Nouvelles tendances
Le vin grandeur nature
Pour la première fois, « Libération » part à la rencontre de vignerons talentueux, indépendants, amoureux de leurs terres. Et propose, en partenariat avec « La Revue du vin de France », une sélection d’une centaine de bouteilles.
Supplément à « libération » no9434 du 12 Septembre 2011. ne peut être vendu Séparément.
ÉDITORIAL Par NICOLAS DEMORAND
Parlons de vin, donc de culture et de politique. Trois cépages qui, assemblés, font en réalité un grand cru que la France a récemment appris à apprécier d’un œil neuf. L’année 2004 fut à ce titre un millésime crucial, quand le film Mondovino de Jonathan Nossiter, présenté au Festival de Cannes, dévoila au grand public le puissant mouvement d’uniformisation et d’américanisation des vins. Le phénomène s’incarnait en une seule et même figure : Robert Parker, critique tellement puissant que des vignerons avaient fini par produire des vins taillés sur mesure pour lui complaire et décrocher de bonnes notes dans ses guides, leurs bouteilles atteignant du coup des prix stratosphériques sur le marché mondial. Les bordeaux étaient les plus touchés : d’un rouge profond, extrêmement charpentés et lourds, ils ressemblaient tous à une marmelade de fruits rouges aromatisée au bois de chêne. La « parkérisation » des vins triomphait en écrasant l’histoire, les terroirs, les savoirfaire anciens, et devenait un exemple particulièrement inquiétant des méfaits de la mondialisation. D’où, en retour, une prise de conscience de la fragilité de cet objet culturel qu’est, au même titre qu’un livre ou un film, une bouteille de vin. C’est aussi cette histoire que raconte notre supplément, conçu en commun par Libération et La Revue du vin de France : celle d’hommes et de femmes qui se battent pour prouver qu’un autre vignoble est possible. Plus authentique, plus naturel, plus personnel. Travaillé par de sérieux passionnés, de joyeux acharnés, de fiers enfants d’une histoire et d’une géographie dont le vin offre l’image la plus sensuelle. Leur combat entre en résonance avec celui d’une nouvelle génération de restaurateurs, eux aussi à la recherche d’une authenticité non pas patrimoniale, muséifiée, folklorisée, mais vivante et projetée vers l’avenir. Quant aux consommateurs, des Italiens du « slow food » aux « locavores » américains ou danois, en passant par tous ceux qui, chez nous, fréquentent les cavistes comme les salons à la recherche de bonnes rencontres, ils finissent par constituer une famille dont l’étendue dépasse de loin le cercle des alternatifs, des bobos ou des branchés. Chacun, dans le vignoble, vote comme il veut. Et les appartenances politiques des vignerons sont aussi complexes et imbriquées que les microparcelles bourguignonnes. Mais une chose est certaine. Comme le note le même Jonathan Nossiter dans Le Goût et le Pouvoir (Grasset), l’idée de terroir connaît aujourd’hui une mutation accélérée, et un basculement de la droite vers la gauche. Le capitalisme mondialisé est passé par là. A la recherche des plus vastes marchés possibles et d’une standardisation généralisée de la production, il en est venu à considérer les spécificités culturelles, viticoles, agricoles, comme autant de freins à son déploiement. Ce supplément vins défend d’autres valeurs et vous invite à vivre ensemble, entre amis, autour d’une bonne table et d’une bonne bouteille. Tout simplement.
luc manago
Cépages de gauche
Sommaire 04 La nouvelle donne des vins de France les grands équilibres du vin ont changé. la prééminence du Bordelais n’a plus lieu d’être, alors qu’émergent des vignerons, jeunes et moins jeunes, travaillant « nature ».
08 Les quatre chemins qui mènent au bio comment s’y retrouver entre les différentes, et subtiles, catégories de ceux qui travaillent autrement ? et aussi : zoom sur les pesticides, dont l’emploi diminue.
12 Faites sauter le bouchon ! une recension de rendez-vous dans toute la France à l’occasion des foires aux vins, ainsi que notre sélection de cavistes, restaurants, sites web et livres consacrés au vin.
16 Languedoc, Roussillon, Provence & Corse chez olivier decelle, l’ex-industriel ; chez antoine arena, nicolas mariotti-Bindi, et muriel guidicelli, les apôtres du minéral ; chez dupéré-Barrera, les novices talentueux.
24 Beaujolais, Bourgogne & Rhône chez mathieu lapierre, le fils de son célèbre père ; chez dominique laurent, le géant qui repère les meilleures parcelles ; chez michel chapoutier, qui a su bâtir un empire.
30 Bordeaux & Sud-Ouest chez Patrice lescarret, qui n’a pas la langue dans sa poche ; chez Xavier Planty, pour sa douce révolution; chez alfred Tesseron, qui ose le cheval au bord de la gironde.
36 Champagne & Alsace chez Jean-Baptiste lécaillon, le maître des bulles ; chez les Humbrecht, qui restent dans la bonne pente ; chez les Bedel, mère et fils, qui ont réussi à magnifier le destin.
42 Loire Retrouvez notre supplément sur
chez les frères charly et nady Foucault, aussi ombrageux et moustachus que doués ; chez Philippe gilbert, l’ex-dramaturge qui a longtemps fui son héritage vigneron. PHoTo de une Par luc manago.
www.liberation.fr 11, rue Béranger 75154 Paris cedex 03 Tél. : 01 42 76 17 89 Edité par la SARL Libération SARL au capital de 8 726 182 € RCS Paris : 382.028.199 Durée : 50 ans à compter du 3 juin 1991 Co-gérants : Nicolas Demorand et Philippe Nicolas Directeur de la publication et de la rédaction : Nicolas Demorand Directeur délégué de la rédaction : Vincent Giret Responsables du supplément : Françoise-Marie Santucci & Fabrice Tassel Rédaction : Didier Arnaud, Luc Dubanchet, Jacky Durand, Tiphaine Lévy-Frébault, Catherine Mallaval, Grégory Schneider et, pour La Revue du vin de France, Denis Saverot (directeur de la rédaction), Jérôme Baudouin et Sylvie Augereau Direction artistique : sheeno Edition : Isabelle Wesolowski Photographies : Luc Manago Rédacteur en chef technique : Christophe Boulard Fabrication : Graciela Rodriguez et Daniel Voisembert Impression : POP Membre de l’OJD-Diffusion Contrôle. CPPP : C80064. ISSN 0335-1793. Réalisé en partenariat avec la Revue du vin de France
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DÉCRYPTAGE
La nouvelle donne des vins de France Depuis les années 70, la géographie du vignoble français s’est profondément modifiée. Le Bordelais voit sa suprématie battue en brèche, tandis qu’émergent de nouveaux vins, axés sur le terroir et le respect de la nature. Par DENIS SAVEROT ET FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI Photos LUC MANAGO
Ci-dessus, le clocher de Sauternes.
’est un monde que les plus de quarante ans ne peuvent pas reconnaître, tant les bouleversements ont été nombreux dans les us et coutumes du vignoble français, et sa géographie. Il y a trente-cinq ans, le vin était encore un aliment quotidien, parfois de piètre qualité, et acheté à la tireuse chez le caviste ou le vigneron pour des prix dérisoires. Il est aujourd’hui un produit culturel et identitaire, assimilé dans certains cas à l’univers du luxe.
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La flambée des prix des grandes étiquettes, les débats sur la standardisation du goût, notamment dans les bordeaux, et l’émergence des vins « nature » ont modifié l’approche du public. Qui court les foires aux vins, les bons conseils, les soirées dégustations et les cavistes de choix. C’est à eux, néo-consommateurs exigeants ou gourmets de toujours, que ce supplément réalisé conjointement par Libération et La Revue du vin de France s’adresse. Nos journalistes ont fait le tour de l’Hexagone à la rencontre de vignerons hors du commun, amoureux de leur terroir. Qui tous, une fois passé le côté bourru qu’ils partagent souvent, ont d’incroyables histoires à raconter au moment de faire visiter leurs vignes, et de déboucher une belle bouteille. Mais revenons aux événements qui ont profondément remanié le paysage
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dans cette authentique jungle, lire nos explications page 8). Ce désir de vins plus « propres » est nourrie par la préoccupation croissante du public pour les questions de bien-être. L’influence des pesticides et des agents chimiques de toutes sortes sur la santé de l’homme, notamment le développement des cancers, n’est plus un sujet tabou. Et dans ce domaine, la vigne se retrouve en première ligne, puisqu’elle absorbe 15 % des pesticides épandus sur les sols agricoles (76 000 tonnes au total en 2008) alors que la viticulture ne représente que 2 % du total des surfaces cultivées… Et si l’Union européenne ne cesse de réduire le nombre de produits phytosanitaires autorisés (de 700, ils sont passés à 300 en 2008), il n’empêche : nombre de viticulteurs paresseux (ou étranglés par les dettes) n’en utilisent encore que trop, comme s’il s’agissait de remèdes miracles à la faible nocivité. Sauf qu’on est loin d’inoffensifs sirops ou de poudres de perlimpinpin ! QUESTION D’ÉTIQUETTES Il faut dire que l’autre option, le travail « nature », demande des muscles, de la sueur, et mieux encore : une dévotion presque totale, et souvent high-tech, à ses terres. Nombre de vignerons « nature » sont en effet des experts en œnologie et non des hurluberlus hurlant à la lune, et beaucoup disposent de chais flambants neufs. Cela dit, comment, chez un bon caviste, repérer un vin « bio » ou « nature » ? Un indice : parfois, surtout quand le domaine est jeune, les étiquettes sont drôles, privilégiant les dessins et les jeux de mots pour les noms de cuvées (ou alors la bouteille sera, au contraire, d’une épure très élégante). Là aussi, il s’agit de se démarquer du château bordelais « de papa » avec design rétro. Mais il peut y avoir, comme partout, de mauvaises surprises dans la galaxie « bio » : si certains travaillent proprement sans le mentionner sur la bouteille, d’autres mettent leur label en avant tout en élaborant, de manière quasi-industrielle, de mauvais vins trop dosés en chai, trop « verts » en bouche, trop âpres.
Les cuves d’assemblage du domaine Michel Chapoutier.
viticole hexagonal, et sa hiérarchie. Le prix des grandes bouteilles, pour commencer : c’est une fièvre financière qui s’est propagée aux grands noms de l’Hexagone, notamment dans le Bordelais, depuis 1990. Prenons le prestigieux 1er grand cru classé de Saint-Emilion, Château Cheval Blanc. Ce vin racé et élégant, distingué par sa proportion importante de cabernet franc, valait 120 francs (18 €) la bouteille en primeur en 1993 (prix professionnel). Puis 130 euros la bouteille en 2001 (le château avait, entre-temps, été racheté par les hommes d’affaires Bernard Arnault et Albert Frère). Puis 400 euros en 2005, 800 euros en 2010. Soit un prix multiplié par 44 en seize ans. Au total, une hausse de 4 300 % depuis 1993… Stratosphérique ! VINS BODYBUILDÉS Face à cette inflation considérable, les amateurs se sont quelque peu détournés des bords de la Gironde, au point, pour certains, de cultiver un véritable désamour du Bordeaux. Il n’est pas rare de rencontrer des cavistes qui se font une gloire de ne plus en vendre (le Verre Volé ou la Cave des Papilles à Paris, par exemple). Et le « cas » Bordeaux s’alourdit encore d’une polémique autour de la standardisation du goût. C’est l’Américain Jonathan Nossiter, le réalisateur du documentaire Mondovino, qui avait lancé le débat : selon lui, soucieux de plaire à la critique internationale, notamment au « gourou » américain Robert Parker, les propriétaires bordelais se sont mis à produire des vins toujours plus puissants, plus expressifs, « bodybuildés ».
CONSCIENCE ÉCOLOGIQUE Mais le mouvement vers les vins bios paraît néanmoins profond, puissant, inexorable. La hausse des prix des grands domaines, ajoutée à l’uniformisation des goûts et à l’émergence d’une conscience écologique et politique (au sens large), redessinent la carte des vins de France. Dont les régions en pointe, la Loire, le Languedoc, le Jura, ne sont pas les plus emblématiques de la « tradition pinard ». C’est dans ces coinslà, où les terres sont moins chères et où s’installent de jeunes idéalistes, que sont tentées les expériences les plus concluantes. Des vignerons comme les frères Foucault « C’est un tsunami financier qui a submergé à Saumur, Olivier Jullien les grands noms de l’Hexagone, notamment en Languedoc, Antoine Arena en Corse, Guy dans le Bordelais, depuis 1990. » Bossard en Muscadet ou encore Yvonne Hégoburu à vendanges entières, un vin à la couleur Jurançon animent de véritables commupeu soutenue mais « tenu » par une su- nautés d’inconditionnels. Car les aventures perbe colonne vertébrale végétale, et ceux biodynamistes et les vins « nature » fascidu domaine Denis Mortet, sombres, opu- nent les esprits comme les papilles. Ce sont lents et toastés, marqués par un élevage ces régions et ces méthodes-là que le public, en bois neuf – des différences qui n’exis- à la recherche de vins issus d’une viticulture plus respectueuse de l’environnement, tent plus à Bordeaux... plébiscite aujourd’hui. Et avec fougue. PRODUCTION « NATURE » Ainsi la com- Voilà notre sélection de vignerons et plexité du vin explose partout en France, vigneronnes (pour laquelle nous avons paravec panache, vie et accidents compris couru la France), que nous vous invitons à (c’est le prix à payer quand on cherche à découvrir. Ces artisans usent de méthodes éviter l’industrialisation du vin), et soute- parfois ancestrales, mais regardent droit nue par l’engouement des amateurs pour devant. Bienvenue chez eux, dans l’art de les cuvées bio, biodynamiques, « nature », leur amour pour la terre et toutes les couavec ou sans soufre (pour s’y retrouver leurs de leurs divines bouteilles.
Tarifs arrogants, nivellement gustatif : autant de déceptions qui poussent les consommateurs à s’aventurer vers d’autres horizons, à l’affût de sensations nouvelles, de débats stylistiques, de découvertes. La Bourgogne, par exemple, reste une terre de discussion et de confrontation. De la Côte de Nuits à la Côte chalonnaise, partisans et détracteurs des différentes techniques de vinification argumentent tout au long de l’année. Et le style de leurs vins affiche une réelle diversité : il y a un monde entre le gevreychambertin du domaine Dujac, issu de
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enquête
Pour que le soleil puisse mieux atteindre les grappes, on pratique l’effeuillage.
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Les quatre chemins qui mènent au bio En Alsace, en Corse ou dans la Loire, nombre de vignerons travaillent plus proprement pour préserver la richesse de leurs terroirs. Des « bio » aux « biodynamiques », des « nature » aux « inclassables » : à chacun sa méthode. Par SYLVIE AUGEREAU Photos LUC MANAGO aris, 9 septembre 2010, 21 heures. A l’étage du Sombath, le plus tendance des restaurants thaï du VIIIe arrondissement de Paris, Bérénice Lurton, la propriétaire de Climens, château star de l’élégance à Barsac Sauternes, se lève de table pour s’adresser à ses invités, une trentaine de journalistes du vin. Sur un ton solennel, la frêle châtelaine annonce : « Il se passe une révolution à Climens, notre vignoble est en conversion vers la culture biodynamique depuis deux ans ! ». Et Bordeaux n’est pas la seule région touchée par le phénomène. De telles annonces se propagent aujourd’hui de l’Alsace à la Corse. Dans un marché du vin plutôt atone, les cuvées dites « bio » affichent des ventes en progression. Après avoir beaucoup tardé, la viticulture de qualité se laisse séduire par une approche plus écologique du travail des sols et des vinifications. Reste à tenter de comprendre pourquoi. Citons d’abord les doutes sur la santé de l’homme. Lorsqu’on explique au consommateur que la viticulture absorbe extrêmement bien les pesticides (lire page suivante), il tousse. Et quand ce même consommateur apprend que ces pesticides sont associés par les scientifiques à des risques de maladies graves et qu’on les retrouve parfois, malgré la fermentation, dans le vin, il s’enrhume. Les préoccupations économiques comptent aussi. Plus demandés, les vins « bio » se vendent de plus en plus cher, ce qui est juste pour le vigneron car ce dernier, sans l’assistance des traitements chimiques, doit consacrer plus de temps à sa vigne. Et la planète ? Bizarrement, sa préservation semble peu compter dans les préoccupations des férus de « bio »... A vrai dire, dans l’émergence de ce phénomène « nature », il y a, peutêtre surtout, une envie de vrai vin. Prenez le guide vert des meilleurs vins de France, édité par La Revue du Vin de France : derrière chaque domaine doublement ou
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triplement étoilé se cache souvent une culture biologique. En Côte-d’Or, l’approche « bio » gagne du terrain, représentant 10% des surfaces de la vigne, soit plus du double de la moyenne nationale (4,6 %en 2009) ! En Bourgogne, de grands vignerons dénoncent depuis longtemps la mort des sols à coups de traitements chimiques : « Le “ bio ” me semble inséparable de la production de vins de terroir », a reconnu Aubert de Villaine, cogérant du domaine de la Romanée-Conti. En France, les organisations et syndicats professionnels (Fédération nationale interprofessionnelle des vins de l’agriculture biologique, Fnivab ; Fédération nationale de l’agriculture biologique, Fnab) n’ont pas réussi à élaborer une charte commune de la vinification biologique. Et au niveau européen, des divergences demeurent, notamment sur le taux maximal de soufre autorisé. Si bien que le vin biologique n’a pas d’existence officielle. Sont labellisés « les vins produits avec des raisins issus de l’agriculture biologique ». Reste pour le lecteur non initié à tenter de décrypter ce que contient cette galaxie « bio ». Quelles méthodes, quelles croyances, quels gestes se cachent derrière le mot « bio » ? En réalité on peut répartir ses partisans au sein de quatre familles de vignerons : les biologiques, les biodynamistes, les « nature » et les « sans-papiers », c’est-à-dire ceux qui travaillent selon des préceptes « bio » mais sans le revendiquer administrativement. Attention toutefois : ces familles ne sont pas exclusives les unes des autres. Ainsi, un vigneron aujourd’hui biodynamiste est forcément passé un jour par la case « biologique ». De même, un vigneron qui se déclare « nature » peut aussi être un adepte de la biodynamie. 1/ LES PURS BIOLOGIQUES Les vignerons biologiques se définissent, au sens large, comme « respectueux des grands équilibres naturels ». Ils représentent la plus grande famille de la galaxie « bio ». Les « biologiques » renoncent aux pesticides, herbicides et produits de synthèse, et n’utilisent pour protéger la vigne que des éléments présents dans la nature comme le
soufre et le cuivre. Les seuls traitements permis sont des produits de contact, lessivables par la pluie, qui ne pénètrent pas dans la plante (pas de produits systémiques). Ces vignerons veulent aussi réduire au maximum les doses de soufre dans la vigne lors des vinifications et de la mise en bouteille. La viticulture biologique (culture de la vigne) est régie par un cahier des charges européen. Mais la définition biologique du travail en cave est toujours discutée. Le vin « bio » n’a donc pas d’existence légale, seuls les raisins issus de l’agriculture biologique sont reconnus. Et le fameux sésame, le logo AB (Agriculture biologique) n’est « décerné » qu’à la quatrième vendange qui suit l’engagement en culture biologique (mais tous les domaines certifiés ne l’impriment pas sur leurs étiquettes). En cas d’accroc à la règle, par exemple un traitement par pesticides après une séquence pluvieuse, le vigneron retourne à la case départ. En France, cinq organismes certificateurs agréés par l’État (Ecocert, Qualité France, Agrocert, Certipaq, SGS) contrôlent les vignerons par des analyses de sols, de feuilles et de factures des produits utilisés. 2/ L’ÉLITE BIODYNAMISTE Un vigneron biodynamique est d’abord, à coup sûr, un vigneron qui a la certification en agriculture biologique. Peu nombreux mais animés par une conviction forte, les biodynamistes vont plus loin que le label AB et s’efforcent de redonner à la plante et au sol un équilibre, une résistance et une vitalité déréglés selon eux par les traitements chimiques et répétés des sols et des végétaux. Pour cela, ils « dynamisent » la plante et son environnement (terre et air) en projetant à très petites doses des préparations issues de produits naturels (bouses de vache, cornes, silice, décoctions de plantes) et assemblées selon des méthodes complexes. Parce que ces substances sont administrées à la plante en fonction du cycle des astres, les vignerons biodynamistes sont régulièrement accusés par leurs adversaires d’ésotérisme… Les biodynamistes revendiquent plutôt un bon sens ancestral, évoquent l’influence connue de la lune sur les marées et les hommes, une volonté de réduire les doses de soufre et de cuivre, un progrès gustatif et aussi une philosophie de vie. Du côté de la certification, deux associations, Demeter et Biodyvin, contrôlent les domaines candidats et décernent le label biodynamique sur la base d’un cahier des charges drastique. Biodyvin compte 70 vignerons adhérents, Demeter réunit près de 200 domaines (actuellement, seuls 270 sont certifiés
UNE ALCHIMIE SANS CHIMIE ? La France est le premier consommateur de pesticides en Europe. Et les vignes les absorbent comme un buvard, même si la situation change vite grâce à l’expansion de la viticulture bio et la prise de conscience des consommateurs. Première consommatrice de pesticides en France, la viticulture est montrÊe du doigt depuis des annÊes. Pourtant les choses Êvoluent rapidement. La viticulture française fait face à un Êtrange dilemme. Il lui faut d’un côtÊ, assurer sa renommÊe de patrie des grands vins, cultivÊs sur des terroirs exceptionnels et vendus des centaines d’euros la bouteille à travers le monde, et, de l’autre, faire face à une rÊalitÊ moins glorieuse : la consommation erÊnÊe de produits phytosanitaires, qui tuent la microbiologie des sols et rÊduisent à nÊant cette  expression de terroir  chère aux appellations d’origine contrôlÊe.
