BREF Juillet/août 2015 • N° 353
AÉRO
ÉDITO Créer la protection sociale 4.0 !
Les 15ème Rencontres Économiques d’Aix-en-Provence viennent de se terminer. Elles avaient, cette année, pour thème : Et si le travail était la solution ? Après le congrès de notre fédération CFE-CGC de la métallurgie dont le thème était l’usine du futur, il a beaucoup été question d’économie numérique, de polarisation des emplois, de ces nouveaux barbares des nouvelles entreprises du numérique ... et donc des conséquences sur le travail.
Sommaire
Je vous fais partager quelques analyses entendues à Aix et questionnant la révolution du travail à l’œuvre versus le progrès social.
Actualités 43ème congrès de la Fédération de la Métallurgie
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ème
session de l’IHEDN
Élections de représentativité
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Nouvelles sections et désignations 2
Vie des entreprises Cimpa : un long processus de cession
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Airbus Operations Toulouse : quelles actions pour sensibiliser au DD ?
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Zodiac Aerospace : des salariés qui vont bien dans une société qui va bien !
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Signature du 2ème accord de niveau européen dans le groupe SAFRAN 5
Dossier Gouvernance d’entreprise : les administrateurs salariés
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C’est dans l’air Les héros sont fatigués
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POUR VOUS AVEC VOUS
PARTOUT
D’abord, se souvenir que l’économie numérique a 20 ans. Je me souviens quand, au début des années 1990, nouvellement élu à l’exécutif confédéral de la CFE-CGC comme délégué national, je suivais, au pôle économie, sous la houlette de Michel Lamy, la croissance de la bulle spéculative (bulle internet) et ses conséquences. Depuis ce temps, nous sommes collectivement passés par plusieurs phases. La première, rassurante, imaginait les nouvelles technologies comme un nouveau levier de productivité, générateur de croissance et de nouveaux emplois très qualifiés. Puis vint la phase où nous avons cru en la reconversion des métiers et des hommes, ce fut la naissance des ancêtres de la GPEC. Lorsque que la bulle internet éclatât, ce fût le temps des désillusions et des «je vous l’avais bien dit». Naquit alors l’idée qu’il fallait investir sur des emplois nouveaux, mais «classiques», sur des usines du futur avec des salariés du futur plus compétents, mais ressemblant tout de même à ceux d’aujourd’hui ... Et finalement, la question aujourd’hui est : « Mais y aura-t-il encore des emplois demain ?…» De nombreux intervenants pensent que l’économie numérique est susceptible de créer de l’activité de la richesse et des emplois, mais à condition de «penser autrement». Pour N. Colin, par exemple, il faut abandonner définitivement l’idée de la stratégie de Lisbonne basée sur le postulat que l’économie numérique crée des emplois plus qualifiés. C’est l’inverse ! Le chauffeur de taxi ancien est un travailleur très qualifié: il connait par cœur le plan de la ville et les lieux et heures où il doit marauder. Il va être remplacé par un individu bien moins qualifié avec un GPS et un Smartphone ! Demain, le diagnostic médical et certains actes thérapeutiques, aujourd’hui réalisés par des médecins très qualifiés, seront réalisés par des infirmièr(e)s aidé(e)s d’outils d’aide au diagnostic et de robots (la première appendicectomie réalisée entièrement par un robot a été faite il y a peu). Donc demain, plus d’emplois moins qualifiés aidés des nouvelles technologies rendront de meilleurs services à plus de clients pour moins cher ! Cercle vertueux ? Ensuite, il semble bien que tous ces emplois ne seront pas que des emplois salariés. Il est maintenant admis que l’économie numérique abaisse considérablement les coûts de transaction et donc modifiera considérablement les équilibres du make or buy. D’autre part, l’attractivité des emplois salariés diminue de plus en plus dès lors que toutes les entreprises «classiques» sont contraintes à enchainer les restructurations, downsizing et autres plans de compétitivité, s’éloignant ainsi de plus en plus d’un travail où l’on s’accomplit, où l’on s’épanouit. S’en suivent la montée des RPS et des revendications concernant la qualité de vie au travail (QVT). Un seul avantage comparatif reste encore dans les emplois salariés classiques : celui de la protection sociale qui leur est attaché. C’est cette protection sociale qui a permis le choc de croissance des trente glorieuses et a rendu les emplois attractifs. L’économie numérique continuera donc à progresser en détruisant les emplois et en accroissant les inégalités tant que nous ne mettrons pas en place les institutions de protection sociale adaptées à cette nouvelle économie. Voilà un magnifique challenge pour les syndicalistes CFE-CGC que nous sommes. Bernard Valette Président de la CFE-CGC AED
