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SOMMAIR
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N°11
AVRIL 2022
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FRANCE PRÉSIDENCE
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OCCIDENT LIBERTÉS
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DOSSIER
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CARTE BLANCHE
Giscard d'Estaing - une présidence oubliée ?
UN OEIL SUR LE COMPLOTISME
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Nous sachons et autres turpitudes complotistes
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The Great Reset, programme de l'élite mondiale. Complot ?
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Rémy Daillet-Wiedemann ou de ténébreuses affaires
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We are Q La folie des théories du complot américaines Qanon
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D’autres fenêtres
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Les ravages de l'omniprésence des nouvelles idéologies Ne faisons pas l'erreur de nous résigner à l'acquis !
NOS EVENTS DÉRISION / Si mon argent ne fait pas le bonheur... rendez-le moi !
BIBLIOGRAPHIE
ÉDITO Chères lectrices, Chers lecteurs, Quel ne fut pas notre effroi lorsque l’armée russe fit son entrée en Ukraine et lorsque les images des bombardements nous parvinrent via les médias et les réseaux sociaux. Malheureusement, il n’a pas fallu attendre longtemps pour que certains remettent en doute la réalité. Ainsi d’aucuns avancent que les Russes n’ont pas bombardé la maternité de Marioupol et qu’il s’agissait ni plus ni moins d’une « mise en scène ». Telle est la réalité du complotisme. Douter systématiquement, douter de tout et de tout le monde, sauf de ses propres visions et croyances bien évidemment. Ces théories, qui avant n’étaient les fabulations que de quelques individus, sont depuis le début de la pandémie sur le devant de la scène et – parce que l’actualité y est propice – y demeurent. De QAnon au Great Reset en passant par la France et les ressorts psychologiques du complotisme, nos rédacteurs et rédactrices ont une nouvelle fois usé de leurs plumes et de leurs claviers pour vous décortiquer ces théories. Vous trouverez également au fil des pages un retour sur le mandat de Valéry Giscard d’Estaing, le troisième volet de notre série d'articles sur les limites modernes de nos libertés en Occident, ainsi qu’une carte blanche remettant en cause la particratie belge et proposant des pistes pour la rendre plus démocratique. Sachez également que les équipes du Blue Line et les membres de la FEL se montrent solidaires du peuple ukrainien dans les épreuves qu’il doit surmonter ainsi que de tout individu qui voit ses droits et libertés violés. En vous souhaitant une bonne lecture,
Constantin
{ FRANCE PRÉSIDENCE }
GISCARD D’ESTAING, UNE PRÉSIDENCE OUBLIÉE ? PAR ARTHUR WATILLON
Il est des personnalités politiques de la Cinquième République dont les esprits se souviennent. En France, qui ne se rappelle pas le général de Gaulle, la longue présidence de François Mitterrand ou les phrases cultes de Jacques Chirac ? Néanmoins, il en est d’autres qui ne bénéficient pas de cette souvenance ; d’autres personnalités, dont le bilan a pourtant cassé les codes, semblent oubliées ou effacées derrière une image négative et douloureusement indélébile. De Valéry Giscard d’Estaing, la culture collective n’en a retenu que la défaite de 81, qui clôture une présidence à laquelle il dira froidement « au revoir ». À la lumière de ce constat, plus qu’un échec électoral, il s’agit de comprendre comment s’oublie une présidence . Appréhender les mesures, l’attitude et l’actualité politique de la présidence giscardienne permet d’en saisir la formule.
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{ FRANCE PRÉSIDENCE }
LES RÉFORMES PHARES DE VALÉRY GISCARD D’ESTAING Élu en 1974 comme chef de l’État à l’âge de 48 ans, Valéry Giscard d’Estaing succède à Georges Pompidou, président mort inopinément d’un cancer foudroyant. Il devient alors le troisième et le plus jeune président de la République française. Le jeune âge auquel Giscard parvient à se faire élire constitue déjà un acte de modernité en soi. Sa photo présidentielle le présente souriant, le visage ouvert, en costume de ville. Ce portrait le rapproche des Français et rompt avec le sérieux guindé des représentations de ses deux prédécesseurs. Le ton est donné, sa présidence sera marquée du sceau de la modernité. Les réformes sociales et technologiques apportées sous son mandat sont nombreuses. Aujourd’hui, les résultats permis par ces mesures sont considérés, à plus d’un égard, comme ayant fait entrer la France dans l’ère moderne, où le pari du progrès est osé. Marqué par les événements de mai 68, VGE sent que les mœurs évoluent et qu’il revient à l’État de s’y adapter. Particulièrement sensible aux droits des femmes, un de ses premiers gestes, dès son arrivée à l’Élysée, est la création du secrétariat d’État à la condition féminine. Sous son impulsion, la pilule sera désormais remboursée par la sécurité sociale. Il fera également passer la majorité civile
et électorale de 21 à 18 ans, permettant ainsi à des millions de jeunes Français de se sentir impliqués en politique. Surtout, c’est durant son mandat que sera votée la loi Veil, encadrant une dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse. Cette loi, merveilleusement bien portée à son terme par Simone Veil, symbolise de la meilleure façon qui soit la volonté d’un président qui se veut être en phase avec les réalités de son temps. Il modernisera la France sur le plan technologique. Nous pouvons citer, entre autres, le développement de la téléphonie ou la réorganisation de l’ORTF, l’établissement public alors en charge de la diffusion radiophonique et télévisuelle française. Contrôlée par l’État, l’Office de la radiodiffusion-télévision française est trop influencée par le politique et son message parle gaulliste. Il éclatera le service avec la création de plusieurs chaînes de télévision, permettant ainsi plus de choix télévisuels aux Français. Européen convaincu, il jettera également les bases de la monnaie européenne aux côtés du chancelier allemand Helmut Schmitt. Cela ne l’empêchera pas de développer l’autonomie énergétique française en multipliant les centrales nucléaires, garantissant ainsi à la France un apport en énergie qui ne dépende pas de l’étranger.
UNE COMMUNICATION MALADROITE Comme souligné, Giscard d’Estaing se veut être un président moderne, proche des gens. Ainsi, une certaine communication le mettant en scène sera mise en place, mais s’avérera plutôt malhabile. En effet, le président se montre actif, proche et ouvert aux Français, déclinant alors ses activités comme le ferait Martine : Valéry s’invite chez les Français, Valéry reçoit les Français à l’Élysée, Valéry pratique du sport… Cette représentation, loin d’être stratégiquement mauvaise dans le domaine politique, s’accorde cependant mal avec la personnalité du président. De fait, celui-ci se montre parfois particulièrement hautain, d’une arrogance aristocratique, presque monarchique, accentuant la supériorité de l’homme et non du président sur la vie des Français « normaux ». Cela donne une image narcissique du président, surnommé
« Narcisse, homme d’État », par son ministre et Premier ministre Raymond Barre. Cet art maladroit de la communication est consacré par sa dernière allocution télévisuelle à la suite de la défaite face à François Mitterrand. Son discours, trop court que pour couvrir le temps d’antenne du direct, engendre un long silence de la part du président, qui a le visage fermé. Ce blanc sera clôturé par ce célèbre « Au revoir », que Valéry Giscard d’Estaing lancera en guise d’adieu, avant de se lever de son bureau et de laisser un cadre vide, qui révèle le dépit et le rejet de la défaite du président perdant. Cette allocution, la dernière de son septennat, laisse une très mauvaise image de lui en tant que président de la République. Sa mauvaise communication ne se fait pas qu’entre les Français et lui, mais également dans son propre bord politique. La droite française est alors constituée de deux formations : le Rassemblement pour la République (RPR), inscrit dans la droite ligne de l’idéologie gaulliste : conservatisme, républicanisme et souverainisme ; et l’Union pour la démocratie française, >>
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{ FRANCE PRÉSIDENCE }
passera à celle d’un président hautain et conservateur. Deux événements contribueront à ce changement. Tout d’abord, sa politique de rigueur à la suite des chocs pétroliers de 73 et 79 lui sera durement reprochée, peutêtre même à tort. En effet, lors de périodes difficiles, il n’est pas un chef d’État qui ne suggère un remède au goût âcre, mais dont le patient a besoin. Ce ne sont pas tant les mesures d’austérité que le changement de paradigme socioéconomique qui a le plus affaibli son septennat. En effet, le premier choc pétrolier marque le pas d’une ère, celle des Trente Glorieuses. Valéry Giscard d’Estaing est donc le président de la fin d’une époque heureuse et insouciante.
mouvance pro-giscardienne rassemblant des sensibilités du centre à la droite non-gaulliste, libérales et europhiles. Un même bord, deux visions, le divorce de la droite était né. Certains des projets de la politique présidentielle : légalisation de l’avortement, divorce par consentement mutuel, accès à la pilule, couperont Valéry Giscard d’Estaing de la base électorale conservatrice gaulliste. De plus, Giscard d’Estaing place le jeune Jacques Chirac à Matignon. Ce dernier est méprisé par le président, il « me prend pour un con », confiera le Premier ministre. Grossière erreur : à la tête du RPR, Chirac sera lui aussi candidat en ’81 et, pour le second tour, pourtant du même bord sur l’échiquier politique, n’appellera pas formellement ses militants à voter pour Valéry Giscard d’Estaing.
LA DÉFAITE FACE À LA ROSE
Le 10 mai 1981 ne marque pas seulement le début d’une nouvelle présidence, mais également l’oubli de la précédente. Cependant, qui pouvait alors affirmer la victoire du camp mitterrandien ? En effet, selon de nombreux témoignages, cette victoire de la gauche en ’81 – aussi espérée soitelle – constituait une véritable surprise, tant de nombreux Français pensaient à la réélection de VGE. C’est également la première fois que le résultat du scrutin était dévoilé, non pas par l’annonce d’un journaliste, mais bien par une image. Les Français, devant leur poste de télévision, sont marqués par cette représentation pixelisée du vainqueur de la présidentielle. Une image en chasse une autre : l’image du vainqueur, de mauvaise qualité, mais moderne, balaye celle de la chaise vide de VGE lors de son ultime allocution présidentielle. C’est un signe. Cependant, il convient de nuancer l’échec du président Giscard d’Estaing et de ne pas laisser l’émotion de la victoire exacerber l’évidence de la défaite. Plusieurs phénomènes permettent de comprendre cette dernière, à commencer par cette image que nous avons mentionnée, qui révèle le paradoxe VGE. D’une image inspirée de ces mesures : réformateur et moderne, il
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Ensuite, « l’affaire des diamants » contribuera à l’affaiblir dans l’opinion publique. En 1979, Le Canard enchaîné publie dans son hebdomadaire l’octroi de plaquettes de diamants à VGE par le futur empereur de la République Centrafricaine, Jean-Bedel Bokassa. Éclaboussé, le président décide de répondre par le silence à ce qu’il considère comme un non-sujet. Cependant, ce cadeau entre les deux hommes d’État a produit un effet sur l’opinion : le peuple veut savoir. Son silence ressemble alors à du mépris. Acculé, il finira par répondre aux journalistes : « J’oppose un démenti catégorique et, j’ajoute, méprisant ». Sacré Giscard. Dans l’arène politique, la victoire de la gauche se fait faiblement sentir. À l’inverse de la droite, divisée jusqu’au second tour, celle-ci se présente unie : le Parti communiste français appelle tous ses militants à voter Mitterrand. Enfin, un élément clé fera basculer le résultat de l’élection : le vote de la jeunesse. Les jeunes, pouvant désormais voter dès l’âge de 18 ans, constituent une masse non-négligeable d’électeurs. Le jeu politique est cruel, ils voteront à 63 % pour le candidat de la rose, défaisant ainsi celui qui leur avait offert ce droit.
