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SOMMAIR

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N°02

DÉCEMBRE 2019

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SOCIÉTÉ LIBÉRALISME ET CLIMAT

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BELGIQUE ENSEIGNEMENT

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BELGIQUE RÉPUBLIQUE

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BELGIQUE BILAN MICHEL 1ER

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DOSSIER

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CARTE BLANCHE

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/ CARICATURE /

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RÉTROSPECTIVE

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Liberté et environnement liés pour l’éternité

Formation d’un gouvernement fédéral : Et pourquoi pas « La République, la Loi, la Liberté » ?

AVORTEMENT Autoriser l’interruption volontaire de grossesse : une pillule parfois difficile à avaler L’avortement : plus qu’un droit, un aveu de déculpabilisation Trois pays, trois situations différentes Interview d’expert : Quand il est question d’avortement... D’autres fenêtres…

Comment orienter les activités orientantes ?

Michel 1er : Arrivée à bon port ou naufrage ?

L’UE et la Russie : Quelle alternative ?

Lettre au Père Noël Retour à l’expéditeur


ÉDITO Chères lectrices, chers lecteurs, Mon corps, mon choix, ma liberté. Ce sujet brulant est souvent revenu ces dernières semaines dans l’actualité. Nous avons donc décidé de consacrer notre dossier central à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Quelles ont été et quelles sont les positions de la Belgique en fait d’avortement ? Comment celui-ci est considéré dans d’autres pays ? Quelle vision, nous, Étudiants Libéraux, défendons-nous en matière d’avortement  ? Et enfin, qu’en pense Sylvie Lausberg, Directrice « Étude & stratégie » au Centre d’Action Laïque (CAL)  ? Autant de questions qui trouvent leur réponse au cœur de notre magazine. Comme d’habitude, le dossier central se termine par notre rubrique « D’autres fenêtres » permettant d’ouvrir des pistes supplémentaires et d’approfondir la réflexion. Hors dossier, vous trouverez des articles laissés à la libre rédaction de nos membres. Du bilan de Charles Michel au réchauffement climatique en passant par les activités orientantes du tronc commun, nos rédacteurs se sont appliqués à vous écrire des textes intéressants et de qualité. Je vous souhaite une belle lecture,

Adeline


{ SOCIÉTÉ LIBÉRALISME ET CLIMAT }

LIBERTÉ ET ENVIRONNEMENT LIÉS POUR L’ÉTERNITÉ PAR CONSTANTIN DECHAMPS

En tant que libéraux, notre idéal et notre devoir est de veiller à la sauvegarde des libertés fondamentales de l’individu dans la société. Or, le monde change… pour le meilleur et pour le pire. Le réchauffement climatique entamé va – qu’on le veuille ou non – exercer une pression de plus en plus forte sur nos sociétés, mettant ainsi en péril ces libertés que nous croyons acquises.

Si l’on y réfléchit bien, toutes les libertés acquises par les peuples, et ce, depuis la Révolution française, l’ont été dans le cadre d’un environnement équilibré et sous un climat stable. Or, à l’heure actuelle, les effets du réchauffement climatique se ressentent déjà et continueront à s’accentuer dans, sur et autour du monde. Certes, certaines zones seront bien plus affectées que d’autres, mais aucune région de la planète n’en sortira indemne. Voici donc une sélection de menaces qui, dans un avenir proche, mettront en péril nos libertés fondamentales et l’humanité toute entière, si nous n’agissons pas rapidement. Cette liste, malheureusement, n’est que la partie émergée de l’iceberg qui, lorsqu’on la regarde plus attentivement, est immense et ne fond pas.

Première menace : la montée des eaux

Au rythme où vont les choses, et si aucun effort supplémentaire n’est fourni, nous serons bel et bien submergés. Dans son dernier rapport de septembre 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) estime que la hausse du niveau des océans pourrait être de plus d’un mètre d’ici à 2100. Notons que pour certains chercheurs, ces estimations sont optimistes. Un

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mètre, ça n’a l’air de rien, mais une telle hausse provoquerait le déplacement de – à minima – 680 millions de personnes. L’Asie, l’Europe et le continent américain seraient principalement touchés, et des villes telles que Venise, Amsterdam, Miami, New York, Bangkok, Tokyo ou, plus proche de chez nous, une partie de la Flandre, pourraient être rayées de la carte.

Deuxième menace : le manque d’eau douce

Une récente étude du World Ressources Institute (WRI) établit une liste des principales conséquences qu’occasionnerait une réelle pénurie d’eau. Ainsi, si un tel événement se produisait, nous assisterions à une baisse des rendements agricoles - et donc à une insécurité alimentaire - qui augmenterait le risque de conflits dans les régions où le stress hydrique frappe déjà fortement les populations. Cela entrainerait également des phénomènes migratoires et d’instabilité économique qui augmenteraient à leur tour les risques de conflits. Évidemment, certaines régions sont plus vulnérables que d’autres à de telles situations - le Moyen-Orient, l’Afrique du Nord, voire certaines régions de l’Inde -, mais ne nous voilons pas la face, l’Europe n’est pas en reste. De fait, en 2017, la ville

de Rome a dû rationner l’utilisation de l’eau afin d’éviter la panne sèche ! Même nos contrées sont concernées. Une liste mesurant les risques de pénurie en eau et établie par le WRI, a en effet montré que sur 163 pays, la Belgique arrive en 23e position, se plaçant ainsi dans le groupe présentant un risque de «  pénurie hydrique élevé  ». Cette mauvaise place, nous la devons à la Flandre, une des régions les plus densément peuplées d’Europe, mais également l’une des plus bétonnées. L’eau n’arrivant pas à s’infiltrer jusqu’aux nappes phréatiques, la Flandre est la seule région d’Europe occidentale qui – si elle était prise en compte en tant qu’État – pourrait connaitre des épisodes de stress hydrique comparables à ceux du Moyen-Orient.

Troisième menace : la vulnérabilité des terres

Le GIEC, dans son rapport d’août 2019 sur l’utilisation des terres, établit que le changement climatique, en augmentant l’intensité et la fréquence de phénomènes extrêmes (pluies intenses, sécheresses, vagues de canicule…), accroit la vulnérabilité des terres. En d’autres mots, le rendement des récoltes chutera. Dans le même temps, l’agriculture intensive, accélérant l’érosion des sols et la disparition de la


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biodiversité (nécessaire à l’épanouissement de nos sociétés), exploite un tiers de toutes les terres émergées – en produisant près de 23% des émissions de gaz à effet de serre – et les trois quarts d’eau douce de la planète. Rappelons que nous venons de voir que l’eau douce « facile et pas chère » pourrait un jour venir à manquer. Or, l’agriculture étant très gourmande en eau, si la quantité d’eau devait manquer et si les sécheresses devaient augmenter (tant en durée qu’en nombre), cela aurait inévitablement un impact sur les rendements agricoles, et pourrait, corrélativement, engendrer une hausse des risques de famine. La sécurité alimentaire mondiale serait ainsi en danger.

Risques et conséquences

Les trois menaces citées précédemment seront les déclencheurs de pénuries, de déplacements de populations et d’immigrations. La revue scientifique Nature Communication estime que d’ici à 2050, le monde comptera, au minimum, 300 millions de réfugiés climatiques si rien n’est fait d’ici là. Certains scientifiques tablent sur près de 2 milliards de réfugiés climatiques. La Banque Mondiale a identifié les foyers majeurs d’immigration comme étant l’Afrique, l’Asie du Sud et l’Amérique du Sud. Une grande part de cette immigration sera interétatique ou intracontinentale. À priori, ça ne pose pas de problème, sauf que des déplacements massifs de populations créent des tensions quant à la répartition des terres et des ressources dans les zones d’accueil pouvant ainsi mener, dans des États déjà affaiblis, à la naissance de nouveaux conflits. Par la suite, l’immigration se fera de manière intercontinentale. Les populations iront trouver refuge (et c’est bien normal) dans les régions moins affectées par les effets du changement climatique et donc encore stables. Ainsi, les Sud-Asiatiques remonteront dans le nord de l’Asie, les Sud-Américains iront vers les États-Unis et les Africains se dirigeront vers l’Europe. Au vu de l’accueil que nous, Européens, avons réservé en 2014 à la fameuse « vague migratoire » de 2 à 3 millions de réfugiés, je me demande ce qu’il adviendra lorsque nous devrons accueillir plusieurs dizaines, voire plusieurs centaines de millions de personnes. Que feront les Salvini, les Orban  ? Ordonneront-ils d’ouvrir le feu sur des familles fuyant la misère ? J’espère que non. Les menaces que je viens d’aborder ne sont qu’un échantillon de ce qui est en train de se réaliser. Actuellement, nous sommes lancés à bride abattue vers un réchauffement compris entre +4°C et +6°C à l’horizon 2100, ce qui signifie que nous allons atteindre les +2°C vers 2050, si nous ne mettons pas en place une lutte efficace. À ce propos, connaissez-vous la différence de température entre le climat que nous connaissons à l’époque actuelle et la dernière ère glaciaire d’il y a 10.000 ans ? La différence est de +5°C. Avec cinq degrés supplémentaires, l’humanité est passée d’une ère glaciaire à un climat tempéré en plusieurs millénaires. Aujourd’hui, nous nous dirigeons vers un monde conflictuel au climat plus qu’instable et dangereux pour l’Humanité.

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{ SOCIÉTÉ LIBÉRALISME ET CLIMAT }

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{ SOCIÉTÉ LIBÉRALISME ET CLIMAT }

Un monde conflictuel, ça signifie des guerres entre populations afin de s’accaparer les ressources restantes. À l’avenir si rien n’est fait, des gens se battront pour de l’eau et du blé. Partout autour du globe, avant d’arriver à la situation précitée, nous risquons d’assister à l’installation de régimes autoritaires, car lorsque les individus sont amenés à choisir entre liberté et sécurité, ils choisissent la sécurité. Adieu liberté de presse, de parole, de pensée, d’opinion et de croyance. Adieu liberté de vivre sa vie comme on l’entend, car nos priorités seront de nous nourrir et nous loger. Adieu état de droit et temps de paix… Alors oui, ramener la problématique du réchauffement climatique à une simple optique de sauvegarde des libertés est quelque peu réducteur aux regards des enjeux, mais c’est un aspect que je considère important de pointer. Mais il est encore temps  ! La fenêtre d’action est ouverte, et nous pouvons éviter le pire. Mais il faut agir… Et vite ! D’ici à 2030, le monde doit réduire de 40% à 50% ses émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone en 2050 et nous permettre de rester à +2°C. À titre informatif, la Belgique, au vu des mesures que l’État prend, ne pourra réduire ses émissions que de 13,3% pour 2030. Il est urgent d’engager la transition afin d’assurer un avenir souhaitable à notre génération et aux générations futures.

Comment et où agir ?

