BLUE LINE FÉVRIER 2022
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SOMMAIR
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N°10
FÉVRIER 2022
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36 DROIT SILENCE
Ne manquez jamais une occasion de vous taire
DOSSIER VALEURS LIBÉRALES
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LA RESPONSABILITÉ Le prix de la grandeur
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L'INDIVIDUALISME Un principe mal aimé
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LA SOLIDARITÉ Est-elle bien appliquée dans notre société ?
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LE PROGRÈS Ligne droite vers le progrès
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L'ÉGALITÉ Leg’allité des chances : valeur en danger
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LE MÉRITE Il mérite une seconde chance LA TOLÉRENCE Tolérer l’intolérance ? Les nouvelles générations de plus en plus sceptiques D’autres fenêtres
OCCIDENT LIBERTÉS
Lumière sur les idées noires
CARTE BLANCHE
De 1815 à 1830 : L'hiver des libertés
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INTERNATIONAL POLITIQUE
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BIBLIOGRAPHIE
Louis in Paris
/ DÉRISION / E.P., l’Exo-Planétien
ÉDITO Chères lectrices, chers lecteurs, J’espère que votre session d’examen s’est bien déroulée et que votre travail sera récompensé par les résultats espérés ! L’année dernière, dans ce même magazine, nous vous avions rappelé que le libéralisme et la Liberté avaient besoin de nous, les libéraux, pour les défendre. Les dangers et les défis étant multiples. Toutefois, il nous semblait important de préciser que le libéralisme, bien qu’ayant la Liberté pour idéal, a besoin de toute une série de principes, d’idées, de valeurs qui doivent être mis à contribution pour l’appliquer concrètement. Le libéralisme est une cathédrale, mais cette dernière possède plusieurs chapelles. Ce sont donc toutes ces nuances, de conceptions et d’acceptations conceptuelles, que nos rédacteurs et rédactrices ont choisi d’explorer dans ce deuxième numéro de l’année académique, avec leur propre sensibilité. Aussi, l’importance du droit au silence sera rappelée dans un article consacré aux phases préliminaires des procédures judiciaires ; vous pourrez également découvrir la suite de notre série d'articles consacrés aux limites modernes de nos libertés en Occident ; pour ensuite vous attarder sur une carte blanche exposant l’émergence de certains mouvements libéraux. Je vous souhaite une bonne lecture et, au nom de toute l’équipe du Blue Line, une très heureuse et prospère année 2022 !
Constantin
{ DROIT SILENCE }
NE MANQUEZ JAMAIS UNE OCCASION DE
VOUS TAIRE PAR DERYA YANAR
Vous avez déjà tous entendu la célèbre phrase des films et feuilletons policiers américains : « Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une Cour de justice. Vous avez le droit à un avocat et d’avoir un avocat présent lors de l’interrogatoire. Si vous n’en avez pas les moyens, un avocat vous sera fourni gratuitement. Durant chaque interrogatoire, vous pourrez décider à n’importe quel moment d’exercer ces droits, de ne répondre à aucune question ou de ne faire aucune déposition. »
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{ DROIT SILENCE }
Il est intéressant de s’interroger sur l’origine de ce droit aujourd’hui reconnu dans notre droit belge. Le drame commence dans l’État de l’Arizona aux ÉtatsUnis, le 2 mars 1963, une jeune fille de 18 ans rentre chez elle à pied. Un homme circulant en voiture s’arrête et la force à monter dans l’auto pour l’emmener dans un endroit isolé en dehors de la ville où il la viole et la reconduit ensuite à quelques pâtés de maison de chez elle. Quelques jours plus tard, alors qu’elle regagne son domicile, accompagnée de son beau-frère, la victime pense apercevoir la voiture de son agresseur et avant qu’elle ne disparaisse, ils parviennent à noter une partie du numéro d’immatriculation. La police fait très vite le rapprochement avec un homme nommé Ernesto Miranda, d’ailleurs connu de la justice pour avoir été condamné à l’âge de 15 ans après une tentative de viol. Lors d’une parade d’identification organisée par la police, la victime ne le reconnait pas de manière formelle mais affirme que c’est le suspect qui ressemble le plus à son agresseur. Les policiers disent alors à Ernesto Miranda que la victime l’a identifié. À la suite de cela, il avoue avoir commis les faits. Bien que l’audition se déroule sans la présence d’un avocat, monsieur Miranda accepte de compléter un formulaire, il rédige et signe une déclaration dont il reconnaît les faits. Il indique aussi oralement être l’auteur d’un vol commis plusieurs mois plus tôt.
d’un avocat car il n’avait pas été informé de ce droit et qu’il n’avait pas non plus été mis en garde que ce qu’il dirait pourrait être retenu contre lui. Il défend le fait que son client n’a pas avoué de son plein gré les faits et que ses aveux ont donc été obtenus sous une certaine contrainte. L’argument est rejeté par le juge et l’accusé est déclaré coupable. Lors du procès pour viol, les aveux qu’il avait écrits et signés sont utilisés comme un moyen de preuve contre lui. L’avocat retente sans succès la même défense et soutient que son client a été privé des droits que lui confère la Constitution américaine. Ernesto Miranda est une nouvelle fois condamné. Son avocat interjette appel devant la cour suprême d’Arizona. Celle-ci retient que la confession n’est recevable qu’à partir du moment où le suspect a été informé au préalable de ses droits. La Cour suprême des États-Unis renverse la décision de la cour suprême d’Arizona et rend l’arrêt Miranda v. Arizona. Elle formule en outre ces mots : « Vous avez le droit de garder le silence. Si vous renoncez à ce droit, tout ce que vous direz pourra être et sera utilisé contre vous devant une Cour de justice. Vous avez le droit à un avocat et d’avoir un avocat présent lors de l’interrogatoire. Si vous n’en avez pas les moyens, un avocat vous sera fourni gratuitement. Durant chaque interrogatoire, vous pourrez décider à n’importe quel moment d’exercer ces droits, de ne répondre à aucune question ou de ne faire aucune déposition. »
Pour tous ces faits, il est donc placé en détention et inculpé deux jours plus tard. N’ayant pas les moyens de payer sa défense, Ernesto Miranda est assisté par un avocat commis d’office. Ce dernier mettra en évidence que son client n’a pas pu bénéficier de l’assistance
À ce stade, nous remarquons l’importance du droit à l’assistance d’un avocat durant la phase préliminaire de procédure. Ce droit nous est garanti par la Convention européenne des droits de l’homme en son article 6. Dans notre droit européen, nous avons connus beaucoup
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{ DROIT SILENCE }
d’affaires similaires où le droit à l’assistance d’un avocat n’était pas respecté. Après plusieurs années, la Cour européenne des droits de l’homme a fini par rendre un arrêt concordant avec l’arrêt Miranda v. Arizona. Il s’agit de l’arrêt de principe Salduz c. Turquie du 27 novembre 2008. Cet arrêt important dans le paysage juridique européen concerne un requérant mineur se plaignant de n’avoir pu bénéficier de l’accès à un avocat lors de sa garde à vue et de n’avoir pas reçu communication des conclusions du procureur général près de la Cour de cassation. En l’absence d’avocat, le requérant en garde à vue avait fait une déposition dans laquelle il se reconnaissait coupable. Or, la Cour établit que le droit d’accès à un avocat doit être garanti dès le premier interrogatoire par la police et même dès le moment du placement en garde à vue ou de la détention provisoire. Le droit à l’assistance d’un avocat durant la phase préliminaire de procédure est un droit fondamental. Il existe ce qu’on appelle le Syndicat des Avocats pour la Démocratie (SAD), celui-ci s’est battu pour que « ce droit soit inscrit de manière large dans la loi belge et qu’il soit effectivement accessible à tous. » Le rôle de l’avocat au sein de la justice est très important, il occupe un poste central dans l’administration de la justice. « Pour croire en l’administration de la justice, le public doit également avoir confiance en la capacité des avocats à représenter effectivement les justiciables ». D’ailleurs pour en donner un exemple, concernant le SAD, il est en effet volontairement intervenu dans le cadre d’un recours qui avait été introduit auprès de la Cour constitutionnelle et a contesté de très nombreux points abordés dans la loi « Salduz ». La représentation par un avocat inscrit au Barreau est prise en faveur de l’accusé et vise à garantir une bonne défense de ses intérêts. Néanmoins, au niveau de la phase préliminaire de procédure, le droit à l’assistance d’un avocat reste un droit et non une obligation. En effet, dans son arrêt Salduz, la Cour a ajouté que rien n'empêche une personne de renoncer de son plein gré aux garanties d'un procès équitable mais que cette renonciation doit se trouver établie de manière non équivoque et être entourée d'un minimum de garanties correspondant à sa gravité. Pour ce qui est de la recevabilité des preuves, les droits de la défense et le droit à un procès équitable sont, en principe, violés lorsqu’un suspect fait des déclarations au cours d’une audition par la police ou par le juge d’instruction ou lors de la reconstitution, sans avoir la possibilité d’être assisté d’un avocat ou d’avoir été informé de ce droit comme il est énoncé dans la célèbre phrase des récits américains. C’est d’ailleurs ce
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qu’il s’est passé dans les cas Miranda et Salduz, ou dans l’affaire Beuze, un autre arrêt très célèbre dans notre droit belge, ou encore dans plusieurs autres affaires similaires. Pour terminer, la liberté de choisir d’être assisté ou non d’un avocat existe dans de très nombreuses situations. Mais elle ne peut exister que s’il y a un risque que le justiciable ne soit pas correctement compris ou que ses intérêts ne soient pas respectés. Pour exemple, lors d’une audience préliminaire, il n’est pas nécessaire d’être représenté par un avocat – même si c’est vivement conseillé et que l’on doit informer les suspects de ce droit – alors que pour l’accusé devant une Cour d’assises, l’assistance d’un avocat est obligatoire en Belgique. Ceci étant, l’aide d’un avocat est en général préférable, surtout quand il s’agit d’une affaire compliquée sur le plan juridique. De plus, nous voyons bien que ce droit au procès équitable fait encore couler beaucoup d’encre car nous traitons encore aujourd’hui des arrêts démontrant que ces droits ne sont pas toujours respectés, comme l’affaire Beuze mentionné ci-dessus datant de 2018. Aussi, il n’existe pas toujours de disposition légale exigeant d’informer toute personne de ses droits, d’où l’importance des arrêts de notre paysage juridique qui ont eu une influence cruciale, tant en droit international qu’en droit belge, en rendant obligatoire la bonne information. Le droit de ne rien dire, de se taire est également érigé en droit subjectif, c’est un droit qui profite aux personnes et dont on peut se prévaloir pour son propre intérêt. Il est vrai que parfois nous pouvons nous autoincriminer, car nous ne connaissons pas tous forcément nos droits. Il existe aussi beaucoup d’affaires connues comme l’affaire Central Park Five, une affaire traitant d'une joggeuse de 28 ans agressée et violée en 1989 à Central Park. Sous le coup de la pression et des bavures policières au cours d’un interrogatoire de police, de jeunes innocents ont fini par succomber à la pression et avouer des choses qu’ils n’avaient pas commises. Cette affaire a d’ailleurs inspiré une mini-série qui est parue sur Netflix sous le nom « When they see us » et que je recommande vivement. Elle montre notamment que lorsque nous ne connaissons pas nos droits nous risquons de nous auto-incriminer sous la pression, c’est humain, nous sommes face à un interrogatoire de police, cela peut être une première épreuve stressante. Cette série forte en émotion montre aussi que bénéficier de l’assistance d’un avocat dès le début est judicieux, car c’est le rôle de l’avocat d’avertir son client, d’être à ses côtés et de l’aider à garantir et préserver ses droits. Enfin, le droit permet la régulation de la vie en société, il faut la préserver et préserver ces droits fondamentaux.
DOSSIER VALEURS LIBÉRALES Le libéralisme est volontiers raccordé à la liberté, parfois même confondu avec celle-ci. Certains de nos décideurs politiques manient d’ailleurs de temps à autre maladroitement ou avec ambiguïté certains concepts, historiques notamment, de notre chère doctrine. De plus, dans leurs universités, beaucoup de nos membres se sont déjà retrouvés désemparés face à l’incompréhension et aux préjugés qui sont souvent injustement imputés aux principes libéraux. Alors, qu’est-ce donc le libéralisme ? Quelles en sont les valeurs ? La liberté ? Bien qu’elle soit intrinsèquement attachée au dogme libérale, nous estimons qu’elle n’en est pas la seule valeur. Il nous est dès lors paru important de revenir sur ses autres valeurs qui ne sont pas nécessairement inscrites dans son ADN mais qui sont une part plus philosophique et morale de notre mouvement. L’optique de ce dossier n’est pas de fournir une explicitation scientifique et détaillée de la plume de Tocqueville ou de Hayek, mais nous avons plutôt sonder certains membres de notre fédération pour aborder avec chacun l’une des valeurs du libéralisme qui leur est particulièrement chère. Avec ces quelques pages, nous ne visons donc pas l’exhaustivité, mais procédons plutôt à une introspection des sensibilités libérales respectives de nos rédacteurs.