« AU REVOIR » Valéry Giscard d’Estaing reste le président des seventies, période de transition vers une France plus moderne, en phase avec l’évolution des mœurs et des technologies. Cependant, coincé entre deux dynasties – la mainmise gaulliste à la présidence (1959-1974) et les quatorze années mitterrandiennes (1981-1995) – son septennat est étriqué. Pire, la victoire de la gauche française en 81 s’apparente à un tel changement de paradigme que VGE, dont la présidence fut pourtant marquée par des réformes progressistes, est renvoyé aux oubliettes. Bien entendu, il s’agit d’une erreur que de vouloir construire une image proche des Français lorsqu’elle est directement faussée par une attitude hautaine et l’impression d’un train de vie de grand bourgeois. Néanmoins, comme nous l’aurons compris, les réussites et les échecs d’une personnalité s’expliquent en partie par un concours de circonstances fortuites. Indéniablement, sous une constellation d’erreurs et d’astres non-alignés, une présidence s’oublie aisément.
DOSSIER UN OEIL SUR LE COMPLOTISME Vous avez sans doute déjà été confrontés à une personne convaincue de ne pas être un mouton comme les autres car elle détenait la « vérité ». Toute discussion avec elle est difficile voire impossible. Après tout, les médias ne sont que les perroquets d’une manipulation à l’échelle internationale ! Cette personne est persuadée qu’on veut nous faire croire qu’une fausse maladie créée de toute pièce menace le monde alors qu’en réalité, ce n’est qu’un alibi pour nous injecter des produits dans le bras ! Et puis un jour, ses deux parents en bonne santé meurent à 24h d’écart dans des soins intensifs surchargés de jeunes et moins jeunes à l’agonie, ne sachant plus respirer, priant pour leur vie. Probablement regrettera-t-il alors plus que tout au monde d’avoir déconseillé à ses parents de se faire vacciner. Et peut-être alors décidera-t-il de vous écouter… Bien que cet exemple conjectural soit l’un des plus tristes, il est également l’un des plus éloquents ; car les conséquences gravissimes des théories complotistes sont beaucoup plus dissimulées dans nos vies de tous les jours. Nos rédacteurs se sont plongés dans le monde de ces théories et ont tenté de les décoder pour vous avec la rigueur qui s’impose. Vous y trouverez des styles différents et des théories bien diverses. Nous avons choisi cette thématique pour notre dossier central car malheureusement, les théories du complot qui étaient autrefois de ringardes illuminations lointaines, sont désormais au cœur de notre société. Elles affaiblissent les médias, la science et surtout s’immiscent dans le débat politique. C’est pour cette dernière raison qu’il nous paraissait indispensable de vous écrire un dossier sur le sujet.
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
NOUS SACHONS ET AUTRES
TURPITUDES COMPLOTISTES PAR CONSTANTIN DECHAMPS
Les complots ont toujours existé, le complotisme également. À la différence que ce dernier, comme système de pensée, fait de plus en plus régulièrement parler de lui. Représentant un réel danger, ces théories conspirationnistes doivent être combattues, pas de manière stérile au risque d’empirer la situation, mais de façon réfléchie pour tenter d’endiguer le fanatisme.
Le complotisme désigne un système de pensée qui consiste à présenter abusivement un évènement comme résultant d'un complot organisé par les autorités ou par une organisation secrète, en général minoritaire et élitiste. L'explication habituellement admise des faits est ainsi remplacée par une interprétation alternative venant confirmer l'existence d'une soi-disant conspiration. Ainsi, le narratif de la théorie complotiste parvient au résultat que les faits n’entrent jamais en contradiction entre eux rendant ainsi la preuve facultative, car la théorie se pare de logique. Bien entendu, si preuve contraire il y a, elle sera perçue comme une fabrication des conspirateurs venant ainsi confirmer la théorie. Dès lors, la charge de la preuve, en plus d’être inversée, est quasiment annulée car quand bien même elle serait irréfutable, elle viendra confirmer les théoriciens du complot dans leur croyance. Bien entendu, des complots, l’histoire humaine en a connus, en connait et en connaitra encore. Pensons à un coup d’État, à un attentat ou à un scandale politique… tous sont des formes de complots. Cela bien entendu est sans commune mesure avec la théorie du complot « classique » qui relie tous ces réels complots entre eux jusqu’à amener vers un groupe de personnes défini – au choix, les Rothschild, les Rockefeller, les Juifs, les Francs-Maçons, l’État Profond, les Illuminati, les Reptiliens… – telle une toile d’araignée. Le but prétendu de ce petit groupe étant de parvenir d’une façon ou d’une autre à une forme de domination mondiale.
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RAPIDE TOUR D’HORIZON Les attentats sont planifiés
Il s’agit sans doute ici d’une des théories du complot les plus classiques. Elle voudrait que les attentats – qui en eux-mêmes sont de véritables complots – soient pensés et planifiés par les gouvernements. Ainsi, les attentats des tours jumelles du 11 septembre à New York auraient été perpétrés par le gouvernement américain qui aurait commandé de faire exploser les tours à l’aide d’explosifs. D’aucuns avancent pour prétendue preuve que les tours se sont écroulées trop rapidement pour résulter uniquement de l’impact produit par les avions. Plus proche de chez nous, en Europe, les attentats de Charlie Hebdo du 7 janvier n’auraient – apparemment – pas pu avoir lieu sans l’aide du gouvernement français. C’est, selon certains, tout de même une drôle de coïncidence que les terroristes soient arrivés au moment d’une réunion de rédaction à laquelle assistait presque toute l’équipe du journal satirique.
{ DOSSIER COMPLOTISME }
La justification avancée par les théoriciens pour expliquer le fait qu’un gouvernement sacrifie ses propres ressortissants est – dans les cas exposés – soit dans l’objectif de préparer une guerre, soit dans le but de faire passer des mesures permettant d’étendre le contrôle étatique et la surveillance.
Certaines épidémies sont fabriquées
Ces théories sont aussi variées que les virus sur lesquels elles portent. Ainsi, le VIH aurait été créé en laboratoire par le Département de la Défense des États-Unis pour « diminuer la population mondiale ». Il en est de même pour Ebola, élaboré dans le dessein de mener une campagne eugéniste globale. Plus récemment, le Covid-19 aurait été conçu pour – au choix – réduire la population mondiale (Ah non ! c’est vrai, il ne s’agit que d’une « grippe » sans réelle importance…), rendre les porteurs du virus stériles ou bien encore vendre des vaccins et médicaments afin d’enrichir Big Pharma. Les virus ayant bon dos, ils permettraient – en plus de limiter la population ou de commercialiser des médicaments – de contrôler par la peur de la maladie les populations « survivantes ».
Nos dirigeants ne sont pas ce que nous croyons
Il existe plusieurs variantes de cette théorie, mais la plus atypique est sans doute celle des fameux « reptiliens ». Ainsi, des « hommes lézards » conspireraient dans l’ombre pour manipuler l’espèce humaine. Pour certains adeptes de cette croyance, ils représenteraient 50% de la population et se nourriraient d’humains (bien entendu). Et malheur à nous, car plusieurs grands dirigeants mondiaux en feraient partie ; citons la Reine Elizabeth II, Barack Obama ou encore Nicolas Sarkozy. Cette thèse se décline sous différentes formes. Par exemple, nos véritables dirigeants peuvent être les Illuminati ou encore la famille Rothschild auxquels les dirigeants de ce monde devraient rendre des comptes. Cette théorie, quelle que soit la variante, sape la confiance des citoyens et des « nouveaux arrivants » dans la sphère complotiste en la démocratie en ce qu’elle crée un sentiment d’impuissance et d’angoisse. En effet, comment lutter contre ces ennemis de l’ombre si le pouvoir législatif est – au mieux – impuissant ou – au pire – littéralement à la botte des lobbys ; et si le pouvoir exécutif est – au mieux – contraint de rendre des comptes aux plus puissants ou – au pire – directement cet ennemi de l’ombre ? >>
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
La confiance envers la démocratie représentative étant rompue, les solutions qui apparaissent pour les complotistes sont l’abandon de la vie en société et de la res publica – rejoignant les analyses de Tocqueville sur le repli des individus dans leur sphère privée – ou bien l’insurrection et/ ou la révolution, à l’image de l’assaut du Capitole.
LE DANGER DU COMPLOTISME Toutes les théories du complot ne se valent pas, certaines sont complètement farfelues tandis que d’autres paraissent tellement logiques qu’elles passent pour vraies. Mais dans tous les cas, la rhétorique du complot présente un véritable danger. Non seulement pour la démocratie en tant que système de gouvernement, mais aussi pour les rapports interpersonnels et ce, jusque dans la sphère familiale. Parce que le complotisme confine au fanatisme. En effet, le théoricien du complot, convaincu de sa vision du monde et « motivé » par le fait que lui seul détient La Vérité sur la réalité, est des plus virulents « parce que, bande de moutons, Nous sachons ! ». Sa mission quasi-divine est de réveiller ses pauvres et crédules semblables qui, abreuvés par les médias mainstream croient tout ce qu’on leur dit « alors que, bon Dieu ! La Vérité est là ! ». Bien sûr, afin d’essayer d’apporter un peu de raison à un tel cheminement de pensée, la discussion est parfois possible, mais elle ne l’est que lorsque le théoricien est « seul ». Or, pour le moment, avec la remise au-devant de la scène de ces théories – parce que l’actualité y est propice (épidémie, guerre…) –, ces loups solitaires sont en train de se regrouper en meutes, sur les réseaux, sur les forums, lors de manifestations… et l’émulation – ici négative – faisant, ils n’en sont que plus convaincus de leur vision du monde. Le danger de telles meutes est que cela mène à des événements similaires à l’assaut du Capitole, qui aurait pu se terminer d’une toute autre manière.