Actualités
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congrès
Élections de représentativité de la fédération de la métallurgie AED…
ème
nos résultats pour mars, avril 2015 et début mai 2015 : SPHEREA TEST & SERVICES : une représentativité en progression de 4,5 %. VECTOR AEROSPACE : une représentativité et un poids qui passent de 21,8 % à 33,9 % ! La CFE-CGC AED passe 2ème organisation syndicale représentative après cette élection avec l’objectif de devenir N°1… Une partie de la délégation AED au 43ème Congrès
Lors du 43ème congrès de la fédération qui s’est déroulé les 10 et 11 juin à Poitiers, notre syndicat a présenté plusieurs candidatures aux instances fédérales. Nous félicitons nos candidats élus au bureau fédéral pour les 4 années à venir. • Gabriel Artero : Président fédéral • Anne-Catherine Cudennec : Secrétaire national Europe et International
• Jean-François Foucard : Secrétaire national Emploi / formation • Christophe Dumas : Délégué national auprès du SN chargé de la prévoyance/retraite/qualité de vie au travail • Fabrice Nicoud : Délégué national auprès du SN chargé de l’emploi / formation • Daniel Verdy : Délégué national auprès du SN chargé de l’industrie
51ÈME SESSION ARMEMENT ET ÉCONOMIE DE DÉFENSE IHEDN La session 2014-2015 « Armement et économie de défense » de l’IHEDN vient de s’achever. Parmi ses auditeurs diplômés figure l’un des militants de la CFE-CGC AED, Fabrice Nicoud, délégué syndical central adjoint Airbus Group. Le sujet du comité portait sur : « Quelle évolution de la stratégie américaine à l’export avec la fin des grandes opérations militaires, le repositionnement sur la zone Asie-Pacifique et la réduction progressive des crédits budgétaires alloués à la Défense et quel impact pour la France ? »
DASSAULT AVIATION SECLIN : la CFE-CGC devient la 1ère organisation syndicale représentative en voix et en sièges ! DASSAULT AVIATION ISTRES : la CFE-CGC devient la 1ère organisation syndicale représentative en voix et en sièges, avec 81 % de représentativité ! DASSAULT AVIATION MÉRIGNAC : la CFE-CGC en progression en franchissant le seuil des 50 % en voix ! SIGNALIS : une représentativité et un poids de 100 % dans cette DUP. MBD « VÉLIZY, BIDOS, MOLSHEIM & VILLEURBANNE » : une représentativité de 30,54 % et un poids de 26,22 %, en progression de 3 points sur la société. THALES AVIONICS « LA BRELANDIÈRE » : une représentativité de 53 % (en progression de 10 points !)
L’AED poursuit l’optimisation continue de sa représentativité, avec créations de sections et… de belles progressions. À suivre… Marc Legrand, Secrétaire général AED
Fabrice Nicoud
NOUVELLES DÉSIGNATIONS MESSIER BUGATTI DOWTY : D aniel Verdy a été reconduit délégué syndical central
Vincent Cossart et Jean-Marc Tryoen sont reconduits délégués syndicaux centraux adjoints
AIRBUS HELICOPTERS : Sébastien Molina est reconduit en qualité de représentant de section syndicale au comité central d’entreprise
LATECOERE : Thierry Thomas est désigné représentant syndical au comité de Groupe SOGITEC INDUSTRIES Suresnes : Francis Tourenc est désigné délégué syndical
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Vie des entreprises
CIMPA : un long processus de cession
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irbus évalue régulièrement ses filiales sur leur alignement avec ses objectifs stratégiques et ses activités considérées comme « cœur de métier ». Les logiciels de gestion de vie des produits (PLM, Product Lifecycle Management), spécialité de CIMPA, sont des outils améliorant l’efficacité du développement or…il n’y a plus de développement prévu au sein d’Airbus pour les années futures. Printemps 2014, Airbus prend la décision de se séparer de sa filiale CIMPA, qu’elle détient à 100%. L’entreprise emploie environ 1 000 salariés, dont 450 au siège. La société compte également des implantations à Nantes et Marignane, ainsi qu’en Allemagne, en Espagne et en Angleterre. Son avenir passe par un adossement à un autre grand groupe lui permettant de se développer en dehors d’Airbus. Cruel retournement de stratégie quand on sait qu’Airbus avait demandé à CIMPA, au lancement de l’A350, d’arrêter la diversification de sa clientèle et les développements externes pour se focaliser sur ses propres enjeux !