Ce qu’il faut bien comprendre, c’est que les changements qui nous permettraient d’atteindre la trajectoire des +2°C sont absolument…hors du commun. Nous allons devoir apprendre à faire des choix entre ce que nous voulons conserver, ce que nous devons conserver et ce que nous devons abandonner. La transition écologique et durable est un véritable changement de société pour nous qui sommes habitués à un mode de vie où la pollution et le gaspillage règnent en masse. Les gestes du quotidien comptent et sont positifs, mais ce n’est pas en triant nos déchets et en remplaçant les voitures thermiques par des voitures électriques ou à hydrogène

que nous résoudrons le problème. Du moins, ce n’est qu’une solution partielle. À l’inverse, ce n’est pas en faisant tout porter par l’État que le réchauffement se résorbera. Comme le dit Marshall McLuhan : « Il n’y a pas de passagers sur le vaisseau Terre. Nous sommes tous membres de l’équipage ». Tout le monde doit faire sa part. Secteur publique, entreprises privées et citoyens. Tout le monde est responsable. Nous allons devoir changer la manière dont nous produisons notre nourriture et dont nous la consommons. Il nous faudra passer d’une agriculture intensive, polluante et qui se fait à l’autre bout de la planète à une agriculture résiliente, locale, de saison, peu gourmande en eau ou en intrants extérieurs et résistante aux aléas climatiques. Nous allons devoir changer la manière dont nous produisons de l’énergie notamment en décarbonant la production électrique. Je pense bien sûr aux éoliennes (on et offshores), aux panneaux solaires, à la biomasse ou à la géothermie ; la liste est longue. Le nucléaire peut certes avoir un rôle à jouer, tout en gardant à l’esprit qu’il soulève d’autres problèmes. Nous devrons aussi apprendre à faire des économies d’énergie notamment en isolant nos maisons (contre le froid et contre le chaud). La manière dont nous nous déplaçons doit être repensée. Il n’est pas pertinent, en tant que citoyen, de prendre sa voiture pour faire un trajet de 3km, et en parallèle, l’État doit proposer des solutions de transports alternatifs. Ainsi, pour les trajets courts, remplaçons nos voitures par nos pieds, le vélo ou bien les transports en commun. Pour les longs trajets, dans la mesure du possible, remplaçons l’avion par le train (les trains de nuit font leur réapparition en Europe). Nous allons également devoir apprendre à restaurer nos écosystèmes et la biodiversité au lieu de les détruire. Car rappelons-le, la biodiversité nous rend d’immenses services. À titre d’exemple, si les abeilles venaient à disparaitre, vous pourriez supprimer de vos assiettes les deux tiers des produits végétaux que vous mangez. Et la liste de solutions est

encore longue. Il n’y a pas une solution, mais des solutions. Le défi de ces mesures est de les imposer à grande échelle, mais en commençant à notre niveau, dans nos maisons et dans notre pays. Et elles demanderont un vrai courage politique, car certaines d’entre-elles seront impopulaires. Continuer à faire croire que les prix de l’électricité ou de l’eau ne vont pas augmenter est faux. Tout comme croire que nous pourrons continuer à manger des fraises en hiver ou que nous pourrons prendre un vol low-cost pour un weekend à Barcelone tous les mois (et j’en suis le premier désolé). Ces mesures feront des mécontents mais elles sont nécessaires. Certes, nous allons perdre la liberté de polluer et de gaspiller, mais c’est un maigre sacrifice au regard de la sauvegarde de notre planète. Nous aurons la liberté d’avoir un avenir, pour nous et pour les générations qui nous succéderont. Celles-ci pourront profiter des mêmes libertés que nous. Elles pourront vivre au lieu de survivre. À l’aulne des solutions que je viens d’exposer, on a le droit d’être optimistes mais on a aussi le devoir d’être inquiets face aux dangers qui se profilent et au vu de la lenteur des réactions politiques. À mon sens, le plus grand danger, c’est d’attendre. Attendre une solution miracle alors que la majorité des solutions existent et sont disponibles. Attendre que les autres le fassent à notre place. Attendre au lieu d’agir massivement, collectivement et à tous les niveaux. Ainsi, nous, libéraux du XXIe siècle, il est de notre devoir de lutter activement et efficacement contre le réchauffement climatique, car sinon nous perdons notre raison d’être qui est de veiller à la sauvegarde et à la pérennité de nos libertés fondamentales. Je terminerais en citant un grand homme qui a su combiner effort de guerre et sauvegarde des libertés : « Le politicien devient un homme d’État quand il commence à penser à la prochaine génération plutôt qu’aux prochaines élections. » (Winston Churchill)   

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{ BELGIQUE RÉPUBLIQUE }

FORMATION D’UN GOUVERNEMENT FÉDÉRAL :

ET POURQUOI PAS « LA RÉPUBLIQUE, LA LOI, LA LIBERTÉ » ? PAR ADRIEN PIRONET

Informateur, négociateur, (pré)formateur, médiateur, clarificateur… Et autres « démineurs » au sens propre comme au figuré… Tant de tentatives pour parvenir à former un gouvernement fédéral en Belgique. Mesdames et messieurs, si je vous disais que nous avons peut-être une solution miracle ? Le nom de cet élixir magique : la république.

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Depuis l’époque romaine de Jules César jusqu’à la Ve République française, ce système politique, bien qu’il ne date pas d’hier, est issu de la pensée humaine et continue de convaincre.

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En Belgique, un sondage, réalisé par iVOX en 2017, présente que si 58% des Belges souhaitent maintenir la monarchie, 25% sont pourtant en faveur d’une république belge. Certains se demandent pourquoi envisager un changement de modèle politique si en fin de compte, les choses semblent fonctionner. C’est sans compter que chaque peuple doit rester souverain dans la désignation de son chef d’État. Or, le modèle républicain a pour vertu d’être basé sur la sélection populaire, même si toutefois des variantes sont possibles.

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De l’analyse des différents modèles républicains…

Pensons d’abord au modèle français - le plus inclusif - au sein duquel chaque citoyen est libre de voter pour élire son président, et ce tous les 5 ans. L’avantage de ce modèle dans l’optique qui nous concerne, c’est que le président peut constituer un gouvernement de sa propre initiative, sans recourir à un schéma complexe comme en Belgique. En effet, chez nous,

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{ BELGIQUE RÉPUBLIQUE }

le processus de formation de majorité gouvernementale est long et doit passer par la consultation royale. À partir de là, commence une véritable épopée pour réunir une majorité de partis formant une coalition gouvernementale. Par ailleurs, compte tenu des chemins antagonistes pris par le nord et le sud, l’on peut légitimement penser que la procédure va se complexifier avec le temps. Mais si la simplicité du système français est intéressante, qu’en est-il de son efficacité ? Le jeu de la démocratie n’a-t-il pas porté au pouvoir une personnalité de courant extrémiste et antisémite ? L’expérience a déjà eu lieu, ce fut une catastrophe pour les victimes de ces régimes politiques. Néanmoins, en Belgique, n’a-t-on pas déjà eu un cas similaire avec la monarchie  ? En fait, si ! Léopold III a tenu des propos antisémites, «  accident de l’Histoire  » avait alors déclaré le constitutionnaliste Marc Uyttendaele. Alors oui, que le chef de l’État soit roi ou président, nous ne sommes décidément pas à l’abri de l’une ou l’autre personnalité houleuse. Malgré tout, un monarque, on ne le choisit pas. Alors que son pendant républicain, lui, oui. S’il se révèle incompétent, il est issu d’un choix populaire. Nonobstant, puisque le modèle républicain français peut comporter des

failles sur la personnalité élue, voyons le modèle américain. Après tout, celuici mérite tout notre intérêt puisqu’il reste inchangé depuis presque 250 ans. En l’espèce, l’élection s’opère via un système de grands électeurs. Ceuxci agissent alors comme un filtre, c’est un système de suffrage universel mais indirect. Leur orientation va fixer le sort du scrutin en faveur d’un candidat

plutôt que d’un autre. Mais observons qu’il n’est pas rare que le résultat final plébiscite des personnalités contestables telles que George W. Bush ou d’autres, aux expressions parfois crues, comme Donald Trump. Ce qui n’est donc pas encore pleinement satisfaisant. Mais laissons cela en suspens pour l’instant… Au fond, après avoir évoqué la question du choix de la personnalité dirigeante, un autre moment décisif concerne la formation du gouvernement en l’état. Dans ce cadre, abordons les nuances que l’on peut apporter à la puissance légale de l’homme providentiel, qui formerait, de façon idéale, «  son  » gouvernement. Certains modèles ont le mérite d’apporter de l’eau au moulin, notamment le rôle du Président italien. Dans la configuration actuelle des choses, celui-ci doit observer la neutralité totale et être indépendant des partis. On entrevoit là une vraie solution pour écarter les professionnels de la démagogie. Effectivement, ses pouvoirs sont constitutionnellement limités. Cependant, rien n’empêche d’imaginer qu’il lui soit octroyé davantage de prérogatives, réparties avec le Président du Conseil (Premier ministre). Le partage des pouvoirs entre

les deux têtes exécutives de l’État n’est donc pas une solution parfaite. Voyons à ce sujet, le partage du pouvoir en France. Le Président jouit d’une autorité supérieure, qui fausse un potentiel équilibre de compétences. Dans le cas où une personnalité malveillante accède au poste suprême, ce genre de modèle s’avère dangereux. Toutefois, il peut s’avérer tout à fait fonctionnel

si le partage s’effectue de manière équilibrée. Imaginez un Président aux « relents racistes », mais qui dont la marge de manœuvre serait limitée par les prérogatives qu’aurait son Premier ministre. Un second coup d’œil rapide sur nos voisins permet de voir la construction particulière qu’arbore la Suisse. En effet, celle-ci se dote d’un gouvernement durant 4 années - le « conseil fédéral » -, au sein duquel le chef de l’État est élu chaque année. Seulement, les compétences de ce dernier sont assez restreintes, il occupe principalement un rôle représentatif car le conseil prend chaque décision de façon collégiale, à la majorité des votes exprimés. L’organisation suissesse est particulièrement démocratique dans sa façon d’exercer le pouvoir décisionnaire. Cependant, j’émets des doutes sur son efficacité. Le mandat présidentiel n’a que très peu d’intérêt, puisqu’il a un rôle simplement protocolaire. Dans cette optique, pourquoi ne pas assigner au ministre des Affaires étrangères la charge d’effectuer les visites d’État ? Enfin, le modèle qui, à mes yeux mérite un grand intérêt, est le système de l’Allemagne fédérale. Le Président allemand est en fait issu d’un double filtre. Il figure parmi les députés de l’Assemblée législative, élus pour 4 ans au suffrage universel direct, et est ensuite choisi par ses pairs pour exercer cette fonction. Ce que je reproche au modèle tel qu’il est conçu aujourd’hui, c’est qu’il relègue le chef d’État au second plan et donne à son chancelier la majorité des compétences.

Vers un modèle mixte pour la Belgique ?

L’Histoire l’a montré, le meilleur compromis n’est pas une « monarchie républicaine » où le Président est toutpuissant ; le meilleur compromis réside dans l’intérêt du contrebalancement des pouvoirs de l’État. Déjà à l’époque, tout le génie d’Aristote était de dire que chaque système dans sa forme pure amène forcément à la dérive. Il prônait des institutions justes et équilibrées, un

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modèle mixte. C’est d’ailleurs mon interprétation de la série Designated survivor, où le protagoniste, indépendant sur le plan politique, prend la tête des États-Unis. Et même si l’œuvre est romancée, l’idée centrale semble être plutôt un bon compromis. Dès lors, en écoutant les préceptes d’Aristote, laissez-moi vous conter un modèle républicain issu des réflexions de nos voisins et assaisonné à la sauce belge. À la suite d’élections législatives fédérales, les députés élus nommeraient un Président. Celui-ci désignerait ensuite son gouvernement qui ferait alors l’objet d’un vote de confiance au Parlement. Concernant ses compétences, un juste équilibre serait nécessaire afin d’empêcher que le chef d’État ne soit un « monarque républicain ». Toutefois, il faut éviter de créer un homme de paille en le réduisant à un rôle purement symbolique. On pourrait par exemple songer à laisser les matières régaliennes, y compris les grandes impulsions, au Président et laisser au chef de gouvernement la conduite de son équipe et des compétences résiduelles. Dans cette vision, outre les compétences citées plus haut, le parlement aurait un rôle central. Il détiendrait symboliquement le pouvoir sur le gouvernement, à qui il pourrait déléguer la gestion publique. Puisqu’élu par le citoyen, il devrait avoir une importance capitale. L’équilibre des trois branches de l’État serait fondamental afin de contrôler le pouvoir exécutif. De puissants leviers de censure à l’encontre du gouvernement devraient alors exister. De plus, si le cas échéant, un Président incompétent, raciste, ou en proie à d’autres incompatibilités avec ses fonctions, était à la tête du pays, une procédure de type « impeachment » permettrait de le destituer. Au-delà des outils dont disposerait le parlement, son renouvellement pourrait coïncider avec la moitié du mandat présidentiel, comme en France. Ceci permettrait au citoyen de modifier la répartition des sièges pour ainsi envoyer un signal à la politique du gouvernement. L’outil législatif ne changerait pas fondamentalement. Toujours est-il que le Président pourrait envoyer à son collègue Premier ministre, un projet de loi, soumis à la lecture du Conseil d’État puis au vote du Parlement. Alors, qui a dit que la configuration belge nécessitait forcément une monarchie ? Croyez-vous encore qu’un autre système ne soit pas possible ? Il y a d’ailleurs fort à parier qu’une construction républicaine permettrait d’enterrer notre record de 541 jours sans gouvernement. L’audace sera le seul moteur pour accompagner la volonté dans le cas où l’on se déciderait à remettre en cause le modèle établi depuis 1831 en Belgique. 