DU BON USAGE DU DOUTE Le complotisme, pour établir sa vision, use du doute. Mais plus que dans user, il en abuse. Le doute – en démocratie comme en intelligence – est nécessaire et utile car sans doute, point de libre-penseur, point de libre-examen, point de sciences, de recherche et de débat. C’est le doute qui a permis à l’Europe de se dégager du pouvoir de la religion, de ses dogmes et de l’obscurantisme que cela induisait pour lui permettre de chercher et découvrir. C’est le doute de la platitude de la Terre qui permis à Christophe Colomb d’entreprendre son voyage. Et c’est le doute qui doit nous permettre de rester en alerte vis-à-
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vis de nos droits et libertés durement gagnés. À titre d’exemple, un attentat ne justifie pas une surveillance généralisée quand bien même elle se veut protectrice. En ce sens, le doute est sain et nécessaire, car il nous permet de rester alertes. Mais le doute des complotistes est mortifère parce qu’il est systémique, qu’il refuse tout contre-argumentaire raisonnable et qu’il confine donc au fanatisme. Ce même fanatisme dont Voltaire parle lorsqu’il dit : « […] ce sont les juges qui condamnent à la mort ceux qui n’ont d’autre crime que de ne pas penser comme eux ; et ces jugeslà sont d’autant plus coupables, d’autant plus dignes de l’exécration […] que, n’étant pas dans un accès de fureur, il semble qu’ils pourraient écouter la raison. »
RAISONNER LE COMPLOT Pour continuer sur notre lancée voltairienne, ce dernier dit également : « Lorsqu’une fois le fanatisme a gangrené un cerveau, la maladie est presque incurable. […] Il n’y a d’autre remède à cette maladie épidémique que l’esprit philosophique, qui, répandu de proche en proche, adoucit enfin les mœurs des hommes, et qui prévient les accès du mal […] ». Ainsi face à un complotiste « raisonnable », il faut tout faire sauf se moquer et le tourner en ridicule, sous peine de le rendre fanatique par attachement émotionnel à ses croyances. Il vaut mieux écouter – en restant sur ses gardes pour ne pas tomber dans le piège de la rhétorique – et débattre calmement pour petit à petit le ramener à la raison, car le fanatisme est incompatible avec la tranquillité. À l’inverse, face à un gourou complotiste et/ou un sbire fanatique, faisons nôtres les mots de Voltaire lorsqu’il dit : « Dès que ce mal fait des progrès, il faut fuir, et attendre que l’air soit purifié. »
LES VERTUS DU COMPLOT POUR LES NONCOMPLOTISTES Retenons tout de même que le complotisme peut avoir un intérêt, il nous permet de nous rendre compte, par la confrontation à laquelle il nous force, que le monde n’est pas simple. Que ces visions simplistes des « bons » et des « mauvais » sont à refuser catégoriquement pour à la place réhabiliter la complexité du monde et des interactions humaines. Cette même complexité qui rend humble et qui permet aux non-complotistes de ne pas tomber dans un contre-fanatisme tout aussi fanatisant au risque non pas d’abuser mais d’abandonner le doute sain.
{ DOSSIER COMPLOTISME }
THE GREAT RESET, PROGRAMME DE L'ÉLITE MONDIALE. COMPLOT ? PAR DIEGO D’ADDATO
« Les élites internationales veulent-elles profiter de la crise du Covid-19 pour imposer au monde un nouvel ordre mondial, totalitaire, marxiste pour certains, fasciste pour d’autres, où chacun sera surveillé 24 heures sur 24 ? Y a-t-il un grand complot pour contrôler le monde ? » Voici ce qu’écrivait la RTBF sur son site internet le 6 novembre 2021. À l’été 2020, un livre paraît, The Great Reset, et avec lui, revient sur le devant de la scène une organisation connue sous le nom de World Economic Forum. Cette appellation ne vous inspire peutêtre pas particulièrement et pourtant elle est très prisée dans la complosphère. Découvrons ensemble de quoi il retourne !
Depuis des générations, les écrivains ont imaginé une refonte du monde ancien, des réformes à la suite des grands évènements. On pense bien entendu à George Orwell avec 1984, Ray Bradbury avec Fahrenheit 451 ou Lois Lowry avec Le Passeur qui ont inventé des sociétés bien différentes de la nôtre. Ces romans d’anticipation ont d’ailleurs donné lieu à de très beaux films. Et sans cesse de nouvelles histoires apparaissent. Car de tout temps, que ce soit dans les livres ou dans les faits, les gens ont voulu réinventer le monde, le façonner à leur image. Dans la plupart des cas, pour ne pas dire dans tous les cas, ces réinventions fictives ou réelles ont engendré des désastres et des catastrophes. Ces changements profonds de la société ont toujours été apportés par la manipulation ou la violence. En 2020, le livre The Great Reset voit le jour. Cette sorte de guide, qui dénonce la grande
crise enfantée par la pandémie de Covid-19, propose et programme également des solutions pour un avenir meilleur. Mais, à l’instar des romans de science-fiction, débouchera-t-il lui aussi sur une dystopie ? Notons d’ailleurs que sa provenance porte d’emblée déjà à controverse. Son auteur, Klaus Schwab, est en effet le fondateur du Forum Économique Mondial, The World Economic Forum (FEM), une organisation mondiale qui se concentre sur des questions à tendance économique. Depuis longtemps, le FEM suscite de vives réactions, tant sur la forme que sur le fond. Basé à Genève, il est en partie subventionné par le gouvernement suisse mais ne paie pas d’impôts, ce premier manque de transparence est un grief qui pèse sur la fondation. On peut également ajouter qu’il est vu comme un organisme complotiste qui prône un changement drastique des institutions mondiales. Il voudrait délaisser les institutions internationales et faire que le monde soit dirigé par les gouvernements nationaux en coalition avec les grandes multinationales. Il est compréhensible qu’un mouvement lobbyiste avance ce genre de proposition, mais il est en revanche difficile de croire que la population y serait favorable. >>
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
L’implication des lobbys dans les politiques nationales et internationales est un élément déjà très controversé et amène de virulentes contestations envers les politiques depuis de nombreuses années. Très récemment, le Premier ministre britannique a été accusé de corruption, de pratiques de lobbying et de favoritisme. En 2018, l’écologiste Nicolas Hulot a dénoncé le poids des lobbys dans la politique française. Les exemples se multiplient sans jamais s’arrêter. Le lobbying est perçu comme un moyen d’influencer le processus décisionnel et peut représenter un risque pour la démocratie. Or, le sacrosaint concept de démocratie n’est visiblement pas une préoccupation pour le FEM qui préfère tomber dans le schéma primaire de la ploutocratie (du grec ploutos, dieu de la richesse, et kratos, le pouvoir). Il applique en effet un système où l’argent est roi et où les individus n’ont du poids qu’en fonction du nombre de zéros présents sur leur compte en banque. Depuis des centaines d'années, des intellectuels et des politiques travaillent sur la meilleure façon de donner la parole au peuple, mais le FEM entend
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écarter complètement ce pouvoir qui est donné aux gens de contribuer à la construction de leur société et de leur environnement. Remarquons également que le FEM s’organise autour de débats et de discussions qui ont pour but de proposer différentes idées reprises dans les rapports rendus après chaque réunion. Comme dans toute assemblée, les décideurs sont des hommes et des femmes qui ont des sensibilités et des idéologies. Nous sommes donc en droit de nous demander qui sont ces gens. Mais la réponse est toute trouvée : ils sont l'Élite. Un grand nombre de ces débatteurs ont des noms célèbres ou sont associés à des appellations connues : S.A.R. le prince Charles, la présidente de la Banque Centrale Européenne Christine Lagarde, l’ancien CEO de Nestlé, le DG d’Axa, l’ancien vice-président américain et activiste écologiste Al Gore et bien d’autres. Ce casting n’est pas anodin. Toutes ces personnes
{ DOSSIER COMPLOTISME }
donnent parfois à la population des espoirs, des rêves, des envies, et, peut-être malgré elles, exercent une forme d’influence ou représentent un modèle pour autrui. Cette composition est bien plus parlante qu’une assemblée de scientifiques dont personne n’aurait jamais entendu parler. Ils ont le pouvoir de changer véritablement les choses dans les hautes sphères de nos institutions. Il est probable et même logique que cet aspect, le FEM ne le néglige pas, car toutes ces personnes peuvent apporter des modifications dans la façon de vivre des citoyens et peuvent, par leurs décisions, avoir un impact sur une partie du monde. Nous ne sommes dès lors pas loin de la manipulation. Toujours dans cette logique d’influence, le FEM choisit savamment les causes qu’il défend en mettant en avant des thématiques actuelles et qui ont tendance à fédérer à tous les niveaux de la société. Beaucoup, et notamment les médias, y voient une technique pour rallier des nouveaux sympathisants ou soutiens. Ces derniers temps, deux sujets sortent du lot : la protection de l'environnement et l'entrepreneuriat social. Le premier est bien entendu un thème facile. Personne n’endommage l’environnement pour son bon plaisir. Nous savons à quel point il est vital pour nous, notamment à l’heure où toutes les grandes puissances sont dotées d’armes nucléaires qui pourraient ravager le monde, de préserver et soigner notre planète. La communication qui découle de ce sujet tente très probablement de séduire la jeunesse, de l’attirer via des causes qui sont pour la jeune génération les défis d’aujourd’hui et de demain. Le FEM propose d’ailleurs sur son site internet ce qu’il appelle « l’Agenda de Davos » une sorte de calendrier ou leurs propositions concrètes sont recensées avec
des échéances tel le programme d’un candidat à la présidentielle française. C’est donc aussi face à une machine de communication bien huilée que nous avons à faire. Le deuxième sujet est un concept que le FEM tente de promouvoir, l’entrepreneuriat social. Selon Hub.brussels, c’est une activité qui « cherche à concilier activité économique et équité sociale ». Le but étant donc de favoriser l’apparition d’un système d’entreprises qui génèreraient des fonds à investir dans les domaines sociaux. Ce schéma d’économie sociale est déjà développé aujourd'hui et certaines de ces entreprises fonctionnent de façon assez intéressante. C’est pourquoi le FEM n’a pas tardé à reprendre cette thématique.
