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N°08
34 CARTE BLANCHE
Le libéralisme à l’épreuve de la « cancel culture » et de la dictature des minorités
INTERVIEW PRÉSIDENCE FEL Interview d'Adrien Pironet
DOSSIER DÉMOCRATIE : UN FUTUR COMPROMIS ? Aux origines de la démocratie Liberté d’expression et démocratie Les démocraties illibérales et le populisme L’exécution de la démocratie par voie d’arrêtés ministériels
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Quelle mise à jour pour la démocratie libérale ? Les propositions de la FEL pour + de démocratie « D'autres fenêtres »...
LIBÉRALISME HISTOIRE
Les chroniques du libéralisme
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ÉTATS-UNIS COUR SUPRÊME
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/ DÉRISION /
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Cour suprême américaine entre judiciaire et exécutif
Je suis chou de Bruxelles ?
BIBLIOGRAPHIE
ÉDITO Chères lectrices, chers lecteurs, La fin de l’année académique arrive à grands pas. Celle-ci rime souvent avec une période stressante et intense sur les campus : la session d’examens. J’ai pleinement confiance que tous vos efforts seront récompensés en fin de compte. Je vous souhaite, dès lors, beaucoup de succès ! Pour ce huitième numéro du Blue Line, nous avons décidé de mettre la démocratie au cœur de notre dossier central. À l’image d’un conte de fée, la démocratie a subi quelques mésaventures, il est donc légitime de se demander si elle pourra un jour arriver au moment où « ils vécurent heureux … ». Dès l’ouverture du dossier, vous trouverez un article de notre cher président, qui évoquera les origines de la démocratie. Ensuite nos rédacteurs ont désiré aborder différentes réflexions autour de notre thème : l’état de la démocratie d’aujourd’hui ; la liberté d’expression dans notre société ; les mesures gouvernementales de lutte contre la pandémie ; etc. Le dossier se clôturera par nos propositions pour plus de démocratie, sans oublier notre rubrique « D’autres fenêtres », proposant des pistes afin de poursuivre votre lecture. Hors dossier, notre super interviewer Ömer a souhaité s’entretenir avec Adrien en vue de recueillir son ressenti sur ses deux années à la présidence de notre fédération. Au-delà de cette rencontre, vous pourrez lire une carte blanche sur la cancel culture, sujet encore d’actualité. Enfin, pour clôturer ce Blue Line, nos rédacteurs vous proposent également un article sur le libéralisme, un autre sur la Cour suprême des États-Unis, ainsi qu’une petite dérision sur les sentiments ambivalents qu’insuffle notre chère capitale. Je vous souhaite une très belle lecture,
Adeline
{ CARTE BLANCHE CANCEL CULTURE }
LA CARTE BLANCHE
Le libéralisme à l’épreuve de la
« cancel culture » et de
la dictature des minorités PAR GUILLAUME ERGO
Quels sont les points communs entre renommer un tunnel bruxellois, contester l’héritage d’un empereur des Français, vouloir interdire un film ou changer le nom d’un célèbre roman policier… ? Réponse : un nouveau phénomène des sciences sociales : la « cancel culture ». Importée d’OutreAtlantique, la « cancel culture » a traversé les flots pour s’installer progressivement dans les mœurs de notre Vieux Continent.
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{ CARTE BLANCHE CANCEL CULTURE }
C’est une manière de se comporter dans laquelle il est de bon ton de rejeter complètement une personne pour l’une de ses opinions ou l’un de ses faits qui vous offense. Conséquence fatale du politiquement correct, la « cancel culture » en est
eux ne sont plus les bienvenus au nom de critères sur lesquels ils n’ont aucune influence : leur sexe ou leur couleur de peau par exemple. C’est le cas en France où cette pratique est entrée dans les habitudes de l’UNEF, syndicat étudiant et antichambre du PS. Une des têtes de liste de ce parti moribond a même suggéré que les « non-racisés » puissent y accéder mais à la condition de se taire. Peut-on se prétendre libéral et supporter ou favoriser la « cancel culture » ? À l’heure des réseaux sociaux, il est plus facile de vivre dans une bulle d’opinions et de pensées où règne le « camp du bien » qui défend des minorités oppressées. Mais, le libéralisme, c’est admettre que tous ne pensent pas comme soi. C’est tolérer l’opinion différente d’autrui. C’est reconnaître que la société est composée d’individus libres et responsables plutôt que de victimes systémiques et d’oppresseurs dominateurs !
l’expression poussée à l’extrême. Elle procède dans un premier temps à la dénonciation, pour ensuite réclamer la censure d’une personnalité ayant tenu des propos inadéquats ou agi de manière « problématique » à l’égard des minorités. Par propos ou actions « problématiques », il faut comprendre ce qui va à l’encontre de la moraline de l’idéologie progressiste. Quand bien même il s’agirait d’une personnalité fictive ou disparue depuis des siècles. Quand bien même cela reviendrait à juger un passé révolu en lui appliquant une grille de lecture de notre époque castrée et castratrice… Venue des campus américains, la « cancel culture » concerne avant tout le monde universitaire. Cependant, son influence se répand déjà au-delà, dans toute la sphère intellectuelle de la société par le biais d’associations, de groupements organisés qui essentialisent les « minorités » de tout poil. Elle réduit les gens à une soi-disant « communauté » ou « identité ». Comme si, alors que nous sommes au XXIe siècle, un individu ne se définissait et n’était réductible qu’à son sexe, sa couleur de peau, son orientation sexuelle, sa religion, ses origines…
Mais, que vise, au final, la « cancel culture » ? Cette idéologie enfantée par l’extrême-gauche américaine ne tenterait-elle pas de se substituer en Europe à l’universalisme libéral que nous avons adopté depuis la Révolution française ? Car, au bout du compte, tout doit être expurgé pour ne pas offenser : la littérature, la musique classique, l’opéra, le cinéma, mais aussi les bandes dessinées, les dessins animés et les traditions populaires. Les expressions « racisme systémique », « sexisme ordinaire », ou encore « néo-colonialisme » s’utilisent maintenant bien trop facilement pour compromettre ce que d’autres considèrent comme du talent, de l’effort, du mérite, de l’expérience et parfois de la chance… À force de céder à la « cancel culture » et aux schémas mentaux des minorités, notre société devient un archipel. Les luttes remplacent la recherche du bien commun et la quête du bonheur. Le plus grave est que certains cachent cette tentative de faire tabula rasa de notre société sous la bannière de l’émancipation et de la liberté.
Au nom de ses préjugés d’un autre âge, la « cancel culture » discrédite les éventuels contradicteurs de ces groupes ultra-minoritaires mais fort bruyants… Ce mouvement pose un vrai problème quant à la liberté d’expression au nom du droit de certains de ne pas être offensés. Le débat contradictoire devient impossible. Déjà, dans des réunions organisées par des syndicats censés représentés tous les étudiants, certains d’entre
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{ INTERVIEW PRÉSIDENCE FEL }
INTERVIEW DE FIN DE MANDATURE
Adrien Pironet PROPOS RECUEILLIS PAR ÖMER CANDAN
Après deux années passées à la tête de la FEL, Adrien a estimé qu’il était temps pour lui de s’adonner à d’autres projets et de passer le flambeau. C’est le cœur léger mais l’esprit encore plein de souvenirs qu’il a accepté de s’ouvrir à nous dans une interview sans tabou. Que ce soit sur le plan professionnel ou privé, découvrez votre président dans ses bons (et moins bons) souvenirs.
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{ INTERVIEW PRÉSIDENCE FEL }
Nous voilà à la fin de ton second mandat en tant que président de la FEL. Quel(s) sentiment(s) cela t’évoque-t-il ?
On stéréotype souvent le jeune de droite soit comme un facho soit comme un jeune riche, trouves-tu que c’est forcément juste ?
Es-tu plutôt triste ou as-tu plutôt un sentiment d’accomplissement ?
Avec tout le travail que la présidence implique, comment as-tu trouvé le juste équilibre pour que ta fonction n’empiète pas trop sur tes études ?
C’est la première fois que je vais quitter la FEL… C’est surtout un changement pour moi vu que ça fait 4-5 ans que j’y suis et que j’y pense quasi quotidiennement. Plus égoïstement, je peux enfin me dire que je peux maintenant me consacrer entièrement à terminer mes études.
Je ressens un certain sentiment d’accomplissement mais également un sentiment de tristesse à propos de certains projets que je n’ai pas pu organiser. C’était un peu l’année kamikaze, il y avait encore des projets mais on a tous été surpris aussi.
Avec un peu de recul, à refaire, quel poste choisirais-tu : président de cercle ou président de la fédération ? Pourquoi ?
C’est assez difficile de faire un choix. C’est plutôt un cheminement. Être président de cercle, c’est avoir des responsabilités à petite échelle mais on reste quand même dans le feu de l’action tout le temps alors qu’être président de la FEL, c’est gérer une fédération et on ne sait clairement pas s’occuper de tout le monde de manière aussi proche qu’au sein du cercle. Il y a aussi beaucoup de choses à faire à la fédération, mais je peux compter sur le soutien des membres du staff ou du CA, alors qu’au Cercle des Étudiants Libéraux namurois, il m’arrivait de tout faire seul des fois. Par contre, il est clair qu’il faut impérativement cette expérience de président de cercle qui a les mains dans le cambouis avant d’arriver à la FEL, où là, on se sent parfois dans une tour d’ivoire.
Je crois que c’est un cliché de minorité qui déteint sur la majorité. Au sein de n’importe quel mouvement, on retient toujours ceux qui viennent faire fonctionner le cliché. C’est un peu comme dans les manifestations, on ne retient souvent que les casseurs.
Eh bien Ömer, disons que la première année, la différence entre les deux était assez facile à faire, car une fois que je rentrais chez moi je pouvais m’adonner à l’étude, aux loisirs, etc. C’était plutôt en journée que je me consacrais aux cours ainsi qu’à la FEL. Par contre, c’est bien plus compliqué cette année, car il n’y a plus ce « mur » entre la vie pro et la vie privée. Je me retrouve vraiment H24 devant mon écran car tous les cours, les réunions se font en ligne et faire la part des choses devient donc trop dur.
Penses-tu qu’il y a réellement un désintéressement pour la politique chez les jeunes ? Comment as-tu essayé d’y remédier tout au long de ton mandat ? C’est bien le mot, j’ai « essayé ». On a encore du travail pour y remédier, faut pas se le cacher ! Je pense que la seule solution est de rendre la politique un peu plus attrayante. Il faut montrer aux jeunes l’intérêt qu’ils ont à y trouver et casser cette image d’une politique qui se limite à des débats dans le parlement.
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{ INTERVIEW PRÉSIDENCE FEL }
Estimes-tu que le monde politique accorde assez d’importance aux étudiants ainsi qu’aux Organisations de Jeunesse ? Ou au contraire, y a-t-il un manque de considération ? Oui, il y a un manque de connaissance, ça se ressent tout de suite. On a cette impression que notre existence n’est pas vraiment connue. Lorsqu’on se présente à droite, à gauche, devant des politiques, ils font des drôles de tête. Soit, ils ne nous connaissent pas, soit, ils nous confondent avec d’autres organisations… Il y a donc un petit problème à ce niveau-là. Mais en plus, si on ne nous connaît pas, on ne peut pas vraiment nous écouter non plus. Je trouve vraiment que le tissu associatif est quelque chose d’encore fort méconnu auprès des politiques et qu’ils n’exploitent pas son potentiel en termes de vision, de connaissance du terrain, etc.
La crise sanitaire et la situation qu’elle a générée a multiplié les revendications étudiantes. Quels ont été les plus gros « combats » depuis l’arrivée du Covid-19 ?
Je crois que le premier combat, en tout cas si on considère la chronologie, a été de se positionner contre le 10/20 accordé automatiquement et réclamé par d’autres organisations. Au-delà du côté pratique/concret de la chose, c’était aussi clairement un combat idéologique. On voyait plutôt cela comme une revendication idéologique que comme la défense de la situation que les étudiants vivaient pendant cette crise. Le deuxième combat a été la question du retour dans les auditoires pour les cours et les examens. On a plusieurs fois été sollicités par la ministre pour exprimer notre point de vue et notre vision de la chose. C’est là une différence avec d’autres doctrines, nous autres libéraux, ne manifestons pas en grande pompe dans les rues. Nous préférons effectuer un travail plus en retrait auprès des décideurs. Ce qui a l’avantage d’être plus concret, au lieu de revendiquer sans proposer, nous, nous offrons des pistes.
À ce propos, un mandat présidentiel en période de Covid-19, comment ça se passe ? Est-ce plus compliqué ? Écoute, je vais utiliser un mot qu’on a souvent entendu avec le gouvernement de 2014, c’est le mot « kamikaze ». Il parait sans doute un peu fort sur le moment, mais il peut clairement s’appliquer à ce mandat « Covid » parce qu’avant que le virus n’arrive en Europe, on avait des projets et on les réalisait, mais maintenant qu’il est là, c’est complètement différent. Non seulement on n’arrive plus à réaliser tous les projets avec les protocoles et les règles sanitaires, mais en plus, tout ça met un coup sur le moral tout au long de l’année.
As-tu des regrets ? Des choses que tu voudrais changer, recommencer ? Des regrets, ça, on en a toujours forcément. Après, je ne pense pas pouvoir réellement dire que j’en ai, car il y a beaucoup de choses positives qui se sont passées et qu’il faut absolument garder. On en parlait justement dans cette interview, il y a plein de choses à cause de la crise qu’on n’a pas pu faire, comme les workshops, mais dans l’ensemble, il y a aussi beaucoup de positif : la refonte du « Libertines » en « Blue Line » ; le nouvel élan prodigué dans les cercles ; la création d’un « Kit Présidence » ; etc. Bref, j’ai voulu apporter ma pierre à l’édifice.
Il parait que tu gardes un bon souvenir du drink de rentrée de l’ULB, peux-tu nous en dire plus ?
Oui, j’en garde un très bon souvenir parce que c’était un
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évènement qui s’est déroulé en plein milieu de la crise du Covid, on avait déjà passé à peu près 6 mois derrière les écrans à la maison et ce drink était quelque chose d’un peu inespéré. Il nous a permis de tous se revoir et de fêter un peu le début de l’année académique. J’ai vu ça comme un retour à la normale, le temps d’une soirée.
Après deux années passées à travailler quasi quotidiennement avec le staff (l’équipe de permanents), as-tu un petit mot à leur adresser ?
Le staff, c’est vraiment une petite famille à part au sein de la FEL parce qu’elle est là au quotidien. Ils permettent vraiment de concrétiser les idées du BP, du CA ainsi que les miennes. Sans eux, il nous serait beaucoup plus compliqué de pouvoir faire tout ce que nous faisons.