Après une phase de pré-sélection engagée dès l’automne 2014, Airbus retient, en mars 2015, un poids lourd du numérique pour la reprise: le Français Sopra Steria. CIMPA restera une entité juridique, filiale à 100% de Sopra et conservera sa convention collective, celle de la métallurgie, son CEO actuel, Pierre Lopez. Dès la fin janvier 2014, la CFE-CGC, majoritaire au sein de l’entreprise (+ 55 % de représentativité), s’est mobilisée contre le projet de cession, alors que Sopra Steria était en lice face à une autre société de services informatiques, l’Indienne Infosys. Les salariés, à l’appel de l’intersyndicale CFE-CGC, CFDT, CFTC et FO, ont fait grève à plusieurs reprises pour «rester dans le groupe», démontrer leurs inquiétudes face aux risques de pertes de charges, d’emplois et d’acquis sociaux, peser dans les négociations à venir. Les représentants et élus CFE-CGC se sont engagés dans toutes les phases de la procédure sans ménager leur peine, tout en continuant à s’investir professionnellement.
Droit d’alerte, sélection d’un cabinet conseil (Secafi), investissement tout au long de la procédure d’information / consultation (6 réunions entre le 18 mars 2015 et le 17 juin 2015), rencontres des directions Airbus et CIMPA, ont ponctué leur quotidien, dans un seul but : défendre les intérêts des salariés de CIMPA et de leur avenir au sein de leur nouvelle structure actionnariale. Juin 2015, l’intersyndicale a « rendu l’âme ». Il est toujours aussi difficile de se défaire de luttes partisanes… Juillet 2015, la date de la signature officielle de la vente entre Airbus et Sopra n’est toujours pas connue. Des points positifs émergent : garantie de non licenciement pour cause économique pendant 2 ans, les premiers accords sociaux CIMPA du même niveau que les précédents (seul l’intéressement sera plus faible), une convention à négocier liant les CE Airbus et CIMPA. Des inquiétudes demeurent en particulier sur les engagements de plans de charges garantis par Airbus qui tardent à se concrétiser, une clause de non sollicitation empêchant les salariés de CIMPA d’avoir accès aux recrutements Airbus pendant 3 ans. Des incertitudes persistent malgré tout quant à l’avenir, en particulier quand Sopra décidera d’intégrer totalement CIMPA. Il reste encore un long travail de négociation des prochains accords, de la vigilance, des alertes mais la détermination des militants CFE-CGC est bien là, autour d’une équipe soudée et solide. 1995 – 2015 : CIMPA célèbre cette année ses 20 ans. On oubliera le verbe « fêter », car le cœur n’y est pas ! Françoise Vallin Déléguée générale CFE-CGC AED
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Vie des entreprises
AIRBUS OPERATIONS TOULOUSE : quelles actions pour sensibiliser au DD ? La commission DD du CE d’Airbus Operations Toulouse organise des évènements pour sensibiliser les salariés au DD. Ainsi, l’alimentation et le déplacement à vélo, mode alternatif à la voiture pour les déplacements domicile-travail, ont été mis en avant une fois de plus. Du 1er au 5 juin, Semaine Européenne du DD, la commission a mis à l’honneur, dans les 10 restaurants d’entreprise du site Toulousain, les 5 grands thèmes de l’alimentation suivants : pourquoi manger local, de saison, bio, manger moins de viande et privilégier les produits issus de la pêche durable. Concrètement, les 12 000 salariés quotidiens se sont vu proposer des menus spécifiques différents chaque jour. La sensibilisation des salariés a pu se poursuivre aux cafétérias par la présence d’associations partenaires, relayant, au travers de supports de communication adaptés, la mise en pratique, chez soi, d’une alimentation durable. La Commission Restauration a pu, par la même occasion, profiter de l’évènement