Si nous considérons l’ensemble des propositions et méthodes du FEM et les nombreuses controverses qui tournent autour de cette organisation et du livre The Great Reset, il semble presque tout à fait naturel que les théoriciens du complot y trouvent matière à fabuler. Cependant, l’enjeu n’est-il pas ailleurs ? Ne conviendraitil pas plutôt de se questionner, se demander si le jeu en vaut la chandelle et si ce système lobbyiste, capitaliste et anti-démocratique représente réellement la société dans laquelle nous voulons vivre. Le libéralisme est une idéologie qui évolue en respectant les idées des uns et des autres, mais qui s’inscrit avant tout dans des sociétés démocratiques mettant toujours en avant le bien-être des individus qui les composent. Céderons-nous une fois encore devant un régime qui nous annonce une société meilleure au prix de tels sacrifices ?
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
Comment présenter le cas, l’affaire Rémy Daillet, ou plutôt « les affaires » vu que l’homme n’en est pas à son coup d’essai ? Peut-on imaginer les présenter comme Balzac le fit jadis dans Une ténébreuse affaire ? Dans cet écrit, le grand écrivain décrivait le mystérieux enlèvement d’un sénateur sous le Consulat par des Chouans et des Vendéens avec la complicité du Ministre de la Police jouant double-jeu entre Bonaparte et Louis XVIII. Deux siècles plus tard, s’il est bien question d’enlèvement, de recherches, de complot organisé depuis l’étranger et d’espions, nous sommes loin du panache des Chouans et de l’art du secret de Joseph Fouché, mais bien plus proche de la répugnance, du mensonge, de la tromperie et de la déchirure.
RÉMY DAILLETWIEDEMANN OU DE TÉNÉBREUSES AFFAIRES PAR GUILLAUME ERGO
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Une mise en lumière fracassante : l’Affaire Mia
Notre affaire commence en France, plus précisément dans un charmant village des Vosges. Le 13 avril 2021, la petite Mia Montemaggi, 8 ans, disparaît brutalement de chez sa grandmère. Presqu’aussitôt, la machinerie policière française est mise en action par le parquet pour retrouver la petite fille. Alors qu’une alerte-enlèvement apparaît sur tous les écrans de France et de Navarre, ce ne sont pas moins de deux cent gendarmes qui battent les campagnes, les forêts et les routes tandis que les meilleurs limiers de la Section de Recherche (SR) mènent l’enquête. L’Hexagone est suspendu aux chaînes en continu tant l’émoi est grand devant le rapt d’un enfant. Les mânes de Dutroux et consorts hantent les pensées… Heureusement et finalement, parce que la police est bien faite, la petiote est retrouvée dans le canton de Vaud dans la Suisse voisine cinq jours plus tard. En bonne santé, elle retrouve rapidement sa grand-mère chez qui elle vit.
{ DOSSIER COMPLOTISME }
Affaire classée ? Bien au contraire ! Les circonstances et les motivations vont mener les enquêteurs sur des territoires dont ils ne soupçonnaient pas l’existence…. Tout d’abord, c’est la mère de Mia qui avait commandité son enlèvement. Alors que les exécuteurs dudit enlèvement sont arrêtés, la première et un autre complice, présents en Suisse, sont remis aux autorités françaises. Mais pourquoi diable une mère irait faire enlever son propre enfant ? Rapidement, les enquêteurs comprennent que la mère de Mia était une marginale voulant mener une vie « en dehors des radars de la société ». Elle avait, notamment, voulu scolariser sa fille à domicile, demande rejetée par l’Éducation nationale. Ses réseaux sociaux démontrent un nombre impressionnant d’articles dénonçant un « coronacircus » ou un « ordre mondial sataniste ». Ambiance… Au-delà du complotisme banal, ce sont la logistique et le réseau qu’a mobilisé le rapt qui interpellent le parquet et la Gendarmerie. La mère prévoyait même de s’enfuir en Russie pour échapper à la Justice ! Le fil des investigations mène les autorités françaises en… Malaisie ! En effet, depuis l’île de Langkawi, un mystérieux Français anime les réseaux sociaux avec l’idée selon laquelle il convient de mener des actions visant à restituer à leurs parents des enfants pourtant régulièrement placés. Expulsé pour expiration de visa touristique par la Malaisie, l’individu est remis aux autorités françaises qui s’empressent de l’arrêter. L’homme se nomme Rémy Daillet-Wiedemman. Et il va réserver pas mal de surprises.
Un personnage sulfureux
Rémy Daillet-Wiedemman n’est pas un nom connu du grand public. Pourtant, il a été de 2007 à 2010 membre et même chef de file du Modem en Haute-Garonne. Rappelons que le Modem fait partie de la majorité présidentielle et que ce parti compte trois ministres et deux secrétaires d’État au sein du Gouvernement Castex. Fils du député Jean-Marie Daillet, un charmant monsieur ayant déclaré à Simone Veil que sa loi sur l’avortement allait jeter des embryons dans des fours crématoires, Rémy Daillet-Wiedemman a été expulsé du parti centriste en raison du malaise qu’il suscitait chez les militants et pour avoir enregistré des réunions à l’insu de leurs participants. Depuis, l’homme s’est distingué en tenant des blogs et des vidéos complotistes. Sur le côté, et histoire de vivre, il vend des séances de coaching en ligne expliquant comment s’expatrier.
Proche de milieux au mieux catholiques intégristes au pire ouvertement néo-nazis et négationnistes, il s’est bâti un véritable réseau souterrain où il apparaît comme un homme providentiel. Contre l’installation de la 5G, contre les masques, contre les vaccins, contre les francs-maçons, contre l’avortement, le politicien déchu structure autour de ces rejets « Le Renversement ». Et c’est ce réseau qui aurait aidé à enlever Mia avec Daillet agissant à la fois en coordinateur et en grand argentier de l’enlèvement. Réseau souterrain mais surveillé de près par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI). La Sécurité Intérieure « profite » du retour en France de l’homme pour livrer toutes ses différentes informations à la Justice. Il y a de quoi glacer le sang entre l’enlèvement d’enfants et le projet d’un attentat contre une loge maçonnique. Le projet le plus inquiétant est « l’opération Azur ». Elle ne consiste ni plus ni moins qu’à renverser la Ve République. Ainsi, des plans étaient prêts pour provoquer des émeutes et distraire les forces de l’ordre et créer ainsi une diversion qui aurait permis à des apprentis putschistes de prendre d’assaut l’Élysée, l’Assemblée nationale, le Ministère des Armées ou même une chaîne de télévision… Cela prêterait à sourire si les services de renseignement n’avaient pas, dans le même temps, fourni une liste de 300 personnes prêtes à se joindre à cette opération. À « complicité d’enlèvement d’un mineur en bande », Rémy Daillet peut ajouter « association criminelle de malfaiteurs » à son CV. Désormais, ce sont un juge antiterroriste et son homologue chargé de l’affaire Mia qui seront le seul public du blogueur complotiste…
Des paroles aux actes. Du débat au châtiment.
À l’époque d’Une ténébreuse affaire, la cause était entendue : à l’enleveur d’enfant, la guillotine ; au putschiste, le peloton d’exécution. Et au jury de trancher laquelle des deux peines devait s’appliquer ! Heureusement ou non, nous en sommes revenus. Mais, le complotisme a révélé ici sa vraie face : manipuler tout et n’importe quoi, y compris en déchirant des familles, pour parvenir à grappiller un peu de pouvoir. S’il appartient au débat d’être la norme pour convaincre, le doute ne peut être l’excuse pour s’en prendre à quiconque et encore moins à une nation toute entière. À ceux qui doutent, le débat ; à ceux qui complotent, la dureté des lois !
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
LA FOLIE DES THÉORIES DU COMPLOT AMÉRICAINES QANON PAR PAULINE VAN DROOGENBROEK
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
Si tu penses que Mickaël Jackson est vivant et qu’il prépare un film, que la Finlande est un pays qui n’existe pas, que Kurt Cobain est désormais un chanteur péruvien, que le monde est gouverné par des reptiliens ou encore que le gouvernement américain verse des produits chimiques dans ses eaux pour rendre la population homosexuelle, alors cet article est fait pour toi ! Et si tu n’es pas un adepte de toutes ces théories complétement loufoques, je t’invite quand même à le lire. Tu y découvriras que ce qui se cache derrière les théories conspirationnistes QAnon dépasse tout ce que tu pourrais imaginer.
Tu t’en souviens surement, c’était il y a un peu plus d’un an, le 6 janvier 2021, des milliers de partisans de Donald Trump affluaient vers le Capitole à Washington. Ils y ont fait irruption pendant la session qui devait certifier la victoire de Joe Biden. En effet, ceux-ci tentaient d’exprimer leur mécontentement à l’égard des élections qui s’étaient déroulées un mois auparavant et qui avaient fait perdre à Donald Trump son statut de président. Leurs intentions étaient claires, ils voulaient bloquer la certification des résultats du vote.
d’adeptes sur internet, ils se comptent en millions aux États-Unis. Ces adeptes certifient qu’une cabale satanique de pédophiles et de cannibales contrôle les gouvernements mondiaux et les médias. Ils affirment également que cette cabale fait du trafic d’enfants pour des rituels sataniques et que leur seul et unique sauveur est Donald Trump. Selon QAnon, Hillary et Bill Clinton, Tom Hanks, Lady Gaga ou encore Georges Soros sont investis dans cette cabale. La liste des complots évolue naturellement au gré du temps et les adeptes sont invités à s’exprimer sur les différents forums internet. C’est notamment sur ces forums que l’assaut du Capitole a été planifié.
Parmi eux, un groupe de personnes a particulièrement attiré l’attention des médias. Le mouvement QAnon a été présenté comme l’un des principaux responsables de l’assaut du Capitole. Mais qu’est-ce que la mouvance QAnon ? Qui incarne ce mouvement et que se cachet-il derrière son message ? Qui en sont les adeptes et pourquoi adhèrent-ils à ces idées ? C’est ce que je vais tenter de présenter dans cet article.
D’après une enquête menée par le PRRI (Public Religion Research Institute) – une organisation à but non lucratif et non partisane qui se dévoue à la recherche indépendante à l’intersection de la religion, de la politique publique et de la culture – près de 15% des Américains croient en la pensée centrale de QAnon. Autrement dit, ils pensent que le gouvernement américain est contrôlé par une élite satanique et pédophile.
Qu’est-ce que la mouvance QAnon ?