Quels sont, selon toi, les défis qu’une Organisation de Jeunesse telle que la FEL se devra de relever ces prochaines années ? Étant une organisation à but politique, on rencontre un petit peu les mêmes problèmes que les partis politiques. On souffre d’un manque d’adhésion et de participation car on voit bien que notre public cible, les jeunes, est beaucoup plus intéressé par les combats ponctuels et les sujets d’actualités comme le climat, le retour en présentiel, la lutte contre les restrictions liées au Covid. Je pense qu’il faut mettre en avant le fait que chaque jeune peut apporter sa pierre à l’édifice et mener son combat d’une manière beaucoup plus large.
Où te vois-tu dans 10 ans ?
La première étape serait de terminer mes études. C’est un moyen de s’émanciper et également de réaliser ses objectifs. Ensuite, mon choix de la raison serait de devenir avocat. J’ai toujours cette passion de la défense des intérêts des individus. Ça reste également quelque chose de sûr étant donné que ça ne tient qu’au diplôme. Cependant, mon choix du cœur serait de persévérer dans la politique. Ça reste beaucoup moins sûr que le métier d’avocat puisque tout dépend du choix du citoyen. Mais si je pouvais me rendre utile dans la politique et m’y consacrer totalement, ça ne me déplairait pas. Cela mêlerait objectif et rêve à la fois.
As-tu un conseil à donner à ton ou ta successeur(e) ? Je pense que le premier conseil à donner pour une future présidence est aussi un conseil pour la vie en général, il s’agit de la persévérance. Quand on veut vraiment atteindre un objectif, on se donne les moyens d’y arriver et je crois que c’est vraiment, ici aussi, la chose la plus importante.
DOSSIER DÉMOCRATIE : UN FUTUR COMPROMIS ? La démocratie est-elle en danger ? Cette petite rengaine ne cesse de tourner dans nos esprits… En regard des exemples étrangers, où de grands partis voire même des gouvernements osent s’afficher comme étant populistes ou « illibéraux », de notre propre gouvernement qui subvertit le pouvoir législatif et le débat parlementaire en temps de covid pour gouverner par arrêtés ministériels, ou bien encore de l’intolérance dont font preuves certains vis-à-vis des opinions différentes de la leur, la réponse à cette question semble être : oui ! Pour nous, les libéraux, il est sans doute temps que nous réinvestissions une arène que nous avons, en partie, abandonnée, croyant le débat remporté… L’histoire de la démocratie, les exemples de bonnes pratiques, le rappel de certains fondamentaux quant à l’importance de la liberté d’expression, ainsi que les propositions de notre fédération sont autant de thématiques que ce dossier aborde. En effet, les idées et projets ne manquent pas afin de nous éclairer pour que la liberté politique l’emporte à nouveau sur le spectre des dérives autoritaires.
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{ DOSSIER DÉMOCRATIE }
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AUX ORIGINES DE LA
DÉMOCRATIE PAR ADRIEN PIRONET
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© RUSSKYMAVERICK / SHUTTERSTOCK.COM
« La démocratie, c'est le gouvernement du peuple exerçant la souveraineté sans entrave » disait Charles de Gaulle. Nous avons tous une idée générale de ce concept politique tellement prisé par nos sociétés occidentales. En revanche, en effectuant un retour dans le passé, on se rend compte combien cette conception de la démocratie a beaucoup évolué. Nous vous convions alors à un voyage aux origines de la démocratie, dans la Grèce antique.
{ DOSSIER DÉMOCRATIE }
Athènes a vu naitre la démocratie, elle est la plus ancienne cité où l’on a pu trouver des lois issues de la main de l’homme. Ailleurs, les divinités étaient les seuls législateurs et les règles fondamentales se transmettaient entre les générations. Classiquement, on présente la notion de démocratie par rapport à son étymologie. En grec, dêmokratia est la contraction de dêmos (le peuple) et kratos (le pouvoir). Il est donc question d’un gouvernement où l’autorité appartient au peuple. On pourrait percevoir différentes nuances. Il est important en tout cas d’en distinguer deux. En premier lieu, au sens strict, la démocratie impliquerait un gouvernement de tous, où chacun exerce la fonction publique de manière directe. Rassurez-vous, pas tous en même temps, nous y reviendrons ultérieurement. En second lieu, dans un sens plus large, la démocratie correspondrait davantage à la vision contemporaine que l’on en a. Nous avons en effet tendance à la concevoir de manière dérivée, c’est-à-dire indirecte, via l’élection de représentants. Néanmoins, il faut se garder d’interpréter les institutions athéniennes sous le même œil qu’aujourd’hui. Par exemple, la Constitution de la cité est purement descriptive et non constitutive de normes, comme on pourrait l’imaginer.
L’évolution démocratique d’Athènes
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la démocratie n’est pas née du jour au lendemain d’un coup de génie. Elle fut construite petit à petit pour atteindre son apogée avec Périclès. Il aura fallu un siècle et demi pour y parvenir. Plusieurs personnages clés sont à l’origine de cette évolution. Chacun en introduisant sa réforme a permis de bâtir la démocratie athénienne. Le premier fut Dracon, qui apporta une réelle organisation légale à la cité. Il instaura plusieurs lois pénales, applicables à tous. Il est par ailleurs très novateur puisqu’il affina le droit, notamment lorsqu’il différencia les homicides volontaires des involontaires. Sa contribution semble anecdotique mais elle place les fondements d’un système démocratique où la légalité occupe une place importante. Néanmoins, ce ne sont que les premières étapes vers la démocratie puisque les inégalités demeurent frappantes, ce qui amène de nombreuses tensions dans la société entre le peuple et l’aristocratie. Ensuite, par l’arrivée de Solon, Athènes se dote des bases constitutionnelles propres à tout État. Il collecte toutes les coutumes publiques, les inscrit dans le marbre et crée ainsi une Constitution. Aujourd’hui, avec le recul, elle est qualifiée de généreuse, intelligente et équilibrée. Par après, la cité voit Clisthène fonder des éléments indispensables de la démocratie. Désormais, l’égalité devant la loi est acquise, chacun dispose également du même droit à la parole. C’est véritablement grâce à ses réformes que le peuple accède aux premiers stades du
pouvoir. Il élargit l’accès aux institutions athéniennes afin de renforcer l’aspect démocratique. Le Ve siècle av. J.-C. est associé à la personne de Périclès. En effet, c’est sous sa gouverne qu’Athènes et la démocratie vont atteindre des sommets. Il renforce les acquis de ses prédécesseurs et ouvre dans une large mesure l’accès aux responsabilités. De plus, il décide de rémunérer certaines fonctions, ce qui les rend accessibles aux moins fortunés. Fort de leur domination sur le monde grec, les Athéniens finiront par être en guerre avec la Perse. Le triomphe de Périclès va précipiter sa propre chute puisque sa politique de conquête va se poursuivre. Ce qui donnera une bonne raison à Sparte, prétextant la crainte de cet appétit, pour entrer en conflit avec Athènes, c’est la célèbre guerre du Péloponnèse. Périclès sera rapidement désavoué, ensuite réélu stratège pour enfin mourir avant la fin du conflit. Hélas, la démocratie s’écrasera contre la cité autoritaire au tempérament de feu. Qui aurait cru que la cité de la démocratie athénienne allait se rompre devant son exact opposé ? Ce qui peut nous permettre aujourd’hui de remettre en question la démocratie : est-elle d’office mauvaise ou n’a-t-on simplement pas encore trouvé la recette idéale ? Répondre à cette question est difficile. En ce qui concerne Athènes, on penche majoritairement pour dire qu’elle fut victime de ses excès, comme en témoigne sa politique impérialiste.
Le tirage au sort, pivot de la démocratie
Pour appliquer la démocratie de manière directe, à Athènes, l’usage du tirage au sort était devenu une habitude. Évidemment, ce n’est pas la seule manière de la concrétiser ; toutefois, il s’agit d’un moyen (re)proposé aujourd’hui. Notamment couplée à une rotation fréquente des postes, elle permettait à chacun d’être maitre du destin commun. Cela ne voulait pas dire que tout le monde pouvait y avoir accès. Afin d’effectuer le tirage, il fallait obligatoirement une liste, un recensement qui permettait d’établir les personnes susceptibles d’exercer une fonction. Par conséquent, des critères avaient été établis : être citoyen (hors femmes et étrangers) ; avoir un certain âge, qui variait selon les institutions ; parfois être exempt de condamnation ; etc. Si l’on y réfléchit de plus près, le tirage au sort à Athènes reposait sur deux filtres officiels et un troisième induit par le principe même. Le premier est basé sur le volontariat puisqu’il fallait se porter volontaire pour obtenir un poste, ce qui n'était forcément pas le cas de tout le monde. L’exercice de la citoyenneté était en effet bien plus actif qu’aujourd’hui. Voyez à ce propos l'ouvrage La liberté des Anciens comparé à celle des Modernes de Benjamin Constant. Le deuxième est quant à lui basé sur les qualités requises d’accès au Klérotèrion ; la fameuse machine à tirer au sort, telle la citoyenneté par exemple. Enfin, lorsque la >>>>
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{ DOSSIER DÉMOCRATIE }
LES PRINCIPALES INSTITUTIONS DE LA DÉMOCRATIE ATHÉNIENNE L’Ecclesia est l’assemblée souveraine qui regroupe tous les citoyens d’Athènes. L’égalité règne. En principe composée de 40.000 personnes. Chaque membre a le même droit à la parole et obtient le même droit de vote. La Boulè a principalement l’opportunité de présenter des projets de lois à l’Ecclesia. Ses 500 membres (bouleutes) sont désignés par le tirage au sort. L’Hélié endosse le rôle de pouvoir judiciaire de la cité. Les 6000 juges (héliastes) sont aussi issus d’un tirage au sort. Les 10 stratèges ont un rôle d’application de la loi et de commandement militaire. Ils sont les premiers magistrats de la cité. Ceux-ci sont alors élus. Même si ces nombres peuvent paraitre énormes, tout le monde ne siège pas en même temps. Par exemple, le Pnyx, lieu de réunion de l’Ecclesia n’aurait pas pu contenir 40.000 personnes. L’endroit pouvait en effet contenir un peu plus de 6000 âmes en même temps.
machine a fait son travail, certains ne seront pas choisis, ce troisième filtre, c’est le fruit du hasard. Si l’on doit désigner 10 personnes et que l’on a 50 candidats, il est logique que certains restent sur le carreau. Ce qui réduisait considérablement le nombre de personnes une fois arrivé au bout du processus. Sur le plan des arguments, depuis deux millénaires, on peine à innover. À vrai dire, tous les auteurs de l’époque avaient déjà relevé les avantages et inconvénients du tirage au sort. Aristote pensait que le tirage au sort était un bon moyen de garantir l’accès au pouvoir pour les moins favorisés. Selon lui, les élections ne favorisaient que les aristocrates. En effet, les fonctions étant principalement à titre gratuit, seuls les riches pouvaient se permettre d’exercer le pouvoir. À l’inverse, Socrate fut tiré au sort pour siéger à la Boulè. Or, selon Platon, il fut plutôt incompétent vis-à-vis de la tâche qu’il avait à gérer. Enfin, Xénophon se positionnait en défaveur par une métaphore : il imaginait difficilement que l’on puisse tirer au sort le capitaine d’un navire. Aujourd’hui, nous avons tendance à privilégier l’élection pour désigner les responsables de la chose publique. Les qualités et compétences d’un candidat demeurent au centre des préoccupations. Toutefois, la question de l’accès aux listes électorales peut être remise en question étant donné la particratie belge, qui constitue également un premier filtre d’accès. Effectivement, n’importe quel individu ne peut pas apparaitre du jour au lendemain sur une liste électorale. Il doit faire l’objet d’une décision interne au parti, on examine sa popularité, son potentiel de représentativité, etc. Ce qui a pour conséquence inéluctable de favoriser un certain entre-soi. Malgré cette constante actuelle de l’élection, certains partis politiques imaginent un retour au tirage au sort. On a notamment pu entendre l’idée de constituer des assemblées citoyennes. On l’a vu, la « démocratie » n’était pas accessible à tout le monde à Athènes. On doit plutôt dire qu’il s’agissait d’un gouvernement du plus grand nombre (possible), mais pas de tous. Si même la cité de la démocratie s’est écroulée, que nous reste-t-il ? En tout état de cause, l’Histoire nous démontre encore une fois qu’il ne faut pas chercher à fonder un régime absolu mais à conserver l’équilibre.
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{ DOSSIER DÉMOCRATIE }
LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DÉMOCRATIE FACE ET REVERS DE DEUX COLOSSES AUX PIEDS D’ARGILE PAR LOUIS MARESCHAL
Au festival des projets pour le meilleur des mondes, la liberté d’expression et la démocratie figurent parmi les concepts superstars du moment. Les interprétations de ceux-ci sont diverses et variées. Qu’il s’agisse des citoyens en quête d’équité, des politiciens en campagne, des militants de toutes les extrêmes, des intellectuels engagés ou encore des étudiants à l’esprit critique en pleine croissance, tous partagent à cet égard une opinion bien différente. Dans la course effrénée des idées vers le progrès, liberté d’expression et démocratie sont intimement liées comme les deux facettes de la même médaille. Que celle-ci soit orientée pile ou face, les deux concepts obéissent aux mêmes principes en étant régis par les mêmes conditions tout en souffrant des mêmes risques. Cependant, veulent-ils encore dire quelque chose si ce n’est à la fois tout et rien ? Ne faudrait-il pas réaccorder ces deux instruments démocratiques afin qu’ils jouent sur la même mélodie ? Dans la négative, la confusion et le fiasco ne constituent-ils pas des menaces pour l’État de droit ?