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DOSSIER AVORTEMENT

Légaliser, dépénaliser ou non l’interruption volontaire de grossesse (IVG) a toujours été la source de vifs débats. Partout dans le monde, les avis divergent. Alors que pour certains pays, l’IVG est légale, pour d’autres, elle est criminelle. L’État de l’Alabama, par exemple, considère l’avortement comme un crime même en cas de viol ou d’inceste. En Belgique, la question de l’avortement n’a pas toujours été simple. Surtout quand il a fallu légiférer. Dans ce dossier, nous reviendrons sur les différents événements qui ont marqué la Belgique et évoquerons les évolutions faites et espérées en la matière. Nous rappellerons également que nous, Étudiants Libéraux, sommes favorables à l’avortement, car comme le disait Simone Veil : « Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. »

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{ DOSSIER AVORTEMENT }

AUTORISER L’INTERRUPTION VOLONTAIRE DE GROSSESSE : UNE PILULE PARFOIS DIFFICILE À AVALER PAR ADELINE BERBÉ ET ADRIEN PIRONET

Pour les jeunes adultes d’aujourd’hui, l’interruption volontaire de grossesse (IVG) parait être un droit naturel et acquis. Néanmoins, il n’en a pas toujours été ainsi. La pilule fut parfois difficile à avaler pour certains, et c’est particulièrement le cas pour le Roi Baudouin. À l’occasion de ce dossier, cet article revient sur l’histoire de l’interruption volontaire de grossesse en Belgique.

Au 19e siècle, l’avortement est un crime

En 1830, l’avortement est méconnu de la loi. Le vide juridique règne en la matière. Seule la société et ses codes moraux issus de la religion l’interdit. C’est à partir de 1867 que nait la première loi sur l’avortement. Malheureusement, celle-ci n’autorise pas l’interruption volontaire de grossesse, au contraire. Cette loi dispose que l’IVG est désormais un crime contre l’ordre des familles et de la moralité publique ; la peine encourue est alors de 2 à 5 ans de prison.

Dans les années 60, « Avortement : les femmes décident ! » Dès les années 60, l’idée fait le tour de la Belgique. Les mœurs évoluent, les femmes se libèrent de plus en plus des dogmes de la société. Mais c’est véritablement dans la décennie suivante que les choses prennent un tournant important. En 1976, éclate l’affaire « Peers ». Willy Peers est un gynécologue accusé d’avoir pratiqué environ trois cents avortements alors que la loi l’interdit, il est donc emprisonné. Dans ce contexte, il semble évident qu’il y a une fracture entre la loi de 1867 et la pratique. Les rues deviennent le théâtre des manifestations. Un exemple flagrant est la marche pour l’avortement du 5 mars 1977 à Bruxelles qui va réunir jusqu’à 7000 personnes. Depuis lors, de nombreuses propositions de lois ambitieuses vont voir le jour, mais les députés et le pays ne sont visiblement pas prêts. Il faudra attendre les années 90 pour qu’une loi aboutisse, mais les aventures ne s’arrêtent pas là…

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En 1990, une loi et une crise royale

C’est une première victoire, lorsque le 29 mars 1990, la loi sur la dépénalisation partielle de l’avortement est votée à la Chambre. Toutefois, conformément à l’actuel article 109 de la Constitution, le Roi doit la sanctionner et la promulguer ; malgré ça, le Roi Baudouin s’y oppose. En effet, alors que le texte est envoyé sur son bureau, le souverain est pris d’un cas de conscience et refuse d’apposer sa signature sur le document législatif. L’attitude de celui-ci est tout à fait incompréhensible pour la majorité du peuple. En fait, cela prouve une certaine intelligence. Le Roi est souvent placé, par son statut, dans une tour d’ivoire qui le rend étranger au quotidien du peuple. Et si sa prise de position est certes plus problématique sur le plan du droit des femmes, par cet acte risqué, le souverain montre néanmoins qu’il est avant tout un homme avec des sensibilités. En partageant ses opinions aux yeux de tous, Baudouin se révèle être une personnalité proche de son peuple. Par ce refus de signer, s’amorce une affaire aux proportions incroyables, puisque le Roi n’a pas le pouvoir constitutionnel de s’opposer aux actes du Parlement. Par ailleurs, il ne souhaite pas contester la légitimité démocratique conférée au vote. Baudouin expliquera son choix au Premier ministre de l’époque, Wilfried Martens : « Ce projet soulève en moi un grave problème de conscience […]. En résumé, je crains que ce projet n’entraine une diminution sensible du respect de la vie de ceux qui sont les plus faibles. Vous comprendrez donc pourquoi je ne veux pas être


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associé à cette loi ». La raison avancée est donc qu’en tant que féru catholique, le Roi respecte davantage le droit à la vie. De plus, le couple royal n’a jamais pu concevoir d’enfant, ce qui renforce cette conviction. Pour cause, une malformation physiologique empêche la Reine de donner naissance à un héritier. Baudouin tient à faire passer ses convictions personnelles avant son rôle constitutionnel, mais il reconnait toutefois que cette loi est nécessaire à son pays. Il s’agit par conséquent de trouver un stratagème pour que la loi puisse devenir effective, tout en respectant la procédure. Le Roi demande donc au gouvernement de trouver une solution juridique à ce problème. Miraculeusement, sur initiative du Premier ministre, une interprétation de l’actuel article 93 de la Constitution vient à la rescousse du pays. Sur le plan juridique, cette disposition constitutionnelle décrit la situation où le Roi est en impossibilité de régner. Ce cas ne s’est présenté qu’à deux reprises dans l’histoire belge. Il s’agit donc de situations extrêmement limitées. La première fois fut durant la Seconde Guerre mondiale, lorsque Léopold III était captif en Allemagne. Situation compréhensible, puisqu’il était alors physiquement impossible que le Roi remplisse ses fonctions. Or, dans ce second cas, Baudouin n’est ni emprisonné ni en incapacité mentale d’exercer son rôle politique. Pourtant, cette solution, qui arrange tout le monde, est présentée au souverain, qui l’accepte. Durant 36 heures, on assiste à une course contrela-montre pour régler le problème. La situation ne doit pas s’éterniser, l’urgence est de mise. D’abord l’impossibilité de régner est constatée ; la loi est ensuite signée par le gouvernement ; elle est alors promulguée et le Roi reprend ses fonctions.

Aujourd’hui, ce n’est pas assez !

Les évolutions en matière d’IVG ont été importantes, mais elles n’ont pas été menées jusqu’au bout. Certes, la loi est votée et elle dépénalise partiellement l’avortement ; cependant, sa pratique demeure une infraction au sens de la législation belge. Aujourd’hui, pour le Centre d’Action Laïque, cette situation stigmatise l’IVG. Les femmes qui ont recours à cette procédure sont, en plus d’être en proie à un questionnement, confrontées à une culpabilité face au respect de la loi. Nombreux sont ceux qui militent pour une suppression pure et simple du prescrit légal afin d’officiellement légaliser, et ce, totalement, la pratique médicale. Vu les débats actuels, il est à espérer que cela arrivera pour 2020. 

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{ DOSSIER AVORTEMENT }

L’AVORTEMENT :

DROIT, UN AVEU DE DÉCULPABILISATION PLUS QU’UN

PAR ANTOINE DUTRY

Il est des avancées sociétales dont la Belgique devrait être fière. En tête de gondole, nous pensons notamment à la communauté LGBTQI+ et aux politiques progressistes qui la concernent. Comme un étendard, elles nous rappellent que notre pays est beau quand il fait le pari de se montrer avant-gardiste sur les questions éthiques. Et heureusement, s’agissant de l’interruption volontaire de grossesse (IVG), la donne pourrait enfin évoluer positivement d’ici les prochaines semaines. En effet, à l’initiative de plusieurs partis politiques (dont le MR), une réforme de la loi de l’IVG est en passe de voir le jour.

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Avant de revenir plus en détails sur les contours de la future loi, il est utile de préciser les termes du débat. Le 15 octobre 2018, les partis de la Suédoise – MR, Open VLD, N-VA et CD&V – crient des hourras et obtiennent un compromis sur l’IVG. Cette dernière n’est plus inscrite dans le code pénal, de même que la notification de l’état de détresse n’est plus rendue obligatoire. Sauf que – très vite – les critiques s’élèvent sur l’annonce de cette avancée qui en réalité n’est que partielle. Ainsi, beaucoup reprochent à la Suédoise de ne s’être pas définitivement débarrassé des sanctions pénales qui sont toujours d’application si les conditions d’avortement (délais, lieu, etc.) sont enfreintes. Dit autrement, le législateur a dépénalisé l’avortement sans véritablement aller au bout du raisonnement, en ce sens où le caractère infractionnel demeure. Outre cela, le délai de 12 semaines au-delà duquel la gent féminine peut avorter reste inchangé. Dans un langage plus commun, nous parlerions de « verre à moitié vide », d’avancée « écran de fumée » voire de « goût de beaucoup trop peu ». Mais, c’était sans compter sur la détermination de certains d’enclencher la seconde et de s’affranchir de la loi (et de l’esprit) d’octobre 2018.

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À l’heure où nous écrivons ces lignes, il se pourrait que la Belgique rejoigne le bon côté de l’Histoire. En effet, un certain nombre de partis, tant du côté flamand que francophone, se sont accordés pour une véritable dépénalisation de l’avortement. Les discussions


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ont été rondement menées depuis plusieurs semaines et les amendements ont été déposés à la commission Justice de la Chambre. Ceux-ci sont débattus à l’heure où je vous écris, avec l’espoir que le tout soit voté en séance plénière par après.

Mais de quoi sera faite la future loi ?

  L a dépénalisation totale de l’IVG pour les femmes. Celles-ci n’encourraient plus de sanctions, même en cas d’IVG hors-délais. Concernant les médecins, la même logique s’appliquerait, à la différence que ceux-ci ne pourraient se soustraire au respect du code de déontologie médicale (l’IVG étant un acte médical).   L e délai de pratique de l’IVG passerait de douze à dix-huit semaines. Une exception serait prévue pour sortir du cadre légal, si et seulement si les raisons médicales le justifient. Pour information, le Royaume-Uni, les Pays-Bas et la Suède prévoient respectivement des délais de 24, 22 et 18 semaines.   L ’intervention de l’IVG pourrait être réalisée au plus tôt après 48 heures. Fini, les six jours de réflexion obligatoires !

QU’EN PENSE LA FEL ?

Nous nous réjouissons de ces avancées. Ne nous mentons pas, voir notre beau pays se targuer d’être à la pointe des questions éthiques, et dans le même temps, ne pas être en mesure d’obtenir des avancées significatives sur l’IVG, ça faisait désordre. Nous refusons tout conservatisme et considérons que la loi d’octobre 2018 n’est pas suffisante. En plus de constituer une atteinte aux droits des femmes, cette loi accentue un profond et injuste sentiment de culpabilité sur la gent féminine. Jusqu’à présent, l’acte de l’avortement est souvent assimilé (à tort) à un échec des femmes à utiliser à bon escient les moyens de contraception. Tout ceci ne fait qu’entretenir la culpabilisation que l’on souhaite justement éviter. Ensuite, nous accueillons très favorablement la proposition visant à allongement du délai de pratique de l’IVG, car il est évident que les dispositions actuelles poussent inévitablement nombre de femmes – parfois avec peu de moyens – à se rendre dans des pays européens où les délais sont autres. Enfin, s’agissant de l’IVG, et a fortiori si l’on se place du côté des libéraux, nous sommes des ardents défenseurs de la liberté de choix et du droit à l’autodétermination des femmes. C’est une vision libérale progressiste que nous assumons très volontiers. La dépénalisation totale de l’IVG, telle que prévue par la réforme, est en droite ligne avec notre positionnement. Au-delà de cela, nous sommes d’avis qu’il faut, en amont, redoubler d’efforts pour conscientiser à l’éducation à la sexualité (la contraception en faisant évidemment partie), augmenter le degré d’accessibilité de l’information relative à l’IVG, et parfaire la formation des médecins à la pratique de l’IVG. 

