurant, dans le musée qui au débat politique et en partiporte son nom, et en compagnie de culier à celui de la campagne présidenl’intéressé, «Chine de bronze et d’or», tielle». une exposition d’art chinois. La sortie a fait un effet de petite bombe dans le RIEURS. Mais, alors que sort demain en calme week-end de la Pentecôte. librairie le deuxième tome de ses méL’ex-président a bien tenté le désamor- moires, où Jacque Chirac assaisonne Niçage dès le lendemain, en faisant savoir colas Sarkozy et loue les qualités de par un communiqué, qu’il s’agissait François Hollande (lire ci-contre), chad’une «plaisanterie». «A la suite des cun peut philosopher sur la part de vééchanges que j’ai eus avec François Hol- rité que contiennent les mots d’esprit. lande lors de la visite du musée de Sarran, Et le plus embarrassé des deux n’est pas expliquait Chirac hier, je tiens à apporter l’ancien chef de l’Etat, mais bien le canles précisions suivantes : il s’agissait didat à l’investiture socialiste d’humour corrézien entre républicains qui pour 2012.

PARU LE LUNDI 13 JUIN LIBÉRATION LUNDI 13 JUIN2011 2011

Samedi matin donc, avait lieu au musée de Sarran une visite privée de l’exposition, avant les discours et l’ouverture au public prévus pour l’après-midi. Dans le cortège figuraient Bernadette Chirac, conseillère générale du canton de Sarran, Jacques Chirac en tant que mari de Madame et donateur de la collection permanente du musée qui contient les cadeaux reçus pendant ses deux présidences. Et naturellement François Hollande, président du conseil général, principal financeur de l’ensemble. Autour des flacons de bronze du IIe millénaire avant notre ère, se rassemble la petite troupe de journalistes et de caméras, «attendant je ne sais quel événement», ironisera un peu plus tard Hollande, dans son discours d’inauguration. On lui demande si Chirac le soutient. Réponse en bois dur: «Il me soutient dans la solidarité pour la Corrèze.» Les deux auraient ensuite parlé d’art chinois. «Je ne suis pas dans un exercice d’instrumentalisation», assure François Hollande. Trop vite parlé. L’événement attendu par la presse se produit. Fin du déjeuner, tout le monde sort du restaurant du musée. Hollande s’éloigne pour téléphoner vers une haie et revient. L’ancien président, de joyeuse humeur, met les rieurs de son côté en faisant remarquer que le président du conseil général a l’air de soulager un besoin naturel. Hollande se joint aux rires: «J’ai bien pensé qu’on pouvait croire ça, monsieur le Président», admet-il. On avance vers le musée, Chirac prend chaleureusement Hollande par l’épaule. Les deux ont un échange sur la candidature à la présidentielle et là, l’ex-président, enthousiaste, se lâche: «Moi, je vote Hollande!» Le bénéficiaire du compliment fait un geste pour lui faire re-

marquer les perches de prise de son. Aucune importance, Chirac remet ça : «Je vais voter pour lui, sauf si Juppé se présente parce que j’aime bien Juppé.» Mais «si Juppé n’y va pas, alors je vote Hollande», ajoute-t-il avec un sourire entendu. PANIQUE. L’entourage panique un peu, et gourmande le gaffeur en l’attirant à l’écart. Quant à François Hollande, il démarre le déminage d’urgence. «C’est une plaisanterie! affirme-t-il à la cantonade tandis que les journalistes l’assaillent. C’est pour énerver ses amis, c’était sur le mode du sourire. Il ne faut pas voir là une déclaration.» En aparté, il concède que la situation est «cocasse». En tout cas, un rien gênante avant la primaire. Et de rappeler aux journalistes qu’il avait été «un opposant farouche» à Chirac, «ce qui n’a pas empêché qu’on se retrouve sur la laïcité ou la guerre en Irak». De toute façon, constate François Hollande, s’il voulait «instrumentaliser ou récupérer» ces propos, «ce serait le pire service [qu’il] pourrait rendre, et au livre de Jacques Chirac, et à [sa] propre candidature». Le mal étant fait, en bon président de conseil général, François Hollande en a profité pour faire un peu de retape pour le musée de son nouveau supporteur. «Puisque les grands médias nationaux sont venus, qu’au moins, ils fassent venir des visiteurs à Sarran», a lancé l’élu de Corrèze. C’est bon pour le tourisme. Et non seulement cela amuse l’ancien président, mais cela fait plaisir à son épouse, Bernadette, indéboulonnable conseillère générale du canton de Sarran et meilleure opposante au président socialiste du département, avec lequel elle s’affiche volontiers. •


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LIBÉRATION LUNDI 13 JUIN 2011

François Hollande et Jacques Chirac au musée de Sarran, samedi, en Corrèze. PHOTOS MARC CHAUMEIL. FEDEPHOTO

REPÈRES CREUSE

Sarran CORRÈZE DORDOGNE

Tulle Brive-la-Gaillarde CANTAL Beaulieusur-Dordogne LOT 20 km

«Il s’agissait d’humour corrézien entre républicains qui se connaissent de longue date. Je déplore que cela ait pu être interprété autrement.» Jacques Chirac hier

À DROITE ET À GAUCHE, RIRES ET TENSIONS

S’il vante les mérites de Hollande dans le tome 2 de ses mémoires, Chirac règle quelques comptes avec son successeur.

Pure galéjade, ou vraie provocation politique? A droite, la facétie de Jacques Chirac a provoqué un silence aussi gêné qu’assourdissant. Ce n’est pas le cas à gauche, où certains ténors socialistes ont, non sans quelques arrière­pensées, trouvé le rapprochement lourd de sens. Le président du groupe PS à l’Assemblée, Jean­Marc Ayrault, qui soutient François Hollande, a bien tenté de minimiser en y voyant «une boutade, peut­être une pique à Nicolas Sarkozy» qui «fait aussi partie du style du personnage» de Chirac, «du côté sympathique que les Français continuent d’apprécier». Mais pour le strauss­ kahnien Jean­Marie Le Guen, député de Paris «Chirac sait très bien ce qu’il faisait en disant cela. Il savait qu’il exprimait une certaine distance vis­à­vis de Nicolas Sarkozy et la disponibilité de très nombreux Français à une autre politique». «Tout le monde est bienvenu pour voter à la primaire, Jacques Chirac comme un autre», a ironisé Ségolène Royal. Autre candidat à la primaire socialiste, le député et maire d’Evry, Manuel Valls, a jugé que «la référence à Jacques Chirac» n’était «pas pour le présent, le passé et l’avenir, une référence positive». Quant à l’ex­président du FN Jean­ Marie Le Pen, toujours délicat, il estime que si ce n’est pas «une attaque déjà forte d’Alzheimer», Chirac n’a fait qu’exprimer «le fond de sa pensée». F. W.­D.

«Sarkozy ne doute de rien et surtout pas de lui-même» e soutien que Jacques Chirac apporte ostensiblement au candidat à la primaire socialiste est donc de «l’humour corrézien», a assuré hier l’ex-président de la République. Reste que dans le tome 2 de ses mémoires, intitulé le Temps présidentiel, et qui sera en librairie demain, il se montre nettement plus aimable avec François Hollande qu’avec Nicolas Sarkozy. Ainsi, quand Chirac aborde la question de la loi sur le port du voile à l’école, votée le 10 février 2004 à l’Assemblée nationale «plus largement que prévu, par 49 voix contre 36 et 31 abstentions», il insiste : «Ce consensus n’aurait pu être obtenu sans l’attitude responsable du Parti socialiste et celle, exemplaire, de son Premier secrétaire, François Hollande, qui s’est comporté ce jour-là en véritable homme d’Etat.» Interrogé dans une interview publiée samedi par le Figaro sur cet hommage inattendu, Jacques Chirac persiste et signe. «Je n’ai pas vocation à attribuer les bons ou les mauvais points à tel ou tel, répond-il. J’ai tenu à témoigner qu’à un moment important pour notre pays, où certains, à droite comme à gauche, doutaient de la nécessité de rappeler fermement les règles de la laïcité, François Hollande a fait preuve de courage, de lucidité et d’un grand sens des responsabilités. Il a su sortir des logiques partisanes pour faire le choix de l’intérêt supérieur. Ce n’est malheureusement pas si fréquent.» «Affrontement». A l’égard de son successeur, l’ancien chef de l’Etat se montre nettement moins élogieux. Il décrit Nicolas Sarkozy comme quelqu’un de «nerveux, impétueux, ne doutant de rien et surtout

L

pas de lui-même». «Ses ambitions présidentielles sont vite devenues transparentes, à peine est-il arrivé place Beauvau [siège du ministère de l’Intérieur, ndlr], quitte à paraître anticiper quelque peu sur des échéances qui n’étaient pas immédiates. Mais je me suis aussitôt refusé à entrer dans le rapport de force qu’il tentait d’établir entre nous, considérant que celui-ci ne pouvait être que destructeur pour nos institutions.» Et un peu plus loin: «J’ai feint de ne pas me sentir visé lorsque Nicolas Sarkozy a cru bon d’ironiser, lors d’un déplacement à Hongkong, sur les amateurs de combats de sumo et de dénigrer le Japon, deux de mes passions comme il ne l’ignore pas. […] Beaucoup de mes proches s’étonnent alors que je ne réagisse pas à toutes ces petites phrases provocantes décochées contre moi par un ministre en fonction qui s’exprime à sa guise, sans jamais se soucier de ménager le chef de l’Etat. Mais réagir à cela, du moins en public, ne pouvait que conduire à un affrontement auquel, je persistais à le penser, il n’eût pas été digne pour le président de la République de se prêter.» «Touché». Le plus terrible est son récit de la passation de pouvoir, le 6 mai 2007, à l’Elysée : «Chacun de nous écoute avec la plus grande attention chaque phrase, chaque mot qu’il [Sarkozy] prononce, guettant secrètement le moment où il citera sans doute le nom de celui auquel il s’apprête à succéder, ou même le remerciera du soutien qu’il lui a apporté. Mais ce moment ne viendra jamais. Pour ma part, je m’abstiens de manifester la moindre réaction. Mais au fond de moi je suis touché, et je sais désormais à quoi m’en tenir.» F.W.-D.

«C’est une plaisanterie, c’est pour énerver ses amis, c’était sur le mode du sourire.» François Hollande président du conseil général de Corrèze, samedi

En 2009, Jacques Chirac publiait le tome 1 de ses mémoires Chaque pas doit être un but. Demain sort le tome 2, (chez Nil éditions, 608 pp., 22 euros). En 2007, Chirac attend le dernier moment, le 21 mars, pour expliquer que «l’UMP ayant choisi de soutenir Nicolas Sarkozy, c’est donc tout naturelle­ ment que je lui apporterai mon vote et mon soutien». En 1981, il n’avait montré aucun enthousiasme pour soutenir Giscard d’Estaing, et le bruit a couru qu’il avait voté Mitterrand.


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Six candidats à portraits tirés PARU LE MARDI 20 SEPTEMBRE 2011

PARU LE VENDREDI 30 SEPTEMBRE 2011

PARU LE MERCREDI 5 OCTOBRE 2011

PHOTOS YANN RABANIER

PARU LE MARDI 27 SEPTEMBRE 2011

PARU LE SAMEDI 24 SEPTEMBRE 2011

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uoi ma une? Qu’est-ce qu’elle a ma une? Quelque chose qui ne va pas ? Elle ne te revient pas ?» Didier Péron pouvait ironiser le 24 septembre dans la rubrique «Regar-

der voir» : la série de photos commandée à Yann Rabanier pour illustrer les candidats à la primaire socialiste invités dans les locaux de Libération avait fait plus parler d’elle que toutes leurs déclarations et propositions réunies.

Une créature «surgie de la nuit, le regard froid, les lèvres serrées», «une apparition fantasmatique étrange», réincarnation de Batman ou cauchemar éveillé de David Lynch… Le visage en gros plan de Martine Aubry saisi au flash marque les esprits.


• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9453

MARDI 4 OCTOBRE 2011

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GUILLON CONSOLE HUBERT, SON AMI DE DROITE AFP

«IRONIQUES», PAGE 25

François Hollande invité spécial de «Libération»

«Une présidence normale, c’est une présidence morale» YANN RABANIER

INTERVIEW EXCLUSIVE PAGES 2­6

Les gros bras du métro au bout du rouleau HARCÈLEMENT Stéphane Paris, 43 ans, une gueule taillée à la serpe et des épaules de catcheur, est agent de sécurité à la RATP depuis 1998. «Je suis au bout du rouleau», nous lâche-t-il début septembre, devant son café serré, porte de Saint-Cloud à Paris. En sortant, il poste une lettre à sa direction dans

laquelle il réclame la fin de «la violence psychologique récurrente qui [le] met en péril». Quelques jours plus tard, chez lui, il avale la pharmacie. Transporté en urgence à la Pitié-Salpêtrière, il se repose depuis en psychiatrie. Stéphane est le dernier craquage en date d’une longue série parmi les agents de sé-

La PJ de Lyon droguée aux indics

Comment Borloo a jeté l’éponge présidentielle

curité de la régie parisienne. Son histoire, c’est Mehdi, son collègue du service de sécurité (SEC), qui la raconte le mieux, sans doute parce qu’elle ressemble à la sienne, celle d’un employé modèle, bien noté, et jamais en retard. Jusqu’à ce jour de septembre 2009…

Soupçonné de corruption et de détournement de drogue, le numéro 2 de la police judiciaire lyonnaise a été mis en examen hier. Le ministre de l’Intérieur évoque un «séisme».

Mystérieux jusqu’à la dernière minute, l’ancien ministre n’avait fait part de sa décision de renoncer à sa candiature à personne ou presque. Récit d’un week-end de surprise pour la famille centriste.

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IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.


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EVENEMENT

PARU LE MARDI 4 OCTOBRE LIBÉRATION MARDI 4 OCTOBRE2011 2011

François Hollande, favori des sondages pour la primaire socialiste, était hier l’invité de «Libération», où il a évoqué sa candidature, la crise et les affaires.

La bataille n’est pas gagnée d’avance» Recueilli par LIBÉRATION Retranscrit par LITTERA STÉNOTYPIE Photos SÉBASTIEN CALVET

A

près les autres candidats à la primaire socialiste des 9 et 16 octobre, Martine Aubry, Ségolène Royal, Manuel Valls et Arnaud Montebourg, et avant JeanMichel Baylet, François Hollande était hier l’invité spécial de Libération. Interview réalisée face à toute l’équipe du journal lors de la conférence de rédaction. Que pensez-vous de notre sondage qui indique que 68% des Français pensent que Sarkozy sera battu à l’élection présidentielle? Pour un journal qui avait expliqué que les sondages devraient être regardés

L'ESSENTIEL LE CONTEXTE François Hollande face à «Libé» s’explique sur sa campagne et sa démarche.

L'ENJEU Selon le candidat socialiste et favori des sondages, la présidentielle se jouera sur la «crédibilité» . avec beaucoup de précaution, c’était un risque de faire cette une ! Plus sérieusement, il y a un rejet de Nicolas Sarkozy, mais la bataille n’est pas

gagnée d’avance pour celui ou celle qui aura à l’affronter. Ce qui compte dans les élections, ce n’est pas la somme d’électeurs qui ne veulent pas voter pour vous, c’est le noyau dur qui va voter pour vous, notamment pour un premier tour d’élection présidentielle. Quel sera le socle de Nicolas Sarkozy ? Quel est le socle du Parti socialiste? Quel est le socle de Marine Le Pen ? Je rappelle que, en 2002, nous pensions gagner. En 2007, même si nous sentions que ce serait plus difficile, il y avait quand même de forts espoirs. En 2012, c’est vrai qu’il y a des conditions objectives qui laissent penser qu’une victoire est possible, comme l’impopularité, un échec, des promesses non tenues, une violence même à l’égard du président sortant, souvent de la part des électeurs

REPÈRES

Aubry, le 20 septembre.

Royal, le 24 septembre.

Seul candidat non socialiste de la primaire, Jean­Michel Baylet, 64 ans, président du Parti radical de gauche et président du conseil général du Tarn­et­Garonne, sera le prochain invité spécial de Libération.

Valls, le 27 septembre.

CALENDRIER DE LA PRIMAIRE w Demain Dernier débat sur BFM, RMC et Public Sénat à 20h30. w 9 octobre 1er tour. w 16 octobre 2e tour (si nécessaire). w 22 octobre Convention de ratifica­ tion des résultats.

Montebourg, le 30. DR

SUR LIBÉRATION.FR Regardez les vidéos et retrouvez les interviews des candidats dans notre dossier «Primaire, le PS en route vers 2012».

qui ont voté pour lui. Et, en même temps, nous sommes dans un contexte de crise, une crise qui n’est pas maîtrisée et qui peut se prolonger. Dans ce contexte, le seul argument qui restera à Nicolas Sarkozy sera: «Est-ce que l’on change de capitaine dans cette période de tempête? Prendrez-vous le risque de choisir une personne qui n’a pas toute l’expérience du capitaine ?» Vos concurrents, et notamment Martine Aubry, vous attaquent sur votre manque d’expérience… Mon expérience est longue. Je suis tout sauf un homme nouveau. J’ai été député en 1988. J’ai eu des mandats locaux importants. J’ai aussi été premier secrétaire du Parti socialiste pendant onze ans, après avoir été deux ans son porte-parole. Pendant cinq ans, j’ai été associé à toutes les décisions de Lionel Jospin, peut-être plus que beaucoup de ministres ne l’ont été dans cette période. En même temps, je ne pense pas qu’une campagne présidentielle soit sur un curriculum vitae. Une campagne présidentielle, c’est, à un moment, une confiance et une espérance. La confiance, c’est se demander si celui ou celle qui va diriger la France en a les capacités. Cela se mesure, se jauge et s’évalue durant une campagne. Ce n’est pas une proclamation. Suite page 4


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LIBÉRATION MARDI 4 OCTOBRE 2011

ÉDITORIAL Par NICOLAS DEMORAND

Engagement

Sur la terrasse du journal, hier, après le comité de rédaction du matin.

Décontracté, le député de Corrèze a imaginé hier ses premiers pas à l’Elysée.

A «Libé», un Hollande solennel L a moto-taxi de François Hollande n’a pas encore emprunté la rue Béranger qu’un staff tout présidentiel fait le pied de grue devant le journal: une sénatrice, un chauffeur, un garde du corps, un attaché de presse et Nadia, la maquilleuse, qui vient de rejoindre l’équipe. Bonne pâte et visiblement très pro : «Il est très facile à maquiller, il n’a pas de gros défauts.» Le candidat s’engouffre dans l’un des ascenseurs. «C’est le monte-charge», prévient Nicolas Demorand. «Maintenant, j’ai une lourde charge», plaisante Hollande, qui ramène tout à 2012. Aucun pain au chocolat pour lui, même mini. Juste un verre de jus d’orange et Hollande, dernier invité socialiste de la rédaction, commente la prestation de ses camarades dans Libération. «Les questions étaient bonnes, les réponses affûtées et les photos parfaites !» Justement, c’est bientôt l’heure de la mise en boîte noire – «C’est comme quand on était enfant, on commençait par la piqûre de vaccination», lâche-t-il. «Montebourg, on ne le reconnaissait pas», remarque un journaliste. «C’était peut-être une chance!» balance Hollande. Quid du maquillage, alors? «Si les autres ne l’ont pas fait, moi non plus.» «Un petit coup de propre dans

les cheveux», insiste quand même Nadia. «Vous gardez bien la raie», s’inquiète son patron. Clicclac face à la lumière blanche: «Là, ce n’est pas une photo de police, c’est Yves Montand dans l’Aveu», rigole le député de Corrèze, avant d’être passé à la question par la rédaction. Deux heures durant lesquelles l’assistance hésite entre se délecter des bons mots de «François» et

rien n’a été normal dans le rapport de Nicolas Sarkozy à l’argent, au pouvoir, aux élus. Une attitude, un sens de l’Etat: c’est là-dessus que je vais faire campagne». Hollande imagine ses premiers pas à l’Elysée: «Je pense qu’on va avoir un état de grâce, mais pas de délai de grâce. Il faudra prendre des mesures fermes, fortes et rapides», déclare-t-il sans dévoiler ses cartes. Au nom du «sérieux», il critique cer«Là, ce n’est pas une photo de police, taines propositions de Martine Aubry sur Hadopi –«2 euros par mois pour tout c’est Yves Montand dans l’Aveu.» télécharger, c’est une solution trop faFrançois Hollande après la séance photo pour la une cile»– ou sur l’augmentation du budget de la Culture, qui ne doit pas être l’alpha écouter avec une étrange solennité le candidat et l’oméga de la politique culturelle. Les augHollande, favori socialiste pour l’Elysée. «Une mentations de salaire ? Lui les obtiendra par présidentielle, à un moment, se fait sur une con- une négociation entre partenaires sociaux. fiance et une espérance», dit-il, enquillant les L’obligation pour les jeunes médecins de s’insmots-clés «sérénité», «solidité», «crédibilité» taller trois ans dans les déserts médicaux ? Il –parfaits pour un meeting et pour faire prési- préfère des mesures «incitatives». Mollesse ou dent, mais qui trouvent parfois peu de réso- pragmatisme? s’interroge la salle. Nicolas Denance dans un comité de rédaction. Le candi- morand, provoc, le dépeint en potentiel «Chidat s’adresse plus aux Français qu’aux rac de gauche inexpérimenté». Réponse du tac journalistes et aux électeurs de la primaire. Il au tac: «Un de ces mots est devenu président de est déjà dans les habits de ce «président nor- la République. Ce n’est déjà pas si mal…» mal» qu’il a théorisé, puisque «depuis cinq ans LAURE BRETTON et MATTHIEU ÉCOIFFIER

François Hollande face à l’équipe de Libération. Rencontre dans une atmosphère cordiale et étrange, le socialiste ayant retrouvé son humour mais marqué d’entrée sa volonté de se situer audessus de la mêlée. Et de ne pas polémiquer avec les autres candidats. Sans doute est-ce là le privilège de ceux qu’on présente comme les favoris d’un scrutin. Une position qui, de plus, permet à Hollande de tenir un discours politique très différent de ses compétiteurs, moins centré sur telle ou telle proposition particulière que sur le sens profond de son engagement. Sur sa perception de ce que peut et doit être un président de la République. Sur les premières mesures que la gauche au pouvoir pourrait prendre pour lutter contre la crise, corriger le fonctionnement des institutions ou faire avancer de profondes réformes de société. Bref, un discours de second tour d’élection présidentielle… alors qu’Hollande rappelle, souvenir du 21 avril 2002, que les premiers tours quels qu’ils soient peuvent se révéler meurtriers. S’il devait être le candidat socialiste, cette posture rassembleuse, aux angles soigneusement arrondis, de centre gauche pour certains, de gauche responsable, voire corrézienne, pour d’autres, suffira-t-elle à assurer une dynamique de campagne assez forte ? Des éléments de réponse surgiront nécessairement de la primaire, des scores de chacun, du rapport de force idéologique et politique qu’ils dessineront. De l’ampleur également de la participation qui reste, pour tous les candidats, la clé et l’inconnue majeure d’un scrutin inédit en France.