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{ DOSSIER DÉMOCRATIE }
La décadence de la démocratie n’est pas forcément néfaste pour tout le monde : certains mieux que d’autres savent tirer leur épingle du jeu. Les idées populaires séduisent d’ailleurs de plus en plus... Nous sommes contemporains de la percée historique des partis populistes : le parti conservateur de monsieur Johnson au Royaume-Uni, le Rassemblement National de madame Le Pen en France, le Vlaamse Belang (l'intérêt flamand) de monsieur Van Grieken en Belgique, pour ne citer qu'eux. La planète terre est la spectatrice passive, au fur et à mesure qu'elle se réchauffe, d'une prolifération invasive et sans précédent de discours fascistes et démagogues de toutes les extrêmes. Les citoyens eux, en déphasage avec des représentants politiques dont ils ne perçoivent plus toujours la finalité et l'utilité, finissent par perdre confiance. Face à cette lame de fond extrémiste qui – un peu à la manière dont une faucille sape les blés – sape la démocratie, adoptons la parade adéquate. Certains choisissent d'ignorer, d'autres de se résigner, voire de se réfugier derrière le sarcasme. Il ne s'agit, à mon avis, pas d'un sujet à prendre avec légèreté. Trêve de bouche cousue ! Par-delà toutes incertitudes, en tant que jeune et en tant que citoyen nous souffrons d'une responsabilité considérable dont il faut ex nihilo cerner adéquatement tous les aspects. Si d’aventure, liberté d’expression et démocratie sont en danger, leur protection doit être assurée par un argumentaire contradictoire, justifié, étayé et sans langue de bois. La boussole éthique et politique de l’idéal démocratique. La liberté d’expression définit peut-être la frontière de la démocratie. L’image de la frontière, c’est en premier lieu celle de la limite. Mais cela ne veut pour autant pas dire que la liberté d’expression est apatride ou se situe dans un no man’s land, dans un cadre sans fondement ni principes... bien au contraire ! La frontière, c’est aussi le cadre et il est impossible de comprendre la liberté d’expression sans envisager ce cadre démocratique depuis l’intérieur. Il rejette les limites étrangères tout en faisant respecter les limites qui lui sont propres. Cette figure de frontière, c’est aussi de façon plus subjective, le choix entre les possibilités multiples d’emprunter plusieurs chemins comportant chacun des risques. La menace extérieure d’une part, dont la concrétisation la plus glaçante est celle des attentats terroristes et l’abus intérieur d’autre part, caractérisé par une liberté d’expression absolument débridée. La liberté d’expression est fragile. Elle est parfois mutilée et attaquée, jusqu’à des attentats d’ailleurs toujours au cœur de certaines tensions vives actuelles. La campagne de terreur menée par le djihadisme contre la liberté d’expression en est la preuve. L’attentat contre Charlie Hebdo et plus récemment l’assassinat de l’enseignant Samuel Paty ont à cet endroit, fait couler beaucoup d’encre et malheureusement beaucoup de sang. La tristesse et l’émoi populaire sont aussitôt récupérés de part et d’autre
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du spectre politique, par les partisans de la démagogie. La question des attaques contre la liberté d’expression soulève une première difficulté. En partant de l’exemple de Samuel Paty et de l’idée souvent entendue selon laquelle « des dessins lui auraient coûté la vie (...) que s’il ne les avait pas montré, il ne serait pas mort », il existe un risque bien réel de pente fatale. Un discours similaire est-il envisageable pour le cas des attentats contre des écoliers au Cameroun, des étudiants à Kaboul ou des citoyens au Mozambique ? Il peut-être pernicieux de se focaliser sur la liberté d’expression et ses limites dans le registre bien précis du terrorisme alors qu’il n’existe pas réellement de mesure ni de raison communes à tous les attentats. À ce stade pour réfléchir à la question du danger, il apparaît nécessaire de questionner la liberté d’expression non pas par rapport au terrorisme mais plutôt par rapport à la façon dont on réagit au terrorisme. Le vrai problème inhérent à l’émotion, à la question de l’affect est que cela conduit à amoindrir le concept fondamental de la liberté d’expression. Lorsqu’un politicien affirme au cours d’une sortie de presse que « la liberté d’expression ne doit pas blesser inutilement », c’est en quelque sorte, ne pas réussir à dompter ses propres sentiments, voire pire, faire aveu de résignation face aux ennemis de la démocratie. Le deuxième écueil est moins évident que paradoxal. Il s’agit de faire taire ceux qui sont en désaccord avec la liberté d’expression au nom de cette même liberté d’expression. Le risque est alors que le blasphème, la censure et finalement l’autodafé et l’emprisonnement ne deviennent invariablement la coutume. Sans réduire le caractère dramatique d’une telle situation, celle-ci pourrait alors être résumée en une blague absurde mais pourtant criante : « dans une prison de l’ancien État de droit, un détenu se rendit à la bibliothèque pour demander un livre. Le gardien lui répondit : "on n’a pas cet ouvrage mais nous avons son auteur" ». Quand on entreprend de rebaptiser un tunnel bruxellois, c’est également faire acte de censure. Que l’on reproche à Léopold II d’avoir organisé la colonisation du Congo est tout à fait légitime. Cependant, plutôt que de ratifier les plaintes et doléances par la suppression du passé, ne vaudrait-il mieux pas enseigner ce passé ? Expliquer sans oublier quels ont été les travers de la colonisation ? Peu nombreuses sont les figures historiques capables de résister à un tel procès intenté contre le passé… Pas même Annie Cordy, comme peut en témoigner la polémique autour de sa chanson « Cho Ka Ka O ». Il s’agit d’un exemple cinglant mais authentique. Dans cette vieille chanson, l’éventuel racisme n’est en luimême pourtant pas légalement répréhensible. Inversement, l’encouragement au racisme par des propos (tel qu’un discours de provocation à la haine par des propos injurieux ou diffamatoires) peut faire l’objet de poursuites pénales. La distinction n’est certainement pas facile, tout comme l’interprétation. Toutes deux requièrent un effort intellectuel et de connaissance du contexte.
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Quelques enseignements camusiens au sujet de la liberté d’expression. Le pragmatisme naturel de l’auteur de « L’Étranger » et de « La Peste » invite à ne pas tomber dans la polémique (entendue dans le sens de l’insulte, de l’invective). Le risque est en définitive de finir par mépriser son adversaire et par conséquent de refuser de le voir. Cette tendance est monnaie courante sur les réseaux sociaux ou sur certains plateaux médiatiques où finalement le but n’est plus de débattre en échangeant arguments contre arguments, en se focalisant sur le fond. Le but de l’exercice est alors de réussir à catégoriser les autres en partant d’un postulat a priori, les considérant comme des interlocuteurs illégitimes. En 1939, dans son « Manifeste censuré », Camus formule ces mots qui invitent à la réflexion : « En face de la marée montante de la bêtise, il est nécessaire également d'opposer quelques refus. Toutes les contraintes du monde ne feront pas qu'un esprit un peu propre accepte d'être malhonnête. Or, et pour peu qu'on connaisse le mécanisme des informations, il est facile de s'assurer de l'authenticité d'une nouvelle. C'est à cela qu'un journaliste libre doit donner toute son attention. Car, s'il ne peut dire tout ce qu'il pense, il lui est possible de ne pas dire ce qu'il ne pense pas ou qu'il croit faux. Et c'est ainsi qu'un journal libre se mesure autant à ce qu'il dit qu'à ce qu'il ne dit pas. Cette liberté toute négative est, de loin, la plus importante de toutes, si l'on sait la maintenir. Car elle prépare l'avènement de la vraie liberté. En conséquence, un journal indépendant donne l'origine de ses informations, aide le public à les évaluer, répudie le bourrage de crâne, supprime les invectives, pallie par des commentaires l'uniformisation des informations et, en bref, sert la vérité dans la mesure humaine de ses forces. Cette mesure, si relative qu'elle soit, lui permet du moins de refuser ce qu'aucune force au monde ne pourrait lui faire accepter : servir le mensonge ». Enfin et par voie de conséquence, l’auteur de « L’Homme révolté », peut-être mieux que personne, avait jadis alerté : « Faites attention, quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n'est pas pour prendre de ses nouvelles ». Avant de conclure, un chant du cygne sur un fond démocratique. Il importe de respecter rigoureusement la liberté d’expression dans sa forme la plus pure. Il faut résister face aux affects et autres invocations martiales et dogmatiques de la liberté d’expression. Celle-ci n’est pas un outil destiné à instrumentaliser ou encore à servir le politiquement correct et le conformisme social. La réflexion est l’arme des sages, laquelle permet d’accepter que la liberté d’expression puisse avoir des effets désagréables pour certains. La limite ne peut pas être fixée par la nature ou le contenu du propos exprimé mais plutôt par le caractère intime et personnel de l’attaque. Le fait d’exprimer des opinions, c’est agir sur autrui en incitant à croire ou ne plus croire, en essayant de convaincre, persuader, charmer ou provoquer. Il faut accepter d’être heurté et blessé par les idées des autres tant qu’il n’existe pas d’agression absolument personnelle, d’actes concrets, au-delà des opinions abstraites. La censure a un prix et la note risque d’être salée : supprimer et reculer n’est jamais de bon augure ni pour le progrès ni pour la démocratie. Le mot de la fin est pour Simone Weil qui dans le combat pour la défense des idées libertaires au XIXe siècle, reste un exemple à suivre : « La liberté d’expression totale, illimitée, pour toute opinion quelle qu’elle soit, sans aucune restriction ni réserve, est un besoin absolu pour l’intelligence. Par suite, c’est un besoin de l’âme, car quand l’intelligence est mal à l’aise, l’âme entière est malade ».
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« TROP GOUVERNER EST LE PLUS GRAND DANGER DES GOUVERNANTS » DÉMOCRATIES ILLIBÉRALES ET POPULISME PAR NICOLAS KOWALSKI
Comment les démocraties illibérales et le populisme, deux dangers en plein essor, sont-ils en train de gangrener notre démocratie qui est assurément plus fragile qu’elle n’y parait ? Pour les comprendre et lutter contre ces menaces, nous devons nous questionner sur des phénomènes qui mettent en péril notre démocratie. Ces enjeux sont d’autant plus importants pour nous, les jeunes, car nous avons encore toute une vie à vivre dans ce siècle qui s’annonce plus mouvementé que jamais.
À l’heure de la communication de masse, des tweets à conséquences géopolitiques, à l’heure où les partis populistes font office de normes dans certains pays, nous pouvons nous demander si la démocratie en Europe est en danger et surtout à quel point elle l’est. En effet, il y a en Europe des coalitions gouvernementales formées par des extrêmes, une démocratie illibérale qui pullule, et plus inquiétant encore, une présidentielle française qui s’annonce plus déterminante que jamais pour un des six pays fondateurs de notre Union. Aujourd’hui, il ne faut pas plus de deux minutes sur les réseaux sociaux pour être submergé de discours extrémistes de gauche comme de droite. Un des débats les plus flambants dans nos démocraties occidentales actuelles est de savoir si nos gouvernements sont ou non assez démocratiques en raison des mesures sanitaires prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19 qui restreignent nos libertés. N’est-il pas de notre devoir de se détourner de ces accusations faciles et de regarder dans quelle mesure les failles démocratiques sont présentes depuis bien plus longtemps chez certains de nos alliés européens ? N’estil pas de notre devoir de faire la part des choses entre des mesures sanitaires dictées par la raison et des restrictions sur les vrais droits fondamentaux que sont la liberté intellectuelle,
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philosophique, politique, la liberté de la presse, les droits des personnes LGBTQ+, de même que la protection des minorités ethniques et religieuses ? La démocratie est-elle seulement le respect du processus démocratique ou est-elle plus profondément liée à des valeurs morales fondamentales ? Cette question impérieuse nait de deux phénomènes…
La démocratie illibérale
La majeure partie du monde est d’accord pour dire que la démocratie est le « bon » système de gouvernance. Cependant, il faut dissocier le processus démocratique de la démocratie. Un pays peut élire des gouvernants par un processus tout à fait démocratique sans pour autant être une démocratie. En effet dans l’histoire, et cela se répète actuellement dans certains pays d’Europe, « l’essor de la démocratie va souvent de pair avec l’hypernationalisme ». Ce fait peut être illustré avec ce qu’il se passe en Europe de l’Est. Le parti de Viktor Orban est dangereux pour la démocratie en Hongrie. Ne s’en cachant même pas, le leader conservateur ne souhaite pas une démocratie libérale pour son pays, mais bien une démocratie illibérale. La Hongrie y revendique son
appartenance depuis 2014. Preuve de son inadéquation avec les valeurs prônées par la démocratie libérale, le Fidesz affirme être totalement opposé à la migration et veut aller vers la défense des « vraies » valeurs conservatrices, ce qui signifie pour lui la prohibition du mariage gay et la valorisation sans équivoque qu’une famille doit être composée d’un père et d’une mère. Son parti a quitté le PPE, son groupe au parlement européen, pour ne pas être humilié par une expulsion. Après des années de laxisme, le PPE ne pouvait plus fermer les yeux sur le Fidesz. À première vue, Orban a été élu via un processus démocratique respecté. Devons-nous pour autant légitimer son pouvoir toujours plus grand ? Cet exemple hongrois illustre bien que la démocratie est fragile et que les libertés sont un privilège. Être le pouvoir du peuple, par le peuple et pour le peuple au sens du Président Lincoln n’est pas suffisant, une démocratie ne peut l’être que si le libéralisme constitutionnel est à la base de la politique suivie du pays qui se revendique démocratique.
Le populisme
Légitimés par des prétendues vérités que les politiciens traditionnels cachent au peuple ou profitant de sujets sensibles pour noyer de mensonges les électeurs, les populistes représentent une grande menace pour nos démocraties. Sur les réseaux sociaux, Marine Le Pen n’a pas hésité à critiquer la campagne de vaccination en France la qualifiant de « Waterloo vaccinal ». Devons-nous nous demander si nous trouvons normal qu’une candidate à la présidence d’un pays voisin compare un plan de vaccination pour sauver des milliers de Français à la chute d’un des plus grands conquérants et nationalistes de l’histoire de France ? Devons-nous aussi parler des milliers de tweets d’un ancien président de la première puissance mondiale qui n’a pas hésité à contester des vérités en faisant croire à des millions d’Américains des aberrations par des phrases faciles à comprendre ? Les populistes sont très dangereux et ils ont souvent un vrai projet politique sous-jacent à leurs discours qu’ils dissimulent dans leurs interventions publiques. Selon Nadia Urbinati de l’université de Columbia, « le populisme n’est pas une idéologie, c’est un instrument de conquête du
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pouvoir ». Mais si le populisme est un instrument de conquête du pouvoir n’est-il pas aussi un moyen de parvenir à ses différentes fins politiques ? C’est pourquoi la distinction entre populisme de droite et de gauche est très fine. Le populisme est un phénomène qui a lieu partout. Prenons l’exemple de notre pays, la Belgique, nous sommes probablement tous d’accord pour dire que le PTB et le Vlaams Belang ont des objectifs et des projets diamétralement différents dans leurs programmes politiques. Cependant, leurs moyens de percer aux élections sont les mêmes. Les deux partis dépensent des sommes colossales pour que leurs publications, souvent mensongères, apparaissent en priorité sur le fil d’actualité des jeunes électeurs. De surcroit, leurs résultats aux dernières élections étaient particulièrement élevés. Une solution pour lutter contre ce problème serait une meilleure éducation politique de la population. En effet, obnubilée par les réseaux sociaux et le divertissement de masse, une partie de la population se désintéresse complètement du débat politique et lorsqu’un problème social, économique ou sanitaire surgit, elle prend la voie de la facilité en se réconfortant dans un discours simple à comprendre. Or, la politique ce n’est pas simple, les enjeux économiques, sociaux et sanitaires auxquels nous faisons face sont tout sauf simples. C’est par le dialogue, non pas par la manipulation du citoyen, que notre démocratie doit être maintenue pour aller de l’avant. En somme, face à ces deux menaces que sont les démocraties illibérales et le populisme, gardons à l’esprit que des alternatives existent. Nous devons apprendre à vivre dans un monde qui est très différent de ce qu’il était auparavant. Entrons dans cette nouvelle ère numérique du tweet et des réseaux sociaux pour discuter avec le citoyen, pour rétablir la confiance parfois perdue. Le citoyen ne se reconnait plus toujours dans les partis politiques traditionnels pour diverses raisons notamment dues à une communication parfois en décalage avec la réalité du quotidien. Les citoyens sont donc tentés de se ranger derrière un leader qui a les justes mots pour appuyer là où ça fait mal et qui arrive à séduire l’électeur. Les jeunes, et en particulier les jeunes libéraux, n’ont-ils pas le devoir de placer le maintien de la démocratie comme une des priorités du débat politique d’aujourd’hui et surtout, de demain ? >>
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L’EXÉCUTION DE LA DÉMOCRATIE
PAR VOIE D’ARRÊTÉS MINISTÉRIELS PAR ALBAN DURAKU & ARTUUR GRAUWELS
Partout maintenant, l’on entend parler de « démocraties défaillantes ». Leur nombre a d’ailleurs largement augmenté à la suite des mesures restrictives de libertés qui ont été prises par les différents pays du monde dans le cadre de la lutte contre la pandémie que nous connaissons tous. En Belgique, nombre de ces mesures restrictives de libertés ont été mises en place sur base d’arrêtés ministériels du ministre de l’Intérieur. Nous nous intéresserons ici à ces arrêtés ministériels et tout particulièrement aux vices de forme que ceux-ci présentent, vices constituant, selon nous, des indices d’une défaillance de la démocratie.