Travail en chai.
en France). Innovation rĂŠcente, Demeter vient de dĂŠďŹ nir un cahier des charges pour la viniďŹ cation : la mention ÂŤ Vin Demeter Âť s’appliquera dès le millĂŠsime 2009 sur des cuvĂŠes qui n’ont ĂŠtĂŠ ni levurĂŠes, ni acidiďŹ ĂŠes, ni ash-pasteurisĂŠes. Et Biodyvin devrait bientĂ´t se rallier aux critères ĂŠtablis par Demeter. 3/ LES AVANT-GARDISTES ÂŤ NATURE Âť Cette famille de vignerons est hostile Ă tout traitement chimique des sols (herbicides, fongicides, pesticides) et Ă toute adjonction de produits exogènes dans le vin lors de la viniďŹ cation, de l’Êlevage et de la mise en bouteille. A la diÊrence des biologiques et des biodynamistes, ils sont en particulier opposĂŠs Ă l’usage du soufre (SO2) en cave, lors des viniďŹ cations. C’est un fait : le soufre peut entraver l’expression du raisin Ă la dĂŠgustation. Et tous les producteurs rĂŞvent de retrouver dans la bouteille l’Êclat du fruit, la puretĂŠ, la transparence d’un vin goĂťtĂŠ
dÊgustÊs avec prÊcaution. La brutale exposition à l’air après l’enfermement dans le acon peut les altÊrer : mieux vaut les laisser reprendre leur respiration. La carafe est de rigueur pour ces vins dits  vivants  : elle laissera s’Êchapper le gaz carbonique (reste naturel de la fermentation) que certains vignerons prÊservent pour se passer du SO2 antioxydant.
4/ LES SYMPATHISANTS ÂŤ SANS-PAPIERS Âť C’est l’un des paradoxes – et non des moindres – de la galaxie ÂŤ bio Âť française. De très nombreux vignerons, parfois des ďŹ gures emblĂŠmatiques du mouvement ÂŤ ĂŠcolo Âť, travaillent selon les critères biologiques mais confessent ne pas ĂŞtre certiďŹ ĂŠs. Mieux, ils assurent ne pas avoir envie de l’être. Quels sont les motifs d’un tel comportement ? Il en existe au moins trois. Certains restent allergiques Ă la paperasse administrative et rechignent devant les formalitĂŠs, les contrĂ´les et le temps nĂŠcessaires Ă la certiďŹ cation ÂŤ bio Âť, et prĂŠfèrent s’en Ă leur propre cahier ÂŤ Sans soufre, un vin est comme un produit remettre des charges. D’autres veufrais qui doit ĂŞtre conservĂŠ Ă moins de 14° C lent rester libres de traiter afin d’Êviter les dĂŠviations aromatiques. Âť ponctuellement, Ă l’aide de produits chimiques moderavant la mise, sur fĂťt, Ă la pipette. Seulement nes, une attaque de mildiou ou d’oĂŻdium voilĂ , mĂŞme aujourd’hui, malgrĂŠ les progrès dans leurs vignes qui menacerait leur rĂŠcolte de la technique et de l’hygiène, il reste très (or le processus de certiďŹ cation en agriculdiďŹƒcile de se passer du soufre. Cet ĂŠlĂŠment ture biologique ou biodynamique interdit possède en eet des qualitĂŠs radicales : tout recours aux traitements chimiques. non contents d’être antibactĂŠriens et MĂŞme après deux annĂŠes en phase de certiantioxydants, les sulďŹ tes sont aussi de très ďŹ cation, un vigneron qui traite chimiquebons conservateurs. ment sa vigne perdra le bĂŠnĂŠďŹ ce de son A une ĂŠpoque oĂš l’on demande aux tomates engagement et devra tout recommencer Ă de rebondir, bien des revendeurs et des con- zĂŠro). De ce ou est issu un quatrième groupe sommateurs exigent d’une bouteille qu’elle de producteurs, les ÂŤ sans-papiers Âť. Ils sont supporte les stations couchĂŠes dans les mus par une volontĂŠ farouche de ne pas cores de voiture ou bien qu’elle vieillisse entrer dans le système, et souhaitent garder harmonieusement deux ans dans un placard leur indĂŠpendance. Il est vrai qu’un coup de Ă la maison, dans une atmosphère surchauf- tampon oďŹƒciel ne suďŹƒt pas toujours Ă consfĂŠe. Ce qui, sans adjonction de soufre lors truire une rĂŠputation de ÂŤ bio Âť. A l’inverse, des viniďŹ cations et Ă la mise, est presque de prestigieux domaines non certiďŹ ĂŠs sont impossible : dĂŠpourvu de soufre, le vin reconnus ÂŤ bio Âť par leurs pairs. Comme devient l’Êquivalent d’un produit frais, qui quoi, l’honnĂŞtetĂŠ et l’engagement peuvent doit ĂŞtre conservĂŠ Ă moins de 14°C pour encore remplacer le formalisme administraĂŠviter les dĂŠviations aromatiques ou les tif. Ces vignerons panachent le plus souvent reprises de fermentation. des mĂŠthodes de travail copiĂŠes au ďŹ l Pour cette raison, beaucoup de vignerons des rencontres et des expĂŠrimentations chez ÂŤ nature Âť refusent de vendre ou d’expĂŠdier les ÂŤ biologiques Âť, les ÂŤ biodynamistes Âť leurs vins en ĂŠtĂŠ. Ces vins doivent ĂŞtre et les ÂŤ nature Âť.
L’UTILISATION DE LA CHIMIE Avec 76 000 tonnes rĂŠpandues sur son sol en 2008, la France est le premier consommateur de pesticides en Europe. Et la viticulture est le secteur le plus ÂŤ gourmand Âť du secteur agricole : si les vignes ne couvrent que 2 % des surfaces cultivĂŠes, elles consomment au minimum 15 % des produits phytosanitaires. Certes, ceux-ci permettent de prĂŠvenir les maladies de la vigne (oĂŻdium, mildiou, etc.). Mais ils servent surtout Ă abaisser les coĂťts de production du raisin : le dĂŠsherbage total par la chimie revient presque trois fois moins cher que le labourage des sols. Ainsi, les pesticides sont le symbole d’une viticulture intensive et Ă bas coĂťt, loin des canons esthĂŠtiques des terroirs prĂ´nĂŠs par les AOC. Si les premiers traitements chimiques apparaissent au XIXe siècle, ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que leur usage se dĂŠveloppe. A la ďŹ n des annĂŠes 1960, une quarantaine de molĂŠcules est employĂŠe. Puis 100 dans les annĂŠes 1990, 130 en 2000. Au ďŹ l des rĂŠglementations europĂŠennes, leur nombre tend cependant Ă diminuer depuis 2000. Car les choses ĂŠvoluent. Et vite, mĂŞme. Il suďŹƒt de voir les analyses de traces de pesticides pour s’en rendre compte. ÂŤ Depuis dix ans, les niveaux sont nettement plus bas qu’auparavant Âť, constate StĂŠphanie MĂŠnager, chef du service chromatographie Ă l’Institut dĂŠpartemental d’analyse et de conseil (IDAC), un laboratoire public qui dĂŠpend du Conseil gĂŠnĂŠral de Loire-Atlantique et qui examine des milliers d’Êchantillons chaque annĂŠe. Il existe une autre raison, naturelle celle-ci, Ă la baisse du taux de ces produits chimiques. Contrairement aux fruits et aux lĂŠgumes, ingurgitĂŠs la plupart du temps crus et dont les produits phytosanitaires sont directement
assimilĂŠs par l’organisme, le raisin subit une mĂŠtamorphose. Au cours de la fermentation, la transformation des sucres en alcool et l’environnement acide du moĂťt va dĂŠtruire 90% des pesticides du raisin (d’oĂš leurs taux plus faibles que dans un fruit mangĂŠ cru). Dans le vignoble, les superďŹ cies de vignes conduites en agriculture biologique ont ĂŠtĂŠ multipliĂŠes par dix entre 1995 et 2010, passant de 4 850 ha Ă 50 260 ha. MĂŞme dans des rĂŠgions rĂŠputĂŠes diďŹƒciles, comme le Bordelais, les choses ĂŠvoluent. Des crus classĂŠs comme Pontet-Canet Ă Pauillac, Fonroque et GrandCorbin Despagne se sont converti Ă la biodynamie. ÂŤ Pour Sauternes, d’ici l’annĂŠe prochaine, 10% de l’appellation devrait passer en bio Âť, rappelle Xavier Planty, copropriĂŠtaire de château Guiraud, le seul premier cru classĂŠ de Bordeaux certiďŹ ĂŠ AB. Mais lĂ oĂš les choses ont bougĂŠ de manière plus spectaculaire encore, c’est chez les nĂŠgociants et les grosses entreprises. Sur une ĂŠtiquette, la mention AB fait vendre. Et les marques Ă grande diusion, comme le nĂŠgociant GĂŠrard Bertrand ou la cave coopĂŠrative Cellier des Dauphins, n’hĂŠsitent plus Ă sortir des cuvĂŠes bio produites en grande quantitĂŠ : ce qui fait des centaines d’hectares Ă cultiver ainsi. UNE EVOLUTION POSITIVE ÂŤ Si on laissait la viticulture biologique entre les mains de micro-entreprises, cela voudrait dire que personne n’aurait les capacitĂŠs ďŹ nancières de faire de la recherche sur le bio, qui resterait Ă un stade marginal Âť, explique le vigneron et nĂŠgociant Michel Chapoutier, qui cultive depuis vingt ans 250 hectares de vignes en biodynamie (lire portrait page 27). ÂŤ Cela marque aussi un retour vers la notion d’appellation, car en cultivant ainsi, on rĂŠactive la microbiologie des sols qui permet une meilleure typicitĂŠ dans les vins, la fameuse notion de terroir, et c’est fondamental Âť, dit aussi Chapoutier. Ainsi, la ďŹ lière ÂŤ bio Âť pourrait bien redorer l’image d’une viticulture dont l’excellence, et le goĂťt, et le style, ont ĂŠtĂŠ ternis ces dernières annĂŠes. Cette prise de conscience bio chez les consommateurs a confrontĂŠ certaines appellations Ă une image embarrassante. Dans la DrĂ´me, l’AOC coteaux du Tricastin, dont le nom est associĂŠ Ă la centrale nuclĂŠaire, a choisi en 2010 de devenir l’AOC Grignan-lesAdhĂŠmar, et redorer ainsi l’image de vins rĂŠputĂŠs pour leurs arĂ´mes de lavande. Par JÉRĂ”ME BAUDOUIN
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Harmonies subtiles, arômes intenses et purs, mémoire millénaire des pierres… L’appellation Alsace Grand Cru signe 51 terroirs, en très grand.
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luc manago
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centre caves 47, 47, avenue de la Tranchée, 37 000 Tours. les becs à vin, 262, rue de Bourgogne, 45 000 orléans. la cave saint-lubin, rue du Soleil d’or, 28 000 chartres. vino vini, 10, place Rabelais, 49 130 les Ponts-de-cé. Provence vinivore, 32, avenue de la République, 06 300 nice. la Part des anges, 33, rue Sainte, 13 001 marseille. le Zinc d’hugo, 22, rue lieutaud, 13 100 aix-en-Provence. chez ariane, 2, rue du Docteur-Fanton, 13 200 arles. rhone / beauJolais / bourGoGne le Georges v, 32, rue du Bœuf, 69 005 lyon. la cachette, 16, rue des cévennes, 26 000 Valence. le 126, 126, rue Sèze, 69 006 lyon. le carré d’alethius, 4, rue Paul-Bertois, 07 800 charmes-sur-Rhône. le comptoir des tontons, 22, rue du faubourg madeleine, 21 200 Beaune. le carafé, 15, rue Saint-nizier, 71 000 mâcon. alsace / chaMPaGne le bistro des saveurs, 5, rue de Sélestat, 67 210 obernai. la casserole, 24, rue Juifs, 67 000 Strasbourg. aux crieurs de vin, 4-6, place Jean-Jaurès, 10 000 Troyes. les caves du forum, 10, rue courmeaux, 51 100 Reims. bordeaux / sud ouest la cape, 9, allée morlette, 33 150 cenon. les vignes en foule, 80, place de la libération, 81 600 gaillac. les Papilles insolites, 5, rue alexander-Taylor, 64 000 Pau. le bobar, 8, place Saint-Pierre, 33 000 Bordeaux.
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Les ViNs de Bordeaux se dégusteNt aussi à Paris Pour la troisième année consécutive, le conseil interprofessionnel du Vin de Bordeaux (ciVB) organise quatre « apéros vintage de Bordeaux » à Paris. Le concept : un lieu branché, des vins à déguster, des professionnels à rencontrer. Les dates : le 13 septembre au Petit Bain (7, Port de la gare, 75 013), le 27 septembre au parc des Buttes-chaumont (75 019), le 11 octobre au restaurant Le 51 (51, rue de Bercy, 75 010), et le 25 octobre au floréal (73, rue du faubourg-du-temple, 75 010). Notre séLectioN de LiVres France, ton vin est dans le rouge, de christophe Juarez ; François Bourin Editeur, 2011. Chez Marcel Lapierre, de Sébastien lapaque ; éditions de la Table Ronde, collection la petite vermillon, 2010. Dans les vignes, chroniques d’une reconversion, de catherine Bernard ; éditions du Rouergue, 2011. Choses bues, de Jacques Dupont ; éditions grasset, 2008. Petit traité de dégustation, de Jacques néauport; l’or des fous éditeur, 2010. Les 1001 vins qu’il faut avoir goûtés dans sa vie, éditions Flammarion, 2009. Encyclopédie des vins et des alcools, d’alexis lichine ; Robert-laffont, 1999.
Notre séLectioN de sites iNterNet « Nature » Les sites marchaNds www.petitescaves.com www.vin-bio-naturel.fr Les sites d’iNformatioN et Les BLogs www.leszinzinsduvin.com www.vinsnaturels.fr www.lesvinsnaturels.org www.fromageetbonvin.com http://ptijournalduvin.over-blog.fr/ http://www.blog-vinbionaturel.fr/ http://levindescousins.over-blog.com http://rougeblancbulles.blogspot.com http://dumorgondanslesveines.20minutesblogs.fr
Nom du vin Le Pavillon L’Ermite Le Méal Les Greffieux La Mordorée Les Granits Les Varonniers Barbe Rac Croix de Bois V.i.t. (Visitare interiore terrae) La Pleiade L’Ermite De l’Orée Le Méal Les Granits Vin de Paille
Appellation Ermitage Ermitage Ermitage Ermitage Côte-Rôtie Saint-Joseph Crozes-Ermitage Châteauneuf-du-Pape Châteauneuf-du-Pape
Bouteille HT 153 e 180 e 108 e 90 e 90 e 27 e 26 e 54 e 45 e
Côtes du Roussillon villages
31 e
Australie
45 e
Ermitage Ermitage Ermitage Saint-Joseph Hermitage (37,5 cl)
234 e 90 e 90 e 31 e 72 e
La Collection - 12 Sélections Parcellaires M. Chapoutier Vins rouges : Le Pavillon - L’Ermite - Le Méal Les Greffieux - La Mordorée - Les Granits Les Varonniers - Barbe Rac - Croix de bois - V.i.t. Vins blancs : De l’Orée - Le Méal
Le jeune vigneron Vincent Bedel, lire page 40. PHOTO luc ManagO
Nom du vin
Appellation
Les Bécasses Côte-Rôtie Monier Hermitage de la Sizeranne Les Meysonniers Crozes-Hermitage Deschants Saint-Joseph Les Arènes Cornas La Bernardine Châteauneuf-du-Pape Gigondas Gigondas Domaine de Bila- Côtes du Roussillon Haut Occultum Villages Latour Lapidem de France Landsborough Domaine Tournon Valley (Australie) Shays Flat Domaine Tournon Vineyard (Australie) Chante-Alouette
Hermitage
Bouteille HT 27 e
Carton 6 blles HT 162 e
34,50 e
207 e
8,50 e 11 e 20 e 16,50 e 11 e
51 e 66 e 120 e 99 e 66 e
7e
42 e
9e
54 e
9e
54 e
21 e
126 e
Caisse HT 984 e Caisse panachée 12 bouteilles
Nom Prénom Adresse
de NouVeaux guides de La « rVf », miLLésime 2012 La Revue du vin de France vient de publier de nouvelles éditions de ses guides des meilleurs vins rédigés par le comité de dégustation de la revue, qui comprend notamment olivier Poussier, meilleur sommelier au monde en 2000. Le « guide vert » est premier des guides d’auteurs français sur le vin. il livre, pour sa 17e édition, son palmarès des 1 300 meilleurs domaines de l’hexagone et renouvelle sa sélection de plus de 7 500 vins, notés et commentés. cette année, le « guide rouge » est rebaptisé Guide des meilleurs vins à moins de 20 €. Les lecteurs y trouveront une sélection 100% originale et renouvelée de 1 950 bonnes affaires, agrémentée cette année de 17 portraits de jeunes vignerons dont la production s’est distinguée. enfin La Revue du vin de France s’est associée au groupe first pour développer un nouveau guide des vins dans la célèbre collection « Les Nuls ». il s’agit du Guide d’achat des vins 2012 pour les nuls qui s’adresse en priorité aux néophytes, aux amateurs en devenir, aux amoureux du vin souhaitant approfondir leurs connaissances. J. B.
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Prix bouteille HT
Prix carton 6 blles HT
Quantité
Total e HT
Le Guide des meilleurs vins de France 2012, 25 €. Le Guide des meilleurs vins à moins de 20 €, 2012, 15 €. Guide d’achat des vins 2012 pour les nuls, 14,90 €.
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Languedoc, RoussiLLon, PRovence & coRse
Les vignobLes du PouRtouR méditeRRanéen sont Les beRceaux de La viticuLtuRe hexagonaLe, dès 600 ans avant notRe èRe. aujouRd’hui, Les vins du Languedoc-RoussiLLon, de PRovence et de coRse sont Riches de nombReux céPages autochtones comme Le gRenache, Le caRignan, Le nieLLucciu ou Le veRmentinu. LongtemPs ReseRvés à La PRoduction de consommation couRante, Les vignobLes de cette Région PRoPosent une beLLe vaRiété de vins comme Le Rosé de PRovence, Le muscat du caP coRse, Le bLanc de PatRimonio, ou encoRe Les vins doux natuReLs de mauRy ou de banyuLs.
L’ex-nabab devenu vigneron côtes du RoussiLLon Olivier Decelle a délaissé la direction des produits surgelés Picard pour se consacrer à la vigne de Mas Amiel. Dix ans après, il étend son empire biodynamique jusque dans le Bordelais. Mais en cultivateur modeste, il sait composer avec le temps.
mas amieL superficie : 170 hectares. cépages : grenache, syrah et carignan. cuvées : 17 en rouge et blanc (10 vins doux et 7 vins secs). Production : 400 000 bouteilles par an. Mas Amiel 66 460 Maury www.masamiel.fr Tél. : 04 68 29 01 02
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Olivier Decelle au Mas Amiel. Dix hectares de jeunes vignes sont labourĂŠs chaque annĂŠe.
Par FABRICE TASSEL (envoyĂŠ spĂŠcial) Photos LUC MANAGO première vue tout ĂŠloigne un aliment surgelĂŠ d’un beau vin : la noblesse du produit, son image, le soin apportĂŠ Ă sa composition, la difďŹ cultĂŠ de conception‌ A la limite un certain rapport au temps les rapproche, l’un et l’autre pouvant se conserver longtemps et devant se consommer vite une fois ouvert. Et puis il y a l’histoire d’un homme qui aura basculĂŠ d’un monde – celui des surgelĂŠs –, Ă l’autre, cette ambition : faire un produit sain et de qualitĂŠ. Il s’agit d’Olivier Decelle, 55 ans, qui, il y a dix ans, a pulvĂŠrisĂŠ son ancienne vie, celle de PDG du groupe Picard, pour se jeter Ă corps perdu dans l’aventure du vin. Pas seulement pour le vendre, mais pour devenir vigneron, son propre chef de culture, ÂŤ et ça m’a pris dix ans Âť. Avant, quand il souhaitait quelque chose, dix personnes se prĂŠcipitaient pour le satisfaire. Du jour au lendemain il a fallu tout faire seul, ou presque. Ecouter, apprendre, se tromper, enrager, se dĂŠsespĂŠrer. Comme souvent dans les ÂŤ success stories Âť, il a fallu que le hasard frappe Ă la porte de la vie d’Olivier Decelle.