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TROIS PAYS, TROIS SITUATIONS DIFFÉRENTES PAR ADELINE BERBÉ

Christine Pedotti affirmait  : «  soyons sérieux, on n’est pas pour l’avortement, pas plus qu’on est pour la guerre. Mais parfois, il faut faire la guerre » ; tandis que George Bernard Shaw disait : «  je suis contre l’avortement. Tuer un être humain avant qu’il ne soit né est impardonnable ». Ces deux citations montrent les différentes visions que l’on peut avoir face à la question de l’interruption volontaire de grossesse. Aujourd’hui encore, les avis sur la question divergent grandement, nous allons le voir à travers les positions actuelles de trois pays.

ÉTATS-UNIS

Durant sa campagne, Donald Trump se proclamait « pro-vie ». Le résultat se voit déjà… Loin de se simplifier, les conditions d’accès à l’avortement ne cessent en effet de se durcir ! Dernièrement, les États de l’Alabama et de la Louisiane ont changé leurs lois concernant l’avortement. En Alabama, l’avortement devient un crime même en cas de viol ou d’inceste, les médecins qui pratiquent un avortement illégalement peuvent être punis de 10 à 99 ans de prison selon la loi « HB314 ». Cette dernière est la plus répressive de tous les États-Unis. Le projet de cette loi avait suscité un grand nombre de réactions de la part des partisans de l’avortement. De nombreuses manifestations s’étaient déroulées en Alabama pour que la loi ne voit pas le jour. Malheureusement, ce fut sans succès. En ce qui concerne l’État de la Louisiane, l’avortement devient interdit après la sixième semaine de grossesse, car c’est à partir de cette semaine qu’on peut commencer à entendre le cœur du bébé battre. Mais cette règle a quelques exceptions. Par exemple, si la vie de la mère est en danger, l’avortement est permis. Ces États ne sont, hélas, pas les seuls à avoir un régime strict en ce qui concerne l’avortement. La Géorgie, le Kentucky, le Mississippi, le Missouri et l’Ohio agissent de manière semblable. Triste constat… Ces lois sont pourtant toutes contradictoires avec l’arrêt Roe V. Wade de la Cour suprême des États-Unis, lequel reconnait un droit à l’avortement pour les femmes. Si litige il y a, ces lois devraient donc être invalidées. Malheureusement, cette jurisprudence risque de changer, car les conservateurs ont, depuis 2018, la majorité à la Cour suprême. Mais comme aucun fait n’a encore été présenté devant ladite cour, cette incohérence reste pour l’instant en suspens.

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« Si elle avait été en vigueur, j’aurais mis fin à ma vie. »

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Samantha Blakely, habitante de l’Alabama


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IRLANDE DU NORD

Alors que l’avortement est légal en Angleterre depuis 1967, celuici était encore interdit il y a peu en Irlande du Nord. Les femmes n’avaient dès lors pas d’autre choix que d’aller en Angleterre pour avorter.

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« Ce matin, j’ai honte d’être de ce pays. »

En 2013, la situation évolue lorsque survient le scandale « Savita Halappanavar ». Cette jeune femme est morte car l’hôpital refusait qu’elle avorte alors que sa grossesse mettait en péril sa vie. À la suite de cette tragédie, l’Irlande du Nord vote le Protection of Life During Pregnancy Act qui reconnait la possibilité d’avorter si et seulement s’il y a un risque de décès de la mère. Cette affaire qui remet en scène la question de l’avortement fait réagir les habitants et la presse qui ne comptent pas en rester là. Et alors que l’Irlande du Nord, dépourvue d’exécutif à la suite d’un scandale politico-financier, est gérée par l’Angleterre, on voit apparaitre des projets de lois en faveur de l’IVG. Et le 22 octobre 2019, le parlement de Westminster profite de cette situation pour légaliser l’avortement jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Une victoire !

MAROC

Récemment, un évènement a marqué le pays. Hajar Raissouni, journaliste marocaine, a été condamnée par le Tribunal de Première Instance de Rabat à 1 an de prison ferme pour avortement illégal et relations sexuelles hors mariage. Au Maroc, l’avortement est puni de deux ans de prison ferme si la santé de la mère n’est pas engagée. Cela a suscité de nombreuses réactions de la part de Marocains. Une manifestation organisée par un comité citoyen avait lieu à Rabat pour soutenir la jeune journaliste. Ces réactions se sont fait entendre, car en octobre dernier, le Roi Mohamed VI a donné grâce à Hajar Raissouni, son compagnon et ses médecins. Le Roi explique sa décision par le « souci de préserver l’avenir des deux fiancés qui comptaient fonder une famille conformément aux préceptes religieux et à la loi, malgré l’erreur qu’ils auraient commise ». Cette histoire a fortement choqué le pays mais n’a pas pour autant fait avancer la dépénalisation de l’avortement. Ou du moins, pas encore…

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« La grâce royale a corrigé un procès injuste. » Hajar Raissouni

En conclusion, nous pouvons constater que chaque pays régit l’avortement de manière différente. Certains régressent, d’autres avancent. Dommage qu’aucune législation internationale ne s’occupe de la question. Cette proposition éviterait des situations et des procès injustes. 

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Habitante d’Irlande du nord


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INTERVIEW D’EXPERT : SYLVIE LAUSBERG

QUAND IL EST QUESTION D’AVORTEMENT…  PROPOS RECCUEILLIS PAR CORALIE BOTAERDAL

Alors que la Belgique est à l’aube d’une profonde modification de la législation sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), Sylvie Lausberg, directrice « Étude et stratégie » du Centre d’Action laïque (CAL) et présidente francophone de la Commission nationale d’évaluation de la loi sur l’IVG, a accepté de répondre à nos questions.

  À l’heure actuelle, les milieux économique, social ou culturel créent-ils encore des injustices en fait d’avortement  ? Autrement dit, quelle(s) incidence(s) les différences de milieux pourraientelles avoir sur la pratique de l’IVG ? La première chose à savoir, c’est que l’IVG est un moment dans la vie d’une femme qui est soudain, c’est subi, elle ne s’y attend pas. Cela arrive à toutes les femmes quel que soit leur âge ou leur milieu. Il n’y a donc pas d’âge ou de milieu particulièrement sujet à l’IVG. Concernant la tranche d’âge, les femmes qui avortent en Belgique ont en moyenne 27 ans. Quant à l’influence du milieu de vie, il est évident que si la fille est correctement informée sur la contraception et que sa sexualité se vit dans un environnement serein, elle aura davantage les outils pour prévenir une grossesse non désirée. Lorsque les jeunes filles ont une sexualité et qu’elles vivent dans une famille où l’on ne parle pas du tout du sujet, elles peuvent être dans une transgression et prendre plus de risque parce qu’elles doivent se cacher. C’est vrai alors que les pressions familiale ou religieuse ont une incidence sur la vie sexuelle des jeunes femmes. Certaines filles ne prennent pas de moyen de contraception parce qu’une plaque de pilules, par exemple, c’est visible dans leur sac ou leur chambre. Elles ne veulent pas avoir d’ennuis avec leurs parents et espèrent qu’avec le préservatif, ou une autre méthode, elles ne tomberont pas enceintes.

•  Que répondriez-vous à quelqu’un qui vous affirmerait que plus la femme avance dans le processus de la grossesse, plus l’avortement est

difficile, et qu’allonger le délai de l’IVG occasionne des souffrances psychiques plus grandes ? Ce qui occasionne de grandes souffrances psychiques, c’est de devoir recourir à une IVG alors qu’on est hors des clous… Si la loi autorise l’IVG jusqu’à douze semaines de conception, on sait que la majorité des filles la demande entre 7 et 9 semaines. Ce qui signifie que dès qu’elles sont au courant de leur grossesse, elles demandent une IVG. Celles qui arrivent à 12 semaines sont des filles qui ont eu un parcours chaotique à un moment donné. Soit, elles ont été baladées par un médecin qui ne voulait pas pratiquer d’IVG ; soit, il se passe tout à coup quelque chose dans le couple et elles se disent que ça ne va pas aller ; soit, leur entourage les met dans une situation d’incertitude par rapport à elles-mêmes ou à ce qu’elles veulent ; soit, elles ont d’autres problèmes. Les filles qui sont hors délais sont parfois très jeunes et n’ont pas été bien suivies ou informées, elles ont parfois eu peur ou ont fait un véritable déni de grossesse. Cela se voit notamment chez les femmes toxicomanes, ou qui ont d’autres addictions, elles n’ont plus de règles et elles ne se rendent pas comptent qu’elles sont enceintes. Ce sont aussi parfois des femmes sujettes à un vécu traumatique comme un viol, des femmes migrantes, des femmes sans papier, des femmes qui finalement n’ont pas accès aux soins comme les autres et qui se retrouvent hors délai. Et on en envoie environ 500 par an aux Pays-Bas, mais on n’envoie pas des femmes qui sont à 20 semaines, on envoie des femmes qui sont à 13, 14 ou 15 semaines de grossesse. Plus on va vers la limite légale, moins il y a de femmes qui avortent. Quand elles

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savent qu’elles sont enceintes, qu’elles se disent qu’elles ne peuvent pas garder l’enfant et qu’elles ont la bonne information, elles vont très tôt se faire avorter. Par contre, celles qui ne sont pas informées, qui sont sous pression ou qui ont d’autres graves problèmes peuvent être hors délai. Et c’est pour elles qu’il faut allonger ce délai. Pour éviter de plus grandes souffrances et pour leur dire que la Belgique va les aider, qu’elle ne va pas faire semblant de ne rien voir et les envoyer au Pays-Bas à leurs frais. Cette demande d’allonger le délai à 18 semaines provient du terrain et de tous les experts qui ont été auditionnés en Commission Justice de la Chambre l’année dernière.

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« [Les femmes] qui ne sont pas

informées, qui sont sous pression ou qui ont d’autres graves problèmes peuvent être hors délai. Et c’est pour elles qu’il faut allonger ce délai.

»

• Outre la visite de contrôle post-IVG, que pourraiton mettre en place, en amont comme en aval, pour gérer la détresse, voire la culpabilité, que ressentent certaines femmes après un avortement ? Je pense que les femmes qui ont une grossesse nondésirée en endossent directement la responsabilité, c’est leur responsabilité et elles le savent. Elles vont donc essayer de gérer ça. Mais pour les aider, la société a son rôle à jouer et elle ne devrait pas les laisser seules. Pourtant aujourd’hui, les femmes ont des parcours d’IVG qui sont majoritairement solitaires : elles prennent la décision seules, elles y vont seules, elles reviennent seules et puis elles n’en parlent pas parce que c’est très mal vu. Beaucoup de filles ayant eu recours à une IVG, et à qui on demande de témoigner, répondent « non » parce que leurs copains, leurs familles, leurs collègues ne sont pas au courant. La société considère que c’est mal et c’est un vrai problème. La fille, qui n’a rien fait d’autre que faire l’amour avec son copain, qui n’a rien fait de mal, assume seule la conséquence de cet acte parce que c’est elle qui est enceinte. Bien sûr, il y a les professionnels de terrain dans les plannings familiaux, et parfois dans les hôpitaux, qui sont conscients de ce que vit cette femme, de son besoin d’être écoutée et aidée. C’est un travail indispensable. Mais il y a aussi un volet plus sociétal. Et jusqu’il y a peu en Belgique, même dans les médias, l’avortement était toujours présenté comme un drame. Mais si c’est une décision qui est certainement difficile à prendre, c’est d’abord et avant tout une solution à un problème qui se pose pour elle. Or, on n’avait jamais envisagé ça comme ça, ni sur le plan législatif, ni sur le plan des médias, ni même sur le plan de ce que l’on enseigne dans les écoles. C’est à ce niveau-là qu’il y a une responsabilité collective et l’on peut espérer que quelque chose a désormais changé dans les mentalités.