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Nous pouvons définir la démocratie, vulgairement, par le fait que le pouvoir est détenu par le peuple. Ce dernier manifeste ses pouvoirs par son vote et par l’élection de personnes censées le représenter. En Belgique, ce rôle de garant de la démocratie est assuré par le pouvoir législatif qui protège les intérêts de la société. Cependant, ce pouvoir s’est vu bafoué par le pouvoir exécutif, qui doit normalement « exécuter » ce que le pouvoir législatif lui demande. En effet, la prise d’arrêtés ministériels instaurant des mesures sanitaires protectrices contre le Coronavirus n’a pas respecté le peuple, en ce qu’il s’est substitué au pouvoir législatif, matérialisé par le parlement. Qu’existe-t-il de plus important que les libertés fondamentales de chacun, dont la plus importante à nos yeux : le droit à la liberté lui-même ? Droit qui a simplement été mis entre parenthèses par les différents ministres de l’Intérieur qui se sont succédés lors de cette crise sans, nous semble-t-il, avoir eu égard aux règles procédurales et constitutionnelles pourtant indispensables à la garantie effective de nos droits et libertés individuels. Dans l’ensemble des arrêtés ministériels, au sein du préambule, l’absence de consultation d’avis de la section de législation du Conseil d’État est justifiée par l’urgence impérative de la prise des arrêtés. Or, les différents arrêtés ministériels ne font qu’étendre dans le temps les mesures prises par l’arrêté du 28 octobre 2020, parfois en interdisant de nouvelles choses, parfois en autorisant d’autres. Nous constatons cependant que chaque arrêté est pris bien avant l’expiration des délais prévus par l’arrêté qui précède. Citons à titre d’exemple, l’arrêté du 6 février qui modifie l’arrêté du 28 octobre 2020 et étend les mesures sanitaires jusqu’au 1er avril, alors que l’arrêté précédent avait étendu les mesures jusqu’au 1er mars 2021. L’urgence invoquée pour l’adoption de ces mesures n’est pas fondée puisque le gouvernement avait plus de trois semaines pour demander un avis au Conseil d’État, garant de notre démocratie. Il en aurait été tout autre, si la situation s’était gravement empirée et qu’il était impératif de prendre de nouvelles mesures. Or, ce n’était pas le cas et le gouvernement a contourné le contrôle du Conseil d’État qui doit vérifier si le pouvoir exécutif n’a pas empiété sur le législatif et donc sur la démocratie. Cette volonté d’évoquer une urgence faussement avérée a amené une pleine domination injustifiée du pouvoir exécutif qui écrase et soumet le pouvoir judiciaire et surtout législatif, tous deux incapables d’intervenir pour protéger nos droits et libertés. Bien évidemment, nous ne critiquons pas la prise de mesures sanitaires, mais bien l’absence de consultation de la section de législation du Conseil d’État qui aurait empêché, certainement, les défauts des différents arrêtés ministériels. Quant au fondement légal de la sanction prévue à l’article 26 de l’arrêté ministériel du 28 octobre, il nous parait illégal dans
certains cas. En effet, l’arrêté se base sur plusieurs articles de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile, plus précisément les articles 181, 182 et 187. Cependant, avant d’expliquer notre raisonnement, il est important de rappeler qu’en droit belge, le droit pénal est d’interprétation restrictive.
AINSI QUE L’A RÉCEMMENT RAPPELÉ LA COUR DE CASSATION, L’INTERPRÉTATION RESTRICTIVE D’UNE LOI PÉNALE N’A LIEU D’ÊTRE QUE SI LE JUGE A UN DOUTE QUANT À SA PORTÉE ALORS QUE, S’IL N’A PAS DE DOUTE, IL DOIT FAIRE SORTIR À LA LOI TOUS SES EFFETS.[…] CERTES, L’INTERPRÉTATION LOGIQUE NE VA PAS SANS LIMITES. LES COURS ET TRIBUNAUX NE PEUVENT AJOUTER À LA LOI, QUE CELA SOIT IN FAVOREM OU IN DEFAVOREM, OU EN FORCER L’APPLICATION EN ÉLARGISSANT LA SIGNIFICATION D’UN TERME POUR Y COMPRENDRE DES FAITS QU’IL EÛT ÉTÉ DÉSIRABLE DE VOIR RÉPRIMER. AINSI QUE L’A SOUTENU LE PROCUREUR GÉNÉRAL CH. FAIDER, IL N’APPARTIENT JAMAIS AU JUGE D’ÉTENDRE LES TERMES DE LA LOI PÉNALE, D’Y COMPRENDRE DES FAITS QUE LE LÉGISLATEUR N’A NI PRÉVUS, NI QUALIFIÉS, NI PUNIS.
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Or, sanctionner le non-respect de la fermeture de l’HORECA ou le non-port du masque sur base de la loi sur la sécurité civile de 2007, qui sanctionne uniquement le non-respect des déplacements et de l’éloignement de certains lieux sinistrés, menacés, etc., est une interprétation extensive et cela ne respecte pas le principe d’interprétation restrictive de la loi pénale.
loi sur la sécurité civile. L’exécutif ne peut étendre cette loi à ces cas. Ceci va à l’encontre du principe nullum crimne, nullum poena, sine lege [« Il n’y a ni crime ni sanction sans loi »] !
Ainsi, pour les sanctions du nonrespect de l’arrêté ministériel du 28 octobre 2020, la plupart de cellesci ne peuvent être appliquées car la base légale n’est pas correcte. Seul le législateur a le pouvoir d’incriminer des comportements et la loi invoquée pour donner un fondement aux sanctions n’est pas adéquate. En effet, sanctionner le non-respect du port du masque ou encore l’ouverture d’un restaurant n’est strictement pas prévu par la
Les articles 181 et suivants de la loi du 15 mai 2007 relative à la sécurité civile disposent que le ministre en charge de l’Intérieur peut, en cas de circonstances dangereuses, interdire tout déplacement ou mouvement de la population.
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L’exécutif, à nouveau, tente de se substituer au pouvoir législatif mais ce pouvoir est le plus représentatif de la démocratie et est le défendeur de nos droits et libertés.
Toujours est-il que le plus gros problème auquel nous sommes confrontés à la lecture de cette loi ne réside pas dans la définition des circonstances dangereuses mais bien
dans l’inconstitutionnalité de cette loi. Une loi est inconstitutionnelle lorsqu’elle ne respecte pas le prescrit de la Constitution. S’il existe bien une disposition phare dans la Constitution, il ne fait nul doute qu’il s’agirait de l’article 33 prévoyant que « tous les pouvoirs sont exercés conformément à la Constitution ». L’article 108 de la Constitution prévoit que le Roi est compétent pour exécuter les lois. Le Roi doit bien entendu être compris comme faisant référence au gouvernement et non pas au Roi lui-même. Le gouvernement procédera alors par voie d’arrêtés royaux. Le Roi (le gouvernement) pourra ensuite déléguer certaines des missions qu’il a reçues du législateur à un ministre qui procédera alors, à titre individuel, par voie d’arrêtés ministériels.
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En aucun cas, la Constitution ne prévoit qu’un ministre seul soit compétent pour exécuter une loi. Dès lors, la loi du 15 mai 2007 relative à la protection civile, en ce qu’elle donne, directement, au ministre de l’Intérieur le pouvoir de l’exécuter, va à l’encontre de la Constitution et doit être déclarée inconstitutionnelle. Pour entraîner des conséquences sur le plan juridique, le constat de l’inconstitutionnalité d’une loi doit être dressé par la Cour constitutionnelle. Celle-ci pourra alors, notamment, prononcer l’annulation de la loi. Seule la Cour constitutionnelle peut procéder à ce genre d’analyses. C’est ici que la démocratie nous apparaît comme défaillante, car afin d’introduire un recours en annulation d’une loi devant la Cour constitutionnelle, certains délais sont à respecter, et il ne fait nul doute que ceux-ci sont dépassés pour la loi du 15 mai 2007. Un palliatif à ce problème réside dans le mécanisme de la question préjudicielle. Il s’agit d’une question posée par une autre juridiction à la Cour constitutionnelle. Cette question peut alors concerner la constitutionnalité d’une loi dont les délais pour introduire un recours en annulation sont dépassés. Cependant, la Cour constitutionnelle n’a pas pour rôle de contrôler le respect de l’entièreté des dispositions de la Constitution. L’article 108 de la Constitution fait malheureusement partie de ces dispositions dont la Cour suprême ne peut assurer le respect. La Cour ne pourra vérifier la constitutionnalité de cet article que si la question préjudicielle le combine avec d’autres disposions dont la Cour a pour mission d’assurer le contrôle, tels que les articles 10 et 11 de la Constitution protégeant les Belges contre les discriminations et les inégalités. Si la Constitution a bel et bien été, jusqu’ici impunément, bafouée par la loi sur laquelle se reposent les ministres de l’Intérieur pour créer des ingérences dans nos droits et libertés, il n’en demeure pas moins qu’il est toujours
possible de procéder à l’annulation de ces arrêtés ministériels eux-mêmes. Cela doit se faire devant le Conseil d’État sur base d’un recours en annulation. Les délais pour introduire ce type de recours ne sont pas dépassés. Cependant, si l’argument phare demandant une annulation de l’arrêté ministériel repose sur l’inconstitutionnalité de la loi sur base de laquelle l’arrêté litigieux a été pris, il y a beaucoup de chances pour que le Conseil d’État se déclare incompétent pour vérifier la constitutionnalité d’une loi et nous nous retrouverons donc dans la situation actuelle où aucun remède ne semble clairement se démarquer. Une dernière possibilité réside dans l’opportunité conférée, par l’article 159 de la Constitution, aux cours et tribunaux de refuser d’appliquer un arrêté qui ne serait pas conforme à la loi dans le cadre d’un litige en responsabilité civile de l’État. Enfin, un avant-projet de loi « Corona » circule actuellement au parlement. Celui-ci prévoit, en son article 2, la compétence du ministre de l’Intérieur pour exécuter ladite loi par le biais d’arrêtés ministériels. Une nouvelle loi inconstitutionnelle est donc sur le point d’entrer dans notre système juridique. Loi contre laquelle un recours en annulation devant la Cour constitutionnelle risque à nouveau d’être très délicat car son caractère inconstitutionnel repose sur une contrariété à une disposition constitutionnelle dont la Cour n’a pas pour mission d’assurer le respect. Pouvons-nous donc affirmer, sur la seule base de cette analyse, que la démocratie belge est défaillante ? Assurément pas. Il n’en demeure pas moins que le résultat de cette analyse est interpellant et mérite toute l’attention du citoyen. En effet, si les différents pouvoirs (législatif, exécutif et judiciaire) ne sont pas en mesure de se contrebalancer les uns les autres, la démocratie risque, très rapidement, de péricliter. Il est temps que le Constituant belge agisse.
Depuis la rédaction de cet article, le 31 mars 2021, le Tribunal de première instance de Bruxelles a condamné l’État belge à mettre fin aux mesures Covid-19 jugées illégales et ce, sur base d’un raisonnement analogue au nôtre. Si nous saluons la justesse juridique d’un tel jugement, nous nous interrogeons maintenant quant à sa pertinence dans une situation de crise telle que nous la connaissons actuellement. Ce jugement, même s’il est totalement justifié sur le plan juridique, risque de mettre à mal la confiance de la population envers son gouvernement et rendra d’autant plus difficile la gestion de la crise. Si ces conséquences sont avérées, serait-il envisageable d’engager la responsabilité de l’État car son ordre judiciaire aurait causé un dommage important aux personnes potentiellement victimes des conséquences dudit jugement ? Les questionnements restent ouverts…
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QUELLE MISE À JOUR POUR
LA DÉMOCRATIE LIBÉRALE ? PAR CONSTANTIN DECHAMPS
Dans les années ’90, Fukuyama prédisait la fin de l’histoire et avait le système de démocratie libérale représentative pour seul horizon. Pourtant la montée du sentiment de « désenchantement démocratique » semble mettre à mal cette prophétie. Pour contrer ce dernier, plusieurs idées sont avancées mais toutes ne se valent pas. Il semblerait donc que l’Histoire ait décidé de nous laisser des chantiers à mettre en œuvre afin de mettre à jour la démocratie.
Dans son livre, De la démocratie en Amérique, Tocqueville pointe une faille insidieuse de ce qui était en train de naitre à l’époque et de ce qui est, du moins en Europe, notre cadre de vie actuelle : la société démocratique. Un des dangers pointés alors est le « repli sur soi ». Le citoyen ne se concentrant plus que sur sa sphère privée délaisse la res publica et, pour reprendre l’auteur, « abandonne volontiers la grande société à elle-même ». Pour être exact, le danger n’est pas réellement ce repli mais plutôt ses conséquences, car en délaissant la gestion de la cité et ses prérogatives, le citoyen se soumet mollement à la dictature de la majorité. Amenant la fin de la pluralité d’opinions, de la nuance, et ce, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer pour ce qui est de l'exercice des droits politiques. Le risque à terme étant le despotisme. Et quand bien même ce dernier est un despotisme de la multitude, un despote reste un despote, ce n’est dès lors pas un horizon souhaitable. Ce détour nous permet ainsi de nous rendre compte que la société démocratique n’est pas sans risques, paradoxalement, pour elle-même. Il faut ainsi veiller jour et nuit à sa bonne santé. Or, il semblerait que la montée des populistes, illibéraux et autres tendances autoritaires – si pas totalitaires – viennent la gripper. L’explication de la montée en puissance de ces mouvements n’est pas simple mais, pour cet article, nous retiendrons deux raisons qui font désormais partie de ce qu’on appelle « le désenchantement démocratique ». La première est le sentiment qu’a le citoyen de ne pas être « correctement » représenté par les institutions politiques et la seconde, le désintérêt qui en découle.