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LA ReSPONSABILITé
{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
LA RESPONSABILITÉ
LE PRIX DE LA GRANDEUR TOUT FAIT QUELCONQUE DE L’HOMME, QUI CAUSE À AUTRUI UN DOMMAGE, OBLIGE CELUI PAR LA FAUTE DUQUEL IL EST ARRIVÉ À LE RÉPARER. - Art. 1382 du code civil.
PAR LOUIS MARESCHAL
Dans les méandres d’une bibliothèque, parmi de vieux bouquins, le Code Napoléonien semble être comme immunisé contre la poussière ! Plus connu sous le nom de « code civil », l’édit en lui-même date de 1804. Autre époque, autre temps, autres mœurs. Pourtant, encore aujourd’hui, l’article 1382 dudit code constitue le fondement de la responsabilité civile dans notre droit belge. Un tel prescrit implique que l’on soit responsable non seulement de son fait, de sa faute, ou encore de sa négligence, mais également du fait des personnes ou des choses que l’on a sous sa garde.
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Les kolkhozes et sovkhozes étaient les modes d’exploitation agricoles collectivistes de l’ère soviétique.
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{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
Au début du XIXe siècle, juste au sortir de la Révolution française, dans nos contrées, la force étatique est alors autant indéniable qu’intouchable. Napoléon Ier est l’homme providentiel sur les épaules duquel repose un lourd fardeau : sauver la France. Une conjoncture aussi impériale laisse évidemment peu de place à l’individu en tant que personnalité juridique. Les droits de ce dernier, tant objectifs que subjectifs, ne représentent qu’une sorte d’éventualité dont il serait finalement bien bête de s’encombrer. Néanmoins, la question de la responsabilité de l’individu, comme nous l’avons (entre)vu, est quant à elle, déjà largement régie. Une extension sans limite de la sphère des risques, engendre le fait que tout ce qui relève d'un dommage ouvre droit à réparation. Il faut trouver une cause humaine à tout malheur, un responsable à tout écart, en d’autres termes : faire contre mauvaise fortune bonne responsabilité. Chers concitoyens, l’impératif est que vous soyez civilement, pénalement, moralement, politiquement, éthiquement, éco(logiquement), etc. responsables ! Si deux siècles auparavant, la critique du pouvoir public n’est alors réservée qu’à certains intellectuels à la plume facile, sachant manier le verbe et le pamphlet, à l’heure actuelle la prise de parole s’est démocratisée. Par conséquent, il convient de se demander si la question de la responsabilité ne doit pas être envisagée davantage selon et à partir de l’État. Au niveau national, le pouvoir de prendre les décisions se mérite et implique que certains doivent répondre de fautes ou de négligences qui leurs sont imputables. Il importe de réfléchir à une responsabilité politique qui ne rechigne pas à assumer ses erreurs, puisque dans l’absolu, elle ne craint jamais de revendiquer ses succès. Voici un rapide examen, non exhaustif, de la typologie des responsabilités politiques imaginées. La responsabilité de former des citoyens responsables en partant du constat qu’une responsabilité peut… en cacher une autre ! En réalité, l’État ne peut s’affranchir d’une part de responsabilité dans la formation de citoyens eux-mêmes responsables. Des citoyens qui sont en mesure de prendre leur destin en main, de choisir ce qu’il y a de meilleur pour assurer leur propre existence. L’un des outils essentiels pour ce faire réside bien entendu dans une éducation et un enseignement de qualité. La responsabilité de lutter contre le phénomène de « tiersmondisation » et plus généralement de paupérisation de la société en garantissant un train de vie digne à tous les habitants du Royaume. Selon une économie éminemment libérale, l’État plutôt que de s’opposer au marché doit encourager celui-ci en prenant le soin de veiller à ce que les contribuables soient adéquatement rétribués. >>
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{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
LES DÉCISIONS POLITIQUES NE DOIVENT JAMAIS ÊTRE HASARDEUSES. QUID PAR EXEMPLE, DE LA SORTIE DU NUCLÉAIRE PRÉCONISÉE PAR LES PARTIS ECOLO ET LE PS SI CE N’EST RIEN D’AUTRE QU’UNE UTOPIE OU UN FANTASME ? AUCUNE ÉTUDE SCIENTIFIQUE RIGOUREUSE ET ÉTAYÉE, CHIFFRES À L’APPUI, NE DÉMONTRE QUE CETTE SORTIE EST ÉCONOMIQUEMENT ET ÉNERGIQUEMENT TENABLE. PARALLÈLEMENT, CES MÊMES PARTIS ENCOURAGENT UNE TRANSITION TOURNÉE VERS PLUS D’ÉLECTRICITÉ ENCORE, COMME EN TÉMOIGNENT LES NOMBREUX JETS DE LAURIERS EN FAVEUR DE LA VOITURE ÉLECTRIQUE. CONSOMMER PLUS D'ÉLECTRICITÉ TOUT EN PRODUISANT MOINS D'ÉLECTRICITÉ. L’ENJEU EST POURTANT ÉNORME, CAR SI D’UN POINT DE VUE ÉNERGÉTIQUE, LA BELGIQUE N’EST PLUS CAPABLE DE RÉPONDRE À UNE DEMANDE GOURMANDE EN ÉLECTRICITÉ, QUI DÈS LORS EN PRENDRA LA RESPONSABILITÉ ? 10
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La responsabilité de tout simplement répondre de ses faits ou de ses négligences. À cet égard, envisageons quelques cas concrets. Qu’il s’agisse des inondations ou encore de l’épidémie de coronavirus, il ne peut y avoir de place pour l’impunité. Face à l’échec des mesures, le hasard des choses ne peut être tenu pour seul responsable. Qu’en est-il par exemple, de la sortie du nucléaire préconisée par les partis Ecolo et le PS si ce n’est rien d’autre qu’une utopie ou un fantasme ? Aucune étude scientifique rigoureuse et étayée, chiffres à l’appui, ne démontre que cette sortie est économiquement et énergiquement tenable. Parallèlement, ces mêmes partis encouragent une transition tournée vers plus d’électricité encore, comme en témoignent les nombreux jets de lauriers en faveur de la voiture électrique, « véritable panacée » de la crise climatique s’il en est. Consommer plus d'électricité tout en produisant moins d'électricité. À ce stade, je dénonce une sorte d'« anti-dialectique », une politique du « tout et son contraire » qui est inadmissible et absolument sidérante, d'autant plus lorsqu'il s'agit de questions d'intérêt collectif. Dans l'affaire du nucléaire, l’enjeu est d'ailleurs énorme, car si d’un point de vue énergétique, la Belgique n’est plus capable de répondre à une demande gourmande en électricité, qui dès lors en prendra la responsabilité ? Le politique ou une fois de plus, le portemonnaie des contribuables au travers des deniers publics ? La solution réside à mon avis dans un système où il ne s'agirait plus de faire, selon l'expression consacrée, de la « politique politicienne » mais uniquement de la politique responsable. Nous devrions réfléchir à la mise en place d'une structure décisionnelle au sein de laquelle, les ambitions personnelles des uns ne doivent jamais primer sur les intérêts d'un pays entier et de tous ses citoyens. Il n'est pas question d'utiliser la politique à des fins privées, de faire de celle-ci une sorte de carrière pour soi, complétement hermétique à toute considération relevant de l'intérêt général. Sans être démagogue ou populiste, il s'agit simplement d'inciter ceux qui nous gouvernent à la remise en question de leur (in)compétence face à l'échec de leurs (in)actions. Selon cette conjoncture, les politiciens ont des comptes à rendre à ceux qu'ils représentent. Un juste retour de manivelle lorsque l'on prend conscience des répercussions que peuvent avoir certaines décisions politiques. Au terme de la présente réflexion, à l'importance de veiller à la responsabilité individuelle de chaque citoyen, l'article 1382 du code civil peut être envisagé d'une autre manière selon laquelle : « Tout fait quelconque du politicien, de l'élu, de la personne en charge de prendre des décisions, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. » Au même titre que l’individu, le pouvoir public se doit de prendre ses responsabilités. En définitive, la responsabilité n’est ni plus ni moins, que le juste prix à s’acquitter si l’on désire un jour, bénéficier du mérite de la grandeur.
L'INDIVIDUALISMe
{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
L’INDIVIDUALISME, UN PRINCIPE MAL AIMÉ PAR CONSTANTIN DECHAMPS
Nous avons tous déjà entendu ces petites phrases disant que nous vivons dans un monde, dans une société « hyper-mega-ultra-individualiste » peuplée d’hommes et de femmes égoïstes ne s’intéressant pas à leurs semblables… Pourtant, ces idées reçues se fondent sur une certaine incompréhension de l’individualisme. Principe qui, s’il est bien compris, est un humanisme !
Aujourd’hui, l’individualisme assimilé à l’égoïsme est considéré comme le mal de notre siècle, tel un cancer envahissant la société et qui à terme mènerait à son éclatement, à son atomisation. Pour s’en prémunir, certains affirment qu’il faudrait revenir aux « identités collectives » et les réaffirmer afin de lutter contre ce principe qui conduirait les individus à choisir leur vie indépendamment du collectif. Précisons que l’égoïsme communément accepté peut s’entendre comme étant un « attachement excessif porté à soi-même et à ses intérêts, au mépris des intérêts des autres ». L’égoïsme ainsi défini risque donc de léser les droits naturels d’autrui. Dès lors le confondre avec l’individualisme est sans doute l’une des plus grandes
bavures intellectuelles qu’il puisse exister. Car, l’individualisme, ce n’est pas cela ! L’individualisme s’il consiste bien à vivre d’abord pour soi, doit aussi être compris, selon le philosophe Alain Laurent, comme étant, avant tout, une façon « de vivre par soi : de décider par soi-même de ce qui nous importe, de s’autodéterminer, de viser à l’indépendance d’esprit, d’assumer et revendiquer la responsabilité de soi ». Cette volonté de pleinement exercer notre capacité d’autonomie en décidant par nous-mêmes de ce qui nous importe permet ainsi d’échapper aux collectivismes les plus morbides qui ont émaillé l’Histoire moderne.
« Quand on veut vivre parmi les hommes, il faut laisser chacun exister et l'accepter avec l'individualité, quelle qu'elle soit, qui lui a été départie. » ARTHUR SCHOPENHAUER, APHORISMES SUR LA SAGESSE DANS LA VIE
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{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
L’Individualisme libéral
L’individualisme ainsi défini a toute sa place dans le mouvement libéral, ce dernier se l’étant approprié depuis sa création. Des penseurs comme Locke ont traité ces deux notions conjointement. Car l’individualisme permettant, assurant et garantissant un droit de propriété sur soi indispensable à la souveraineté individuelle et s’adressant à l’individu en général, autrement dit à tous les individus et pas seulement à « soi-même », est un allié de choix lorsqu’il s’agit de protéger la Liberté. Cela n’enlève pourtant rien à la dimension sociale de
l’Homme. Ce dernier étant un animal social, il serait absurde de prétendre au fait qu’il puisse vivre sans aucun contact avec autrui. En effet, c'est parce qu'il vit en société que l'homme est un individu. Mais l’individualisme, en présentant chaque individu comme unique et en le respectant comme tel au sein d’un groupe sans pour autant l’amalgamer à ce dernier, reconnaît cet individu comme étant « responsable », pouvant ainsi réparer, anticiper ou éviter les conséquences néfastes de ses actions. Souci des autres et responsabilité différencient ainsi l’individualisme de l’égoïsme et permettent un lien social authentique à la différence de la coercition collectiviste.
« L'individualisme,
bien entendu, n'est pas l'égoïsme, mais la pitié et la sympathie de l'homme pour l'homme et que je mets au défi qu'on nous propose une autre fin que celle-là. (...) L'individualisme ainsi entendu, c'est la glorification, non du moi, mais de l'individu en général. Il a pour ressort non l'égoïsme, mais la sympathie pour tout ce qui est homme. N'y a-t-il pas là de quoi faire communier toutes les bonnes volontés ?