pour tester de nouvelles filières d’approvisionnement privilégiant, notamment, les produits locaux et de saison. Le 4 juin, la commission a organisé la fête annuelle « Venons à vélo » mettant en avant ce mode de déplacement doux. Dans un premier temps, l’entreprise proposait un parcours cycliste in-situ, ponctué par une photo au pied de l’A350 de Qatar Airways. Ensuite, les 800 cyclistes participants étaient invités à un pique-nique géant sur le site du CE, où des chapiteaux étaient tenus par la prévention routière, les vélocistes ou les associations de cyclistes…Les élus locaux chargés de la planification et du financement des infrastructures routières étaient également invités afin d’être sensibilisés aux difficultés rencontrées par les cyclistes. La commission DD se place ainsi au centre des préoccupations des salariés pour devenir un facilitateur privilégié sur ces thématiques. Guillaume Bonnet Président Commission DD CE Airbus Operations Toulouse Lidwine Kempf Responsable Développement Durable AED
Journée vélo
L’accroissement du trafic routier autour des grandes agglomérations fait la part belle aux déplacements alternatifs à la voiture. Ainsi, au-delà des réseaux de transport publics, l’utilisation du vélo reste le mode de déplacement le plus flexible, le moins couteux et le plus sain. Conscients de ces avantages, la commission DD œuvre, depuis de nombreuses années, avec le support des associations du CE, à la promotion de ce mode de transport doux. De la même façon, l’entreprise, consciente de ces enjeux, apporte son soutien à cette initiative.
ZODIAC AEROSPACE :
des salariés qui vont bien dans une société qui va bien !
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Quel doux rêve… Force est de constater que, pour le moment, la société va certes bien, mais pas toujours ses salariés. En 2012, deux tentatives de suicide ont eu lieu au siège social de Zodiac Aerospace à Plaisir. Suite à cela, l’inspection du travail a sommé la Direction de la société Zodiac Aerotechnics d’agir en urgence.
• Réseau Santé Travail ; • rôles et responsabilités ; • conditions de travail.
La Direction décide alors de réaliser une enquête menée par l’organisme Psya. Les résultats sont édifiants. Il en résulte principalement les actions suivantes :
Les deux autres axes majeurs n’ont pas été traités en dehors de la formation de 2 jours aux RPS des managers de niveau I courant 2014. Les autres actions secondaires ont, quant à elles, été soigneusement ignorées d’entrée de jeu. >
Le réseau Santé Travail a bien été mis en place fin 2014, soit 2 ans après l’enquête, et s’est uniquement traduit par la distribution d’un flyer et une maigre présentation lors des réunions de service internes.
Vie des entreprises Signature du 2ème accord de niveau européen dans le groupe SAFRAN (portant sur le développement des compétences et des parcours professionnels dans le Groupe SAFRAN Europe) Le 1er accord était plus un test grandeur nature de la capacité du Groupe à discuter de dispositifs plurinationaux avec une fédération syndicale européenne (IndustriAll) qu’une véritable norme pour ce nouveau périmètre de dialogue social. Nettement plus consistant, le deuxième accord relève de la vocation véritable de cette instance, à savoir : garantir à tous les pays d’implantation de Safran dans l’UE, particulièrement ceux dont les conventions sont plus sommaires que celles de la France, un socle de règles sociales communes et de qualité. On retiendra dans cet accord européen.
L’anticipation de l’évolution des métiers • avec la mise en place d’un référentiel commun des métiers, susceptible d’être décliné (et amélioré) dans les filiales. L’initiative est essentielle afin de donner aux salariés de tous pays les moyens d’obtenir les infos utiles sur la multiplicité d’emplois offerts dans le Groupe ; • à savoir que les orientations stratégiques seront présentées et discutées avec le CEE, de même qu’avec les IRP des filiales où les décisions auront un impact sur les métiers au sein de celles-ci.
Pour un sujet aussi grave, nous considérons qu’il s’agit là d’un manque d’implication de la direction. Deux ans pour se voir présenter un flyer et 2 jours de formation RPS pour une seule partie des managers, c’est peu… trop peu. En 2014, trois personnes sont victimes de « burn-out », dont un reconnu en accident du travail. Et on ne parle pas des témoignages, trop nombreux, de personnes qui « n’en peuvent plus ». Sur ce constat, il nous a paru indispensable de nous inquiéter de la santé au travail de nos collègues. Aidés par la CFE-CGC AED, nous avons préparé un questionnaire anonyme qui a bénéficié d’un très bon accueil au vu du nombre de réponses obtenues.