État des lieux, une représentation jugée insuffisante
Nous vivons dans des démocraties libérales représentatives. « Libérale » car l’État est garant des droits et libertés fondamentales et naturelles des individus. Et « représentative » car les citoyens délèguent, grâce au vote, leurs pouvoirs de délibération et de décision à des représentants qui forment le pouvoir législatif. Ici, c’est bien le caractère représentatif qui pose problème, pour certains du moins. En effet, d’aucuns considèrent que les parlements
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n’accueillent pas assez tel ou tel type de métier, telle ou telle tranche d’âge, que les élus vivent « déconnectés » de la réalité, que le processus est lent ou non suffisamment accessible… En bref, que le « représentatif » manque de lien avec les citoyens.
Une fausse bonne idée
La première solution régulièrement évoquée afin de faire face à ce désenchantement et de recréer du lien est l’instauration d’assemblées citoyennes par tirage au sort. Cette option semble parée de toutes les vertus. L’exemple le plus « connu » est sans doute le cas français de Convention Citoyenne pour le Climat (CCC). Pour cette dernière, les citoyens sont tirés au sort tout en respectant un certain pourcentage en termes de tranche d’âge, de niveau d’études, de type de carrière… afin que cette assemblée soit représentative de la société française. Des doutes avaient été émis quant à la qualité de leur travail, certains estimant que de simples citoyens n’ont pas l’habitude d’un tel exercice. Cette critique, à notre sens, ne tient pas, car un nouveau député n’a lui aussi pas l’habitude de l’exercice législatif ; c’est en se formant que la qualité vient. Et c’est le cas des membres de la CCC, car bien que leur travail est orienté puisqu’il refuse toute référence au progrès dans le cadre de la lutte contre le réchauffement climatique, leurs propositions ne sont pas « bâclées » – cela, il faut le leur laisser. Une véritable critique bien plus essentielle et importante, que nous pouvons diriger contre ce type d’outil, est que si des citoyens sont certes tirés au sort afin de représenter la composition de la société, ils ne représentent, en définitive, pas leurs pairs, vu qu’ils ne sont pas élus ! Or, c’est bien le processus d’élection au suffrage universel (quel que soit le mode de scrutin) qui assure à tout un chacun le fait d’être représenté selon ses valeurs, ses opinions, ses attentes, ses envies… Ce n’est pas le cas avec le tirage au sort, les citoyens sélectionnés ne représentent personne si ce n’est eux-mêmes. Et du fait de cette absence d’élection, ils ne sont responsables devant personne si ce n’est devant leur propre conscience. Pourtant, le processus de sanction ou de reconduction lors des élections est bien un des rouages essentiels de la démocratie libérale. Dès lors, il est impensable pour nous que ce type d’assemblées puissent être instaurées dans le but d’avoir un véritable pouvoir effectif. À la rigueur, nous pourrions imaginer un système dans lequel ce type d’assemblées seraient sollicitées ponctuellement pour tel ou tel type de sujet. L’important étant surtout qu’elles aient un rôle consultatif ; le pouvoir de décision, le législatif, qui acte, ou non, une loi étant laissé aux représentants élus.
Une piste de solution
Cependant, nous préférons aux assemblées citoyennes par tirage au sort, l’outil dont les Suisses se sont rendus les spécialistes, à savoir le référendum. Car d’une part, ce dernier en assurant la représentativité de chacun est, au même titre qu’une assemblée élue, plus légitime que la solution précédente. Et d’autre part, car le processus référendaire
rend aux citoyens l’exercice de leur liberté politique, chère à Tocqueville. Cet exercice ne se limitant plus à un vote tous les cinq ans, l’intérêt pour la gestion de la cité de la part des citoyens peut donc revenir. Répondant ainsi, en partie, au « désenchantement démocratique ». Bien sûr, il ne s’agit pas ici de créer une démocratie directe ce qui serait ingérable, mais d’adapter cet outil à la réalité politique contemporaine afin de créer en Belgique une démocratie représentative avec des outils de démocratie directe – à l’image de la Suisse. Cette dernière connait plusieurs types de référendum : premièrement, les « initiatives populaires fédérales » qui permettent, sur le plan fédéral, à 100 000 citoyens de proposer une modification totale ou partielle de la Constitution et de la soumettre au vote référendaire ; deuxièmement, les référendums obligatoires qui s’appliquent lorsque le gouvernement souhaite faire passer une loi ou proposer une modification de la Constitution ; et troisièmement, les référendums facultatifs qui permettent au peuple de demander l’organisation d’un vote afin de s’opposer à un acte législatif adopté par le Parlement, moyennant la réunion de 50 000 signatures dans les 100 jours. Notons que quel que soit le type de référendum, le résultat doit être validé et entériné par le parlement. Nous tenons également à répondre à la critique selon laquelle le citoyen lambda non habitué à ce type d’outil pourrait mal voter. Il est vrai que c’est un risque et qu’il faut donc s’en prémunir. En rendant, par exemple, impossibles les référendums pour certains sujets comme ceux qui remettraient en cause les droits et libertés (individuelles et publiques) et en prévoyant également une balance auprès des autres pouvoirs et notamment au parlement afin de prévenir les éventuelles dérives et éviter que ces outils servent au final aux ennemis de la démocratie. Considérant que la mentalité politique belge est assez proche de celle de la Suisse – nos deux pays regroupant plusieurs communautés (bien que le dialogue chez nous est, en apparence, plus mouvementé) et s’organisant de manière fédérale (le fédéralisme belge gagnerait néanmoins à être rendu plus efficace) – ce type d’outil peut sans doute être « facilement » transposable en Belgique moyennant quelques ajustements. De façon plus essentielle, la tradition libérale sait que lorsque l’on « donne » la liberté à un individu, ce dernier l’utilise de manière « rationnelle » et responsable ; la Suisse est d’ailleurs un exemple de stabilité politique et d’ouverture internationale. Et bien que les premiers pas de la Belgique dans ce nouveau modèle de décision – une démocratie représentative avec des outils de démocratie directe – seraient sans doute quelque peu surprenant au départ, il faut avoir confiance en la responsabilité et en la liberté de tout un chacun afin que le « désenchantement démocratique » laisse place au réenchantement.
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NOS PROPOSITIONS POUR
DE DÉMOCRATIE PAR LA FÉDÉRATION DES ÉTUDIANTS LIBÉRAUX
PROPOSITIONS ISSUES DE NOTRE MÉMORANDUM ÉLECTORAL 2019
À l’heure de la mondialisation, où les indicateurs économiques sont rois et où les échanges de marchandises, de matières premières passent avant les échanges humains. À l’heure où le culte de l’argent reflète notre puissance sinon notre perte d’humanité. À l’heure où la recherche obsessionnelle de la rentabilité met en danger nos services publics et nos ressources naturelles. À l’heure où la montée du populisme fragilise, de plus en plus, notre socle démocratique en prenant source dans la corruption des élites et sapant ainsi la confiance du peuple dans nos institutions. À l’heure où des décisions sécuritaires et sanitaires viennent ronger nos libertés fondamentales. À l’heure où, face à l’urgence sanitaire, le monde politique stagne ou recule. Il devient urgent de savoir vers quoi l’on s’avance ! Dans cette optique, et en suivant les nombreux signaux lancés par les citoyens de par le monde réclamant une juste place dans le processus démocratique, nous pensons qu’il est primordial de se questionner sur la place de notre démocratie représentative et de proposer des changements ou améliorations en lien avec nos réalités actuelles.
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IMPLÉMENTER UNE CULTURE DÉMOCRATIQUE DÈS L’ÉCOLE
On peut regretter que l’apprentissage de la démocratie, si fondamental pour le devenir de nos sociétés, comporte plusieurs écueils. L’école, en tant que lieu où est enseignée la citoyenneté, n’a-t-elle pas un rôle fondamental à endosser pour raffermir les fondations de la démocratie ? Selon nous, elle devrait agir à deux niveaux : l’un théorique, l’autre pratique. D’une part, elle devrait permettre à l’enfant ou au jeune adolescent d’apprendre ce que signifie le mot « démocratie », ses rouages et ses enjeux mais aussi de le conscientiser à la participation active à la vie en société. Il pourrait être aussi intéressant que l’école interroge plus en profondeur le concept de populisme et les menaces qui pèsent sur la démocratie. Le rôle de l’école n’est pas d’être juge, mais bien de proposer des clés de compréhension aux élèves. D’autre part, en plus de cours abordant spécifiquement la thématique, nous pensons que l’école se devrait de renforcer ses pratiques quotidiennes de démocratie (ex. adoption, par le jeune, de vote sur des sujets et projets concernant son établissement). L’idéal est que cela se fasse dès le plus jeune âge. En outre, si l’école reste le lieu privilégié pour cet apprentissage, nous préconisons qu’elle travaille en étroite collaboration avec les Organisations de Jeunesse, lesquelles proposent déjà un certain nombre d’outils en ce sens. Il faut donc prévoir les conditions de rapprochement entre ces deux mondes qui peinent à se connaitre, mais qui ont pourtant bien des choses en commun.
SIMPLIFIER LE DROIT
Depuis de nombreuses années, on cloisonne le droit, on le rend hermétique alors qu’il est censé se nourrir de lui-même. Malgré les efforts entamés, en partie sous l’impulsion européenne, on peine à offrir une législation claire et accessible au citoyen, voire aux praticiens. Rien ne semble pouvoir freiner l’inflation législative et la lenteur du droit dont souffrent nos sociétés. Mais alors, qu’avons-nous perdu du génie du législateur d’autrefois ? Cela tient en un mot : simplicité. Il nous faut recourir à des formulations simples, à la limite de la poésie, ainsi qu’à l’utilisation de catégories. Ne pas tout définir, là résidait le génie des anciens. En s’assurant que les concepts soient suffisamment précis tout en étant suffisamment vagues pour englober toute une série de cas résiduels, ils s’assuraient l’éternité de leur législation et la stabilité de leur société. C’est donc ici que nous pêchons. Dans l’excès de vouloir tout prévoir, nous nous sommes égarés dans notre propre droit. Pas une réforme ou une loi ne sort sans que l’on pense déjà à la simplifier, voire à la corriger. Il faut désormais être rapide et ne plus s’embarrasser de détails, et c’est là toute l’erreur, car « tout prévoir est un but qui est impossible à atteindre ». Dans la mesure du possible, nous prônons de revenir à la simplicité des origines et de redonner au citoyen la possibilité d’agir en connaissant ses droits et ses devoirs.
En aidant le citoyen à comprendre ses droits et à se familiariser avec ceux-ci, on lui offre une réelle sécurité juridique et un gage sûr d’indépendance. On évite ainsi que les méchants triomphent avec les armes mêmes de la justice.
ÉLARGIR LE DROIT DE VOTE DES ÉTRANGERS
Dès le moment où l’octroi du droit de vote aux étrangers est une réalité acquise pour les élections communales, notamment en raison de la proximité que les communes entretiennent avec leurs habitants, n’est-il pas temps d’admettre que d’autres niveaux de pouvoir (la région, l’état fédéral) ont également un impact direct sur la vie quotidienne du citoyen ? Nous le pensons et défendons icimême l’élargissement du droit de vote des étrangers. La réflexion mentionnée ici sera de l’ordre philosophique et en aucun cas juridique. En tant que démocratie libérale, le libéralisme philosophique préconise la liberté de mouvement, le droit d’être représenté politiquement et le droit de participer à la vie politique. Cet enseignement nous amène donc à revoir notre conception de la citoyenneté (en tant que statut), et de la désolidariser de son existence jusqu’ici combinée à cette construction qu’est la nationalité. Il nous faut sortir d’une conception de l’État où seuls les nationaux bénéficieraient des droits de citoyenneté, surtout ceux aussi élémentaires que le droit de vote. Il nous faut actualiser la représentation que nous avons de nos communautés politiques, passée à l’idée d’open societies. Pour ce faire, promouvons le droit de vote de l’étranger, car l’étranger peut tout aussi bien être considéré comme « citoyen non national », mais donc nécessairement comme citoyen. Passons à la symbolique de « citoyenneté identifiante ». Une identification qui passe par l’inclusion, qui elle-même s’incarne dans le droit à la représentation politique au travers du droit de vote...
RAPPROCHER LA POLITIQUE DU CITOYEN
Pour redonner corps et vie à la démocratie, il faut agir sur la longueur des mandats et la composition d’organes. Pour rééquilibrer les relations entre le citoyen et le politique, nous proposons trois idées complémentaires. Tout d’abord, privilégions les mandats courts au niveau communal (4 ans au lieu des 6 ans actuels), avec davantage de consultations de la population pour les projets communaux. Ensuite, allongeons les mandats au niveau exécutif, tout en prévoyant la possibilité de non-éligibilité après un certain nombre de mandats. Ceci obligerait les responsables politiques à penser à long terme, dans l’intérêt général, et non d’agir en vue d’une potentielle réélection. Enfin, revoyons la manière dont est composé le conseil communal. Ce dernier serait composé des élus du collège communal et de citoyens tirés au sort. Les votes seraient repris à concurrence de 60/40 à la fin de chaque délibération. Cela permettrait un renforcement de l’intérêt citoyen à la chose publique. >>
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METTRE EN PLACE UNE CIRCONSCRIPTION ÉLECTORALE FÉDÉRALE
En Belgique, il est de plus en plus complexe de gouverner, tant notre système électoral contribue à renforcer la confrontation entre Flamands et Francophones. À l’heure où la collaboration entre communautés s’avère être peu saine et assez conflictuelle, nous ne pouvons nous résoudre à prôner le statuquo. De notre point de vue, la mise en place d’une circonscription électorale fédérale peut être un élément de réponse à cette problématique. Premièrement, il s’agirait là d’une avancée démocratique ainsi qu’une manière de garantir la légitimité du gouvernement en place : n’est-il pas injuste que les électeurs ne puissent voter que pour des partis relatifs à leur communauté ? C’est un non-sens. En tant qu’électeur francophone, nous devrions pouvoir voter pour un parti situé de l’autre côté de la frontière linguistique, ne serait-ce que pour démontrer notre avis favorable à la politique menée, ou même, pour la dénoncer. À fortiori, si ces politiques nous affectent, nous, électeurs de l’autre communauté. Deuxièmement, nous ne vous apprenons certainement rien en disant que les divisions sont grandissantes entre les deux communautés linguistiques. Le système électoral en place renforce cette polarisation, étant donné que l’élu ne doit rendre des comptes qu’à
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une partie de la population, et qu’il ne s’intéresse qu’aux revendications de son propre électorat. Ça permettrait également de raviver le sentiment d’une Belgique unie et de calmer les ardeurs communautaires.