D’après plusieurs études, le mouvement QAnon est un mouvement complotiste qui comporte beaucoup
THÉORIES DU COMPLOT DE QANON, PAR AFFILIATION POLITIQUE
LE GOUVERNEMENT, LES MÉDIAS ET LE MONDE DE LA FINANCE AUX ÉTATS-UNIS SONT CONTRÔLÉS PAR UN GROUPE DE PÉDOPHILES ADORATEURS DE SATAN QUI DIRIGENT UNE OPÉRATION MONDIALE DE TRAFIC SEXUEL D'ENFANTS.
UNE TEMPÊTE ARRIVE BIENTÔT QUI BALAYERA LES ÉLITES AU POUVOIR ET RÉTABLIRA LES DIRIGEANTS LÉGITIMES.
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LES DÉMOCRATES
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LES INDÉPENDANTS
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LES RÉPUBLICAINS
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TOUS LES AMÉRICAINS
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Pourcentage de ceux qui sont d'accord :
LES CHOSES ONT TELLEMENT DÉRAPÉ QUE LES VRAIS PATRIOTES AMÉRICAINS DEVRONT PEUT-ÊTRE RECOURIR À LA VIOLENCE POUR SAUVER NOTRE PAYS.
Source : PRRI Staff, Understanding QAnon’s Connection to American Politics, Religion, and Media Consumption (Comprendre le lien entre QAnon et la politique, la religion et la consommation de médias aux États-Unis), mars 2021
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
Qui incarne ce mouvement et que se cache-t-il derrière son message ?
Lors de l’assaut du Capitole, nous avons pu voir un homme, torse nu, aux multiples tatouages, portant une lance, un casque à corne de bison, une double queue de raton laveur et le visage peint aux couleurs du drapeau des États-Unis. Cet homme, c’est Jacob Chansley, dit Jake Angeli, mais encore plus connu sous le nom du « Chaman de QAnon ». Ce grand adepte de la théorie du complot a été photographié de nombreuses fois au Capitole et est devenu d’une certaine façon le représentant du mouvement. Avec ses tatouages incarnant Mjölner (le marteau à manche court de Thor) et Yggdrasill (l'arbre nordique, qui comprend une noix de val), ce n’est pas l’histoire nordique, germanique ou encore des croisades qu’il a voulu représenter, mais la réappropriation qui en a été faite par des dirigeants d’extrême droite. En effet, d’après une étude d’universitaire de Pennsylvanie menée par Kristina Olson, des groupes de nationalistes et suprématistes blancs ont adopté des « symboles de l’Antiquité et du Moyen-Âge pour leurs démonstrations de racisme et de masculinité toxique ». L’iconographie médiévale est donc réapparue dans des images de suprématistes blancs et de nationalistes lors de l’attaque du 6 janvier 2021. Le drapeau des États confédérés d’Amérique était également présent lors de cet assaut. Pour rappel, ce drapeau, datant des années 1860, symbolise l’exclusion des gens de couleurs et « l’idéal de blancheur ». Il fut créé pendant la guerre civile aux États-Unis lorsque les onze États du Sud firent sécession. Nous comprenons donc que cette théorie du complot n’implique pas seulement un mécontentement des élections présidentielles américaines ou un simple fanatisme vis-à-vis de l’ex-président Donald Trump, mais comporte également de nombreuses références historiques en lien avec l’extrême droite. En lisant et en écoutant les revendications du mouvement QAnon, il est naturel de se demander comment il se fait qu’autant de personnes croient en ces idées complètement farfelues.
Qui en sont les adeptes et pourquoi adhèrent-ils à ces idées ?
La communauté QAnon n'est pas un groupe bien défini, il s’agit plutôt d’un vaste auditoire qui accueille toutes sortes de conspirations où chacun peut se retrouver. Au centre de cette mouvance se trouve un leader anonyme désigné par la lettre « Q » ; les « Anons » sont ses adeptes. Selon l’article de recherche écrit par Christopher T. Conner et Nicholas MacMurray, la croyance centrale du mouvement est que « Q » est un haut fonctionnaire du gouvernement capable de fournir des informations
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secrètes. Q prétend par exemple donner des informations confidentielles sur la lutte cachée de Trump en dénonçant la fameuse cabale mondiale des élites dirigeantes. Ces informations, Q les fait parvenir aux Anons sous la forme de « Qdrops » publiés sur un forum de discussions sur le web connu sous le nom de « 4chan ». Ces deux auteurs vont plus loin dans leur recherche et citent une auteure du New York Times affirmant que ce groupe ne ressemble pas aux théories du complot ordinaire. En effet, ses adhérents auraient « rassemblé diverses sources pour créer une communauté d’individus partageant les mêmes idées, grâce à la technologie ». Le mouvement QAnon serait donc au final sans leader identifié. Ces sont surtout les adhérents qui publient quotidiennement toutes sortes de nouvelles théories sur la plateforme. L’interactivité soutenue par les réseaux sociaux et les médias permet également une transmission nettement plus rapide à grande échelle. Les nouvelles technologies sont donc aussi une partie de l’explication du grand succès de QAnon. Selon deux professeures de l’université de Pennsylvanie (Dolores Albarracín, professeure à Penn Integrates Knowledge et Kathleen Hall Jamieson, professeure de communication et directrice du Annenberg School for Communication), un des plus grands facteurs qui pousse les gens à croire aux théories du complot sont les médias. En effet, les théories du complot ont bien souvent un caractère politique et ceux qui les promeuvent le font en général à des fins idéologiques. C’est pourquoi, défendant une certaine idéologie, les médias sont plus susceptibles d’utiliser et légitimer les théories du complot comme celle de QAnon car elles correspondent à l’opinion de leur public. L’anxiété joue également un rôle puisque nous avons tendance à chercher des explications aux facteurs qui nous stressent. Les théories du complot peuvent donc pour certains faire partie de ces explications. De plus, les médias qui sont une source d’influence sociale très importante sont souvent porteurs de messages qui suscitent l’anxiété. Dès mars 2020, la pandémie de Covid-19 a, par exemple, rapidement généré plusieurs théories du complot, car ce virus fait l’objet d’une grande attention médiatique et d’une grande anxiété auprès de la population. Notons également que beaucoup d’Américains ont perdu confiance en leur gouvernement et la croyance en QAnon ou en d’autres mouvements complotistes aux États-Unis leur apporte des solutions. Des lectures sociologiques expliquent que ce mouvement a pris beaucoup plus d’ampleur dans les zones rurales à cause d’un changement de politique dans la production agricole. Les travailleurs et les classes inférieures du Midwest et du Sud des USA se sont majoritairement retrouvés sans-emploi faisant disparaitre la classe moyenne. En effet, avec le changement climatique, beaucoup de fermiers ont dû
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
faire face à des récoltes misérables et ont donc cherché des explications à cette situation particulièrement stressante. Rien de mieux que de dénoncer l’inactivité de leur gouvernement pour répondre à leurs problèmes. La théorie du complot, bien connue des Américains, ne cesse de grandir jour après jour. L’évolution technologique, les périodes de crises et la perte de confiance envers les politiques participent à la grande problématique de ces théories conspirationnistes. La force du mouvement réside aussi dans le fait que ce ne sont pas les données objectives qui le rendent crédible, mais à l’inverse, c’est le manque de fondements qui constituerait la preuve que les élites du monde couvrent les traces de leurs activités immorales. Cette force, c’est la faculté de retourner un argument de l’autre côté, de le manipuler et de lui en donner un tout autre sens. QAnon a également l’avantage de pouvoir s’adapter à toutes les situations mondiales puisque certains sujets qui y sont abordés, comme le
Covid-19, ne touchent pas seulement les États-Unis mais le monde entier. Ce mouvement s’avère cependant très dangereux puisqu’il parvient à remettre en question des valeurs fondamentales dans notre société, à savoir l’objectivité, la science, les faits et la recherche de la vérité. Des valeurs qui nous ont permis d’avancer tout au long de notre histoire. À l’heure actuelle, de nombreuses personnes ne cherchent plus à connaitre la vérité mais à entendre ce qu’elles veulent entendre. Il serait dommage de laisser le mensonge dominer notre société…
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{ DOSSIER COMPLOTISME }
D’AUTRES FENÊTRES… PAR NICOLAS KOWALSKI
Si vous ressentez l’envie d’aller plus loin dans la réflexion ou que vous souhaitez vous divertir, voici une liste de pistes très enrichissantes qui pourraient vous plaire. Vous y trouverez des livres, des articles et une série, le tout à consommer sans modération. Au nom de toute l’équipe, j’espère que ces autres fenêtres vous permettront de voyager dans le monde si particulier des théories du complot.
LIVRE
Dans la tête des complotistes William Audureau, 2021.
Dans cet ouvrage, l’auteur nous décrit comment discuter avec les complotistes sans mépris ni complaisance. En démêlant le vrai du faux, cet ouvrage dévoile les rouages et les mécanismes du complotisme sans aucun tabou. Il est bien sûr difficile d’arriver à l’exhaustivité mais ces lignes vous permettront certainement de mieux vous y retrouver dans le monde surréaliste des théories du complot.
« Un homme averti en vaut deux » est sans aucun doute le dicton qui vous vient à l’esprit après ce genre de lecture. En tant qu’apprenti politiste et littéraire, je ne peux que vous recommander cet ouvrage.
LIVRE
L'opium des imbéciles Rudy Reichstadt, 2019.
Il est très aisé de comprendre rapidement la position de l’auteur sur les théories du complot dans « l’opium des imbéciles ». Il nous explique qu’une idéologie ou un but politique se cache très régulièrement derrière les thèses complotistes. D’ailleurs, en tant que libéraux, nous devrions justement être encore plus attentifs que les autres aux risques que représentent toutes ces théories sur le débat public.
Je dois avouer que moi-même, j’ai parfois envie d’abandonner la discussion face aux gens qui « savent » et qui te dises que toi, tu « ne sais pas ». Mais l’amour de la raison dois toujours nous pousser à faire triompher une seule et unique chose : la vérité.
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ARTICLE SCIENTIFIQUE Entre islam et théories du complot, idéations religieuses et identités Lionel Remy, 2018. Sur YouTube
Cet article nous parle d’un sujet très précis qui peut sembler « touchi » mais qui a pourtant une importance très grande dans notre société. Il analyse le lien entre complot et Islam sur la plateforme YouTube qui est encore à ce jour, la plus grosse pourvoilleuse de vidéos en ligne. De plus, nous apprenons que la musique et le divertissement ne sont pas à l’abris des théories complotistes, loin de là...
Outre l’exemple de l’Islam, le lien entre complot et religion peut avoir des conséquences catastrophiques. Il n’y rien de tel que la science pour décrypter la société et mettre en lumière des faits.