4 36• EVENEMENT Dire que l’on est solide ne veut rien dire. Cela se vérifie. Les peurs seront au cœur de la campagne. Pour lutter contre les peurs, il faut, et c’est tout l’enjeu de la primaire, être capable d’avoir une candidate ou un candidat qui à la fois rassure –c’est important –, réconcilie – c’est nécessaire –, rassemble – c’est indispensable – et donne à espérer, donne de la fierté. Les mots qui manquent le plus dans la situation dans laquelle nous sommes en France sont «fierté», «dignité», «considération». C’est ce que demandent d’ailleurs les Français. Je ne dis pas qu’ils ne demandent pas plus de pouvoir d’achat ou d’emplois, mais qu’ils demandent d’abord à pouvoir participer à une construction collective. Quand vous parliez d’hésitation tout à l’heure, vous pensiez à Martine Aubry? Non, je pense, par exemple, à Jacques Delors… [qui avait refusé de se présenter à la présidentielle de 1995, ndlr]. Vous n’avez pas hésité, vous? Non. Ce qui fait qu’aujourd’hui j’en suis là –je ne sais pas où d’ailleurs, on verra bien dimanche –, c’est que je me suis décidé tôt à être candidat. Et je l’ai fait après avoir essayé de comprendre la période. Et, quand je me suis mis dans la tête que je pourrais être candidat, je n’étais pas le favori. Il faut donc avoir cette persévérance. Qu’avez-vous éprouvé en regardant Dominique Strauss-Kahn à la télévision? Je m’étais préparé à être candidat à côté de Dominique Strauss-Kahn. Cette configuration, après «l’événement de New York» comme on dit, s’est déconstruite sous mes yeux. Je me suis donc mis dans une autre perspective. Je veux dire par là qu’une candidature ne se détermine pas par rapport à une autre, mais par rapport à elle-même. Ou alors elle n’a pas de réalité, de consistance. Vous vous sentiez capable de pouvoir le battre, à l’origine? Si j’ai été candidat, c’est que je pensais gagner. D’où vous vient cette confiance? Il y a cinq ans, vous n’auriez jamais dit ça? Vous savez quelles étaient les contraintes à l’époque qui pesaient sur moi : la direction d’un grand parti dans un moment très difficile, l’après-21 Avril, la reconstruction, les luttes internes, le traité constitutionnel. J’ai la conviction que, pour être candidat et regardé, il faut être libre et loyal. S’il n’y a que de la liberté, il y a une émancipation qui devient un isolement. Il faut de la loyauté à l’égard de son parti, et c’est cette conjugaison de la liberté et de la loyauté qui fait qu’à un moment une crédibilité apparaît. Et une espérance. Quand j’ai dit: «Il faut une grande espérance qu’est la jeunesse», on a souri et dit : «La jeunesse aujourd’hui, c’est une catégorie d’âge minoritaire. Il faut s’occuper des vieux.» J’ai compris, peut-être avant d’autres, qu’il faut un thème fédérateur. Parler de la jeunesse, c’est surtout parler aux plus anciens, c’est parler aux parents, à toute la société. Il faut un thème qui parle à toute la société pour gagner l’élection présidentielle. Quand j’ai parlé de la réforme fiscale, on m’a expliqué : «On ne fait pas une campagne sur les impôts, c’est risqué!» Aujourd’hui, le thème de la fiscalité est au cœur de l’affrontement droite-gauche. Suite de la page 2

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Arnaud Montebourg considère que vous traverse une crise plus politique que fiet Martine Aubry, c’est un peu bonnet nancière? blanc et blanc bonnet et que, si la gauche La crise financière se prolonge parce veut gagner en temps de crise, il faut qu’il y a une crise politique, une crise changer de logiciel… de la décision politique. Il y a dixJe comprends cette logique de rupture, huit mois, la Grèce était demandeuse de radicalité positive. Cela peut être une d’une aide européenne. Dix-huit mois tactique. Cela peut même être une sinplus tard, on envoie la Troïka – FMI, cérité, et cela l’est pour Arnaud MonteBanque centrale européenne et Combourg. Mais ce n’est pas ma stratégie mission – faire les vérifications, alors d’imaginer que la gauche va gouverner même que les 8 milliards dont la Grèce dans le contexte que l’on connaît en diavait besoin n’ont toujours pas été versant: «Entreprises du CAC40, fuyez, nous sés ! Comme le plan d’austérité grec a allons vous faire rendre gorge à la faveur été affecté par la chute de la croissance du peuple et nous allons vous faire votre et par la récession, le chiffre du déficit compte !» La relation de l’Etat avec les est supérieur à celui qui était attendu. grandes entreprises doit être celle de la Que proposez-vous contre cette crise? cohérence et de la fermeté, et en même Il faut absolument faire ratifier l’accord temps de l’intérêt national. On a quand du 21 juillet et dire à nos amis allemands même besoin d’avoir de grandes entrece que l’on fait sur la Grèce. Il y a deux prises qui investissent et préparent solutions : soit on constate un défaut, l’avenir. Et j’accepte l’idée de parler à soit on a des procédures qui permettent ceux qui ont le pouvoir économique. d’emprunter à la place de la Grèce. Or Cela signifie-t-il que, parce qu’il y a des on a fait le choix du défaut partiel, crises, parce qu’il y a un désordre euroc’est-à-dire de l’entre-deux. On va voir péen, parce que des banques sont dans combien de temps cela peut durer… Soit un état qui n’est pas florissant, parce on emprunte à la place des Grecs et on qu’il y a des risques, il faudrait céder, règle le problème (dans les jours proêtre résigné et fataliste? Sûrement pas. chains), soit on va être obligé de consQue pensez-vous du candidat du Front tater le défaut, avec toutes ses conséde gauche, Jean-Luc Mélenchon ? quences. Mais on ne peut plus rester Jean-Luc Mélenchon a été un dirigeant dans l’entre-deux. socialiste de talent. Il a quitté le Parti Faut-il continuer à imposer des mesures socialiste après mon départ comme pred’austérité, qui contribuent à enfoncer mier secrétaire, je n’en suis pas responla Grèce dans la crise? sable… Aujourd’hui, il est devenu un diL’objectif qui devrait être fixé aux Grecs, rigeant du Front de gauche, avec le ce sont des réformes structurelles, y même talent, mais sur des positions compris des réformes fiscales. Pas des qui ne sont pas les miennes et qui, objectifs de déficit public dont on sait d’ailleurs, n’étaient pas les miennes qu’ils ne pourront pas être atteints. Les quand il était au Parti socialiste. Mais je obligations ne devraient pas porter sur fais confiance à Jean-Luc Mélenchon, un chiffre de déficit, mais sur un certain et je n’ai pas de doute sur ce nombre de réformes. qu’il aura à faire au second Les peurs seront au cœur de la Comment conciliez-vous le tour de la présidentielle. Je constat que vous faites sur la campagne. Pour lutter contre les sais d’où il vient. Je sais donc faillite politique de l’Europe ce qu’il fera. Je n’ai pas de peurs, il faut, et c’est tout l’enjeu avec ce qui fait partie de votre doute sur sa présence électo- de la primaire, être capable d’avoir ADN, à savoir le projet eurorale, mais une interrogation une candidate ou un candidat qui péen? Celui-ci est-il menacé? sur sa présence au gouverneC’est parce que je suis Euroà la fois rassure –c’est important–, ment. péen que je suis désolé de François Bayrou ne tarit pas réconcilie –c’est nécessaire–, cette situation. J’avais suivi d’éloges sur vous, vous rassemble –c’est indispensable– François Mitterrand lorsqu’il rend-il service? nous avait convaincus que la et donne à espérer, donne de la Il y aura une alliance à faire fierté. Les mots qui manquent le création de l’euro conduirait avec les écologistes et avec le à une autorité politique. Cela plus dans la situation dans laquelle Front de gauche – s’ils soun’est finalement jamais haitent participer, nous ver- nous sommes en France sont venu. J’avais aussi pensé que rons bien. Après, il y a ceux “fierté”, “dignité”, le traité européen serait de qui auront été candidats au “considération”.» nature, au moins dans un premier tour et qui ne seront premier temps, à renforcer la pas qualifiés au second. Il n’y a pas de gouvernance de l’Europe. Je constate négociation à avoir. On s’adresse aux aujourd’hui son inexistence, sa faiblesse électeurs. Si le troisième, le quatrième ou son insuffisance. Soit l’Europe se déou le cinquième considère qu’entre la construit et nous aurons un retour non droite et la gauche, c’est vers la gauche pas aux nations –je suis pour l’Etat naqu’il faut aller, on ne va pas lui dire de tion –, mais au nationalisme, c’est-às’écarter. Je rappelle que François Mitdire au souverainisme dans le pire sens terrand, en 1981, n’avait écarté aucun du terme, et que nous voyons monter. concours. Soit nous sommes capables, peut-être avec moins de pays qu’aujourd’hui, de LA CRISE créer une gouvernance politique et économique qui permette à l’Europe de répondre à la vindicte des marchés. Pourquoi dites-vous qu’il faut tendre vers le «zéro déficit» en 2017? Cela vous distingue des positions d’autres candidats à la primaire, qui disent que le traité Les marchés replongent parce que la de Maastricht a fixé un plafond de 3%. Grèce a annoncé dimanche un chiffre de Si l’on est au-dessous de 3%, ce sera déjà déficit pire que ce qui était prévu. Les bien, non? ministres des Finances de la zone euro se Le premier budget de l’Etat pour 2012, retrouvaient hier. Nicolas Sarkozy et c’est le budget des charges d’intérêt, Angela Merkel doivent se rencontrer au-dessus du budget de «l’enseignejeudi. Pensez-vous que la zone euro ment scolaire» (pas celui de l’Educa-

«Que signifie partir à la retraite à 60, 62 ans, 63 ans si on n’est pas au travail?»

A la sortie de la terrasse. Ci­dessous, à la table du comité de rédaction, hier. PHOTOS SÉBASTIEN CALVET


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EVENEMENT •37 5 tion nationale). Pensons-nous que c’est une voie d’avenir? Je ne le crois pas. On va donc arriver à 3% fin 2013. Ce sera déjà très difficile. Ensuite, il faut se donner une perspective : si la croissance revient, cela doit aller vers l’équilibre. Comment concilier cela avec la création de 60000 postes dans l’Education nationale? Ma ligne est de dire qu’il faut réduire les déficits et lutter contre la dette. Cela ne veut pas dire que l’on ne va rien faire du tout ! J’ai été très surpris des réactions à ma proposition sur l’éducation. J’avais pourtant compris que l’on était tous contre les suppressions de postes ! Que l’on s’était battu contre. Il y a eu 100000 suppressions depuis 2002: des postes d’enseignants, de surveillants, d’infirmières, de psychologues, etc. Si l’on a été contre, c’est bien parce que l’on pensait qu’il était nécessaire d’avoir des postes! On ne va pas tous les recréer, on va en faire 60000 à la fin du quinquennat, 12 000 par an. Après, on me parle de 2,5 milliards d’euros… Mais les 30000 places de prisons annoncées par Nicolas Sarkozy, c’est 3 milliards d’investissement et 1 milliard en fonctionnement! C’est un vrai choix. Cela ne veut pas dire qu’il ne faut rien faire sur les prisons, car il existe un problème de dignité, de fermeture de prisons, d’alternative à la prison, mais quand même… J’ai l’impression que, ni dans votre programme ni dans celui du PS, la réduction du temps de travail soit encore une piste pour résoudre le problème du chômage, comme il a pu l’être en 1997… Avec les 35 heures, on a fait un acte important qu’il convient de préserver. Ouvrir un nouveau champ de négociations et de discussions n’est pas une demande qui nous est particulièrement adressée. Dans le contexte économique que nous connaissons, cela supposerait une compensation salariale très difficile à trouver. Pour les années à venir, cela ne me paraît pas être la revendication la plus puissante. Hélas, beaucoup de salariés travaillent moins de 35 heures, notamment des femmes, qui travaillent 25 à 30 heures avec un temps partiel subi. S’il y a une mesure à prendre, c’est pour prévenir, voire dissuader, cette forme de travail. Donc la croissance et l’activité plutôt que le partage du travail… Mon Contrat de génération est une façon de faire entrer les jeunes plus tôt sur le marché du travail avec un contrat à durée indéterminée, parce qu’il faut lutter contre la précarité et garder les seniors. On m’a posé la question sur l’âge de la retraite. Que signifie partir à 60, 62 ans, 63 ans si on n’est pas au travail ? Il y a environ 40% de taux d’emploi entre 60 et 65 ans. Mon Contrat de génération permet à l’employeur qui garde un senior le temps qu’il puisse partir à la retraire et qui embauche un jeune de moins de 25 ans avec un CDI de ne plus payer de cotisations sociales. On me dit que c’est un effet d’aubaine. Non, parce que ce sera pris sur les 25 milliards accordés aujourd’hui sans contrepartie (liés aux 35 heures d’ailleurs) aux entreprises. Cette idée ne va pas réduire le chômage, mais fluidifier et permettre à des jeunes et des seniors d’être dans l’entreprise, les seniors transmettant leur expérience aux jeunes, et les jeunes don- Suite page 6


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nant leur vitalité. On ne peut pas accepter ces deux taux de chômage, les plus importants, au début de la vie et à la fin de la vie professionnelle. Suite de la page 5

LES AFFAIRES

«Rien n’a été normal du début jusqu’à la fin de la présidence» Allez-vous, sur les affaires, adopter la même stratégie que Lionel Jospin, à savoir être très discret? Je ne laisserai pas dire que Lionel Jospin n’a pas été intraitable sur la question de la moralité publique. Il n’a pas voulu en faire un conflit dans la cohabitation, qui aurait justifié un départ de sa part. Dans tous ses actes en tant que Premier ministre, il a été d’une rigueur et d’une constance dont je peux témoigner. Je ne souhaite pas que la campagne présidentielle soit simplement sur le terrain des affaires, où le seul propos que j’aurais à prononcer, si j’étais dans le cas de figure d’être candidat, serait: «Choisissez un président honnête.» Etre un président honnête, c’est la condition, pas l’objectif. Pensez-vous que Nicolas Sarkozy est un président honnête? Pour l’instant, son entourage paraît contesté, en tout cas interpellé. Luimême ne l’a pas été. J’en reste là. S’il apparaissait que des financements, en 1995, peut-être encore en 2002, voire encore après, n’aient pas respecté les règles (c’est-à-dire les principes de la loi), ce serait extrêmement grave. Extrêmement grave rétrospectivement et extrêmement grave par rapport aux personnes qui ont pu être des intermédiaires ou des agents, voire des bénéficiaires. Ne percevez-vous pas le possible danger de favoriser le Front national en ne fai-

sant pas de la question de la morale publique un enjeu important de l’élection présidentielle? La morale publique doit faire partie de l’élection présidentielle. La morale publique, ce n’est pas simplement l’honnêteté dans les modes de financement, qui est posée par la loi. La morale publique, c’est aussi le sens de l’Etat, un comportement, une distance par rapport à des milieux d’argent. La morale publique, c’est aussi le respect à l’égard des citoyens. La morale publique, c’est enfin un mode de présidence. C’est làdessus que je vais faire campagne. J’ai été beaucoup critiqué sur l’idée d’une présidence normale, mais uniquement par ceux qui ont une conception tout à fait détournée de ce qu’est l’élection présidentielle. Rien n’a été normal du début jusqu’à la fin, des premières décisions jusqu’aux dernières. Rien n’a été

normal dans le rapport à l’argent. Rien n’a été normal dans le rapport au pouvoir. Rien n’a été normal par rapport aux élus. Rien n’a été normal par rapport à une forme d’indécence des hautes rémunérations. Donc, la présidence normale, c’est une présidence morale. De ce point de vue, on est bien au-delà des affaires. Les affaires sont ce qu’elles sont, et nous verrons quel sera leur dénouement judiciaire.

Hollande: «Etre un président honnête, c’est la condition, pas l’objectif.» PHOTO SÉBASTIEN CALVET

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

«Un début de quinquennat libyen» Face à Nicolas Sarkozy, les relations internationales seront-elles un point faible pour vous ou pas? On revient à la question de l’expérience. Nicolas Sarkozy aura comme

argument, je l’ai souvent évoqué, le fait qu’il a été président. Il dira que, pour devenir président, il faut déjà l’avoir été. Mais sa faiblesse, c’est qu’il a été président. C’est son bilan. La grande question de l’élection présidentielle est celle de la crédibilité, y compris en matière de politique étrangère. Et nous ferons l’analyse de ce qui s’est fait depuis cinq ans. Une entrée dans l’Otan sans conditions véritablement respectées et affirmées, ni contrepartie effective. Une attitude par rapport aux pays arabes qui ont connu leur émancipation tardive. Il y a eu depuis une offensive de la diplomatie française un peu plus glorieuse en Syrie. Mais sur la Libye, qui pourrait être son acte de gloire, je rappellerai que le début de son quinquennat a été un quinquennat libyen. Non pas que ce soit une mauvaise chose d’aller chercher les infirmières bulgares, mais à quel prix! Il y avait un contrat, y compris sur le nucléaire. Jean-Pierre Jouyet, qui a été secrétaire d’Etat aux Affaires européennes de Nicolas Sarkozy, ne dirait tant de mal de sa politique européenne… La présidence française de l’Europe n’est pas la partie la plus contestable de l’action internationale de Nicolas Sarkozy, même si on voit dans quel état est l’Europe. Quant à Jean-Pierre Jouyet, qui est un ami, j’ai suspendu toutes relations avec lui pendant toute la période où il était au gouvernement, et il en est parti au bout d’un an. Pourriez-vous recycler Jean-Pierre Jouyet, comme Martine Aubry vous en fait plus ou moins le procès? Il ne faut jamais faire des procès d’amitié. L’amitié est un sentiment qui, heureusement, transcende des choix qui peuvent nous avoir séparés. Il restera mon ami. Il y en a d’autres, mais celui-là m’est cher. Et je ne vais pas chercher chez les autres leurs amis… Chacun a le droit d’avoir ses amis. •

L’ex-premier secrétaire du Parti socialiste se voit déjà au second tour de la présidentielle.

La double campagne du candidat Hollande A cinq jours du premier tour de la primaire, François Hollande a déjà la tête dans la présidentielle, prêt à s’opposer à Nicolas Sarkozy et Marine Le Pen.

PS sillonne la France depuis plus de deux ans, de séminaires sur des grands thèmes (défense, environnement, éducation…) en fêtes de la Rose. A un quadrillage toujours très serré des médias, il a ajouté depuis mars les UNE PRIMAIRE HORS PROGRAMME meetings avec discours. Ils sont de plus en Le député de Corrèze a théorisé de longue plus souvent rédigés à l’avance (alors que date sa campagne: pour la primaire, «le pro- c’était jusqu’alors des «compilations de pattes gramme n’est pas l’élément déterminant» face de mouches», de son propre aveu). Hier, il a aux sympathisants de gauche. déjeuné avec une centaine de Sûr de son fait, il reste sur sa liDÉCRYPTAGE professionnels de la culture, dont gne réalo-réformiste propre à séune brochette de «people», Vinduire au centre et table sur sa crédibilité et sa cent Delerm, Denis Podalydès, Michel Boujecapacité à l’emporter face à Sarkozy plutôt nah et Jean-Michel Ribes... Juste après avoir que de dégainer des propositions. Qu’il pré- lancé, à l’adresse de Martine Aubry, que la fère garder pour la campagne présidentielle, politique culturelle ne devait «pas se réduire assurent ses proches. «Il est en roue libre sur au nombre de personnes qui vous soutiennent». deux propositions : le contrat de génération et la réforme fiscale. Ça ne fait pas une France», UNE COURSE EN TÊTE conteste un lieutenant de Martine Aubry. Dans les sondages, Hollande mène la danse Mais, pour Hollande, la primaire «va se jouer depuis la mi-juillet: 10 à 15 points devant sa sur la personnalité, l’ordre des priorités, la ca- principale rivale, Martine Aubry, à moins pacité à gagner et à présider» les Français. Sur d’une semaine du vote. Il dément ses partile terrain, ses troupes font donc de la retape sans qui claironnent qu’il pourrait gagner au pour appeler à voter les 9 et 16 octobre, mais premier tour: «A trois candidats, on pouvait; sans distribuer de tracts reprenant les propo- à six, non.» Plus la participation sera élevée, sitions hollandaises. Pour se mettre dans la plus cela sera en sa faveur, juge Hollande qui peau du candidat, l’ex-premier secrétaire du disait hier en sortant de Libération: «Norma-

lement, je devrais être en tête.» Pour le favori des sondages, creuser son avantage au premier tour est une condition sine qua non pour éviter un «Tout sauf Hollande» au second. «Les hollandais ont tellement raconté qu’ils allaient être loin devant que, s’ils n’avaient que 2 points d’avance, Aubry aurait gagné», juge carrément un proche de la maire de Lille.

QUEL PROJET POUR 2012 ? Hollande a déjà en tête un calendrier, une stratégie et une équipe pour 2012. Objectif : ne pas se laisser ballotter au gré de l’actualité ni se voir imposer les thèmes et le tempo de son adversaire. «La crise sera le décor branlant de l’élection. Mais pas le thème, j’ai pensé depuis le début que ce serait celui de la jeunesse», confie-t-il. Il veut être un «candidat qui réconcilie, qui rassemble et qui donne à espérer». Comment contrer un Nicolas Sarkozy qui se présentera en capitaine protecteur dans la tempête de la crise? «Son argument c’est que, pour être président, il faut l’avoir été. Sa faiblesse, c’est qu’il l’a déjà été», rappelle-t-il. Encore faut-il éviter les trous d’air et ne pas arriver sans ressort lorsque le candidat UMP entrera en lice. «Sarkozy viserait le mois de

mars pour une campagne rapide comme Mitterrand en 1988, mais ce sera peut-être avant, à l’instar de Chirac en février 2002», prévoit-il, soucieux du «risque d’épuisement personnel et politique» après la primaire. Après la grand-messe d’intronisation et de réconciliation, le 22 octobre, le candidat devra donc «se préserver pendant un mois jusqu’à fin novembre, début décembre». Le temps de repenser sa stratégie, de muscler son équipe et de régler l’articulation avec le PS. Pas question de reproduire les courts-circuits entre le QG du futur candidat et la rue de Solférino, comme en 2007. «Il ne faut pas avoir deux armées», insiste-t-il. Une gageure, sachant qu’Aubry a d’ores et déjà annoncé qu’elle reprendra son poste de premier secrétaire qu’elle gagne ou qu’elle perde la primaire. Lui compte sur la légitimité populaire conférée par ce scrutin inédit pour rassembler. Reste à «faire du neuf» et apparaître comme tel aux yeux de l’opinion. En guise de coup d’envoi de sa seconde campagne, Hollande a prévu de présider des états généraux de la jeunesse en présence d’associations, de mouvements d’éducation populaire et de syndicats. LAURE BRETTON et MATTHIEU ÉCOIFFIER


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LUNDI 10 OCTOBRE 2011

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w Avec plus

de deux millions de participants, la primaire a mobilisé.

La gauche gagne son élection

w Hollande (autour

de 40%) et Aubry (environ 30%) au deuxième tour. w Surprise

du scrutin, Montebourg (17%) distance Royal (7%).

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Lui ou elle?

Deuxième de la primaire avec 30,42%, Martine Aubry table sur sa fin de campagne pour rattraper son retard. Interview.

En tête du premier tour avec 39,17%, François Hollande a le soutien de Valls, Royal, Baylet et de Montebourg «à titre personnel». Interview. IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.

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EVENEMENT

PARU LE LUNDI 17 OCTOBRE LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE2011 2011

Arrivé en tête hier du second tour de la primaire, l’ancien premier secrétaire devient le candidat du Parti socialiste pour l’élection présidentielle de 2012.

Hollande, haut la main Par LAURE BRETTON et MATTHIEU ECOIFFIER

D

e François à François ? Trente et un ans après la victoire de François Mitterrand, François Hollande est depuis hier en position de succéder à l’unique président de gauche de la Ve République. Le député de Corrèze a été plébiscité hier pour être le candidat à la présidentielle de 2012. Après dépouillement de 2,26 millions de bulletins de vote, il remportait hier soir, à 22 heures, 56,37% des suffrages. Une très nette victoire sur Martine Aubry (43,63%). A 21 h 20, les deux compétiteurs sont apparus sur le perron du siège du PS, s’embrassant, s’applaudissant l’un l’autre avant de brandir les bras en signe de victoire. Offrant aux militants qui hurlaient «on va gagner !» l’image du rassemblement des socialistes, ils ont été rejoints sous les flashs des photographes par Ségolène Royal, Laurent Fabius, Pierre Moscovici et Manuel Valls. «Cette victoire me confère la force et la légitimité pour préparer le

REPÈRES

«Il est parti tôt et il a tenu jusqu’au bout sa ligne, il a montré qu’il était déterminé, solide et [il a montré] aussi sa capacité à rassembler», salue son bras droit de toujours, Stéphane Le Foll. Le candidat «normal» revient de loin. Challenger depuis juin 2009, il devient «favori de substitution», dixit lui-même, quand Dominique Strauss-Kahn se retrouve hors-jeu en mai et fait la course en tête dans les sondages tout l’été. Face au «diesel» Aubry, qui monte en puissance contre la «gauche molle», il semble un peu groggy dans la dernière ligne droite. Mais, après Manuel Valls et Jean-Michel Baylet, le soutien «strictement politique» de Royal puis celui «exclusivement personnel» d’Arnaud Montebourg renversent la dynamique. «Ces ralliements ont contribué à ce que les électeurs, même idéologiquement plus proches d’Aubry, choisissent le critère de l’efficacité pour battre Nicolas Sarkozy», juge Laurent Baumel, proche de DSK converti à Hollande. «C’est Royal qui le sauve», juge Jean-Christophe Cambadélis. Seule contre tous, avec 9 points de

retard au premier tour, Aubry a haussé le ton dans les dernières quarante-huit heures, au risque de blesser. Pour Aurélie Filippetti, députée proche de Hollande, «elle est trop clivante, elle a montré son vrai visage cette semaine. La victoire de Hollande, c’est l’effet d’une personnalité qui rassure». Les deux équipes de campagne se

PREMIER TOUR DE LA PRIMAIRE

w Demain Bureau national du PS. w 22 octobre Convention d’inves­

L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Hollande remporte la primaire avec 56,37% des suffrages.