REDÉFINIR LA COMPOSITION DU SÉNAT
Bien que le Sénat peut s’apparenter, pour quelquesuns, à une coquille vide, nous défendons au contraire son existence. Est-ce pour autant que le Sénat doit subsister sous sa mouture actuelle et ne pas faire l’objet d’améliorations ? Au contraire ! Pour lui redonner ses lettres de noblesse, nous lui recommandons une cure de jouvence en revoyant sa composition. L’objectif n’étant pas de vider le Sénat actuel de sa substance, mais plutôt de permettre à des citoyens et experts d’y siéger. Dans la nouvelle formule, le nombre de sénateurs élus et cooptés diminuerait, tandis que des citoyens seraient tirés au sort, tout en faisant en sorte qu’ils soient représentatifs de l’ensemble de la société. Aussi, en plus de ces citoyens et des élus, siègeraient des experts de la société civile (scientifiques, académiciens, représentants patronaux, etc.), qui, après candidatures, seraient sélectionnés par les élus et citoyens. Une fois ceci fait, la question se pose sur le rôle qu’aurait ce Sénat ? Plutôt que de lui conférer un véritable pouvoir législatif, nous le limiterions à un rôle
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d’avis et de réflexion sur les grandes thématiques de société. L’objectif étant d’élever le débat et de se désengorger des pratiques politiciennes dont nous n’avons que faire. Nous le réaffirmons, le regain démocratique de notre société passe par l’inclusion de citoyens – qu’ils soient lambda ou experts, au sein des institutions de pouvoir de notre pays. Aujourd’hui, le politicien est souvent pointé du doigt pour la déconnexion à la réalité du terrain. Que nos autorités fassent par conséquent preuve d’ouverture et montrent l’exemple en créant des ponts avec des citoyens, pour donner du sens aux grands enjeux sociétaux.
MANIFESTER PLUS DE COHÉRENCE DANS L’ACTION POLITIQUE
Combien de fois n’a-t-on pas entendu des observateurs externes de la politique belge qualifier notre système politique de « lasagne institutionnelle » ? Peut-on véritablement leur donner tort alors que la gestion de la crise sanitaire du Covid-19 a clairement mis en lumière les nombreux écueils de notre système ? Alors, pour apporter plus de cohérence et d’efficacité, nous proposons de supprimer l’enchevêtrement de certains niveaux de pouvoirs, nés à la suite des successives réformes de l’État et de rationnaliser l’action publique. Ainsi, les provinces, qui ont été utiles à bien des égards,
paraissent, aujourd’hui, être des structures totalement inefficaces. Ses compétences devraient alors être transférées au niveau régional. Il s’agirait de rendre l’action publique plus efficace, plus performante. Par ailleurs, comme cela a déjà été revendiqué par bon nombre d’acteurs, nous prônons la refédéralisation de certaines compétences telles que le climat, la mobilité, le commerce extérieur ou tout simplement la santé et ses…9 ministres belges. Même si la logique contraire a pris le dessus ces dernières années (nous le déplorons !), il est impensable, aux yeux de la collectivité, de faire dépendre les avancées dans un domaine précis au bon vouloir de plusieurs ministres en charge d’une même compétence…
RÉVISER L’ARTICLE 48 DE LA CONSTITUTION
« Chaque Chambre vérifie les pouvoirs de ses membres et juge les contestations qui s’élèvent à ce sujet », voici ce que dit l’article 48 de la Constitution belge. Autrement dit, à cause de cette disposition, les députés sont à la fois juges et partie. Cette disposition était censée en 1831 où le légalisme prédominait mais est insensée dans un État de droit du XXIe siècle qui souhaite bâtir une démocratie forte. La France a, par exemple, changé son système en prévoyant un contrôle des cours et tribunaux.
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D’AUTRES FENÊTRES… PAR ADRIEN PIRONET
Au gré des époques, la démocratie a évolué. Il est certain que celle d’aujourd’hui n’est plus celle de nos aïeux. Tout comme cette notion ne se conçoit pas de la même manière que l’on soit en Belgique ou en Hongrie… C’est pourquoi nous vous offrons ces quelques propositions afin d’appréhender la complexe notion de démocratie autour de ces ouvertures à la réflexion.
SÉRIE
House of Cards
de Beau Willimon, 2013. House of Cards est une invitation à se glisser dans les coulisses de la démocratie américaine. On y suit Frank Underwood, déçu de ne pas avoir rejoint l’équipe du président élu. Il invite alors le spectateur à suivre son ascension vengeresse, du fauteuil de député jusqu’au Bureau ovale. Coups tordus et manipulations seront au centre du jeu politique dont Frank et son épouse, Claire, seront les maîtres. Si vous avez déjà vu cette série, alors, passez à la version britannique d’Andrew Davis de 1990 ou plongez-vous carrément dans le roman de Michael Dobbs, celui même qui est à la source des deux séries !
« La démocratie est tellement surcotée », cette citation cynique du protagoniste suffit à donner le ton de la série.
LIVRE
De l’esprit des lois de Montesquieu, 1748.
Dans les démocraties contemporaines, l’État se compose de trois pouvoirs indépendants : le législatif, l’exécutif et le judiciaire. C’est l’application du célèbre principe de la séparation des pouvoirs issu de la pensée de Montesquieu. Aujourd’hui durablement acquis dans notre société, il est bon de se replacer dans le contexte de l’Ancien régime pour lire cet ouvrage clairvoyant. Au-delà de ce principe fondateur, Montesquieu offre d’autres réflexions intéressantes sur la démocratie.
Un retour aux sources essentiel pour appréhender la célèbre théorie de la séparation des pouvoirs.
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VIDÉO
Entre libéralisme et populisme, la démocratie malmenée par TV5 Monde, 2019.
Gaspard Koenig était l’invité de TV5 Monde pour débattre de démocratie malmenée. Il fait le constat, qu’aujourd’hui avec les réseaux sociaux, tout le monde veut donner son avis. C’est une certaine façon de pouvoir participer aux débats publics. Ce qui a pour conséquence, en cette période de crise de la démocratie, de remettre en question le fonctionnement même de nos sociétés. La démocratie représentative serait-elle à bout de souffle ? En tout cas, il pose un œil avisé sur plusieurs sujets d’actualité comme la crise du système parlementaire ou la relation entre la démocratie et le libéralisme, et aborde ainsi la thématique des régimes qui prônent une démocratie « illibérale ».
Un extrait de 10 minutes qui donne les clés des différents débats qui touchent la démocratie aujourd’hui.
JEU VIDÉO
Assassin’s Creed Odyssey par Ubisoft Québec, 2018.
La saga de jeux vidéo Assassin’s Creed est connue pour prendre place dans des contextes historiques. Elle tâche de reproduire fidèlement les époques ainsi que ses personnages. Dans cet opus, nous sommes plongés dans la Grèce Antique. Tout au long d’une odyssée mystique et assez romancée, le joueur peut découvrir des lieux magnifiquement reconstitués et discuter avec des personnes comme Socrate, Pythagore ou même Périclès. En outre, dans ce mode histoire classique, le jeu intègre le Discovery Tour, qui permet, via différents circuits, d’apprendre en s’amusant. On peut, par exemple, trouver un circuit dédié au fonctionnement de la démocratie dans la cité d’Athènes.
Alors que le sujet de l’Esport se diffuse dans le monde politique, voici un jeu vidéo pour aborder la démocratie athénienne !
PODCAST
Bêtes noires des régimes autoritaires, épisode 1 : Russie : Alexeï Navalny, le procureur acharné de Cédric Jimenez, France, 2013.
Lorsque le chapitre de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS) s’est définitivement fermé en 1991, tous ont dû faire face à ce bouleversement. Bien que la politique économique soit tout autre désormais, la Russie de Vladimir Poutine interroge sur ses aspects démocratiques. Aurait-on troqué le communisme pour un capitalisme autoritaire ? Face au régime du Président Poutine, une personnalité fait figure de résistance, Alexeï Navalny. Nous vous proposons alors un podcast mesuré sur le combat d’un homme qui ose prôner la vraie démocratie face au régime de Moscou.
Un portrait sincère de l’opposant Navalny et de son combat pour la démocratie en Russie. 29
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LES CHRONIQUES
DU LIBÉRALISME PAR THOMAS FOUCART & BAPTISTE MERIENNE
Le libéralisme évolue au fil du temps. Il s’élabore et se modifie au gré des événements et des idées nouvelles. Il est influencé ou boudé par de grands penseurs, économistes ou philosophes. Ainsi, dans sa genèse, il est perçu comme une solution aux problèmes de son temps, mais à partir du 19e siècle et dans le courant du 20e, des critiques voient jour. Pour mieux comprendre le libéralisme et son réseaux complexe de concepts, il est important de connaitre son histoire. Cet article propose un petit tour d’horizon sur ces cinq derniers siècles qui ont façonné le libéralisme que l’on connait.
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{ LIBÉRALISME HISTOIRE }
Portrait de Colbert par Philippe de Champaigne (1655), Metropolitan Museum of Art.
Le 17e siècle et ses pratiques économiques
Au 16e siècle, l’Europe est dominée par la pensée mercantiliste. Selon cette doctrine, la puissance d’un État s’évalue en fonction de ses réserves de métaux précieux. À ce jeu-là, l’Espagne domine le monde grâce à ses colonies et à son acquisition de l’or des Indiens d’Amérique. Cependant à partir du 17e siècle, cet afflux de richesses s’estompe et les différents Rois des pays voisins vont s’affronter pour récupérer le plus de « métaux » possible. On assiste alors à une véritable guerre de l’argent. C’est dans ce contexte, qu’un homme du nom de Colbert, contrôleur général des finances de Louis XIV, va mettre en œuvre une stratégie financière et économique pour placer son pays au-devant de la scène internationale : le colbertisme.
Le colbertisme est marqué par un interventionnisme de l’État dans le processus de production. Tout d’abord, d’après Colbert, l’État doit créer des industries nationales œuvrant dans des domaines stratégiques de l’économie. Ces « manufactures royales » vont bénéficier du monopole dans les secteurs de la production de biens pour la construction de bâtiments et l’équipement des armées de terre comme de mer. Par la création de ces industries, l’État veut assurer l’emploi des citoyens, ce qui augmentera la richesse des ménages. Ce n’est pas pour autant que l’État doit en rester définitivement l’actionnaire majoritaire. Selon Colbert, des parts doivent être cédées au fur et à mesure
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l’agriculture). Pour le commerce extérieur, il estime qu’il est impératif d’entretenir des relations cordiales avec ses voisins et d’effectuer des échanges directs sans le besoin d’intermédiaire. Comme tout bon mercantile, Colbert se montre sévère avec les produits importés de l’étranger qui sont lourdement taxés. Cette vision connait un succès au niveau international et la France devient la première puissance économique au niveau mondial.
Le 18e siècle, celui des premiers libéraux
À la suite du bilan mitigé qu’a connu le colbertisme, une nouvelle pensée émerge : la physiocratie. Marquée par l’expression « Laissez faire, laissez passer », cette école de pensée, basée sur deux piliers que sont la liberté et la propriété, commence en 1758 avec la publication du « Tableau économique » de François Quesnay. L’idée de ce mouvement est de comprendre les lois de la nature et de s’y soumettre. Quatre idées majeures gouvernent la physiocratie. Premièrement, par opposition au mercantilisme, la richesse vient de la nature et non des métaux précieux ; ces derniers favorisant l’inflation, comme prouvé avec le désastre de l’économie espagnole. Deuxièmement, la richesse doit profiter à tous et pas seulement à l’État. Troisièmement, l’homme n’est pas condamné par son malheur. En travaillant, il accroit non seulement sa propre richesse mais aussi la richesse collective. Afin que son travail soit efficace, il lui faut respecter les lois de la nature. Quatrièmement, le libre-échange mondial doit être la norme. Ainsi, pour les physiocrates, les acheteurs doivent être mis en concurrence, cela aura pour effet d’augmenter les prix et de pousser les agriculteurs à travailler plus pour gagner plus. Effectivement, la société de l’époque était agraire et la production était limitée, en ne freinant plus les acheteurs par des taxes, l’offre deviendra plus conséquente. Il faut donc supprimer les taxes sur la circulation des biens et taxer les propriétaires fonciers. à des actionnaires extérieurs. Par la suite, l’argent obtenu par la vente des actions doit être réinvesti dans la création d’autres entreprises. Ensuite, l’État doit procéder au suivi des entreprises afin de s’assurer que celles-ci sont capables de fabriquer suffisamment de produits manufacturés de qualité pour pouvoir établir un commerce extérieur. Enfin, Colbert est d’avis que l’État français doit se procurer des colonies pour bénéficier d’une diversité de matières premières et profiter de leur vente. Concernant la politique commerciale, Colbert a deux visions différentes à propos du marché intérieur et du marché extérieur. Pour le marché intérieur, Colbert prône le libre-échange. Il supprime les dettes des villes et provinces, diminue les taxes sur certains produits, aménage un nouveau réseau routier et instaure des règles concernant la qualité des produits (notamment
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Avec les analyses des physiocrates, l’économie devient une science. Cette pensée économique française va influencer un personnage bien connu de tous : Adam Smith. Lors d’un voyage en France, celui-ci tombe sur les théories des physiocrates et s’en inspire grandement dans l’écriture de son célèbre ouvrage publié en 1776 : Théorie de l’économie. Il devient alors l’un des principaux théoriciens du libéralisme économique. Selon sa théorie de la main invisible, les individus, en poursuivant leur intérêt propre, contribuent au bien-être général. C’est parce qu’une entreprise, en agissant par intérêt, tente de gagner le plus d’argent possible qu’elle offre le meilleur bien ou le meilleur service pour séduire tout à chacun et ainsi répondre à son besoin. Les entreprises en essayant de gagner davantage contribuent involontairement à la richesse du pays. Smith pense que les États doivent se spécialiser dans un domaine et échanger le surplus de consommation avec les autres États. Smith est par
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« Laissez faire, laissez passer »
François Quesnay
conséquent un libre échangiste. Le rôle de l’État doit se limiter à une intervention régalienne, il ne doit qu’assurer la sécurité intérieure, extérieure et rendre la justice.