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• Par le biais d’un film et d’un dossier pédagogique, le CAL propose une animation sur le droit à l’avortement en Belgique à l’attention des étudiants. Selon vous, quels sont les devoirs de l’école en matière de sensibilisation et d’information à l’IVG ? Le dossier pédagogique, réalisé dans la foulée des 20 ans de la loi sur l’avortement, a été le fruit d’un travail de concertation avec les centres de planning. Mais quand on a demandé à l’administration de l’enseignement d’informer les écoles que ce dossier pédagogique était disponible gratuitement sur demande, cela a provoqué un tollé politique. Le CAL a été accusé de faire la promotion de l’avortement dans les écoles. On a quasiment convoqué une guerre scolaire en disant que le fait de parler d’avortement dans les classes était contraire au devoir de neutralité de l’enseignement. Pourtant le dossier pédagogique ne prônait aucun point de vue idéologique. Il expliquait d’abord la loi, et tout citoyen belge est censé connaitre la loi. Ensuite, il donnait des renseignements sur les centres de planning : où ils se trouvent, à qui l’on peut s’adresser et ce qu’il s’y passe. Il proposait aussi aux élèves de faire des jeux de rôle, pour que chacun puisse se mettre dans la peau de l’autre. Cela donnait donc un espace d’échange et de paroles sur l’IVG, ce qui n’existait pas auparavant. C’était en 2012, et la crise que cela a provoqué, nous en a appris beaucoup sur l’état des mentalités en Belgique... Mais parce que l’école est obligatoire, l’information sur l’IVG est indispensable dans le milieu scolaire. Si l’information ne passe pas là, certains jeunes l’auront chez eux et d’autres pas, ce qui crée une inégalité face à l’information et par conséquent à l’accès aux soins d’avortement. On oublie souvent de dire qu’il n’y a pas de généralisation réelle de l’éducation à la sexualité en Belgique. Il y a une volonté de généraliser, mais les sujets comme l’IVG bloquent dans les écoles. Et je ne parle pas des écoles catholiques ou officielles, je parle de celles dont les publics et les parents sont rétifs à la parole sur la sexualité et, par conséquent, sur l’IVG. C’est pourtant le rôle de l’école de donner les


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informations aux jeunes pour gérer au mieux leur vie sexuelle. On le fait pour les IST, les MST, etc. On le fait pour la contraception, peu ou prou, en fonction des écoles. Pourquoi pas pour l’IVG ? Il est vrai qu’on a désormais obtenu que les personnes chargées d’éducation sexuelle soient labelisées par les pouvoirs publics. Je pense que l’on est sur la bonne voie. Maintenant, il faut aussi des moyens pour que tous les élèves à tous les stades de la scolarité accèdent à l’information. Il faut du personnel, il faut former les gens ; cela nécessite un investissement financier. C’est via l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle qu’on peut améliorer la situation à la base, c’est-à-dire en amont grâce à la prévention.

constitutionnelle. L’argument principal des 7 hommes et de la femme introduisant le recours était le droit des pères et des maris de décider pour leur femme et leur fille. C’est une vision machiste et rétrograde de la société. Le vrai problème à soulever ici n’est pas de déterminer la place de l’homme mais d’accepter la place de la femme en tant que sujet à part entière et non comme le corollaire de son compagnon, la fille de son père et donc un sujet raboté. La femme doit être considérée comme un sujet qui peut décider en toute autonomie et en toute rationalité pour elle-même.

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• Plus qu’un cours facultatif, les techniques d’IVG s’inscriront bientôt dans le cursus des études en médecine. Tout médecin connaitra donc ces techniques. Mais si un médecin peut être puni parce qu’il a pratiqué une IVG, souhaitez-vous que dorénavant il puisse l’être parce qu’il s’y refuse ? Quand il s’agit de pratiquer un soin de santé, tous les médecins ont le droit de refuser de poser un acte qui les heurte sur le plan de leur conscience. Cela s’appelle « la clause de conscience ». Il n’est donc pas question d’obliger les médecins à poser des actes qu’ils ne veulent pas poser. Par respect pour eux, mais surtout par respect pour les patientes et patients. Clairement, un médecin qui pratiquerait une IVG alors qu’il est contre, je ne donnerais pas cher du vécu de la femme qui « tombe » entre ses mains… Ce n’est donc pas une option. En revanche, la généralisation de l’apprentissage des techniques participe à la perception de l’IVG comme étant un acte médical ordinaire. Il apparait alors comme faisant partie d’un continuum de soins que pratique un médecin et non comme un acte à part et tabou. Cela redonne aussi sa dimension sociale à la médecine qui est un peu en perte de vitesse à cet égard ces dernières années. En effet, le médecin «  généraliste  » est celui chez qui l’on se rend lorsque l’on a un problème quel qu’il soit. Il est la première ligne. Or, il faut savoir que, dans les plannings, ce sont essentiellement, entre 90 et 100%, des médecins généralistes qui pratiquent des IVG, pas des gynécologues. Cette médecine sociale doit retrouver sa place auprès des étudiants et cette formation permet d’ouvrir leurs esprits à toutes les dimensions de la profession. C’est fondamental. Cette formation pour tout le monde va peut-être aussi permettre d’initier des vocations qui n’auraient pas vu le jour par manque de sensibilisation.

• L’IVG est un droit des femmes, elles peuvent l’exercer sans l’accord de leur partenaire. Qu’en est-il du droit des hommes à la paternité ? Selon vous, quelle place l’homme devrait-il alors avoir face à la décision d’avorter de la femme ?

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Pour l’anecdote, la loi de 2018, modifiant celle de 1990, a fait l’objet d’un recours par des anti-IVG à la Cour

« La femme doit être

considérée comme un sujet qui peut décider en toute autonomie et en toute rationalité pour elle-même.

»

Pour répondre à votre question, la place de l’homme face à la décision d’avorter de la femme, c’est d’être aux côtés de sa compagne. Dans le cas d’un couple stable, cette décision doit idéalement se prendre à deux. Mais dans le cas d’un couple non-stable, c’est à la fille de décider. Elle ne va pas se lier à vie à une personne qu’elle connait à peine ou en qui elle n’a pas totalement confiance. Un enfant, c’est un choix de vie ! Ce n’est pas qu’une grossesse et un accouchement. La décision de la femme d’interrompre la grossesse est liée à son avenir à elle, avec les conséquences que cela engendre, physiques, psychiques de l’accouchement, en plus de la responsabilité d’un enfant. Aujourd’hui, on voit plus d’hommes accompagner leur compagne au planning qu’auparavant. Mais, on voit aussi des hommes qui font pression sur leur copine dans un sens ou dans un autre, pour garder l’enfant ou pour faire une IVG. En fait, le problème n’est pas la place du père mais celle du compagnon. La véritable question est : « Quel compagnon voulez-vous être pour votre compagne, Monsieur ? Si vous l’aimez, vous devez l’aimer dans toutes ses dimensions et donc dans son non-désir d’être une mère. »

•  Face aux griefs articulés contre la pilule « chimique » et « polluante », qui serait un risque pour la santé et pour l’environnement, n’avez-vous pas peur que l’avortement apparaisse comme une « solution contraceptive » ? Aujourd’hui, les effets sur la vie des femmes des hormones dans les contraceptifs sont objectivés. Certaines les supportent, d’autres pas. Mais d’autres possibilités existent. Et il faut rendre tous les moyens de contraception accessibles, sinon gratuits. Il n’y a aucune raison de laisser aux femmes la charge financière de ceux-ci. Un stérilet coute plusieurs centaines d’euros et c’est le moyen le

« Je pense que si l’on diminue le coût, qu’on multiplie les moyens et qu’on investit dans la contraception masculine, on n’assistera pas à une explosion d’IVG. »

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plus sûr au niveau de la pérennité de la contraception ; de plus, il n’y a pas de diffusion hormonale dans les ministérilets à cuivre. Par ailleurs, il faut multiplier les moyens contraceptifs et faire en sorte que le monde médical et le monde médiatique envisagent la contraception comme une chose utile à tout le monde, en d’autres mots, aux deux partenaires. Cela ne doit pas être uniquement affaire de femmes, même s’il est clair qu’aujourd’hui, la contraception masculine n’est pas fort bien accueillie par les hommes. On ne peut pas faire de plan sur la comète, mais je pense que si l’on diminue le coût, qu’on multiplie les moyens et qu’on investit dans la contraception masculine, on n’assistera pas à une explosion d’IVG. Je crois également qu’il faut permettre la délivrance de la pilule du lendemain sans présence d’un médecin, car elle n’est pas une pilule abortive, comme on le dit souvent, mais un moyen d’empêcher la nidation, c’est-à-dire la rencontre entre les spermatozoïdes et l’ovule.

pénales, autrement dit, des peines de prison prévues dans la loi. Pourtant, la seule loi en Belgique où il est fait référence spécifiquement dans le texte de loi aux peines de prison et aux amendes, c’est la loi sur l’IVG. Dans toutes les autres lois, même celle concernant l’euthanasie, la loi fait référence aux articles du code pénale, du code civil, du code médical. Il existe donc déjà tout un arsenal de sanctions à l’encontre des médecins en cas de faute. Prévoir directement les sanctions dans la loi sur l’IVG revient donc à dire aux médecins que ce qu’ils font est à la limite de la légalité. Ce qui a un effet de pression terrible sur eux. C’est un héritage du passé, une stigmatisation spécifique de l’IVG, et en plus, on passe sous silence les vraies sanctions qui sont toujours activées en cas de problème. Il y a donc là un faux débat qui fait croire à la population que s’il y a dépénalisation, les médecins pratiqueront l’avortement n’importe comment. C’est un fantasme du même acabit que celui de croire que les femmes avorteront à 18 semaines parce que le délai est légalement étendu. Les médecins qui pratiquent les IVG sont peu nombreux et bien formés, celui qui opèrerait de manière inconséquente n’existe pas, tout comme la femme qui attendrait la date limite du délai pour avorter.

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• Pensez-vous que les nouvelles représentations sexuelles chez les jeunes pourraient changer leur rapport à la grossesse et, par extension, à l’avortement ? Si l’on entend par «  représentations sexuelles  » ce que l’on peut trouver dans certains films présentant une sexualité terriblement stéréotypée, mécanisée, performative faisant fi de la dimension affective, on peut effectivement craindre une déconnexion entre le vécu intime des filles et ce vécu d’une sexualité qui devrait correspondre à la pornographie. Ici, encore, la prévention et l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle sont indispensables. Maintenant, un nouvel écueil concernant les « représentations de la maternité » apparait depuis quelques années. Les jeunes filles encore en âge scolaire se trouvent dans une société qui valorise la maternité et mettent les étudiantes enceintes dans une place d’exception. Elles se retrouvent alors dans un cadre accueillant, tant mieux d’ailleurs. Mais cette valorisation a un temps limité et une jeune fille enceinte à 15, 16, 17 ans a un compagnon souvent jeune aussi. Ils n’ont pas de formation pouvant mener à une vie professionnelle qui leur donnerait une satisfaction personnelle et des moyens financiers suffisants. Cela cause souvent une sorte de précarisation du jeune couple entrainant des difficultés. Résultat, la jeune fille d’abord si valorisée dans son rôle de future mère se retrouve seule avec son enfant, sans ressource, sans métier. En conclusion, il convient donc de travailler sur les représentations sexuelles mais aussi sur la représentation de la maternité en refreinant peut-être la vision trop angélique de celle-ci.