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Au milieu des annĂŠes 90 le groupe Picard – rachetĂŠ en 1973 par Armand Decelle –, le père d’Olivier qui en est devenu prĂŠsident en 1991, ouvre une vingtaine de magasins par an. En 1997, une sociĂŠtĂŠ de placements ďŹ nanciers lui propose d’investir dans divers secteurs et, tiens, d’acquĂŠrir quelques parts de vignoble. AďŹ n de prendre conseil, Olivier Decelle rencontre Jacques Boissenot, un des plus grands et le plus discret des Ĺ“nologues du Bordelais, conseiller, entre autres, de Latour, LaďŹ te, Margaux ou Ducru-Beaucaillou. Sur l’indication de Boissenot, Olivier Decelle visite le domaine de Mas Amiel, Ă trente kilomètres de Perpignan. En quittant les 155 hectares situĂŠs dans la vallĂŠe de l’Agly, avec au Nord les Corbières et au Sud les PyrĂŠnĂŠes, Olivier Decelle a dĂŠjĂ le coup de foudre. LEÇON D’HUMILITÉ Mais l’homme est encore avant tout un industriel, qui ÂŤ n’avais alors jamais pensĂŠ devenir un jour vigneron Âť. ÂŤ Je veux faire un grand vin Âť, lance-t-il Ă Boissenot, qui rĂŠplique : ÂŤ Alors je ne peux rien pour vous. Moi je fais du vin, c’est tout. Âť Pourtant pas arrogant par nature, Decelle prend quand mĂŞme une petite leçon d’humilitĂŠ. Le dossier mĂťrit un peu, et c’est en 1999 que le PDG de Picard achète l’ensemble du domaine. ÂŤ C’Êtait le chire d’aaires d’un magasin Picard, or j’en gĂŠrais 450, je me suis dit que c’Êtait faisable. Mais en mĂŞme temps le vin doux [la fermentation est arrĂŞtĂŠe par
l’addition d’alcool, ndlr] ne se vendait pas du tout. Economiquement l’investissement n’Êtait pas intelligent.  Pendant un an Decelle se change souvent à Orly-sud, troquant la cravate Hermès et le costume pour une tenue qui passe mieux dans la vallÊe de l’Agly. Puis, en juillet 2000, c’est la dÊmission du groupe Carrefour, alors propriÊtaire de Picard. Une nouvelle vie commence.
cion. D’autant que l’homme aime les dĂŠďŹ s. Dès la première viniďŹ cation il dĂŠcide que Mas Amiel fera aussi des blancs secs, ÂŤ on m’a pris pour un fou Âť. Aujourd’hui de nombreux jeunes vignerons produisent d’excellents blancs dans le Languedoc. Mais Ă l’Êpoque ça raille, et ça rigole‌ lorsqu’Olivier Decelle dĂŠcide de passer en biodynamie dès sa première viniďŹ cation. Une dĂŠcision trop brutale. ÂŤ J’ai A L’ECOLE DU MAS AMIEL Et les dĂŠbuts sont commis une erreur fatale, celle de l’enherrudes. La marque Mas Amiel est quasiment bement intĂŠgral sur des vignes sans racines inconnue du grand public, il faut tout profondes. L’herbe a pris toute l’eau, sur une reprendre Ă la base. En un premier temps terre qui n’en a dĂŠjĂ pas beaucoup. Âť Des Olivier Decelle ne s’estime compĂŠtent qu’en vignes ont mĂŞme frĂ´lĂŠ la disparition commatière commerciale, et laisse les vignes et plète. ÂŤ Je me suis senti idiot, comme quelqu’un qui ne sait pas Âť, se souvient Olivier Decelle. ÂŤ Le temps passe aussi vite Grosse remise en question, en ĂŠtant vigneron que PDG, mais surtout pour un homme pas je le mesure mieux ici Âť. habituĂŠ aux ĂŠchecs, qui lui fait dire aujourd’hui ÂŤ qu’un Olivier Decelle tel changement de vie, je ne le la cave Ă son ĂŠquipe. C’est parti pour des ferai qu’une seule fois Âť. Pendant cinq ans mois dans le rĂ´le de VRP, Ă la conquĂŞte des Decelle et son ĂŠquipe travaillent d’arrachecavistes, des sommeliers, arpentant les pied pour eacer l’erreur initiale. L’option salons des vins : ÂŤ Je servais moi-mĂŞme le vin, bio n’est pas abandonnĂŠe, loin de lĂ . Les un jour, Ă la porte de Versailles, un groupe vignes sont presque entièrement labourĂŠes, d’anciennes relations professionnelles m’a un les produits bannis sauf dans des cas peu chambrÊ‌ Mais je m’Êtais ďŹ xĂŠ la mĂŞme exceptionnels et remplacĂŠs par du règle que chez Picard : faire goĂťter les pro- compost. Dix hectares de jeunes vignes, duits. Âť A Maury ÂŤ l’industriel Âť suscite au des plantiers, sont labourĂŠs, chaque annĂŠe, mieux la curiositĂŠ, au pire un peu de suspi- avec l’aide d’un cheval. Ces plantiers
CHEF DE CULTURE Lorsqu’il rachète en 2004 le domaine, Olivier Decelle doit tout reconstruire : les vignes, les chais, la maison. Cela dure deux ans. « Notre vie a alors vraiment changé. » Sa femme, Anne, quitte son poste au marketing d’Yves Rocher pour s’installer à Saint-Emilion. Et Olivier, après avoir longtemps appris, se lance dans le grand bain et devient chef de culture. Certes il est encore conseillé, en particulier par Stéphane Derenoncourt (1), mais Olivier Decelle devient vigneron à part entière. 2007 est la première cuvée qu’il réalise entièrement seul. « A un moment il faut se débarrasser de ses complexes et ne plus regarder les autres faire. » Comme à Mas Amiel, le bio préside à la destinée de Jean Faure, pas de désherbant, des sols labourés, une attention extrême portée à la taille, et le recours aux pesticides en cas d’urgence seulement. « Si tout va bien 2012 sera notre première année de reconversion en bio, et dans trois ans nous aurons l’étiquette. Mais je n’en ferai pas un porte-drapeau, simplement parce que je ne veux pas que l’affichage bio passe devant le produit, et je le disais il y a dix ans déjà. L’essentiel est que le vin soit bon et pas qu’on dise qu’il est bio. Chez Picard, aussi, on avait des produits bio sans forcément l’écrire dessus. » Une forme de prudence liée aux codes complexes du Bordelais, et à la franchise du bonhomme. Car désormais Olivier Decelle est bel et bien vigneron, angoissé par une seule chose : le nombre de vinifications qu’il lui reste à faire, « je n’ai plus le droit d’en louper une ». Le rapport au temps, encore et toujours. « Le temps passe aussi vite en étant vigneron que PDG, mais je le mesure mieux ici. »
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peuvent ainsi s’enraciner plus profondément. Les rendements sont peu élevés, quinze hectolitres par hectare. Depuis 2005, Mas Amiel est sorti de l’ornière et vend environ 400 000 bouteilles par an, dont 150 000 de vins doux. Le vin sec, notamment le blanc (grenache blanc et gris, maccabeu), est aussi une belle surprise, vif et long sur fond d’arômes de poire et de fleurs. Mais c’est sans doute « son » Jean Faure qu’Olivier Decelle fait déguster avec le plus de fierté. Car loin de s’être arrêté à Mas Amiel, c’est dans le Bordelais que l’industriel est vraiment devenu vigneron. « D’ailleurs, si j’avais voulu faire simple je serais tout de suite devenu châtelain bordelais. Mais Mas Amiel a été mon école. » Olivier Decelle s’est d’abord posé sur la rive gauche, avec l’achat en 2001 du Haut-Maurac, un petit château du Médoc. La conquête de la rive droite commence doucement en 2004 à SaintMichel de Fronsac, avec l’achat du château Haut-Ballet. Dans les deux cas la beauté des lieux a joué son rôle. Mais Olivier Decelle s’est désormais pris au jeu et guette les bonnes affaires. Par un ami banquier il apprend que le domaine Jean Faure, négligé par une famille qui se déchire, est à vendre. Decelle se tourne encore vers Jacques Boissenot : « C’est le seul diamant disponible sur la rive droite », délivre l’oracle. Et pour cause ! Les dix-huit hectares se trouvent à cent mètres de Cheval Blanc et du nouveau chai dessiné par Christian de Portzamparc ; La Dominique est mitoyen ; et Figeac et l’Evangile sont à un battement d’aile. Premier cru de Graves Saint-Emilion pendant une longue partie du XXe siècle, et alors propriété des Loubat (la famille de Petrus), puis Grand Cru Classé dans le classement historique des crus de Saint-Emilion de 1959, Jean Faure est déclassé en 1986.
La cavelibrairie d’Emmanuel Dupuis C’est un pari. En plein cœur de la capitale (1), Emmanuel Dupuis, 41 ans, ancien ingénieur chez Dassault, a ouvert depuis mars une cave-librairie qui propose 80%… de blanc et de champagne, et 750 livres sur le vin. Une initiative unique à Paris. Pourquoi ce choix de proposer surtout du blanc ? D’abord ma préférence personnelle m’a toujours porté, depuis une petite quinzaine d’années que je m’intéresse au vin, vers le blanc. C’est même étonnant comme cela transforme le goût, j’ai désormais du mal à boire un vin rouge trop puissant. Ensuite j’ai remarqué que les gens connaissent moins bien le blanc, et que souvent le choix est limité chez les cavistes, une cinquantaine de références en moyenne, contre 400 chez moi. Beaucoup de clients viennent-ils spécialement choisir un vin blanc ? Non, le plus souvent les clients ne recherchent pas spécifiquement des vins bio, cela reste une démarche rare, mais ils y sont sensibles. Et puis, j’ai peu à peu une clientèle de quartier qui connaît bien le vin, et qui a suivi le chemin de dégustation bordeaux rougebourgogne rouge-blanc. Quelle part représentent les vins bio dans votre offre ? Les trois-quarts environ sont bio ou dans l’esprit bio, même si je n’en ai pas fait un critère de sélection. Mais quand on va vers une approche de qualité et de rigueur, on va très souvent vers le bio, c’est une vraie tendance de fond. Conseillez-nous deux ou trois bouteilles que l’on trouve chez vous ? Pourquoi pas du Languedoc. D’abord le limoux 2007 du domaine de Mouscaillo de Pierre et Marie-Claire Fort, en 100% chardonnay (16,80 €). Ensuite en appellation Coteaux du Languedoc le domaine Hautes Terres de Camberousse de Paul Reder, et sa cuvée Roucaillat (17 €) en grenache, rolle et roussanne avec une préférence pour 2007. Enfin, toujours en coteaux du Languedoc le domaine Prieuré SaintJean de Bébian et sa cuvée La Chapelle de Bébian 2009 (19 €) en grenache, roussanne et clairette.
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Stéphane Derenoncourt est l’un des plus prestigieux consultants au monde. Il travaille notamment pour le Château Canon-la-Gaffelière ou le Château Smith Haut Lafitte.
Des nectars au cœur du maquis PATRIMONIO D’Antoine Arena et ses fils jusqu’à Nicolas Mariotti-Bindi ou Muriel Giudicelli, des vignerons réinventent l’appellation corse. Aussi bien artisans qu’aventuriers, ils livrent des cuvées d’une pureté folle tout en pensant à l’avenir.
Propos recueillis par FaBriCe Tassel (1)
Chapitre 20, 8, rue Saint-Paul, 75 004, Paris. tél. : 01 77 15 20 72.
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Nicolas Mariotti-Bindi, et l’une des parcelles qu’il cultive. PHOTOS D. MOZIN
Par FRANçOISE-MARIE SANTUCCI (envoyée spéciale)
ne montagne à six sommets comme autant de mamelons, striée de calcaire blanc, avec, au-delà, le golfe de Saint-Florent et sa récente « Saint-Tropezisation ». Face au voyageur qui descend les virages en épingle à cheveux depuis le col de Teghime, la montagne semble nourrir de ses mamelles le vignoble de patrimonio, l’AOC la plus prestigieuse de Corse. Des lignes vert sombre s’étagent entre les murs de pierres sèches, la poussière et l’écrasante chaleur. Il y a souvent du vent, le Libecciu, qui nettoie la vigne et la préserve
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des maladies. C’est un terroir exceptionnel disent les connaisseurs – et pas seulement ceux du coin, fiers comme des Corses. En fin d’après-midi, sur un coteau fortement pentu, les « hauts de Carco », qui a donné son nom à la dernière cuvée en date du plus fameux vigneron de l’île, Antoine Arena, son fils cadet, Antoine-Marie, passe le tracteur (sur cette terre de Beauté, les prénoms composés sont fréquents ; ils mélangent ceux des parents, grandsparents, enfants, ce qui crée une cacophonie souvent cocasse). Autour d’Antoine-Marie courent Cinto et Nielluciu, les deux chiens qui connaissent chacune des parcelles des quatorze hectares du domaine presque aussi bien qu’un vieux du village. Le fils aîné, Jean-Baptiste (c’était aussi le prénom du grand-père), revient d’une livraison. C’est lui qui, le lendemain à l’aube, montera sur l’engin. Encore un jour de travail dans les vignes et tout sera prêt pour les vendanges, fin août. D’ici là, un semblant de relâche. Quoique. Marie, la femme d’Antoine, a l’habitude de se lever à quatre heures du matin. Elle s’occupe de la paperasse, de la vente, et tard le soir régale encore les amis de la maison (ils sont légion à faire un saut l’été, des célèbres cuistots Yves Camdeborde ou Pierre Gagnaire à l’éditeur Gilles Cohen-Solal), ainsi que des
DOMAINE ANTOINE ARENA Superficie : 14 hectares. Cuvées : 4 en rouge, 4 en blanc, 1 en rosé et 1 en muscat. Production : 55 000 bouteilles par an. Domaine Antoine Arena 22 153 Patrimonio www.antoine-arena.fr DOMAINE NICOLAS MARIOTTI-BINDI Superficie : 5 hectares. Cuvées : 1 en rouge et 1 en blanc. Production : 13 000 bouteilles par an. Domaine Nicolas Mariotti-Bindi Lieu-dit Porcellese 20 232 Poggio-d’Oletta. DOMAINE MURIEL GIUDICELLI Superficie : 13 hectares. Cuvées : 1 en blanc, 2 en rouge et 4 en muscat. Production : 40 000 bouteilles par an. Domaine Giudicelli 5, bouvelard Auguste-Gaudin 20 200 Bastia
importateurs américains de passage qui découvrent enfin, les étoiles dans les yeux, un vigneron et un terroir qu’ils sanctifient depuis des années, à New York ou Chicago. vIN BéNI C’est un principe : Antoine ne mégote jamais sur la dégustation. L’assemblée de dévots ne demande que ça, se laisser enivrer par un tel messie (l’allusion christique le ferait rire, il est farouchement anticlérical), et la cave devient vite un endroit hors du temps où l’on rêve de passer la nuit. Dans les cuves en inox serrées les unes contre les autres mûrissent douze cuvées et millésimes différents. Il y a des vins blancs exceptionnels (les Hauts de Carco, les Carco, les Grotte di Sole), très tendus, minéraux, aux arômes de fleurs blanches, de miel de printemps, mais aussi des rouges d’une finesse rare en contrée sudiste, et des muscats plus ou moins oxydatifs dont certains joyaux ambrés qui vieillissent en barriques depuis des années et qu’Antoine couve (et goûte rarement, avec les copains) en petit chimiste ravi de ses expériences – et il y a de quoi. Là-haut, Marie prépare des beignets de courgettes au jus de moules et une daube au riz. On se moque gentiment, avec JeanBaptiste et Antoine-Marie venus pour
Muriel Giudicelli et un aperçu de son domaine. Ci-dessous, Antoine-Marie Arena. PHOTOS D. MOZIN
l’apĂŠritif, des gens de la ville qui louent les vertus du ÂŤ bio Âť. Le mot semble incongru, presque ĂŠchappĂŠ d’une langue ĂŠtrangère. Ici, il se traduit tout simplement par ÂŤ proximitĂŠ et respect de la nature Âť, Ă la façon des ancĂŞtres. Ici, on a tournĂŠ la page de l’agriculture intensive des annĂŠes 70, de l’axe bordeaux/bourgogne et des traitements systĂŠmatiques, de l’aseptisation de la vigne et des caves, ainsi que de la chaptalisation, cet ajout de sucre pour augmenter le degrĂŠ d’alcool, pratiquĂŠe par les pieds-noirs de la plaine orientale qui faisaient comme jadis en AlgĂŠrie : ÂŤ Pisser la vigne Âť, et pas forcĂŠment de la bonne. reprise de lA viGNe fAMiliAle MĂŞme Ă l’Êpoque, Antoine Arena n’a pas voulu de ça. Il ĂŠtait tĂŞtu, rĂŞvait d’une carrière de coureur cycliste (il regarde encore le tour de France chaque ĂŠtĂŠ ; ne jamais appeler l’aprèsmidi !), et quand il a annoncĂŠ Ă son père Jean-Baptiste, qui voulait en faire un fonctionnaire, son dĂŠsir de reprendre la vigne familiale (la plus ancienne parcelle 80 ans), quelle aaire ! Il a rĂŠsistĂŠ Ă l’ire paternelle (qui dura longtemps, on est tĂŞtu dans le coin) et, Ă force de travail et de conviction, a transformĂŠ son domaine en laboratoire nature et haut de gamme de l’Île. LĂ oĂš les autres regardent avant (d’essayer) de faire pareil. Depuis 2005, ses ďŹ ls reprennent peu Ă peu le ambeau. Antoine-Marie, qui avait pensĂŠ devenir cuisinier tant il aime les saveurs, s’entend fort bien avec Jean-Baptiste, qui a tâtĂŠ de la politique aux dernières cantonales, battu mais ďŹ er d’avoir dĂŠfendu ses idĂŠes (notamment celle de classer le vignoble de Patrimonio pour le prĂŠserver de la spĂŠculation). En vigne et en cave, ils sont adeptes d’une minĂŠralitĂŠ poussĂŠe, comme un maquis de petit matin capturĂŠ au fond d’un verre, et peut-ĂŞtre plus marquĂŠe encore que celle magniďŹ ĂŠe par leur père. On les dit, ces deux frères (qui ont une sĹ“ur, Lisandre, ĂŠtablie non loin), futures grandes stars du vignoble corse – et français tout court. A quelques centaines de mètres de lĂ , par un chemin de terre cahoteux, on arrive chez Muriel Giudicelli. Elle marque ÂŤ vigneronne Âť sur ses bouteilles, et y tient bien. Muriel est un peu bouddhiste, anticonfor-
miste, grande gueule, tout en sachant rester  à sa place , prÊcise-t-elle. Il faut dire qu’elle a pour handicap d’être une  Êtrangère  native de Solenzara : une ville corse, certes, mais à l’autre bout de l’Île. Quant à son mari StÊphane, Savoyard taiseux aux yeux bleus, il s’est fondu dans ce terroir de bourrus avec l’envie de faire les choses proprement, et surtout la sagesse de se tenir loin des brouilles ancestrales qui occupent quelques voisins. Ils parlent aussi fort bien de leur travail, ardu, prenant, merveilleux, mieux reconnu ailleurs (sur le continent, à l’Êtranger), qu’en Corse, oÚ la culture Pastis l’emporte sur celle du vin. Et lorsque les Corses boivent du vin, ils tiennent la jeunesse du millÊsime pour un gage de qualitÊ : leur vendre en 2011 une cuvÊe 2009 revient à tenter d’Êcouler une collection couture dÊmodÊe avenue Montaigne. CoNtre lA Course à l’ArGeNt Muriel et StÊphane possèdent treize hectares agrÊÊs en bio depuis 2006, et produisent des blancs bien tendus, de beaux rouges, des muscats, dont un merveilleux oxydatif vieilli en fÝt de chêne. Face à la montagne de mamelles, leur chai moderne, entourÊ par le maquis et ses odeurs de myrte, aligne les cuves en inox. Outre la vigne, ils Êlèvent trois enfants, cuisinent beaucoup (ça forme le goÝt mais surtout, ils aiment ça), et ont entrepris de passer en biodynamie. Un de ces jours, ils feront l’achat d’un
cheval pour les labours, ce qui va avec le reste, ďŹ nalement très politique : rejeter la course Ă l’argent, aller Ă son rythme (ce qui ne signiďŹ e pas lentement), prendre du plaisir – et ils ont l’air d’en prendre. A un jet de pierre des Giudicelli travaille un prodige presqu’autodidacte, Nicolas Mariotti-Bindi, 33 ans, toutes ses dents et de l’ambition. Celle d’être le meilleur possible, le plus carrĂŠ, le moins sucrĂŠ (dans chaque sens du terme puisqu’il est l’un des seuls Ă ne pas produire de muscat : ÂŤ Rajouter de l’alcool et du sucre au jus de raisin ? Non merci ! Âť). Après une prĂŠpa scientiďŹ que Ă Saint-Cyr et une licence de droit public Ă Paris, il a voulu revenir Ă la terre, celle qui reste sous les ongles. Un an comme ouvrier agricole dans le Beaujolais, Ă lire tous les soirs les livres savants du vin, puis Patrimonio. Il se lie d’amitiĂŠ avec les ďŹ ls Arena, travaille avec eux, ensuite chez Muriel Giudicelli (le monde est petit en Corse), avant de trouver en deux autres vignerons des bienfaiteurs,
minĂŠraux, qui ÂŤ ne mentent pas Âť quand les rouges ÂŤ prennent leur temps, en font, de ces dĂŠtours Âť. AgacĂŠ par l’uniformisation des cĂŠpages, il a plantĂŠ en 2009 quelques plants d’une souche oubliĂŠe de Vermentinu (l’Inra autorise et subventionne, pour leur potentiel Ĺ“nologique, 14 clones de ce blanc typique de Corse , mais le groupement viticole rĂŠgional en conserve bien plus dans sa banque de donnĂŠes... C’est lĂ que Mariotti-Bindi a sĂŠlectionnĂŠ sa future vigne, qui donnera une première rĂŠcolte l’an prochain.) Il dit : ÂŤ On verra, ce sera peut-ĂŞtre moins bon que le Vermentinu numĂŠro 640, oďŹƒciellement agrĂŠĂŠ, que j’utilise dĂŠjĂ , mais au moins j’aurais essayĂŠ autre chose‌ C’est important de varier les goĂťts, de maintenir la biodiversitĂŠ. Âť
lA MAisoN d’AMĂŠriCAiNs Dans toute l’Île, les jeunes reprennent des exploitations. De miel, d’huile d’olive, de vin. A la pointe du Cap, le majestueux Clos Nicrosi, surtout connu pour son Muscatellu, un muscat passerillĂŠ aussi miellĂŠ que minĂŠral, voit arriver aux ÂŤ Je serais vraiment un cochon si, sur sept commandes SĂŠbastien et Marine Luigi, les enfants de hectares, j’utilisais des pesticides. Âť Jean-NoĂŤl Luigi, qui luiNicolas Mariotti-Bindi mĂŞme tient les vignes de son grand-oncle. Le domaine qui lui prĂŞtent des terres et un chai oĂš faire n’est pas bio mais les enfants y tendent, prases vins (en ĂŠchange, il donne du raisin Ă l’un, tiquant agriculture raisonnĂŠe et levures est chef de culture de l’autre). Sa mère, fĂŠrue indigènes [des levures naturellement prĂŠsentes de nature, lui a transmis le goĂťt des choses sur le raisin, ndlr]. Son diplĂ´me national simples, sans traďŹ cotage. Cela se retrouve en d’œnologue tout juste obtenu Ă Reims, vigne, les intrants y sont rĂŠduits au mini- Marine a rejoint la famille et son imposante mum (ÂŤ Je serais vraiment un cochon si, sur ÂŤ maison d’AmĂŠricains Âť, ces demeures de sept hectares, j’utilisais des pesticides Âť), maĂŽtre bâties par d’anciens aventuriers capnotamment le soufre. Ah ce fameux SO2 ! corsins rentrĂŠs des AmĂŠriques riches comme Nicolas Mariotti-Bindi estime qu’on devrait CrĂŠsus. Sa conquĂŞte Ă elle, plus modeste, ne mentionner le taux de sulďŹ tes sur les ĂŠti- sera pas moins ardue : dĂŠvelopper Clos et bio. quettes. Sachant qu’on en autorise jusqu’à A Patrimonio, sur la terrasse des Arena qui 160 mg en rouge et 210 mg en blanc (par surplombe la route oĂš un conducteur sur litre), et que lui se limite Ă 35 ou 37 mg quand trois klaxonne pour dire bonjour aux deux beaucoup frĂ´lent le maximum, ça donne ďŹ ls appuyĂŠs contre la rambarde, et qui bien une idĂŠe des risques de maux de crânes‌ et sĂťr rĂŠpondent par un grand geste, otte le fumet des beignets de Marie et les arĂ´mes donne l’espoir de les ĂŠviter. Depuis quatre ans, Mariotti-Bindi produit d’un Carco blanc remontĂŠ de la cave – peu des rouges et des blancs cĂŠlĂŠbrĂŠs partout. Ne importe l’annĂŠe, ils sont tous fameux. Un se repose pas sur cette gloire soudaine, n’af- convive parisien entre en extase. L’ivresse ďŹ che mĂŞme pas de label ÂŤ bio Âť. Ne pense est joyeuse, on se croit au centre du monde. qu’à faire mieux. Dit prĂŠfĂŠrer les blancs, plus La nuit durera longtemps.