»
ÉMILE DURKHEIM, L'INDIVIDUALISME ET LES INTELLECTUELS
L’individualisme au XXIe siècle siècle
Pourtant, l’individualisme comme principe et valeur « récemment » admise en tant qu’impératif au regard de l’Histoire, n’est pas un acquis. De l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par toute une série de mouvances, tous souhaitent amalgamer les individus à un grand (ou petit) collectif transcendant ces derniers. Gardons à l’esprit que ce sont de tels mouvements qui sont à l’origine des pages les plus sombres de notre Histoire.
Ce phénomène « d’atomisation » relève davantage de ce que Karl Popper appelle le « tribalisme », à savoir la juxtaposition de communautés homogènes et clauses en lieu et place de la société ouverte permettant à tout un chacun d’exprimer son individualité.
En tout temps, tous lieux, toutes places, toutes occasions exerçons notre « souveraineté sur soi », veillons à sa sauvegarde, pour nous et pour les autres, il s’agit là d’une des meilleures défenses de la Liberté.
L'accusation d'atomisation de la société, précédemment évoquée à l'égard de l'individualisme libéral, est dès lors infondée, puisque le libéral est favorable à toute forme d'association volontaire. Pensons aux multiples associations, syndicats, entreprises, clubs, cercles… qui se créent chaque jour sans qu’intervienne autre chose que le consentement libre des individus les composant.
« Individualisme : toujours forcené. » GUSTAVE FLAUBERT, DICTIONNAIRE DES IDÉES REÇUES
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{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
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LA SOLIDARITé
{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
LA SOLIDARITÉ EST-ELLE BIEN APPLIQUÉE DANS NOTRE SOCIÉTÉ ? PAR VICTOR HOSTYN
Dans ce texte, la valeur mise à l’honneur est la solidarité. Je pense que cette valeur me touche énormément car étant ancien scout, la notion de solidarité a été fortement développée au sein de mon unité que ce soit lors des réunions hebdomadaires ou durant les camps d’été, même si, cette valeur est plus présente durant les camps, au travers d’activités comme aller chercher du bois, donner un coup de main à des gens à proximité de notre camp, etc. Souvent, on se trompait en apportant notre aide, mais le plus important a toujours été de faire de notre mieux et notre maximum. Je crois sincèrement que cela m’a permis d’être plus compréhensif envers les personnes dans le besoin.
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{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
Pour traiter de cette thématique de la solidarité chère à mes yeux, nous aborderons tout d’abord le point de vue de MarieClaude Blais qui nous permet de comprendre dans quelle situation historique la solidarité est apparue et de quelle manière elle s’est développée dans notre société. Par la suite, nous verrons la différence entre la solidarité dite « volontaire » et dite « obligatoire ». Les deux derniers paragraphes s’attarderont sur la possibilité d’encourager la solidarité au travers d’asbl et sur les mesures qui peuvent être mises en place dans les écoles. Avant tout, selon le dictionnaire français Larousse, la solidarité est le « sentiment d'un devoir moral envers les autres membres d'un groupe, fondé sur l'identité de situation, d'intérêts ». Dans son article La solidarité, Marie-Claude Blais nous montre l’origine de la solidarité et nous explique pourquoi il s’agit d’une valeur importante. Elle constate que la solidarité traverse tout le 19e siècle français. « La solidarité s’est trouvée requise pour penser un problème désormais crucial : qu’est-ce qui peut faire lien entre des individus émancipés sans retour ? » Elle nous permet de comprendre que la question de la solidarité est présente depuis très longtemps dans notre histoire et nous montre également que la solidarité provient du droit. Grâce à elle, nous pouvons visualiser la naissance de cette valeur dans notre société. Ensuite, dans nos sociétés actuelles, nous pouvons différencier deux formes de solidarité : la solidarité dite « volontaire » qui est favorisée par le libéralisme et la solidarité dite « obligatoire » qui n’est à priori pas conforme aux principes du libéralisme. Certes, la solidarité obligatoire peut être mal perçue par le libéralisme, néanmoins ce qui en découle est extrêmement important pour les personnes qui se trouvent en situation de précarité. Les impôts des personnes favorisées vont permettre une meilleure situation de vie pour des milliers de familles belges. Mais ce qui m’intéresse bien plus, c’est ce que l’on appelle la solidarité « volontaire », car dans nos sociétés, nous retrouvons énormément d’associations sans but lucratif qui font appel à cette solidarité. Nous pouvons citer les célèbres Restos du Cœur qui durant l’année civile 2020 ont servi 420 000 repas et préparé 250 000 colis alimentaires. Ces chiffres
continuent d’augmenter et pour maintenir le fonctionnement des Restos du Cœur ou d’autres asbl, comme Médecins sans frontières qui œuvrent chaque jour pour sauver des vies, il faut continuer de favoriser une croissance de dons. Il est dès lors important que ce souci de l’entraide persiste notamment grâce à des campagnes de sensibilisation. Il faut montrer aux citoyens que la solidarité est une solution pour améliorer la société. Au sein des écoles, il est primordial de promouvoir une augmentation des entraides pour améliorer la vie des citoyens en difficulté. Ces aides peuvent être financières ou encore faites de simples dons. J’insiste sur le fait que chaque famille doit pouvoir participer selon ses capacités à ce genre d’initiative. En outre, d’autres actions peuvent être mises en place par les écoles, elles peuvent par exemple organiser des journées de solidarité en lien avec une asbl de leur ville. On a déjà vu des écoles distribuer des goûters Oxfam, utiliser de journaux de classe Amnesty, proposer des produits de l’association Îles de Paix ou Père Damien, récolter ponctuellement des vêtements ou des jouets pour les personnes immigrées ou plus démunies, etc. Il ne faut pas hésiter à développer encore davantage ce genre d’action. Les enfants comme les enseignants s’impliqueront eux-mêmes au sein d’une asbl. Cette augmentation du système d’aides en milieu scolaire ne serait pas mal vue par les élèves, car cela permet de développer chez eux dès leur plus jeune âge une certaine empathie et une vision peut-être plus réaliste de notre société. Cela permet aussi de mettre en place la liberté d’agir pour les autres et de créer un système de solidarité volontaire dès le bas âge. Finalement, même si notre société est remplie d’actions de solidarité, je pense qu’il ne faut pas cesser de promouvoir celles-ci. L’implication de chacun durant son temps libre au sein des asbl et les dons de chaque citoyen sont indispensables et afin d’éviter de potentielles futures pénuries, il est nécessaire d’encourager les gens au moyen de campagnes publicitaires. Par ailleurs, les écoles sont sans doute le meilleur endroit pour développer la vision du monde des enfants et les sensibiliser sur certains sujets d’actualité. Ces questionnements autour de l’entraide et des actions menées autour de celle-ci ne peuvent qu’être bénéfiques pour notre future société.
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Le PROGReS
{ DOSSIER VALEURS LIBÉRALES }
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LIGNE DROITE VERS
LE PROGRÈS PAR PAULINE VAN DROOGENBROEK
Notre monde et nos chercheurs ne cessent de nous épater. En avril dernier, Elon Musk a développé une puce électronique qu’il a introduite dans le cerveau d’un singe pour que celui-ci puisse jouer aux jeux vidéos. Mais le plan de Musk ne s’arrête pas là, bien que ces premiers essais furent prometteurs, le grand patron de Tesla a le projet d’implanter ces puces dans le cerveau de personnes paralysées afin qu’elles puissent à nouveau se mouvoir. Même si divers progrès peuvent susciter l’inquiétude de certains, d’autres se sont révélés utiles et nécessaires. Mais qu’est-ce que le progrès ? Quelle place occupe-t-il dans notre société actuelle et dans le mouvement libéral ?
Le progrès est une valeur et un concept fondamental dans notre société actuelle. Il se définit, selon le Larousse en ligne, comme « l’évolution régulière de l'humanité, de la civilisation vers un but idéal ; la transformation vers le mieux dans un domaine particulier, l’évolution vers un résultat satisfaisant, favorable ; ce qui marque une étape dans le sens d'une amélioration. » Il existe donc différents types de progrès tels que ceux liés aux technologies, à l’économie, au social ou encore à l’écologie. Ces différents thèmes seront abordés dans cet article. Afin de mieux comprendre ce concept et la place qu’il occupe dans le mouvement libéral, il est essentiel de le situer par rapport à certains pères fondateurs du libéralisme et de le placer dans son contexte. Adam Smith, un grand philosophe et économiste libéral du 18e siècle, s’intéressait déjà au progrès économique. Mais l’idée générale du progrès de la société était, chez lui, un thème principal et un principe qui structurait sa propre philosophie. Il donnait une unité à certains de ses développements moins connus tels que le progrès de l’esprit et de la connaissance de certaines sciences. Un autre théoricien du nom de John Stuart Mill, un penseur libéral parmi les plus influents du 19e siècle, défendait la nécessité d’un nouveau libéralisme qui se tournait d’autant plus vers le social, la justice et l’égalité. Il était très sensible au progrès du socialisme. Il définissait également la liberté comme le libre développement de soi qui dérive sur l’égalité des chances, un exemple typique du progrès actuel. Il soulignait également que le développement
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de soi et l’individualité contribuaient à fournir les moyens du progrès personnel tels que l’éducation, la participation et la protection sociale. Le mouvement libéral a bel et bien changé au fil des siècles, voire même des années. Le premier parti libéral belge qui fut créé en 1846, juste après l’indépendance de la Belgique, était l’un des deux plus grands partis politiques au côté du parti catholique. Ils ont fusionné, plus d’un siècle plus tard, dans le « parti de la liberté et du progrès ». En 1972, il se scinde en une aile flamande et une aile francophone qui deviendra le Parti réformateur libéral. Bien que les valeurs libérales n’ont jamais cessé d’évoluer et de progresser, le progrès est donc une valeur bien connue des libéraux même si d’autres tentent de faire croire le contraire. Tout d’abord le progrès technique, qui se définit par « un regroupement des innovations de nature technique apportant des perfectionnements aux produits ou aux procédés de production », est un principe fondamental pour le libéralisme.
En effet, toutes les innovations techniques contribuent souvent en même temps au progrès économique. Par exemple, ces innovations permettent le gain de la productivité et de la production de nouveaux produits qui vont déboucher sur de la concurrence et donc augmenter la croissance de l’économie. Elles vont également avoir un effet sur le travail car elles vont favoriser la création de nouveaux emplois. Nous avons d’ailleurs pu le constater lors de la révolution industrielle où l’on n’a cessé de créer de nouvelles inventions telles que la sidérurgie, l’automobile ou encore le chemin de fer. Ce progrès est donc bien implanté dans le mouvement libéral puisqu’il soutient toutes les nouvelles technologies d’aujourd’hui : la 5G, l’éducation à la société digitale, la transition numérique et une amélioration des technologies au service de la mobilité. Principalement axées sur le digital, ces innovations soutiennent donc une économie libérale centrée sur un marché ouvert et libre qui permet une concurrence entre les entreprises et une volonté de croissance économique.