Le développement et la sécurisation des parcours professionnels • avec la possibilité de définir un projet professionnel lors de l’entretien de développement et/ou un projet d’évolution de carrière assorti ou pas de formation et de mobilité ; • en généralisant le passeport formation ; • accompagné par la montée en puissance de Safran University ; • en développant la filière « experts », structurante pour la progression de carrière de ceux qui font le choix d’une spécialisation, sans parcours managérial, et garantissant à l’entreprise un vivier de compétences.
L’encouragement à la mobilité comme opportunité de développement
(les mobilités géographiques ont été sorties du périmètre de l’accord)
• pour permettre au Groupe d’améliorer sa réactivité quant à ses besoins en compétences, et aux salariés de mieux valoriser leurs expériences en diversifiant leurs parcours ; • afin de renforcer la mise à disposition des infos concernant les métiers et comment on peut y évoluer, en déployant l’outil e-talent ;
Ce questionnaire a permis à nos collègues de pouvoir réellement s’exprimer et nous a permis d’officialiser la mise en place d’un réseau permanent BEST (Bien-Être et Santé au Travail) CFE-CGC. Le dépouillement a révélé une grande souffrance chez l’ensemble de nos collègues (toutes catégories confondues). Les causes entraînant des troubles psychosociaux sont plurifactorielles : • le manque de perspective d’évolution, source importante de démotivation ; • la charge de travail et la vitesse d’exécution qui s’intensifient ; • le sentiment d’être esseulé(e), sans soutien, complexifie le rapport au travail ; • le fait de se voir assigner des objectifs pas toujours réalistes dans une organisation opaque et confuse.
• en promouvant les principes de la mobilité dans les filiales européennes ; • en favorisant des parcours européens pour les jeunes embauchés. Au final, nos collègues des pays de l’Est sont admiratifs devant un tel résultat, contrairement aux anglais qui sont persuadés que leurs directions font comme elles veulent, et trouveront des raisons pour ne pas appliquer l’accord. Les allemands ont d’autres préoccupations alors que- fait rarissime dans le Groupe- un établissement ferme et sa production (de cartes SIM) va être délocalisée en Inde. Il ne nous a pas échappé que la mobilité est apparue, lors de la négociation de cet accord, comme une voie que la Direction souhaite toujours ouverte et sans obstacles pour la gestion des compétences, voire des effectifs. Et bien que toute mention de la mobilité géographique ait fait l’objet d’un casus belli, son ombre plane toujours. .. L’employabilité ou la progression de carrière ne relève pas que de la qualification ou de la formation et, en favorisant l’accès aux phases d’information, bilan, orientation, accompagnement, reconnaissons à cet accord la vertu de renforcer la cohésion sociale d’une entreprise mondialisée, en démontrant une réelle volonté de l’employeur d’aller vers plus d’équité entre collaborateurs, déjà à l’échelle européenne. Frédéric Schwartz Expert Europe au Comité directeur CFE-CGC AED
Cette situation inquiétante et plus que préoccupante a été communiquée à la médecine du travail ainsi qu’aux ressources inhumaines. Notre engagement, à présent, est de construire un plan d’actions réaliste que nous demanderons à la Direction de suivre. À nous maintenant de continuer sur notre lancée pour soutenir nos collègues et permettre à tout le monde d’être dans les meilleures conditions de travail possibles. Émilie Rapisarda Sympathisante CFE- CGC Christophe Urbero Délégué syndical central CFE- CGC
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Dossier
Gouvernance d’entreprise : les administrateurs salariés
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ongtemps désignée comme La solution à l’enrichissement du dialogue social et à la participation des salariés aux décisions stratégiques de l’entreprise, la généralisation des administrateurs salariés au sein des conseils d’administration des entreprises de plus de 5 000 salariés est en marche. Se pose la question de leur réelle marge de manœuvre. Regards croisés de quatre administrateurs salariés CFE-CGC de grands groupes de l’aéronautique française.
La présence d’administrateurs salariés au sein des conseils d’administration des entreprises françaises n’est pas une vieillenouveauté électoraliste. Au fil des années, la législation a évolué et renforcé leur nomination.