VIDÉOS
Géopolitis : Théories du complot RTS, 13 décembre 2020.
Dans cet épisode de Géopolitis, Marcel Mione analyse avec son invitée Marie Peltier l’impact et l’instrumentalisation des théories du complot. Nous pouvons affirmer sans équivoque que nous ne pourrions pas être davantage dans le thème de notre dossier central. Ils nous parlent également de la force des réseaux sociaux dans cette mélasse endoctrinante qu’est le complotisme qui pollue notre société. Il reviennent également sur une théorie fréquente qui affirme que l’homme n'est jamais allé sur la lune en 1969.
SÉRIE
Encore un épisode très parlant de ce qui constitue pour moi l’une des meilleures émissions en petit format de géopolitique accessible à tout public. Je ne peux que recommander vivement cette émission qui est également disponible intégralement sur YouTube.
Timeless
Eric Kripke et Shawn Ryan, 2016-2018. Sur Netflix Cette série de science-fiction reprend la thématique bien connue des voyages dans le temps sous un nouveau jour : le monde tel qu’on le connait est menacé par une société secrète qui complote depuis toujours pour tout gouverner. Les membres de Rittenhouse dirigent dans l’ombre les États-Unis et créent une capsule à remonter le temps afin de faciliter leur ascension. Un trio, composé d’une historienne, d’un scientifique et d’un militaire, part alors à leur poursuite à travers les grands évènements de l’histoire américaine afin de la préserver et déjouer leurs plans. Les épisodes nous plongent petit à petit dans ce qui pourrait être le plus grand complot de tous les temps (dans tous les sens de l’expression) et nous montrent que la modification d’un seul fait historique pourrait tout faire basculer.
Si en arrière-plan cette série dénonce certains fonctionnements de la société américaine, elle se veut avant tout divertissante. Alors laissez-vous emporter le temps de deux saisons dans une théorie complotiste des plus invraisemblables. Un bon moment de divertissement ! 21
{ OCCIDENT LIBERTÉS }
SOMMES-NOUS ENCORE RÉELLEMENT
LIBRES EN OCCIDENT ? PAR DYLAN N’KITA ET MARIE VAN OVERMEERE
Épisode 3e :
LES RAVAGES DE L’OMNIPRÉSENCE DES NOUVELLES IDÉOLOGIES Aujourd’hui, malgré les avancées des droits de l’homme et des libertés individuelles du 20e siècle, un sentiment se généralise : le déclin de nos libertés. En effet, plus les années passent et plus nous nous sentons censurés, surveillés, jugés. À ce jour, la moindre parole ne plaisant pas à certains idéologistes engagés, peut être retournée contre nous et faire le sujet d’une polémique dans les médias. À la suite de cette constatation, nous pouvons légitimement nous demander : « Qu’en est-il de nos libertés d’expression et d'opinions ? » Il y a de nombreuses causes à ce déclin, nous relevons principalement deux idéologies responsables de ce sentiment. D’une part, les extrémismes de droite qui se nourrissent de la peur des citoyens (attentats, vagues migratoires) en prônant la sécurité et l’autorité pour faire face aux limites de la démocratie libérale. D’autre part, le « wokisme » né de la théorie critique et voulant régir l’ordre moral.
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{ OCCIDENT LIBERTÉS }
En premier lieu, l'extrême droite est un terme employé pour classer des mouvements politiques hétérogènes placés les plus à droite du spectre politique. Si les mouvements politiques sont divers, leurs socles idéologiques comportent des points communs : un discours autoritariste et sécuritaire affirmé, la défense d’un nationalisme ethnique et identitaire, le soutien à des idées liberticides (opposition à la démocratie libérale et à l'État de droit). Ils s’opposent aux logiques de compromis et de débat. L’élite et les agents intermédiaires (les partis, syndicats, associations, médias…) sont considérés comme néfastes et corrompant la volonté du peuple. Le peuple est ici vu comme un tout collectif unifié écrasant la singularité de chaque individu. Cela justifie l’idée d’un État fort autoritaire combattant l’élite corrompue et surveillant la vie des citoyens au nom de la Nation et de la sécurité du peuple. Selon eux, la diversité, le pluralisme et la prise de parole contradictoire perturbent l’unité du peuple (les minorités et l’opposition deviennent le problème). Ce sont les classes défavorisées et peu instruites qui viennent embrasser ces idées, souvent car elles se sentent abandonnées par l’élite politique traditionnelle.
En second lieu, le « wokisme ». Le terme « woke » trouve son origine à la fin du XXe siècle aux États-Unis, au sein du mouvement pour l'accès de la communauté noire aux droits civiques. Le but était de dénoncer les discriminations systématiques envers les Noirs aux États-Unis, il est à la genèse de l’importante mobilisation « black live matters » de 2016, au lendemain du meurtre de Michael Brown. Au fil du temps, un dérivé de ce terme, le « wokisme » ne dénoncera plus seulement les injustices racistes subies par les Afro-Américains mais, plus globalement, toutes les formes d’injustices subies par les minorités. Le mouvement « wokisme » a commencé à s’imposer dans les milieux universitaires occidentaux, ces milieux étant composés principalement de différentes classes bourgeoises. C’est la nouvelle bourgeoisie progressiste qui vient nourrir cette idéologie. En effet, l’université est un véritable lieu d’échange des idées de la théorie critique entre les intellectuels. L’idéologie, par l’intermédiaire de ses adhérents, quitte l’université pour faire souche dans le monde du travail et plus particulièrement chez les médias (Konbini, Brut). Elle s’installe également dans la culture d’entreprises ; par >>
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{ OCCIDENT LIBERTÉS }
exemple, Facebook a interdit les images d’un père fouettard noir perçues comme des images racistes. La nouvelle bourgeoisie progressiste forme par ailleurs un nouvel électorat donnant lieu à la naissance de partis politiques adhérant à ces idées liberticides. Nous avons par exemple, Écolo, et sa secrétaire d'État pour l’égalité des genres, qui participe à des marches où les hommes sont interdits. Ces stakeholders (partis, médias, intellectuels, grosses entreprises) en viennent à utiliser les institutions publiques et la sphère étatique grâce à leurs puissances souvent non visibles, en vue de leurs intérêts, afin de mettre en place un nouveau modèle de société. Ce nouveau modèle de société, issu d’un mouvement dogmatique de gauche radicale, vise à libérer les êtres humains des circonstances qui les asservissent prétendument. Sa finalité est le démantèlement complet de la culture occidentale et sa reconstruction à partir de zéro. Ce mouvement est une réelle menace à nos libertés individuelles car ses adhérents veulent déconstruire les individus qui ne pensent pas comme eux afin de bâtir une société plus inclusive selon leurs valeurs morales. Ils sont à la recherche d’un « bien commun », logeant tous les individus à la même enseigne, en prétendant que nous devrions tous penser de la même manière, en effaçant notre individualité. Pour fonder cette nouvelle société, ils n’hésitent pas à démolir le langage, la pensée, la vérité, l’histoire et la notion même de liberté afin d’atteindre ce qu’ils appellent une « liberté rédemptrice ». Au fil des années, le « bien-pensant » s’impose comme principale culture morale des sociétés occidentales. À partir de ce constat, il est intéressant de soulever une réflexion. Le 7 janvier 2015, à Paris, une attaque terroriste islamiste vise Charlie Hebdo, un journal satirique. Très vite, toute la communauté occidentale s’est révoltée sur les réseaux sociaux, c’était une atteinte directe à leur liberté d’expression. Celle-ci est une valeur fortement défendue lorsqu’il s’agit de censure directe par la force ou l’autoritarisme. Pourtant, en soutenant le « wokisme », cette même communauté, dans un premier temps défenderesse de la liberté d’expression, devient son oppresseur. En effet, en soutenant qu’il y a une « bonne pensée » universelle, les adeptes s'autocensurent et censurent ceux qui ne pensent pas de même. Cette fois, non pas par la violence, mais au nom du sens moral, en jouant sur les valeurs, en donnant une image de « mauvaises personnes » à ceux qui ne partagent pas le même système de valeurs. Avec le « wokisme », les valeurs démocratiques disparaissent au profit d’un État qui dirige la vie des individus dans le but illusoire de rétablir une justice sociale inaccessible qui cache derrière, en réalité, un véritable projet collectiviste de planification et de surveillance de la liberté de pensée et d’expression des individus. Pour déconstruire notre culture, notre système de valeurs, notre histoire, les adeptes utilisent la technique de la polémique partagée en masse sur les réseaux sociaux et autres médias. Quelques exemples récents en font l’usage. La compagnie Walt Disney en a fait les frais ces dernières années. La plupart de ses longs-métrages, considérés, jusqu’à l’arrivée des polémiques, comme des classiques, ayant bordés les enfances de plusieurs générations, ont été reclassés comme étant des films apprenant aux enfants, dès leur plus jeune âge, des comportements racistes et sexistes. On peut également rappeler la polémique concernant Léopold II, ancien roi des Belges, dont on vandalisait les statues car il était responsable de la colonisation du Congo, où il régnait par la terreur et la traite des autochtones. On peut citer d’autres exemples, même concernant notre langage avec la popularisation de l’écriture inclusive et de son point médian ainsi que la suppression progressive de certaines expressions telle que « bon père de famille » jugée trop paternaliste. Ce relativisme culturel dont font preuve les adeptes du « wokisme » est intéressant à analyser. Tout d’abord, ils isolent des éléments de notre culture ne répondant pas à leur système de valeurs très fermé. Ensuite, ils soulèvent des points négatifs qui sont faciles à comprendre pour la plupart des individus. Et pour finir, ils partagent en masse leurs critiques et diabolisent tous ceux qui ne partagent pas leur avis. Nous pouvons en conclure que les idéologies extrémistes qu’elles soient de droite ou de gauche sont un frein à nos libertés. Nous vivons dans un monde composé d’une pluralité d’individus différents avec leur propre histoire, leur culture, leurs valeurs, leurs comportements, leurs préférences... Forcer les individus à penser d’une certaine manière, ou censurer leurs paroles, que ce soit au nom d’une nation plus forte ou au nom d’une morale commune, que ce soit par la force ou par l’intimidation, participe au déclin de nos libertés individuelles.
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Portrait de Léopold II, roi des Belges de 1865-1909.