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Ensuite, le progrès social occupe aussi une part centrale dans la philosophie du mouvement libéral. Celui-ci peut être défini comme un ensemble de différents moyens visant à améliorer les conditions de vie de l’être humain. Au fur et à mesure des années, notre monde ne cesse de progresser. Chaque être humain suit son temps et par conséquent, rencontre des besoins différents. Grâce aux technologies et à la science qui ne cessent de se développer, nous acquerrons nettement plus de savoirs. C’est pourquoi, il est naturel que notre société évolue également d’un point de vue social. Différents facteurs peuvent donc améliorer les conditions de vie de l’être humain au fur et à mesure du temps. La sécurité sociale, par exemple, qui regroupe différents thèmes tels que la famille, les pensions, la santé, le travail, le chômage, les aides CPAS, etc. est apparue en Belgique en 1941 et est toujours d’actualité aujourd’hui. Le mouvement libéral tient donc à garantir cette sécurité sociale. D’autres facteurs comme l’éducation, la justice, l’égalité des chances et la sécurité sont également traités au sein du mouvement. Une société plus juste, un accès pour tous à l’éducation, des salaires égaux et une éducation à la liberté sexuelle sont mis en place afin de favoriser les conditions de vie de l’être humain. Par la suite, le progrès écologique a lui aussi pris une grande place dans notre société depuis ces quelques dernières années. Ce sujet d’actualité au cœur de nos préoccupations actuelles est souvent synonyme d’inquiétude. Il n’est pas difficile de rapprocher la définition du progrès qui est « une évolution régulière de la société vers un but idéal, une transformation vers le mieux,
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une étape dans le sens de l’amélioration » et celle de l’écologie qui est « une position dominée par le souci de protéger la nature et l'homme lui-même contre les pollutions, altérations et destructions diverses issues de l'activité des sociétés industrielles. » Nous pouvons donc en déduire qu’il s’agit de moyens visant à améliorer, à transformer les destructions diverses issues de l’activité des sociétés industrielles vers une protection de la nature et de l’homme. Le libéralisme tente donc depuis quelques années maintenant de soutenir l’économie circulaire, une préservation des ressources naturelles et une éducation à la crise écologique. Comme nous avons pu le constater, bien que le progrès fût et demeure toujours une valeur importante du libéralisme, d’autres partis tels que les socialistes ou les écologistes tentent de s’attribuer le monopole de ce concept. En effet, lors d’une interview dans La Libre avec la coprésidente actuelle du parti Ecolo, Rajae Maouane, cette dernière a déclaré que seul son parti était capable de combiner les enjeux environnementaux et sociaux. Les partis libéraux d’aujourd’hui revendiquent-ils donc assez leurs idéaux comparé à leurs opposants politiques qui ne cessent de montrer leurs combats dans la sphère publique ? Effectivement, les partis de gauche ne cessent de s’afficher sur les réseaux sociaux en abordant uniquement des thèmes populaires et sociaux qui touchent un large public. Les libéraux devraient-ils davantage défendre et affirmer leurs positions jugées plus justes en matière d’écologie ? Afin de détricoter les clichés et faire face aux intentions des autres partis, ne serait-il pas essentiel de montrer plus ouvertement que le libéralisme ne se limite pas seulement à l’accroissement du capital mais qu’il se soucie également de s’améliorer dans le domaine social et écologique ?
L'égalité
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LEG’ALLITÉ DES CHANCES : VALEUR EN DANGER PAR NATHAN VOKAR
Un des principes fondamentaux du libéralisme est l’égalité des chances. En effet, dans notre société démocratique libérale, tout le monde a le droit aux mêmes chances. Ce pilier de notre système politique nous parait, à nous libéraux, impératif afin de garantir aux individus les mêmes opportunités. Nous croyons fermement dans un système où l’égalité doit être rétablie dès le plus jeune âge et dans toutes ses composantes (financière, géographique…). Une fois ce renouveau opéré, chaque citoyen peut travailler librement à la réalisation de tous ses rêves et s’émanciper. Sans cette égalité, une société méritocratique ne serait ni envisageable ni souhaitable car elle conditionnerait chaque nouveau-né dans une case et classe sociale tant prédéterminée que figée.
Mais qu’est-ce que l’égalité des chances ?
Cette égalité est-elle acquise dans notre société ?
Ainsi, nul ne peut être arrêté dans son cheminement par une considération déterminée. Cette vision égalitaire assure à chacun une remise au même niveau que les autres afin de lui éviter une discrimination totalement infondée.
Malheureusement, pour certaines catégories de personnes, l’inégalité des chances reste une réalité et cela dans divers domaines. Pour ce qui est de l’accès à l’emploi, pensons notamment aux femmes qui se voient plus facilement refuser un poste en raison de la possibilité qu’elles tombent enceintes. Songeons aussi aux personnes étrangères ou handicapées qui se voient parfois refuser le travail pour lequel elles postulent alors qu’elles disposent de toutes les qualités requises. Il y a également des inégalités en matière d’éducation, car bien que l’enseignement soit gratuit en Belgique, certains étudiants >>
L’égalité des chances peut être définie, selon une définition proposée par le site latoupie.com, comme « une vision de l’égalité qui cherche à faire en sorte que les individus disposent des mêmes chances, des mêmes opportunités de développement social, indépendamment de leur origine sociale ou ethnique, de leur sexe, des moyens financiers de leurs parents, de leur lieu de naissance, de leur conviction religieuse, d’un éventuel handicap… »
À titre d’exemple, ce principe permet de rétablir l’égalité entre une personne handicapée et une personne en parfaite santé. On peut aussi citer le rapprochement égalitaire qui surviendrait entre une personne n’ayant pas bénéficié du même niveau d’éducation que son prochain.
Bien que cette valeur libérale ne soit pas encore totalement acquise dans notre société, des efforts ont été consentis. La création du centre interfédéral pour l’égalité des chances (Unia) en atteste. En effet, ce centre d’études recense les différentes inégalités et essaye de trouver des solutions afin d’y remédier. L’institut d’étude conseille les personnes discriminées, travaille sur la législation en proposant des lois et répertorie les discriminations subies.
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valeureux doivent travailler pour financer leurs études supérieures alors que d’autres peuvent se permettre plus de loisirs. Plus généralement encore, citons les personnes issues de quartiers défavorisés pour qui la réussite est parsemée d’embûches tant il est parfois compliqué d’outrepasser les stéréotypes et clichés.
Comment remédier à cette inégalité ?
Comme dit précédemment, il nous faut impérativement remédier à cette situation. Les solutions à mettre en place sont complexes à trouver car il est important de cibler correctement le problème afin d’y apporter la solution adéquate. Des mesures financières permettraient sans aucun doute de rétablir un certain équilibre pour les personnes issues des classes sociales les plus défavorisées. Toutefois, la meilleure mesure reste sans doute l’évolution des mentalités car c’est la seule politique pérenne qui permettrait aux discriminés de s’affranchir des stéréotypes et préjugés qui les étiquettent. En 2022, il est grave qu’une inégalité de traitement entre les hommes et les femmes subsiste encore, qu’une distinction intellectuelle entre une personne atteinte d’un handicap moteur et une autre valide soit toujours opérée ou qu’un être humain soit moins considéré qu’un autre car il est issu d’un quartier dit « difficile ». Cette problématique est transversale et touche tous les pans de notre société, c’est pourquoi il serait plus que nécessaire d’y remédier. L’éducation joue un grand rôle dans ce problème, il serait donc intéressant de revoir l’endroit où ces stéréotypes sont fondés et tenter de les balayer à coup d’apprentissages dès le plus jeune âge. De plus, je pense que la publicité pourrait favoriser l’émergence d’un sursaut populaire plus appréciable. En effet, diverses campagnes numériques percutantes permettraient de réaffirmer tant les valeurs liées à l’égalité des chances que le non-sens que
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présentent certains stéréotypes. Enfin, dans le cas où des abus seraient détectés, il serait opportun de sanctionner les coupables. Ces sanctions ne devraient en aucun cas devenir la norme et il faudrait impérativement les encadrer, mais dans la mesure où elles permettraient de protéger certaines catégories de personnes qui se voient priver de leurs droits, possibilités d’emploi… pour de sombres considérations, elles constitueraient un outil très utile. Ainsi, lorsqu’un candidat à un poste se voit refuser le travail pour lequel il postule et que ce refus émane directement d’une considération ayant attrait à ses origines, son sexe ou son milieu social alors que ce candidat convient parfaitement au poste et présente toutes les qualités requises, une voie de recours effective devrait lui être offerte afin qu’il se voit réhabiliter du droit qu’on lui conteste et qu’il prétend pouvoir bénéficier. Cela existe déjà, dans le cas précité, le travailleur discriminé peut intenter une action devant le tribunal du travail mais on méconnait souvent l’existence de cette procédure et il peut parfois être complexe de s’aiguiller dans le cheminement judiciaire. Dès lors, il serait pertinent de revoir ce mécanisme afin de le perfectionner et d’éviter une telle situation de se reproduire. De plus, le discriminé qui gagne se voit accorder une indemnité financière mais n’accède pas à l’emploi qu’il ambitionne, preuve que cette discrimination n’est jamais vraiment réparée et que la personne lésée n’est que partiellement indemnisée. Le lutte contre ces inégalités doit nous préoccuper chaque jour car elles constituent un frein obstruant les valeurs auxquelles nous tenons et empêchent chaque membre de notre société d’exploiter pleinement son potentiel, ses capacités et de devenir un acteur émancipé donc heureux de notre société. Espérons qu’à l’avenir cette égalité intrinsèquement liée à nos valeurs soit réaffirmée de manière pérenne et soit exempte de tout danger.
Le MéRITe
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IL MÉRITE UNE SECONDE CHANCE.
SURTOUT LUI ! PAR BASILE PUNTELLINI
De tout temps la valeur du mérite fut sujette à l’admiration par les uns et au mépris par les autres. Si le mérite soulève tant de débats et fait couler tant d’encre, s’il reçoit tantôt des éloges et tantôt des diffamations, s’il est tantôt appliqué en politique et tantôt boycotté, s’il est tantôt considéré comme une valeur intrinsèque à la création de toute forme d’excellence et de vertu ou au contraire comme l’incarnation même de l’inégalité et de la discrimination ; c’est à cause de son caractère profondément naturel, de facto, profondément complexe. Penchonsnous ensemble sur cette valeur libérale qui est tant mise à mal de nos jours. Le mérite mérite en effet une seconde chance.
Le mot « mérite » a pour racines deux mots latins : mereo, être digne, obtenir, et meritum, la récompense. En se penchant sur son étymologie, le terme « mérite » prend tout son sens. Le mérite, c’est ce qui rend quelqu’un (ou sa conduite) digne d’estime, de récompense. C’est donc une valeur qui va inciter à offrir à quelqu’un, en vertu d’un accomplissement jugé louable et bénéfique, quelque chose en retour. Le mérite est donc indissociable de la notion de récompense.
Guerrier, prêtre et artiste
Que ce soit à l’Antiquité où les légionnaires romains étaient récompensés en terres pour leur service, que ce soit au Moyen-Âge où les guerriers vertueux étaient récompensés en étant adoubés chevaliers, ou que ce soit aux Temps Modernes où les soldats les plus courageux et valeureux de la Grande armée napoléonienne recevaient la Légion d’Honneur (encore en vigueur en France aujourd’hui), le mérite, par son caractère naturel et donc archaïque, a toujours entretenu des rapports étroits avec la guerre. En effet, traditionnellement, les actes héroïques étaient estimés dignes de récompense. Cependant le mérite ne se limite pas aux combattants. Les saints, les écrivains, les poètes, les artistes, tous furent récompensés d’une façon ou d’une autre pour leur accomplissement, leur œuvre. Il est bien sûr évident que ce qui est jugé comme « vertueux », « méritant » répond à un prisme moral. D’une époque à l’autre, d’un lieu à l’autre, d’un contexte à l’autre, les critères de vertu varient. Les sociétés se différencient. Elles condamnent ou récompensent ce qu’elles jugent comme étant malfaisant ou bienfaisant pour le bien commun. Le mérite est donc une valeur qui dépend d’un contexte social, de fait, il répond >>
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aux nécessités contextuelles en vigueur. En des temps plus chaotiques et dangereux, la figure du guerrier était considérée comme digne de mérite car elle protégeait la société de divers ennemis. En des temps de crise morale, la figure du saint rétablissait l’ordre entre le sacré et le profane. Quant à la figure de l’artiste, celle-ci, créant de la beauté par son œuvre, était élevée au rang de génie créateur. Malgré une influence du contexte social conséquente, on peut dégager des lignes directrices générales visibles dans n’importe quel contexte. Ce qui est jugé comme étant vertueux, digne de valeur sont : les actes ou personnes protégeant la société, les actes ou personnes rétablissant l’ordre moral, les actes ou personnes créant de la beauté.
Mérite et aristocratie
L’aristocratie, du grec aristoi, les meilleurs, et kratos, le pouvoir, est aux origines de l’humanité une méritocratie. En effet, les personnes jugées dignes de mérite devenaient des membres de l’élite et participaient plus ou moins au pouvoir en place. Cependant avec le temps, l’aristocratie a développé un principe fondamental rompant avec la valeur du mérite : l’hérédité. La logique était que si une personne avait été jugée comme étant vertueuse ou digne de mérite, sa descendance, voire sa famille, devait posséder sûrement cette même « fibre ». Si le père avait atteint une forme d’excellence, ses enfants en atteindraient une probablement un jour aussi. Pour justifier ce népotisme, car il est évident que les qualités, qu’elles soient morales, physiques, intellectuelles ou artistiques ne se transmettent et ne se partagent pas nécessairement au sein d’un noyau familial, ces familles élitistes ont dû trouver
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voire inventer des raisons justifiant leur position ainsi que leur domination. Un exemple très connu est la monarchie absolue de droit divin de Louis XIV, ce dernier légitimait son pouvoir par un lien de filiation entre lui et Dieu. Le mérite, par son attachement originel avec l’aristocratie, a été assimilé à tort et à raison à cette dernière. L’aristocratie, c’est la méritocratie qui tend à s’éterniser. Pourtant si l’aristocratie est héréditaire, la méritocratie, elle, est intransmissible.