Une vieille nouveauté qui évolue Depuis 1983, les conseils d’administration des entreprises publiques accueillent des administrateurs représentants les salariés. À ce titre, depuis de très nombreuses années, les salariés de feue Aerospatiale, depuis lors rendue au privé sous le nom d’Airbus Group SAS, siègent aux conseils d’administration de leur entreprise (bien que ces dernières soient devenues des SAS et non impactées par loi de 2013). La loi du 14 juin 2013, dite de sécurisation de l’emploi, a élargi l’obligation de présence d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration aux entreprises privées de plus de 5 000 salariés en France (10 000 dans le monde). Se sont ainsi trouvé concernées dans le secteur aéronautique des entreprises telles que Safran ou Dassault Aviation. Dans le cadre de la loi sur le dialogue social version 2015 encore en débat au Parlement, les députés ont voté, fin mai, une série d’amendements visant à abaisser ce seuil à 1 000 salariés et y renforcer la présence des administrateurs salariés au nombre de 2 minimum. La baisse du seuil faisant obligation aux entreprises de nommer des administrateurs salariés dans leur instance de gouvernance vise essentiellement à contrer le fait que les dispositions de la loi de 2013 pour les holdings de tête avaient affranchi de cette obligation certains grands groupes. Ces « avancées » réjouissent la
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CFE-CGC qui, depuis longtemps, demande une plus grande participation des salariés à la gouvernance d’entreprise. Reste à savoir si les sénateurs vont suivre et valider les mesures prises par les députés.
L’administrateur salarié : défenseur de l’entreprise ? Lors des 1ères assises des administrateurs salariés, la CFE-CGC a défendu le rôle central que peuvent jouer les administrateurs salariés dans la mise en œuvre d’une gouvernance d’entreprise plus responsable et par conséquent dans le redressement de l’économie française. Jeunes ou vieux administrateurs, tous ont une vision assez semblable de leur mission : défendre les intérêts de l’entreprise pour défendre ceux des salariés. « Lorsque j’étais délégué syndical central, je défendais déjà les salariés en préservant les intérêts de l’entreprise. Aujourd’hui, mon statut d’administrateur représentant les salariés n’a pas changé ma mission. Si l’entreprise prospère, les salariés en bénéficient », témoigne Richard Bédère, administrateur salarié chez Dassault Aviation depuis juillet 2014. Point de vue partagé par Philippe Quilgars, administrateur salarié chez Airbus Helicopters depuis 14 ans : « Nous devons veiller à l’enrichissement de l’entreprise et répondre aux besoins des actionnaires pour pérenniser l’entreprise à moyen/ long
terme. C’est parfois un peu schizophrénique quand on a été syndicaliste, mais c’est notre mission ».
L’administrateur salarié, un syndicaliste ? La casquette syndicale qui s’efface ? Pas tout à fait. Pour Laurent Legendre, administrateur salarié chez Airbus Groupe SAS depuis 2004, « l’administrateur représentant les salariés permet de remonter au conseil les éléments qui ne sont pas transmis par la voie hiérarchique. Je suis la courroie de transmission des informations sociales qui sont cachées au PDG. Je participe à toutes les réunions de l’inter-centres CFE-CGC Airbus Group, cela me permet d’avoir les informations terrain et d’être au contact », confie-t-il. Un syndicaliste qui connait bien l’entreprise et qui a une vision à moyen long terme, c’est ainsi que se définit Philippe Quilgars : « comme nous connaissons bien l’entreprise, nous pouvons alerter le conseil sur certains effets induits que ne voient pas obligatoirement les dirigeants ». « Je suis l’émetteur et le récepteur pour les salariés. Vis-à-vis des autres administrateurs, je suis considéré comme un administrateur à part entière, mais un administrateur qui connait bien l’entreprise. Et c’est un grand changement pour moi qui était jusqu’alors un observateur au conseil d’administration en qualité de représentant du CCE », témoigne Richard Bédère. De son côté, Daniel Mazaltarim, administrateur salarié du Groupe Safran, fraîchement élu en novembre 2014, met en avant le fait qu’il est l’élu des salariés du groupe. « Je suis leur représentant et je me dois de porter leurs voix dans les décisions qui sont prises par le conseil. Dans cette optique, je participe de plus à un comité au sein du conseil : le comité Audit et Risques ».