•  À propos des amendements proposant l’élargissement du délai d’une IVG à 18 semaines, le raccourcissement du délai de réflexion à 48 heures et la dépénalisation de l’avortement pour la femme comme le médecin, même au-delà du délai légal, voudriez-vous aborder un point particulier ? Nous arrivons à un moment important puisque nous allons sans doute avoir en Commission Justice (ndrl. le mercredi 20 novembre) une modification de la loi sur l’IVG. Un élément à ce propos a particulièrement fait polémique : celui de la suppression des sanctions 22

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« Il y a donc là un faux

débat qui fait croire à la population que s’il y a dépénalisation, les médecins pratiqueront l’avortement n’importe comment. C’est un fantasme du même acabit que celui de croire que les femmes avorteront à 18 semaines parce que le délai est légalement étendu.

»

•  Si les amendements sont approuvés, ce sera une réelle victoire. Quel sera alors votre prochain combat ? Le combat principal, c’est celui de la lutte contre les violences envers les filles, les femmes. Aujourd’hui, on ne peut plus ignorer que dans notre pays, on estime qu’il y a 100 viols par jour. C’est énorme. Chaque année, on dénombre 40.000 procès-verbaux de plaintes pour violence au sein du couple. Cela représente 15 % de ce qu’on l’estime être le nombre d’actes de violence. Ce


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fléau est corrélé à ce que l’on a dit auparavant, c’est-àdire, à une vision des femmes qui doivent correspondre à ce que les autres attendent d’elles. Quand elles ne veulent pas ou plus, cela débouche sur de la violence psychique, physique, allant parfois même jusqu’au meurtre. Ce problème est une priorité à placer en haut de la pile, car les femmes représentent la moitié de la population et il n’y a aucune raison d’accepter ces violences. Rappelons que jusqu’en 1998, les violences envers les femmes dans les couples n’étaient pas punissables. Cela relevait de la vie privée. La pénalisation de ces comportements violents n’a que 20 ans. Avant, c’était parfois même encouragé comme l’indique le proverbe : « Frappe ta femme ! Si tu ne sais pas pourquoi, elle, elle le sait ! ». Cette conception influence encore aujourd’hui la vision que l’on a de la femme. En témoignent les commentaires parfois faits aux femmes dans la rue, par exemple. On a circonscrit les femmes à une rôle familiale et privé et il a fallu des luttes séculaires pour ouvrir le champ de vie des femmes. Et tout n’est pas réglé. Mais le problème qui est au début et à la fin de la chaîne, c’est la question de la violence. C’est une violence financière, structurelle, économique… et la violence interpersonnelle qui amène à ce qu’une femme meurt tous les 10 jours sous les coups d’un homme est inadmissible. On a chiffré que la violence dans les couples en Belgique coute au monde du travail 388 millions d’euros par an. Si on n’est pas sensible à l’argument de l’égalité des hommes et des femmes et à l’intégrité physique des femmes, peut-être qu’on sera sensible à la question budgétaire. Nous demandons un vrai plan pour éradiquer cette violence qui est malheureusement structurelle et dont les effets sont dramatiques.. 

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D’AUTRES FENÊTRES… PAR ADELINE BERBÉ

Parce le sujet est tout aussi délicat qu’il est crucial, voici d’autres fenêtres à ouvrir pour prolonger la réflexion sur l’IVG.

LIVRE

Hopital silence.

de Nicole Malinconi, Poche, 2017. Dans ce roman, l’auteure nous raconte son expérience. Nicole Malinconi travaillait comme assistante sociale au service gynécologie d’un hôpital à Namur. Elle entend des témoignages de femmes qui ont recours à l’avortement et décide de nous transmettre dans un style neutre leurs histoires. Cet extrait du livre en dévoile beaucoup : « J’avais souvent pensé, à propos de l’hôpital, que ce devait être un lieu protégé du mensonge et de la vanité… Je ne savais pas qu’il fallait compter avec la haine. Ou peut-être la peur. »

Ce roman, publié pour la première fois aux éditions de Minuit en 1985, reste d’une brûlante actualité.

FILM

4 mois, 3 semaines, 2 jours.

de Cristian Mungiu, drame, Belgique/Roumanie, 2007. Ce film raconte le récit d’une jeune fille qui tombe enceinte et qui, avec l’aide de sa colocataire, tente de se faire avorter illégalement durant les années 1987 lorsque la Roumanie est sous le régime de Ceauşescu.

Ce film d’une rare maitrise a reçu la palme d’or au festival de Cannes.

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{ DOSSIER AVORTEMENT }

BANDE DESSINÉE Il fallait que je vous le dise. d’Aude Mermilliod, Casterman, 2019.

Le but de cette BD est d’exprimer ce que l’auteure a ressenti après son avortement. Il fallait qu’elle le dise, qu’elle nous explique cette douloureuse expérience. Pour elle, même si l’IVG est légalisée dans beaucoup de pays, cela ne reste pas moins un évènement traumatique dans la vie d’une femme.

Cette BD à la fois forte et sensible, réalisée en collaboration avec le médecin Martin Winckler, est illustrée par l’auteure elle-même.

THÉATRE

Plaidoires. Je vous demande l’impossible.

d’après le Bestseller de Mathieu Aron, mis en scène pas Éric Thébald et interprété par Richard Berry. Parce que les affaires judiciaires ne sont pas enregistrées et que les paroles s’envolent, le journaliste Matthieu Aron opère un travail de reconstitution et publie en 2013 « Les grandes plaidoiries des ténors du barreau », livre dans lequel il fait revivre les grands procès qui ont particulièrement marqués la société. Plus tard, Éric Théobald décide de mettre en scène certains extraits de ces plaidoiries et appelle Richard Berry à interpréter le texte. Seul sur scène, ce dernier se fait alors avocat et défend six plaidoiries. L’une d’entre elles nous intéresse particulièrement : celle de Gisèle Halimi défendant l’avortement et dénonçant une loi obsolète qui empêche les femmes de disposer librement de leur corps.

Ces discours poignants intensifiés par une prestation de haut vol se joueront au Centre Culturel d’Auderghem du 21 au 26 avril 2020.

FILM

Unplanned

de Cary Solomon et Chuck Konzelman, Biopic, États-Unis, 2019. Cette fiction, basée sur des faits réels, retrace l’histoire d’Abby Johnson, une jeune femme américaine bénévole dans un planning familial. Au départ, elle milite pour les droits des femmes et leur liberté à disposer de leurs corps. Mais un évènement va la faire changer de camps et elle devient contre l’avortement.

Ce film, réputé pour être une propagande « anti-avortement » américain, a fait scandale et déchainé les débats. 25


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BELGIQUE ENSEIGNEMENT }

COMMENT ORIENTER

LES ACTIVITÉS ORIENTANTES ? PAR CORALIE BOTERDAEL

Lors des négociations de la coalition arc-en-ciel, chaque parti a fait un pas vers l’autre. Tandis que le PS et Ecolo défendaient bec et ongle l’allongement du tronc commun et que le MR s’y opposait farouchement, un compromis a été trouvé : le tronc commun est maintenu et des activités orientantes en dernière année seront organisées. L’atlas a donc été ouvert à la bonne page, mais aujourd’hui, nul ne sait quelles routes prendront ces fameuses « activités orientantes ». Comme une utopie, une cartographie idéale, voici ce à quoi elles pourraient ressembler !

Le PS et Ecolo plaidaient pour des apprentissages de bases renforcés et un choix d’orientation plus mature, mais le MR craignait la baisse du niveau des études et le risque d’un désintérêt suivi d’un décrochage scolaire. La Déclaration de politique communautaire (DPC) concilie les deux points de vue, elle confirme le maintien de la formation commune jusqu’à quinze ans et promet le renforcement d’activités orientantes en troisième secondaire. Évidemment, cette solution intermédiaire est clairement une avancée face aux positions antagonistes des partis et a le bénéfice de remettre au centre la liberté de choix de l’élève, toutefois ces activités orientantes restent un concept fort nébuleux. À l’heure actuelle, personne n’a su préciser à quoi ressembleraient ces activités et – au-delà de l’éternelle discussion sur le financement de celles-ci – des questions en termes de contenu, de format, de créneau horaire et d’évaluation demeurent en suspens. Et si l’on avait le droit de rêver, comment pourraient être idéalement orientées ces activités ? Pour se faire, il faut complètement se détacher de la vision actuelle des cours à option et repenser entièrement le concept.

En quoi consisteraient-elles ?

Le flou règne dans les réponses politiques quant au contenu de ces activités orientantes. D’un côté, les concepteurs du Pacte d’Excellence affirment que tout au long du tronc

commun, l’élève devra s’attacher à l’intérêt intrinsèque des savoirs et non pas à leur utilité pour l’éventuel métier qu’il désire faire plus tard. De l’autre côté, ils insistent sur la vocation polytechnique du tronc qui, au sein des cours, à travers des projets, des animations ou des discussions, ouvrira l’élève à divers champs et domaines et l’invitera à découvrir progressivement de nouveaux horizons et métiers. Autrement dit, l’orientation sera intégrée à l’acte d’enseigner sans pour autant être un but en soi. C’est sans compter qu’au terme de la formation commune, l’élève devra opérer un choix de filière. Les activités orientantes proposées en troisième secondaire deviendront alors un salut pour les élèves qui ne l’auraient pas encore posé et une préparation pour tous les élèves qui accèderaient au cycle supérieur. Sous cette perspective, il importerait que ces activités soient avant tout ancrées dans la réalité et l’expérimentation. Outre leur mission d’information avec des structures telles les Cités des Métiers, Cefo, Actiris et le Forem, il serait judicieux que ces activités orientantes soient pratiques et ouvertes vers l’extérieur. Elles pourraient par exemple permettre aux élèves d’assister à des cours de 4e, 5e voire 6e année dans l’une ou l’autre filière, ou encore se décliner sous forme de rencontres avec des professionnels, de visites dans les coulisses des métiers et de mises en situations expérientielles avec des acteurs de terrain.

On rêve… d’activités d’expérience tournées vers le monde extérieur et la vie professionnelle. 26

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{

BELGIQUE ENSEIGNEMENT }

Pour rappel, le tronc commun s’étendra sur les neuf premières années de la scolarité, c’est-à-dire de la première primaire à la troisième secondaire. Dès le début des apprentissages, il favorisera l’approche orientante qui se parachèvera en dernière année par des activités orientantes. Parvenu au terme de cette formation commune, l’élève pourra poser ses choix pour les trois années restantes et s’orienter vers une filière de transition pour le supérieur ou une filière de qualification afin de se former à un métier.

TRONC COMMUN

4e

DE N E T IO R A È L I F IC 6e I F LI A 5e QU

4e 3e 2e 1re

ACTIVITÉS ORIENTANTES

6e

ÉCOLE PRIMAIRE

F TR ILI A ÈR N SI E D e TI E 6 O N 5e

ÉCOLE SECONDAIRE

ÉTUDES SUPÉRIEURES

5e 4e 3e 2e 1re

ÉCOLE MATERNELLE

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{

BELGIQUE ENSEIGNEMENT }

Comment seraient-elles configurées ?

Les activités orientantes auront pour objectif de renforcer l’un ou l’autre aspect de la nature polytechnique du tronc et d’aider l’élève à poser un choix de filière. Mais la DPC n’est pas claire quant au caractère facultatif ou obligatoire de ces activités. Il est pourtant important que tous les élèves participent à celles-ci afin que chacun puisse soit s’orienter positivement, soit s’assurer de sa décision, soit se préparer à ce qui l’attend. Par ailleurs, nul ne sait ce qu’entend Caroline Désir, ministre de l’enseignement obligatoire, quand elle qualifie ces activités orientantes de balisées et limitées. Si « balisées » signifie « prédéterminées » au regard d’un chemin tout tracé, cela n’a pas lieu d’être. Il va de soi que ces activités ne doivent pas être préétablies

et que l’élève doit pouvoir sélectionner celles-ci parmi une offre multipliée et diversifiée. Si « limitées » signifie « présélectionnées » par les écoles qui offriraient donc des activités ciblées, cela ne saurait être pertinent. En effet, cette limitation impliquerait une différenciation dans la dernière année du tronc commun et inviterait peut-être l’élève à choisir tel ou tel établissement en fonction de l’offre des activités qu’il proposerait en troisième secondaire – ce que veut éviter le Pacte d’Excellence. Par conséquent, il serait profitable à tout un chacun que l’élève puisse choisir ses activités parmi un large panel de propositions similaires dans chaque école. L’organisation de ces activités pourraient même se faire de concert et un comité inter-écoles pourrait voir le jour.