Révolutions
À l’aune de la Révolution française, la haine grandissante du Tiers État et de la bourgeoise envers une noblesse décadente loin de répondre au principe de méritocratie, a fondé un terrible amalgame : le mérite était indissociable de la noblesse. Cependant, certains penseurs des Lumières comme Voltaire, ce dernier ayant reçu une éducation jésuite, elle-même inspirée de la méritocratie chinoise, ont décidé de remettre le mérite au centre de la question de la gouvernance. Après la Révolution, le mérite devient une promesse de la République. Napoléon conserva cette promesse lorsqu’il fonda l’Empire. Tout Français, nonobstant de ses origines sociales, pouvait monter dans la hiérarchie militaire ou gouvernante. Pourtant, bien que le blason du mérite fut redoré, l’égalité, autre valeur intrinsèque des idées de la Révolution, vint lui ternir son image. En effet, le mérite est tout le contraire de l’égalité car il établit une hiérarchie entre individus par les compétences personnelles,
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ce qui implique que tout le monde n’a pas les mêmes talents, que certains même n’en possèdent pas. Or, le principe d’égalité, et avec lui la pensée égalitariste, considère que tous les individus se valent.
De nos jours…
Lors de la révolution russe, les révolutionnaires bolchéviques, répugnés par l’aristocratie russe, seront plus catégoriques que les Français : considéré comme un outil aristocrate servant à opprimer la collectivité, le mérite devient intolérable.
Il suffit d’écouter les discours de la pensée intellectuelle égalitariste actuellement dominante dans les médias pour dresser ce constat. Chacun se vaut, il n’y a pas de différences entre les êtres et si l’on ose défendre l’antithèse de ce réquisitoire, on défend entièrement les injustices sociales et les discriminations.
Un égalitarisme dangereux
Selon Nicolas Berdiaev, penseur russe du début XXe siècle, dans De l’inégalité, la pensée égalitaire est basée sur une confusion entre le concept d’individu et celui de personne. L’individu se conçoit comme un simple numéro dans le règne de la quantité. Le pur individu appartient à une masse où tout occupe la même fonction. Chaque individu de cette masse s’équivaut. La personne, elle, appartient à un tout où elle occupe sa fonction qui est propre à ses qualités. La personne est l’individu différencié par la qualité, avec son visage, sa nature propre et une série d’attributs qui le font être lui-même, le distinguent de tout autre et le rendent donc fondamentalement inégal. Chaque personne ne s’équivaut pas. Pour donner un exemple, le corps humain est un tout dans lequel chaque partie a une place et une fonction bien particulière : la main a une autre fonction que le pied, elle ne lui est pas égale et ses deux membres ne peuvent être interchangés sans que cela ne produise de graves perturbations dans le corps. Alors qu’un tas de sable est une simple masse puisqu’on peut en retirer chaque grain de sable indifféremment sans que cela ne produise aucune perturbation dans cet agrégat. Pour citer Berdiaev répondant aux égalitaristes bolchéviques : « Vous définissez l’homme par ce qu’il a de commun avec tous les autres : deux jambes, deux bras, un nez, etc. Aussi échappe-t-il à votre regard ; ce qui fait l’homme, c’est bien davantage ce par quoi il ne ressemble à aucun autre. » Vouloir l’égalité absolue, c’est donc vouloir l’informe et le règne de la quantité alors qu’admettre l’inégalité c’est dépasser la quantité et poser la qualité.
Les sociétés occidentales du XXIe siècle, fort de l’influence des idées égalitaristes française et russe, considèrent le mérite comme une valeur d’oppression.
Pourtant, comme vu précédemment avec Nicolas Berdiaev, l’égalitarisme est un mouvement qui veut imposer une égalité absolue et ce faisant, qui veut supprimer les différences entre les personnes et donc la notion de personne elle-même. Pour que le mérite soit revalorisé dans nos sociétés, il faudrait arrêter de diaboliser la différenciation entre les personnes et l’acquisition inégale des compétences, et surtout arrêter de rechercher l’égalité absolue dans tout. Chacun est différent et personne ne possède les mêmes talents. Si le mérite revient au centre des priorités, c’est toute la société qui en profitera. En effet, le mérite, en acceptant les différences entre les individus, permet de promouvoir l’élargissement et donc le développement des compétences. Celles-ci permettront donc de développer la société, et ainsi améliorer notamment les conditions de vie. Le mérite au fond est une réelle justice sociale offerte aux humains favorisant l’évolution, bien plus que l’égalitarisme qui, par sa suppression des différences, contribue à une régression. Il est vrai que le mérite est par nature discriminant, cependant qu’est-ce qui ne l’est pas ? Le simple fait de choisir est discriminant. Une personne en choisissant une chose en rejette forcément une autre. L’amour lui-même est par nature discriminant bien qu’il repose sur de l’affect. Une personne en choisissant un partenaire amoureux exclu forcément toutes les autres personnes par son choix. Choisir, tout comme aimer, sont des actes qualitatifs et personnels. Il en va de même pour le mérite.
Selon Berdiaev, vouloir la fin de l’inégalité, c’est vouloir effacer la différence entre les intelligents et les sots, les beaux et les laids, les nobles et les vils, les doués et les incapables, ceux qui ont de la grâce et ceux qui n’en ont pas, c’est souhaiter la régression et l’informe.
Cependant afin d’éviter de nouvelles dérives, le mérite ne doit pas être établi sur de l’affect comme c’est le cas pour l’amour ou pour des choix subjectifs. Il doit être déterminé par des critères objectifs et approuvés par la collectivité. Ces critères devront pourtant répondre à un prisme moral dépendant d’un contexte sociétal. En effet, l’établissement du bienfait d’un acte dépendra de ce qu’une société donnée juge bénéfique pour elle-même.
Ainsi puisque l’inégalité est au cœur de la vie humaine et sociale nous dit l’auteur, tout ordre vital est par nature hiérarchique et a sa méritocratie. Tous les hommes ne se valent pas, tout est qualitatif, personnel et unique, de fait tout répond à un ordre hiérarchique.
La qualité doit prendre l’ascendant là où règne la quantité, au risque d’exclusions. Pour ce faire, remettons le mérite au centre de nos priorités, non pas pour établir une aristocratie nouvelle et corrompue, mais pour donner une chance d’émancipation à chacun. Il en va de l’évolution humaine.
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LA TOLéRANCe
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TOLÉRER L’INTOLÉRANCE ? LES NOUVELLES GÉNÉRATIONS DE PLUS EN PLUS SCEPTIQUES PAR MOUNA SWAELENS-AZZOUZ
La « tolérance », un mot qui peut avoir beaucoup d’interprétations. Le Robert de Poche définit la tolérance comme le « fait de respecter les attitudes différentes des siennes, la liberté d’autrui en matière d’opinions. » Depuis toujours, nous avons fait évoluer nos manières de penser ; dans le même temps, nous n’avons jamais fait plus attention à ce que l’on dit qu’aujourd’hui. Les mots ont un sens fort et la sensibilité de chacun est devenue importante pour tous ou presque. Pourtant d’aucuns accusent que depuis quelques années nous n’avons plus de tolérance vis-à-vis de l’opinion de chacun, que le scepticisme est devenu un défaut avec entre autres l’arrivée du coronavirus dans l’échiquier de la sphère sociétale qui a exacerbé la défiance, la méfiance et les doutes sur un grand nombre de thématiques.
Les jeunes sont-ils plus ou moins hostiles aux différences ? Une partie de la génération Z, nom donné aux jeunes gens nés entre 1997 et 2012, ne se sent plus concernée par les attaques des nouvellement appelés « antifas ». Pour ces jeunes, les accuser d’homophobie ou de racisme par exemples, n’a pas de sens, car ces accusations se basent sur des arguments passés, fondés sur de vieilles valeurs chrétiennes ou sur une croyance d’infériorité de l’autre qui évidemment existent toujours, mais qui ne sont pas représentatives des personnes de cette catégorie d’âge. Pour autant, les générations actuelles ne sont ni plus, ni moins intolérantes que leurs parents ou leurs grands-parents. Le curseur s’est déplacé vers d’autres débats comme la crise migratoire ou la sécurité. Les sujets préoccupants une partie des jeunes populations se portent désormais davantage sur les problèmes d’immigrations.
SUR CETTE LISTE SE TROUVENT DIVERS GROUPES DE POPULATION. POURRIEZ-VOUS S’IL VOUS PLAIT MENTIONNER CEUX QUE VOUS NE VOUDRIEZ PAS AVOIR COMME VOISINS (% MENTIONNANT « DES TRAVAILLEURS IMMIGRÉS/ÉTRANGERS ») 1981
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SUR CETTE LISTE SE TROUVENT DIVERS GROUPES DE POPULATION. POURRIEZ-VOUS S’IL VOUS PLAIT MENTIONNER CEUX QUE VOUS NE VOUDRIEZ PAS AVOIR COMME VOISINS ? (% MENTIONNANT « DES HOMOSEXUELS »)
15 - 29 ANS
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Nous constatons au demeurant que les jeunes ne sont pas si ouverts que nous l’aurions imaginé. Serait-ce en réponse à un manque d’ouverture à leur égard ? Dans un sondage publié par RTBF-Kontar, 46,9% des 25-34 ans avaient répondu vouloir avoir à la tête de leur État « un seul leader fort ». La RTBF les avait alors dénommés les : « démocratico-sceptiques ». Pourquoi le scepticisme est-il passé d’une pensée philosophique à une discréditation obligatoire de la personne qui doute ou qui émet un doute ? En philosophie moderne, « les sceptiques » ne reniaient pas l’existence de Dieu, qui avait à l’époque une place plus sacrée qu’aujourd’hui, mais ils pensaient qu’il fallait pouvoir avoir une certaine mesure, ne pas être catégorique, car il n’y a point d’évidence, point d’infaillibilité même pour la personne la plus érudite. En effet, pour faire progresser la société, nous essayons continuellement d’apprendre de nos erreurs et de trouver des réponses à nos interrogations. Les peurs et les questionnements intrinsèques à nous, êtres humains, font qu’au sein de cette même société, nous faisons sans cesse évoluer les questions pour obtenir de nouvelles clefs de réponses. Malheureusement, aujourd’hui, les sensibilités semblent exacerbées. Chaque discours, chaque mot, est analysé, voire sur-analysé, en fonction des sensibilités particulières de chacun et jugé à
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l’extrême, au point que nous pourrions en venir à nous demander si tout cela n’entraverait finalement pas la libre parole et la libre opinion. Nous devons faire attention à l’emploi de plus en plus systématique de termes à la limite de l’insulte employés pour décrire des personnes qui ne pensent pas comme nous. Car si nous pouvons tous regarder vers une même direction, nous regardons rarement du même point. La tolérance envers les autres est aussi profondément liée avec la manière dont on espère être traité soimême. Il s’agit d’une valeur humaine fondamentale qui est en perpétuelle transformation. Deux directions de pensées sont à l’œuvre quand on parle de pronostiques pour l’avenir en ce qui concerne l’acceptation d’autrui dans toutes ses formes : une attitude éprise d’espoir qui prévoit des niveaux croissants de tolérance ; et à l’inverse, une attitude plutôt défaitiste ou partisane qui prédit des niveaux stables ou carrément en baisse. Espérons que ce soit la première qui ait gain de cause et que chacun parvienne à développer son ouverture d’esprit et son dialogue avec autrui. Car la tolérance n’est-elle finalement pas un échange, un échange de respect, d’égalité et d’acceptation de l’autre qu’il ait ou non les mêmes valeurs que nous ? La tolérance, c’est peut-être et simplement admettre que chacun a le droit de défendre les valeurs qui lui sont propres.
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D’AUTRES FENÊTRES… PAR NICOLAS KOWALSKI
Se remettre en question, sortir de sa zone de confort et s’intéresser à d’autres horizons est fondamental dans le développement de chacun. Voici dès lors quelques fenêtres pour vous permettre de voyager dans l’immense océan des idées.