Présentation du Cercle AdSa CFE-CGC Le Cercle des Administrateurs salariés CFE-CGC s’est constitué en 2005 autour d’une dizaine d’Adsa et voit pour son dixième anniversaire son effectif décupler. Il couvre les administrateurs salariés au sens de la loi ANI, mais aussi les administrateurs actionnaires-salariés issus de nombreuses entreprises cotées et non cotées, dont plusieurs du CAC 40, de sociétés mutualistes, d’entreprises publiques, etc.
Dossier L’administrateur salarié, un administrateur écouté ?
ministrateurs nous écoutent. En tant qu’administrateurs salariés nous apportons un angle de vue un peu décalé et in situ par rapport aux membres du conseil externes à Safran, bien que ces derniers soient très au fait de ce qu’il se passe dans le groupe. Cependant, il nous faut asseoir notre légitimité et prendre toute notre place », concède Daniel Mazaltarim.
Les administrateurs salariés s’accordent à dire que la personnalité du président du conseil d’administration impacte énormément de la qualité d’écoute. « Les administrateurs salariés ont un impact si le Président du CA porte ou non un intérêt à notre présence », témoigne Philippe Quilgars. Et Laurent Legendre d’aller plus loin : « lors de mon premier conseil, je me suis opposé à une décision, ce qui a entrainé la Les administrateurs salariés français ont-ils convocation d’un second conseil. Notre pa- les mêmes pouvoirs que leurs homologues role est réellement prise en considération ». européens ? À cette question, les adminis« Il m’est arrivé d’éclairer le conseil sur des trateurs interrogés s’accordent à dire que problématiques de la cogestion n’est pas l’entreprise que les du tout à l’ordre du autres administrajour dans les groupes teurs n’avaient pas français. Ils parlent pris en considéraplus de construction tion par manque Petit à petit, les groupes aéronautiques de dialogue. « Nous français concernés par la loi de 2013 acde connaissance cueillent au sein de leur conseil d’admin’avons aucun levier des rouages de nistration des administrateurs salariés sur les décisions et l’entreprise et des CFE-CGC. la stratégie de nos effets des impacts entreprises. Les allesociaux de leurs dé- Airbus Group SAS mands ont des leviers cisions. Notre vision (siège français du groupe) : très forts. Ils peuvent, est importante dans Laurent Legendre par exemple, bloquer Airbus SAS (branche avion) : des entreprises où ou faciliter des emPatrick Lecuyer les dirigeants ont Airbus Defence & Space : bauches ; ce que nous une vision à court Patrick Debaere ne pouvons pas faire terme alors que la Airbus Group Helicopters : en France », témoigne nôtre est à moyen/ Philippe Quilgars Philippe Quilgars. « Au long terme », poursuit Dassault Aviation : sein d’Airbus Group en Richard Bédère Philippe Quilgars. Allemagne, il y a une « Le fait d’être Onera : véritable cogestion, aujourd’hui admi- Jean Hermetz, Michel Parlier, poursuit Laurent Lenistrateur à part François-Xavier Roux gendre. En France, du Groupe Safran : entière me permet fait que nous sommes Daniel Mazaltarim d’avoir accès bien Stelia Aerospace : sous une forme jurien amont du conseil Hervé Labonne dique de SAS et non aux documents, ce Zodiac Aerospace : de SA, nous n’avons temps gagné me Anne Aubert pas d’impact sur les permet de mieux décisions stratégiques préparer mes inprises par la holding, terventions et de ce fait d’intervenir de fa- nous avons une information sans particiçon fouillée et pointue lors des séances », pation aux prises de décisions. C’est au confie Richard Bédère. « Notre présence titre de l’héritage d’Aerospatiale que nous au conseil de Safran est récente. Les ad- siégeons aux conseils d’administration des
La cogestion des entreprises estelle en marche ?
Les administrateurs salariés CFE-CGC AED
entreprises du groupe en France. Il nous manque à présent une représentation au niveau de la holding». Une lueur d’espoir vient du côté de Safran. « Oui, le fait que les salariés aient des élus au conseil d’administration va dans le sens de l’amélioration du dialogue social au sein du groupe. Nous oeuvrons à le moderniser. Il faut innover et rénover le dialogue dans les entreprises », se réjouit Daniel Mazaltarim. Chez Dassault Aviation, la situation n’a pas réellement changé depuis l’entrée en vigueur de la loi du 14 juin 2013. « Il est difficile de dire si oui ou non le dialogue social a été renforcé dans l’entreprise. En terme d’échanges facilités avec la direction générale, oui, il y a un vrai changement, en terme de résultats, nous verrons avec le temps », précise Richard Bédère.