On rêve… d’activités obligatoires choisies dans un panel similaire à toutes les écoles. Quelle place auraient-elles dans l’horaire ?

Les auteurs de la DPC promettent que le renforcement de ces activités orientantes n’affaiblira en rien les apprentissages de base et que les établissements scolaires auront la possibilité de moduler leurs horaires. Ils pourront, dans les faits, distribuer ces activités en leur accordant soit 4 ou 5 périodes par semaine au long de l’année, ou quatre semaines spécifiques sur l’année. Il semble cependant que cette alternative dans l’aménagement de l’horaire ne respecte pas la première promesse. Dans le premier cas, ces activités, pour entrer dans la grille horaire des élèves, devront prendre la place d’autres disciplines. Dans le second cas, le mois octroyé aux activités remplacera un mois de cours ordinaires. Les écoles devront donc choisir : elles abandonnent deux ou trois matières, ou bien elles

coupent un peu dans tous les cours. Dans les deux cas, le temps consacré à ces activités devra se faire au détriment de l’un, de l’autre, voire de tous les apprentissages. Malgré cela, il semble primordial qu’au crépuscule de sa formation polytechnique et à l’aube de son entrée dans une filière l’élève soit fin préparé. C’est pourquoi, il serait donc souhaitable, à condition que les apprentissages de base soient correctement renforcés et répartis, que les activités orientantes soient planifiées sur quatre semaines de sorte qu’elles ne soient pas disséminées et qu’elles prennent du sens pour l’élève. Elles seraient alors perçues comme l’apothéose de l’approche orientante et viendraient couronner le parcours et la réflexion de l’élève.

On rêve… d’activités centralisées en quatre semaines pour une vue globale qui a du sens. Comment seraient-elles évaluées ?

Le Pacte d’Excellence annonce des modifications substantielles des pratiques d’évaluation des apprentissages. Jouant un peu sur les deux tableaux, il serine que l’école ne doit plus être un lieu de tri et de sélection au sein duquel l’élève présente des épreuves pour obtenir des notes ; mais désire tout de même instaurer une évaluation certificative externe à la fin de la formation commune. Pour poursuive sa scolarité et ainsi choisir l’une des deux filières de transition ou de

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qualification, l’élève doit obtenir ce Certificat du Tronc Commun. En admettant que les épreuves de ce dernier porteront sur l’ensemble des domaines d’enseignement, il semble malaisé d’évaluer de cette manière les activités orientantes. Toujours est-il qu’un retour de l’élève sur les expériences qu’il a vécues est une démarche indispensable en vue du choix qu’il va devoir opérer. Dans cette optique, il serait intéressant de proposer à l’élève un travail d’introspection et d’approfondissement


{

BELGIQUE ENSEIGNEMENT }

sous la forme d’un rapport d’expériences ou d’une liste de questions ouvertes éventuellement commune à toutes les écoles. Cette épreuve serait, pour l’élève, un espace de réflexion sur son propre fonctionnement et sur son projet personnel ; et pour le professeur, une manière de s’assurer que l’élève a bien pris conscience des réalités et des exigences de ses choix.

On rêve… d’activités évaluées et enrichies à l’aide d’une réflexion écrite personnelle. À tout prendre, il est évident aujourd’hui que les activités orientantes ne sont pas un mirage et qu’il est indispensable d’en dessiner les contours au plus vite. Ce nouveau chantier constitutif du Pacte d’Excellence est ainsi ouvert et les groupes de travail se lanceront bientôt dans la conception de ces activités. Cet article, au de-là du fantasme, pourrait leur servir de boussole pour prendre le bon cap. Il reste du moins à espérer qu’ils parviendront à s’orienter. 

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{ BELGIQUE BILAN MICHEL 1ER }

MICHEL I  : er

ARRIVÉE À BON PORT OU NAUFRAGE ? PAR ADRIEN PIRONET

Décrié par ses détracteurs pour son entente avec la NVA, adulé par ses militants, Charles Michel est l’une des personnalités clé du royaume. Au fond, à l’heure où il quitte ses fonctions : le gouvernement s’est-il révélé plutôt suédois ou kamikaze ?

LES FRAGILITÉS… La chute de la Suédoise

Les partis flamands et le seul parti francophone s’étaient entendus pour rencontrer des préoccupations socioéconomiques communes avec pour modalité la mise au frigo du dossier communautaire. Néanmoins, le gouvernement est tombé en décembre 2018. Tout le royaume était suspendu aux lèvres de Charles Michel annonçant qu’il allait présenter sa démission au Roi. Pour cause : la sortie prématurée de la NVA de l’équipage fédéral. Le groupe politique, voyant sur son flanc droit un corsaire du nom de Vlaams Belang, avec pour objectif (inavoué) le scrutin de mai 2019, a décidé de marquer un grand coup et a refusé la signature du pacte de Marrakech. De cela, en a résulté une majorité gouvernementale qui s’est transformée en gouvernement minoritaire sans l’apport des 33 sièges du parti de Bart De Wever. Cela a eu plusieurs conséquences dramatiques pour le peuple belge, notamment pour la poursuite de mesures socio-économiques idéalement prévues, en supplément de celles déjà réalisées.

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La réforme des pensions

La réforme des pensions se voulait plutôt ambitieuse, peut-être trop ambitieuse... En effet, on entend partout que là où ça coince, c’est le financement. Et la pérennité du système, pour notre génération et les futures, est clairement menacée. L’une des solutions mises sur la table consiste à allonger la durée de travail. Le passage de la pension légale de 65 à 67 ans programmé pour 2030 était un cap difficile, mais nécessaire, que le gouvernement Michel a dû franchir. Le remède est rude pour le citoyen, mais le maintien de la solidarité a un coût. Dans les faits, il s’agit de l’âge légal pour quitter son travail, tout le monde ne va pas jusqu’à cette limite. Même si le ministre Bacquelaine a effectué une bonne analyse des choses, les pensionnés restent sur leur faim. Effectivement, une série de points sont restés sans réelle solution telles que la pénibilité de certains métiers ou encore la mise à niveau égal des pensions entre indépendants et salariés (bien que des efforts ont été, là aussi, entrepris par la Suédoise). Malgré la prise de conscience du problème des pensions (qui n’est pas nouveau), la réforme aurait dû aller plus loin et régulariser quelques situations illogiques comme


{ BELGIQUE BILAN MICHEL 1ER }

celles décrites plus haut. À force de retarder la prise de décision sur le sujet, notre génération sera peut-être obligée d’avoir recours à un système de pension privée, où chacun cotise pour lui-même.

LES FORCES… Le taxshift et le pouvoir d’achat

L’une des revendications principales du citoyen, c’est de pouvoir augmenter la taille de son « pouvoir d’achat ». Cependant, la thématique du taxshift reste un grand sujet de débat car son principe demeure incompris. On peut reprocher, à ce titre, un manque de pédagogie de la part du gouvernement sortant. Le taxshift, c’est la mesure phare de Charles Michel et sans doute sa plus grande réussite lors de cette législature. Il est dès lors utile de décrypter le phénomène. Il s’agit d’un glissement de fiscalité : alors que le niveau de fiscalité général est maintenu, il y a un glissement de la charge de fiscalité de certains postes vers d’autres, avec par exemple la diminution de l’impôt sur les revenus du travail mais l’augmentation de la taxe sur la consommation. D’un côté, les recettes fiscales totales sont maintenues au même niveau, ce qui, au bout du compte, ne change rien pour le contribuable. De l’autre, avec ce schéma astucieux des vases communicants, la croissance et l’action des entreprises sont favorisées. La mesure a donc un impact réel, quoique difficilement perceptible par le public. Par défaut, le citoyen retiendra l’augmentation de la TVA sur l’électricité mais oubliera en revanche que les entreprises ont pu profiter de diminutions fiscales entrainant des créations d’emplois, dans l’intérêt de ceux qui en bénéficient. Selon le site montaxshift.be, la simulation indique qu’avec un salaire de 3000€ brut une augmentation, en nette croissante et non négligeable, est perçue. Les gagnants de cette mesure sont essentiellement les personnes encore dans la vie active, alors que les chômeurs de longue durée ou les personnes pensionnées sont moins concernés par l’arrivée du taxshift. Contrairement aux idées reçues, ce ne sont pas les « riches » qui sont les principaux bénéficiaires de la mesure, mais bien les travailleurs à faibles revenus, comme le prouve une étude de la KU Leuven.

La création d’emplois

critiques reposent sur une conception très actuelle de la nécessaire stabilité de l’emploi. De fait, il est aujourd’hui communément accepté que chacun ait la même situation professionnelle durant toute sa vie. Néanmoins, si l’on regarde dans le passé, on peut voir que la flexibilité de l’emploi était fréquente. Pour l’anecdote sympathique, au XIXe siècle, le Président américain Jackson n’avait-il pas exercé la profession d’avocat puis de militaire avant d’accéder au bureau ovale ? Effectivement, un emploi sur deux créé sous le gouvernement Michel est un contrat à durée déterminée (CDD). De plus, 40% de ces nouveaux jobs sont des temps partiels. La critique quant à l’instabilité de ces récents emplois est donc concevable, mais comme le disait Jacques Chirac : « il vaut toujours mieux payer des hommes à travailler, qu’à ne rien faire ». Chaque création d’emploi permet la réalisation d’un engrenage, qui même partiel, engendre beaucoup de bénéfices sociaux et a le mérite de réintégrer le travailleur – parfois éloigné du marché de l’emploi – dans une dynamique sociale et professionnelle. Néanmoins, l’instauration de nouveaux postes reste un grand défi et la grande charge fiscale qui pèse sur le contribuable freine encore trop ce développement. Finalement, bien qu’une partie de l’équipage ait quitté le navire avant l’arrivée, le Michel Ier ne s’en sort pas trop mal. Heureusement, il ne partage pas le destin du Titanic, et s’il a été fragilisé et n’a pas atteint tous ses objectifs, les réformes accomplies pour améliorer l’essor économique et le pouvoir d’achat du citoyen sont globalement un succès. Il faut donc se montrer indulgent, car après tout, un navire qui revient flambant neuf au port, c’est de l’utopie, non ? 

MON

tax shift SIMULATEUR DE SALAIRE Salaire brut* 3000€

2015 +€14

2016 +€60

2017 +€60

2018 +€90

2019 +€115

2019 +€115

Le simulateur calcule l’impact sur l’impôt de base sans prendre en considération les déductions fiscales ou la situation familiale.

Résultat concret du « tax shift » sur exemple de salaire de 3000€ BRUT.

« Jobs, jobs, jobs… » La formule utilisée par le Premier ministre demeurera bien connue de tous. Pour ce qui est des résultats, plus de 230.000 nouveaux emplois ont été créés. Le taux d’emploi est ainsi passé de 67,6% à 70,1%. Et même si ces chiffres sont à nuancer avec la moyenne européenne de 73,5%, le résultat est plutôt concluant et la répétition de ces trois mots n’était pas vaine. Certains reprocheront la qualité précaire de l’emploi créé, mais leurs

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{ CARTE BLANCHE

}

LA CARTE BLANCHE

L’UE ET LA RUSSIE : QUELLE ALTERNATIVE ? PAR GUILLAUME ERGO

La Russie est une nation qui ne passe pas inaperçue. Sa géographie en fait le plus vaste État de la terre. Son histoire est un récit passionnant. Son architecture, sa littérature, son folklore, sa culture sont une richesse pour l’humanité. Rien que pour cela, elle est une chance pour l’Europe, dont elle fait indéniablement partie. Mais, sa politique et celle de ses voisins et rivaux ont modifié cet état de fait. L’horloge de la géopolitique tourne. L’heure russe a-t-elle sonné ? Il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir mangé !