L’ENJEU Cette large victoire rassemblera­t­elle le PS et toute la gauche pour 2012 ? grand rendez-vous de l’élection présidentielle», a déclaré Hollande. Vers 20 h 45, Martine Aubry avait reconnu sa défaite. «Je mettrai toute mon énergie et toute ma force pour que François Hollande soit dans sept mois le nouveau président de la République», a déclaré la maire de Lille, qui reprend sa fonction de première secrétaire du PS dès aujourd’hui et se dit prête à intégrer «l’équipe de France du changement». GROGGY. A 57 ans, Hollande enfile le costume du candidat à l’Elysée qu’il s’est patiemment taillé depuis qu’il a quitté la tête du PS, en 2008.

Résultats définitifs

François Hollande

Martine Aubry

Arnaud Montebourg

Ségolène Royal

Manuel Valls

Jean-Michel Baylet

Laurent Fabius, soutien de Martine Aubry, sur TF1.

«APAISEMENT». Après les embrassades, ce lundi «va être la journée de conciliabules», prédit un ténor. Et demain, le PS, toutes écuries confondues, reprendra sa vie de parti d’opposition à l’Assemblée avant de réunir son bureau national. Après les gnons, il faudra «Je mettrai toute mon énergie et un mélange «gagnanttoute ma force pour que François gagnant» pour rabibocher tout le monde. Hollande soit le nouveau «Martine doit arriver sous président de la République.» les applaudissements du vainqueur et prononcer Martine Aubry hier des paroles d’apaisesont consultées cette semaine pour ment», prescrit un aubryste. apaiser la soirée électorale du se- Ce qui a manqué à la maire de cond tour. «L’enjeu, pour nous, c’est Lille ? «Un mois de retard, c’est la victoire de la gauche en mai pro- tout», assure la sénatrice Laurence chain», confirme Christophe Borgel, Rossignol. La première secrétaire, le «Monsieur élections» de Martine qui s’est lancée fin juin, avait une Aubry. «L’heure est au rassemblement fenêtre de tir le 28 mai, après le forjoyeux», a déclaré Ségolène Royal, à fait de DSK, quand le PS a adopté à qui son ex-compagnon succède au l’unanimité son «projet 2012». A ce poste de candidat du PS à l’Elysée. moment-là, murmurait son direcJoyeux ou pas, «le mot d’ordre, c’est teur de cabinet, Jean-Marc Gerle rassemblement. Ce ne sera pas si fa- main, jeudi soir à Lille, «on aurait cile de battre M. Sarkozy», a prévenu pu, on aurait peut-être dû». •

titure du candidat socialiste à Paris. w 22 avril 2012 Premier tour de l’élection présidentielle. w 6 mai 2012 Second tour. w 10 et 17 juin 2012 Elections législatives.

56,37% C’est la part des suffrages (résultats à 22 heures) remportés par François Hollande, hier, au second tour de la primaire, con­ tre 43,63% pour Martine Aubry.


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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011

ÉDITORIAL Par NICOLAS DEMORAND

Normal

A Solférino, hier soir. PHOTO THOMAS SAMSON. AFP

Hollande devra rassembler son parti, unir la gauche et éviter tout triomphalisme.

Du marathon au saut d’obstacles ouffler ? Oui, mais pas tout de suite. cas, se méfier de ses amis, ces fidèles qui l’acFrançois Hollande, désigné hier candidat compagnent depuis toujours et ne l’ont pas du Parti socialiste pour la présidentielle lâché quand les temps étaient durs. Le candide 2012, aura sans doute besoin de prendre un dat devra les convaincre qu’ouvrir les portes peu de champ dans les semaines qui viennent, et les fenêtres de l’atelier hollandais est une après le marathon de la primaire qui s’achève nécessité. Et il devra montrer la voie pour que et avant la campagne présidentielle, les électeurs de Martine Aubry, Séla vraie, qui démarrera vraiment en ANALYSE golène Royal, Arnaud Montebourg et janvier et sera une tout autre Manuel Valls se retrouvent derrière épreuve. Mais François Hollande sait aussi lui. Car si son score de second tour est conforqu’il doit rapidement rassurer sur au moins table, les messages envoyés par les électeurs trois fronts. le 9 octobre restent valides. Tous les ténors du Victoire généreuse. Le premier défi qui at- PS devront aussi avoir en mémoire les campatend le candidat du PS est de réunir les siens. gnes perdues de 2002 et 2007, désastreuses en Dès hier soir, il a salué «la dignité» de Martine terme de coordination entre le candidat et le Aubry qui venait d’appeler au rassemblement. parti. Ségolène Royal a, de ce point de vue, Mais après des semaines de campagne cor- parlé d’or la semaine dernière. diale, les derniers jours ont été rudes, les mots Le second défi tient aux relations avec les paréchangés âpres. Ils laisseront des traces si tenaires de gauche, dans une configuration François Hollande ne prend pas les devants. inédite, avec l’installation du Front de gauche Sa capacité, tant moquée, à faire pendant dix dans le paysage. Martine Aubry a, depuis son ans des synthèses en tant que premier secré- arrivée rue de Solférino, cultivé de bonnes retaire laisse penser qu’il saura avoir la victoire lations avec les formations alliées, notamment généreuse. Il devra, comme c’est souvent le les Verts. François Hollande, lui, a toujours

S

«Il y a une dynamique incroyable, qui va changer la façon de faire de la politique, il y a un besoin des citoyens de s’exprimer, de donner leur avis. L’hyperprésidence, c’est fini.»

«Je constate ce soir qu’aujourd’hui Martine Aubry, première secrétaire du PS, est désavouée par cette élection […]. Je pense qu’il faudrait qu’elle démissionne, évidemment.»

Jean­Marc Ayrault patron des députés PS, hier

Nadine Morano (UMP) hier sur RTL

adopté sur ce sujet un discours volontariste. En fidèle des enseignements de Mitterrand, l’union est chez lui une matrice incontournable. Mais en dix ans à la tête du PS, il n’a jamais vraiment pu, ou su, passer aux actes pour modifier les équilibres d’une union que la déconfiture progressive du PCF rendait inéluctable. Entre 2000 et 2002, il a en vain cherché la bonne formule pour prolonger la gauche plurielle. Sa «gauche durable» est restée une coquille vide. S’il veut changer les contours de la gauche, il devra, là encore, s’affranchir des réflexes hégémoniques des élus PS en cas de victoire présidentielle. Temps. Le dernier défi est d’éviter tout triomphalisme. Oui, la primaire a été un succès. Oui, elle peut contribuer à donner un élan au candidat PS. Mais le temps politique file désormais à la vitesse du 2.0. Et le vrai rendez-vous avec les Français est dans six mois. Une éternité. Ce qui laisse largement le temps à la majorité, aujourd’hui éparpillée façon puzzle, de se rassembler derrière son chef. PAUL QUINIO

De manière nette et tranchée, ce sera donc lui. Lui qui portera les couleurs socialistes à la présidentielle. Lui qui désormais devient comptable, devant les Français, de la promesse d’alternance en 2012. Pour remporter cette primaire inédite, François Hollande aura bénéficié de ce mélange d’habileté, de baraka et d’intuition qui font souvent les victoires politiques. Parti le premier, considéré comme un outsider par trop… normal face à la rutilante hypothèse DSK, n’ayant jamais varié d’une ligne social-démocrate à même de définir une «rigueur de gauche», il aura finalement su organiser le débat et le faire tourner autour de lui. Proposer des synthèses tactiques quand il était débordé sur sa gauche, tout en refusant de laisser monter les enchères. Sortir relativement indemne de cette primaire, menacée dès son origine par les frasques de DSK, rendue explosive par les haines recuites des socialistes, incertaine jusqu’au bout, fait partie de ces rudes entraînements qui blindent une armure. Et permettent de préparer la suite. C’est-à-dire le plus dur. A commencer par le rassemblement de son propre camp, après les dérapages des quarante-huit dernières heures de la primaire, quand chaque camp mit bas les masques et tira à balles réelles. Le PS, qui va entrer dans une semaine de tractations entre les différents camps, devra être uni et au service du candidat désigné par les sympathisants de gauche. Sans quoi 2012 pourra être ajouté à la longue liste des présidentielles perdues depuis François Mitterrand. Ensuite, la campagne qui s’annonce change évidemment d’échelle et de nature dès lors qu’il ne s’agit plus de s’adresser uniquement à son propre camp. Mais à un pays frappé par la crise, vacciné contre les promesses et les mirages du volontarisme politique tapageur. Un pays sceptique, qui au mieux doute, mais plus certainement désespère. Auquel il faudra savoir parler et offrir des perspectives crédibles, des raisons de ne pas considérer l’avenir comme une menace, mais comme une chance. De ce point de vue, François Hollande doit élargir les horizons et trouver la voie étroite entre le réalisme, qu’il incarne depuis le début, et la capacité à entraîner. A tracer des perspectives. Il reste six mois.

SUR LIBÉRATION.FR

Suivez toute la journée le fil de l’actualité consacré à ce lendemain d’élection à la primaire socialiste: réactions, analyses, commentaires, reportages…

Revivez la folle soirée d’hier soir avec le live de Libération. Et retrouvez tous nos articles dans notre dossier Présidentielle 2012.


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PARU LE SAMEDI 22 OCTOBRE 2011

Chronique «Regarder voir» Par Gérard Lefort

Hollande entre deux

M

aintenant que François Hollande est devenu grand, il est fatal que l’on s’interroge en image sur ce qu’il fut quand il était petit. D’où cette photographie, en pied et à pied, prise le 26 mai 1981 à Paris, probablement dans le quartier de la Bourse, si on fait confiance à la raison sociale (Crédit de la Bourse) affichée sur une boutique d’angle à l’arrière-plan. Le noir et blanc, couleur officielle du passé, augmente l’effet d’archives. Ce 26 mai 1981, il y a un peu plus de trente ans, François Hollande, né le 12 août 1954, a presque 27 ans. Que se passe-t-il en France ? Seize jours auparavant, François Mitterrand a été élu président de la République. On vérifie sur ce cliché urbain que, contrairement aux incantations apocalyptiques en vogue dans les rangs de la droite déchue, ce ne sont pas des chars soviétiques qui encombrent les rues de Paris mais les habituelles voitures et camionnettes de livraison, dont, crevant l’écran, une star, l’increvable 4L. Que se passe-t-il dans la tête du jeune François? On sent qu’il ne sait pas trop où il va, mais qu’il y va d’un pas décidé. En l’occurrence, au front du casse-pipe volontaire puisqu’aux législatives de juin 1981 il a accepté d’être kamikaze en Corrèze face à Jacques Chirac (qui, de fait, l’emportera dès le premier tour). On imagine d’ailleurs la stupeur de Chirac découvrant l’identité de son jeune adversaire («François quoi? Foutage de gueule !»), puis son rire le soir des résultats dans le style verdoyant qu’on lui connaît : «Dans le cul la balayette!» Depuis, on sait que Chirac rit moins et ne se rappellerait plus où il a rangé la balayette. Sur cet instantané à la volée, on voit un rien de surprise dans le regard de François Hollande. Pourquoi moi ? Que me

François Hollande, le 26 mai 1981 à Paris, s’apprête à affronter Jacques Chirac en Corrèze pour les législatives. PHOTO MICHEL CLÉMENT. AFP

vaut l’honneur d’une photographie pour l’Agence France-Presse? On note également les lunettes cerclées de fer, bien de cette époque où celles d’Yves Mourousi règnent sur le 13 heures de TF1 pas encore privatisée. Frappe aussi le pull en V de garçon bien propre, qui moule un début de bedon (il n’est pas encore question de régime pour entrer dans le costume d’un présidentiable). Et, encore

plus pansu, le cartable dont la lourdeur évoque moins l’homme de dossiers qu’un bon élève qui ne sépare jamais de tous ses manuels scolaires. Voilà donc au bilan l’image du Hollande entre deux eaux. Plus tout à fait un débutant, pas encore un professionnel. Un entre-deux qui n’arrive pas tout à fait a en chasser un autre, nettement plus énigmatique : l’entre deux pantoufles.

Celles de l’adolescent en chaussons collectionneur de petites voitures Dinky Toys, et celles du papy en babouches armoriées et foulard dans le col de la chemise, façon Jean Piat de la politique. Jean Piat actuellement à l’affiche dans Vous avez quel âge? Jean Piat sur la scène d’un fameux théâtre parisien qui s’appelle (presque) la Comédie de l’Elysée. •


EVENEMENT • 45 5

PARU LE LUNDI OCTOBRE LIBÉRATION LUNDI 1717 OCTOBRE 2011 2011

De son enfance rouennaise à la primaire en passant par sa formation politique, la Corrèze et Solférino, retour sur l’ascension du candidat socialiste.

Hollande, l’effort tranquille «I

l faut savoir d’où l’on est et avoir le sens du parcours.» Ce 5 octobre à Rouen, quelques heures avant de rentrer à Paris pour le troisième débat télévisé de la primaire, François Hollande se confie. Il revient de Bois-Guillaume, faubourg cossu de l’agglomération rouennaise pour laquelle il garde «une affection particulière». Normal: il y est né le 12 août 1954 et y a été scolarisé jusqu’à la troisième, chez les Frères catholiques de Jean-Baptiste-de-La-Salle. Ce jour-là, «après la rencontre avec la presse, je me suis dit : “Il faut que j’aille voir la maison où j’ai passé mon enfance.” J’ai eu de la chance, la personne qui y vit m’a fait rentrer», raconte celui qui est désormais le candidat du PS à la présidentielle de 2012.

Pour moi, il n’existait que le général de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgir de nouveaux visages: Jean Lecanuet et François Mitterrand.» François Hollande A l’extérieur de la maison, tout a changé. «Il y avait des granges, il y avait des vaches et des chevaux. Il ne reste plus rien. La maison existe toujours, la même, mais dans une autre géographie.» Disparu, le champ du voisin où François jouait au foot avec son frère Philippe, de deux ans son aîné. Disparu, le poulailler expérimental inventé par son père. A l’intérieur, en revanche, les murs changent moins vite que les hommes. Ce qu’il a ressenti à 57 ans, ce 5 octobre, François Hollande le garde pour lui. Des souvenirs et des images. Celle de Nicole, sa mère assistante sociale à TRT, une entreprise d’électronique, femme vivante et aimante. Aussi lumineuse que son père, médecin ORL, était ombrageux et autoritaire. Imposant, selon Serge Raffy, son biographe, des «diktats aussi martiaux qu’incompréhensibles» à ses deux fils. Georges Hollande était fils d’instituteurs, originaires d’une famille de paysans volaillers installée près de la frontière belge, à Plouvain, un village martyr bombardé en 1917. La ferme n’y échappera pas. Ils portent le patronyme du pays que leurs ancêtres, des protes-

Avec sa compagne, Ségolène Royal, en septembre 1991 à Lorient. PHOTO ERICBEN. SIPA

tants venus de Hollande au XVIe siècle pour échapper aux bûchers de l’Inquisition, avaient pris pour se reconnaître entre eux. Les débuts du couple Hollande sont modestes. Le cabinet d’ORL est aussi le domicile conjugal, et les patients opérés des végétations récupèrent parfois dans le salon ou sur le lit des garçons. Le jeune François alterne des années scolaires chez les frères, où il est bon élève mais un peu turbulent. Un premier communiant un peu rebelle. Il lit Pif Gadget, publication communiste, en cachette. Un jour qu’il prend la défense d’un groupe de camarades pour atténuer une sanction, il se retrouve collé comme les autres. Ce sera sa première expérience de leader. Les jeudis après-midi, le petit François les passe avec Gustave, son grand-père paternel. Directeur d’école et ancien poilu, il l’initie aux ravages de la guerre et aux mots du dictionnaire. Côté maternel, on est plus chaleureux et ouvert. Son grand-père, lui aussi gazé dans les tranchées, est tailleur de métier, chante Tino Rossi et loue chaque été des maisons pour sa tribu. «Mon meilleur souvenir d’enfance, c’était les vacances avec eux. On se retrouvait avec les cousins et les cousines à Carnac, au Canadel, au Chambon-sur-Lignon et à La Franqui.» Et puis, c’est la rupture. Brutale. Son père, qui a réussi –il possède des parts dans une clinique–, est convaincu que Mai 68 est le prélude à l’invasion soviétique. Il vend tout et déménage sa famille à Neuilly-sur-Seine (Hauts-deSeine), où il se lance dans les affaires immobilières. Il s’éloigne aussi. Et quand il vide la maison familiale, il envoie à la décharge les petites voitures Dinky Toys de François et les disques de jazz de son frère. C’est la fin de l’enfance. «C’est douloureux, ces moments-là, confie François Hollande. Mon père aimait changer de domicile. C’était un nomade. Moi, je suis attaché aux lieux. Enfin, je l’étais. Maintenant, c’est moins vrai, il ne faut jamais vivre dans la nostalgie. La vie passe.»

Les racines politiques François Hollande ne vient pas d’une famille de gauche. Chez les Hollande, les hommes sont des gaullistes, des

«conservateurs modérés», jugera François Hollande. Son père admire l’avocat Tixier-Vignancour et ne cache pas ses sympathies pour l’OAS et l’Algérie française. Anticoco viscéral, il sera, en 1959 et 1965, candidat malheureux sur une liste d’extrême droite aux municipales de Rouen. C’est le goût politique des femmes de la famille qui impressionne le jeune François. L’hiver 1965, il remarque que sa mère écoute attentivement François Mitterrand lorsqu’il apparaît sur l’écran en noir et blanc du téléviseur. Sa grandmère Antoinette fait aussi partie des fans du député de la Nièvre. Premier déclic. «Pour moi, il n’existait que le général de Gaulle. Et puis, d’un coup, j’ai vu surgir de nouveaux visages: Jean Lecanuet et François Mitterrand, qui venaient de s’inviter comme opposants.» Au lycée Pasteur de Neuilly, où il rencontre Thierry Lhermitte et Christian Clavier, le jeune homme s’affiche SFIO, tendance Union de la gauche. Reçu à Sciences-Po, il milite pour l’Unef-Renouveau, proche du PCF. En 1972, il a 18 ans et assiste, Porte de Versailles, à un grand meeting de Mitterrand. Le voilà emporté par la geste tribunitienne de celui qui soulève son auditoire par ses évocations des hauts fourneaux et du Front populaire. Mitterrand sera son candidat. Tant pis pour Rocard, qu’il juge idéologiquement moderne, mais stratégiquement naïf. «Je n’étais pris ni par la phraséologie révolutionnaire qui avait cours à l’époque ni par le conformisme qui reconduisait la droite pour toujours au pouvoir.» Hollande n’est pas PCF, mais c’est une tête. La même année, en 1975, il est diplômé de Sciences-Po, de droit et d’HEC. Réformé pour cause de myopie sévère, il se bat pour être réintégré dans l’armée. A l’ENA, il côtoie Dominique de Villepin, se lie d’amitié avec Michel Sapin, Jean-Pierre Jouyet et Jean-Maurice Ripert. Et séduit Ségolène Royal. Il propose au PS, en vain, de créer une section du parti au sein de l’école. «François a une capacité d’entraînement que je lui ai toujours connue. Lorsqu’on était à l’armée ou quand on a créé le comité d’action pour une réforme de l’ENA, il s’est retrouvé naturellement leader. Pas par autoritarisme, mais parce que le charme de son intelligence donne envie de le suivre», témoigne Michel Sapin.

Les premiers pas Sorti huitième de la promotion Voltaire de l’ENA, François Hollande choisit la Cour des comptes. Il veut se dégager du temps pour sa vocation, la politique. Avec Royal, il rencontre à l’automne 1980 Jacques Attali, chargé par François Mitterrand de monter une cellule secrète d’experts pour sa future campagne. «Nous faisions des notes, préparions des argumentaires. Nous ne savions pas très bien ce que François Mitterrand en faisait.» Aux législatives de 1981, Jacques Delors refuse d’être candidat dans sa fédération de Corrèze. Hollande y est parachuté. Il réussit à évincer le rocardien local pour obtenir l’investiture du PS, mais se heurte au clientélisme chiraquien. Mitterrand élu, Hollande devient un collaborateur de Jean-Louis Bianco, conseiller politique du Président. «Attali m’a dit : “On va être une petite équipe de quatre, avec Pierre Morel, le grand diplomate, et deux jeunes qui sont formidables, François Hollande et Ségolène Royal”, raconte Bianco. On était au 2, rue de l’Elysée, dans deux bureaux dont on laissait les portes ouvertes. C’était heureux et inventif. On recevait plein de gens parfois un peu givrés mais plein d’idées.» Bianco se souvient que Hollande se focalisait sur l’économie, avec des idées qu’on retrouve aujourd’hui au PS, mais qui n’étaient guère en vogue à l’époque. Selon Serge Raffy, Hollande se voit aussi confier la mission de viser les comptes de l’association France Libertés de Danielle Mitterrand, puis de SOS Racisme. Et celle, plus délicate, de contenir l’écrivain Jean-Edern Hallier, qui menace de dévoiler l’existence de Mazarine, la fille cachée du Président. En 1983, les indicateurs économiques virent au rouge, le gouvernement Mauroy est impopulaire. Pour redresser l’image de la gauche et faire passer la rigueur, Mitterrand nomme l’historien Max Gallo porte-parole du gouvernement. Hollande quitte l’Elysée pour devenir son directeur de cabinet. Il pousse notamment son patron à alerter l’Elysée sur la déferlante qui se prépare contre la loi Savary et pour «l’école libre». Mais trop tard. C’est aussi à cette époque que François Hollande se constitue un solide carnet d’adresses parmi Suite page 6


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PARU LE LUNDI 17 OCTOBRE LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE2011 2011

En campagne pour les européennes, le 23 avril 1999, à Avignon. PHOTO BERNARD BISSON. SYGMA. CORBIS les journalistes, notamment de Libération. Il est une source vivante, précise et précieuse pour les chroniqueurs du Palais. En 1984, lorsque Laurent Fabius devient, à 38 ans, le plus jeune Premier ministre de la Ve République, François Hollande suit Max Gallo au Matin de Paris. Le voilà «éditorialiste économique». Sans carte de presse, mais aux côtés d’Alexandre Adler ou de Christine Bravo… Suite de la page 5

Delors pour sortir de l’ombre En 1984, François Hollande a 30 ans. Ségolène Royal vient de donner naissance à leur premier fils, Thomas. Mais il reste un techno, toujours pas élu en Corrèze, pas encore dirigeant socialiste de premier plan. Il ne roule ni pour Rocard ni pour Jospin et encore moins pour Fabius. Lors d’un dîner à quatre avec l’avocat JeanPierre Mignard, le député du Morbihan Jean-Yves Le Drian et Jean-Michel Gaillard, un ami conseiller auprès d’Hubert

[Hollande] était mitterrandiste pour la stratégie de conquête du pouvoir, tout en étant sensible à beaucoup d’idées de Rocard. Il pensait que Delors était l’homme qui pouvait […] aller vers la troisième gauche.» Jean­Pierre Mignard Védrine, ils inventent les «transcourants». Objectif: «Dépasser la vieille dichotomie entre mitterrandiens et rocardiens», rappelle Michel Sapin. Jean-Louis Bianco les soutient. Ils publient une tribune dans le Monde en décembre 1984, «Pour être modernes, soyons démocrates» et, un an plus tard, un livre, La gauche bouge. De quoi sortir de l’ombre et s’attirer les foudres de Lionel Jospin, qui convoque les transcourants rue de Solférino : «Mon club, c’est le parti.» Pour tenir face aux éléphants, il leur faut un poids lourd. JeanPierre Jouyet suggère le nom de Jacques Delors, qui vient d’être désigné président de la Commission européenne et dont il est le directeur de cabinet. Le 22 août 1985, ce dernier accepte de devenir la figure de ce mouvement, dont le nom, Démocratie 2000, est tout

Le premier secrétaire avec Lionel Jospin, en 2001 à La Rochelle. DANIEL JOUBERT. REUTERS

un programme… «François Hollande est très politique. Il était mitterrandiste pour la stratégie de conquête du pouvoir, tout en étant sensible à beaucoup d’idées de Rocard. Il pensait que Delors était l’homme qui pouvait dépasser ce clivage entre la première et la deuxième gauche pour aller vers la troisième gauche», relate Jean-Pierre Mignard. Martine Aubry, la fille de Jacques Delors, rejoint un court temps l’aventure. Mais elle n’aurait pas supporté que Hollande, élu en 1988 député sur les terres corréziennes de son père, soit très vite présenté comme le fils spirituel du président de la Commission européenne. «Peut-être que Martine a estimé qu’il y avait une opération de captation de son père au profit de quelques-uns. Le malentendu est né de ces deux sincérités», analyse encore Mignard. Le pari de François Hollande est politique. Il le perd en quelques minutes en décembre 1994, lorsque Delors renonce à se présenter à la présidentielle sur le plateau de 7 sur 7.