{ INTERNATIONAL POLITIQUE }
LA CARTE BLANCHE
NE FAISONS PAS L’ERREUR DE NOUS RÉSIGNER À L’ACQUIS ! EN ROUTE POUR UNE MEILLEURE DÉMOCRATIE PAR NICOLAS KOWALSKI
C’est un fait qu’en Belgique, le pouvoir, le vrai, n’est pas détenu par un ministre ou un chef de gouvernement. Le véritable pouvoir politique est entre les mains de nos partis politiques qui sont devenus beaucoup trop puissants, beaucoup trop verticaux et ce, de manière tout à fait assumée. C’est l’histoire de notre pays qui nous a amenés à cette situation, cela ne doit cependant pas être une fatalité. Avec mon cœur libéral, je pense sincèrement que la Belgique doit prendre la voie d’une démocratie encore plus aboutie qu’elle ne l’est. Certaines situations que nous connaissons en Europe nous montrent que la démocratie n’est jamais acquise définitivement, saisissons cette occasion pour donner l’exemple et faire de notre pays le plus démocratique possible. Cet article ne vise pas à faire un déroulé scientifique de la particratie et de ses mécanismes, je n’ai pas la légitimité de le faire et ce n’est de toute façon pas mon objectif. Je ne cherche pas non plus à accuser qui que ce soit ni même à viser l’un ou l’autre parti en particulier. Je me contenterai de proposer des solutions à des problèmes structuraux qui n’ont été que trop souvent invisibilisés et ce, depuis bien trop longtemps.
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{ INTERNATIONAL POLITIQUE }
Le plus gros problème de notre particratie se noue sans aucun doute lors de la composition des listes électorales. Le parti a manifestement tout pouvoir en matière de désignation des candidats. Notre mode de scrutin proportionnel qui redistribue des voix dans l’ordre de la liste exacerbe l’importance de celui-ci. Si on résume ce système, le parti décide qui sont les candidats et détermine leur ordre sur la liste sachant que ceux qui sont dans les premiers sont quasiment sûrs d’être élus. Le parti politique ne joue pas uniquement un rôle essentiel dans l’offre de candidats ou dans l’aide de campagne des candidats, ce sont aussi eux qui décident de A à Z qui siège dans les parlements. En réalité, la seule inconnue des élections est le nombre de personnes qui siègeront et non leur identité, ce qui dans une démocratie représentative est très discutable. Entre 1945 et 1991, 99,31 % des députés ont été élus dans l’ordre de la liste. Ce chiffre traduit donc qu’on pouvait connaître avant l’élection qui allait siéger au parlement. Ce scandale démocratique se poursuit toute la durée de la législature avec le contrôle des partis sur les députés. Lorsque les parlementaires sont placés par le parti, ils n’ont même pas le pouvoir de voter en toute liberté sur toutes les propositions de loi et décret. Dans les faits, les députés sont une sorte de score, une quantité de
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sièges qui quantifie le poids d’un parti politique présent dans un hémicycle. Les députés ne remplissent plus leur mission première qui est de représenter le peuple. C’est d’autant plus déroutant étant donné que ces derniers n'en sont pas les responsables. Je suis convaincu que les parlementaires souhaitent acquérir une plus grande marge de manœuvre et pouvoir faire leur travail en toute autonomie. Mais le moindre écart aux positions du parti induirait un aller simple pour la fin de la liste lors des prochaines élections, ce qui équivaudrait en clair à la fin « définitive » d’une carrière politique. Ma solution est simple, rendre le pouvoir total aux électeurs. Dans un premier temps, il faudrait supprimer l’ordre des listes préélectorales. Cet ordre et la désignation des parlementaires devrait se faire uniquement sur base des voix de préférence. Si un parti obtient deux sièges dans une circonscription, il serait normal que ce soient les deux personnes qui ont obtenu le plus de voix de préférence, sans aucun principe de redistribution, qui y siègent. Cela impliquerait donc de retirer aux électeurs la possibilité de voter pour une liste, ils ne voteraient plus que pour des personnes, pas pour des partis.
{ INTERNATIONAL POLITIQUE }
Dans un deuxième temps, il faudrait que l’électeur ait un contrôle, dès son bulletin de vote, sur le futur gouvernement. Cela passerait par un nouveau processus de désignation du gouvernement, qui est pour l’instant une question épineuse. Actuellement, à la suite des élections, nos présidents de partis négocient et se partagent des portefeuilles. Après de très longues négociations, ils décident qui siègera, sous leur étroite surveillance, au gouvernement. Les présidents de partis imposent un gouvernement au parlement qui lui vote sa confiance mais ceci n’est au fond qu’une simple formalité constitutionnelle. Dans mon utopie démocratique, ce seraient les députés, par l’intermédiaire du chef de groupe, qui négocieraient la future coalition et non pas, comme c’est cas actuellement, le président de parti, qui ne siège pas forcément au parlement. Une fois qu’une majorité serait atteinte, les groupes politiques désigneraient leurs ministres parmi ceux élus dans cette assemblée pour la nouvelle législature. Quant au ministreprésident, il serait élu par les parlementaires de la nouvelle coalition. En ce qui concerne le poste de Premier ministre, il s’agirait du même principe qui consiste à appliquer un système d’élection par les députés. Le petit souci est que le parlement fédéral est une assemblée bilingue comprenant plus de néerlandophones que de francophones, ce qui les avantage en matière de taille de parti. La solution serait que le Premier ministre soit toujours élu par les députés qui forment la majorité. Il est facile d’imaginer que dans ce système, les familles politiques se regrouperaient derrière une seule candidature pour avoir plus de poids. Cela impliquerait naturellement que la plus grande famille politique de la majorité (donc celle qui a obtenu le plus de voix) obtienne le poste, exactement comme dans les entités fédérées. Avoir un chef de gouvernement élu, même indirectement, et non plus uniquement négocié, ce qui est pour l’instant le cas, serait beaucoup plus démocratique. La désignation actuelle est un non-sens démocratique qui fait rage depuis bien trop longtemps dans notre pays. Vous aurez compris que dans ces propositions, la règle clé est de rendre le pouvoir aux députés. Cela nous amène à l’organisation interne des partis politiques et plus particulièrement, aux rôles des présidents de ceuxci. Ils ont, au cours des décennies, accaparé beaucoup trop de pouvoir. Comme expliqué précédemment, ils sont au sommet pour la désignation du pouvoir législatif, du pouvoir exécutif, et en réalité, de tout l’agenda de la vie politique. Dans mon projet, chaque parti politique devrait obligatoirement avoir une assemblée directrice, composée des chefs de groupe de chaque assemblée et des ministres de tous les gouvernements, qui encadrerait et prendrait toutes les décisions importantes du parti. Le président
pourrait conserver une place d’administrateur, de porteparole dans les médias et de « chef d’équipe » de tous les membres. Il resterait le visage et la voix générale du parti, mais il n’aurait plus la main mise sur aucun député ni sur aucun ministre. En ce qui concerne le financement des partis politiques, je pense qu’il est indispensable de les réduire drastiquement. Cependant, je ne pense pas qu’il s’agisse de la seule solution de sortie de la particratie. Il faudrait commencer par retirer la nécessité de posséder un groupe politique à la chambre pour bénéficier de certains financements et, en contrepartie, réduire le montant accordé à ces groupes politiques qui est beaucoup trop élevé. Cela favorise les gros partis déjà présents et asphyxie les potentiels nouveaux partis qui ne parviennent pas à atteindre les 5 députés nécessaires à la formation d’un groupe. Cette exclusivité des gros partis est non seulement inacceptable sur le plan du financement public, mais ça l’est tout autant en matière de place médiatique. Les médias publics accordent une présence médiatique aux partis proportionnellement à leur nombre de sièges, ce qui les empêchent de faire campagne à la « loyale » face aux géants qui ont déjà de nombreux sièges au parlement. Pour résumer le fond de mes propos, le pouvoir devrait se recentrer entièrement autour du pouvoir législatif et donc être redonné aux citoyens. Cela peut paraître irréalisable mais en vérité, ça ne l’est pas tant que ça. Cela fait des décennies que nous voyons défiler les réformes successives de l’État, mais elles sont toutes axées sur l’organisation du pays et très peu sur les partis politiques, qui sont pourtant l’organe majeur de la politique belge. Oserais-je demander pour le bicentenaire de notre belle patrie d’avoir une réforme pour un renouvellement démocratique ?
Nos démocraties électives ne sont pas, ou de façon inaccomplie, des démocraties représentatives. – Paul Ricoeur / Entretien avec Daniel Bermond Juin 1998.
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{ FEL ÉVÈNEMENTS }
NOS EVENTS Le CEL LLN a organisé ce 22 mars, en collaboration avec les JMR, une conférence sur l’avenir de la cryptomonnaie avec Marc Toledo et Mathieu Michel.
Le weekend du 25 au 27 février, des membres de la FEL sont allés en Mise au Vert sur les hauteurs rocheuses de nos Ardennes belges.
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Lors de son drink du 17 mars, la FELU a proposé une dégustation de bières en compagnie de sa marraine, Diana Nikoliç.
Le 4 mars, l’ADEL Saint-Louis a reçu Didier Reynders et David Leyster dans le cadre d’une conférence sur l’avenir de l’Europe.
{ FEL ÉVÈNEMENTS }
Ce mardi 29 mars, le CEL ULB a offert son traditionnel premier verre à la Brassicole du Semeur.
C’est pour découvrir les coulisses de l’information que la FEL s’est rendue dans les locaux dela RTBF ce 29 mars.