Le chancelier Otto von Bismarck avait coutume de dire à propos de la Russie qu’on ne « s’en méfie ni jamais trop ni jamais assez ». En effet, la Russie de 2019 revient de loin après l’effondrement de l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) en 1990-91. Cet effondrement a été à la fois un choc socio-économique et géopolitique. Un choc socio-économique... Quasiment du jour au lendemain, les Russes sont passés d’une économie communiste collective planifiée à une économie capitaliste de marché. Ce fut le fait de la « thérapie de choc »

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du Premier ministre Egor Gaïdar en 1992 qui dans les faits s’est traduite par la rigueur monétaire, la libéralisation des prix et les privatisations massives. Ne possédant pas les réflexes des consommateurs de marché, les citoyens russes n’ont pas les moyens d’acheter les nouveaux biens de consommation disponibles. L’inflation et le taux de mortalité augmentent. À l’inverse, une minorité issue de la nomenklatura soviétique - les fameux oligarques - s’emparent des fleurons de l’économie russe. Ces apparatchiks reconvertis en businessmen devinrent des tsars au royaume du capitalisme sauvage. Soutenant le Président Eltsine lors des crises politiques de 1993 et des présidentielles de 1996, ils étaient aux yeux du peuple une quasi-mafia.


{ CARTE BLANCHE

}

Un choc géopolitique… La fin de la guerre froide signifie la fin du Bloc de l’Est prosoviétique mais aussi la fin de l’URSS en tant que telle. Ce n’est pas moins de 5 millions de km2 que perd la Russie. Pour le peuple russe, y compris la jeunesse russe, c’est rendre vain le sacrifice de millions des leurs (27 millions selon les études récentes) tombés durant la Deuxième Guerre mondiale contre la tyrannie pangermaniste. Sentiment renforcé par l’extension de l’OTAN vers l’Est : les ennemis d’hier se trouvent désormais aux portes de la MèrePatrie et non devant un glacis protecteur de vassaux ! Il faut y ajouter le bourbier d’Afghanistan (déjà !) où une génération fut perdue dans les années 1980. Mais, le pire fut la première guerre de Tchétchénie où l’armée russe, commandée par des corrompus et des incapables, s’enlise contre les djihadistes vétérans d’Afghanistan entre 1991 et 1995.

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{ CARTE BLANCHE

}

«  Celui qui ne regrette pas la dissolution de l’Union soviétique n’a pas de cœur ; celui qui veut ressusciter l’Union soviétique n’a pas de cerveau » a déclaré un jour Vladimir Poutine. Ancien des Services secrets soviétiques, ce juriste de formation succède au Président Eltsine à l’aube de l’an 2000. Autoritaire, pragmatique, secret, le nouveau locataire du Kremlin s’est fixé un objectif : rendre à la Russie son statut de grande puissance. Matés, les Tchétchènes dans les ruines de Grozny. Convertis en courtisans, les oligarques fidèles. Transformés en zeks ou exilés, ceux qui pensaient acheter l’État. Renoué, le contrat social, par une politique de développement dans la sécurité, la santé et l’éducation

L’aigle bicéphale contre les Vingt-Huit ?

Les dirigeants russes voient en l’Union européenne un prolongement politique de l’OTAN, organisation clairement commandée par Washington. Par ailleurs, Moscou n’a pas oublié comment Bruxelles lui battait froid, durant la décennie 1990, en refusant de détacher de l’Alliance atlantique devenue inutile ou en méprisant ouvertement un État et un peuple fragilisés. Mais, les peuples se relèvent et renaissent de leurs cendres. Ainsi, voir l’Ukraine, voisine et cousine, signer un accord de partenariat, annoncé comme étant exclusif, avec l’Union européenne a été perçu presque naturellement par Moscou comme un geste hostile et donc difficilement acceptable. Si la Russie n’a pas été à l’origine de la crise ukrainienne, purement interne contre un Président désavoué, elle n’en a pas moins profité. Alliant pragmatisme et logique de puissance, séduction et usage de la force, les Russes se sont emparés à peu de frais de la Crimée. De plus, ils ont sanctuarisé les républiques rebelles contre le régime de Kiev. Mercenaires et soldats fantômes pilotés depuis le Kremlin ont tranché la crise en une guerre de positions.

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Les Occidentaux ont répliqué par une salve de sanctions économiques en 2014. Ces sanctions ont fait mal à la Russie : récession de 7%, inflation de 10%, baisse du salaire moyen… rappelant aux aînés les difficultés d’il y a deux décennies. Pourtant, la Russie s’en sort par une plus grande diversification et par une autosuffisance de son secteur agricole jusque-là dépendant de son pendant européen. Sa croissance est de 2,8% en 2018. Par ailleurs, la Chine a profité de ce début de nouvelle guerre froide pour nouer un étroit partenariat diplomatique et économique avec le géant slave. L’aigle russe a deux têtes ! Une tournée vers l’Occident et une autre dirigée vers l’Orient.

Pour une Europe de Lisbonne à Vladivostok

L’Europe ne peut être l’Europe sans la Russie. Il est temps de faire correspondre « l’Europe géopolitique » que souhaite Ursula von der Leyen, Présidente de la Commission européenne, avec l’Europe géographique. Évidemment, il ne faut se bercer ni de lyrisme ou pis encore, d’idéalisme. Malgré les tensions, le tropisme européen n’a pas disparu de l’esprit des dirigeants russes. Ils ne se sont rapprochés de l’Asie que sous pression économique. La réconciliation est d’autant plus attendue qu’elle est nécessaire dans un monde multipolaire où un rival peut surgir de partout. Ni subordination ni compromission mais surtout pragmatisme et intérêt des États-membres doivent primer dans la politique extérieure de l’Union européenne. Si nous voulons une Union ambitieuse, il faut se donner les moyens de ses ambitions et regarder la réalité telle qu’elle est et non telle que nous voudrions qu’elle soit. Cela passe par la sortie du carcan atlantique, la fin à l’interdépendance nuisible créée par des traités de libreéchange et une politique de défense autonome, cohérente et efficace. C’est, somme toute, vouloir créer une Union souveraine et triomphante. 


{ CARICATURE }

/ CARICATURE / PAR CORALIE BOTERDAEL

©Brisons le mythe, 21 décembre 2015.

des boissons. C’est pas du jeu tous ces conservateurs, additifs et fausses dates limites de consommation. À coûts de Poker et de prises de Risk, on ne sait plus quoi manger... Et quant à la protection de nos animaux, tes cadeaux ne cassent vraiment pas trois pattes à un canard de bain. Remporte donc dans ton traineau la boite du Labyrinthe dans les couloirs duquel les trésors à atteindre sont les espèces en voie de disparition. Au Jeu de l’oie, les cases à éviter sont la pollution urbaine, le braconnage effréné, la déforestation massive, le réchauffement climatique… Sans oublier ces étranges Docteurs Maboul qui s’essaient à l’expérimentation animale en zappant toute éthique.

Lettre au Père Noël Dans ton catalogue à jouets, rien ne me plait ! Tes présents passés ne sont pas amusants. Et pour éviter toute déception future, je te dresse ici ma non-liste…

J’en ai également assez de Trump : de ses contradictions autoritaires, de ses aboiements orduriers et de sa twittopolitique à deux dollars. Par pitié, reprends cette figurine de bulldog blond hautain carotte qui hoche la tête à l’arrière de sa Cadillac sur les routes d’outre-Atlantique. C’est un vrai danger pour la démocratie mondiale. Pourvue que sa politique aussi déséquilibrée qu’un tas de mikados sur une toupie Beyblade n’inspire jamais nos responsables.

Du fond de ton Pôle Nord, ne vois-tu pas que la banquise fond ? Le Terre tourne mal et je ne veux plus de cette Boule à Neige déréglée ! Notre beau paysage y est à moitié baigné dans une eau trouble où flottent avec peine quelques flocons rassis. D’un côté, l’effet de… loupe déclenche des incendies sur notre jolie scénette planétaire. Et de l’autre, le globe se fendille, l’eau s’échappe et submerge nos continents. C’est un TouchéCoulé terrestre dont personne ne sortira gagnant.

Et d’ailleurs, concernant nos responsables belges, n’hésite pas à revoir les règles du Twister ! Dans ce jeu où personne ne veut être envoyé au tapis, nos politiques font des pieds, des mains et des genoux pour trouver une position stable sur ces incontournables pastilles rouges, bleues, vertes et jaunes… PS, MR, Ecolo, N-VA… Point de Puissance 4. Nos partis ne parviennent pas à danser ensemble et ce sont les électeurs qui perdent la partie !

Déchire aussi ce calendrier mural aux photos brulées qui nous annonce en juillet que l’humanité a épuisé les ressources renouvelables de la planète pour l’année. Ton agenda marque beaucoup trop vite le jour du dépassement. Comme les Hippos Gloutons, l’humanité vit « à crédit » et croit que les billets de Monopoly sauveront la mise. Marre des climatosceptiques, marre du « greenwashing », marre du jeu de cartes Mito qui donne le permis de tricher ! Remballe-moi tout ça ! Et tant qu’on y est, arrête la production de ces petites voitures électriques pour collectionneurs bien nés, elles sont hors de prix et dégoter leurs composantes pollue autant la planète que les autres autos déjà bien trop nombreuses.

Je te l’écris : tes colis piégés n’ont plus la côte ! Je n’en peux plus de ces affrontements permanents. Ras le bol de ton Call of Duty : Arbitrary Warfares ! Guerres d’idéologies ou de religions, luttes de territoire et de pouvoir, activités terroristes ou encore querelles d’identités… Suffit de creuser un peu pour voir que les gentils que tu m’offres aujourd’hui étaient les méchants d’hier. On ne s’y retrouve plus. Garde tes petits soldats en plastique vert et tes avions F-35 télécommandés. Il n’y a pas que Miss Barbie qui est pour la paix dans le monde.

Retour à l’expéditeur Cher Peur Noël,

Je t’en prie, ne dépose pas sous le sapin des dinettes et des provisions en plastoc, car j’en ai soupé de l’industrie alimentaire qui cache des pesticides dans les fruits et légumes, des colorants dans les bonbons, du benzène cancérigène dans

Je ne veux, Cher Peur Noël, craindre de vouloir cette année encore renvoyer ces paquets suspects à l’expéditeur ; alors, si tu as des questions, n’hésite pas à laisser un mot près de la cheminée, car le jeu en vaut la chandelle. Et sache que si ma lettre est quelque peu enjouée et caricaturale, je te souhaite très sincèrement bon courage pour le choix et la distribution de tous tes cadeaux ! La petite Coralie 


{ RÉTROSPECTIVE }

RÉTROSPECTIVE

European Liberal Youth (LYMEC) | @Jeunes MR | Jong VLD

Rencontre avec la nouvelle ministre de l'Enseignement supérieur, Valérie Glatigny, et discussion autour de notre #Memorandum.

Conférence à l’université Saint-Louis sur le refinancement des études supérieures

Mise au Vert de la Fel

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{ RÉTROSPECTIVE }

Drink de rentrée de la FEL LLN

Rencontre avec Philippine Dhanis

Premier Bureau Politique de la nouvelle présidence

Visite de l’Hôtel de ville de Bruxelles

Visite du Parlement bruxellois

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© Fédération des Étudiants Libéraux


BLUE LINE PRÉSIDENT ET ÉDITEUR RESPONSABLE : Adrien PIRONET Avenue de la Toison d’or, 84 - 86 1060 Bruxelles

CONTACT  : Tél : +32 2 500 50 55 info@étudiantslibéraux.be

RÉDACTRICE EN CHEF : Adeline BERBÉ

RÉDACTION : Adeline Berbé, Coralie Boterdael, Constantin Dechamps, Antoine Dutry, Guillaume Ergo, Adrien Pironet

RÉVISION : Coralie BOTERDAEL

DIRECTION ARTISTIQUE : Daphné ALGRAIN

AVEC LE SOUTIEN :


ÉTUDIANTS L I B É RAU X


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