Les 19e et 20e siècles, un tournant pour le libéralisme
Au 19e siècle, sous l’effet des avancées industrielles, la société évolue. Les progrès technologiques bénéficient majoritairement aux entreprises privées. Les paysans décident de quitter leur ferme et de rejoindre les villes pour trouver meilleure fortune, une situation entrainant la « paupérisation de la société ». De nouveaux penseurs, philosophes, théoriciens, tels que Karl Marx et Alexis de Tocqueville, viennent alimenter la réflexion. Ce dernier propose quant à lui une nouvelle approche du libéralisme et est depuis lors considéré comme le père du libéralisme occidental. Ceci étant dit, le libéralisme se trouve de nouveau confronté à l’interventionnisme. Selon cette doctrine, l’État ne peut plus se limiter à ses activités régaliennes et doit prendre en main les systèmes de production pour redistribuer les richesses. De plus en plus d’intellectuels, autrement dit les producteurs d’idées ou de thèmes sur divers sujets comme l’homme ou la société, se distancient également du libéralisme. En effet, le libéralisme considère l’homme comme étant « rationnel » et cherchant à satisfaire ses passions en utilisant les moyens mis à sa disposition. Dans ce schéma de pensée, le monde est vu d’une manière peu philosophique. Les intellectuels, ou en tout cas une partie d’entre eux, se sont donc dirigés vers d’autres schémas explicatifs comme le positivisme, une partie de la psychanalyse, le structuralisme et le marxisme pour lesquels l’autonomie du sujet n’existe pas ; des théories qui s’éloignent fortement des considérations libérales. Le positivisme, qui apparaît au milieu du 19e siècle, dote les disciplines des sciences humaines de la même exactitude que les sciences exactes. Ainsi la notion de hasard est abolie, tout peut être prévisible. L’autonomie des êtres humains n’existe plus. La psychanalyse, notamment celle mise au point par Sigmund Freud dans les années 1920, soigne un mal-être et explique les actions des hommes par une analyse de leur inconscient et leur préconscient. Là encore, la notion d’autonomie disparaît. Le philosophe Roland Barthes a élaboré le structuralisme dans les années 1960. Il considère qu’il y a des vérités relatives. Il n’y a plus de connaissances ou de savoirs mais juste des points de vue. La notion d’autonomie de l’individu ne peut
donc plus être conçue comme une connaissance fiable mais comme un point de vue. Le marxisme se voit tel un remède à toute forme d’oppression sociale. Il défend les possédés contre les possédants. C’est la théorie qui a fait le plus rêver les intellectuels. Pour reprendre le titre d’un ouvrage célèbre paru en 1955 de Raymond Aron, un philosophe libéral français de la première moitié du 20e siècle, le marxisme est « l’opium des intellectuels ». Il crée un sentiment d’attente chez l’homme à travers plusieurs mythes. Le mythe de la gauche qui se focalise sur un progrès qui ne peut que croître. Le mythe de la révolution qui rompt avec l’ordre établi et essaye de mettre fin au cours habituel des choses afin de créer un homme nouveau. Le mythe du prolétariat qui idéalise la figure de l’ouvrier. Toutes ces théories ont comme point commun de donner à l’intellectuel un rôle social intéressant. Elles le présentent comme un phare éclairant les masses de connaissances. Parmi les intellectuels qui, au 20e siècle, se sont intéressés au libéralisme, l’on peut citer John Rawls ou Michel Foucault. Par exemple, dans son livre, A Theory of Justice, le philosophe Rawls lie le libéralisme à la justice sociale. Il prône une plus grande solidarité sociale et estime que l’égalité des chances doit profiter à tous. Quant à Michel Foucault, dans sa Naissance de la biopolitique, il évoque le néolibéralisme comme une nouvelle version du libéralisme. Il considère que l’individu doit être l’entreprise lui-même. Il cherche à abolir la distinction du capital et du travail en fusionnant ces deux notions. Enfin, sur le spectre de l’économie, le 20e siècle aura notamment vu Friedrich Hayek et Milton Friedman occuper une part importante du débat autour du libéralisme économique. Selon Hayek, l’activité économique de l’homme est déterminée par ses connaissances et les prix doivent être établis en fonction de la valeur des choses. Friedman, fondateur de l’École de Chicago, estime, quant à lui, que l’état doit intervenir un minimum dans l’économie ; ses travaux concernent des théories monétaires. Tous deux apparaitront, durant ce siècle, comme de grands opposants à un autre courant économique, à savoir l’interventionnisme de John Maynard Keynes. Le libéralisme s’est enrichi des faits et courants de pensée, il s’est modulé et continue de se moduler en regard du monde qui avance. Si on le réduit trop souvent à son volet économique, notamment avec l’émergence du néolibéralisme, il est une doctrine, une théorie, une pratique qui s’articule autour de l’homme. C’est un humanisme. Il est une philosophie constructive. La théorie libérale attend donc ses nouveaux philosophes !
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{ ÉTATS-UNIS COUR SUPRÊME }
COUR SUPRÊME ENTRE
JUDICIAIRE Quelle influence sur la société américaine ? PAR ARTHUR WATILLON
En 1787, les représentants des 13 États formant la confédération américaine – à l’exception du Rhode Island – décident de poser un acte décisif dans la construction de la première puissance moderne : la rédaction de la Constitution des États-Unis. S’inscrivant dans la droite ligne des idées de Montesquieu, celle-ci consacre le concept novateur de la séparation des trois pouvoirs. Plus haute – et seule – juridiction prévue par la Constitution, la Cour suprême y est consacrée via l’article III. Pierre angulaire de la jeune fédération, elle demeure encore aujourd’hui un élément fondamental de l’équilibre des pouvoirs de la société américaine.
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{ ÉTATS-UNIS COUR SUPRÊME }
AMÉRICAINE,
ET EXÉCUTIF : COUR SUPRÊME : QUÉSACO ? Composition de la Cour
La Supreme Court of the United States est composée, depuis 1869, d’un collège de neuf magistrats, neuf juges nommés à vie, et ce, dès leur entrée en fonction. Parmi ceux-ci, l’un fait généralement office de Chief Justice (trad. Juge en chef) tandis que les huit autres sont ce que l’on appelle des Associate Justice (trad. Juges assesseurs). Accéder à cette consécration nécessite pour le candidat, comme pour de nombreuses autres hautes fonctions publiques, de recevoir l’approbation du Sénat, grâce à la majorité des 2/31. Ce vote fait suite à un « grand oral », au cours duquel les sénateurs questionnent les préférences juridiques (et politiques) des préposés. Bien qu’immuables, les juges de la Cour suprême, comme tout fonctionnaire civil, peuvent faire l’objet d’une procédure de destitution, un impeachment, si ceux-ci ne font pas preuve d’un « good behaviour » (trad. Bon comportement).
Des fonctions multiples
La Cour suprême possède des compétences particulièrement étendues. Ainsi, elle intervient en première instance pour tous les litiges impliquant un état ainsi que pour ceux concernant les hautes personnalités fédérales (secrétaires d’État, diplomates, etc.). En deuxième instance, elle fait office de cour d’appel pour tous les litiges relevant des juridictions fédérales. De plus, depuis 1803 et la loi Marbury v. Madison, la Cour suprême statue également sur la constitutionnalité des lois et décisions prises dans les États ou par le pouvoir fédéral. La Cour suprême est régulièrement saisie pour interpréter la Constitution, cette dernière n’ayant, mis à part quelques amendements, jamais été modifiée. Enfin, bien que la Supreme court intervienne essentiellement dans le cadre de problèmes en matière de légalité ou de constitutionnalité, celle-ci n’hésite pas à se pencher sur des événements sociétaux et politiques.
1 Notons toutefois que, en avril 2017, Mitch McConnell, le leader du groupe républicain au Sénat, a fait voter le remplacement de la majorité des 2/3 par la majorité absolue quant à la confirmation des juges de la plus haute magistrature. 2 Cette opposition se marque notamment lors des phases de shutdown, engendrées lorsque les deux blocs ne parviennent pas à tomber d’accord sur le budget. Les shutdown entraînent, à l’exception de ceux jugés essentiels, l’arrêt de la plupart des services fédéraux à la population. 3 La Cour suprême réserve effectivement un siège pour un juge catholique, un siège pour un juge afro-américain, un siège pour une juge, etc.
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INFLUENCE POLITIQUE DE LA COUR SUPRÊME Une couleur politique qui compte
Les juges de la Cour suprême se répartissent en deux « catégories » : d’une part, les juges dits progressistes (liberal) et, d’autre part, les juges conservateurs. Cette couleur politique des justices engendre deux principales conséquences. Tout d’abord, le processus de nomination des juges étant imprégné de politique, la Cour suprême révèle les divisions partisanes entre les organisations politiques majeures du pays : démocrates et républicains. Or, depuis plusieurs décennies, la scène politique américaine a tendance à se cristalliser, notamment à travers les mouvements de « révolution conservatrice » dans le chef du Grand Old Party (Parti républicain) et de « socialisation » au sein des démocrates. Par conséquent, les deux blocs ne parviennent plus à s’entendre ni à travailler ensemble2. Alors qu’elle a longtemps su se montrer en dehors de ces rivalités politiques, depuis les années 80’, la Cour suprême est toujours davantage perçue comme le reflet de ce phénomène, avec des positions fortement opposées entre les juges des deux bords. À ce sujet, notons d’ailleurs que la plupart des membres de la Cour suprême ayant failli faire l’objet d’un impeachment étaient systématiquement mis en accusation par des représentants d’une ligne opposée à la leur. Ensuite, la deuxième conséquence de cette politisation réside dans les décisions rendues par les juges de la Cour suprême. En effet, une cour à neuf magistrats signifie, de facto, une majorité pour l’une ou l’autre catégorie, progressistes ou conservateurs. Cette couleur politique, mise en parallèle avec la longévité de la fonction, fait que les juges, via leurs décisions, engagent l’avenir politico-judiciaire de l’Amérique sur le long terme. Ainsi, les décisions rendues sur le système fédéral – les pouvoirs du président, le mariage homosexuel ou l’avortement – modélisent le visage du pays de l’Oncle Sam sur plusieurs décennies. Cet aspect est notamment renforcé par l’imprécision de la Constitution américaine, un texte assez vague qui peut donc être interprété de manière parfaitement opposée selon la tendance politique.
Quelques lois célèbres
Au fil de l’histoire américaine, la Cour suprême a exercé son influence en instaurant nombre de lois essentielles. Au cours des années 20, les associations féministes, dont l’importante NAWSA (Association nationale américaine pour le suffrage des femmes), parviennent à faire passer le 19e amendement, qui interdit l’exclusion du droit de vote pour cause de sexe. En 1954, la loi Brown v. Board of Education déclare l’inconstitutionnalité de la ségrégation scolaire, particulièrement présente dans les États du sud. L’année 1973 et la loi Roe v. Wade juge anticonstitutionnel l’interdiction de l’avortement. Désormais, l’IVG est considérée comme un droit fondamental au respect de la vie privée. Aujourd’hui encore, cet arrêt continue à faire l’objet de la controverse. Via la loi Obergefell v. Hodges de 2015, la Cour suprême statue en faveur de la légalisation du mariage homosexuel.
LOIS CÉLÈBRES ANNÉES
Interdiction de l’exclusion du droit de vote pour cause de sexe
1954
loi Brown v. Board of Education
20
1973
loi Roe v. Wade
2015
loi Obergefell v. Hodges
LE RÔLE JUDICIAIRE DU PRÉSIDENT Un rôle judiciaire présidentiel….
Aux États-Unis, la Constitution prévoit que ce soit le président qui nomme les juges de la Cour suprême. Ces nominations ont lieu lorsque l’un des justices décède en fonction ou décide de prendre sa retraite
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lOis . wade v rOe Norma McCorvey (Jane Roe) et son avocate Gloria Allred sur les marches de la Cour suprême, 1989.
(celle-ci étant fixée à 70 ans). Cette procédure est encadrée par certains impératifs de représentativité, mais également influencée par certains lobbies institutionnels3. Bien entendu, le président a pour habitude de désigner un juge partageant ses préférences politiques. Ainsi, bien que les juges ne soient pas obligatoirement affiliés à un des deux grands partis politiques, les présidents républicains ont pris l’habitude de nommer des juges réputés conservateurs, alors que les présidents démocrates choisissent généralement des juges plutôt centristes. Toutefois, notons que la réputation politique d’un magistrat ne garantit en rien la fidélité partisane de celuici. Ainsi, certains juges réputés conservateurs se sont avérés assez libéraux dans leurs prises de position.
…Envisagé sur le long terme
Les mandats présidentiels américains – d’une durée de 4 ans et « renouvelable » une fois seulement – sont relativement courts. De plus, il arrive fréquemment que l’une des deux chambres, le Sénat ou la Chambre des Représentants (voire les deux), soit occupée par une majorité parlementaire du bord politique opposé à celui du président en place. Par conséquent, ces deux facteurs laissent peu de temps et peu de marge de manœuvre aux présidents pour marquer durablement et profondément l’histoire politique américaine.
Or, les juges, quant à eux, restent souvent en place longtemps après le président qui les a nommés. Ainsi, au travers de ces premiers survit la volonté politique des différents locataires de la Maison Blanche ayant eu la possibilité de nommer des juges proches de leurs idées à la Cour suprême. À titre d’exemple, nous pouvons ici citer le juge Antonin Scalia, décédé en 2016, qui continuait à défendre depuis près de 30 ans les positions très conservatrices d’un certain Ronald Reagan, par lequel il avait été nommé en… 1986. Finalement, la place incomparable qu’occupe la Cour suprême dans l’histoire et la société américaine s’explique par les pouvoirs immensément étendus que celle-ci détient. En effet, à elle seule, elle concentre les pouvoirs d’une Cour constitutionnelle, d’un Conseil d’État, d’une Cour de cassation, etc. Tout cela, alors que de simples lois fédérales déterminent le nombre de juges et leur nomination à vie. Aujourd’hui, le temple du droit américain tient la barre à droite toute, avec six juges conservateurs pour uniquement trois progressistes. Cela s’explique par la possibilité dorée pour Donald Trump d’avoir pu y nommer trois nouveaux justices qui s’inscrivent dans sa ligne politique et lui assurent, au passage, une certaine postérité.