La Corrèze et Chirac Hollande-Chirac… Depuis trente ans, ces deux-là se sont beaucoup reniflés, affrontés et sans aucun doute respectés. Dès 1981, le jeune socialiste s’en va défier le patron du RPR sur ses terres corréziennes aux législatives. Il prend une veste, 26%, tandis que son adversaire est élu dès le premier tour. Mais le petit conseiller de François Mitterrand va s’accrocher à ce département. En 1983, Hollande décroche son premier mandat à Ussel comme simple conseiller municipal. Cinq ans plus tard, il change de circonscription et remporte un siège de député. Début d’un partage du territoire avec Chirac. Au gré des résultats de la gauche au plan national, Hollande perd (1993) puis reconquiert (1997) son fauteuil à l’Assemblée nationale. Sa prise de la mairie de Tulle en 2001 marque le véritable début de sa conquête du département. La Corrèze vient de se trouver un nouveau champion, même si la popularité du président Chirac reste ici intacte. Les deux hommes se croisent chaque année en janvier, aux traditionnels vœux du chef de l’Etat à ses chers Corréziens. La scène est immuable. Dans un gymnase sur les hauteurs de Tulle,

le chef de l’Etat discourt avec Hollande à ses côtés. A chaque fin de discours, le socialiste applaudit par politesse quelques secondes. Puis, pendant que Chirac s’en va serrer des mains, celui qui est alors patron du PS et donc opposant en chef au président de la République passe à la moulinette devant les micros toute la politique du gouvernement. Ce qui n’empêche pas les fans du couple Chirac de venir le saluer chaleureusement. Chacun sait ici qu’il entretient les meilleures relations avec la conseillère générale Bernadette Chirac. L’Elysée, de son côté, ne se montre jamais chiche avec la ville de Tulle et la circonscription législative de son édile. En 2008, Hollande est élu président du conseil général. Son emprise sur la Corrèze devient totale. Seule Bernadette résiste dans son canton, où Hollande ne cherche pas vraiment à la faire battre. Avec l’âge, le vieux fond rad-soc de Chirac, qui a quitté l’Elysée, finit par ressortir. Jusqu’à cette fameuse visite d’une exposition d’art chinois à Sarran, en juin 2011, où l’ancien président déclare : «Je voterai Hollande [en 2012].» Fureur de Sarkozy, qui contraindra la famille Chirac à venir lui présenter des excuses à l’Elysée en expliquant que «Jacques n’a plus toute sa tête». Mais politiquement, le mal est fait. Hollande s’en tire par une pirouette en expliquant qu’il s’agissait d’une plaisanterie. Mais il sait désormais que toute une frange de la droite centriste, rurale et cocardière peut se reporter sur lui.

Le premier secrétaire Hollande l’avoue lui-même : «Je suis devenu premier secrétaire sans vraiment l’avoir recherché.» Il le restera plus de onze ans. Un record de longévité le classant juste derrière Mitterrand. Ou comment l’ancien transcourant, petit à petit et aidé par les statuts du PS qui l’obligent à composer en permanence avec les rapports de force internes, devient un homme de parti et un expert hors pair des courants et souscourants du PS. Il passe maître, congrès après congrès, dans l’art de la synthèse. «Molle», comme disent rapidement ses détracteurs. Bureau national après bureau national, il devient aussi expert dans l’art du compromis. Le fes-

tival des sobriquets commence. De «fraise des bois» (sous laquelle ne peut sommeiller un éléphant) à «Flanby»… Lui n’en a cure. Il répète inlassablement : «Ma cohérence, c’est l’unité des socialistes.» Au nom de cette cohérence-là, François Hollande premier secrétaire est également celui qui, jour après jour, semaine après semaine, mois après mois, année après année, avale les kilomètres, tisse sa toile dans le parti, mais sillonne aussi la France. Pour honorer une Fête de la rose, soutenir un candidat là le matin, un autre ici le soir, ou pour rentrer à Tulle. Ces déplacements, François Hollande les effectue en voiture, les pieds parfois au-dessus de la boîte à gants. Les journaux –à commencer par l’Equipe– sont toujours à portée de main. Et le sommeil jamais très loin. Entre 1997 et 2002, le premier secrétaire joue parfaitement son rôle de porte-parole de l’action gouvernementale et de copilote de la gauche plurielle. Il est associé à tous les grands projets de la dream team de Jospin, qu’il voit deux fois par semaine, le mardi matin lors du petit-déjeuner de la majorité et le mercredi en tête à tête : Pacs, 35 heures, CMU, emplois-jeunes… Il a alors les pleins pouvoirs sur le parti, mais pas l’autorité. Et, au lieu de faire table rase du passé, il réintègre dans les instances les anciens ministres, qui n’auront alors de cesse de lui contester son leadership. Derrière l’homme du consensus, plus accaparé par les alliances internes que le travail programmatique, se profile un général en chef électoral quand les victoires sont là, un apparatchik enfermé dans des querelles qui lassent les Français quand l’ambiance vire à l’aigre. Porté par une série de succès éclatants (régionales et européennes), il est élu homme politique de l’année fin 2004. Tout lui sourit alors. Il fait voter le PS sur la Constitution européenne: 60% de «oui» en décembre 2004. Sur son nuage –il pose en mars 2005 à la une de Paris Match en alter ego de Nicolas Sarkozy–, il ne voit pas venir le «non» du 29 mai, qui brisera net son ascension. François Hollande récupère le parti en lambeaux, divisé comme jamais sur un sujet, l’Europe, constitutif de l’ADN hollandais. Hollande raccommode à nouveau le PS au congrès du Mans: «Sinon, on partait


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LIBÉRATION LUNDI 17 OCTOBRE 2011

A Tulle, en Corrèze, avec le couple présidentiel, en janvier 2004. PATRICK KOVARIK. AFP à la présidentielle avec un parti coupé en deux. J’ai décidé de me sacrifier dans l’intérêt du parti.» Sa compagne, Ségolène Royal, s’engouffre dans la faille et marche sur la présidentielle. «Personne alors ne s’est levé pour lui dire “François, fais ton devoir”», déplore aujourd’hui un de ses alliés. Et surtout pas Lionel Jospin, qui rêve alors secrètement de retour. «L’un attendait d’être appelé par l’autre. Et l’autre d’être adoubé par l’un», résume Bernard Poignant, l’actuel maire de Quimper, soutien de Hollande et proche de Jospin. Résultat, Ségolène Royal s’est imposée aux deux. Mais plusieurs témoins l’assurent: «Jospin, à ce moment-là, en a voulu à François.»

Ses relations avec Jospin En 1997, quand Jospin passe de Solférino à Matignon, il laisse les clés du PS à son ancien porte-parole. «Il cherchait quelqu’un de confiance, se souvient Manuel Valls. Car même si les deux hommes ne sont pas faits du même bois, Hollande, grâce à son «agilité politique», a séduit l’ancien ministre de l’Education de Mitterrand. «Jospin avait aussi repéré cette faculté qu’avait Hollande à parler sur les radios, avec cette pointe d’humour et de cruauté qu’il sait avoir», se souvient Bernard Poignant. Une relation de confiance en tout cas est née, même si l’humour hollandais agace parfois l’austère, qui ne se marre pas toujours de ses facéties… Arrive le 21 avril 2002. Un traumatisme pour tout le monde. François Hollande se reprochera d’avoir craint le pire et de ne pas l’avoir dit. Ou pas assez tôt. Pas assez fort. Premier secrétaire, il aurait pu peser davantage pour remettre la campagne sur les rails. «Peut-être Jospin aurait-il dû nommer Hollande directeur de campagne», soupire un jospiniste en repensant à la cacophonie qui régnait à l’Atelier. «François m’a confié récemment qu’il ne s’était jamais engueulé avec Jospin, confie un proche. Peut-être aurait-ce été mieux s’il l’avait fait…»

François, Ségolène et Valérie C’est au soir de la législative ratée dans la foulée de l’échec à la présidentielle de Ségolène Royal en 2007 que la nou-

velle tombe. Via une dépêche AFP, la candidate défaite annonce qu’entre elle et lui, c’est fini. «J’ai demandé à François de quitter le domicile… Je lui ai rendu sa liberté… Je lui souhaite d’être heureux.» La phrase est reprise, commentée sur tous les plateaux télé de la soirée électorale. Beaucoup d’électeurs de gauche ont le sentiment désagréable d’avoir été pris en otage par les problèmes de couple entre l’ex-candidate à la présidentielle et son compagnon premier secrétaire du PS. Lequel, d’une nature réservée, voit sa vie privée surexposée sur la scène nationale. Après trente ans de vie commune, quatre enfants et une ascension publique ininterrompue, la PME politico-familiale licencie le patron. En fait, François Hollande est déjà parti. Pendant l’été 2005, sa relation avec Valérie Trierweiler, journaliste politique à Paris Match et Direct 8, a pris un tour plus personnel. Les deux se connaissent depuis longtemps, la quadragénaire à la chevelure de feu apprécie l’humour toxique et l’attention pour autrui du patron du PS. Ils sont tombés amoureux. A en croire Serge Raffy, si François a laissé Ségolène lui damer le pion en 2006, c’est en partie parce qu’il avait la tête ailleurs. «La plupart des proches utilisent une formule sibylline pour expliquer ce flottement: “Il était diverti.”» Le désormais candidat et la journaliste habitent dans le XVe arrondissement, près du parc André-Citroën. «Un appart moderne, spacieux mais pas grand. Avec une terrasse petite et sans vue sur la Seine», précise l’entourage de Hollande. «Il y a eu des vies communes qui ne le sont plus. La politique emporte tout», disait François Hollande avant le premier tour dans Libération à propos de la concurrence inédite avec Ségolène Royal. Une situation «pas ordinaire», reconnaissait la semaine dernière l’excandidate, défaite au premier tour, venue sur France 2 apporter son soutien à François Hollande. «Mais je ne peux pas renier ma vie, avouez d’ailleurs que le bilan de ce couple n’est pas si mauvais que ça, avec quatre enfants et deux candidats présidentiels. […] Je fais la différence entre le corps privé et le corps public. Aujourd’hui, c’est le corps public qui parle.» La politique, décidément, emporte tout.

A Paris, le 12 juillet, Hollande officialise sa candidature à la primaire socialiste. JEAN­MICHEL SICOT

La mue «Je m’y suis préparé.» Tel est le mantra de François Hollande, la phrase qu’il répète comme un sportif de haut niveau suit un programme d’entraînement en dix étapes. Etre candidat à l’Elysée puis exercer la fonction de président de la République –«normal»–, il s’y prépare «physiquement, mentalement et politiquement» depuis longtemps, dit-il. Depuis Lorient et le lancement de son pacte redistributif en 2009. En fait, la mue de l’ex-premier secrétaire en futur candidat socialiste a commencé en 2008. Selon Michel Sapin, «le moment où il crée les conditions pour être président, c’est lorsqu’il décide

Quand t’as plus de boulot, que ta femme a été candidate, que tes amis t’ont lâché et que ta mère meurt, il y a un moment où il ne reste plus rien. Il a montré une capacité psychologique à faire face seul. C’est là que je l’ai vu en homme d’Etat.» Un proche de François Hollande de quitter la tête du PS et de ne pas présenter sa motion au congrès de Reims.» Eloigné des bisbilles qui culminent avec l’affrontement entre Martine Aubry et Ségolène Royal, le député de Corrèze quitte sa peau de premier secrétaire des synthèses molles. Il change d’image dans l’opinion. Celui qu’Arnaud Montebourg qualifiait de «Flanby» maigrit. Fini les fondants au chocolat et les frites. François Hollande perd entre «huit et douze kilos», selon sa capacité à résister aux tartelettes lors des Fêtes de la rose qu’il sillonne depuis deux ans. Un opticien de l’Odéon lui pose des lunettes sans montures sur le nez. Sa silhouette plus affûtée lui confère paradoxalement une gravité nouvelle. La sénatrice PS Frédérique Espagnac, qui fut longtemps sa collaboratrice, précise que «François n’a pas maigri pour montrer un changement. C’est parce qu’il a fait le travail de se confronter à lui-même qu’il a réussi. Pendant des années, on lui a dit : “Ne bouffe pas de gâteaux au chocolat” et ça ne servait à rien !»

Le Hollande 2.0 a aussi mis un bémol à son humour pour se sortir de la caricature de «monsieur petites blagues». C’est également parce qu’il a pris du plomb dans l’aile. Lorsque Lepoint.fr lui demande pendant la campagne quel est son plus grand regret, il répond: ne pas avoir pu être au côté de sa mère lorsqu’elle est morte. Nicole Hollande, qui l’adorait et qu’il adorait. Octogénaire, elle avait pris la carte du PS en 2005 pour le soutenir et croyait en son ambition présidentielle. Son décès, en 2009, intervient après la séparation d’avec Ségolène Royal et son départ de la rue de Solférino. «Quand t’as plus de boulot, que ta femme a été candidate, que tes amis t’ont lâché et que ta mère meurt, il y a un moment où il ne reste plus rien. Il a montré une capacité psychologique à faire face seul. C’est là que je l’ai vu en homme d’Etat», raconte un proche. Michel Sapin, son vieux pote depuis l’ENA et le service militaire, confirme: «Sa personnalité, sa sensibilité d’aujourd’hui sont celles qu’il avait il y a dix, vingt ou trente ans. Mais dans un itinéraire, il y a des choses qui changent un homme dans sa relation aux autres. François déteste faire de la peine, du mal. Il sait désormais qu’arrivé à un certain niveau, cette question ne se pose plus. Il faut faire ce qu’il y a à faire. Et là-dessus, il a changé.» Comme le déclarait un patron de PME après l’avoir écouté à la foire de Châlons-en-Champagne, François Hollande aurait donc «la moelle» pour l’Elysée. Il lui reste désormais à en convaincre les Français. «Il faut que tu parles aux Français et que tu leur parles de la France, lui conseille Bernard Poignant. Un président, ce n’est pas un Premier ministre. Il doit montrer qu’il a écouté les Français, qu’il connaît bien leurs problèmes et peut les résoudre, mais aussi et surtout qu’il a embrassé leur histoire et leur géographie.» MATTHIEU ÉCOIFFIER, LAURE BRETTON, ANTOINE GUIRAL et PAUL QUINIO

Sources: «François Hollande, itinéraire secret», de Serge Raffy, éd. Fayard, 2011; «le Figaro» du 25 août 2010; «Droit d’inventaires», entretiens avec Pierre Favier, éd. du Seuil, 2009; «PS, les coulisses d’un jeu de massacre», de Nicolas Barotte et Sandrine Rigaud, éd. Plon, 2008; «Devoirs de vérité», dialogue avec Edwy Plenel, de François Hollande, éd. Stock, 2006.


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La campagne Fin prêt? Par Robert Maggiori

M

idlothian, ou Meadhan Lodainn, est l’une des 32 divisions administratives de l’Ecosse. C’était auparavant un comté qu’on situe vaguement entre le Lanarkshire, le Peeblesshire et le Berwickshire. De 1708 à 1918, le comté fut une circonscription électorale: elle devint célèbre en 1880, car, là, s’inventa une chose inouïe. Jusqu’alors, on parlait de propagande. Mais en un sens religieux – d’ailleurs apparu tardivement, très exactement en 1622, quand le pape Clément VIII créa la Congregatio de propaganda fide, dont la mission était de reconquérir les fidèles tentés par la Réforme protestante. En des temps plus anciens, propagare renvoyait au geste du semeur, dont l’habileté était de faire que les graines se répandent régulièrement et occupent tous les sillons, «se propagent», ou aux armées en guerre, qui elles aussi devaient «se déverser» sur les terres ennemies. Les Lumières inscriront le mot et la chose dans le registre «culturel», pour signifier que sous l’égide de la Raison devaient être diffusés les enseignements de la science et de la philosophie. Plus politique fut l’acception que lui donna la Révolution: la Convention girondine créa un Bureau d’esprit public, qui devait… agir sur la presse, et, par là, lutter contre l’«ignorance du peuple»,

forger le «caractère du citoyen». Puis la propagande… se propagea partout, comme activité vouée à la diffusion de concepts, de théories, de positions idéologiques, politiques, sociales, religieuses, morales, militaires, commerciales – jusqu’à devenir technique de persuasion occulte et ruiner sa propre «réputation», en n’évoquant plus que des informations peu crédibles, orientées, machiavéliquement diffusées à des fins douteuses. Mais la propagande proprement électorale, qu’elle se nomme ou non ainsi, existe depuis toujours, par affiches, tracts, comices… Dans les villes et les villages, les gens préparaient leurs chaises sur la place et attendaient que les candidats viennent tout à tour sur l’estrade et, enflammés, exposent leurs projets. William Ewart Gladstone, leader du Parti Libéral, devint Premier ministre en 1868, et dirigea le gouvernement anglais le plus réformateur du XIXe siècle. Mais, en 1874, il fut battu par Benjamin Disraeli. Six ans plus tard, il récupéra le pouvoir, en changeant radicalement les modes de propagande, en la rendant capillaire, étendue sur tout le territoire: de façon suivie, systématique, il battit la campagne, alla de hameau en hameau, de maison en maison, fit partout des discours, parfois de cinq heures, très «ciblés», avec des parties adressées spécifiquement à chaque population. Ce fut «la campagne de Midlo-

thian», ou l’invention de la «campagne électorale». François Hollande en a fait beaucoup, des campagnes –comme militant, premier secrétaire du Parti socialiste ou candidat à une élection. Il a utilisé tous les moyens de la propagande, des plus ancestraux aux plus up to date. Mais, pour conquérir l’Elysée, il n’a pas fait un happening «à la Gladstone» qui, lui, avait déjà une aura et ne devait que convaincre du bien-fondé de ses réformes. Plus qu’à une campagne programmatique, il s’est livré, pourrait-on dire, à une campagne «existentielle», ou à ce que Michel Foucault appelait un exercice d’«esthétique de l’existence», au «souci de soi», par lequel on se dégage de «la contingence qui nous a fait être ce que nous sommes» et on se prend soi-même comme objet d’élaboration. Aussi, de la mitterrandienne et collective «Force tranquille», Hollande est-il passé à un particulier «homme normal», tranquille en effet, assez débonnaire, et a entrepris la transformation de luimême. «Tout, dans ma vie, m’a préparé à cette échéance», lançait-il à la foule rassemblée au Bourget. L’heure venue, il fallait être prêt, avoir tué le bureaucrate gris, l’homme des couloirs et des motions, le représentant d’une «gauche molle», avoir gagné en hauteur et prestance ce dont on manquait en charisme et prestige. Il l’était, prêt, Monsieur le Président. •


• 1,40 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9482

LUNDI 7 NOVEMBRE 2011

WWW.LIBERATION.FR

«LA GUERRE SANS L’AIMER», BHL AU CŒUR DU CONFLIT LIBYEN ROBERTO FRANKENBERG

ENTRETIEN EXCLUSIF, PAGES 10­11

François Hollande donne

ROBERTO FRANKENBERG

dans «Libération» François Hollande ses solutions à la donne crise dans alors «Libération» que le gouvernement ses solutions à la crise annonce aujourd’hui alors que le gouvernement un nouveau plan annonce aujourd’hui d’austérité. INTERVIEW, PAGES 2­5 un nouveau plan d’austérité. INTERVIEW, PAGES 2­5

«Je ne suis pas «Jenesuispas un contre-président, uncontre-président, je suis le prochain» jesuisleprochain» DAVID

GROSSMAN

PRIX MÉDICIS ÉTRANGER roman

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,10 €, Andorre 1,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,50 €, Canada 4,50 $, Danemark 25 Kr, DOM 2,20 €, Espagne 2,10 €, Etats­Unis 4,50 $, Finlande 2,40 €, Grande­Bretagne 1,60 £, Grèce 2,50 €, Irlande 2,25 €, Israël 18 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,50 €, Maroc 15 Dh, Norvège 25 Kr, Pays­Bas 2,10 €, Portugal (cont.) 2,20 €, Slovénie 2,50 €, Suède 22 Kr, Suisse 3 FS, TOM 400 CFP, Tunisie 2 DT, Zone CFA 1 800 CFA.


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EVENEMENT

PARU LE LUNDI 7 NOVEMBRE LIBÉRATION LUNDI 7 NOVEMBRE2011 2011

ÉDITORIAL Par SYLVAIN BOURMEAU

Shadow Laisser du temps au temps. Est-ce sous l’emprise du célèbre et lénifiant adage mitterrandien que s’amorce la campagne de François Hollande ? Le désormais officiel candidat socialiste s’imagine-t-il prendre ainsi par avance la pose présidentielle, un peu comme il le fit lors de la primaire citoyenne, laissant, sans bouger, le soin des initiatives à ses adversaires ? Au vu de la séquence politique qui s’achève, rien n’interdit de le supposer. Ou plutôt de le craindre tant, face à Nicolas Sarkozy, une telle stratégie conduirait à coup sûr la gauche vers son quatrième échec consécutif. D’ici l’élection, le calendrier offrira assez peu d’occasions internationales aussi fortes que la tenue d’un G20 en France. François Hollande aurait pu en profiter pour tenter de compenser son plus grand handicap, son manque d’expérience internationale. Il aurait, par exemple, pu cosigner la tribune sur la taxation des transactions financières publiée par le leader du SPD, Sigmar Gabriel, celui des sociauxdémocrates suédois, Hakan Juholt, et le travailliste Ed Miliband qui, lui, assume avec vigueur son rôle de shadow Premier ministre (détournant habilement jusqu’au siège de son parti la visite européenne d’un invité cannois de marque, Bill Gates). Il aurait pu, dans la foulée, rejoindre de nouveau Sigmar Gabriel, à Rome cette fois, pour la grande manifestation anti-Berlusconi. Las, comme pour une cantonale, il a préféré sillonner les travées de la Foire du livre de Brive. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy retirait les dividendes personnels du sommet, prouvant une nouvelle fois qu’il était déjà beaucoup plus candidat que son challenger. Lequel n’en devient pas pour autant un virtuel président.

François Hollande, hier à Paris. «Je n’aurais pas imposé aux Grecs un plan d’austérité tel qu’il n’a obtenu aucun des résultats escomptés.»

REPÈRES

LES RECETTES DE L'ÉTAT

LA DETTE PUBLIQUE FRANÇAISE en % du PIB

en milliards d'euros

Taxe intérieure Autres sur produits 17,6 pétroliers

14

Source : Insee

58,4 136,9

TVA

Impôt sur le revenu

46,2 Impôt

sur les sociétés

6-8

c’est, en milliards d’euros, le montant du nouveau plan de rigueur français présenté ce matin par le gouvernement.

«[Le Premier ministre] va dire que notre objectif est un retour à l’équilibre budgétaire en 2016.» Valérie Pécresse ministre du Budget, hier


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LIBÉRATION LUNDI 7 NOVEMBRE 2011

Plan d’austérité, G20, chaos grec, zone euro qui tangue… les premières semaines de François Hollande dans ses habits officiels de candidat ont été bousculées par la crise:

Je veux donner du sens à la rigueur» Recueilli par GRÉGOIRE BISEAU, MATHIEU ÉCOIFFIER et LUC PEILLON Photo ROBERTO FRANKENBERG

L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Trouvant François Hollande plutôt discret depuis sa désignation, notamment lors de la tenue du G20 en France, Libération lui a proposé de s’expliquer sur la conjoncture économique, la crise européenne et l’austérité renforcée aujourd’hui encore par le gouvernement.

L’ENJEU En refusant de se positionner en contre­président face à un Nicolas Sarkozy déjà très candidat, Hollande choisit­il la bonne stratégie ?

sance. Un retournement qui était pourtant prévisible et qui l’a obligé à inventer, à la hâte, des mesures qui n’ont pas été intégrées dans la loi de finances, laquelle vient pourandidat socialiste à la présidence de tant d’être votée. Par ailleurs, est-ce que ces la République, François Hollande re- mesures, de l’ordre de 6 à 8 milliards, seront vient sur ses propositions pour lutter suffisantes? Sûrement pas puisque l’activité contre la crise et critique les mesu- sera plus faible encore que ce qui est affiché res attendues du nouveau plan de rigueur du [1% en 2012, ndlr]. gouvernement. Cela veut-il dire qu’il faut aller plus loin dans Le gouvernement doit présenter ce matin un l’effort d’économies ou, au contraire, renonplan d’économies permettant, cer à l’austérité? selon lui, de boucler l’un des L’alternative n’est pas dans le refus INTERVIEW budgets «les plus rigoureux ded’un ajustement financier ou dans puis 1945». Un effort excessif ou réaliste? son amplification, mais dans le choix des caMéfions-nous, tout d’abord, des proclama- tégories sociales qui vont devoir subir cet eftions churchiliennes, qui cachent souvent fort supplémentaire. N’oublions pas que, deune improvisation. Tel est le cas. Car il ne puis le début du quinquennat de Nicolas s’agira pas du budget le plus rigoureux pré- Sarkozy, 75 milliards de recettes fiscales ont senté depuis la Seconde Guerre mondiale. Il été perdus, en raison d’allégements en faveur y en a eu bien d’autres. Ce qui est vrai, en re- des grandes entreprises et des ménages les vanche, c’est que le gouvernement a été pris plus favorisés. Il eut été légitime de récupérer de court par le ralentissement de la crois- une partie de ces sommes accordées sans ré-

C

sultat tangible sur l’économie réelle. Or, plutôt que de s’engager dans cette voie, le gouvernement poursuit une politique faite de bricolages et de rapiéçages avec la création d’un taux intermédiaire de TVA qui n’épargnera pas les classes populaires, ou encore une surtaxe pour les grandes entreprises dont on ne sait si elle sera pérenne ou non. Vous assumez donc le mot de «rigueur»… A condition de lui donner un sens. La rigueur comme gestion sérieuse des finances publiques et la rigueur à l’égard des plus fortunés dès lors qu’ils ont beaucoup reçu. Je pense à ces dirigeants laxistes lorsqu’il s’agit de s’octroyer des rémunérations vertigineuses –bonus et stock-options– et sévères à l’égard de l’évolution des revenus des salariés qui relèvent de leur responsabilité. Le programme du PS propose de relever la TVA sur la restauration, alors que Jérôme Cahuzac, président socialiste de la commission des finances à l’Assemblée, le refuse… Que de variations, de contradictions

François Fillon doit détailler ce matin son budget 2012, marqué par un tour de vis de 6 à 8 milliards d’euros.