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A gauche, Laurent Barrera. PHOTO nicO-wOrld.cOm Le chai semi-enterrÊ conçu par l’architecte FrÊdÊric Momenceau . PHOTO dr
Novices et ivres de terroir CÔTES DE PROVENCE Emmanuelle DupÊrÊ et Laurent Barrera, de jeunes passionnÊs, ont peu à peu appris le vin. Inventifs et adeptes du bio, ils en produisent dÊsormais dans de vieux fÝts de chêne, sans machines. Mais avec la manière. DOMAINE CLOS DE LA PROCURE Superficie : 7 hectares. CÊpages : grenache, mourvèdre, carignan et cinsault pour les rouges, et ugni blanc. CuvÊes : 5 en rouge, 2 en blanc et 1 en rosÊ. Emmanuelle dupÊrÊ et laurent Barrera chemin de Bouscarlonnes 83660 carnoules www.duperebarrera.com www.closdelaprocure.com TÊl. : 04 94 23 36 08
Par CATHERINE MALLAVAL (envoyĂŠe spĂŠciale) owat comme No Watt. Comme une plaisanterie‌ qui n’en est pas vraiment une. Nowat n’est autre que la cuvĂŠe originelle d’un couple baroque qui cultive le temps prĂŠsent par le zen, la beautĂŠ par l’ikebana, cet art oral japonais, le manuel par la cĂŠramique, le vin par le palais. Emmanuelle DupĂŠrĂŠ et Laurent Barrera. De l’accolade de ces deux-lĂ est nĂŠe la signature de nĂŠgociants-viticulteurs ÂŤ DupĂŠrĂŠ-Barrera Âť qui s’aďŹƒche sur seize cuvĂŠes – du rouge, du blanc, et depuis peu du rosĂŠ – assemblĂŠes dans un petit entrepĂ´t près de Toulon. De leur union naissent 80 000 bouteilles par an qui vont se dĂŠverser Ă 80% au Canada, au Japon, aux Etats-Unis, arroser quelques tables du Petit Nice PassĂŠdat (3 000 bouteilles
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de Procure blanc) et autres Ĺ“nophiles qui ne frĂŠquentent pas les grandes surfaces. Ce jour-lĂ , pendant que sa femme Emmanuelle patine sa voix de chanteuse mezzosoprano, Laurent Barrera rembobine une aventure nĂŠe dans l’ivresse Ĺ“nologique du dĂŠbut des annĂŠes 2000. Depuis leur rencontre estudiantine au QuĂŠbec – elle y est nĂŠe – leur passion pour le vin n’a cessĂŠ de fermenter. Ensemble, ils ont montĂŠ et ĂŠcumĂŠ moult clubs de dĂŠgustation telle la joyeuse bande des zozos (Z’œnophiles z’olĂŠronais) qui loin des bars Ă bobos de la capitale ont de la papille Ă revendre. Ensemble, ils ont aimĂŠ les vignerons de la Loire, leur simplicitĂŠ et leur petite structure hyperqualitative ; les frères Foucault, capables de parler des heures durant de leur saumur-champigny mais qui n’ont rien ou si peu Ă vendre ; le père Hacquet qui faisait du bio sans le savoir dans les annĂŠes 60, mais qui vendait son vin si peu cher qu’il gagnait plus d’argent avec le lait de ses vaches. Ensemble, les DupĂŠrĂŠ-Barrera ont tout plaquĂŠ en 1997 pour faire un BTV – brevet qui allie viticulture et Ĺ“nologie. Il a 30 ans et met ďŹ n Ă une carrière d’ingĂŠnieur gĂŠologue. Elle en a 23, et met sa passion pour le chant en sourdine. La dĂŠcision est mĂťrie. ÂŤ On s’est lancĂŠs sans business plan, sans projet marketing, sans objectif ďŹ nancier, sans terre, sans hĂŠritage familial de vignerons. Mais on savait ce qu’on voulait : faire en Provence le mĂŞme travail que les grands vignerons qu’on connaissait Âť, raconte Laurent, qui a grandi Ă Toulon, ĂŠlevĂŠ par un militaire qui a ďŹ ni sa carrière sur le ClĂŠmenceau. ÂŤ On voulait entrer d’emblĂŠe par le haut, la qualitĂŠ, le très bon. Faire le meilleur cĂ´tes de Provence et Bandol
arpentent les vignes de la rĂŠgion, repèrent les parcelles les plus anciennes, les meilleures. Passent contrat, mettent la main aux grappes qu’ils transportent mĂŠticuleusement dans des cagettes de 10 kilos pour ĂŠviter que le raisin ne s’Êcrase dans des camions climatisĂŠs, avant de le viniďŹ er Ă l’ancienne dans des cuves de 1 000 litres seulement. ÂŤ On peut entrer dedans, avoir un contact avec le raisin, faire du pigeage au pied. Âť Pas de machine. Pas de watt. Le vin vieillit dans des fĂťts de chĂŞne rachetĂŠs Ă Yquem ou RomanĂŠe-Conti. ÂŤ On boise nos vins, sans abuser. Âť Sans tomber dans les arĂ´mes rĂŠgressifs de caramel boisĂŠ, ĂŠpicĂŠ, vanillĂŠ dont raolent les AmĂŠricains et les Chinois. ÂŤ Au dĂŠbut, on a fait plein d’expĂŠriences. On faisait 10 000 bouteilles, et 20 cuvĂŠes diÊrentes. ça a très vite marchĂŠ. Âť
ENVIE DE SA PROPRE TERRE Les choses marchent... Mais Ă quel prix ? Le couple s’est ďŹ xĂŠ des limites : ÂŤ Quand on vend un vin au-delĂ de 30 euros, c’est du marketing, on vend du mythe, de la raretĂŠ. Objectivement aucun rouge ne vaut plus de 30 euros. Âť Total ? ÂŤ Un Smic Ă deux sans vacances Ă bosser 72 heures par semaine. On a sorti la tĂŞte au bout de 4-5 ans. Âť L’envie d’avoir sa terre ĂŠmerge alors. Le couple qui est venu au vin par la dĂŠgustation acquiert quatre hectares d’un seul tenant Ă Carnoules, situĂŠe 30 kilomètres Ă l’est de Bandol : le Clos de la Procure. Les premières vendanges se dĂŠroulent dans la fournaise de 2003, après un ĂŠnorme travail d’Êlagage. ÂŤ On voulait du plus sucrĂŠ, du concentrĂŠ, des pieds avec des grappes qui ne se touchent pas‌ Âť. Du bio, du naturel, bien sĂťr. CampĂŠ dans ses vignes, Laurent Barrera couve ses ceps des yeux. Les rĂŠcompenses sont venues. ÂŤ On s’est lancĂŠ sans business plan, sans Un salariĂŠ aide dĂŠsormais Ă la hĂŠritage familial de vignerons. Mais on culture. Leur blog (1) attire savait ce qu’on voulait. Âť 100 nouveaux lecteurs chaque jour. La passion est lĂ , Laurent Barrera intacte : ÂŤ Nous nous formons possibles Âť, ajoute-t-il sans forfanterie. Ils sans cesse, goĂťtons un nouveau vin tous les soirs devront se contenter des 30 000 euros, prĂŞtĂŠs et une fois par mois, on s’ore un trois ĂŠtoiles par le père d’Emmanuelle. C’est dĂŠcidĂŠ, Michelin. Âť L’homme mĂŠdite : ÂŤ La pratique ils entreront dans le vin par le nĂŠgoce. du zen nous a aidĂŠs Ă ĂŞtre libres. A devenir les Pas n’importe lequel. A la bourguignonne. artisans que nous voulions ĂŞtre. Âť A cent lieues des gros businessmen bordelais qui achètent et revendent des bouteilles, ils (1) www.blogduperebarrera.com
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A
péros Vintage de Bordeaux // Paris //
luc manago
L FOIReS Aux VInS Bandol, PaTRImonIo, coRBIèRES… MARAuDeR DAnS LeS LInéAIReS Du Côté DeS VInS Du SuD, C’eSt un Peu etIReR LeS RAyOnS Du SOLeIL juSqu'à LA CAVe.
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# PUBLI INFO #
Quelques belles étiquettes sont à regarder de près en septembre. a commencer par ce Bandol 2010 du Château Sainte Anne Cimay, en rouge, 23,51 € (lavinia). ou ce vin des Coteaux Varois 2010, domaine des terres Promises, cuvée les Idées Heureuses, toujours en rouge à 11,77 € (lavinia). des vins gourmands, sur le fruit. Parmi les valeurs sûres de Provence, il ne faut pas louper ce Château Sainte Marguerite Cru Classé Grande réserve 2010, en rouge, 12,50 € (Wineandco.com). Enfin, en rosé, on dégustera l’excellent domaine de la Bégude 2010, 16 € (Wineandco.com). Il s’agit sans doute du plus grand rosé de Bandol produit à ce jour, avec ses notes de fruits rouge, sa vinosité, sa complexité et sa longueur en bouche... c’est un modèle du genre. l’Île de Beauté est admirablement représentée cette année, non pas en volume, mais par la qualité des crus que l’on retrouve. comme ce rosé 2010, Clos Sartène, vendu 9,90 € par monoprix. la belle découverte se fait avec ce Patrimonio 2008 Porcellese du domaine nicolas Mariotti-Bindi (17 € chez Wineandco.com). le jeune vigneron de 33 ans, portedrapeau de la viticulture bio dans l’appellation, signe ici un rouge magnifique (lire page 19). Toujours sur la prestigieuse appellation Patrimonio, lavinia, le grand caviste parisien, propose la cuvée lisandra 2009, en rouge et blanc, du domaine Arena. les deux sont à 26,08 €. antoine arena est considéré depuis des années comme le plus
talentueux vigneron de corse, adepte de la biodynamie. Ses cuvées sont simplement sublimes (lire également page 19). la région languedoc-Roussillon est, avec Bordeaux, l’une des principalement pourvoyeuses de vins lors des foires aux vins. Ici, les vins de marque de négociants (souvent de talent, comme gérard Bertrand) cohabitent avec des cuvées confidentielles. comme par exemple la cuvée Vinus, élaborée par le domaine Paul Mas (grand négociant du languedoc) : ce Coteaux du Languedoc rouge 2008 est charnu, avec de la fraîcheur jusqu’en finale. Il est vendu 6,90 € par le Repaire de Bacchus. autre belle surprise de la part d’un négociant, ce Vin de pays d’Oc 2010 blanc, L’Indomptable de Cigalus, signé Gérard Bertrand. un très beau sauvignon, sur le fruit et séduisant, à 14,95 € (carrefour). les grands vins doux naturels du Roussillon procurent un plaisir immense et peuvent rivaliser avec les grands portos. a l’image de ce Maury rouge vintage 2009 du Mas Amiel, le porte drapeau de l’appellation, vendu en petite bouteille de 37,5 cl pour 9,90 € chez monoprix. Plus original, ce Corbières rouge 2010, Le Signal du Château La Baronne, mis en bouteille sans soufre, 9,25 € (Système u). anne gros et JeanPaul Tollot, deux grands vignerons bourguignons, se sont associés sur ce terroir du minervois pour la cuvée les Fontanilles, un rouge gourmand vendu 16 € chez lavinia. En collioure rouge sec, le domaine de la Rectorie est une référence qui propose la cuvée Rêves De Femme 2008, à 14,02 € également chez lavinia. J. B. Sélection réalisée par LA REVUE DU VIN DE FRANCE
es vins de Bordeaux investissent depuis 3 ans les lieux branchés de la capitale. Le temps d’un afterwork inédit, découvrez comment s’accordent Bordeaux et les univers du vintage, tout en fédérant esthètes, novices, passionnés et curieux.
La qualité, la convivialité et la diversité des vins de Bordeaux en une soirée
Initiés en 2009 par le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB), les Apéros Vintage de Bordeaux ont pour objectif de faire (re) découvrir les blancs Avec le succès vifs et aromatiques, des éditions parisiennes, les rouges soyeux les Apéros et légers, les Vintage de sweet savoureux Bordeaux et gourmands et s’exportent les rosés fruités et au Canada, en Belgique légers de Bordeaux. et aux PaysA chaque soirée, Bas ! une sélection est proposée à prix accessibles (3-5€ de 19h à 21h), à déguster seuls ou accompagnés de quelques tapas. Loin des dégustations traditionnelles, ces afterworks s’adressent aussi bien aux néophytes qu’aux amateurs. Dans une ambiance conviviale, et sur une bandeson originale, les viticulteurs présents invitent à la découverte de leur passion et métier tout en restant à l’écoute de leur public. C’est ainsi que les Apéros Vintage de Bordeaux ont conquis une foule de trentenaires «trendy» : 11 000 participants lors des précédentes éditions, près de 30 000 verres de Bordeaux dégustés ! Et cela ne désemplit pas d’année en année, si bien qu’au printemps dernier, les quatre soirées affichaient complet (2500 personnes).
L’accord inédit des vins de Bordeaux et du Vintage
Avec les Éditions Spéciales de 2011, les univers des "Chineurs", de la "Rétro photo" ou bien encore des "Saveurs d’antan", ont été explorés. Dès le 13 septembre, de nouveaux horizons et personnalités sont à découvrir grâce aux experts du vintage, hôtes de ces apéros : Mardi 13 septembre
Éd. Spéciale Music Remix
au Petit Bain (13ème) avec les gourmets du mange-disque Julien Plaisir de France et Pierre-Louis Berlatier proposeront une playlist des années 80 jusqu’à nos jours • un concert du groupe La Féline • un live Machine en direct de morceaux français des années 70 à 90. Mardi 27 septembre
Éd. Spéciale Mode Vintage
au Pavillon du Lac (19ème) avec la fabuleuse penderie de Sandrine Arnone et ses "Les vins silhouettes des comme les vêtements anciens ont une histoire. années 50 aux Le mot "Vintage" est pour moi années 80 qui le sésame qui me permet d’apprécier une pièce défileront au d’époque tel un coeur du public. Bordeaux"
Mardi 11 octobre
Éd. Spéciale Rétro Ciné
au Restaurant 51 (12ème) Mise sur bobine par Jean-Yves Leloup avec un Cinémix inédit (relecture musicale de films anciens) autour de la thématique «dégustation» dans les films français et étrangers qu’il aura été pioché. Mardi 25 octobre
Éd. Spéciale Cuisine Rétro
au Floréal (10ème) Emilie Lang au batteur et Carine Francart au mixeur pour un «Live cooking» autour de plusieurs thématiques, en accord avec un Bordeaux. " j’ai pris le parti de faire les choses avec inventivité et avec caractère ! Les vins de Bordeaux ont ces deux caractéristiques et ce sera pour moi un plaisir de vous faire redécouvrir des recettes d’autrefois en y mêlant leurs arômes."
//Toute l’actualité des Apéros Vintage de Bordeaux sur la page Facebook "VinsdeBordeaux"//
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Beaujolais, Bourgogne & rhône
TouT au long de l’aXe qui descend d’auXerre jusqu’auX rives de la MédiTerranée se suivenT les MyThiques crus Bourguignons, les opulenTs côTes-du-rhône eT les plus accessiBles Beaujolais. Mais derrière ces différences se cache une MêMe culTure de la vigne. dans les Trois Terroirs, les vins rouges viennenT d’un cépage unique : pinoT noir en Bourgogne, gaMay en Beaujolais eT syrah dans la vallée du rhône. eT parTouT des parcelles ou des clos, culTivés coMMe des jardins.
Des raisins qui ont toujours raison Morgon La célébrissime maison Lapierre a quasiment inventé le vin nature. Mathieu, le fils de Marcel récemment décédé, explique, avec passion, d’où vient la fameuse philosophie familiale.
Par grégory schneider (envoyé spécial) Photos luc Manago
longer dans le monde de Mathieu Lapierre, qui dirige le domaine Lapierre dans le Beaujolais depuis la disparition de son père Marcel l’automne dernier, c’est partir dans tous les sens. La philosophie : « Plus vous mettez de désherbant, moins la vigne ira chercher profond et moins vous aurez de terroir. La vigne est feignante. Comme l’écrasante majorité de tout ce qui vit, d’ailleurs. » L’économie, la guerre : « Quand les Romains dominaient l’Europe, ils ont retrouvé des amphores marseillaises au nom de “Marcielus Portius» là où se trouve le Danemark aujourd’hui. Ils en ont déduit l’existence d’un commerce, de flux d’argent et donc d’enjeux de pouvoir. Ils ont utilisé le vin comme tel. Les Allobroges [un peuple celte installé au nord des Alpes dès le IIIe siècle, ndlr] se sont toujours montrés dociles et accueillants envers Rome : ils y ont gagné l’autorisation de faire du vin et de le vendre. » La mythologie : « Dionysos [le dieu du vin chez les Grecs, ndlr] liait la lune à la fermentation. » C’est sa manière à lui de voir le vin : un combat sur tous les fronts. Ça n’est ni confortable, ni
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tranquille : en refusant d’assommer son Morgon (en ajoutant du soufre, des levures, du sucre, des vitamines, du bicarbonate de potassium, du tanin, des enzymes…), il s’en remet à la nature et là, on n’est jamais sûr. « Une cuve où repose le vin, c’est une ville livrée à la guerre des gangs. Sans les gangs : à la place, il y a les bactéries et les levures, celles-ci devant être à la fois nombreuses et variées pour favoriser la prise de relais. Des équilibres se créent : ce sont ceux de l’instant. Le vigneron doit tout comprendre et pourtant, tout lui échappe. J’ai lu récemment des choses incroyables sur les levures. Certains pensent qu’elles peuvent produire du soufre : si c’est vrai, il y a là un moyen de repenser l’ajout de dioxyde de soufre [utilisé pour stabiliser le vin et prévenir les développements non souhaités de bactéries ou de levures, ndlr] dans le vin. Autre chose : on sait que les micro-organismes peuvent agir sur la matière. Mais on ne sait pas jusqu’où. Des Japonais pensent que ça peut aller jusqu’à l’atome ! Ok, selon Lavoisier, le chimiste français du XVIIIe siècle, c’est impossible. Pourtant… » l’anarchisMe foncier En vérité, Mathieu Lapierre est le troisième à mener cette bataille à cet endroit-là. Le premier fut son père, Marcel, « l’esprit rebelle, la fraternité bruyante et l’anarchisme foncier » selon les mots de l’écrivain et journaliste Jérôme
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Mathieu Lapierre, et l’un des chais du domaine.