ROMAN
Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon Jean-Paul Dubois, 2019. - Prix Goncourt 2019
Le roman raconte la vie de Paul, un jeune prisonnier au passé difficile qui raconte son histoire. Il avait trouvé le bonheur dans l’amour et la simplicité mais un évènement perturbateur vient tout bousculer. Son monde tombe et il finit par commettre l’irréparable qu’il ne regrette pas. Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon secoue les codes moraux traditionnels pour plonger dans la dure réalité des inégalités.
Ce véritable coup de cœur de la littérature lui a valu le prix littéraire le plus prestigieux, je ne peux que le recommander pour se ressourcer en émotions.
OUVRAGE SCIENTIFIQUE Repenser la solidarité Serge Paugam, 2011.
Les auteurs dirigés par Serge Paugam dressent l’histoire complète de la solidarité au travers de près de mille pages sous différents angles : « Solidarité et justice sociale – Que peut-on attendre des solidarités familiales ? – Renouer le lien entre les générations – Sortir de la crise de la société salariale – Combattre le racisme et les discriminations – Lutter contre les ségrégations urbaines et scolaires – Répondre à la souffrance : le proche et le lointain – Quel modèle d'État-providence ? » Ces huit parties sont les thématiques principales qui se rapportent à la solidarité. Subdivisée en plusieurs chapitres, chaque partie explicite la nécessité de la solidarité et son application actuelle.
Aucun scientifique ne peut prétendre ni à l’exhaustivité ni à la neutralité pourtant, cet ouvrage en sciences sociales s’est prêté à l’exercice. Ce livre nous force à la réflexion à l’aide d’outils académiques, ce qui ne peut être que bénéfique pour des étudiants libéraux.
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FILM
Dallas Buyers Club Jean-Marc Vallée, 2013.
Ce drame américain se déroulant dans les années 80, en pleine épidémie de sida, raconte l’histoire d’un macho homophobe et drogué qui se découvre séropositif pour sa plus grande surprise. Il devient ensuite contrebandier de médicaments étrangers interdis aux États-Unis et se lie d’amitié avec une transgenre en s’associant avec elle. Ensemble, ils vont permettre à toute la communauté homosexuelle de se fournir en médicaments. Sa perception de l’homosexualité va changer durant son parcours ce qui va lui valoir un certain mépris des camarades de son ancienne vie.
En plus de la tolérance et du droit à l’accès aux soins de santé, l’esprit d’entreprise est une valeur sousjacente au film ce qui, je l’espère, vous divertira.
OUVRAGE CLASSIQUE Condition de l'homme moderne
Annah Arendt, 1958.
Dans un de ses ouvrages les plus retentissants, qui est aussi un des plus grands piliers de la pensée politique moderne, Annah Arendt nous expose que l’essence de l’homme se déroule dans l’action et qu’il ne faut faire « rien de plus que penser ce que nous faisons ». Annah Arendt distingue trois formes d’activités qui sont indispensables à la condition humaine : le travail, l’œuvre et l’action. L’action rassemble les hommes et leur pluralisme, ce qui est fondamental pour la vie politique. Elle y aborde des concepts politiques, des valeurs et des idéologies que chaque libéral devrait avoir dans son esprit.
Il est parfois nécessaire de revenir à des classiques... Arendt n’a pas vocation à donner une vérité absolue mais plutôt à nous donner les clefs pour nous élaborer notre propre vérité.
RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE Responsabilité - réactiver la responsabilité individuelle Alain Laurent, 2020.
S’inspirant des grandes théories de la responsabilité individuelle classique, l’auteur nous dresse une vision beaucoup moins pessimiste de la responsabilité que sous le prisme des enjeux et du réductionnisme moderne. En effet, les sciences, la technologie, les recherches sociologiques privent les individus du pouvoir de choisir, ou du moins, leur donnent l’impression que leurs choix ne sont plus, ou de doivent plus être, pris par eux-mêmes, qu’ils n’en sont pas capables. Dans cet ouvrage, vous allez vous apercevoir que la responsabilité individuelle n’est pas à ranger au grenier mais qu’elle est, bien au contraire, toujours d’actualité.
La responsabilité individuelle est une valeur qui fait consensus chez les libéraux. Maintenant, c’est à vous de l’interpréter et de la défendre haut et fort. 27
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SOMMES-NOUS ENCORE RÉELLEMENT
LIBRES EN OCCIDENT ? PAR DYLAN N’KITA ET MARIE VAN OVERMEERE
Épisode 2e :
REPÈRES HISTORIQUES DU LIBÉRALISME EN OCCIDENT Le libéralisme est une philosophie de vie qui existe depuis presque le tout début de notre ère. Traversant les siècles, on peut en observer des prémices dès l’Antiquité. Socrate aurait été le premier homme à prononcer officiellement des idées invoquant une conception quasi libérale. Le parcours du libéralisme est donc très long et périlleux entre les différents empires, les périodes d’autoritarisme et les multiples guerres. Nous n’allons pas retracer toute l’histoire du libéralisme tant les définitions qu’on a pu lui donner au fil des siècles sont nombreuses. Nous allons plutôt rappeler les moments clés du libéralisme à partir du siècle des Lumières, en passant par la révolution industrielle, les deux guerres mondiales, la guerre froide, les seventies, jusqu’à aujourd’hui.
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Aux 17e et 18e siècles, qu’on appelle également le siècle des Lumières, naît la pensée libérale telle que nous la connaissons aujourd'hui. Cette pensée se définit comme étant une « doctrine politique visant à limiter les pouvoirs de l'État au regard des libertés individuelles » (Larousse). La volonté prédominante à l’époque des Lumières était de se défaire de la grande influence de l’Église. À cette époque, un philosophe, John Locke, pose avec La lettre sur la tolérance (1689), les fondements de la philosophie libérale moderne par sa théorie sur l'État de droit. Un État de droit, tel qu’expliqué par John Locke, est un État dans lequel les individus possèdent une série de droits naturels, où les pouvoirs de l’État sont limités et séparés, où la désobéissance civile peut être justifiable et où la conscience est libre. Cette révolution philosophique face à l’absolutisme de droit divin de la monarchie en France aboutira petit à petit à la Révolution française en 1789. À la suite de celle-ci naîtra un texte fondamental : la Déclaration universelle des droits de l’homme et du citoyen qui est interprétée à cette époque comme un rappel du droit naturel et des libertés économiques. Durant la révolution industrielle, au 19e siècle, les libéraux modernes approfondissent leurs idées et les diffusent largement afin de rabaisser au maximum la puissance de l'État. Les premières doctrines libérales émergentes à cette époque mettent en avant les valeurs de travail et de mérite s’opposant aux privilèges et à l'arbitraire, au mercantilisme, et au capitalisme oligarchique du clergé et de la noblesse. Après la Première Guerre mondiale (19141918), et surtout avec la crise économique de 1929, la philosophie libérale va se retrouver fortement contestée par des évènements précurseurs, comme la révolution russe (1917), mais également par l’émergence du fascisme et du national-socialisme. L’influence de ces doctrines opposées au libéralisme évoluera vers une intervention à nouveau plus forte de l'État (économie étatisée pour le communisme, et État fort et dirigiste pour le nazisme). Après les atrocités de la Seconde Guerre mondiale (19391945) et la défaite du régime nazi, pendant la guerre froide (1945-1989), une grande partie des citoyens européens se raccroche aux idées libérales et individualistes. Le mois de mai 1968 est un tournant majeur dans notre société. Il s'agit d’une période durant laquelle se déroulent, principalement en France mais aussi en Belgique et dans d’autres pays occidentaux, des manifestations d’étudiants, ainsi que des grèves générales et sauvages. Ce mouvement est caractérisé par une vaste révolte spontanée antiautoritaire, de nature sociale, politique et culturelle remettant en cause les institutions traditionnelles telles que les mœurs, la religion, les prérogatives de la puissance publique et le capitalisme industriel. Avec le recul des années, les évènements de mai 68 apparaissent comme une rupture fondamentale dans l’histoire des sociétés occidentales puisque mai 68 met fin à la société
collectiviste. C'est-à-dire, une société dans laquelle la collectivité donnait une place centrale à la religion chrétienne, à la puissance publique et à la nature des choses au détriment des libertés individuelles de chacun. Nous assistons à la montée en puissance de l’individualisme entraînant la sécularisation de la société occidentale. La mise en place de la société individualiste produit une augmentation des libertés individuelles. Cependant, mai 68 est également l’élément déclencheur du début du déclin de nos libertés individuelles dans son pan négatif. La montée de l’humanisme séculier, au cours des années 70, crée un vide dans notre culture occidentale. Le sécularisme et l’individualisme ne permettent pas de fournir un cadre moral sur la façon d’agir dans le monde occidental. Ainsi, au cœur de l’humanisme séculier et individualiste, va naître un nouveau collectivisme dont l'origine vient de l’école de Francfort. Celle-ci développe une philosophie sociale appelée théorie critique. La théorie critique a pour objectif de critiquer la culture et remet en question les structures de pouvoirs sous-jacentes de la société, en interprétant la culture occidentale comme une histoire des oppresseurs contre les opprimés. Cette nouvelle théorie collectiviste prendra progressivement de l’ampleur et donnera naissance bien plus tard au wokisme. Cette idéologie fournira un nouveau cadre moral sur la façon d’agir dans le monde occidental en déconstruisant sa culture et ses valeurs. En parallèle, nous observons, dans les années 70, la mutation du capitalisme. Le capitalisme industriel décline et nous assistons à l’émergence du capitalisme financier. L'apparition de ce nouveau capitalisme doit être évoquée. En effet, le capitalisme est un puissant agent de transformation des modes de vie dans la société occidentale. Celui-ci soumet les individus au consumérisme et fait naître de nouveaux besoins dus à la manipulation publicitaire venant des nouvelles multinationales. Cela entraîne un sentiment de perte de liberté, un sentiment de contrôle, de surveillance de la part de « géants ». Nous assistons ainsi, à la disparition lente de la classe ouvrière et à l’émergence soudaine d’une nouvelle classe sociale que nous pouvons nommer « nouvelle bourgeoisie progressiste ». Cette classe sociale peut être définie comme une population aisée, plutôt diplômée, qui profite des opportunités culturelles, ayant des valeurs parfois contradictoires avec leurs modes de vie et vote à gauche car elle se dit en faveur du progrès sociétal. Après la crise du choc pétrolier de 1973, nous connaissons une forte libéralisation de l’économie mondiale sous l’influence de l’école d’économie de Chicago. Cela engendre une amélioration des libertés économiques en accordant plus de responsabilités aux entreprises. Nous observons à la suite de cette mutation un nouveau paradoxe. En effet, pour se sentir libres les individus veulent avoir un maximum >>
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de choix et ne pas se sentir limités financièrement (mais aussi culturellement, socialement, etc.). Gagner de l’argent ne signifie plus subvenir à ses besoins, cela devient un besoin en soi. Les individus s'enferment dans un circuit métro-boulot-dodo afin d’augmenter un maximum leur capital. À côté du besoin d’augmenter leur capital, les individus se retrouvent confrontés à de nouvelles contraintes. Comme un sentiment d’insatisfaction chronique, les nouvelles acquisitions procurent un sentiment de bonheur éphémère mais jamais suffisant. Les individus se retrouvent également face à une tyrannie du choix. De fait, notre société moderne et individualiste nous fait croire que nous maîtrisons tous les aspects de notre vie, ce que nous voulons avoir mais aussi ce que nous sommes ou voulons être. Il en résulte une frustration et un sentiment d’échec lorsque les choses nous échappent. Dès lors, ce que nous prenons pour de la liberté devient une aliénation. En réaction aux effets négatifs de l’économie néolibérale, la gauche collectiviste et la droite protectionniste vont justifier une place plus importante de l’État dans l’économie de marché. En même temps, les collectivistes et les protectionnistes utilisent les prérogatives de la puissance publique pour réorganiser le mode de fonctionnement de la société soit au nom de l’ordre moral (au détriment des libertés publiques) soit au nom de la sécurité, surtout depuis les attentats du 11 septembre 2001 (et toujours au détriment des libertés fondamentales).