Matignon peaufine sa chasse aux recettes L a rigueur, le retour, c’est pour aujourd’hui. Après l’annonce de 12 milliards d’euros d’économies fin août, François Fillon récidive : «Nous aurons en 2012 l’un des budgets les plus rigoureux depuis 1945», a-t-il prévenu samedi lors d’un déplacement à Morzine (Haute-Savoie). Toujours à son aise lorsqu’il s’agit d’endosser les habits de père la rigueur, le Premier ministre détaillera après le Conseil des ministres – décalé à ce lundi pour cause de G20– un nouveau tour de vis budgétaire de 6 à 8 milliards d’euros, probablement plus proche de la fourchette haute. Il sera le soir-même au 20 heures de TF1 afin de «vendre» aux Français cette nouvelle ponction censée compenser les moindres recettes liées à la forte décélération de la croissance (de 1,75% à 1% prévu en 2012). Pris en tenaille entre sa volonté de sauver le triple A français et celle de ne pas prendre de mesures aggravant une activité déjà anémiée, le

gouvernement va devoir naviguer finement pour imposer cette deuxième vague d’austérité, deux mois et demi seulement après le précédent plan. Entre des hausses «ciblées» de recettes et une «priorité» qui ira – à la différence des mesures de cet été– à la réduction de la dépense publique, tour d’horizon des pistes permettant de dégager de 6 à 8 milliards parmi lesquelles devaient trancher hier soir François Fillon et Nicolas Sarkozy lors d’une ultime réunion en têteà-tête à l’Elysée. TVA. Au rayon des nouvelles recettes, un relèvement modéré de la TVA dans certains secteurs protégés de la compétition internationale tient la corde. S’il n’est pas question, comme l’a répété Sarkozy, d’une hausse généralisée de TVA qui réduirait l’activité en pénalisant la consommation, des hausses ciblées sont possibles. C’est le cas dans la restauration (fixe mais peut-être aussi à emporter), les travaux de ré-

novation dans le bâtiment, ou encore certains services à domicile, dont le taux réduit à 5,5% serait relevé à 7%. Un gain potentiel de 1 à 1,5 milliard d’euros et «peu susceptible de modifier significativement les comportements des consomma-

risque de chuter en raison du retournement de la conjoncture. A elle seule, la décote de 50% des banques et assureurs français sur leur portefeuille de dette grecque représenterait un manque à gagner de 2 milliards pour le fisc. Le reste des mesures agit sur la réduction de la déDes hausses ciblées de la TVA qui devrait reprépour la restauration, les travaux pense, senter entre la moitié et de rénovation dans le bâtiment, les deux tiers du plan. Un ou certains services à domicile plus grand effort sur les dépenses de santé est mis tiennent la corde. en avant. Il passerait par teurs», explique un parlementaire une progression plus limitée des influent de la majorité. dépenses de l’assurance maladie, à L’autre piste sur laquelle ont plan- 2,5% contre 2,8%. Concrètement, ché les services de Bercy, et qui ce sont les industriels du médicarapporterait un autre milliard, con- ment qui devront revoir leurs prix cerne les grandes entreprises. A à la baisse, notamment les généripartir de 250 ou 500 millions ques dont les tarifs en France sont d’euros de chiffre d’affaires, elles parmi les plus élevés d’Europe. Des seraient soumises à une «surtaxe coupes dans les crédits ministériels temporaire». Une mesure d’autant sont aussi à l’étude, ainsi que des plus urgente, selon Bercy, que le coups de rabot sur certaines niches produit de l’impôt sur les bénéfices fiscales. Même si Nicolas Sarkozy

s’en méfie, en raison de leur caractère impopulaire à quelques mois de la présidentielle. Surprise. Ce dernier, qui a fait passer des consignes de «confidentialité maximale» autour de ce plan, tient à se ménager quelques effets de surprise afin d’impressionner favorablement les marchés. Comme avec la «mise en réserve» de près d’un milliard d’euros d’économies permettant de faire face à de nouveaux coups durs. Enfin, des mesures supplémentaires de réduction du train de vie de l’Etat pourraient être prises. «Entre l’Assemblée nationale, les retraites des sénateurs, le budget de l’Elysée et les ministères, on doit pouvoir gratter 100 millions d’euros, confie à Libération le rapporteur UMP du budget au Palais Bourbon, Gilles Carrez. Certains diront que c’est du populisme, mais ce n’est pas le cas. Lorsqu’il faut se serrer la ceinture, il est très important que l’exemple vienne d’en haut.» CHRISTOPHE ALIX


4 52• EVENEMENT dans la politique fiscale qu’a suivie le président sortant! Que reste-t-il de son paquet fiscal d’origine ? Le bouclier fiscal a sauté, mais l’ISF a été diminué avec un coût deux fois supérieur pour le Trésor public (soit 1,5 milliard d’euros). La déductibilité des intérêts d’emprunts pour l’achat d’une résidence principale n’aura pas tenu plus de quelques mois, les exonérations sociales sur les heures supplémentaires ont été écornées, et voilà que la TVA sur la restauration est ellemême, aujourd’hui, en discussion. Pour être clair, vous êtes toujours favorable à la suppression de la baisse de la TVA sur la restauration ou pas? Je proposerai une négociation à la profession. Soit maintenir un taux de TVA à 5,5% mais en exigeant des actions bien plus efficaces en termes d’emplois et de baisse des prix pour le consommateur, soit revenir au taux de 19,6% dès lors que les objectifs n’ont pas été atteints. Concrètement, comment trouveriez-vous les 6 à 8 milliards d’euros d’économie?Quelles sont les mesures fiscales de Sarkozy que vous auriez remis en cause? J’aurais remis en cause les niches fiscales par un coup de rabot général, c’est-à-dire par un abaissement du plafonnement global de leurs effets. J’aurais annulé l’allégement de l’ISF, et je serais revenu sur l’exonération de cotisations sociales sur les heures supplémentaires qui jouent contre l’emploi. Ne faut-il pas revoir le projet du PS, construit sur une hypothèse de 2% de croissance? Le projet s’inscrit dans le temps, c’est-à-dire au moins une législature. Mon projet présidentiel établira une hiérarchie des priorités en insistant sur la jeunesse, la réindustrialisation et la justice fiscale. Il prévoira l’agenda de nos réformes durant le prochain quinquennat. On a l’impression que, sur la création de 60000 postes dans l’Education nationale, vous revenez en arrière en évoquant un manque d’étudiants… Les vocations ont en effet été découragées ces dernières années. La nouvelle majorité lancera, après concertation, un plan pluriannuel pour l’éducation comportant des engagements quantitatifs annoncés et les réformes qualitatives nécessaires. Dans l’attente, un dispositif d’urgence sera prévu pour la rentrée 2012. Sur la crise de la zone euro, le plan de sauvetage de la Grèce, ne mèneriez-vous pas la même politique que celle du pouvoir? Si j’avais été aux responsabilités du pays, il y a dix-huit mois, j’aurais pris les mesures permettant de juguler durablement la spéculation. Premièrement, en mettant immédiatement à contribution le secteur privé pour soulager la dette grecque, ce qui n’a finalement été consenti qu’en octobre. Deuxièmement, en imposant une intervention bien plus massive de l’Union européenne pour qu’elle se substitue à Athènes sur une partie de sa dette via un fonds de stabilité financière, ce qui n’a été décidé que le 21 juillet. Enfin, je n’aurais pas imposé aux Grecs un plan d’austérité tel qu’il n’a obtenu aucun des résultats escomptés. Quant à la conception même de la solidarité financière dans la zone euro, j’ai dénoncé en août le fait que Nicolas Sarkozy ait abandonné la proposition française des eurobonds à laquelle s’étaient ralliées les autorités européennes. C’est la France qui a cédé devant l’Allemagne. C’est plutôt face au refus catégorique de l’Allemagne que la France a cédé… Ce n’est pas parce que Mme Merkel s’y refusait qu’il fallait lui donner pour autant raison ! Il était possible d’accepter un fédéralisme budgétaire à la condition d’obtenir en échange les eurobonds. Ce qui n’a pas été

PARU LE LUNDI 7 NOVEMBRE LIBÉRATION LUNDI 7 NOVEMBRE2011 2011

Le 22 octobre, lors de la convention d’investiture, à Paris. PHOTO SEBASTIEN CALVET fait. Résultat, nous aurons sûrement la discipline budgétaire, et elle sera sévère. Mais nous n’aurons pas la possibilité donnée à l’Union européenne d’emprunter pour ellemême, et pas davantage la monétisation à la Banque centrale européenne d’une partie de la dette. Vous étiez donc prêt à des abandons de souveraineté supplémentaires sur le budget français… Mais nous aurons ce renforcement du contrôle de nos politiques budgétaires par les autorités de l’UE, puisqu’il est en train d’être négocié dans le nouveau pacte de stabilité et de compétitivité. Donc, nous avons déjà abandonné une partie de notre souveraineté budgétaire, mais sans aucun progrès en matière de solidarité européenne et aucune avancée en matière de politique de croissance. C’est cette abdication que je dénonce. Vous étiez en fin de semaine en Corrèze tandis que Sarkozy clôturait le G20 à Cannes et réunissait les ministres concernés par le plan de rigueur. Est-ce la bonne façon de rendre votre projet alternatif audible? Je ne joue pas un rôle qui n’est pas encore le mien. Je n’ai pas à organiser un contre-G20, et d’ailleurs avec qui? J’ai à préparer le prochain G20. Je ne suis pas un contre-président, je suis le prochain. Vous êtes le candidat officiel depuis le 16 octobre, mais vous n’êtes pas en campagne. Avec la crise de l’euro qui s’amplifie, cette séquence ne vous met-elle pas en porte-à-faux? Non. Je fournis des propositions ; je critique l’absence de résultats du G20 qui devait être la grande œuvre du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Je ne m’en réjouis pas car le bilan qu’il nous laissera en 2012 sera lourd. Il aura aggravé la dette publique de 500 milliards d’euros. Je gère le temps au rythme que j’ai choisi sans hâte ni pause. Je livrerai dans les jours qui viennent mon organisation de campagne, mon programme de déplacements et je présenterai le projet présidentiel au bon moment, quand les Français seront dans le débat sur le choix de leur avenir et sur le jugement du mandat précédent, c’est-à-dire au début de l’année prochaine. •

Le candidat PS doit adapter sa «diète médiatique» post-primaire au besoin d’être présent sur la crise.

Quand Sarkozy plastronne, Hollande tâtonne e la difficulté de trouver son rythme de candidat après le sprint victorieux de la primaire citoyenne. Au soir du second tour, le 16 octobre, François Hollande avait annoncé une période de «diète» politique et médiatique jusqu’aux fêtes de fin d’année. Le temps de faire muer le projet du PS en programme en l’adaptant à la conjoncture dégradée, d’organiser son équipe et de peaufiner sa stature internationale via quelques voyages à l’étranger. Le voilà pourtant rattrapé par la crise de l’euro et de l’UE et confronté à une vraie difficulté : il est candidat socialiste à la présidentielle, il reste dans les starting-blocks. «Je ne suis pas en campagne, mais je suis en mouvement», confie-t-il à Libération, rappelant que le moment de la confrontation avec Nicolas Sarkozy, et donc du choix, n’aura lieu qu’au début de l’année. Sauf que, lui-même le reconnaît, le bras de fer avec son futur concurrent a déjà commencé dans les faits. Les zakouskis de la primaire ont donné faim de politique aux millions d’électeurs et de téléspectateurs de la compétition socialiste. Qui pourraient se sentir dépités d’avoir vu Sarkozy s’afficher en sauveur de «l’Europe et du monde» avec Angela Merkel à Cannes, et Barack Obama louer le «leadership extraordinaire» du président sortant tandis que le candidat et président du conseil général de Corrèze était à la Foire du livre de Brive pour dédicacer son opus sur le Rêve français… Tintin au pays du G20. «La diète, ce n’est pas le jeûne, rappelle Aurélie Filippetti, une de ses proches. L’essentiel est que sa parole existe et c’est le cas.» Pas question de jouer

D

les mouches du coche à Cannes et de se poser dans une symétrie de communication avec Sarkozy alors qu’il veut incarner une rupture avec la diplomatie des coups de menton de son concurrent. «Sarko à Cannes, c’est Tintin au pays du G20. Hollande n’a pas à devenir le critique du cinéma du Président. Il doit se porter à hauteur du moment et des attentes en détaillant sa méthode et ses propositions», note Olivier Faure, son conseiller. Qui rappelle que «Hollande n’est pas un Sarkozy de gauche. La dimension spectaculaire, ce n’est pas dans sa culture. Lui veut établir une relation de confiance pour dégager des consensus. C’est une autre façon de considérer la politique et ses partenaires». Encore faut-il que cette manière soit identifiable. «Il ne faut pas non plus rester inerte. C’est un dosage subtil qui réclame quelques temps forts», reconnaît un dirigeant proche de Martine Aubry. Scénario. Hollande assume son propre tempo. Et sa propre programmation. Plusieurs déplacements –à Berlin pour le congrès du SPD, aux Etats-Unis, au Canada et dans les pays du Maghreb – sont inscrits à son agenda de fin 2011. Mercredi, il réunira pour la deuxième fois des économistes pour affiner son scénario de sortie de crise. Et il présentera, mi-novembre, son équipe de campagne, qui devrait être dirigée par Pierre Moscovici. «Il n’est pas dans une posture d’opposant, mais dans celle d’un futur président», martèle un de ses proches. Cette stratégie qui s’est révélée gagnante à la primaire socialiste le sera-t-elle face à son adversaire de droite ? M.É.


53

De quoi Hollande est-il le surnom?

«H

ollande président ? On croit rêver», disait il n’y a pas si longtemps Laurent Fabius. Et, de fait, crédité d’à peine 3% d’intentions de vote dans les sondages, l’ancien premier secrétaire du PS suscite plus de sourires que de ralliements lorsqu’il se lance dans la campagne. Car, dépourvu de toute expérience ministérielle, l’élu corrézien a laissé l’image d’un homme de synthèses et de compromis, incapable de décider, roi de l’esquive, adepte de la petite phrase qui fait rire à défaut d’impressionner. Au demeurant bon vivant, jovial, amateur de foot… D’où une avalanche de surnoms…

FRAISEDESBOIS

GUIMAUVE LE CONQUÉRANT

BABAR, LE ROI DES ÉLÉPHANTS

LE CULBUTO

FLANBY LE CANDIDAT TÉFLON MONSIEUR ROYAL

PIROUETTE CACAHOUÈTE POTIRON. C’EST L’AMI DE OUI-OUI, JE L’APPELLE COMME ÇA DEPUIS LE RÉFÉRENDUM DE 2005.» CÉCILE DUFLOT

MONSIEUR PETITES BLAGUES

MONSIEUR NORMAL

MONSIEUR ON VERRA UN CAPITAINE DE PÉDALO PENDANT LA TEMPÊTE» JEAN-LUC MÉLENCHON


1254•

FRANCE

PARU LE LUNDILUNDI 12 DÉCEMBRE LIBÉRATION 12 DÉCEMBRE2011 2011

«Libération» a suivi le candidat socialiste en campagne en Corrèze. Au menu: truffes, sortie de crise et «bons sentiments».

Hollande, entre«l’espoir» etlefromage Par ANTOINE GUIRAL Envoyé spécial en Corrèze et dans le Lot Photos SÉBASTIEN CALVET

L

a foire aux truffes de Cuzance plutôt que la foire d’empoigne de la rue de Solférino. La remise de décorations aux pompiers pour la Sainte-Barbe plutôt que la «fête» des investitures socialistes à La Défense… Comme chaque week-end, François Hollande, député et président du conseil général de Corrèze, s’est rendu dans son fief pour une visite de vingt-quatre heures. Il y a enchaîné cérémonies, inaugurations, séances de travail, bons mots et confidences sur le déroulement de sa campagne présidentielle.

quennat, c’est vous dire». Gloussements dans la salle. «Il essaie d’enfiler le costume de Jacques Chirac tout en voulant ressembler à François Mitterrand. Compliqué…» confie à voix basse le patron de la fédération UMP, Michel Paillassou. La préfète entame la lecture aux pompiers d’un «message du ministre de l’Intérieur, monsieur Claude Guéant» – inhabituel en de telles circonstances. Hollande sort son portable et rédige un petit SMS.

A Cuzance (Lot), samedi, visite de la foire aux truffes.

20h30

Château de Sédières à Clergoux (Cor­ rèze). Pluie, gadoue et splendeur d’un châ-

teau du XVe siècle surgi des forêts. Sur le trajet, un conseiller général a heurté une biche en voiture. François Hollande vient clôturer les assises nationales des enseignements artistiques, organisées dans ce domaine géré Centre de secours de Tulle. Sur les hau- par le département: «Vous êtes en droit de deteurs de la ville, une centaine de pompiers mander que l’on fasse un effort […] Nous aurons sont alignés dans un hangar du service dé- un contrat culturel à passer avec le pays après partemental d’incendie et de sel’élection de 2012.» Du velours cours (SDIS). Là même où Jacques REPORTAGE pour ce public captif. Chirac venait parfois adresser ses La mine joviale, le candidat passe traditionnels «vœux aux Corréziens» quand de mains en mains, pose pour des photos, reil était chef de l’Etat. Mais c’est un autre çoit des conseils de lecture. Dans un coin des «président», comme on l’appelle ici depuis cuisines du château, il attaque une assiette de sa conquête du département en 2008, qui dé- charcuterie. «Depuis ma victoire à la primaire, barque ce soir pour la fête de la Sainte-Barbe beaucoup de courrier arrive au conseil général en l’honneur des pompiers. En grand uni- de toute la France, comme si j’avais déjà gagné. forme, «madame la préfète» accueille «mon- Des gens qui parlent de leur problème et attensieur le président du conseil général». dent que j’agisse.» Avec les Corréziens, c’est Tête haute, menton dressé, François Hollande une autre affaire: «Ils ont parfois un sentiment passe avec elle en revue les troupes sur fond de dépossession, comme si désormais j’allais de Marseillaise. Un pan de veste rebique, une leur échapper. C’est aussi pour ça que je suis ici. manche de chemise dépasse mais le pas ra- Toute ma légitimité vient de ce territoire et de lenti est déjà très présidentiel. A la tribune, mon enracinement.» drapeaux tricolore et européen derrière lui, A moins de 130 jours du premier tour, il s’inle candidat du PS déploie sa gestuelle mit- quiète d’abord de voir Marine Le Pen «déjà terrandienne pour évoquer «le matériel re- si haute» dans les sondages. «Il ne faut rien nouvelé pour une durée de cinq ans… Un quin- lâcher par rapport à elle, chez les jeunes comme

Vendredi, 19 heures

REPÈRES

CHARENTE

Tulle CORRÈZE

Bordeaux

PUYDE-D. CANTAL

DORDOGNE

Cuzance LOT

LOT-ETGARONNE

Cahors

AVEYRON 50 km

A Malemort (Corrèze), samedi, inauguration d’une nouvelle cantine scolaire.

«Hollande ne se laissera pas LES CASSEROLES DU PS entraîner par les affaires w Bouches­du­Rhône Jean­Noël internes du PS. Il ne Guerini est poursuivi pour «trafic plongera pas dans ce petit d’influence». bain de petites phrases.» w Hérault Le PS reproche au sénateur Manuel Valls directeur de la communication de campagne

Robert Navarro ses notes de frais. w Pas­de­Calais Jean­Pierre Kucheida est accusé de clientélisme.


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LIBÉRATION LUNDI 12 DÉCEMBRE 2011

chez les ouvriers. C’est à toutes ces personnes qui ne disent plus rien quand on les croise qu’il faut rendre espoir et s’adresser en priorité», dit-il. Quant à Nicolas Sarkozy, «sa relation avec les Français s’est non seulement délitée mais elle est devenue antagonique, violente». Du coup, il prédit que le chef de l’Etat va jouer sur «les peurs pour que les Français soient tentés de se rassurer auprès de lui». Face à ce président sortant qui «laisse entendre que la gauche veut casser l’identité nationale en s’en prenant au nucléaire, au siège de la France à l’ONU ou en donnant le droit de vote aux immigrés», Hollande estime qu’il faut «plus que jamais faire campagne sur l’espoir et les bons sentiments». Car, selon lui, «la France est un pays de bons sentiments comme le prouve le succès des films Intouchables ou La guerre est déclarée».

Samedi, 9h30

Centre­ville de Tulle. Depuis trente ans qu’il laboure la Corrèze, Hollande ne s’y est jamais «installé». Il dort dans une chambre contiguë de sa permanence, dans un immeuble sans charme de Tulle. Après une réunion consacrée à la formation des enseignants sur les iPad distribués par le conseil général aux collégiens, il débarque au marché. Des bises, des accolades, des petits mots pour chacun:

du Chirac copié-collé. A la brasserie Lattitude Lounge, une assemblée mal réveillée du Mouvement des jeunes socialistes est incitée à ne pas faire «seulement campagne sur les réseaux sociaux». «Je crois à la vertu du tract, de l’affiche, du contact», dit le candidat. Pendant ce temps, à Paris, le PS s’écharpe sur Montebourg, Lang et les circonscriptions. «Je ne me laisserai pas happer par les affaires du parti», dit-il, non sans avoir téléphoné aux uns et aux autres. En route pour Malemort et une cantine scolaire à inaugurer. Hollande s’enquiert auprès des cuistots des vertus du nouvel autocuiseur à nouilles. Un discours, un verre d’eau pétillante, et départ pour le Lot voisin. «La Corrèze est un morceau de France, ce n’est pas la France, explique-t-il. C’est un territoire où tout est agencé, à sa place, avec des corps intermédiaires préservés. L’enjeu de 2012, ce sera aussi celui des grandes villes et surtout des banlieues. Que feront-elles? Irontelles voter?» Dans la voiture, il lit sur son téléphone les dépêches: «Tiens, l’appartement de Fabius a été cambriolé !»

13 heures

Foire aux truffes de Cuzance (Lot) et arbre de Noël à Tulle. Encore une France d’un autre temps. Où des centaines de personnes attablées avalent foie gras, bouillade

truffée et autre tournedos de canard, arrosés de toutes sortes de vins. Un robuste rougeaud à moustache a placé son blason de «la confrérie du diamant noir» face à Hollande. Tous les notables, élus et bons vivants sont de sortie. Martin Malvy, président (PS) du conseil régional de Midi-Pyrénées, a fait la route. Les discours à la gloire de la truffe s’enchaînent. «Le prochain président de la République prendra conscience que rien n’est possible sans la truffe… Il faut avoir le bon nez pour diriger la France», se hasarde Hollande avant de fondre sur toutes les tablées pour avaler des mains. Gaffe quand même aux photos qui tuent : il reçoit un béret basque sur la tête, esquive un verre de vin sur la chemise et en décline un autre: «Ah non, après je vais grossir et vous ne voudrez plus voter pour moi.» La fête n’en est qu’à la soupe truffée quand François Hollande s’éclipse… Un autre menu l’attend au conseil général, avec des rendezvous de travail et l’arbre de Noël des enfants du personnel. «Président, le père Noël est làbas», lance une dame. Il s’en approche : «Alors, père Noël, c’est pas trop dur avec la crise?» Une demi-heure à cajoler enfants et parents, puis retour à Paris en voiture. Pour l’heure, le candidat «normal» ne change rien: il continue à jouer l’effet de contraste avec Nicolas Sarkozy et reste toujours aussi insaisissable pour ses adversaires. •

L’ex-premier secrétaire se balade quand le PS s’écharpe sur le cas du Pas-de-Calais.