DOMAINE LAPIERRE Superficie : 13 hectares. Cépages : gamay noir. Cuvées : 2 en rouge. Domaine des Chênes 69 910 Villié-Morgon Tél. : 04 74 04 23 89
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Leroy. On connaît la légende : l’amitié de Guy Debord qui, selon le critique Sébastien Lapaque, voyait dans le travail de Marcel Lapierre la preuve que le capitalisme ne pouvait plus développer les forces productives pour peu que l’on parle qualité – et non quantité, comme cela avait été compris à peu près partout. Marcel n’était pourtant pas né avec cette idée-là. Diplômé de l’école viticole de Belleville-sur-Saône, il témoignait d’une vraie curiosité pour les techniques apprises. Il a commencé par les appliquer sur le domaine familial quand il a pris la main, en 1973. Son épouse Marie, mère de Mathieu : « Quand il s’est lancé, Marcel avait 23 ans. Il fallait qu’il en profite. Les produits qu’on ajoute, les intrants, ça donne aussi du temps libre et une qualité de vie. » Marcel note cependant l’imbrication des laboratoires pharmaceutiques dans son domaine : tel
type de levure produite par tel labo, ça donne immanquablement tel type de vin. Par ailleurs, les labos ont leurs entrées dans les lieux d’enseignements. « Mais c’est tout simplement le goût de son vin qui lui a posé problème », témoigne Marie Lapierre. Va pour une démarche que l’on va appeler – faute de mieux – celle du « vin naturel » : « Non pas la recréation à l’identique des procédés anciens, précise Mathieu, mais le souci de faire travailler au maximum la nature compte tenu de ce que l’on peut savoir d’elle aujourd’hui. » Ce qui fait une différence : celle qui existe entre le folklore et un cadre de travail. LA DÉGUSTATION DE 11 HEURES On est alors au début des années 80, et c’est là que Jules Chauvet fait son entrée en scène. Vigneron dans le Beaujolais lui-même et négociant établi à la Chapelle-de-Guinchay, il jouera auprès de Marcel Lapierre plusieurs rôles : chimiste, inspirateur, théoricien. « Un homme modeste, se souvient Marie, mais il venait d’un milieu bourgeois. Il avait un nombre de principes... » Dont celui-ci, que l’on trouve pour notre part extraordinaire : c’est à 11 heures du matin – ni avant, ni après – que l’on doit déguster le vin, car le petitdéjeuner est loin et le palais à la fois déjà stimulé et vierge. Créateur du verre Inao (Institut national des appellations d’origine)
monde. Marcel Lapierre, Jules Chauvet : Mathieu Lapierre vient ensuite. Une même bannière : la macération carbonique. On vendange à la main des grappes entières avec la rafle [la partie verte de la grappe. C’est son squelette, riche en tanin et en fer, ndlr] que l’on met – sans fouler les grains –dans une cuve hermétique saturée de dioxyde de carbone – « celui-là même qui se dégage de la macération naturelle des grains, ce qui permet de ne pas le considérer comme un ajout » (Mathieu). La fermentation intracellulaire qui qui maximise le rapport entre la volumétrie s’ensuit est maîtrisée depuis les travaux de et le mouvement des arômes, Jules Chauvet Louis Pasteur. « Elle était connue avant ça, aura eu aussi le mérite de nettoyer le voca- précise le fils Lapierre. La macération carbobulaire du vin : « Avant lui, on disait d’un vin nique protégeait le raisin que les Romains entrequ’il était “réduit”, “ascétique”, “phénolé”. posaient dans des cuves taillées dans la roche. » Avec lui, c’est devenu démocratique. Il a parlé On en est toujours rendu là, entre ce que les de “fruit” le premier. Il disait : “Du fruit, mais autres ont fait avant et ce que vous faites, lequel ? Cerise ? Quelle cerise ? A l’eau-de- vous. Ça renvoie aux Allobroges, aux vie ?”. Il finançait ses recherches lui-même. Il Romains, à l’arrivée des levures de bière n’a jamais eu de grand terroir. Mais il faisait le allemandes aux alentours de 1910 pour retavin de table de De Gaulle. » C’est avec lui que per les cuvées. Et bien sûr à ce père dont la Marcel Lapierre a trouvé la voie d’un vin tout disparition a été mentionnée jusque dans le raisin « parce que vous comprenez, il faut faire San Francisco Chronicle. Mathieu se sait attendu. Quand on l’a rencontré, on l’a senti ramassé, « Mon souci : faire travailler au maximum combatif, précis : « Je n’aime la nature, compte tenu de ce qu’on peut pas la dénomination “vin savoir d’elle aujourd’hui. » nature” : la nature fait du raisin, pas du vin. » Quand il Mathieu Lapierre raconte une anecdote ou attention à ce qu’on met dans les cuves car le expose une idée, il en précise toujours la vin, c’est d’abord une boisson », expliquait source ou la paternité : plutôt que d’y voir le Jules Chauvet. Celui-ci se contrefoutait des souci de se situer, on a plutôt compris qu’il échéances contractuelles, récoltant quand la tenait à rendre à César ce qui lui appartient. nature lui commandait de récolter. Il lui C’est l’idée qu’il se fait de la rectitude et ça arrivait conséquemment de livrer en retard. doit s’entendre dans sa perspective à lui, Il en faisait une affaire de respect. C’est à celle d’un fils qui reprend l’exploitation cette aune-là qu’il faut juger le phénomène du père. Sinon, il n’a pas lancé la cuvée du beaujolais nouveau, disponible chaque spéciale Marcel Lapierre l’an passé alors que année le troisième jeudi de novembre. Ou de son point de vue, le millésime le méritait. bien la nature s’est miraculeusement pliée « Je devais faire profil bas. Les gens n’auraient aux nécessités marketing, ou on se fout du pas compris. »
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BOURGOGNE Sans argent ni héritage, Dominique Laurent a déniché les meilleures parcelles de Bourgogne. Et réinventé un style mythique.
Elodie Balme, un domaine qui monte Dominique Laurent. PHOTO Fabrice Leseigneur Ci-dessous, une partie de son vignoble. PHOTO J. guiLLard/scOPe-iMage
C’est une jeune vigneronne qui fait des vins explosifs et racés, poivrés et sanguins. D’ailleurs, Elodie Balme ne concocte que des rouges.
Il lit entre les vignes Par JÉRÔME BAUDOUIN ’est un géant. Un personnage qui en impose. Tout droit sorti d’un ouvrage de Rabelais ou de Balzac. Un homme de chair, qui aime la chair. Dominique Laurent a commencé sa vie comme pâtissier comme son père, à Vesoul, Haute-Saône, avant de se passionner pour les grands vins de Bourgogne. En 1987, il quitte sa ville pour conquérir la Côte d’Or, son terroir d’adoption. De pâtissier, il devient un vigneron sans terre ni fortune. Pourtant, en vingt-cinq ans, Dominique Laurent va bâtir l’une des plus belles histoires de la Côte de Nuits. Dépourvu de vignes, il s’improvise « éleveur de vins ». Il arpente la Bourgogne
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DOMAINE DOMINIQUE LAURENT Superficie : 5 hectares. Cépages : pinot noir, chardonnay. Cuvées : une vingtaine en rouge et en blanc. Production : 250 000 bouteilles par an. domaine dominique Laurent rue Principale 21 220 L’étang Vergy Tél. : 03 80 61 49 94
de long en large à la recherche de ces vignerons qui travaillent encore merveilleusement la terre (à une époque où le vignoble verse dans la surproduction et les vins maigres, où la qualité se détériore). Dominique Laurent est alors imbattable pour dénicher « la » cuvée de vieilles vignes dans un endroit impossible, chez d’illustres inconnus qui, depuis
simples prennent, au bout de quelque temps, des allures de grands vins.
MONSIEUR DEUX CENT POUR CENT Au début des années 1990, Dominique Laurent invente une nouvelle méthode de vinification qui va plaire à la clientèle américaine qui l’adule déjà : le 200% de bois neuf (le vin est élevé douze mois dans un lot de barriques neuves, puis remis dans un autre « La grande cuisine, c’est comme lot de barriques neuves pour le vin, une question de temps. » pour douze nouveaux mois Dominique Laurent d’élevage). On a beaucoup glosé sur ces « cuvées toujours, n’ont qu’un seul souci, celui de 200% », sans s’apercevoir que, sous sa bien cultiver la vigne comme le faisait leur rondeur joviale, ce savant Cosinus élabopère, grand-père ou arrière-grand-père. rait les plus grands vins de Bourgogne : Ces petits vignerons anonymes s’arc- ses premières créations du début des boutent sur la tradition, produisant peu années 1990 sont aujourd’hui à leur mais très bien, travaillant la terre à l’an- apogée et tiennent toutes leurs promesses. cienne, qui trouvent en Dominique Lau- Ce type d’élevage « 200 » devient alors sa rent un négociant attentif à leur travail. signature. Comme la cuisine, son autre C’est ainsi que ce dernier met la main sur passion. « La grande cuisine, c’est comme pour le vin, une question de temps », expliles meilleurs terroirs de Bourgogne. Mais si le vin se fait à la vigne, Dominique que-t-il. En disciple de Paul Bocuse ou Laurent estime qu’il se patine à la cave. Il de Raymond Oliver, il ne cesse de faire et a redonné de sa noblesse à l’élevage en refaire une recette jusqu’à ce qu’elle satisfûts, sublimant les superbes matières bru- fasse l’exigence de son palais monumentes de décoffrage qu’il a su tirer des grands tal. Derrière les fourneaux comme en terroirs. Soucieux de retrouver la matière cave, il est un adepte d’une certaine trades fameux bourgognes d’avant-guerre, dition française. Celle par exemple charnus et solides, il a propulsé ses qu’honorait Dumas dans son Grand dicgrands-échezeaux, ses bonnes-mares et tionnaire de cuisine... Et si Dominique ses clos-de-vougeot au firmament des Laurent était un personnage tout droit vins de la région. Ses cuvées les plus sorti d’une de ces pages ?
Votre parcours ? J’ai fait un apprentissage de deux ans chez Richaud en BTS, chez lui j’ai surtout appris à être curieuse, à comprendre qu’il y avait une philosophie du vin et pas de recette (comme on veut souvent nous l’enseigner en cours), et que chaque année on doit se remettre en question. Avant je voyais cela de façon plus systématique. Votre terre : un héritage ? Mes parents sont viticulteurs mais en coopérative, et les vignes que j’exploite sont des parcelles que j’ai sorti de la coopérative pour créer ma cave. Le fait d’être une jeune femme ne m’a pas rendu la tâche plus difficile, j’avais tout pour commencer : des vignes, du matériel, un père prêt à transmettre son expérience et les conseils des vignerons qui m’entouraient. « Y avait plus qu’à », comme on dit… Votre vigne ? Je ne suis pas en bio mais j’essaie de travailler le plus naturellement possible. Je fais des « essais » sur pas mal de parcelles, mais comme elles étaient jusque-là en culture conventionnelle, il faut y aller en douceur. Je souhaite comprendre d’abord ce que je fais, et bien connaître mes parcelles… Pour l’instant je travaille sans œnologue en cave, nous sommes trois à l’année, plus les saisonniers. Le « bio » : l’avenir, ou un engouement ? Je pense qu’il faut effectivement revenir à une agriculture plus saine. Mais ce terme est aussi utilisé dans un sens commercial, où l’on fait vite l’amalgame entre bio, durable, écologique… Votre domaine préféré, en tant qu’amatrice ? Question diffcile ! Je dirais Poignée de Raisin, du domaine de Gramenon, mais il y en a pleins d’autres. Vos vins, où peut-on les trouver ? A Paris, à la Cave du Panthéon (Ve), chez Bacchus et Ariane (VIe), Julhès Paris (Xe), les Caves de Reuilly (XIIe), Versant vins (Marché des enfants rouges, IIIe) ; à Lyon au Vercoquin, à Marseille à Si Belle La Vigne. Propos recueillis par FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI Elodie Balme cultive 8 hectares de vignes sur trois communes (Rasteau, Roaix et Buisson), produit 30 000 bouteilles par an reparties en cinq cuvées, principalement en grenache, mais aussi en syrah et carignan.
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Michel Chapoutier et une partie de son domaine.
L’homme aux trois millions de flacons VALLÉE DU RHÔNE Sur les hauteurs de Tain-l’Hermitage, Michel Chapoutier a transformé les vignes familiales en empire. Mêlant qualité et quantité.
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gênait, c’est que je ne voyais pas l’identité de l’appellation et du terroir. Mais cela plaisait aux vieux clients historiques », raconte-t-il. Dès le rachat, il change tout : « Je crois que c’était a comparaison avec Gilbert l’inconscience de ma jeunesse. » Son obsesBécaud lui va comme un gant. sion : retrouver la marque du terroir. Pour Michel Chapoutier est branché cela, il convertit dès 1990 tout son vignoble sur cent mille volts. Toujours par en agriculture biologique, Michel Chapoutier monts et par vaux à arpenter ne fait plus d’assemblage des parcelles d’une ses vignes d’Hermitage, à vendre son vin, à même appellation mais crée ses « sélections l’élaborer. Ou à cuisiner, chaque matin, avec parcellaires », ce qui est aujourd’hui sa marle chef de sa table d’hôtes. Ou à parler, de que de fabrique. « L’assemblage bâillonne réunion en réunion. Car Michel Chapoutier le terroir. Or je voulais que le terroir s’exprime est un insatiable bavard. Toujours une idée à travers le vin. Pour cela, il fallait retrouver à la seconde. Il déguste, il mange, il bouge, une microbiologie des sols, et l’agriculture bioil collectionne à toute vapeur ! C’est, sans logique était le meilleur moyen. Car d’une parcelle à l’autre, le vin change radicalement », dit-il avec « Je voulais que le terroir s’exprime fougue. Ainsi pour ses parceà travers le vin. Pour cela, il fallait lles d’Hermitage, il compte retrouver une microbiologie des sols. » huit cuvées différentes produites à quelques milliers de Michel Chapoutier bouteilles chacune. « Cela doute, ce qui lui a permis de bâtir si vite sa a été dur, on a perdu des clients historiques. maison de négoce et son vignoble. Ce bâti- Chaque mois, je me demandais si j’allais pouvoir ment futuriste que l’on voit depuis l’auto- assurer les salaires », continue-t-il. route à hauteur de Tain-l’Hermitage. En vingt ans, cet autodidacte a transformé la RHÔNE ET AUSTRALIE La chance lui sourit petite maison de négoce créée par son en 1991. Il décroche un 100 sur 100 chez grand–père en véritable empire. A la fin des Robert Parker, l’influent critique de vins années 1980, l’entreprise familiale est dans américain. L’horizon se dégage. Le prix des une triste situation. Son père, malade, s’est vins Chapoutier s’envole. Pour autant, il ne retiré de l’affaire, laissant à Michel le soin de succombe pas aux sirènes du succès et mainvinifier les cuvées. Mais pour le jeune tient une production limitée à ce que la vigne homme pressé, cela ne suffit pas. En 1990, à peut donner. Il passe de l’agriculture biolo25 ans, il décide de racheter l’entreprise, gique à la biodynamie. Il rachète des vignes « pour avoir les mains libres ». La maison sur les grands terroirs du Rhône, se dévecompte alors une quarantaine d’hectares de loppe dans le Languedoc-Roussillon et en vignes, réparties entre Hermitage, Saint- Australie. La maison Chapoutier s’agrandit Joseph, Châteauneuf-du-Pape et un peu de au point de compter plus de 200 hectares de Côtes Rôties. A cette époque, Chapoutier vignes, cultivées en biodynamie. Mais la produit des vins de négoce, peu typés par le philosophie n’a pas changé d’un pouce. Et le terroir. « Des vins puissants en alcool, marqués bonhomme continue de courir à toute par le bois, que je n’aimais pas. Ce qui me vapeur aux quatre coins du vignoble.
Par JÉRÔME BAUDOUIN Photos LUC MANAGO
MAISON MICHEL CHAPOUTIER Superficie : 275 hectares. Cépages : syrah, grenache, marsanne, viognier. Cuvées : environ 50 en rouge, en blanc et en rosé. Production : 3 00 000 000 de bouteilles par an.
luc manago
FoiRES Aux ViNS chaBlIS, moRgon, caIRannE… LES MoNTAGNES DE ViNS DE BoRDEAux ET DE ViNS Du SuD PEuVENT MASquER LES BouRGoGNE DANS LES RAyoNS. MAiS EN ChERChANT BiEN, oN EN TRouVE, y CoMPRiS EN Bio. au cours de ces dernières années, des millésimes inégaux se succèdent. alors que 2005 et 2009 sont de grandes années, 2006, 2007 et 2008 ont été plus irrégulières et seuls les bons vignerons s’en sortent. a commencer par ce Chablis 2009 du domaine Jean-Marc Brocard, à 11,90 € chez monoprix. Passé en agriculture biologique et épaulé par son fils Julien, l’homme de chablis signe un joli blanc, minéral et fruité, avec une belle structure en bouche. Parmi les bourgognes abordables, voici une belle découverte avec les colombière 2009, une cuvée de pinot noir, sur fruit et longue en bouche, de l’appellation hautesCôtes-de-Nuits, élaborée par le domaine Patrick hudelot ; ce vin, à moins de 9 € chez Wineandco.com, est un bon point de départ pour découvrir les bourgogne. Plus haut de gamme,
en Beaune 1er cru, celui proposé par monoprix est élaboré à Nuits-SaintGeorges, par le domaine Chantal Lescure, l’un des fleurons de la viticulture biologique en Bourgogne. mené de main de maître par son directeur, François chavériat, un fin vinificateur, ce beau et solide vin de garde vieillira magnifiquement : comptez 24,90 € chez monoprix. Et 2009 étant un grand millésime, il n’est pas surprenant de retrouver ce Morey-Saint-Denis 2009, Vieilles Vignes de chez Dominique Laurent, 29 € chez Système u. S’il faut distinguer chez ce vigneron hors-pair les grands crus des appellations, qui ont plus de mal à supporter l’élevage en barriques neuves. on prend néanmoins beaucoup de plaisir avec cette bouteille structurée et gourmande. Plus délicat et fin, le Gevrey-Chambertin 2008 du domaine Trapet, à 40,50 € chez Xo-vin.fr. un grand bourgogne, minéral et frais, aux antipodes du flacon précédent ! Il ne faut pas oublier les beaujolais. non pas le primeur, commercialisé le troisième jeudi de novembre, mais les appellations communales, grandioses, mais qui vivent dans l’ombre de la production médiatique. Si l’on veut se faire plaisir, voici le Morgon 2009 Château des Jacques,
propriété de la maison Louis Jadot à Beaune. une belle expression de gamay, sur le fruit, avec une belle structure en bouche et de la longueur. En prime, il vieillit admirablement : 9,95 € chez monoprix. autre beau flacon a découvrir, le Beaujolais-Villages 2009, domaine de la Charnaise, de chez Dominique Piron, 10,90 € chez chateauonline.com. le Rhône n’est pas à oublier. car c’est sans doute la région où l’on peut se faire plaisir à moindre coût (comme dans la loire). a l’image de ce Côtes du Rhône Villages Cairanne 2009, cuvée Peyre Blanche. un vin structuré et long en bouche, élaboré par le domaine Perrin et Fils et vendu 8,50 € chez monoprix. ou ce Coteaux de l’Ardèche 2010, domaine des Granges de Mirabel, un vin élaboré par la maison de négoce de Michel Chapoutier, 7,50 € euros chez monoprix. Plus au sud, dans les Costières de Nîmes, Emmanuelle Kreydenweiss signe cette très belle cuvée Les Grimaudes 2007, que l’on trouve à 7,95 € chez Wineandco.com. J. B. Sélection réalisée par LA REVUE DU VIN DE FRANCE
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PETITES PARCELLES L’exception bourguignonne En Bourgogne le Climat ne désigne pas le temps
GRANDE RENOMMÉE
qu’il fait mais le terroir. Un terroir unique, composé d’une multitude de parcelles. Parfois très modestes, mais si expressives ! Le Chardonnay s’y cultive dans le respect du savoir-faire humain et du patrimoine naturel avant de révéler toutes ses nuances dans des vins blancs à l’expression aromatique unique.
Photos : Furax - armellephotographe.com
www.vins-bourgogne.fr
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ, CONSOMMEZ AVEC MODÉRATION
Bordeaux & sud-ouest
Cette vaste régIoN plurIelle produIt depuIs l’aNtIquIté des vINs à la persoNNalIté BIeN treMpée. Bordeaux et ses Crus prestIgIeux soNt parfoIs d’uN voIsINage eNCoMBraNt pour les vINs du sud-ouest quI oNt dû CoNstruIre leur propre hIstoIre. vINs de pays, CélèBres Crus de Cahors, de BergeraC ou de JuraNçoN, toutes les IdeNtItés s’exprIMeNt grâCe à des Cépages varIés CoMMe le taNNat à MadIraN, le MalBeC à Cahors, ou eNCore la Négrette à froNtoN.
Un drôle de zigue qui fait des vagues gaIllaC Haut en couleurs et travailleur, Patrice Lescarret vendange à la main ses vieilles vignes de Causse Marines. Sans cesser, depuis dix-neuf ans, de vouloir faire mieux, et plus propre.
doMaINe de Causse MarINes superficie : 12 hectares. Cépages : syrah, duras, braucol, prunelard, jurançon mauzac, ondenc, loin de l’œil, muscadelle, sémillon et chenin. Cuvées : 13 en rouge, en blanc, et en liquoreux. Domaine de Causse Marines Patrice Lescarret et Virginie Maignien 81140 Vieux www.causse-marines.com Tél. : 05 63 33 98 30
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Patrice Lescarret, et une vue du domaine de Causse Marines.
Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial) Photos LUC MANAGO ’est un anarchiste qui dessine des panneaux « interdit aux blaireaux » sur les étiquettes de ses vins. Un paysan qui appelle son bouledogue « Ducon » et donne du « Mes couilles » à son chat. C’est un homme qui ne mégote pas son temps pour sa vigne, arbore des traits tirés, sur chemise à carreaux et sandalettes. C’est un vigneron qui s’occupe largement avec douze petits hectares de vignes, sur lesquels prospèrent treize cépages qui ont pour noms « mauzac » « prunelard » et « loin de l’œil ». Patrice Lescarret est né dans le Médoc il y a cinquante ans. Il a toujours rêvé de s’installer sur les coteaux de Marcillac, dans l’Aveyron. Il a finalement atterri à Gaillac, dans le Tarn. Il en est à son dix-neuvième millésime. Son domaine s’appelle Causse Marines. Pour y parvenir, on emprunte des routes sinueuses qui traversent des coteaux brûlants. Le long de sa maison, une bâtisse du XIXe siècle avec des trous spécialement dédiés aux pigeons et retapée entièrement par ses soins, trône une table sous une petite tonnelle. Un frêne immense déploie son ombre. Les vignes descendent le long du coteau où coule Marines, le ruisseau.