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Ces transformations de nos modes de vie dues à l’influence du capitalisme financier entraînent également une mutation lente du clivage politique gauche-droite. Cette mutation se ressent véritablement après la chute du bloc communiste et du triomphe du bloc capitaliste en 1991. En effet, la gauche abandonne le socialisme historique au profit d’idées dites plus progressistes correspondant aux attentes de cette nouvelle classe sociale, à savoir « la nouvelle bourgeoisie progressiste ». Nous observons également un phénomène de droitisation de la classe ouvrière et populaire toujours de plus en plus déçue des nouvelles idées de la gauche. Comme nous avons pu le constater, malgré certaines périodes d’affaiblissement et certains paradoxes, l’évolution du libéralisme montre globalement une augmentation des libertés tant individuelles que publiques. Pourtant, au 21e siècle, il y a un sentiment généralisé, pour les libéraux, que nos libertés qui nous sont si chères périclitent rapidement. Comment expliquer ce déclin ? Pourquoi certaines philosophies politiques dites illibérales se battent aujourd’hui pour limiter ces droits pour lesquelles nos ancêtres se sont battus ? Comment se fait-il que certains groupes sociaux adhèrent aux idées illibérales ? C’est ce que nous aborderons dans le prochain épisode : les ravages de l’omniprésence des nouvelles idéologies dans la société occidentale. Nous parlerons plus particulièrement de la montée en puissance des populismes, de l’extrémisme de droite et du wokisme.
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LA A C RTE BLANCHE
DE 1815 À 1830 :
L’HIVER DES LIBERTÉS PAR GUILLAUME ERGO
LE VOL DE L’AIGLE ET L’ENVOL DES LIBERTÉS D’un côté c’est la France ; De l’autre c’est le monde ; Des héros déjà ; Dieu trompait l’espérance. – Victor Hugo, poète et écrivain français
18 juin 1815, 20h30, plateau du Mont Saint-Jean au sud de Bruxelles. Les débris de l’armée du Nord se replient protégés par la Vieille Garde de Cambronne formée en carrés. À Waterloo se clôturent les guerres de la Révolution française commencées en 1792. Avec la défaite finale de l’Empereur, ce sont absolument tous les acquis positifs de la Révolution qui sont renvoyés aux rebuts de l’Histoire. Et, toute l’Europe va entrer dans un hiver de libertés. En effet, contrairement à ce que pourrait laisser penser la doxa, le régime napoléonien, en fidèle continuateur de l’œuvre
révolutionnaire, a puisé son inspiration dans les principes de 1789. Il a combiné le libéralisme avec une autorité forte mais légitimée par le peuple afin d’assurer la victoire définitive de la Révolution sur les monarchies réactionnaires stipendiées par la Perfide Albion. Certes, toutes les libertés n’étaient pas respectées sous le régime napoléonien mais elles n’étaient limitées qu’en raison des guerres constantes imposées à la France par ses ennemis. En cela, l’Empire n’est qu’un autre Comité de Salut public dirigé non plus par un groupe de députés avec les pleins pouvoirs mais par un général plébiscité et sacré.
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Les victoires face aux monarchies d’Europe de l’Est permettent d’exporter à toute l’Europe continentale le modèle libéral français synthétisé par Bonaparte. Le sillage de la Grande Armée était constitué de ministres, de fonctionnaires, de préfets, d’ambassadeurs et de consuls. Autrefois conventionnels, orateurs brillants des clubs et assemblées, ils se sont reconvertis en agents de l’État napoléonien et ils réforment l’Ancien Continent avec entrain et vigueur. Ils mettent fin au pouvoir des vieux monarques de droit divin, de la noblesse et du clergé. Des écoles sont ouvertes dans les nouveaux départements et dans les royaumes frères pour enseigner le progrès et la méritocratie. Des règles écrites sont codifiées pour réguler la vie civile. Des constitutions sont établies dans les États protégés par l’Empire. L’égalité devant l’impôt et la justice a enfin force de loi. Les Juifs sortent de leur ghetto. Les pays catholiques reconnaissent les cultes protestants et inversement dans les contrées protestantes. La Révolution puis l’Empire français a ensemencé les idéaux libéraux dans une Europe désormais en pleine reconfiguration. Mais qu’en font les vainqueurs de la Grande Nation ?
L’ORDRE DE VIENNE CONTRE LES NATIONS ET LA SAINTE ALLIANCE CONTRE LES LIBERTÉS La liberté qui capitule ou le pouvoir qui se dégrade n’obtient point merci de ses ennemis. – Chateaubriand, écrivain français Les vainqueurs de la France se sont réunis à Vienne de septembre 1814 à juin 1815 pour décider du sort de l’Europe. Dans l’esprit de ses participants, ce Congrès doit restaurer bien des choses disparues depuis vingt ans. Restaurer les anciennes légitimités balayées par les révolutionnaires et leur champion. Restaurer les prérogatives abrogées au nom de la liberté, de l’égalité et
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de la fraternité. Restaurer des monarchies fracassées par les baïonnettes et le principe des nationalités. Dès lors, comment en douter (?), l’Acte final du Congrès de Vienne représente la consécration de la réaction monarchique et le retour géopolitique de l’Ancien Régime. Les territoires auparavant regroupés selon le principe libéral des nationalités sont répartis par les monarchies sans tenir compte du sentiment des peuples. La Pologne est de nouveau partagée entre l’Autriche, la Prusse et la Russie. L’Italie redevient « une expression géographique » selon les termes du chancelier autrichien Metternich qui referme sur la Botte la main de fer de l’ordre habsbourgeois. Les Belges sont arrachés à leurs compatriotes français pour former un Royaume-Uni avec les Néerlandais. L’Allemagne est réorganisée en une Confédération germanique qui ressemble plus à un club de monarques qu’à une union du peuple allemand. Y siègent le roi d’Angleterre pour ses terres du Hanovre, le roi du Danemark comme duc du Schleswig-Holstein, le roi des Pays-Bas en tant que grand-duc du Luxembourg… Comment considérer cette institution plus qu’honorifique sinon comme un outrage à l’unité allemande ? C’est que l’on va appeler l’ordre de Vienne. Par ailleurs, une Sainte-Alliance est conclue pour maintenir l’ordre de Vienne d’une part et empêcher les révolutions d’autre part. Cette organisation est fondée par le tsar Alexandre Ier de Russie pour réunir symboliquement les trois puissances chrétiennes orthodoxe (russe), protestante (prussienne) et catholique (autrichienne). En effet, le maintien de la paix apparaît alors comme lié à la solidarité des monarchies entre elles et au maintien impératif de l’ordre de Vienne en Europe. Des vainqueurs de la Révolution, tous les États européens vont rejoindre cette alliance à l’exception notable de la libérale Angleterre dont le ministre des Affaires étrangères Castlereagh dira d’elle qu’elle est « un monument de sublime mysticisme et d’insanité ». Il faut reconnaître qu’en dépit d’une quasiségrégation des catholiques et un droit de vote réservé à une oligarchie de marchands, la monarchie parlementaire britannique n’avait que peu de rapports avec les régimes néo-féodaux nouvellement restaurés. En dépit de ce constat, des insurrections libérales se succèdent les unes après les autres en Italie, en Espagne, en Allemagne, en Pologne… Si les congressistes de Vienne « n’ont rien appris ni oublié », les peuples n’ont pas dit leur dernier mot.
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LES CHANTS DU CYGNE LIBÉRAUX Le succès n’est pas final. La défaite n’est pas fatale. C’est le courage de continuer qui importe. – Winston Churchill, Premier ministre britannique C’est en Italie que commencent les premiers troubles. La péninsule est alors occupée par l’Autriche avec comme seuls royaumes réellement indépendants ceux du Piémont et de Naples rendus à leurs anciens rois. Dans la Botte, un conservatisme étroit et un régime policier étouffent la vie politique. Les écrits séditieux sont pourchassés. Le résultat ? La volonté nationaliste se conjugue avec le mouvement libéral. Des sociétés secrètes de patriotes se forment de Naples à Turin en passant par Milan et Rome. Ces carbonari comme on les surnomme sont des bourgeois et des aristocrates cultivés, des officiers, des magistrats, des intellectuels, des marchands et même des prêtres (!). Néanmoins, sans plan d’ensemble, les insurrections locales sont rapidement réprimées en suivant toujours le même schéma : les princes promettent d’accorder des libertés puis font appel aux troupes autrichiennes, les Tedeschi haïs, pour mater les rebelles. Des dizaines de patriotes finissent par croupir dans les prisons d’État autrichiennes. Il en a été ainsi à Naples en juillet 1820, à Alexandrie en mars 1821. En 1831, ce sont les Marches, Rome, Modène et Parme qui tentent en vain de défaire leurs chaînes… C’est l’aventurier Giuseppe Mazzini qui a le plus de succès en formant la Jeune-Italie, une société secrète unifiant les patriotes libéraux avec un seul objectif : l’unification et la libération de l’Italie. Condamné à mort en 1834, il doit s’exiler mais ne cessera jamais d’animer la flamme du libéralisme et du patriotisme italien. L’Allemagne est au cœur des attentions de l’Autriche et de la Prusse. Ainsi, leurs polices étouffent dans l’œuf tout début de conspiration. La jeunesse nationaliste de Wartburg est ainsi violemment réprimée en 1817 sur injonction de la Sainte Alliance. En revanche, l’Espagne semble alors réaliser la concorde entre une monarchie et les idéaux libéraux. Lorsqu’en 1814
le roi Ferdinand VII, prisonnier de Napoléon, rentre en Ibérie, les libéraux de la junte de Cadix, qui ont combattu les Français, préparent l’établissement d’une monarchie constitutionnelle. Hélas, le roi renie ses engagements et rétablit l’absolutisme, les privilèges de la noblesse et du clergé. Pis encore, l’Inquisition, cette bande de moines fanatiques qui ne connaît que le bûcher comme loi, est restaurée. Elle va se mettre à persécuter les libéraux… Néanmoins, ceux-ci ne se laissent pas faire. En 1820, fort du soutien de l’opinion publique, ils effectuent un pronunciamiento et forcent Ferdinand à rétablir la constitution et les libertés. Deux ans plus tard, la SainteAlliance charge la France d’intervenir en Espagne. Remis au pouvoir par une intervention étrangère, Ferdinand va, de 1823 à 1833, inaugurer « l’ignominieuse décennie » qui n’est rien d’autre qu’une terreur blanche. Le parti libéral espagnol en est décapité et décimé. D’abord administré comme un royaume semiindépendant, la Pologne russe ne tarde pas à rêver de retrouver une complète et véritable indépendance. Alors que des étudiants sont déportés en Russie, des sociétés secrètes se forment dans les universités de Varsovie. En novembre 1830, une révolution menée par des anciens officiers polonais de la Grande Armée éclate. Les Russes, pris par surprise, prennent la fuite quand toute la Pologne suit le mouvement. La Diète prononce alors la déchéance des Romanov. Le tsar réagit en mobilisant en gigantesque armée. Sous le poids du nombre, les Polonais s’inclinent à la bataille d’Ostrlenka et à Varsovie qui est ravagée et martyrisée en 1832. La Constitution est abolie. Les universités sont fermées et les étudiants systématiquement déportés. L’armée est dissoute. Les catholiques sont persécutés. Des milliers de patriotes s’exilent alors dans les havres de liberté de l’époque : France, Suisse et… la Belgique…
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LA LIBERTÉ RENAÎT DE SES CENDRES EN BELGIQUE De tous les peuples de la Gaule, les Belges sont les plus braves. – Jules César, général et homme d’État romain C’est en Belgique finalement que l’Ordre de Vienne va être durablement ébranlé. Le Royaume-Uni des Pays-Bas a été constitué pour faire barrage aux ambitions françaises, pas pour améliorer et servir les peuples différents qui le compose. Cette construction diplomatique anachronique est condamnée dès ses débuts. Le souverain de cet État, Guillaume d’Orange, favorise alors effrontément les Néerlandais aux Belges dans la vie du Royaume-Uni. Un ressentiment toujours plus croissant naît entre Belges majoritaires en population, catholiques et tournés vers le marché continental et Néerlandais minoritaires, protestants et tournés depuis des siècles vers le commerce maritime. Aux vexations de tout ordre comme l’imposition du néerlandais comme langue de la justice et de l’administration, se joignent des taxes impopulaires. L’enseignement tombe sous la chape de plomb de l’absolutisme royal. De même, les libertés de presse et de réunion sont des vains mots : les journalistes sont emprisonnés et censurés à l’instar de Louis De Potter. C’est en septembre 1830 que les Belges se soulèvent spontanément contre ceux qui sont assimilés à des occupants et se comportent comme tels. Le 25 août, au cri de « Vive la Liberté ! », les Bruxellois s’attaquent aux partisans et aux représentations du régime honni en s’inspirant de la révolution parisienne de Juillet. Bientôt, c’est tout le Plat Pays qui s’enflamme. Des volontaires affluent de toute part vers Bruxelles où une armée hollandaise se concentre. Après des combats de rues qui la poussent à se retrancher dans le Parc royal, l’armée batave se replie le 27 septembre. Rapidement, tout le territoire belge est libéré, à l’exception de la citadelle d’Anvers toujours tenue par les Orange-Nassau. Rapidement élu, un Congrès national organise la Belgique indépendante en la dotant d’une Constitution libérale. Liberté scolaire, liberté religieuse, liberté de réunion, liberté de la presse, liberté d’entreprendre, droit à procès équitable, séparation des pouvoirs, égalité devant la loi et l’impôt… tout ce qui avait été annoncé en 1789 est rappelé dans la loi fondamentale des Belges en 1830 ! Réunies en Congrès à Londres, les puissances européennes n’interviennent pas contre la révolution belge. Pourquoi donc ? La France vient de se doter d’une nouvelle dynastie favorable aux principes de 1789, les BourbonsOrléans. L’Angleterre est trop libérale pour tirer sur un peuple voisin de son rivage. La Prusse se garde de toute aventure de l’autre côté du Rhin. Quant à l’Autriche et la Russie, bien que volontaires, elles sont occupées avec leurs propres soulèvements. Si la Belgique échappe à la répression internationale, elle le doit aux courageux Italiens et aux braves Polonais.