Un candidat au-dessus de la castagne

L

«Je crains que la campagne ne dégénère en feuilleton d’affaires […] qui empêchent qu’on parle du fond, la seule chose vraiment intéressante.» Jean­Pierre Chevènement hier sur France 3

31,5%

d’intentions de vote pour Hollande au premier tour devant Sarkozy (26%). Il reste favori, selon un sondage LH2 pour Yahoo!, et est crédité de 57% au second.

tre). Même s’il a pris soin de parler samedi avec Montebourg qui reste invisible. Au même moment, lors de la convention d’investiture pour les législatives à La Défense, Martine Aubry a tapé très fort sur le député de Saône-et-Loire. Tous deux s’accusent mutuellement de vouloir affaiblir la campagne de Hollande. «Nous avons tout pour gagner. Tout sauf l’ego de quelques-uns, a tonné la première secrétaire. Je ne suis pas une justicière, moi. Jeter l’opprobre sur toute une fédération est inacceptable. Il y a d’autres combats à mener», a-t-elle lancé, avant de justifier ses choix: gel de l’investiture législative de Kucheida et enquête interne sur la fédération du Pas-de-Calais. «Il faut que les choses aillent vite. On ne peut pas mettre la présidentielle sous le feu de révélations distillées à longueur de semaines», prévient un député hollandais qui s’interroge sur le timing des

révélations: «La justice a visiblement enregistré les accusations contre Kucheida à l’automne 2010. Fort opportunément pour la droite, elles ressortent en pleine campagne.» «Munitions». Hors caméra, nombre de socialistes tombent à bras raccourcis sur Montebourg. «Son fil conducteur interne, c’est la mise en cause de la direction du PS, attaque un proche d’Aubry. Mais cela cause des dommages externes. On donne des munitions à la droite». Qui ne s’est pas privée. Lors d’un meeting à Pau, François Bayrou a dénoncé le «spectacle que donne le PS, du haut en bas de l’échelle […], avec de terribles accusations de corruption dans tous les sens». Pour Valérie Pécresse, avec les Verts comme avec Montebourg, Hollande est «faible». «Je me dis que les Français voudront un Président qui préside», a déclaré sur Europe 1 la ministre du Budget. LAURE BRETTON

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ET LES PREMIERS PAS DE FRANÇOIS HOLLANDE À L’ÉLYSÉE Plus de 20 langues sur les 5 continents PHOTO LAURENT TROUDE

a semaine dernière, s’égayant dans le hall d’un grand hôtel berlinois, l’équipe de campagne de François Hollande savourait sa séquence européenne, entre Bruxelles et la capitale allemande, assurant que les «bazars collectifs» étaient «clos» et que la campagne pouvait (enfin) démarrer sur de bonnes bases. L’affaire du Pas-de-Calais –où des rumeurs de corruption et de financement occulte du PS visent le députémaire de Liévin, Jean-Pierre Kucheida – les a fait mentir et a renvoyé les socialistes à la case castagne. «Si on laisse l’idée qu’il y a des pourris dans nos fédérations, c’est sûr que ça ne va pas nous lâcher de toute la campagne présidentielle», reconnaît un cadre du parti. «Scories». Depuis que l’affaire a éclaté, via deux enquêtes de presse et une lettre d’Arnaud Montebourg qui a fuité la semaine dernière, les proches du candidat à l’Elysée, premier secrétaire pendant onze ans, n’ont qu’un souci: ne pas remettre la moindre bûchette dans le début d’incendie. Seul socialiste invité ce week-end à la télévision, rééquilibrage du temps de parole postprimaire oblige, Jérôme Cahuzac a rangé les histoires de Pas-de-Calais dans la catégorie des «éventuelles scories» dont Hollande n’avait pas à s’occuper. «Le premier secrétaire du PS quel qu’il soit n’est pas censé connaître les faits et gestes de tous les socialistes gérant des organismes sociaux», souligne un secrétaire national. Aussi le candidat a-t-il passé le weekend à arpenter son fief de Corrèze (lire ci-con-

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PARU LE MARDI 3 JANVIER 20127 EVENEMENT

LIBÉRATION MARDI 3 JANVIER 2012 56

La petite armée de François Hollande Des caciques socialistes aux fidèles de l’ENA en passant par des économistes reconnus, le réseau du candidat s’est étoffé en préservant les susceptibilités du parti.

Sur l’organigramme officiel, qui compte pas moins de 162 noms, cela s’appelle la «direction de campagne» pilotée par Pierre Moscovici (photo). «C’est tout sauf une machine rigide, elle est adaptée à la liberté du candidat», insiste ce proche de Dominique Strauss­Kahn qui a rempilé à ce poste après le succès de la primaire. Du QG de campagne aux interventions de François Hollande, «je tiens la boutique», explique le député du Doubs. Un subtil distinguo avec le «responsable de l’organisation» de la campagne, le député européen Stéphane Le Foll, fidèle d’entre les fidèles, son ancien bras droit à la tête du PS. Rallié à Hollande dès le soir du premier tour de la primaire, Manuel Valls occupe le poste crucial de la communication et chapeaute une équipe de quatre porte­parole, dont l’ami de toujours Bruno Le Roux, et un service de presse de quinze personnes. Le «secrétariat général» de la campagne a été confié à Nacer Meddah, ancien préfet «de la diversité» nommé puis limogé par la droite. Jean­Jacques Augier, fondateur du loueur de voitures Ada devenu éditeur et rencontré sur les bancs de l’ENA, préside l’association de financement de la campagne.

En 2011, l’ancien ministre de l’Economie Michel Sapin (photo) avait été chargé de chiffrer le projet présidentiel du Parti socialiste. Un an plus tard, l’ami du candidat s’est attelé à la rédaction du programme pour 2012. Il est secondé par le fabiusien Guillaume Bachelay, qui fut la principale cheville ouvrière du projet PS et la plume de Martine Aubry. Hollande, lui, écrivait la plupart de ses discours pendant la primaire mais, la présidentielle arrivant, il pourrait faire appel à Aquilino Morelle, qui retrouverait une fonction qu’il a déjà occupée au côté de Lionel Jospin à Matignon, puis pendant la campagne de 2002. Au total, une vingtaine de personnes travaillent à la rédaction du projet, dont le député européen Vincent Peillon. A part les propositions nées pendant la primaire –60000 postes dans l’Education, «contrat de génération» pour les jeunes en entreprise–, rien ne filtre sur le fond ou la date de présentation de ce projet. Ce «pacte présidentiel arrivera en temps utile», dit l’entourage de Hollande, démentant toute stratégie d’évitement face à un président­candidat qui retarde son entrée en campagne.

La plupart, parce qu’ils sont en poste dans l’administration ou qu’ils occupent des fonctions syndicales et patronales, préfèrent garder l’anonymat. Ce qui n’est pas le cas de l’économiste Karine Berger (photo), directrices des études du groupe financier Euler, coauteure d’un remarqué Les Trente Glorieuses sont devant nous en 2010 et candidate du PS aux législatives dans les Hautes­ Alpes. Ni de Jacky Bontemps, ex­numéro 2 de la CFDT, qui conseille Hollande depuis la primaire. L’équipe du candidat socialiste travaille avec Gilbert Cette, ancien économiste de la Banque de France, spécialiste du marché du travail, Elie Cohen, directeur de recherches au CNRS, Philippe Aghion, en disponibilité de l’université de Harvard, et Emmanuel Macron, ancien inspecteur des finances et gérant chez Rothschild&Cie. Hollande a également potassé les travaux sur la jeunesse de Cécile Van de Velde, sociologue et maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales. L’équipe de campagne pioche également dans les réseaux d’experts des think tanks classés à gauche, comme Terra Nova ou la Fondation Jean­Jaurès.

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LES EXPERTS

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LE PROJET

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LA LOGISTIQUE

C’est un ami de trente ans qui a trouvé la formule: «Mitterrand avait son club, Jospin son arrondissement. Hollande a sa chambrée.» De fait, ses cothurnes de l’ENA –promotion Voltaire– sont bien installés dans le paysage présidentiel du candidat: de Jean­Pierre Jouyet (photo) –contraint à la discrétion médiatique pour cause de présidence de l’Autorité des marchés financiers, mais qui n’hésite pas à ouvrir son carnet d’adresses pour le bien de la campagne– à Michel Sapin en passant par Bernard Cottin, ancien patron de Numéricable aujourd’hui à la tête de la maison d’enchères Piasa et de l’association de financement de la campagne, ou l’avocat Dominique Villemot, qui gère le club Démocratie 2012 de Hollande avec Jean­Marie Cambacérès, lequel fut directeur de cabinet de Lionel Jospin à Solférino. Côté politique, Kader Arif et André Vallini, hollandais de la première heure. Les «Lorientais», eux, tiennent une place à part. Les liens avec ces anciens deloristes –le maire de Quimper, Bernard Poignant, le président de la région Bretagne, Jean­Yves Le Drian, et l’avocat Jean­Pierre Mignard–remontent à l’époque des «Transcourants», dans les années 80.

Certains travaillent à ses côtés depuis des années, comme Manuel Flam (photo), énarque, spécialiste des questions d’économie verte et protégé de Michel Sapin, ou Frédéric Monteil, trentenaire corrézien, assistant parlementaire qui suit le candidat comme son ombre depuis dix ans et s’occupe aujourd’hui des «dossiers politiques» de François Rebsamen, président du groupe PS au Sénat. Rémi Branco, Toulousain de 26 ans, a croisé la route de François Hollande en 2008. Pendant la primaire, il s’est occupé des questions de jeunesse avant de passer le flambeau à Laurianne Deniaud, ex­ présidente du Mouvement des jeunes socialistes. D’autres ont intégré l’équipe après la primaire, comme les porte­parole proches de Ségolène Royal, Najat Vallaud­Belkacem, Delphine Batho, ou Fleur Pellerin, conseillère à la Cour des comptes, présidente du Club XXIe siècle, qui fédère les élites de la diversité. Elle est aujourd’hui chargée des questions liées à l’économie numérique dans l’équipe de campagne.

Dès le soir du deuxième tour de la primaire, Martine Aubry, rivale malheureuse de François Hollande, l’a assuré: tout le Parti socialiste est désormais au service du candidat. C’est même son bras droit et ex­directeur de campagne, François Lamy (photo), qui assure la liaison entre le parti et l’équipe du candidat. La plupart des secrétaires nationaux roulent désormais pour le candidat. Les ténors, eux, sont réunis en «conseil politique» par la première secrétaire une fois tous les quinze jours, le mardi soir, au siège du PS. François Hollande a fixé des objectifs bien précis à certains d’entre eux. Laurent Fabius doit le représenter à l’internationale et affiner son travail sur les premières mesures du quinquennat. Jack Lang et Gérard Collomb ont reçu le titre énigmatique de «représentants particuliers» du candidat tout comme la radicale de gauche Christiane Taubira et la première adjointe du maire de Paris, Anne Hidalgo. Seule Ségolène Royal, ancienne candidate à présidentielle, ne figure dans aucun organigramme. «Elle occupera la place qu’elle souhaite», assure l’entourage de François Hollande.

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LE PARTI

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LES JEUNES

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LES AMIS

LAURE BRETTON


• 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9531

«Je suis candidat à l’élection présidentielle pour redonner à la France l’espoir qu’elle a perdu depuis trop d’années. Les Français souffrent. Ils souffrent dans leurs vies: le chômage est au plus haut parce que la croissance est au plus bas; la hausse des prix et des taxes ampute leur pouvoir d’achat; l’insécurité est partout; leurs emplois s’en vont au gré des fermetures d’usines et des délocalisations industrielles; l’école, l’hôpital sont attaqués et n’assurent plus l’égalité entre citoyens;

MARDI 3 JANVIER 2012

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l’avenir semble bouché pour eux et pour leurs enfants; la jeunesse se désespère d’être maintenue en lisière de la société. Les Français souffrent aussi dans leur âme collective: la République leur paraît méprisée dans ses valeurs comme dans le fonctionnement de ses institutions, le pacte social qui les unit est attaqué, le rayonnement de leur pays est atteint et ils voient avec colère la France abaissée, affaiblie, abîmée, “dégradée”.» TEXTE INTÉGRAL, PAGES 2­3

«Le changement, c’est maintenant» Par François Hollande

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.


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FRANCE

PARU LE LUNDI 9 JANVIER LIBÉRATION LUNDI 9 JANVIER2012 2012

Le candidat PS s’est rendu, hier, sur la tombe de François Mitterrand pour l’anniversaire de sa mort, multipliant les références à l’ex-président socialiste.

AJarnac,Hollandegrave sastaturedanslemarbre Par LAURE BRETTON Envoyée spéciale à Jarnac (Charente)

D

ialogue devant les grilles du cimetière de Jarnac (Charente). D’une voix douce, Gilbert Mitterrand demande à Mazarine, sa demi-sœur, de le rejoindre aux côtés de François Hollande avant

Le 16 octobre, à Paris. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

d’aller se recueillir sur la tombe de leur père: «Tu ne peux pas y échapper…» Le candidat à l’Elysée assiste à la scène. «On ne veut pas vous compromettre», plaisante-t-il, affable mais un peu crispé. L’intéressée finit par consentir, tout en soulignant, dans un sourire, que «c’est quand même un peu compromettant» en ce début de campagne.

Vingt minutes de cohue médiatique dans le cimetière de Grand’Maison et le dépôt d’une gerbe de roses rouges plus tard, le candidat à l’Elysée prend soin de réfuter toute captation d’héritage. «Il y a un seul message que je retiens de François Mitterrand, c’est qu’il faut aimer la France si on veut lui donner un destin», dit-il. Mais «j’ai ma propre démarche,

En octobre 1977. PHOTO BOCCON­GUIBOD. SIPA

CAMPAGNE. Sous leurs yeux, dans les allées de gravillon du cimetière, Hollande serre des mains. A trente ans d’écart, certains aiment à souligner ce qui relie les deux «François» (lire cidessous). Mais le fait que Hollande dise clairement «lui c’est lui, moi c’est moi» rassure Mazarine Pingeot, qui marREPORTAGE che désormais aux côtés du candidat et de sa compagne, Valérie Trierweiler. «Je préfère ça que le droit d’inventaire, qui, en plus, n’avait pas été très productif» sur le plan électoral, lâche la jeune femme. Lionel Jospin appréciera. Pour ce pèlerinage, rien ne manque: visite de la maison natale de Mitterrand, allusions à la «force tranquille», minute

Le 4 janvier, à Mérignac. PHOTO JEAN­PIERRE MULLER. AFP

Verbe, attitude, ancrage: E le jeu des deux François Impressionné à l’âge de 18 ans par Mitterrand lors d’un meeting, le candidat socialiste à l’Elysée reprend, quarante ans plus tard, les postures de son illustre aîné.

ma propre histoire, mon propre parcours», insiste celui qui, s’il a commencé sa carrière politique sous l’aile de Jacques Attali, conseiller spécial de l’ancien président, n’a jamais été un Mitterrandolâtre. Autour de lui, en revanche, le premier cercle a pris place: Hubert Védrine, Elisabeth Guigou, Pierre Bergé, Harlem Désir, Jack Lang, qui joue des coudes pour être sur toutes les photos.

ntre les deux «François», l’analyse politique comparative est un outil certes opératoire, mais à double tranchant. Mitterrand a été élu en 1981 premier président de gauche de la Ve République, et Hollande aspire à devenir le second au printemps. Sur sa propre personne. «Je n’essaye pas de répliquer, de reproduire ou d’imiter», a-t-il rappelé à Jarnac, hier. Non sans avoir caressé le pardessus légendaire de «Tonton» et jeté un coup d’œil à son couvre-chef au

musée du défunt. «Moi, je n’ai jamais mis de chapeau», nous confiait-il il y a un an, lors du précédent anniversaire. Inventaire des parallèles.

Le discours En 1972, Hollande a 18 ans et il est l’un des 100000 militants que Mitterrand «fait vibrer» à un meeting porte de Versailles. «François a beaucoup observé Mitterrand à la tribune et dans l’exercice de ses fonctions», note son ami Bernard Poi-


FRANCE •59 11

LIBÉRATION LUNDI 9 JANVIER 2012

Sur la tombe de François Mitterrand, hier à Jarnac. PHOTO SÉBASTIEN CALVET de silence devant le caveau et discours truffé de références. Ou comment dresser un portrait en creux du candidat et du président que Hollande entend être. Dans un silence de cathédrale où ses tentatives de bons mots font long feu, il salue en Mitterrand «l’opposant tenace, celui qui ne lâche rien, le dirigeant clairvoyant, le rassembleur de la gauche». Le recordman de longévité à l’Elysée

–deux septennats– «ne cherchait pas la captation du pouvoir pour lui-même, mais la poursuite du rêve français», insiste Hollande, bouclant la boucle avec sa propre campagne. «BLOC». Après une semaine de mobilisation générale, celle qui s’ouvre est placée sous le signe du social, avec une série de consultations syndicales (lire

2 mai 1988, à Strasbourg. PHOTO ÉRIC FEFERBERG. AFP

page suivante). Viennent ensuite un déplacement en région parisienne, demain, l’installation dans son QG mercredi, et voyage aux Antilles le weekend prochain, avant le grand meeting du Bourget le 22 janvier, puis la présentation, étalée sur une semaine, des grandes lignes de sa «plateforme» présidentielle. Le sondage publié hier par le Journal du dimanche, où Sarkozy remonte de deux points, ne l’inquiète pas. «Pour un début d’année, c’est plutôt bien de partir sur ces bases. Et puis un président sortant qui arrive en deuxième position, rendez-vous compte», glisse-t-il aux journalistes. Les attaques en piqué de la droite? «C’est très précieux, estime le candidat. Vous avez vu, les gens font bloc, ils serrent les rangs autour de moi.» Alors qu’en janvier 1981, Mitterrand filait en Chine pour trois longues semaines, Hollande a entamé 2012 sur un rythme effréné et ne compte plus s’arrêter. Avant de reprendre le train pour Paris, on lui demande si ce week-end, entre sa tournée de vœux dans son fief corrézien et l’étape haute en symboles de Jarnac, était une respiration. Il répond par la négative: «Pas de pause !» Et claque la portière. •

Le 8 octobre, à Tomblaine . PHOTO PASCAL BASTIEN. FEDEPHOTO

gnant, maire de Quimper. Un replace dans le récit républicain, à certain mimétisme apparaît lorsque l’instar de Mitterrand qui «partait Hollande est premier secrétaire du de la Révolution et du Front populaire PS : «En 2003, au congrès de Dijon, pour dire que la France avait un passé Louis Mexandeau [ministre sous et un avenir», rappelle le Corrézien. Mitterrand, ndlr] m’a Qui s’est aussi inspiré dit : “François fait du DÉCRYPTAGE «du mélange de gravité, Mitterrand”», raconte d’émotion et d’humour son ami Stéphane Le Foll. «C’était corrosif» de son aîné. «L’humour et inconscient. J’ai été peut-être plus le sarcasme, bien utilisés, mettent les impressionné que d’autres par ses foules en joie. Quand on a réussi à discours. Je les connais presque par créer ce plaisir, on peut aller sur la cœur», convient l’intéressé. Avec raison», dit-il. Avec «son verbe pison «rêve Français», Hollande se quant, grinçant», il fait honneur au

maître, relevait hier Pierre Tourlier, ex-chauffeur de Mitterrand.

La gestuelle Hollande raconte souvent qu’à la tribune, il cherche à s’adresser à chaque regard. Avec «cette façon de parler à chacun et en même temps à tous» qu’il décrit aussi chez l’exprésident. Cela nécessite de donner de sa personne. «Il y a l’orateur lisant son papier. François, lui, s’empare physiquement du pupitre. Au bout de quelques minutes, il va se

REPÈRES 25 km

DEUXSÈVRES

CHARENTEMARITIME

VIENNE

CHARENTE

Jarnac

Angoulême DORDOGNE ORDOGNE

GIRONDE

Bordeaux

41% des Français souhaitent l’élection de François Hollande, contre 31% celle de Nicolas Sarkozy, selon un sondage Via­ voice pour Libération (voir aussi pages 2 et 3).

«Je demande à François Hollande de ne plus être paresseux et d’apporter un projet pour la France.» Valérie Pécresse porte­parole du gouvernement, hier dans le Parisien

SUR LIBÉRATION.FR

A regarder «Hollande, la Mitterrand attitude», une compilation vidéo de la gestuelle comparée des deux François.

Le 7 novembre 1989, en Islande. PHOTO CHAMUSSY. SIPA

pencher et commencer à parler au public», observe Poignant. Mitterrand commençait dans le chuchotement, Hollande est adepte de courts silences. Les deux ont la voix qui s’embrase et parfois se brise. Et une même gestuelle: le doigt pointeur, les mains serrées, les bras ouverts, non pas avec le V de victoire chiraquien, mais en croix: «C’est la traduction de sa stratégie du rassemblement de la gauche, analyse Poignant. Sa façon de ne pas lâcher le talisman de l’unité, même quand il se fait

brocarder par Joly ou Mélenchon. Comme Mitterrand avec Marchais.»

La base rurale En 1946, Henri Queuille envoie Mitterrand se présenter dans la Nièvre. En 1981, ce dernier charge Hollande de défier Chirac en Corrèze. Deux départements ruraux du Massif central où les gens se connaissent et où l’élu serre des mains. Une «humanité» à laquelle Hollande croit, à l’heure de Facebook et Twitter. MATTHIEU ÉCOIFFIER


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Prothèses: le fondateur de PIP arrêté Visé par 2500 plaintes dans l’affaire des implants mammaires non conformes, Jean-Claude Mas a été placé en garde à vue, pour «homicides involontaires». PAGE 11

Nouvelle tête d’affiche à Carrefour

SÉBASTIEN CALVET

En très sérieuse perte de vitesse, le numéro 2 de la grande distribution va limoger son PDG, Lars Olofsson, et le remplacer par un homme du métier, Georges Plassat.

PAGE 14

LES ÉTATS GÉNÉRAUX DU RENOUVEAU DE «LIBÉ» À GRENOBLE 24 PAGES CENTRALES

De gauche

GRENOBLE LES ÉTATS GÉNÉRAUX DU RENOUVEAU

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Rendez­vous les 27, 28 et 29 janvier 2012 à la MC2 Grenoble

Fiscalité, rôle de l’Etat, politique de l’emploi… le projet de François Hollande assume clairement une ligne sociale-démocrate. PAGES 2 À 7

et gratuite Entrée libre mc2grenoble.fr Inscriptions sur et aux guichets de la MC2

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MARDI 24 JANVIER 2012

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Hollande veut imposer les très riches

La taxe Fouquet’s

CINEMA «OSLO, 31 AOÛT», PERLE NOSTALGIQUE ET NORVÉGIENNE ET AUSSI «LES INFIDÈLES», AVEC JEAN DUJARDIN, CAHIER CENTRAL

Sarkozy prêt à payer plus les profs… qui travaillent plus 25% d’augmentation, c’est la promesse du président sortant aux professeurs volontaires pour enseigner 26 heures par semaine au lieu de 18. PAGES 10­11

L’annonce par le candidat socialiste d’une taxation à 75% de la part des revenus dépassant un million d’euros par an renvoie Nicolas Sarkozy à son image de «président des riches». PAGES 2­4

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Génocide arménien: retour à la case départ Le Conseil constitutionnel a censuré hier la loi sanctionnant la négation du génocide arménien. La Turquie salue la décision des Sages. L’Elysée annonce un nouveau texte.

PAGES 14­15

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Contre le «monde de la finance»

Hollande est-il crédible? Après le discours très offensif du Bourget, «Libération» passe au crible les propositions PAGES 2­6 économiques du candidat PS.

George Sabra, au cœur de la rébellion syrienne

DIOR, FAN DES FIFTIES PAGE 27

Entretien avec un opposant historique de Damas, longtemps emprisonné, et qui tente aujourd’hui d’organiser la résistance. INTERVIEW, PAGES 8­9

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LUNDI 23 JANVIER 2012

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w Les dessous

du meeting du Bourget w Le décryptage du discours w Ce que Sarkozy en pense w Ce que les Français en disent PAGES 2­5

François Hollande

SÉBASTIEN CALVET

«Mon adversaire, le monde de la finance» Dominique A, carrière majuscule

EUROPE Pour Daniel Cohn-Bendit, coprésident du groupe Verts au Parlement européen, le futur traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance dans l’Union européenne, «ne sert à rien». Ce traité créant une «union budgétaire» est-il nécessaire ? Pour le Parlement, absolument pas. Tout existe déjà […]. La seule chose qui nécessiterait un nouveau traité, c’est la […] «règle d’or» […].

Pourquoi les Etats, eux, croient-ils en avoir besoin ? Tout le monde s’est soumis à l’idéologie imposée par le gouvernement allemand […] : pour lui, la stabilisation des marchés passe par une pérennisation de la rigueur budgétaire, sans qu’il soit besoin de penser plus loin. La majorité du Parlement européen n’est pas sur cette ligne.