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Quand il a posé ses valises dans cette région, Patrice a détonné. Personne ne faisait comme lui. Il ne voulait faire comme personne. Les autres l’ont regardé avec des yeux ronds comme des billes. Il était régisseur en Provence. Il travaillait chez Rimauresq, un cru classé. Un jour, comme il avait bien gagné sa vie et mis un peu de côté, il a décidé de voler de ses propres ailes. « Trouvé un banquier qui a fait son travail de banquier. » Et acheté les terres de ce paysan pour qui les vignes étaient un « bagne ». Depuis, il bosse. Sur ses vieilles vignes. Lorsqu’il prononce « vieilles », il faut entendre l’adjectif. Ses pieds de mauzac ? 1928. Sa muscadelle ? 1932. Son duras ? 1942 ! « Chez nous, les vignes qui ont vingt ans, elles sont jeunes » marmonne Lescarret. PERFECTIONNISME Patrice n’aime rien mieux qu’emmener le visiteur arpenter ses rangs. Là, il explique comment il effeuille, pour laisser passer le soleil. Il raconte à l’infini la roche mère qui affleure, comment la vigne va chercher l’eau très loin, de quelle manière il ne lui donne rien comme aliment (on dit nutriment). On lui demande quelle est sa production il répond en riant : « Des rendements à ulcérer un Chilien. » Si on l’interroge sur le millésime, il explique qu’il ne sait pas bien ce que ça
va donner. Cela n’a pas l’air d’être de la fausse modestie, mais en tout cas, il dit qu’il n’arrive jamais vraiment à ce qu’il aurait voulu. Lescarret est un perfectionniste. Capable de vous entretenir des heures sur les gens qui trichent avec le bio, les labels… lui vendange son vignoble manuellement, prépare des « soupes » pour soigner sa vigne en biodynamie, fait venir des Bretons qui aiment son aventure et qu’il nourrit les dix
« On peut faire bio sans avoir le long et fumer la moquette. » Patrice Lescarret jours que dure la récolte. Il limite « collage et filtration à leur plus simple expression ». Et conclut, dans sa plaquette ornée d’un clown qui louche : « On peut faire bio sans avoir le cheveu long et fumer la moquette ». Et puis il confesse aussi, doucement, ce que sa vigne lui a coûté. Un peu, beaucoup de vie de famille. En 1996, un soir de retour du printemps, au moment où il entend pour la première fois le chant du coucou, après une journée de labeur, son épouse l’accueille en l’engueulant, lui expliquant qu’il lui faudrait se consacrer un peu plus à ses enfants… « Elle ne comprenait pas le sens de mon travail », explique Patrice. Depuis, il a
rencontré Virginie Maignien, diplômée de l’Essec, en rupture de ban avec la Réunion des Musées Nationaux. A 26 ans, elle a démissionné pour entreprendre des études viticoles à Beaune, et une nouvelle vie. C’est une connaissance commune, JeanPaul Thévenet – l’un des papes de la biodynamie –, pour qui Virginie bricolait de temps en temps, qui les a rapprochés. Virginie a compris l’engouement de Patrice, d’autant qu’elle s’y est mise avec la même cheveu verve. Entre eux, c’est une « complémentarité ». Pour le vin, ils aiment à peu près les mêmes choses. Par contre, elle ne se résout pas à trouver la cuvée 2009 potable. Elle était absente au moment de la vinification, pour cause d’accouchement d’Abel, un petit bout de chou, qui multiplie les allergies… un comble pour ses parents qui bossent tellement nature. EN TOUTE MODESTIE Autrement, Patrice Lescarret est un drôle de gars. Au déjeuner dans le bistro qu’il a monté avec un associé, il fait goûter du vin d’Anjou. Et chez lui, il ouvre un mousseux d’un copain. Ce doit être un bonhomme suffisamment délicat pour ne pas imposer au visiteur l’obligation d’un compliment.
CATHERINE HÉLIE / ÉDITIONS ALTERNATIVES
Pierre Jancou, du bio dans la peau Restaurateur et amateur de vins « nature », Pierre Jancou vient de publier Vin Vivant, aux éditions Alternatives, où il dresse le portrait de quelques vignerons passionnés de nature. A lire et à tester dans son restaurant : Vivant, 43 rue des Petites-Ecuries, 75 010 Paris. Constatez-vous une curiosité accrue des consommateurs/gourmets, notamment chez Vivant, pour les vins « bio » ou « nature »? Oui, les gens sont de plus en plus conscients de ce qu’ils mangent et boivent. Les vins « bio »,« nature » et « vivant » sont en train d’exploser et depuis dix ans nous voyons vraiment les choses évoluer. Chez les vignerons « nature », quelle est la part d’intérêt commercial pour le label AB, et celle de la conviction ? Cela dépend des vignerons. Certains le revendiquent, d’autres l’ont mais ne l’affiche pas, d’autres encore ne veulent pas en entendre parler ou n’ont tout simplement pas les moyens… Avantage et l’inconvénient du bio/nature ? Le premier avantage du bio, c’est qu’il s’agit du futur de l’homme, il faut revenir à la raison ! Sans parler du goût et de la santé. Pour le vin bio vinifié en « nature », on retrouve le vin de « fruit »,« vivant » et non le vin de « bois », technique, chimique et stérilisé… « mort » à mon sens. Et les inconvénients, je n’en vois pas dans le bio ! Sinon que les vins « nature » sont fragiles quant aux températures, et doivent être stockés à une température contrôlée, de maximum 14°C, voire 12°C, dans l’idéal. Un terroir préféré ? J’aime les terroirs sauvages, anciens et ensoleillés… Ceux qui sont travaillés artisanalement, avec la main de l’homme. Une ou deux cuvées à conseiller ? Le Cotillon des dames 2009 de Jean-Yves Peron en Savoie. Un blanc minéral et légèrement sur l’oxydatif, de cépage jacquère, léger en alcool, sans sulfites ajoutés, pas même à la mise en bouteille… et la Soula 2009 de Ghislaine et Alain Castex, une pure grenache noir à Banyulssur-Mer, surplombant la Méditerrannée à 350 mètres d’altitude : un grand rouge « vivant » et éternel, qui est pour moi un « grand cru » du vin « vivant » même si il est classé en « vin de table ». Propos recueillis par FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI
Xavier Planty et, à droite, le vignoble vu depuis Château Guiraud.
La folie douce du châtelain SAUTERNES En trente ans, Xavier Planty a redonné naissance aux cent hectares du château Guiraud, qui est désormais l’unique premier cru classé de Bordeaux certifié en bio. Et cela sous le regard méfiant, et peut-être envieux, de certains viticulteurs de la région.
CHÂTEAU GUIRAUD Superficie : 100 hectares. Cépages : sémillon, sauvignon. Cuvées : 3 en blanc. Production : 100 000 bouteilles par an. Château Guiraud 33 210 Sauternes www.chateauguiraud.com Tél. : 05 56 76 61 01
Par JÉRÔME BAUDOUIN Photos LUC MANAGO
ans le silence d’un après-midi d’été, l’homme, massif, s’avance entre les rangs de sémillon, un cépage de blanc. Il caresse les feuilles de sa main ample, admire leur couleur, s’extasie devant ses « hôtels pour insectes » plantés sur le domaine, où virevoltent guêpes et abeilles, mouches et coccinelles. Xavier Planty semble avoir grandi dans ces vignes de Sauternes. Il est pourtant arrivé ici presque par hasard, et en trente ans a reconstruit le château Guiraud, ses cent hectares de vigne et son parc arboré. Guiraud, premier cru classé de Sauternes, le voisinrival historique d’Yquem. Seul premier cru classé de Bordeaux certifié en agriculture biologique. Une folie pour certains voisins ;
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une vaste ferme nichée à Castillon de Castets, à quelques kilomètres de Sauternes (qu’il reprendra en 1998 pour en faire une ferme céréalière de 120 hectares, intégralement cultivée en bio : « C’est sportif, mais ça me permet de garder les pieds sur terre. ») Revenons à ce mois de septembre 1982. Un chasseur de tête lui déniche le poste de directeur technique à Guiraud, afin d’épauler le fils de Franck Narby, un armateur canadien qui vient de racheter le domaine un an auparavant. Le château est en ruine, le vignoble en très mauvais état, il faut tout reconstruire. Le courant passe si bien entre Franck Narby et Xavier Planty qu’en 1986, le propriétaire lui donne un mandat social et le
un plan de communication, tranchent d’autres. Mais pour Xavier Planty, une nécessité. « Mon ancien chef de culture est mort d’un cancer foudroyant, juste avant de partir en retraite. Ça m’a anéanti. J’ai tout de suite compris d’où ça venait, des pesticides », lâche-t-il. Tout commence en septembre 1982. Xavier Planty vient de quitter un poste d’œnologue dans
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une propriété de Saint-Emilion pour s’évader vers la Provence. « Mais au dernier moment, mon projet n’a pas abouti et je me suis retrouvé à la rue, sans logement, avec ma femme et nos quatre enfants », raconte-t-il. C’est finalement son beau-père, le comte de Baritault du Carpia, qui l’héberge dans son château délabré, sans eau courante ni électricité,
leur ferme en agriculture biologique : ce sera son laboratoire.
LES HÔTELS À INSECTES A Guiraud, le décès de son chef de culture l’anéanti. En 2000, Xavier Planty s’adjoint les conseils de Maarten Van Helden, chercheur sur la biodiversité dans le vignoble à l’Enita de Bordeaux (Ecole Nationale d’ingénieurs des travaux agricoles). Van Helden va l’aider à recréer de la biodiversité. Il plante six kilomètres de haies, enherbe certaines parcelles et installe des nichoirs, des ruches et même des hôtels à insectes, ainsi qu’une station d’épuration biologique pour traiter les eaux usées du vignoble. « Cette biodiversité a protégé la vigne contre les maladies. Si bien qu’en 2004, on n’utilisait plus « Le bio, c’est sportif, mais ça me permet aucun insecticide », explique Planty. Mais cette même de garder les pieds sur terre. » année, gravement malade, Xavier Planty Franck Narby met en vente Château Guiraud. Ce qui propulse gérant du château, alors que le fils freine la conversion. Les acheteurs ne se quitte le navire. « J’ai eu une chance incroya- bousculent pas, malgré la réussite des vins. ble avec cet homme », dit Xavier Planty. En Dès lors, Planty comprend qu’il doit s’implicinq ans, il va recréer Guiraud, menant les quer vraiment, d’autant qu’il possède quelopérations tambour battant sans éviter cer- ques parts depuis 1986. Il appelle deux taines erreurs. « Que je paye encore. A l’épo- copains vignerons pour former un pool que, je n’avais pas pris conscience qu’un d’actionnaires : Olivier Bernard, le propriéenvironnement agricole était aussi un milieu taire du Domaine de Chevalier en PessacLéognan, et Stephan Van Niepperg, le écologique global », constate-t-il. Un jour, au milieu des années 1990, un mar- propriétaire du château Canon la Gaffelière, chand de produits phytosanitaires lui fait grand cru classé de Saint-Emilion. Et à eux l’article d’un traitement miracle pour ses trois, ils réussissent à convaincre une quacéréales, présenté dans une bouteille en alu- trième personne qui va investir en majorité, minium brossé à 300 francs le litre. « Je me Robert Peugeot. Ils rachètent Guiraud en suis trouvé con. Je me suis dit : “Tu es prêt à 2006. L’héritier du constructeur automobile payer 300 francs ce truc avec une tête de adhère même à la conversion en agriculture mort dessus et tu n’es pas foutu de vendre biologique. Après trois années de conversion, une bonne bouteille de Guiraud 60 francs. Guiraud devient officiellement, fin 2010, le Quelque chose ne tourne pas rond !” » Très premier cru classé de Bordeaux certifié vite, avec sa femme, ils décident de convertir en agriculture biologique.
pureté dans son vin », dit Alfred Tesseron, qui lance alors à Jean-Michel : « On pourrait essayer de faire quelque chose d’identique ». Cette année-là, en 1994, Guy Tesseron, le père, est à la manœuvre. Pour évoquer sa mémoire, Alfred dit juste : « L’homme intelligent, c’est mon père ». Un peu plus tôt, lorsqu’Alfred s’essaie à la vendange verte, son père le bat froid. Alfred a écrasé les raisins – il mime avec sa chaussure – pas mûrs. Guy a vu jaune. Piétiner du raisin, pour un Charentais, c’est un crime, du gaspillage. Et surtout, une manière de prendre le pas sur le pas de son père. Alfred est passé en force : autrement il n’aurait pas osé. Il met le père devant le fait accompli et lui dit une fois sa première vinification effectuée : « Le mal est fait ». Alfred aurait dû être un enfant bien élevé. Il a serré les fesses et ça lui a bien réussi. Ce tournant lui attire les commandes, et les bonnes notes. Le redouté Parker, le critique américain dont les remarques font la pluie et le beau temps, lui a donné l’excellence. Mais le plus beau compliment, c’est celui que lui fit son père quand, ce mois de mars, il lui porte un échantillon de son premier bébé : « Je sais qu’il est bon, j’en ai déjà entendu parler. » Il faut envisager Pontet-Canet comme un endroit casse-gueule.
Naturel à tout crin PAUILLAC Non loin de l’estuaire de la Gironde, Alfred Tesseron a hérité d’un domaine qu’il a converti en biodynamie et qu’il cultive avec quatre chevaux. Heureux d’avoir bravé bien des réticences. Par DIDIER ARNAUD (envoyé spécial)
Ci-dessus, Alfred Tesseron, à droite, l’un de ses postiers Bretons. PHOTOS DIDIER ARNAUD
l s’absente de chez lui au moins quatre mois par an. Sillonne le monde entier, de foire en foire, pour présenter son vin. Au bout de trois jours, sa région lui manque. Alfred Tesseron raconte qu’il aime marcher avec son épagneul dans les vignes. Mais quand il reçoit, c’est dans une voiture électrique que cet homme, à la poignée de main franche, vous fait grimper. On se croirait en route pour le trou numéro huit d’un parcours de golf : « J’ai toujours emmené les gens dans les vignes, c’est là qu’est fait le vin, c’est elle qui compte. » On est dans le Médoc, l’estuaire de la Gironde est à deux pas. Le sol est de sable et de grave, il y a de petites maisons de pierre aux carrefours des chemins. Et soudain, un cheval. Alfred connaît le nom de chacun de ses postiers Bretons (une race de cheval très endurante), qui tirent un outillage approprié. Le retour aux vieilles manières n’est pas juste une question d’image. Les noms des chevaux ? Reine, Surprise, Opale et Kakou. Ceux-là labourent, enlèvent la terre. « Un cheval ne met jamais son pied au même endroit, il épargne le sol quand le tracteur l’écrase », dit Alfred, et casse moins de pieds de vigne.
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DOMAINE PONTET-CANET Superficie : 80 hectares. Cépages : cabernet, sauvignon, merlot, cabernet franc et petit verdot. Cuvées : 2 en rouge. Production : 300 000 bouteilles par an. Château Pontet-Canet 33 250 Pauillac www.pontet-canet.com Tél. : 05 56 59 04 04
Voilà ce qu’Alfred Tesseron, fils de Guy, a apporté à son château Pontet-Canet : une nouvelle façon de travailler (en biodynamie) et de manière plus traditionnelle, qui l’a, explique-t-il, « rapproché du vignoble ». Cette manière l’a « distingué », dans une région où marquer sa différence est une affaire bien délicate. On entend encore les ricanements de gens des crus voisins quand on leur parle de biodynamie, cette « lubie de parisiens ». On écoute avec circonspection ce Pauillacais anonyme rencontré dans un
BON VOISINAGE Avant les Tesseron, la famille Cruse était propriétaire du vignoble depuis cent cinquante ans. Nicole, la bellemère d’Alfred qui l’a élevé, avec sa fratrie, « comme une sainte », est issue de cette famille. Alfred lui doit tant qu’il a baptisé un chai de son nom. Lorsque les Cruse ont vendu le domaine, c’était au beau milieu d’une crise majeure que traversait leur entreprise et qui a touché, par extension, tout le Bordelais. Il y était question d’appellation vendue en Bordeaux générique, en fait « enrichie » de vins du Languedoc… OutreAtlantique, la fraude a coûté beaucoup en terme d’image et a fait du mal à la famille. Mais cet épisode a été effacé des tablettes de l’histoire officielle. Ce qui, en revanche, n’est pas oublié en ce qui concerne PontetCanet (« seulement » cinquième cru classé), c’est la proximité de très grands crus comme le voisin Lafite Rothschild, un roi dans le coin. Un voisin à côté duquel il n’est pas mauvais de se faire remarquer. Outre toutes ces embûches, il faut encore compter sur les aléas du climat, et les risques du métier. En 2004, une attaque de mildiou a forcé Alfred Tesseron à traiter sa vigne, mettant en péril son agrément bio. Il n’a pas dormi pendant des nuits, et cet épisode l’a visiblement marqué. Depuis, il maintient le cap. Content de faire quelque chose que les autres ne font pas. Après, il montre son chai – construit par Eiffel – explique le tri des grains, puis fait déguster son dernier millésime. Puissant, fortement structuré, mais un peu jeune.
MAUVAIS NUAGE Plus tard, dans la cuisine du château où un chef se met en quatre pour servir à seulement deux convives, son patron et l’auteur de ces lignes, un repas délicat, Alfred a ouvert un millésime 2003, un cru d’avant la biodynamie, sacrément rond et brillant. Une année particulière, caniculaire. Depuis dix ans, son vin s’arrache comme « Un cheval ne met jamais son pied au même endroit, il épargne le sol alors que des petits pains. Lui joue l’étonné, le modeste, il met le tracteur l’écrase. » ça sur le compte du marché. « On a profité de cette vague, Alfred Tesseron résume-t-il, mais c’est le fait magasin parler du « nouveau marketing » de de faire bon. » Le millésime 2011 fut vendu en ce type de vins-là : « Beaucoup s’y mettent un quart d’heure, tant il était précédé de sa pour faire parler d’eux. » A Alfred Tesseron, réputation. Le 2010 se vend 110 euros, « dix tout ça ne provoque guère qu’un hausse- fois moins cher qu’un grand cru », tempère ment d’épaules. C’est Jean-Michel Comme, Tesseron, qui rappelle que son principal le régisseur, qui lui a fait goûter son propre associé c’est la nature. Il dit qu’un mauvais vin, le Chant des treilles, un petit vignoble nuage peut tout lui faire perdre. Et, malgré près de Sainte-Foy-la-Grande, qui l’a son âge, conclut ainsi : « Je ne pense pas du convaincu de s’y mettre. « Il y avait une tout que je suis arrivé. »
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CuLTurE
luc manago
lIBÉraTIon, SAMEDi 4 JullIET 2009
FOirES Aux vinS margauX, côTES DE caSTIllon, gaIllac… Au HiT PArADE DES FOirES Aux vinS, BOrDEAux rEMPOrTE LA PALME. LA réGiOn rEPréSEnTE PLuS DE LA MOiTié DE L’OFFrE.
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Des centaines de châteaux et certains crus de légendes sont soldés au même prix, voire moins cher qu’en primeur. mieux, les enseignes spécialisées font jeu égal avec les grandes surfaces. ainsi, repaire de Bacchus, le réseau de cavistes Franciliens, donne rendez-vous à ses clients sur son nouveau site (www. lerepairedebacchus.com). cent trente vins y voient leurs prix remisés de 12 à 37 %. la cuvée Désirée 2005 clary du château Le Thil Comte de Clary, un Pessac-Léognan voisin de Smith Haut-lafitte, est proposé à 20 €. Toujours au repaire de Bacchus, on découvre ce très beau Margaux 2006, Château Prieuré Lichine. a boire dans deux ou trois ans, ou à garder en cave, à 44 €. iDealwine, le site de vente aux enchères, offre de grands crus dont le grandiose Léoville-Barton 2007 pour 46 €. Plus abordable et toujours en Saint-Julien, le Pavillon de Léoville Poyferré, le second vin du château léoville Poyferré, est à 26,80 € chez nicolas. la région
de Bordeaux produit encore peu de vins en agriculture biologique. mais casino vend un excellent Bordeaux 2010, Château JoumesFillon, à seulement 3,95 €. autre cuvée à ne pas rater, le château Grand Corbin-Despagne, un cru classé de Saint-Emilion, tenu admirablement par François Despagne. c’est l’un des plus abordables crus classés de l’appellation, et l’un des meilleurs. Il est vendu 21,50 € chez Wineandco. ce site de vente par internet, basé à Bordeaux, offre une belle gamme de crus prestigieux à des prix maîtrisés. comme le plus célèbre des Haut-Médoc, Château SociandoMallet 2008 à 24,90 €, ou ce Margaux 2007, Château du Tertre à 26,10 €. ou, pour rester sur la rive gauche, Château Smith Haut Lafitte rouge 2007 à 39,95 € (le tout chez Wineandco.com). De son côté, le réseau de cavistes nicolas met en avant les seconds vins de grands crus. une façon de tutoyer les crus classés sans se ruiner. Dont L’Oratoire de Chasse-Spleen 2009, le second vin de château chasse-Spleen à 16,80 €, Les Tourelles de Longueville 2007, second vin du célèbre pauillac château Pichon-longueville, à 30 € (chez nicolas). a ne pas manquer non plus, sur internet, le meilleur Côtes
de Castillon qui rivalise avec les Saint-Emilion grand cru Château d’Aiguilhe 2008, 16,65 € (Xo-vin.fr). Pour ceux qui cherchent un sauterne mythique, Château Climens 2005, 90,25 € (Xo-vin.fr). Et en blanc sec, un graves, propriété du célèbre œnologue Denis Dubourdieu, Clos Floridène La Pente Aux Alouettes blanc, à 19,32 € (lavinia). le sudouest est aussi présent avec de jolies découvertes comme le Sauvignon Daguet de Berticot 2010, un côtes de Duras blanc vendu 3 € chez carrefour market, qui existe aussi en rouge, en millésime 2009, au même prix. Il y a aussi ce magnifique Cahors 2009, Cèdre Héritage Château du Cèdre, à 5,95 € chez Wineandco.com. Plus prestigieux, en Cahors 2005, Les Laquets du Domaine CosseMaisonneuve, 24,90 € (iDealwine). Enfin, pour les amateurs de blancs liquoreux, on trouve le Monbazillac 2007, Château de Larchere à 8,50 € chez lavinia, et le Gaillac 2010, domaine Plageoles Brune d’Autan à 13,34 €. Toujours chez lavinia, le Jurançon 2007, Domaine Bellauc La Divine, 25,39 €. a se damner. J. B. Sélection réalisée par LA REVUE DU VIN DE FRANCE
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Champagne & alsaCe
TrenTe-deux mille heCTares eT un suCCès planéTaire : voilà le desTin du Champagne eT de ses grandes maisons, ses Caves CoopéraTives eT ses propriéTaires réColTanTs. dans les vignes, Trois Cépages dominenT. le Chardonnay, le pinoT noir eT le pinoT meunier. l’alsaCe, elle, CompTe de nombreux peTiTs produCTeurs qui s’appuienT sur un ClimaT ConTinenTal pour élaborer de grands vins blanCs seCs eT liquoreux, grâCe aux Cépages riesling, pinoT blanC, sylvaner eT gewurzTraminer.
Champagne Ingénieur agronome de formation, Jean-Baptiste Lécaillon réforme peu à peu Roederer, l’une des stars de Champagne. En appliquant une méthode scientifique, et bio, à son terroir.