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/ DÉR SION / PAR CORALIE BOTERDAEL
Je suis chou de Bruxelles ! Ce légume au goût surprenant tant apprécié et tant détesté à la fois est à l’image de ce que je ressens pour ma ville. Bruxelles, si j’ai ton odeur en horreur, j’adore ton goût. Entre exaspération et mélancolie, j’emprunte ici le chemin d’un sentiment ambivalent. En parlant de chemin… Circuler à Bruxelles, c’est Galler, sans la douceur du chocolat. Et c’est là son pire point noir de noir. Pour aller de la périphérie à la Bourse, pour faire des achats et des courses, la marche à pied n’est pas envisageable et le RER n’est pas pour demain. Il me reste alors la voiture, le vélo ou les transports en commun ; choix cornélien et de toute façon décevant. C’est qu’en voiture, je mènerais bien à l’échafaud tous ces conducteurs qui, incapables de garder les pouets pouets pour leurs canards de bain, utilisent à foison le petit bouton strident du volant. Chaque coup de gueule est un coup de klaxon et chaque coup de klaxon, un coup de poing que j’ai envie de leur envoyer dans les dents. Et je ne suis pas le seule, avec le passage à 30 km/h, j’ai pu lire amusée sur le hayon d’une bagnole : « Je roule à 30, ce n’est pas moi qui l’ai décidé (ça me fait chier aussi), mais si tu veux te prendre un PV, t’as qu’à me dépasser ». Ces mêmes épris de vitesse, rongent d’ailleurs bien plus leurs freins, depuis qu’ils sont davantage contraints de céder le passage aux vélos. Car la ville a vu dernièrement ses pistes cyclables pousser, avec très peu de logique parfois, comme des champignons invitant l’automobiliste à délaisser le sien et le cycliste à devenir une cible de balltrap. Le deux-roues dans le bois de la Cambre, je dis oui ; dans la rue de la Loi, tu m’oublies ! Bien que l’intention soit louable, le sacré plan de mobilité Good move n’est pas près de rimer avec good mood. Pour ce qui est des trains, trams et bus, leurs connexions s’apparentent à un spaghetti sinueux et plein de nœuds. Quand je pense que Bruxelles, devancière dans la construction du réseau ferroviaire, est aujourd’hui des plus congestionnées… On est bien loin de la fierté qui animait le pays en 1835. Aujourd’hui, les pneus tatouent le bitume, les rails marouflent le sol, les retards saturent les tableaux d’affichage, et je m’emmêle les pinceaux. Pour une multimodalité intelligente des déplacements, faudra repasser !
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Comme je déteste également l’envolée du prix des logements. L’enfant modeste qui est né à Bruxelles n’aura bien souvent pas les moyens d’y rester. Il faut en effet un sacré cachet pour acheter un bien qui en a un tant soit peu. Mais si à l’est du Pentagone, la plupart logent à six dans un deux pièces ; plus au sud de la ville, certains privilégiés ont des parcs pour jardin. Bruxelles pue la disparité financière. Pourtant la population augmente, et tandis que les appartements impayables se multiplient, les élèves livrés à eux-mêmes gonflent toujours plus les classes. Car les apparts, ça rapporte, alors on en construit ; mais les écoles, ça coute cher, alors on n’en construit pas ! Et ça n’ira pas en s’arrangeant. À la moindre promo, la rue Neuve est prise d’assaut ; au moindre rayon de soleil, le Cinquantenaire est envahi ; au moindre déconfinement, la place Flagey est noire de monde. La proximité étouffante est devenue coutumière. Les travaux assourdissants sont maintenant permanents. La contiguïté et le bruit ont laissé place au règne de la nervosité. Venez habiter à Bruxelles et dites bonjour au stress. Mais si Bruxelles a le don de m’horripiler, elle a aussi le pouvoir de m’émerveiller, de m’enivrer. J’aime cette Bruxelles cosmopolite, cette Bruxelles hétéroclite. Je tourne à gauche, je suis au Maroc ; je vais à droite, à Matongue ; un pas plus loin, je débouche sur le Marché chinois. En une seule journée, j’ai rencontré un expat, retrouvé d’anciens amis, refais le monde et baragouiné plusieurs langues… Véritable melting-pot culturel, cette capitale de l’Europe, où les nationalités s’entremêlent, est un point névralgique à la fois au centre et en dehors des conflits communautaires, qui n’intéressent que nos politiques. Alors taisez-vous un peu et laisseznous profiter, échanger, babeler. Bruxelles a aussi un paysage qui lui est propre, enfin pas si propre… Mais elle a ses canaux, aux noms tellement romantiques de Willebroeck et Charleroi. Son architecture Horta avec ses bâtiments de meringue et dentelle. Sa Grand Place toute pimpante, son tapis de fleurs, ses sentiers et jardins cachés et ses renards aux yeux qui luisent dans la pénombre et aux crocs qui déchiquètent nos poubelles. Je trouve quand-même qu’elle en jette cette métropole
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moderne au centre médiéval et gothique avec les quelques 55 centimètres de son Manneken-Pis et les 2 400 000 tonnes de son Atomium. Je prends un plaisir sans complexe à y vivre la nuit. Les nocturnes apaisantes des musées, les lancers de pantoufles du théâtre Marni, les scènes musicales – et parfois moins musicales – du BSF, les tables brinquebalantes du Corbeau, les bittures du Boeremet et d’ailleurs, puis les petits matins à l’Archiduc ou au Cabestan. Je peux tout expérimenter, tout dégoter à Bruxelles. C’est que j’y chercherais une praline au bloempanch que je la trouverais. On dit que ce n’est ni le voyage ni la destination qui compte mais bien la compagnie. Or, à Bruxelles, je me balade dans les rues, escortée des personnages de BD ou de Street Art sautant de mur en mur pour me suivre dans mes pérégrinations. Comme j’aimerais pouvoir m’y promener à nouveau librement et laisser tomber le masque… Car si elle m’irrite telle une frite sans mayonnaise, au moment du décompte, je ressens combien j’y suis attachée…. Oh ! Grand Coronavirus, maitre de nos vies actuelles, entends cet appel et fiche-moi le camp que je puisse retrouver ma chère Bruxelles !
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{ BIBLIOGRAPHIE }
/ BIBLIOGRAPHIE / Le libéralisme à l’épreuve de la « cancel culture » et de la dictature des minorités PAR GUILLAUME ERGO • « Cancel culture, woke : quand la gauche américaine devient folle », L. Mandeville et E. Bastié, dans Le Figaro, 20 décembre 2020, disponible sur https://www.lefigaro.fr/international/cancel-culture-woke-quand-la-gauche-americaine-devient-folle-20201220 « La Cancel culture ou la grande confusion des esprits », E. Le Boucher, dans Les Echos, 19 mars 2021, disponible sur https://www.lesechos.fr/ idees-debats/editos-analyses/la-cancel-culture-ou-la-grande-confusion-des-esprits-1299827 • « Genre, identités, cancel culture… Le fantasme du péril américain », Z. Dryef, dans Le Monde, 21 décembre 2020, disponible sur https://www. lemonde.fr/m-le-mag/article/2020/12/21/genre-identites-cancel-culture-le-fantasme-du-peril-americain_6064150_4500055.html • « La cancel culture : quand le harceleur devient victime », RTBF, sur le site RTBF, 14 août 2020, disponible sur https://www.rtbf.be/info/societe/ detail_la-cancel-culture-quand-le-harceleur-devient-victime?id=10561604 • « Comment la cancel culture se développe tardivement en France », C. de Kervasdoué, sur le site France Culture, 20 janvier 2020, disponible sur https://www.franceculture.fr/societe/comment-la-cancel-culture-se-developpe-tardivement-en-france • « Cancel Culture ou société de la délation ? », D. Z., dans Le Soir, 18 mars 2021, disponible sur https://plus.lesoir.be/361588/article/2021-03-18/ cancel-culture-ou-societe-de-la-delation • « La culture Woke : ce mouvement militant qui inonde les réseaux sociaux », A. Corbin, sur le site de la RTBF, 17 mars 2021, disponible sur https:// www.rtbf.be/info/societe/detail_la-culture-woke-ce-mouvement-militant-qui-inonde-les-reseaux-sociaux?id=10727235 • « Annie Cordy accusée de racisme : Aucun domaine n’est épargné par la cancel culture », A. Desthexe, dans Le Figaro, 16 mars 2021, disponible sur https://www.lefigaro.fr/vox/societe/annie-cordy-accusee-de-racisme-aucun-domaine-n-est-epargne-par-la-cancel-culture-20210316?fbclid=I wAR0F03SkC3wGgFmVKtGBXSVIukJ-8XAjQEQXQyfTGb8ecnLNdDW7QDtOqO4
Aux origines de la Démocratie PAR ADRIEN PIRONET • « La démocratie directe athénienne », G. Demelemestre, Cités, n° 44, 2010/4. • « Le tirage au sort dans la démocratie de l’Athènes classique », P. Demont, disponible sur https://silogora.org/le-tirage-au-sort-dans-la-democratiede-lathenes-classique, consulté le 17 mars 2021. • « 594 av. J.-C. – Solon consolide la démocratie à Athènes », Y. Homant, disponible sur https://www.herodote.net/594_av_J_C-evenement--5940000. php, consulté le 15 mars 2021. • « Démocratie : chronologie historique », O. Pironet, Manière de voir, n° 92, avril-mai 2007. • « Le tirage au sort peut-il sauver la démocratie ? », RTBF, sur le site RTBF, 11 juin 2017, disponible sur www.rtbf.be/info/societe/detail_le-tirageau-sort-peut-il-sauver-la-democratie?id=9630885
Liberté d’expression et démocratie : Face et revers de deux colosses aux pieds d’argile PAR LOUIS MARESCHAL • Les lignes rédigées dans cet article ont été inspirées de l’émission radio présentée par Frédéric Worms « Sur la crête de la démocratie : la liberté d’expression », diffusée sur France culture le 13 novembre 2020. • « Le manifeste censuré de A. Camus », Albert Camus, Le Monde des cultures et idées, Le Monde, 2012. • « L’Homme révolté », Albert Camus, Paris, Gallimard - Folio Essais, n° 15, 2016.
« Trop gouverner est le plus grand danger des gouvernants » : Démocratie illibérale et populisme PAR NICOLAS KOWALSKI • « De la démocratie illibérale », Fareed ZAKARIA, Gallimard « le débat », 1998/2 n°99, pp. 17 à 26. • « Le populisme au pouvoir », Esprit, vol. avril, n° 4, 2020, p. 69-81.
L’exécution de la démocratie par voie d’arrêtés ministériels PAR DURAKU ALBAN & ARTUUR GRAUWELS • La Constitution belge. • La loi du 15 mai 2007 relative à la protection civile, M.B., 31 juillet 2007. • « Suite à l’action introduite par la Ligue des droits humains et la Liga voor Mensenrechten, l’État belge est condamné à adopter un cadre légal pour encadrer les mesures Covid », Ligue des droits humains, 31 mars 2020, disponible sur https://www.liguedh.be/suite-a-laction-introduite-par-laligue-des-droits-humains-et-la-liga-voor-mensenrechten-letat-belge-est-condamne-a-adopter-un-cadre-legal-pour-encadrer-les-mesures-covid/ • « Pourquoi l’arrêté ministériel Covid est illégal », Thirion, N., La Libre, 6 août 2020, disponible sur le site : https://www.lalibre.be/debats/opinions/pourquoil-arrete-ministeriel-covid-est-illegal-5f2bec38d8ad586219049846. Cet article explique pourquoi les sanctions prévues par l’arrêtés seraient illégales. • « Chapitre VII - L’interprétation du droit pénal », Kuty, F., dans Principes généraux du droit pénal belge – Tome I – La loi pénale, Bruxelles, Éditions Larcier, 2018, p. 219-220.
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{ BIBLIOGRAPHIE }
Quelle mise à jour pour la démocratie libérale ? PAR CONSTANTIN DECHAMPS ÉMISSION : • « Assistons-nous au déclin des démocraties ? », CLIQUE TV - Viens Voir Les Docteurs, présentation, C. Viktorovitch, disponible sur https://www. youtube.com/watch?v=1aptkQ-k26g, consulté le 25 avril 2021. PODCAST : • « La démocratie semi-directe en Suisse, alliée du libéralisme ? », France-parler, réalisation, Les Affranchis – Students for Liberty France, disponible sur https://www.youtube.com/watch?v=I0NeTgsch9A, consulté le 25 avril 2021. ARTICLES : • « D’où vient le désenchantement démocratique ? », France Culture, disponible sur https://www.franceculture.fr/emissions/linvite-des-matins/douvient-le-desenchantement-democratique, consulté le 25 avril 2021. • « Référendum, le cas suisse pour mieux comprendre », C. Droz-Georget, Fondation iFRAP, disponible sur https://www.ifrap.org/etat-et-collectivites/ referendum-le-cas-suisse-pour-mieux-comprendre, consulté le 25 avril 2021.
D’autres fenêtres… PAR ADRIEN PIRONET VOICI LES LIENS URL COMPLETS : • « Entre libéralisme et populisme, la démocratie malmenée », par TV5 Monde, 2019, disponible sur https://information.tv5monde.com/video/entreliberalisme-et-populisme-la-democratie-malmenee • « Bêtes noires des régimes autoritaires, épisode 1 : Russie : Alexeï Navalny, le procureur acharné », par France Culture, 2021, disponible sur https:// www.franceculture.fr/emissions/series/betes-noires-des-regimes-autoritaires
« Les chroniques du libéralisme » PAR THOMAS FOUCART & BAPTISTE MERIENNE VIDÉOS DE LA CHAINE DRAW MY ECONOMY : • « Le colbertisme », disponible sur https://youtu.be/JheATa7Emco ; • « Adam Smith et la main invisible », disponible sur https://youtu.be/JWztnGRFPII ; • « Les physiocrates », disponible sur https://youtu.be/tuJX_p80IwI ARTICLE : • « La main invisible d’Adam Smith », Fanton S., L'économiste, 25 mars, disponible sur https://www.leconomiste.eu/decryptage-economie/218-lamain-invisible-d-adam-smith.html OUVRAGES : • « L’opium des intellectuels », Aron R., Paris, 1955. • « Pourquoi les intellectuels n’aiment pas le libéralisme », Boudon R., Paris, 2004. • « Les libéraux belges », Hasquin H., Loverval, 2006.
Cour suprême américaine, entre judiciaire et exécutif : Quelle influence sur la société américaine ? PAR ARTHUR WATILLON OUVRAGE : • « L’Amérique et ses présidents », Le Vif/L’Express, Bruxelles, 2016. ARTICLES EN LIGNE : • « La Cour suprême des États-Unis, une institution judiciaire et politique », Mbongo P., dans Justice en ligne, 2016, consulter : La Cour suprême des États-Unis, une institution judiciaire et politique - Justice en ligne (justice-en-ligne.be). • « Qui est Amy Coney Barrett, la nouvelle juge de la Cour suprême américaine ? », Moysan E., dans Libération, 2020, consulter : Qui est Amy Coney Barrett, la nouvelle juge de la Cour suprême américaine ? – Libération (liberation.fr). • « Présentation de la Cour suprême des États-Unis », ZOLLER, E., dans Cahiers du Conseil constitutionnel, n° 5, 1998, consulter : Présentation de la Cour suprême des Etats-Unis | Conseil constitutionnel (conseil-constitutionnel.fr). VIDÉOS EN LIGNE : • « La Cour suprême des États-Unis », Éditions Dalloz, 2015, consulter : La cour suprême des Etats-Unis - YouTube. • « Qu’est-ce que la Cour suprême des États-Unis ? », Le Figaro, 2018, consulter : Qu'est-ce que la Cour suprême des États-Unis ? - YouTube.
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