INTERVIEW, PAGES 16­17

DIDIER OLIVRE

Pour Cohn-Bendit, l’Europe ne doit pas céder à Merkel

Vingt ans après son irruption sur la scène rock française avec «la Fossette», le chanteur revisite sa carrière pour «Libération». RENCONTRE, PAGES 30­31

Loi sur le génocide: la révolte turque Défilé de masse ce week-end à Paris contre la proposition de loi réprimant la négation du génocide arménien, discutée aujourd’hui au Sénat. PAGES 12­13

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EVENEMENT

ÉDITORIAL

En présentant hier un programme présidentiel orienté à gauche sans nier la crise, le candidat du PS semble creuser une voie politique quasi inédite en France.

Par SYLVAIN BOURMEAU

Inspiration Donc 60 engagements. Comme il y eut autrefois 110 propositions. Le choix par François Hollande de cette forme particulière pour son projet alimente de nouveau le petit jeu des parallèles avec François Mitterrand – mêmes gestes, même silhouette, mêmes accents… François II après François Ier. Mais comparaison n’est pas raison, et les deux programmes présidentiels ne tranchent pas du seul fait que plus de trente ans les séparent. Ils renvoient à deux identités distinctes et même, à bien des égards, antagoniques de la gauche. Et s’il faut à tout prix recourir aux forces de l’esprit, c’est le nom de Pierre Mendès-France qu’il convient d’invoquer comme source d’inspiration : pour la première fois dans l’histoire, le programme présidentiel du candidat socialiste assume en effet la social-démocratie. A la différence des 110 propositions d’un François Mitterrand qui promettaient la lune pour mieux y renoncer deux ans plus tard, à rebours d’un Lionel Jospin un brin honteux qui n’hésitait pas à avouer que son projet n’était pas socialiste, François Hollande ose le réalisme et la gauche à la fois, il parle vrai et rompt enfin l’incessante oscillation entre mollettisme et sociallibéralisme à laquelle nous ont tant habitués ses prédécesseurs. Encore un peu d’audace du côté des institutions, et il ajouterait une 61e proposition, comme une ultime promesse : la République moderne qu’appelait de ses vœux Mendès.

PARULIBÉRATION LE VENDREDI 27 JANVIER VENDREDI 27 JANVIER2012 2012

Hollande, socialdémocrate assumé

REPÈRES

Par CHRISTOPHE ALIX, LAURE BRETTON, MATTHIEU ÉCOIFFIER et LUC PEILLON Photos SÉBASTIEN CALVET

L’ESSENTIEL LE CONTEXTE Hollande était attendu au

«résolue et réaliste, réformiste au vrai sens du terme», complète Marisol Touraine, issue des rangs strauss-kahniens. Principal acte fondateur de cette rupture, la fiscalité. Avec une mesure plus symbolique que rentable pour les finances publiques : la création d’une nouvelle tranche d’impôt sur le revenu. Son demimilliard de recettes supplémentaires ne démultipliera pas les capacités de l’Etat, mais la mesure permet d’afficher un coup d’arrêt à la baisse continue, ces dernières années, du seul impôt progressif en France. Avant de fusionner, à terme, l’impôt sur le revenu et la CSG. Retour également sur la réforme de l’impôt sur la fortune de la droite et sur la baisse des droits de successions des plus aisés. Le plus gros de la nouvelle marge de manœuvre financière (30 milliards), découlera cependant de la réduction ou de la suppression, non moins juste socialement, de niches fiscales. Au total, Hollande prend le risque d’afficher, à la fin

tournant sur son projet : il l’a vec prudence et réaprésenté hier matin devant lisme, mais à gauche. la presse et le soir à la télé. Après dix ans de droite, dont cinq sous la férule L’ENJEU de Nicolas Sarkozy, François HolLe candidat du PS a clôturé lande propose aux électeurs, dans une semaine qui l’a conforté son programme détaillé hier, un dans sa position de favori. vrai tournant politique. Hausse des prélèvements obligatoires, restauration des services publics, place plus importante accordée des aléas politiques et éconoaux partenaires sociaux, pilotage miques, François Hollande prend de la politique industrielle, le tout «60 engagements pour la France». dans un cadre contraint d’équi- La nuance n’est pas que sémanlibre budgétaire : le candidat so- tique, mais bien politique. «Je ne cialiste réussit à viser enpromets que ce que je suis tre les mailles de la crise, ANALYSE capable de tenir, pas et à dégainer un projet moins, pas plus. Tout ce qui «progressiste». Après le socia- est dit ici sera fait […] dans le quinlisme rose foncé du début des an- quennat», a assuré le candidat à nées 80 suivi de sa dérive so- l’Elysée. ciale-libérale, puis l’étrange Du mendésisme pur sucre, quand «quinquennat» jospinien du tour- l’ancien président du Conseil se nant des années 2000 – qui avait disait mu par trois tout à la fois imposé les 35 heures, principes: «vérité, «Je ne promets que ce que je suis privatisé en masse et baissé l’im- courage et concapable de tenir, pas moins pas pôt sur le revenu–, François Hol- trat.» Une éthique lande se met, pour la première fois du pouvoir qui a plus, tout ce qui est dit ici, sera fait peut-être en France, dans les pas l’avantage d’être dans le quinquennat.» de la social-démocratie. Ceux de raccord avec François Hollande hier Pierre Mendès-France et de Jac- l’ADN politique de ques Delors, qui n’avaient pas eu Hollande, celui de la synthèse du de son mandat, un taux de préle temps (pour le premier) ou de mitterrandisme tactique et du ro- lèvements obligatoires record volonté politique (pour le second), cardisme réformateur. de 47% du PIB. de l’expérimenter. «Après le laissez-faire, on assume A quoi bon tous ces milliards ? Le un nouvel interventionnisme de réalisme hollandais l’amènera à «COURAGE». Là où François Mit- la puissance publique», pose les utiliser, en totalité, à la réducterrand faisait rêver en 1981 avec Guillaume Bachelay, l’une des tion du déficit. Il promet ainsi de ses «110 propositions» aux Fran- chevilles ouvrières du projet, pro- le ramener à 3% fin 2013 et proche çais, quitte à en abandonner au fil che de Laurent Fabius. Une gauche de zéro en 2017. Quant au volet

A

dépenses (20 milliards), il sera financé par des économies ou des «financements spécifiques». Un moyen qui devrait lui permettre de défendre un autre point essentiel de son projet : la restauration, même modeste, du rôle de l’Etat. Comment? En mettant fin à la Révision générale des politiques publiques, cet ensemble de mesures d’économies dans l’administration dénoncées par les syndicats, et en stoppant le nonremplacement d’un fonctionnaire sur deux. ATTAQUES. Dernier élément fort de cet affichage social-démocrate: la place des partenaires sociaux. Leur concertation obligatoire sur les sujets les concernant, actuellement d’ordre légal, sera constitutionnalisée. Et Hollande leur attribue un rôle dès le début de son éventuel mandat, en réunissant une «grande conférence économique et sociale qui sera saisie des priorités du quinquennat». Un point essentiel, même si nombre de politiques se sont targués, avant lui, de vouloir mieux les associer, avant de leur imposer leurs décisions. Reste que le candidat du Parti socialiste semble avoir tiré les conséquences des récentes attaques de la majorité, qui l’ont conduit à réviser ses ambitions à la baisse. Ainsi, la réforme du quotient familial se fera a minima et les créations de postes pour la justice et la police ont été divisés par deux. S’il s’affiche social-démocrate, François Hollande n’en reste pas moins prudent. Et doit encore tenir sa position près de trois mois durant. •

«Si j’étais socialiste, je serais sans doute contente mais je suis écologiste et s’il y a des éléments positifs sur le partage des richesses et l’emploi des jeunes, il y a des manquements et des impasses sur l’écologie […], des ambiguïtés sur l’énergie.»

«C’est un filet d’eau tiède, son affaire […]. [François Hollande] m’aide en ce sens qu’il désenclave le propos du Front de gauche […]. S’il veut me tendre la main, qu’il le dise, et qu’il dise de quelle manière ça va se passer.»

Cécile Duflot secrétaire nationale d’Europe Ecologie­les Verts, hier

Jean­Luc Mélenchon candidat du Front de gauche, hier sur i­Télé


EVENEMENT •633

LIBÉRATION VENDREDI 27 JANVIER 2012

François Hollande, hier soir sur le plateau de l’émission Des paroles et des actes.

Parfois trop sûr de lui hier soir, le socialiste profite de l’élan pris lors du discours du Bourget.

Gare à l’abus de confiance rançois Hollande a beau dire et répéter qu’il «y a des étapes à franchir» et que «l’erreur serait de regarder de côté au lieu de regarder devant» – bref, que rien n’est fait–, il termine bien la semaine. Avant d’affronter, hier soir, Alain Juppé sur le plateau de France 2, apogée d’une solide séquence politique et médiatique, le socialiste a insisté sur sa maîtrise du temps dans la campagne présidentielle. «C’est moi qui fixe le rythme», s’est-il félicité à la télévision. D’autant que Nicolas Sarkozy n’est toujours pas en course et laisse même filtrer l’idée de sa fin de carrière. «Je ne parle pas de mon retrait pour l’instant, je parle plutôt de mon avenir», a répliqué Hollande dans un sourire. Un peu plus tard, face à l’ancien Premier ministre, il a persisté à se projeter vers l’Elysée: «Moi je ne suis pas dans une rétrospective, je suis dans une perspective.» «Nuage». Pour une de ses proches, prise en flagrant délit d’excès de confiance, Hollande est «sur un nuage» depuis dimanche. «Qu’il y ait eu un moment de joie après Le Bourget, c’est humain et naturel, mais Hollande n’est

pas quelqu’un qui plane», corrige Pierre Moscovici, son directeur de campagne. Soit, mais voilà le député de Corrèze sur une rampe de lancement: les sondages réalisés dans la foulée de son grand meeting de dimanche confortent sa position de favori à moins de trois mois du premier tour. De quoi prendre l’avantage psychologique sur la droite. «Le Bourget change tout pour nous. Ils se frottaient les mains en pensant que Hollande allait rater son mois de janvier», remarque le député parisien Jean-Christophe Cambadélis. Après une visite aseptisée aux Antilles qui a brièvement alimenté les craintes du PS et les espoirs de l’UMP, Hollande a repris l’avantage. Finie l’image du candidat «mou» et «flou». «Les gens me regardent en se disant : “il peut être président”», frétillait l’intéressé mardi à Toulon. Hier, lors de la présentation de ses 60 «engagements pour la France» à la Maison des Métallos, il n’a cessé de parler de «nos prédécesseurs» pour qualifier la majorité, ramenant Sarkozy au rang de «candidat qui fut élu». Un passé simple pour le chef de

l’Etat et un futur pour lui. «Dimanche, il a installé une vision et [hier], il a montré que cette vision était possible par la crédibilité des chiffres», estime Olivier Faure, l’un de ses stratèges. Après le réquisitoire contre le «monde de la finance» et les envolées sur le «rêve français» d’égalité et de justice, est-il passé à l’exercice du pouvoir et à l’aridité budgétaire ? «Il n’y a pas deux François Hollande, celui du Bourget et celui de la maison des Métallos», défend Benoît Hamon, leader de la gauche du PS. Pas gêné par l’orthodoxie hollandaise: «Il y a des sous à trouver, nous, on va les chercher chez les plus riches. C’est un projet de gauche qui correspond à ce qui est possible.» Dans la voix du candidat, cela donne : «Je dois l’avouer, nous serons forcément plus sévères avec les Français plus aisés, que je respecte, mais qui doivent faire un effort de solidarité.» «Gourous». Au départ, la semaine hollandaise ne comportait que deux grands rendezvous : Le Bourget et France 2. L’équipe a intercalé la présentation, hier, de «la plateforme présidentielle» quelques heures avant l’émis-

«On ne reviendra pas à l’équilibre avec le programme [de François Hollande]. Ce n’est pas vrai, ce n’est pas imaginable. Il n’y a pas une seule mesure d’économies.»

«Ce sont des mesurettes […], un projet aseptisé […]. Sa guerre contre la finance est une guerre avec un pistolet à bouchon.»

«François Hollande a adopté le profil bas pour tenter de donner un contenu à son objectif déclaré: donner du sens à l’austérité […]. La finance n’a pas trop à s’inquiéter.»

F

François Bayrou candidat du Modem, hier

Marine Le Pen candidate du Front national, hier sur France Info

Philippe Poutou candidat du NPA

sion Des paroles et des actes. Aveu d’un dignitaire de la campagne : «On s’est dit que ce n’était pas utile de donner trois jours à la droite pour mouliner sur notre chiffrage.» Pas question de faciliter la tâche de Juppé. Hollande «n’aime pas le “media training” et les gourous», selon Pierre Lescure, ancien patron de Canal+, mais les journalistes Valérie Lecasble et Claude Sérillon, qui conseillent le candidat, étaient présents à la Maison des Métallos. Leur feuille de route était claire pour l’émission du soir : à Hollande de faire président pour mieux cantonner Juppé dans son rôle d’ex-chef du gouvernement. Les deux se sont affrontés dans un débat techno et tendu. «Comme Premier ministre, vous avez augmenté de 2 points la TVA et vous avez permis à Lionel Jospin d’être élu» en 1997, lui a envoyé Hollande. Après l’avoir accusé de faire montre d’un «mélange de sectarisme et d’arrogance», le maire de Bordeaux a répliqué : «On verra ce que vous ferez.» Comme s’il avait déjà intégré la victoire du socialiste. L.Br. et M.É.

SUR LIBÉRATION.FR

Retrouvez le live commenté de la prestation de François Hollande hier soir sur France 2, et l’intégralité du programme du candidat socialiste. Et toujours, analyses, reportages, etc.


PARUEVENEMENT LE LUNDI 16 AVRIL 20125

LIBÉRATION LUNDI 16 AVRIL 2012 64

François Hollande a évoqué «un espoir calme, un espoir ferme, un espoir lucide».

Le public a écouté, hier à Vincennes, un appel à la mobilisation dès le 22 avril.

Le candidat PS a appelé une «majorité audacieuse» à s’exprimer. PHOTOS SÉBASTIEN CALVET

Devant des dizaines de milliers de sympathisants à Vincennes, le socialiste n’a pas voulu céder à l’euphorie.

Hollande, la force tranquillou est Laurent Fabius qui le dit : la victoire de la gauche, «ce sera fait quand ce sera fait». L’ex-Premier ministre refuse de céder à l’enthousiasme qu’on sent monter de l’esplanade du château de Vincennes. «Quand vous ajoutez la prudence, la superstition, les leçons de l’expérience… il faut rester mesuré», professe-t-il. Hier, à 15 heures, aux portes de Paris. Avant que François Hollande ne monte sur scène, tout le PS a déjà les pieds dans le sable de la place que le vent frais soulève par bourrasques. Coté militants, on crie «Hollande, président» en agitant des milliers de drapeaux multicolores, et on se pourlèche: «C’est plié!» Mais, coté dirigeants, on se refrène. «Ça sent très bon», glisse discrètement un élu à l’oreille de Benoît Hamon. C’est qu’avant le premier tour, même si les sondages semblent prometteurs, il reste une semaine à tenir. Et les risques sont bien réels : démobilisation, dispersion à gauche et abstention qui menace. Sous la grande tente blanche de la presse –500 journalistes accrédités, dont 150 étrangers– un dirigeant socialiste met en garde contre «l’effet déception» si, le 22 avril, «plusieurs candidats grappillent des dixièmes de point à Hollande» et handicapent la dynamique pour le second tour. En coulisse, Ségolène Royal tient une miniconférence de presse: «Il faut faire attention, tout excès d’optimisme est toujours très mal vu. Ce n’est pas un match de sport. Les Français

C’

sont là pour avoir des solutions à leurs problè- ges avec sa compagne, Valérie Trierweiler, et mes. Ils sont des millions à se dire : “A quoi ça sa plume, Aquilino Morelle. Sur scène, Bersert la présidentielle?” C’est à eux que je pense trand Delanoë, seul autorisé à prendre la paaujourd’hui.» Delphine Batho, porte-parole role avant Hollande, se casse la voix. «Ne rede Hollande, abonde. Depuis la publication, tenez rien de ce que vous avez en vous pour aller le 4 avril, de «l’agenda du changement» qui expliquer que la victoire du 6 mai se construit le concrétise la première année du quinquen- 22 avril», crie le maire de Paris. «On va ganat, «on sent une forme de confiance tranquille gner», lui répond la foule. en train de monter. Mais il Cette fois, Hollande est y a toujours, depuis 2002, sur la rampe d’accès, encette idée d’un coup fourré touré de son premier cerFICHE TECHNIQUE de dernière minute». «Je cle. Son fils Thomas le suis confiant, mais je n’ar- w Terrain Léger. Esplanade du serre dans ses bras avant rive pas à être complète- château de Vincennes jusqu’à la qu’il ne monte à la triment rassuré», confirme verdure du parc. bune. Le voilà les deux Daniel Vaillant, qui était w Météo Changeante et ven­ coudes appuyés au pupiministre de l’Intérieur le teuse, soulevant des nuages de tre et les mains jointes. 21 avril 2002. sable. De belles trouées de soleil. «J’entends la clameur, je «Bonheur». Justement w Affluence Selon le PS, plus mesure la ferveur et j’imaarrive Lionel Jospin. L’ex- de 100000 personnes. gine le bonheur qui pourrait chef de gouvernement se w Invités de marque Jean­Jac­ être le nôtre si nous parveplie aux photos avec des ques Aillagon, ancien ministre nons vous et moi à la vicmilitants. «Jospin qui se chiraquien, Guy Bedos, Jacques toire», lance-t-il. S’il sent fait applaudir à tout rom- Higelin, Gérald Dahan, Benjamin «un espoir calme, un espre, c’est bon signe», Biolay, Alex Beaupain, Julie poir ferme, un espoir luglisse un proche de Hol- Gayet, Jean­Michel Ribes… cide» monter, il émaille lande à l’affût. Le candises cinquante minutes de dat, lui, traverse en dernier le pont enjam- discours d’alertes à la mobilisation. Evoque bant les douves du château. Les cheveux les «embûches» à surmonter –«le fatalisme, solidement gominés pour tenir tête au vent. la résignation et le découragement»– et appelle «Le bonheur, il viendra avec la victoire», glisse- à «repousser l’anesthésiante euphorie qui cont-il avant de s’isoler brièvement dans les lo- fond prédictions et scrutins» et qui autorise

certains à se répartir d’avance les postes. Viennent les attaques contre le présidentcandidat. Sarkozy appelle «à sa rescousse» la «majorité silencieuse, celle des travailleurs contre les chômeurs, des ouvriers contre les assistés, des Français contre les étrangers» ? François Hollande fait vibrer l’esplanade en assurant que «cette France, toute cette France, ici elle est rassemblée». Et proclame : «Cette majorité tranquille, cette majorité confiante […], cette majorité populaire, ce sera nous dimanche prochain. Cette majorité ne sera pas silencieuse, elle sera audacieuse.» Il fait rire en raillant la visite de douze heures en Corse de Sarkozy où ce dernier a promis un milliard d’euros d’aides. «Heureusement qu’il n’est pas resté plus longtemps !» Succès garanti. «Grandeur». Ensuite, sans le nommer, c’est le tour de Jean-Luc Mélenchon. Contre lequel il dégaine un discours de Mitterrand qui disait, «il y a trente et un ans […]: “Je suis le seul candidat de gauche qui soit en mesure de l’emporter”». Le message est clair: non aux «votes sans lendemain» mélenchoniens. Le socialiste fait trop long sur son projet qu’il remouline, et ne fait pas dans la modestie: «La grandeur de l’histoire», c’est 1789, Blum, Aubrac, Mendès France… et le 6 mai, il faudra «écrire la suite» avec lui. Un rayon de soleil balaie la scène. «Ça se réchauffe. Même en haut, ils nous écoutent», lance-t-il. En lévitation. LAURE BRETTON et MATTHIEU ÉCOIFFIER


HIER SOIR À TULLE. PHOTO SÉBASTIEN CALVET

• 1,50 EURO. DEUXIÈME ÉDITION NO9626

LUNDI 23 AVRIL 2012

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HOLLANDE EN TÊTE PAGES 2­19

LE PEN TROUBLE-FÊTE

IMPRIMÉ EN FRANCE / PRINTED IN FRANCE Allemagne 2,20 €, Andorre 1,50 €, Autriche 2,80 €, Belgique 1,60 €, Canada 4,50 $, Danemark 26 Kr, DOM 2,30 €, Espagne 2,20 €, Etats­Unis 5 $, Finlande 2,60 €, Grande­Bretagne 1,70 £, Grèce 2,60 €, Irlande 2,35 €, Israël 19 ILS, Italie 2,20 €, Luxembourg 1,60 €, Maroc 16 Dh, Norvège 26 Kr, Pays­Bas 2,20 €, Portugal (cont.) 2,30 €, Slovénie 2,60 €, Suède 23 Kr, Suisse 3 FS, TOM 410 CFP, Tunisie 2,20 DT, Zone CFA 1 900 CFA.


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EVENEMENT

PARU LE JEUDI 3 MAI H LIBÉRATION JEUDI 3 MAI2012 2012

Le ton est rapidement monté entre Hollande et Sarkozy. PHOTO MARC CHAUMEIL

François Hollande et Nicolas Sarkozy se sont affrontés hier soir. Un duel vif, où le sortant a cherché à défendre son bilan, et le socialiste à affirmer sa stature présidentielle.

Débat: des rixes et du métier François Hollande

12

MARS

Nicolas Sarkozy

25

INTENTIONS DE VOTE François Hollande rassemble au second tour, en %

7

15

AVRIL

20

29

Sondages Ifop

REPÈRES

Par ALAIN AUFFRAY, GRÉGOIRE BISEAU, LAURE BRETTON et MATTHIEU ÉCOIFFIER

P

as de round d’observation. Hier, 21 heures. Les deux finalistes de la présidentielle entrent tout de suite dans le vif du sujet. Sans préliminaire. Les échanges sont rapides, secs. Le débat télévisé de l’entre deux tours entre Nicolas Sarkozy et François Hollande a été sans concession. Au cœur du premier quart d’heure de leur confrontation, les deux candidats se disputent la posture du rassembleur. Le socialiste prend immédiatement l’ascendant sur son rival, étrangement sur la défensive. François Hollande est assis droit au fond de sa chaise, tandis que le président-candidat se tient sur le bord, les coudes sur la table, tendu. Premier à s’exprimer, Hollande se pose comme le «président de la justice, du redressement et du rassemblement»: «Pendant trop d’années, les Français ont été opposés, divisés. Je veux les réunir, car c’est ainsi que reviendra la confiance», lance le favori

aujourd’hui à 16 heures ses partisans place du Capitole à Toulouse. Il est l’invité demain de la matinale de RTL. L’après­midi, il sera en meeting à For­ bach (Moselle) à 16 heures avant de s’envoler pour Périgueux (Dordogne), où il est attendu à 19 heures pour sa dernière réunion publique.

Nicolas Sarkozy tiendra cet après­ midi à Toulon son dernier grand mee­ ting de campagne. En février 2007, il avait prononcé un discours­pro­ gramme dans cette ville, où il est revenu en 2008 et 2011. Demain, il sera aux Sables­d’Olonne (Vendée), où il a réalisé un de ses meilleurs sco­ res (41,34%) le 22 avril.


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LIBÉRATION JEUDI 3 MAI 2012 H

Obligé de passer à l’offensive, le président sortant n’a pas réussi à déstabiliser le candidat socialiste, qui a rendu coup pour coup.