Par jérôme baudouin Photos luC manago n ne se refait pas. Fils et petit-fils d’ingénieur agronome, Jean-Baptiste Lécaillon marche sur les traces familiales. Avec la même logique de pensée, vision des choses, méthode de travail. Il ne renie pas sa filiation et pourtant sait s’en détacher, cultiver une certaine indépendance intellectuelle, se construire une nouvelle approche viticole. « Aujourd’hui, dit-il, quand un jeune œnologue arrive chez Roederer, je lui demande de jeter ses livres et de réapprendre le travail. On ne peut pas faire de grands vins avec une œnologie et une agronomie standardisées. Pour faire grand, il faut repousser les limites. Et donc désapprendre et se réapproprier le vin par la dégustation et l’observation. » Jean-Baptiste Lécaillon parle avec un sourire au coin des lèvres. Il est le directeur général adjoint de Louis Roederer, l’une des plus prestigieuses maisons de champagne, la seule à avoir osé l’aventure de la viticulture en biodynamie, malgré sa taille : 220 hectares et trois millions de bouteilles produites.
O Le détenteur de la clé du sol
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Jean-Baptiste LÊcaillon, et une partie de l’Êtendue du domaine Louis Roederer.
DOMAINE LOUIS ROEDERER Superficie : 214 hectares. CĂŠpages : pinot noir et meunier (135 ha) ; chardonnay (79 ha). CuvĂŠes : 16. Production : 3 000 000 de bouteilles par an. Louis Roederer 21, boulevard Lundy 51 100 Reims www.champagne-roederer.com TĂŠl. : 03 26 40 42 11
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Cette indĂŠpendance d’esprit vient peutĂŞtre de son parcours. Certes, Jean-Baptiste LĂŠcaillon est nĂŠ Ă Reims, au cĹ“ur de la Champagne, mais il n’est pas issu du monde viticole, du sĂŠrail. Il avait bien quelques copains de collège qui ÂŤ en ĂŠtaient Âť, comme le ďŹ ls Krug, l’un de ses meilleurs amis. Mais sa rencontre avec le vin s’est faite au hasard d’un voyage en Bourgogne, au domaine Dujac. ÂŤ Après avoir goĂťtĂŠ ces vins, j’ai su quel mĂŠtier je voulais faire. Âť Une fois obtenus ses diplĂ´mes d’agronome et d’œnologue, en 1988, il dĂŠcide de partir Ă l’Êtranger, viniďŹ er sur d’autres continents. ÂŤ J’ai contactĂŠ les maisons de champagne qui possĂŠdaient des vignobles aux Etats-Unis ; c’est
ainsi que j’ai rencontrĂŠ Jean-Claude Rouzaud, le propriĂŠtaire de Roederer. Âť Entre les deux hommes l’entente est tellement immĂŠdiate, magique, que l’entretien dure des heures. Jean-Claude Rouzaud l’emmène dans le vignoble, lui montre chaque parcelle, lui fait goĂťter les vins. A la ďŹ n de la journĂŠe, il l’embauche et l’envoie aux Etats-Unis restructurer la production de mĂŠthode champenoise Roederer Estate, en Californie. Un an après, ce sera l’Australie oĂš il reste trois ans et demi aďŹ n de crĂŠer un mousseux. ENTRE REIMS ET BORDEAUX Lorsque JeanBaptiste LĂŠcaillon revient Ă Reims en 1994, il est chargĂŠ du dĂŠveloppement des vignobles. Mais il passe la moitiĂŠ de son temps entre Reims et Bordeaux car Roederer vient d’acheter une propriĂŠtĂŠ Ă Saint-Estèphe, le château Haut-BeausĂŠjour, suivi par le château de Pez en 1996. ÂŤ Ce passage Ă Bordeaux m’a permis d’avoir une vision plus qualitative de la production de raisin, et de rapprocher le vignoble de la cave. En Champagne, les achats de raisin et la distance des parcelles rendent moins ĂŠvidente cette dĂŠmarche. On est davantage dans une logique de marque Âť, continuet-il. Et avec Jean-Claude Rouzaud, il renforce cette rÊexion sur le terroir en Champagne. ÂŤ Le meilleur moyen de gagner en qualitĂŠ, c’Êtait de mieux travailler nos sols. Âť Jean-Baptiste LĂŠcaillon entame alors sa rĂŠvo-
lution intellectuelle. Fini la logique productiviste apprise à l’Êcole. Roederer possède en propre 220 hectares de vignes, dont la plupart, plantÊes en pinot noir, sont situÊes en grand cru, sur les pentes de la montagne de Reims. Un trÊsor inestimable. En 1999, LÊcaillon dirige à la fois le vignoble et la cave. Ce qui est rarissime en Champagne, oÚ les grandes maisons prÊfèrent gÊnÊralement travailler avec deux personnes diÊrentes pour ces deux postes, et oÚ, gÊnÊralement, le chef de cave a primautÊ sur le chef de culture. Avec sa double casquette, Jean-Baptiste LÊcaillon a le pouvoir de rÊformer Roederer. Il approfondit Êgalement son approche terroir en discutant avec des vignerons en biodynamie, comme Dominique Lafon. Mais la partie n’est pas facile. D’une
scientiďŹ que, il ĂŠchantillonne son pĂŠrimètre d’expĂŠrimentation avec trois terroirs et trois cĂŠpages diÊrents, mi-agriculture biologique, mi-biodynamie. ÂŤ Au ďŹ l des ans, j’ai ĂŠlargi ce protocole pour atteindre 26 hectares de vignes ; je crois que nous avons l’un des plus grands vignobles de Champagne cultivĂŠ de la sorte. Mais je ne veux pas ĂŞtre aďŹƒliĂŠ Ă une chapelle. C’est pour cela que je ne me revendique pas biodynamiste. Âť
BOULES D’ÉNERGIES Lors des dÊgustations, nÊanmoins, le rÊsultat qualitatif ne s’est pas fait attendre.  On ne peut pas dire qu’entre le bio et la biodynamie, l’un est meilleur que l’autre. Mais en bouche, on dÊcouvre des vins qui sont des boules d’Ênergie, très structurÊs, avec une minÊralitÊ impressionnante. Si bien qu’il m’a fallu rÊapprendre à rÊaliser mes assemblages de cuvÊes.   Je rÊflÊchis à ce qui se passera après la viticulture bio et biodynamique, qui ont ÊtÊ Depuis quatre ans, il applique ce protocole dans les diÊdes rÊponses à l’impasse du productiviste.  rentes propriÊtÊs appartenant à Roederer : châteaux Jean-Baptiste LÊcaillon de Pez et de Pichon Comtesse part, le climat champenois n’est pas vraiment Lalande à Bordeaux, Ramos Pinto au PortuadaptÊ. De l’autre, le vaste vignoble de gal, domaine Ott en Provence et aux EtatsRoederer ne se pilote pas comme un petit clos Unis.  Je rÊÊchis dÊsormais à ce qui se passera bourguignon. Et la biodynamie demande une après la viticulture bio et biodynamique, qui ont forte implication personnelle. Si bien que ÊtÊ des rÊponses à l’impasse du productiviste.  Jean-Baptiste LÊcaillon dÊbute ses expÊriences En fait, dit il,  il reste à inventer l’avenir du sur deux hectares seulement. Avec sa logique vignoble, avec de nouvelles mÊthodes. 
Olivier Humbrecht et une partie de son vignoble. PHOTOS DR
Sur la bonne pente, depuis cinq siècles ALSACE Ces vignes escarpées ont leurs seigneurs, les Humbrecht, qui les cultivent en biodynamie de pères en fils. Rendements faibles, résultats sublimes. Par JACKY DURAND (envoyé spécial) DOMAINE ZIND-HUMBRECHT ur la route, lors d’une pause dans un winstub, on nous avait prévenu : « Vous allez chez des seigneurs. » Ce matin-là, à un kilomètre de Turckheim (Haut-Rhin), entre les contreforts des Vosges et la plaine d’Alsace, on cherche un point de repère dans l’immense frondaison vert tendre des vignes quand apparaît, sobre et élégant, l’édifice de béton brut qui signe la présence du domaine Zind-Humbrecht, 40 hectares en biodynamie, 22 salariés et parmi les plus beaux vins d’Alsace. Le bâtiment est à l’image de son hôte, discret et impressionnant à la fois car Olivier Humbrecht et son fils (qui l’a dépassé…) doivent fricoter avec les deux mètres, à vue de nez. Mais dans la famille, on ne compte pas : ni les mots, ni le temps quand il s’agit
S
Superficie : 40 hectares. Cépages : riesling, gewurztraminer, pinot gris, muscat, pinot blanc, auxerrois, chardonnay et pinot noir. Cuvées : 22 en blanc et en rouge. Production : environ 200 000 bouteilles par an. Domaine Zind-Humbrecht 4, route de Colmar 68 230 Turckheim Tél. : 03 89 27 02 05
de raconter la vigne. Il faut dire que les Humbrecht font du vin depuis des lustres. Officiellement depuis le XVIIe siècle mais peut-être bien plus longtemps si l’on se fie à une énigmatique pierre gravée avec les initiales IH (pour Isidore Humbrecht ?) et cette date, 1296.
Il y a cinq siècles, à la sortie de la guerre de Trente Ans qui ravagea l’Alsace, les ancêtres des Humbrecht cultivaient la vigne en foule, autour de piquets à raison de 20 000 à 30 000 pieds à l’hectare – contre 7 500 à 10 000 pieds aujourd’hui. Le cépage se nommait le knipperlé. Il a disparu dans les friches de l’oubli avant d’être retrouvé par hasard au milieu d’une vieille vigne dans le val de Villé. Les Humbrecht en ont replanté une cinquantaine de pieds, il y a une dizaine d’années pour l’observation, le savoir.
fite pour préparer le « Master of wine ». En cinquante-cinq ans d’existence, trois cents personnes seulement ont décroché le « MW », où il faut à la fois faire preuve d’un savoir encyclopédique tout en dissertant sur le vin et enchaîner trois dégustations de douze crus chacune. « La première fois, je l’ai raté par manque de connaissance des vins du monde. J’ai pris trois mois pour faire le tour de la planète et découvrir des vignobles, entre autres dans l’Oregon. »
LA VIGNE, UN ÊTRE VIVANT Ainsi pourvu, Olivier Humbrecht est rentré à Turckheim pour se frotter au… tas de fumier familial. Son père utilisait déjà de l’engrais bio en sacs. Ensemble, ils tentent de faire leur propre compost qui se révèle un affreux brouet puant l’ammoniaque. « Durant trois ans, c’est resté de la merde, explique Olivier. On a fini par comprendre que c’était à cause du fumier de lapin que l’on achetait : les animaux étaient bourrés d’antibiotiques. Et le compost stérilisé. » Olivier Humbrecht s’en va jusqu’au fin fond des Vosges chez un agriculteur pour dénicher un autre fumier cette fois mélangé à son « Notre compost était de la merde, à cause qui, marc de raisin, lui donne un du fumier de lapin que l’on achetait : les beau compost. « J’ai découanimaux étaient bourrés d’antibiotiques. » vert que ce paysan-là travaillait en biodynamie. Je me suis Olivier Humbrecht dit qu’il fallait que j’applique cette démarche à ma vigne. » neron. Si je vous emmène palisser [attacher les Entre sa culture d’ingénieur et les principes branches de la vigne, ndlr] par 35 °C comme de la biodynamie définis par Rudolf Steiner aujourd’hui, vous allez découvrir la pénibilité du en 1924, Olivier a trouvé une complémentamétier. En revanche, travailler le vin en cave, rité qui lui permet d’aborder sa vigne comme ça, c’est la partie plaisir. » Avec un diplôme un être vivant à qui il offre la meilleure vie d’ingénieur, un autre d’œnologie, Olivier possible. Chez lui, on laboure au cheval ou on est parti au milieu des années 80 effectuer pioche à la main pour ne pas tasser la terre ; son service national à Londres où il en pro- on ne rogne pas la vigne, ni ne supprime de LA PLEIADE DE PARCELLES C’est peu dire qu’on aime apprendre et se souvenir chez ces gens-là. Léonard Humbrecht, le père d’Olivier, a passé sa vie à la recherche des plus beaux terroirs, collectionnant ainsi une pléiade de parcelles magnifiques. « Moi, je suis tombé dedans sans m’en rendre compte », raconte Olivier. Sa fille fait une formation de design, son fils va entrer dans la même école d’ingénieur en agriculture que son père à Toulouse. « J’essaie de lui montrer les bons mais aussi les mauvais côtés du travail du vig-
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MAURICE ROUGEMONT
Disponible exclusivement chez les cavistes et sur les meilleures tables. www.champagne-billecart.fr
Estelle Touzet, moins bio que dynamique Estelle Touzet, 30 ans, est la chef sommelier du Meurice (22, rue de Rivoli, 75001), l’hôtel de luxe parisien qui abrite le restaurant du chef étoilé Yannick Alléno.
raisins verts. Car pour éviter de telles opérations, tout est question d’équilibre entre ciel et terre, entre air et eau. En cave, dans cette belle crypte de béton brut où s’alignent les foudres de chêne qui vont de 600 à 10 000 litres, cela donne des instants magiques. Les Humbrecht travaillent sans nutriment ni ajout de levure lors de fermentations très lentes, et avec leur propre eau de source qui ne connaît pas le chlore. Leurs rendements tournent autour de 38 à 40 hectolitres à l’hectare, quand la moyenne en Alsace est à 80 hectolitres. « Pour des vins de base, ce n’est pas forcément un problème. Mais pour des grands vins, il commence à y avoir une certaine dilution au-dessus du seuil des 50 hectolitres à l’hectare », affirme Olivier Humbrecht. Il a débouché l’un de ses vins, un Gewurztraminer Rangen de Thann Clos Saint-Urbain, grand cru de 2009. De l’or en bouche que ce vin moelleux aux puissants arômes de rose et de litchi.
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PIERRE A FUSIL Le vigneron vous montre un morceau de la roche noire et volcanique extrêmement dure où le Gewurztraminer a commencé son histoire, sur les coteaux du Rangen. « C’est une terre extrêmement pauvre organiquement, mais très riche en éléments minéraux. Avec de tels vins, le terroir a parfois du mal à parler. Le Rangen, lui, est capable de dominer ces arômes en apportant un côté pierre à fusil. » Une gorgée de vin et l’on contemple sur une photographie les pentes extrêmement raides du Rangen, où le travail de la vigne n’est pas une mince affaire. « En terrain plat, un labour simple, c’est un jour ou un jour et demi de travail. Là-bas, c’est une charrue avec un treuil, quatre bonhommes et deux semaines de travail. » La qualité est à ce prix-là.
Constatez-vous une curiosité accrue de vos clients pour les vins « bio » ou « nature » ? Oui, il y a une évolution de l’intérêt porté à ce type de vin. La demande existe, mais elle n’est pas systématique. Que pensez-vous de ces vins ? Vous savez, le terme « vin bio » n’existe pas à proprement parler, la mention « bio » ne concernant que la viticulture régie par un cahier des charges, et rien n’empêche le vigneron d’utiliser des produits chimiques lors de la vinification. Un vin « nature » ou « sans soufre ajouté » bannit quant à lui l’adjonction de soufre. Ces élaborations exigent des conditions de vinification, de transport et conservation très strictes. Car la moindre remontée en température, au-delà de 14°C, altère le vin. Et la « biodynamie » vise à limiter au maximum l’utilisation de produits chimiques ; je penche pour cet état d’esprit-là, qui me paraît le plus complet. Avez-vous ces vins à la carte du Meurice ? Il est difficile de répondre à cette question… Car beaucoup de vignerons adhèrent à un état d’esprit avant de rechercher la reconnaissance d’une certification. Chaque politique (bio, nature ou biodynamie) a pour but d’accéder à un mode de viticulture et de vinification le plus « naturel » possible, mais présente des limites, notamment ces fameux cahiers des charges qui ne correspondent pas toujours à la philosophie du vigneron ; du coup, certains vins ne reçoivent pas de certification car l’un des principes de certification n’a pas été ou n’a pas pu être appliqué, alors qu’une politique bio, nature ou biodynamique est menée par le vigneron. Voilà pourquoi on ne peut pas chiffrer combien de ces vins figurent sur la carte du Meurice. Mais une certitude : nous n’avons pas de vins « sans soufre ajouté ». Les avantages et inconvénients de ces vins, d’après vous ? L’avantage est l’assurance d’une intervention minimale de l’homme ; l’inconvénient reste les déviances aromatiques qui ne permettent pas d’assurer une qualité de produit constante. Quelle est votre région et/ou terroir préféré ? Le Berry, évidemment ! Un ou deux vins que vous conseillez ? Les vins du domaine de la Vougeraie en Bourgogne, et les vins Josmeyer en Alsace, tous deux en biodynamie. Propos recueillis par FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI
Signe d’exception
L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.
Du mauvais sort aux bulles en or CHAMPAGNE Françoise Bedel a découvert la biodynamie par le biais du destin, et de la médecine. Elle l’applique désormais dans ses vignes champenoises avec son fils Vincent : deux originaux en terre bourgeoise. Par JÉRÔME BAUDOUIN Photos LUC MANAGO
ans ce paysage de vallons et de coteaux pentus qui est le sien, aux confins de la Marne, de l’Aisne et de la Seine-etMarne, Françoise Bedel a fait de la viticulture une quête spirituelle. Pour comprendre son long cheminement, il faut revenir en arrière. Au début des années 1990, elle est l’épouse d’un viticulteur de Crouttes-sur-Marne, son village natal, où ses parents eux-mêmes exercent le métier
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DOMAINE FRANÇOISE BEDEL ET FILS Superficie : 8 hectares. Cépages : pinot meunier (92%), pinot noir (8%) ; chardonnay (100%) Cuvées : 6. Production : 60 000 bouteilles par an. Françoise Bedel et Fils 71, Grande-Rue 02 310 Croutes-sur-Marne www.champagne-francoise-bedel.fr Tél. : 03 23 82 15 80
de la vigne. Son mari est un adepte de la viticulture intensive et pour guérir son fils Vincent, qui souffre depuis la naissance de problèmes de santé, elle se tourne vers la médecine homéopathique et rencontre Robert Winer, un médecin qui l’initie aux médecines douces. « Il a été un véritable révélateur », raconte-t-elle avec émotion, si bien qu’elle lui a même dédié une cuvée millésimée 1996 – un champagne savoureux, puissant, avec des notes de moka et de chocolat. Dès lors, Françoise Bedel suit son propre chemin. Sa vision de la viticulture n’est plus en rapport avec celle de son mari, ils se séparent et elle récupère la moitié du petit domaine, deux hectares. Mais à peine le divorce prononcé, son exmari est victime d’un grave accident de la circulation qui le plonge dans le coma pendant quatre mois. Ce qui la conduit à gérer seule, une année durant, les deux bouts de vignoble. Une période difficile. « J’étais à deux doigts de tout arrêter. Je ne voulais plus continuer la viticulture telle qu’on la pratiquait, de manière conventionnelle. Je ne supportais plus d’utiliser des produits chimiques, mais je ne savais pas vers qui me tourner. J’en ai parlé à mon œnologue qui m’a conseillé d’aller voir Jean-Pierre Fleury. C’était en 1996. » Fleury est alors l’un des rares grands vignerons de champagne converti en viticulture biodynamique. Il l’accompagne dans sa conversion et elle entre dans l’association Biodyvin, qui regroupe la fine fleur des vignerons français en biodynamie (Lalou Bize-Leroy, Marc Kreydenweiss, Anne-Claude Leflaive, Michel Chapoutier, Noël Pinguet). « A l’époque, je savais le champagne que je voulais élaborer, mais pas comment le faire. » LE SUPPLÉMENT D’ÂME Elle poursuit son chemin de vigneronne comme un pélerin en route vers Compostelle. En 2001, alors que son fils poursuit des études viticoles en Bourgogne, elle l’emmène chez Anne-Claude Leflaive, la grande viticultrice de PulignyMontrachet, pour une dégustation dans le cadre de Biodyvin. Une expérimentation : une parcelle partagée en deux, la moitié cultivée en bio et l’autre en biodynamie. « Ça a été une révélation », raconte Vincent. « Les deux vins dégustés à l’aveugle, étaient presque semblables, mais celui produit en biodynamie
Françoise Bedel et son fils et ci-dessous, l’entrée de leur maison.
cultive leurs rangs limitrophes en biodynamie », dit-elle en riant. Françoise serait-elle devenue prosélyte ? « Non, je leur ai simplement expliqué qu’ils ne risquaient rien à essayer la biodynamie sur quelques rangs et ils ont accepté. » Ces champagnes « Je ne voulais plus continuer la viticulture expriment des arômes intenses et une puissance en telle qu’on la pratiquait, de manière bouche que l’on trouve rareconventionnelle. Je ne supportais plus ment dans le champagne d’utiliser des produits chimiques. » conventionnel. Avec son fils Vincent, Françoise Bedel Françoise Bedel réfléchit à aller plus loin conservateur, l’idée qu’une femme puisse encore, en délaissant le tracteur pour le diriger avec succès un vignoble, qui plus est cheval. Ce n’est encore qu’un projet. Mais en biodynamie, en a heurté plus d’un. « Au cela lui permettrait d’être en osmose avec la début cela n’a pas été facile. Mais les choses ont nature et de creuser un peu plus le sillon changé. Certains voisins acceptent même que je qu’elle a dessiné depuis quinze ans. dégageait une complexité, un supplément d’âme, qui m’a tout de suite convaincu de travailler comme ma mère », dit-il, encore ému. Finalement, en 2003, il rejoint le domaine maternel. Mais dans ce terroir champenois
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luc manago
FoiReS Aux VinS cHardonnay, rIESlIng, PInoT grIS… MêMe Si CeS VinS de FêTe SonT SouVenT PRoPoSéS en Fin d’Année PLuTôT qu’Au MoMenT deS FoiReS, de BeAux FLAConS éGAyenT LeS LinéAiReS eT PeRMeTTenT de ReMPLiR SA CAVe AVAnT Le RuSH de déCeMBRe.