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CONCILIER NATIONALISME ET LIBÉRALISME, UNE IDÉE TOUJOURS D’ACTUALITÉ ? Il n’y a pas d’homme sans patrie, ni de patrie sans liberté. – José Marti, poète cubain Les peuples européens ont été confrontés de 1815 à 1830 à un retour en arrière comme on en connaît malheureusement en Histoire. L’actualité récente dans certaines contrées du Moyen-Orient l’illustre parfaitement. Durant cette période, l’hiver est tombé sur les libertés que l’on croyait acquises. Ces libertés conquises par le peuple français et offertes aux peuples vassaux, aux serfs, aux petits gens ont été rejetées par les monarchies réactionnaires comme une parenthèse à refermer et à oublier. Des nations ont été écartelées jusqu’à se briser. Certaines vont subir la répression pendant encore longtemps et ne seront réellement libres que très récemment comme la Pologne. Les libertés individuelles et publiques les plus fondamentales ont été foulées au pied. Mais, là où grandit le danger, croît aussi le remède. Ici, il a pris la forme d’un courant de pensée : le libéralisme. C’est un libéralisme forgé et théorisé par les penseurs et les philosophes mais porté haut et fort par des gens vus alors comme des ennemis publics, des comploteurs, des aventuriers, qui a brisé les chaînes de l’oppression et de la réaction. Ensuite, l’héroïsme et le succès ouvrant des carrières fulgurantes, les hommes d’action deviendront des hommes d’État : ministres, magistrats, avocats, banquiers, journalistes… Surtout en Belgique, les libéraux appliqueront leur doctrine avec sérieux : abaissement du cens électoral, création de l’enseignement libre, accueil des exilés politiques… Alors que 2021 a vu se fêter les 175 ans du mouvement libéral belge, c’est dans ce genre de moment que l’on peut lever la tête haute et affirmer sa fierté d’être belge ! Ces révolutions au nom de la liberté ont été menées avec la nation comme bannière. Mais était-ce conjoncturel ou structurel ? À une autre époque, les libéraux auraient-ils trouvé la même volonté et rencontré le même succès en entraînant les peuples derrière eux au nom, par exemple, de l’Europe ? J’en doute volontiers. Non pas que l’idée d’unir l’Europe me rende septique, loin de là. Mais, les libertés fondamentales sont consubstantielles à la nation. La souveraineté nationale, imprescriptible et inaliénable, constitue la meilleure garantie, conditionne l’exercice et exprime la résultante des libertés fondamentales. Cet amour de la nation, ce n’est pas le clairon du repli identitaire qui ne sonne que pour les défaites. C’est simplement défendre l’aspiration d’un peuple à être reconnu.
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LOUIS IN PARIS PAR LOUIS-SULIAC RUFFIER D'EPENOUX
En général, quand des gens financent un projet, on se doit de leur expliquer ce que l’on fait avec ce financement. Les Relations Internationales (RI) sont un organe de la FEL financé par l'agrément OJ (agrément accordé par le Ministre de la Jeunesse à une organisation de jeunesse pour une durée de quatre ans renouvelable), et pas par les membres. Donc, je ne vous dois aucune explication de ce que je fais aux RI. Ciao, bonsoir…
Plus sérieusement, pourquoi suis-je allé à Paris fin octobre ? Clairement pas pour visiter la ville, parce que Paris, j’y suis né, j’y vais régulièrement, donc vous êtes gentils, mais je connais ! Pour aller voir ma grand-mère ? Non plus, parce que je ne suis virtuellement pas sorti de l'hôtel du weekend. Pour me pinter ? Alors, ceux qui me connaissent savent que c’est toujours plus ou moins une motivation secondaire chez moi, donc, ça ne compte pas. J’y suis allé pour représenter la FEL au Congrès du European Liberal Youth (LYMEC). Le LYMEC est la branche jeune de l’ALDE (Alliance of Liberals and Democrats for Europe). Elle est composée de plusieurs organisations de jeunesse, dont beaucoup sont les pendants jeunes d’organisations membres de l’ALDE (par exemple, les Jeunes MR par rapport au MR) mais pas nécessairement, certaines sont “orphelines” (comme la FEL), et d’autres viennent de pays qui ne sont même pas dans l’UE (comme les organisations serbe, anglaise, ukrainiennes).
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{ INTERNATIONAL POLITIQUE }
Par extension, le LYMEC est donc lié au groupe parlementaire Renew Europe. Soyons honnêtes, par rapport à d’autres activités de la FEL, ça ne donne pas des photos sexy. On a beau être à Paris, on est dans une salle de réunion de Novotel, similaire à toutes les autres salles de réunion de Novotel de la Terre, pendant 72h. Mais c’est également l’opportunité pour la FEL d’avoir un impact sur un plan global, de passer au-delà d’une simple organisation de « cercles étudiants » pour devenir un acteur ayant une influence – même très faible – sur la scène européenne. Ainsi, au dernier congrès, on a participé à l’élaboration d’une résolution, poussée par les LHG, les étudiants libéraux allemands. Cette résolution établissait le constat de l’impact que le Covid a eu sur la santé mentale des étudiants, en tirait les bonnes mesures qui ont – ou devrait avoir – été adoptées et demandait leur expansion, leur généralisation, même hors période de crise. Cette résolution, et toutes les autres qui ont été adoptées à ce congrès, seront reprises et défendues par le bureau du LYMEC auprès des parlementaires de l’ALDE et de Renew Europe dans le but de les faire adopter comme lignes directrices du groupe parlementaire dans le but qu’elles soient un jour adoptées comme loi, réglementation ou directive européenne. Mais ce n’est pas le seul aspect des RI qui s’illustre durant un congrès. L’autre aspect est de créer des liens avec les autres
organisations européennes. C’est important, car cela permet de développer des partenariats pour de futures résolutions et de s’assurer du soutien d’autres organisations lors de différents votes. Ce qui est sans doute encore plus primordial pour nous que pour d’autres. Tout d’abord, parce qu’avec seulement 3 voix, la FEL ne pourra rien faire avancer toute seule. Mais surtout parce qu’on est une organisation basée à Bruxelles et qu’il est donc de notre devoir d'entretenir un rapport avec le plus grand nombre d’organisations possibles pour nous positionner, profitant de notre localisation géographique, comme une charnière centrale entre ces organisations et d’autres organisations évoluant dans la capitale. Ainsi, on pourra faire d’une organisation d’à peine plus de 440 étudiants un moteur pour le développement européen. Dans l’ensemble, je suis relativement satisfait du travail fait jusqu’à présent, mais il faudra encore beaucoup d’engagement pour garantir un retour de la FEL sur la scène européenne. Un groupe de travail existe déjà et reste ouvert à tout nouveau membre qui souhaite s’investir, si ça t'intéresse de le rejoindre, n’hésite pas à contacter la FEL ou à me contacter directement via les réseaux sociaux, mon nom est en haut de l’article, c’est le même sur Facebook. À bientôt, j’espère.
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/ DÉRISION / PAR CORALIE BOTERDAEL
E.P., l’Exo-Planétien Vous n’imaginerez jamais ce qui m’arrive… Je suis en train de vivre un truc extraordinaire ! J’ai la preuve que nous ne sommes pas seuls dans l’univers. Avant, il y avait E.T. et son téléphone, maintenant, il y a E.P. et son smartphone… En effet, croyez-moi ou pas, mais depuis quelques temps, j’entretiens une correspondance « épistellaire » avec un extraterrestre. Au début, parce que c’est plus romantique, on s’écrivait à l’ancienne et on s’envoyait des lettres manuscrites. Sur l’enveloppe, il inscrivait : Madulcinée Coralie, 13 rue de la Vierge inconsidérée,
1000 Bruxelles, Belgique, Europe, Planète Terre, Galaxie de la Voie Lactée. Aujourd’hui, pour faire plus simple et parce qu’on a besoin de plus d’immédiateté tellement notre amour est impatient, on fonctionne par courriel, mon adresse mail est coralie@caramail.be.eu.pte.gavl. Dernièrement, il m’a écrit une lettre d’amour. De notre différence, il s’en moque, vous allez voir comme mon extraterrestre est tout vert ! Son message est une véritable déclaration, je crois qu’il m’aime.
Ma chère terrestre extra, Nous sommes comme les deux antennes géniculées d’un cellulobulbithorynx (j’imagine que chez lui, ce doit être une jolie créature des plus poétiques…), si proches et pourtant si loin. Mon cœur, tel Hodor dans une Twingo, déborde de partout. Je n’en peux plus de savoir que tu vis sur une planète où les immeubles marchent sur les arbres, où le pouvoir appartient à celui qui se ment tôt, où les valeurs suprêmes sont l’argent, le sexe et le Wifi, où les GAFAM s’habillent en Prada, où le « made in China » s’érige en religion et où, par la force des choses, le chiffre zéro est devenu positif : zéro déchet, zéro calorie, zéro tracas, zéro blabla… Que votre monde est aliénant ! Chez toi, les migrants, comme les verrues aux pieds, vous les chopez dans l’eau puis vous laissez couler la situation et la dignité humaine. Sur tous vos écrans, les sirènes de la pub vantent des produits plus bio que bio sans se soucier de la pollution numérique qui décime vos ours polaires. Hollywood se bat pour une meilleure représentation des noirs dans les castings alors que l’esclavage moderne dans le bâtiment à Dubaï ne chiffonne personne. Vous dansez entre les tornades aux États-Unis, les incendies
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{ DÉRISION }
en Australie, les inondations en Europe et la baisse d’un degré de votre chauffage personnel est censé être la panacée. Que les combats que vous menez me sont étrangers et étranges ! J’aimerais tant que tu quittes cette terre essorée passée aux « marco-ondes » et que nous vivions main dans la main. (Ou plutôt main dans le tentacule !) Car moi sans toi, c’est comme l’atmosphère sans diazote. Il faut absolument que tu brises le continuum espace-temps qui nous sépare et que tu me rejoignes. Pour quitter ton archipel galactique et venir jusqu’à moi, c’est très simple : Franchis la Porte des Étoiles et utilise le Portoloin qui mène au Chemin de Traverse. Emprunte la 2e étoile à droite et tout droit jusqu’au matin. Longe le pays imaginaire et prends l’Uitrit Vilvoordéum. (Oui, apparemment, c’est aussi un bordel linguistique dans l’espace.) Je t’attendrai là, à bord de mon Faucon Millenium, pour te ramener jusqu’à mon exo-planète. Malgré tous les trous tout noirs qui nous éloignent, ne t’inquiète pas, nous nous retrouverons. Mais étant en manque de liquidité, peux-tu me verser un peu d’argent pour faire réparer mon vaisseau ? Car comme le dit mon garagiste Amonbofis : « Pas d’hyperdrive : pas de vaisseau. Pas de vaisseau : pas de voyage. Pas de voyage… pas de voyage. » Commençons par 5000 euros, je pense que c’est une très petite somme pour réaliser notre incommensurable amour intersidéral. Tu comprendras bien sûr que je n’accepte que la crypto-monnaie. Mon portefeuille BTC est A12C4?!CkLykroi71Bcile-mdr. Dans l’infini espoir de ton espérance, je te prie de bien vouloir agréer, chère humaine, ma pécuniaire considération.
Ton Exo-Planétien
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{ BIBLIOGRAPHIE }
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