Sarkozy bataille, Hollande le renvoie dans les cordes T

ous les «experts» de la chose monté les Français les uns contre les Sur des sujets clivants comme l’imen conviennent, un face-à- autres». Leurs échanges virils sur migration et le droit de vote pour les face présidentiel ne permet de les «mensonges» et autres «calom- ressortissants étrangers aux élecconvaincre qu’une marge infime nies» ont égayé des échanges tions locales, il a tenté de jouer sur d’électeurs. C’est dire si ce débat de souvent sérieux et techniques. Mais la peur du communautarisme. Mais la dernière chance relevait de la ga- le candidat socialiste s’est toujours il a trouvé face à lui un candidat de geure pour Nicolas Sarkozy, obligé efforcé de ramener le président gauche assumant ses positions au de prendre l’ascendant sur son sortant à «ses bilans» pour, en- nom de la «continuité dans les idées» challenger pour espérer resuite, développer ses et lui renvoyant ses propres revirefaire un peu de son retard, ANALYSE propositions. Ce qui lui a ments sur le sujet. Même chose sur toujours considérable dans conféré une autorité qui a la burqa, où François Hollande a exles sondages. Il n’en a rien été. Et, si souvent agacé son adversaire. Et, pliqué pourquoi il n’avait pas voté la le président sortant n’a guère com- avec pédagogie, il s’est appliqué à loi mais qu’elle serait appliquée s’il mis de fautes majeures, il s’est re- donner du sens à la présidence qu’il était élu président. trouvé à plusieurs reprises sur la dé- entend incarner. Chausse­trapes. En 2007, Nicolas fensive, et même dans les cordes, Bateleur expérimenté, Nicolas Sarkozy était venu débattre avec pour défendre les mesures les plus Sarkozy était bien décidé à «débus- Ségolène Royal «les mains dans contestables de son quinquennat, quer Hollande», selon l’expression les poches», selon son expression comme le bouclier fiscal. d’alors. Sûr de sa Bateleur. Cet impératif de prendre Le socialiste s’est efforcé de ramener le victoire finale, l’avantage dans ce débat particulièau soir du président sortant à «ses bilans» pour, acquise rement tendu et musclé l’a conpremier tour avec ensuite, développer ses propositions. traint à vite lâcher ses coups face à ses 31%… un adversaire – tout aussi pugnace Ce qui lui a conféré une autorité qui Cinq ans plus que lui– qui sait les encaisser mais, a souvent agacé son adversaire. tard, le challenger surtout, les rendre. Ainsi sur l’emSarkozy avait hier ploi: «Vous aviez dit 5% de chômage de ses conseillers. D’emblée, il a soir rempli ses poches de chausseà la fin du quinquennat, c’est 10% de cherché à se placer au-dessus de la trapes, formules ciselées et autres chômage aujourd’hui… Mais ça n’est mêlée en jouant de sa stature de chef mots doux pour François Hollande. jamais de votre faute.» A Sarkozy qui de l’Etat expérimenté «dans un Il n’a rien perdu de sa verve et de sa le cherchait sur les «drapeaux rou- monde extraordinairement com- combativité, mais sa rhétorique ges avec la faucille et le marteau», plexe». Mais, à aucun moment, il n’a tourne à vide, ses phrases ne percuHollande a répondu «justice», «re- pris en défaut son adversaire sur un tent plus. Le candidat UMP est tout dressement», «rassemblement» et dossier en lui assénant des chiffres simplement usé, à bout de souffle. accusé le sortant d’avoir «divisé, souvent contestables. ANTOINE GUIRAL

des sondages. Piqué au vif, Nicolas Sarkozy zappe sa propre introduction et se place sur le terrain de son adversaire. «J’ai écouté M. Hollande, c’est assez classique ce qu’il a dit. Il a dit qu’il serait un président extraordinaire si les Français le choisissant [sic]. […] Je veux que ce soit un moment de vérité, pas avec des formules creuses», poursuit le chef de l’Etat, accusant à l’avance son compétiteur de manier l’esquive. «Je n’imagine pas que vous feindrez, et vous n’imaginez pas que j’esquiverai», claque alors Hollande. «VIOLENCE». La tension s’installe à peine trois minutes après le début du débat, déjouant le pronostic des proches du chef de l’Etat, qui ne s’attendaient pas à un Hollande aussi à l’of-

fensive. Sarkozy rebondit surtout sur la promesse de rassemblement du socialiste: «Je ne suis pas l’homme d’un parti, je ne parle pas à la gauche. Le rassemblement, c’est de parler à tous ceux qui n’ont pas voté pour vous.» Son interlocuteur le coupe aussitôt, ironisant : «Si vous avez le sentiment que, pendant cinq ans, vous avez rassemblé les Français et que vous ne les avez pas opposés, divisés, je vous donnerai quitus. Mais je sais que les Français n’ont pas eu ce sentiment. Je n’oppose pas les vrais travailleurs et les faux, les salariés du public et du privé. Nous sommes tous français.» Retombant sur ses pattes, Sarkozy reprend une formule rodée dans ses meetings pour vanter son bilan: «Il n’y a jamais eu de violence pendant

ET SOUDAIN, UN PLAN DE COUPE… Pan pan pan, ça défouraille dans tous les sens. Attaque nerveuse et roulements d’épaules façon Tony Montana côté Nicolas Sarkozy; en face, François Hollande fait masse façon le Parrain. Le plan se resserre, imperceptiblement, et Hollande envahit l’écran. Certainement une intervention auprès de Jérôme Revon, le réalisateur du débat, de l’assistant choisi par le socialiste, Tristan Carné. Tension. Apnée. Sarkozy a sorti l’artillerie lourde: «Mensonges», «faucille et marteau», «Hitler»… La réalisation, pourtant tellement codifiée, mesurée, encadrée, s’emballe: plan large, gros plan, triptyque (la seule innovation filmique de ce duel) et, soudain, un plan de coupe! Hollande parle et, l’espace d’un instant, on voit, en face, Sarkozy relevant la tête. Totalement interdit, ce plan d’écoute, ainsi que le précise la charte du débat signée par les deux candidats. Mais elle ne peut, la réalisation, que suivre le rythme à la mitrailleuse imprimé par Hollande et Sarkozy, dont l’intensité ne baissera que rarement tout au long du débat. Encore plus que d’habitude, comptant les coups, Laurence Ferrari et David Pujadas sont réduits au rang de chronomètre. Et de bouée pour Sarkozy, qui ne cesse de s’accrocher à eux du regard face à un Hollande qui ne le quitte pas des yeux. Sarkozy voulait trois débats; hier, il a dû se réjouir de n’avoir pas été entendu par Hollande. R.G. et I.R.

les cinq années du quinquennat. […] La France a avancé dans un mouvement de réforme continue. Il y a ceux qui parlent de rassemblement, et ceux qui l’ont fait vivre.» «Pas eu de violence, heureusement!» cingle Hollande profitant de l’instant pour un hommage appuyé «aux syndicats» et à ces «corps intermédiaires» que Sarkozy n’a eu de cesse de fustiger durant la campagne. «Heureusement qu’il y a eu des partenaires sociaux, des interlocuteurs», martèle-t-il avant de ramener encore une fois le sortant à son bilan : «Vous avez assumé des réformes, mais à quel prix pour les Français ?» «FAUX». Après ces passes d’armes, on entre dans le cœur du débat avec le chômage. Hollande avait prévenu qu’il attaquerait sur cette promesse de campagne de Sarkozy en 2007. A 10% de la population active, «c’est un record. Vous aviez dit que si le chômage ne tombait pas à 5% ce serait un échec. C’est un échec». Le socialiste avance le chiffre de 700000 sans-emploi supplémentaires en cinq ans. «Les chiffres que vous donnez sont faux, Suite page 4

D’UN QUINQUENNAT L’AUTRE w Demain (minuit) Fin de la campagne. w 15 mai (minuit) Fin du mandat de Nicolas

Sarkozy. Si Hollande est élu, la passation de pouvoir aura lieu ce jour­là au plus tard. w 18 mai Dépôt des comptes de campagne. w 10 juin Premier tour des législatives. w 17 juin Second tour.

ÉDITORIAL Par NICOLAS DEMORAND

Tension Atmosphère tendue dès le début de l’affrontement télévisuel entre François Hollande et Nicolas Sarkozy. Les deux finalistes de l’élection présidentielle avaient manifestement envie d’en découdre. Et le climat politique dégradé, violent de cette fin de campagne, planait aussi dans le sinistre studio de télévision accueillant le débat. Sur la forme, le président-candidat fut pugnace, accrocheur, cherchant constamment le combat. A l’offensive mais aussi, souvent, sur la défensive. François Hollande, nettement plus serein, n’a pas esquivé, loin de là, n’hésitant pas à faire monter la pression et à attaquer lui aussi. Parfois brutalement et avec une vraie gourmandise. Toujours prompt à dégainer quelques formules bien senties : «Vous aurez du mal à passer pour une victime» ; «ce n’est jamais de votre faute» ; «vous êtes toujours content de vous». Car, sur le fond, tel aura été le grand paradoxe de ce débat : le refus constant d’assumer le bilan du quinquennat, le «conseiller à la Cour des comptes» François Hollande ayant toujours beau jeu d’opposer aux propositions de Nicolas Sarkozy les piteux résultats des politiques publiques qu’il a mises en œuvre. Et, au-delà, les dix dernières années de droite au pouvoir. Enfin, par rapport à 2007, et en dépit d’une réalisation digne de la télévision époque ORTF, la dynamique propre du débat aura permis d’éviter la juxtaposition des langues de bois, le choc des slogans creux. Et, à ce jeu-là, François Hollande a marqué bien des points.

SUR LIBÉRATION.FR

Retrouvez, aujourd’hui dans la matinée, la désintox du débat télévisé d’hier entre les deux candidats sur notre blog: http://desintox.blogs.liberation.fr


4 68• EVENEMENT

urpris? Oui, par la pugnacité de François Hollande. Nicolas Sarkozy, on le connaît, c’était François Hollande qui était l’inconnu. Que s’est-il passé ? La dominante de tous les échanges –du moins durant les quatre-vingt-dix premières minutes – a tourné autour du programme de Hollande. C’était le programme de François Hollande contre le bilan de Nicolas Sarkozy. C’est terrible pour Sarkozy, on ne parle jamais de son programme, on pourrait presque dire que l’on s’en moque. Et il ne le défend même pas. Il est tombé dans le piège. Nicolas Sarkozy laisse parler son bilan. Il devait dire: «Je ferai ceci, je ferai cela.» Il est sur la défensive. On n’est que sur le programme de François Hollande, et

S

cela le valorise bien sûr. Sur l’ambiance de ce débat, c’est beaucoup plus vif que ce que je craignais. Les passes d’armes ont été nombreuses, les chevauchements de parole multiples. Et il s’est révélé beaucoup plus violent que les précédents. Sur le plan des médias, on ne peut que constater l’inexistence des deux journalistes, Laurence Ferrari et David Pujadas. Ils n’interviennent pas, ne corrigent pas. Les rectifications des chiffres que les deux candidats se sont lancés à la figure, – l’opération de désintox, comme on dit, ne se passe pas à la télévision, mais sur les sites de presse. C’est un événement: suivre aujourd’hui le débat devant sa télévision,

c’est presque secondaire. On pourrait même ne pas suivre le débat à la télévision. Ce qui est important, ce qui se joue, c’est dans le live des sites des journaux. D’une certaine façon, jamais la télé n’a été réduite ainsi à son rôle de pur spectacle. Comme si on assistait à un nouveau partage de tâches. La télé se cantonnant à la pure image, les sites d’information s’occupant des débats de fond. Au final, est-ce que François Hollande a présidé le débat ? J’ai toujours peur de mes propres convictions, mais je dirais que le débat a tourné à son avantage, Nicolas Sarkozy n’ayant pas réussi à le mettre en difficulté.

THIBAULT CAMUS. AP

Aujourd’hui, suivre le débat à la télé, c’est presque secondaire

Le politologue Alain Duhamel a animé les débats télévisés de 1974 et 1995.

Le duel le plus dur depuis 1988, les mots d’esprit en moins C e face-à-face Sarkozy-Hollande est plus technique et plus teigneux que les débats présidentiels précédents, et notamment le duel Jospin-Chirac de 1995. C’est très technique par la quantité de chiffres qui ont parsemé les échanges. Une manière de faire une démonstration de leurs compétences. J’ai peur que le public ne soit saoulé de statistiques et de données contradictoires. Mais leurs arguments, à chacun, sont solides. C’est un débat de très bonne tenue, à la fois exigeant et extrêmement belliqueux. Le mot «mensonge» est revenu souvent, envoyé à la figure de l’un et l’autre à plusieurs reprises. Je pense que Hollande a marqué un point important

lorsqu’il a dit à Sarkozy: «En fait, vous n’avez jamais tort, vous avez toujours raison.» Sur la question de la dette, c’est Sarkozy qui a pris le dessus en utilisant les chiffres de la Cour des comptes. Mais, sur ce sujet très technique, il n’est pas sûr qu’il ait été audible par tous. Je trouve Nicolas Sarkozy à la fois très naturel et très offensif. Et François Hollande très ferme et très vif. Physiquement, Nicolas Sarkozy s’extériorise plus. François Hollande se contrôle davantage. Il est plus en retenue que Sarkozy. De par son attitude, sa gestuelle, Hollande veut incarner une certaine autorité. Il tient le haut de son corps droit, comme François Mitterrand.

Il recherche de la majesté dans l’immobilité. Nicolas Sarkozy est plus en mouvement, plus nature. Mais il n’est pas sûr que cela le serve. A mi-débat, je n’ai pas l’impression que l’un ait pris l’ascendant sur l’autre. Il y a une similitude de génération assez fascinante. On voit que l’un et l’autre sont en recherche d’autorité sur leur antagoniste. Ils sont dans une dialectique semblable: attaque, contre-attaque. Politiquement, c’est le débat le plus dur depuis 1988, avec les mots d’esprit en moins. Ils sont tous les deux dans une démonstration, dans un défilé de compétence, car on est en pleine crise et que les Français en ont conscience. Donc l’un et l’autre ont le souci de montrer qu’ils sont à la hauteur pour diriger le pays.

CHRISTOPHE RUSSEIL. FTV

AUCUN ESPACE. Sarkozy tente de reprendre l’avantage, faisant sortir de ses gonds son rival, en reparlant de «mensonge», lui qui assure, dans ses meetings, «mener une campagne en vérité». «En tentant de démontrer l’indémontrable vous mentez !» Réplique de Hollande : «Ah, ça vous reprend ! A force de l’exprimer, cela me fait que penser que vous avez une propension à commettre ce que vous reprochez aux autres !» Et d’enfoncer le clou: «En fait, vous n’avez jamais tort, vous avez toujours raison !» Vient enfin le morceau de choix pour le socialiste: la dénonciation de Sarkozy en président des riches plombé par son «bouclier fiscal». «Vous avez été capable de permettre que les plus fortunés des contribuables reçoivent un chèque du Trésor public. Je ne vais pas énumérer les plus fortunés qui sont vos proches…» «De qui parlez-vous ?» interrompt un Sarkozy tendu. «De qui vous savez», s’amuse Hollande avant de lâcher : «Mme Bettencourt.» Immédiatement, Sarkozy voit rouge et lui renvoie tous les patrons milliardaires à sensibilité de gauche «M. Perdriel, [patron du Nouvel Observateur], M. Lévy [patron de Publicis] et Matthieu Pigasse [dirigeant de la banque Lazard et co-actionnaire du Monde].» «Moi, ce que je recommande, rétorque le socialiste, c’est que les plus grandes fortunes fassent des chèques au Trésor public.» L’échange se poursuivra: «Il y a une différence [entre nous], vous voulez moins de riches, et moi je veux moins de pauvres…» Hollande l’interrompt: «Il y a à la fois plus de pauvres et les riches sont plus riches !» Fidèle à sa stratégie, le socialiste ne laisse aucun espace à son rival. 22h45, Sarkozy aborde le cœur de sa campagne: l’immigration et les «pressions communautaristes». Tout y passe, la viande halal, les burqas… Il emmène son rival sur les centres de rétention. Lui fait dire qu’il faudra les maintenir. «Pourquoi écrivez-vous le contraire», triomphe-t-il, exhibant une lettre dans laquelle Hollande déclare que ces centres «doivent devenir l’exception». Sur le droit de vote des étrangers, Hollande n’oublie pas de rappeler que le candidat UMP y était «intellectuellement favorable». Comme pour rassurer les électeurs sensibles à ces questions, il précise que cette réforme ne pourra se faire qu’à condition de réunir une majorité des 3/5e des parlementaires. Il va jusqu’à ouvrir la porte à un référendum: «Ce sera au peuple de décider.» Un échange sur le nucléaire et le sortant, en difficulté, sort l’arme attendue avec une allusion à Strauss-Kahn: «Je ne prendrai pas de leçon d’un parti politique qui a voulu se retrouver avec enthousiasme derrière DSK.» Trop tard. Juste avant, le socialiste s’est lancé dans un morceau de bravoure sur le style présidentiel. Bras croisés, il égrène tranquillement ses mesures institutionnelles. Scande une dizaine de fois : «Moi, président de la République…» donnant l’impression qu’il est seul sur le plateau. Déjà sans Sarkozy. •

Daniel Schneiderman décortique l’espace médiatique.

Bernard Guetta chronique la géopolitique internationale.

Sur l’UE, Hollande eut l’avantage C hacun eut ses points forts et ses points faibles. Qu’il ait ou non pris des libertés avec la vérité, Nicolas Sarkozy a montré une maîtrise des dossiers et des chiffres qui était celle d’un homme en charge, mais sa crispation et la nervosité que trahissaient ses tics étaient celles d’un homme aux abois et non pas d’un gagnant. François Hollande eut une phrase qui a dû faire mouche, dite d’une voix calme et attristée : «Vous êtes toujours content de vous.» Une phrase meurtrière, car elle disait toute la différence entre le bilan de ce Président et son manque de modestie devant l’état de la France. Mais, dans ce débat comme dans sa campagne, le candidat socialiste eut, en revanche, une grande

faiblesse. Même intéressantes, même justes, ses propositions auront été trop nuancées, trop complexes, et parfois vieillottes, pour emporter une pleine et immédiate conviction. Chacun eut ainsi ses moments forts et faibles, mais il y a un point, l’Europe, sur lequel François Hollande aura incontestablement eu l’avantage. Sans avoir besoin d’en rajouter, il dominait là son adversaire, car il avait eu raison depuis le début, et chacun pouvait le comprendre. Il avait eu raison de dire qu’il fallait renégocier le pacte budgétaire, car on voit bien aujourd’hui qu’il ne résout rien mais aggrave tout, puisque l’austérité sans relance ne fait qu’augmenter les

déficits et la souffrance sociale. Il avait surtout eu raison de dire que toute l’Europe en viendrait à faire le même constat que lui car, des droites aux gauches, ce constat fait désormais consensus dans l’Union. Fils spirituel de Jacques Delors, François Hollande a tout pour trouver un langage commun avec l’ensemble des Européens et parvenir à un compromis porteur entre libéraux et sociauxdémocrates. Il peut être l’homme d’une nouvelle politique économique européenne et, par là, d’une relance de la construction européenne – de ce dont la France et l’Union ont aujourd’hui le plus besoin.

THIBAULT CAMUS. AP

M. Hollande», riposte le chef de l’Etat. Le candidat UMP ne se «glorifie pas d’une augmentation de 18%», mais souligne que c’est «deux fois moins» que la moyenne européenne. Il garde la parole pour défendre son projet de TVA sociale, «pour éviter le cancer des délocalisations». Une taxe que Hollande supprimera s’il l’emporte. Sarkozy se fait le plaisir de rappeler que l’ex-chancelier allemand Gerhard Schröder l’avait mise en œuvre. «L’Allemagne, que vous donnez en exemple pour m’accabler, fait le contraire de ce que vous proposez, lâche le candidat UMP. C’est un argument qui se retourne violemment contre vous.» Hollande renvoie la flèche. «Vos comparaisons avec l’Allemagne sont impitoyables» : «Est-ce que je dois vous rappeler, Nicolas Sarkozy, que vous êtes au pouvoir depuis dix ans ?» Puis, railleur : «Avec vous, c’est toujours la faute des autres. Très simplement, ce n’est jamais de votre faute. Vous trouvez toujours des boucs émissaires.» Suite de la page 3

PARU LE JEUDI 3 MAI H LIBÉRATION JEUDI 3 MAI2012 2012


EVENEMENT •69 5

LIBÉRATION JEUDI 3 MAI 2012 H

L’économiste Thomas Piketty compte parmi les inspirateurs du programme fiscal du PS.

Sarkozy a menti sur l’Allemagne O n a vu, hier, un président sur la défensive, qui n’assume pas du tout son bilan. Avec Nicolas Sarkozy, c’est toujours de la faute des autres, des socialistes, de la crise, etc. François Hollande n’est pas tombé dans le piège et s’est montré pugnace et combatif en mettant le président sortant face à ses contradictions et ses responsabilités. Alors qu’il est au pouvoir depuis dix ans, Nicolas Sarkozy n’hésite pas, par exemple, à remonter à la politique de Lionel Jospin, avant 2002, pour trouver les origines de nos difficultés actuelles. Ce n’est vraiment pas sérieux et très gonflé. Plus grave encore, le Président a menti sur l’Allemagne et le commerce extérieur de la France. En 2000, 2001 et 2002, le commerce extérieur français était excédentaire, au même niveau que celui de l’Allemagne. Aujourd’hui, à l’inverse, la France connaît son plus fort déficit depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Et ce serait la faute des 35 heures? Il a également essayé de faire croire qu’il n’avait pas fait de cadeaux aux riches, alors que la France est le seul pays de l’Union européenne à avoir

allégé la fiscalité des très hauts patrimoines en pleine crise des finances publiques ! Unique. Contrairement à ce que le président de la République a dit, la France n’est pas du tout le seul pays de l’UE à avoir un impôt sur la détention de patrimoine. Beaucoup d’autres pays ont, par exemple, une fiscalité bien plus haute que la nôtre sur le foncier. La seule particularité de la France, c’est que l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) a un aspect plus redistributif, puisqu’il touche plus ceux qui se trouvent tout en haut de l’échelle sociale. Mais c’est justement cette progressivité que Sarkozy a remise en cause en allégeant très fortement l’ISF. Hollande promet de le rétablir dans son ancien barème, et c’est une bonne chose. Quand le Président a abordé la question de l’immigration, je l’ai trouvé nauséabond. Ce drôle de mélange d’inspiration très libérale quand il s’agit de favoriser les riches et de fermeture nationaliste quand il s’agit de bloquer les étrangers, notamment les étudiants, m’a laissé un goût amer. Ce n’est pas ce qu’avait été la droite française, c’est quelque chose de nouveau et de très dangereux.

Marcela Iacub est juriste et essayiste, spécialiste des mœurs:

Une attitude policée, si peu moraliste F

Sur le plateau du débat, hier soir.

rançois Hollande a dit qu’il serait le président du rassemblement, qu’il ne hisserait pas les Français les uns contre les autres, comme l’a fait le candidat sortant. Mais c’est vraiment dommage qu’il n’ait pas explicité d’avantage à quel point Nicolas Sarkozy a attisé les conflits de toute sorte, afin de diviser les habitants de ce pays. Ceux qui travaillent et ceux qui chôment, les honnêtes gens et les voyous, les Français et les étrangers, les chrétiens et les musulmans, les bons et les mauvais chiens. Comme s’il avait cherché à transformer en problème moral le fait de naître en France ou à l’étranger, riche ou pauvre, caniche ou pitbull. Les malheureux, les ignorants, les délinquants, les moches, les vulgaires, les illettrés, ce sont des paresseux, des vicieux, des méchants qu’un bon gouvernement a comme tache de redresser, de punir, d’exclure, de pointer du doigt. Sans doute le plus grand mérite de Hollande dans ce débat est de ne pas traiter Sarkozy comme un voyou, comme un paresseux, comme un vicieux, comme

un méchant, comme un coupable. De le traiter avec le respect que méritent même les plus hideux, les plus coupables, les plus irresponsables, ceux qui nuisent les plus à leurs prochains. C’est de cette attitude si policée, si peu moraliste, si politique dont il fait preuve dans ce débat que l’on peut attendre que François Hollande saura en finir avec le sarkozysme, après avoir battu son rival. Mais cette question sera sans doute le plus grand défi du nouveau gouvernement, et certaines des hésitations de François Hollande en matière d’immigration ou de délinquance semblent le présager. Parce que Nicolas Sarkozy, comme les femmes, n’est pas né Sarkozy. Il l’est devenu à la suite des désirs politiques des masses qu’il a su prendre en charge et façonner. Espérons que Hollande saura traiter ces désirs de la même manière qu’il a traité ce soir le président sortant: non pas en les moralisant, mais en montrant à la société française qu’il serait formidable d’en élire d’autres.


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JEUDI 3 MAI 2012 • 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9634

JEUDI 3 MAI 2012

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MARC CHAUMEIL

Hollande préside le débat Le candidat PS a contraint Nicolas Sarkozy à rester sur la défensive, hier soir. PAGES 2­9

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SAMEDI 5 MAI 2012 VENDREDI 4 MAI 2012 • 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9636 • 1,50 EURO. PREMIÈRE ÉDITION NO9635

VENDREDI 4 MAI 2012

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«La ligne qu’a choisie Nicolas Sarkozy est violente, elle entre en contradiction avec les valeurs qui sont les nôtres, avec les valeurs du gaullisme, autant que celles de la droite républicaine et sociale.» FRANÇOIS BAYROU, annonçant hier qu’il votera pour François Hollande

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DIMANCHE, TOUT EST POSSIBLE

François Hollande reste favori mais l’écart se resserre avec Nicolas Sarkozy. 14 PAGES SPÉCIALES

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PHILIPPE DESMAZES. AFP

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VINCENT NGUYEN. RIVA PRESS

Le 6 mai 2012, rue de Solférino, à Paris. En une: Meeting de François Hollande, le 27 avril à Limoges.


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