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ainsi, la cuvée brut de la maison Fleury Père et Fils, proposée à 35,06 € chez lavinia. Jean-Pierre Fleury est l’un des artisans de l’émergence de la biodynamie en champagne et l’on n’est donc pas étonné de retrouver dans cette cuvée les arômes intenses qui signent son champagne maison. autre cuvée qui mérite le détour, le brut non millésimé Merveille de Zoémie de Sousa, à 22 € chez 1855.com. un champagne floral, assemblage des trois principaux cépages de l’appellation : chardonnay, pinot noir et pinot meunier. autre belle découverte, le brut non millésimé nature Zéro dosage de chez drappier, vendu 23,90 € chez idealwine. une rareté élaborée uniquement à partir de pinot noir. c’est un champagne vif, droit, aux notes de fruits blancs,
comme la pêche. Enfin, pour ceux qui veulent se faire plaisir avec un champagne de prestige, la Grande Année 2002 de Bollinger est indispensable. Sa bouche dense au goût puissant de raisin noir provoque toujours une grande émotion pour qui le goutte pour la première fois. chez Xo-vin.fr, le flacon est vendu 71,20 €, bien moins cher que son prix de lancement. l’alsace propose aussi quelques belles cuvées de vignerons talentueux. Et cette année, monoprix et le site internet Wineandco.com proposent les vins les plus intéressants. a commencer par cet alsace pinot gris grand cru 2009 du domaine Pierre et Chantal Frick (8,90 € chez monoprix). Pierre Frick est l’un des plus anciens militants de la viticulture biologique (depuis 1970) et biodynamique (depuis 1981). Son pinot gris grand cru est intense mais sans lourdeur. Pour ceux qui recherchent un beau riesling ciselé et droit, il ne faut pas hésiter face au Riesling d’Andlau 2009 de Marc Kreydenweiss (11,95 € chez Wineandco.com), l’un des grands défenseurs de la biodynamie depuis vingt ans dans la région. ce vigneron de talent est un
puriste du terroir. un peu plus cher, dans un autre style, plus épuré encore, voilà un alsace sylvaner 2007, le Zind du domaine Zind Humbrecht, à 14,95 €, toujours chez monoprix. Ici, on retrouve la filiation avec les grandes cuvées signées olivier Humbrecht. certes, le sylvaner est un cépage moins prestigieux que le riesling, mais cela reste un plaisir de chaque instant. Et si l’on veut découvrir les grandes cuvées du géant Turckheim, Wineandco.com en propose deux. Le gewurztraminer Clos Windsbuhl est un vin moelleux mêlant à la fois des arômes de fruits complexes, de fleur et ce bel équilibre entre sucre et fruit. Il est vendu 44,50 €. Plus rare encore, car les rendements sont plus faibles, la sélection grains nobles 2008 gewurztraminer, Herrenweg de Turckheim Vieilles Vignes, blanc liquoreux rarissime et somptueux à prévoir pour les fêtes de fin d’année. Vendu en petites bouteilles de 37,5 cl, cela le rend plus abordable, à 35 € chez Wineandco.com. J. B. Sélection réalisée par LA REVUE DU VIN DE FRANCE
Loire
LA Loire n’est pAs seuLement un fLeuve royAL, c’est Aussi LA coLonne vertébrALe qui A permis L’émergence et LA pérennité historique de ce vAste vignobLe Aux 68 AppeLLAtions, épArpiLLées sur près de 600 kiLomètres. cette diversité de terroirs en fAit L’un des vignobLes Les pLus compLexes de frAnce, notAmment grâce à LA quALité de cépAges comme Le cAbernet frAnc et Le chenin, Les deux rois du vignobLe Ligérien.
charly et nady foucault et l’entrée du domaine de clos rougeard.
Anjou Ombrageux et fiers, Charly et Nady Foucault ont hérité de vignes déjà prestigieuses où s’expriment les cépages rois de la Loire, le chenin et le cabernet franc. Qu’ils ont réussi à sublimer encore par des méthodes à l’ancienne, et une maturation au cœur de la pierre.
Chez les frères fougueux
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Par JÉRÔME BAUDOUIN Photos LUC MANAGO
DOMAINE CLOS ROUGEARD Superficie : 10 hectares. Cépages : cabernet franc (9 ha) ; chenin (1 ha). Cuvées : 4 en rouge et en blanc. Production : 20 000 bouteilles par an.
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Clos Rougeard 15, rue de l’Eglise 49 400 Chacé Tél. : 02 41 52 92 65
es frères Foucault. Inséparables Charly et Nady. Jean-Louis et Bernard de leurs vrais prénoms. Deux figures tutélaires de la haute viticulture ligérienne. Deux corps secs plantés au milieu des vignes du saumurois. Deux moustaches drues juchées sous deux paires d’yeux à la fixité inquiétante. Deux regards quasi-hypnotiques, qui nous transmettent la rectitude de leurs principes séculaires. Comme deux hommes d’une époque lointaine. Comme s’ils perpétuaient, jusque dans les moindres détails, une culture de la vigne initiée depuis huit générations sur le Clos Rougeard. Si les vins des frères Foucault sont mythiques, leur caractère est également légendaire. Combien d’amateurs se sont fait cueillir froidement par l’un d’eux en une phrase lapidaire, du style : « On n’a rien à vendre, ni à déguster. » Même Anne, la
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compagne de Nady, ne savait pas à quoi s’attendre la première fois qu’elle a rencontré les frères. « Quand j’ai dit à mon entourage que j’allais rencontrer les Foucault, on m’a prévenu qu’ils étaient terribles ! Mais ça fait dix ans que je vis avec Nady », lancet-elle, plutôt radieuse. Ici, rien n’a changé dans la façon de faire. Pas même les dix hectares toujours binés à
être net, plat, lisse comme du béton. « Cela fait vingt ans qu’on se fout de nous. Mais ça fait quarante ans qu’on est certifié en agriculture biologique. Mon père a été le premier vigneron de la région certifié, dès 1969. Du coup, on a des parcelles qui n’ont jamais vu de désherbant », lance, non sans une certaine fierté, Nady Foucault, celui des deux qui s’occupe de la partie commerciale, Charly étant l’exigeant vinificateur des quatre cuvées maison. « Cela fait vingt ans qu’on se fout de nous. « Aujourd’hui, le bio est à la Mais ça fait quarante ans qu’on est certifié mode, mais nous, on n’a rien changé », continue Nady. en agriculture biologique. » Ces deux inséparables, Nady Foucault qu’aucune influence extérieure ne semble faire dévier la main, comme autrefois. Un travail de de la voie qu’ils se sont tracée, entretiennent bénédictin. Combien de voisins se sont mo- une relation intime avec la vigne. Une sorte qués des Foucault pendant des décennies, de dialogue muet, végétal, avec le cabernet parce que leurs vignes étaient labourées et franc et le chenin. Comment expliquer que des brins d’herbe poussaient entre les autrement leur capacité à sublimer comme pieds. Il est vrai que selon les canons de la nul autre ces deux cépages rois de la Loire ? viticulture intensive, le sol d’une vigne doit Leurs cuvées sont au sommet de la
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viticulture mondiale, en blanc comme en rouge. Les trois rouges ont une capacité de vieillissement impressionnante, qu’il s’agisse des Poyeux, une cuvée issue de parcelles argilo-sableuses procurant un rouge ciselé, à la fois minéral et fruité, de la cuvée Le Bourg, provenant de sols calcaires, qui déploie de fantastiques arômes de fruits noirs et de violette, avec une fraîcheur éclatante, ou du Clos, la cuvée générique, assemblage des deux terroirs, qui est un vin rond, séduisant, aux notes épicées. Et que dire du blanc Brézé, issu d’une petite parcelle calcaire de 1,5 hectare, magnifiquement exposée. Il est sec tous les ans et parfois, lorsque le millésime le veut bien, devient un liquoreux si rare qu’il n’est pas commercialisé, mais laisse un souvenir indélébile dans la bouche de celui qui a eu la chance de le déguster, tout au fond, dans la cave troglodyte. L’antre de ces maîtres de la vigne. EN CAVE TROGLODYTE Pourtant, les gamins Foucault ne rêvaient pas de vins, eux qui devaient aider leur parents dans les vignes au lieu d’aller se baigner dans le Thouet, comme les copains. « Moi, je voulais être géomètre après mon BEPC, et Charly se destinait à travailler dans la chimie. C’est drôle. Et puis l’envie de faire du vin nous a rattrapée », dit Nady. Dans les années 1960, leur père fait des échanges de barriques avec le château Grand-Pontet, un cru classé de SaintEmilion. « Quand on ouvrait des GrandPontet 1964, ça nous faisait rêver… C’est ce qui nous a poussé à faire comme nos parents. » Du temps de leur grand-père, la réputation du Clos Rougeard est considérable. Leur vin est présent sur les tables étoilées d’aprèsguerre. Et le style est déjà là. Leur père et leur grand-père élevaient les vins près de deux ans en fûts, dans la fraîche cave troglodyte en tuffeau (une roche crayeuse typique de la Loire). Cet élevage signe encore la typicité des vins des Foucault ; leur soyeux, leur fraîcheur et leur précision viennent de cette lente maturation au cœur de la pierre. « Quand on a repris l’exploitation, nous avions une clientèle habituée à notre style de vin élevé en barriques. Et lorsque la mode est venue des vins élevés en cuve, nos clients n’ont pas eu plus envie de changer. On a simplement continué à faire ce que faisaient nos parents avant nous, parce que les clients suivaient », explique Nady. Ils ont ainsi échappé à la mode des vins de cuve légers, des rosés de Loire dénaturés par la clientèle britannique, et au productivisme ambiant. Ils ont suivi leur chemin sans bouger d’un iota. Traversant les modes comme les marins passent les tempêtes. Comme deux vieux ceps qui ne cèdent jamais. EN FAMILLE Alors que la retraite approche, la succession se préparerait-elle ? Les deux frères n’en sont pas encore là. Seul le fils de Charly, Antoine, pourrait reprendre les rênes. Mais il a créé son propre vignoble, le Domaine du Collier, toujours à Chacé, à cinquante mètres de son père et de son oncle. Les frères Foucault finiront peut-être par céder à la prochaine génération. Si bien qu’il n’en restera qu’un.
Jeanne Galinié sur le bon versant Au marché des Enfants rouges, à Paris, Jeanne Galinié propose à Versant Vins, sa cave qui accueille désormais un minibistrot, environ 200 références, dont 80% de vins « nature », et 90 certifiés AB. Y-a-t-il un boum du bio ? Attention, il n’existe pas de vin bio pour le moment, que des vins « issus de raisins provenant de l’agriculture biologique ». Autrement dit, la vigne est bio mais il n’y a pas de règles dans la vinification. Je vends surtout des vins dits « nature » ou naturels, ce qui signifie des vignes et une vinification sans chimie. Depuis environ deux ans, j’ai de plus en plus de demandes pour ces vins-là. Au delà d’un effet de mode, les gens font attention à ce qu’ils ont dans leur assiette, et dans leur verre : on me pose beaucoup de questions sur les traitements des vignes, etc. Le bio, une philosophie ? Oui, le progrès c’est bien mais la chimie dans tout : non merci ! Le vin est le seul produit alimentaire dont la composition n’est pas indiquée. Les gens pensent qu’il n’y a que du raisin dans une bouteille de vin, alors qu’on peut y trouver plusieurs centaines de produits chimiques différents. Avantage/inconvénient du bio ? L’avantage, c’est qu’on connaît la provenance et le contenu du vin, mais c’est aussi son inconvénient majeur : le bio étant à la mode en ce moment, on trouve ce que j’appelle du « bio commercial », c’est-àdire du vin issu de raisins respectant le label AB (qui autorise uniquement l’emploi du soufre et du cuivre en traitement des vignes), sauf que ces vins contiennent des doses de soufre et de cuivre démentielles… Pour moi, le bio en soi n’a aucun intérêt ; il doit entrer dans une logique de respect et de conservation de la nature en général. Un terroir préféré ? J’ai un gros faible pour la Loire dont je suis originaire, c’est une région qui bouge côté vins bio et nature ces dernières années, notamment les vins du Loir-et-Cher. Un ou deux vins à conseiller ? Les vins Contés d’Olivier Lemasson, dans la Loire justement ; ou La Roche Buissière de Laurence et Antoine Joly, dans le Rhône, qui ont repris un domaine familial il y a une dizaine d’années et l’ont converti en bio ; j’ai vu leurs vins évoluer d’une manière incroyable à mesure que leur travail sur la vigne portait ses fruits.
Nouvelle scène pour l’auteur baroudeur
Propos recueillis par FRANÇOISE-MARIE SANTUCCI
Versant Vins, 39, rue de Bretagne, 75 003 Paris ; www.versantvins.com
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Philippe Gilbert, et la maison familiale.
MENETOU-SALON Philippe Gilbert, hier dramaturge à côté d’Olivier Py, a longtemps fui son destin d’héritier. Avant de l’assumer, enfin, avec bonheur. Par JACKY DURAND (envoyé spécial) Photos LUC MANAGO e vignoble-là n’a pas l’ostentation de la Bourgogne ou de l’Alsace. Mais allez savoir pourquoi, on est tombé amoureux du Menetou-Salon, un jour de vent de chaud et de blé mûr en plein Berry. En fait, si, après y être retourné, on sait pourquoi on a aimé d’emblée ces vignes choyées au milieu d’autres cultures, de prés et de taillis. Ici, à MenetouSalon, il n’y a pas de hiérarchie dans l’horizon entre le raisin, le bocage et les labours. Mais le sentiment d’une symbiose entre la vigne et le reste du monde illustré par le propos d’un vigneron exigeant. « Je suis un
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DOMAINE PHILIPPE GILBERT Superficie : 27 hectares. Cépages : pinot (15 ha) et sauvignon (12 ha). Cuvées : 2 en rouge et en blanc. Production : de 120 000 à 130 000 bouteilles par an.
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Les Faucards 18 510 Menetou-Salon www.domainephilippegilbert.fr Tél. : 02 48 66 65 90
paysan », dit Philippe Gilbert, 42 ans, qui veille sur les vingt-sept hectares du domaine familial (quinze en pinot noir et douze en sauvignon) converti en culture biologique en 2005 et en biodynamie en 2007. La différence avec l’agriculteur ? « C’est la modernité de la seconde moitié du XXe siècle qui voulait que l’agriculteur ait réponse à tout. La vigne, pour lui, c’était tant d’hectares égale tant de récolte. L’agriculteur se veut rationnel, le paysan est en communion, en harmonie avec le vivant. Le paysan que je suis a besoin de la vigne alors que l’agriculteur peut, demain, passer du raisin aux pommes ou au maïs. » LES MUES Lors de la découverte de ce vignoble de 480 hectares planté sur des sédiments calcaires, Philippe Gilbert nous avait entraîné sur ses Treilles, une parcelle de vieilles vignes plantée moitié en pinot noir, moitié en sauvignon. On avait caressé les ceps de ses magnifiques cuvées Renardières élevées en barriques de chêne avant de contempler au loin les Aix-d’Angillon et d’évoquer la cathédrale de Bourges, à une vingtaine de kilomètres, sur l’horizon écrasé de chaleur. On avait entrevu dans le récit de ce vigneron aux allures de jeune homme posé les peaux anciennes d’une mue intense. Car Philippe Gilbert s’est rêvé casque bleu, a été dramaturge avant d’être désormais le paysan de ses vignes. Retour au point de départ : les Gilbert font du vin à Menetou-Salon depuis le XVIIIe siècle. Le grand-père de Philippe fut l’un des pères
fondateurs de l’AOC Menetou-Salon en 1959. « Dès que je suis né, j’étais programmé pour être l’héritier. C’était une fatalité à fuir », explique Philippe. Il se souvient qu’enfant, il contemplait la mappemonde de son école avant de se retrouver dans les vignes : « J’avais l’impression de me retrouver dans un entonnoir. J’étais tétanisé, j’avais envie de partir mais j’étais aussi dans la peine. » Philippe Gilbert fera donc l’Ecole supérieure de commerce de Lyon avec l’idée de pouvoir ensuite « tout faire. Vivre à l’étranger, vendre du Coca. Tout en ne tournant pas le dos à mes parents ». Mais il assiste dans le même temps à la chute du rideau de fer puis à la guerre dans l’exYougoslavie et se dit que la vraie vie se lève à l’Est. Philippe part en Russie, officiellement pour étudier la finance, mais se nourrit tous les jours de Tchekhov et de Dostoïevski.
Corée. Ainsi, Philippe Gilbert s’est donné les moyens de fermer la porte à Menetou-Salon. Jusqu’à ce que le domaine vienne le rattraper littéralement au ventre. « De temps à autre, j’avais des crampes d’estomac qui me clouaient au lit mais on n’y trouvait aucune cause. Jusqu’au jour où un médecin m’a dit : “Vos tripes sont en train de vous rappeler qu’il y a quelque chose de non résolu”. C’était Menetou. » En 1998, il revient au domaine comme gérant mais partage encore la moitié de son temps avec le théâtre. Le rapprochement avec la vigne se fait par touches avec la complicité de Jean-Philippe Louis, l’œnologue du domaine. Le père et le fils ont eu aussi beaucoup à se dire. « Mes problèmes d’estomac se sont évanouis, souffle Philippe. En 2005, j’ai compris que ma vie s’était réorientée vers la vigne. »
RÉSOLUTION La culture biologique et la biodynamie apparaissent comme le prolongement naturel de cet itinéraire singulier. « Je me suis demandé : “A quoi ça sert de faire du vin par rapport à la transmission familiale ? ” La « A quoi ça sert de faire du vin par rapport réponse passait par la pertià la transmission familiale ? » nence des sols que l’on cultive. La biodynamie permet à la Philippe Gilbert vigne de chercher les moyens de se soigner elle-même. » En 1995, après la chute de Srebrenica, il Après trois ans de conversion, de « chahuts entre de plain-pied dans la mobilisation des et d’émotions », la sérénité est venue à l’hiver gens de théâtre pour la Bosnie à travers la 2009 : « On a eu le sentiment que toute cette déclaration d’Avignon puis la grève de la aventure nous remettait à l’endroit, de devenir faim de la Cartoucherie. C’est ainsi qu’il des paysans. Aujourd’hui, j’ai la conviction rencontre le dramaturge Olivier Py, qui profonde d’exprimer nos terroirs. » Et le théâvient de mettre en scène la Servante de Clau- tre ? « C’est fini, ça a été une joie qui continue del. Ensemble, ils écrivent Requiem pour de me nourrir. Je me dis qu’il a fallu que je Srebrenica. D’autres créations suivront, me donne les moyens de partir du domaine consacrées à l’Algérie, à la Palestine et la pour revenir l’aimer. »
luc manago
FoireS Aux VinS cHEVERny, montlouIS, BouRguEIl… Cette Année, LeS VinS De Loire Sont DeS PéPiteS à DéCouVrir. iLS Sont réguLierS, PLAiSAntS CoMMe on LeS AiMe, à DeS Prix SouVent ABorDABLeS. Prenons ce Cheverny 2009, Enclos du Petit chien, à 5,99 € chez Franprix, élaboré par Fabienne Angier raviche, une jeune vigneronne de 32 ans, dont ce Petit chien est le troisième millésime. un blanc complexe, avec des notes d’agrume qu’on ne se lasse pas de redécouvrir après le premier verre. mais les foires aux vins sont aussi l’occasion d’investir pour le vieillissement, dans des valeurs sûres. a l’image du Montlouis 2009, domaine François Chidaine. un liquoreux à la fois puissant et complexe, nerveux. un flacon qui peut vieillir sans problème vingt ou trente ans dans une belle cave. on le trouve à 20 € sur le site internet 1855.com. autre alternative, le Montlouis 2009, cuvée Singulier du domaine Lise et Bertrand Jousset, vendu 19,80 € chez le caviste la-contreEtiquette.com. autre blanc d’exception, toujours en touraine,
un Vouvray 2009, le clos du Bourg moelleux 1ère trie domaine Huet, vendu 38 € sur le site iDealwine. com. le domaine Huet fait partie des plus prestigieux crus de la loire, en biodynamie depuis une quinzaine d’années. ce blanc moelleux sublime et aérien produit des notes de truffes après quelques années. c’est un vin de très longue garde. autre grand domaine à ne pas manquer cette année, c’est la maison Alphonse Mellot, incontournable à Sancerre, passée depuis une dizaine d’années en agriculture biologique. Elle est présente chez monoprix avec son vin de pays des coteaux Charitois. la cuvée les Pénitents à 8,90 €, est un chardonnay séducteur et sur le fruit. En rouge, la cuvée les 100 boisselées du domaine Pierre-Jacques Druet, en Bourgueil, ravira les amateurs de vins rouges gourmands et fruités ; à 6,50 € chez 1855.com, cela devient un plaisir quotidien. Pour ceux qui cherchent un Bourgueil de garde, il faut se tourner vers le 2009 du domaine Catherine et Pierre Breton, cuvée Epaulé Jeté à 11,20 € chez lavinia. ce flacon encore jeune devra attendre quelques années pour délivrer toute sa complexité et ses saveurs. En anjou, Patrick Baudouin, l’un
des grands faiseurs de liquoreux en Coteaux du Layon, exigeant avec ses cuvées, produit également un anjou rouge gourmand et équilibré, la cuvée ange Rouge, que l’on trouve à 12,23 € chez lavinia, le plus grand caviste de Paris, situé non loin de la place de la madeleine et qui vient d’ouvrir un nouveau magasin à la Défense. ce caviste vend également un excellent Muscadet-Sèvre-etMaine du domaine Landron, la cuvée les Roches Vertes 2010 à 10,35 €. Il faut goûter les vins de ce domaine pour comprendre ce qu’est un très bon muscadet, loin des caricatures de vins blancs acides qui insultent le moindre fruit de mer. Ici on a affaire à un beau vin blanc, fruité, complexe, minéral. Enfin, il ne faut pas oublier que la loire est aussi une terre de vins pétillants de haute volée qui concurrencent souvent nombre de champagnes. a l’image de ce crémant de Loire brut du domaine de Bois Mozé, une méthode traditionnelle agréable et fruitée vendue à 7,55 € par le site Wineandco.com. J. B. Sélection réalisée par LA REVUE DU VIN DE FRANCE
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Clair de Lune - Photos : L. Pascale
L ’ABUS D’ALC O O L E S T DA NG ER E U X P O U R LA S A N TÉ , À C O NS O M M E R A V E C M O DÉR ATIO N
VIGNOBLES DE LA VALLÉE DU RHÔNE