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{ INTERNATIONAL POLITIQUE }
/ DÉRISI N / PAR CORALIE BOTERDAEL
Si mon argent ne fait pas le bonheur… rendez-le moi ! Quel est le point commun entre une bestiole à écailles, un bateau échoué et un président russe ? Mon portefeuille connait la réponse… C’est l’augmentation du coût de la vie ! En 2020, un homme mange du pangolin en Chine et six mois plus tard, le prix d’une planche en bois ou d’une puce électronique explose. En 2021, le canal de Suez est bloqué et c’est tout le panier des ménages qui voit les chiffres de son ticket de caisse s’élargir. En 2022, Vladimir Vladimirovitch envahit l’Ukraine et le coût des combustibles s’enflamme. Et chose étrange, que ce soit le début du confinement, l’obstruction du canal ou l’invasion russe, toutes ces catastrophes se sont déroulées au mois de mars. On se souviendra du célèbre slogan « Mars et ça repart »… à la hausse ! Même si ses implications nous paraissent au départ à vingt mille lieues de nos préoccupations, chaque incident survenant quelque part sur terre se répercute apparemment sur la taille de notre porte-monnaie à la fin du mois. Et c’est pareil aux quatre coins du monde, on est tous dans le même canot sous la tempête. La mondialisation a fait de cette planète un village, du chamelier des steppes au bûcheron de Laponie, tous remplissent les mêmes caddies de supermarché. Et de faits de délocalisations en faits de crises, ce sont les bourses des quidams qui se réduisent. L’inflation de mars, ce mois maudit, a battu des records, elle a connu un niveau plus égalé depuis presque 40 ans. Depuis 1983, année de ma naissance... Ils veulent ma mort… Ou en tout cas, celle de ma carte bleue. La hausse des prix à la consommation toucherait
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presque tous les secteurs : des fruits frais aux fruits de mer, du collier de perles à celui de bœuf, du prêtà-porter au prêt hypothécaire, de la paire de gants à celle de lunettes, rien n’aurait été épargné. Les cours mondiaux des céréales, et particulièrement du blé, s’envoleraient même. Que mon blé s’envole, ça c’est certain ! Mais fort heureusement, les prix du tabac se replieraient légèrement. Et si nous devenions tous fumeurs ?! Avec un peu de chance cela fera baisser l’espérance de vie et par la même occasion l’impôt pour les pensions de retraite… Une véritable bouffée d’oxygène… Ou pas. Non, plus sérieusement, ne seraitil pas temps de brandir une baguette magique ? Éric Antoine ou David Blaine ne pourraient-il pas sortir de leur chapeau un gros cochon plein de pépettes à la manière des protagonistes du film Now you see me ? Notons que ces dernières tendances ont fait de moi une économiste sur le tard. À force d’être à sec, j’ai baigné dans une terminologie qui m’échappait jusque-là et j’ai dû m’adapter. Les mots « accises », « indice pivot », « effet cliquet » m’étaient auparavant étrangers et font maintenant partie du jargon de toutes les conversations. Je m’étonne à observer les graphiques de Statbel et du Bureau du Plan, et même si je n’y comprends goutte, je sais que quand ça monte, ce n’est souvent pas très bon signe. Or, pour le moment, ça ne monte pas, ça grimpe en flèche. L’inflation est une cascade qui chute vers le haut. Et si l’indexation des salaires permet tant bien que mal de maintenir la tête hors de l’eau, force est de constater que le pouvoir d’achat coule dans la mesure où la vie coûte de plus en plus cher.
{ DÉRISION }
L’étymologie du mot « salaire » rappelle les temps lointains où l’homme travaillait pour gagner son sel. Mais aujourd’hui, c’est l’addition qui est salée ! Il faut savoir encaisser ! Le remboursement du prêt à tempérament de mon Ipad Pro est presque aussi élevé que le prix de l’électricité pour le recharger. Tout comme le montant de mes charges mensuelles ressemble de plus en plus à celui de mon loyer. L’alternance est mon nouveau modus (sur)vivendi : un jour j’allume la lumière, l’autre le chauffage ; un jour je mets des moufles, l’autre je me cogne aux meubles. Il y a deux semaines, stupeur ! Tandis que je ravitaillais ma voiture, le compteur de la station-service défilait si vite que je ne parvenais pas à le suivre. Et splaf ! j’ai fait mon premier plein à trois chiffres ! J’ai sincèrement envisagé de porter ma voiture sur mon dos et de rentrer à pied à la maison. Il est clair qu’aujourd’hui, je serais plus tentée de prendre la clé des champs que les clés de ma caisse. Pourtant, bien futile serait toute tentative d’échapper à cette augmentation du coût de la vie. Avec elle, le décor change, les repères se déplacent. S’il y a une vérité universelle en ce monde, c’est que seuls le temps et Superman sont inarrêtables. Mais c’est sans compter sur l’inflation inéluctable née des catastrophes des trois dernières années… Et, si pour éviter ces malheurs Superman n’aurait pas été superflu, c’est bien une super prime qu’il me faudrait pour affronter tous leurs effets. Car si l’argent ne fait pas le bonheur, l’inflation encore moins !
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{ BIBLIOGRAPHIE }
/ BIBLIOGRAPHIE / Ne faisons pas l’erreur de nous résigner à l’acquis ! En route pour une meilleure démocratie PAR NICOLAS KOWALSKI Vidéo en ligne : -GODIN T., « PITCH : Le pouvoir des partis politiques en Belgique. », bx1, 19 mai 2020 de 18:28 à 18:40, sur https://bx1.be/emission/pitch-thibaultgaudin-le-pouvoir-des-partis-politiques-en-belgique/, consulté le 15 mars 2022. Articles en ligne : -TOURIEL A. « Dotations publiques, cotisations des membres, revenus immobiliers... comment les partis politiques sont-ils financés ? », RTBF, 7 octobre 2021, sur https://www.rtbf.be/article/dotations-publiques-cotisations-des-membres-revenus-immobiliers-comment-les-partis-politiquessont-ils-finances-10801153, consulté le 15 mars 2022. -WALKOWIAK P., « Le financement des partis politiques reste fixé et contrôlé par… les partis », RTBF, 06 octobre 2021, sur https://www.rtbf.be/ article/le-financement-des-partis-politiques-reste-fixe-et-controle-par-les-partis-10789264, consulté le 15 mars 2022.
Nous sachons et autres turpitudes complotistes PAR CONSTANTIN DECHAMPS Articles en ligne : -ECO U., « Pour en finir avec la théorie du complot », Le Grand Continent, 24 décembre 2020, sur https://legrandcontinent.eu/fr/2020/12/24/ pour-en-finir-avec-la-theorie-du-complot/, consulté le 12 mars 2022. -Auteur non mentionné, « Les 8 théories du complot les plus connues », CNEWS, 01 juin 2020, sur https://www.cnews.fr/monde/2020-06-01/les8-theories-du-complot-les-plus-connues-772478, consulté le 12 mars 2022. -ZAGDOUN B., « "J'ai perdu ma mère" : ils racontent comment les thèses complotistes autour du Covid-19 ont contaminé leurs relations avec leurs proches », France Info, 24 octobre 2020, sur https://www.francetvinfo.fr/sante/maladie/coronavirus/temoignages-j-ai-perdu-ma-mere-ilsracontent-comment-les-theses-complotistes-autour-du-covid-19-ont-contamine-leurs-relations-avec-leurs-proches_4223483.html, consulté le 12 mars 2022. -Auteur non mentionné, « Biais d'intentionnalité », La Toupie, date non mentionnée, sur https://www.toupie.org/Biais/Biais_intentionnalite.htm, consulté le 13 mars 2022. -BERTRAND D., « Psychologie du complot : du normal au pathologique (carte blanche) », LE VIF, 24 novembre 2020, sur https://www.levif.be/ actualite/sante/psychologie-du-complot-du-normal-au-pathologique-carte-blanche/article-opinion-1360761.html?cookie_check=1647250616, consulté le 12 mars 2022. -WAGNER-EGGER P., « Comment lutter contre la prolifération des théories du complot ? », Conspiracy Watch, 05 mai 2021, sur https://www. conspiracywatch.info/comment-lutter-contre-la-proliferation-des-theories-du-complot.html, consulté le 12 mars 2022. Livre -VOLTAIRE, Dictionnaire philosophique, Paris, Gallimard, 1994, 560 p.
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Rémy Daillet-Wiedemann ou de ténébreuses affaires PAR GUILLAUME ERGO Encyclopédie universelle en ligne : -WIKIPEDIA, « Rémy Daillet-Wiedemman », https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9my_Daillet-Wiedemann#cite_note-11, consulté le 01/03/2022.
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We are Q : la folie des théories du complot américaines QAnon PAR PAULINE VAN DROOGENBROEK Articles en ligne : -MOSKALENKO S. & McCAULEY C., « QAnon : Radical Opinion versus Radical Action », dans Perspectives on Terrorism, Vol.15, No.2 (April 2021), pp. 142-146 sur https://www.jstor.org/stable/27007300?seq=1#metadata_info_tab_contents -OLSON K., « Empty flags and Fallen Angeli : Dante and the Imagery of the Capital Riots », dans Bibliotheca Dantesca : Journal of Dante Studies, Vol. 4, article 11, 2021, sur https://repository.upenn.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1082&context=bibdant -BAUERS S., « Penn researchers study why conspiracy theories are so believable », dans The Philadelphia Inquirer, publié en janvier 2013, sur https:// www.inquirer.com/health/covid-conspiracy-theories-annenberg-20220113.html -CONNER C.T. & McMURRAY N., « The Perfect Storm : A Subcultural Analysis of the QAnon Movement », dans Critical Sociology, publié le 09 novembre 2021, sur https://journals.sagepub.com/doi/full/10.1177/08969205211055863?casa_token=-LRLnlAPYIMAAAAA%3AGf4IOXD5-_pFgiKiwFUyue0o_ q1-Td4j1K3AD-5Q-YJrWm2XViYkd-4Rk0u7tYllQrH3QhX1lZMG Graphique : -PRRI Staff, « Understanding QAnon’s Connection to American Politics, Religion, and Media Consumption », sur https://www.prri.org/research/ qanon-conspiracy-american-politics-report/, consulté le 04 mars 2022. Vidéo sur Youtube : -BBC News, « What QAnon followers believe now », sur https://www.youtube.com/watch?v=jzsiDRP5gXc&t=2s, consulté le 20 février 2022.
Giscard d’Estaing, une présidence oubliée ? PAR ARTHUR WATILLON Ouvrage : -TANDONNET M., Histoire des présidents de la république. Vingt-quatre hommes et la France, Paris, 2013. Articles en ligne : -NADAU L., « Les grandes erreurs de VGE (et les quelques mesures à sauver) », Marianne, sur https://www.marianne.net/politique/les-grandeserreurs-de-vge-et-les-quelques-mesures-a-sauver, consulté le 11 janvier 2022. Vidéos en ligne : -DANSETTE C., « Valéry Giscard d’Estaing, un président au bilan économique contrasté », France 24, sur https://www.france24.com/ fr/%C3%A9missions/info-%C3%A9co/20201203-val%C3%A9ry-giscard-d-estaing-un-pr%C3%A9sident-au-bilan-%C3%A9conomiquecontrast%C3%A9, consulté le 10 janvier 2022. -JAIGU C., « Valéry Giscard d’Estaing : un destin inachevé », Figaro Live, sur https://www.youtube.com/watch?v=fp8UaGMHwfE&t=1054s, consulté le 09 janvier 2022. -NOTRE HISTOIRE, « Valéry Giscard d’Estaing, l’homme qui voulait être aimé. Un jour, un destin », YouTube, sur https://www.youtube.com/ watch?v=9Q4QoDs_n5c, consulté le 10 janvier 2022.
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