Des administrateurs heureux et un peu « seuls » Être administrateur salarié est un statut particulièrement frustrant ! Comment faire coexister le fait d’être élu par les salariés au conseil d’administration et ne rien pouvoir partager avec ses électeurs ? C’est la plus difficile mission que doivent remplir les administrateurs salariés. Tous sont heureux et soucieux de bien remplir leur mission ; attentifs à apporter leur pierre à l’édifice, mais… La confidentialité des débats et décisions prises en conseil d’administration leur interdit de débattre avec les salariés sur les décisions qu’ils ont été amenés à prendre en leur nom. Leur soupape de décompression ? Leur section syndicale et le Cercle des administrateurs salariés créé par la CFE-CGC, dans lequel ils peuvent échanger avec leurs semblables et s’enrichir de l’expérience des uns et des autres. La rédaction Bref Aéro
Ce Cercle se réunit deux fois par an pour aborder tous les sujets de gouvernance, échanger les expériences et proposer à la Confédération CFE-CGC des axes de réflexion et des préconisations en termes d’association des salariés à la gouvernance des entreprises. Le Cercle est à l’origine de la signature, fin 2007, d’une convention de coopération entre la Confédération CFE-CGC et l’Institut Français des Administrateurs (IFA), première du genre en termes de relation entre un Syndicat et cette « haute autorité » de la gouvernance française.
Laurent Legendre
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C’est dans l’air
Les héros SONT FATIGUÉS
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n mars dernier, un grand fabricant transalpin de pneumatiques est passé sous contrôle chinois. Dans la foulée, nombre d’articles de presse sont sortis, nous réveillant sur la mondialisation, la perte d’identité des groupes du CAC 40 et le « péril jaune ».
Insistons sur le fait que le consommateur est le premier à scier la branche sur laquelle le travailleur est assis. Et de nos jours, sans parler d’Asie, celui qui achète une voiture faite en Roumanie parce qu’il ne peut pas en acheter une française, construit la disparition prochaine d’un emploi français, et prépare l’achat par des chômeurs ou des salariés mal payés, de produits à bas prix que la France ne sait plus fabriquer. Comme cercle vicieux, on ne fait pas mieux.
L’expression « péril jaune » ne date pas d’hier, mais elle vaut que nous revenions dessus. À la fin des trente glorieuses, l’Occident est passé globalement d’un marché d’équipement à un marché de renouvellement. On n’achetait plus son premier grille-pain ou sa première télévision, on remplaçait un appareil qu’on jugeait dépassé. Du coup, les industriels se sont vus soumis à un nouveau mode de compétition. Avec l’avènement de la grande distribution, le phénomène a été amplifié. Pour faire face à une concurrence croissante, il a donc fallu chercher des endroits où fabriquer le moins cher possible (on ne parlait pas encore de « low cost ») et les acheteurs de tout l’Occident se sont tournés vers l’extrême Orient.
Et l’aéronautique dans tout ça ? Partis comme nous le sommes, ne nous faisons pas d’illusion, elle suivra le même chemin si nous n’adoptons pas une réaction collective. Évidemment, les salariés que nous sommes ne sont pas décisionnaires dans les achats d’aéronefs. Mais dans la préservation de nos emplois au travers d’une pression syndicale adaptée, nous pouvons, nous devons influer. Regardons le Dauphin partir en Corée, l’A320 en Chine (tiens, le COMAC C919 devrait être mis sur le marché en 2016…), rappelons-nous ce qu’était EMBRAER, il y a trente ans. Idem pour
Voici donc quarante ans que nous tous, industriels, financiers, politiciens, mais aussi et en premier lieu consommateurs, nous finançons au travers de microdécisions l’industrie asiatique et notamment chinoise. Et non seulement nous finançons cette industrie, mais nous lui avons pendant quarante ans transmis notre savoir-faire, dans une course mortifère entre industriels capitalistes.
BREF
AÉRO 8
les moteurs. Seul le domaine de la défense, parce que régalien, résiste encore et toujours. Au sein même de l’Europe, cette fois, ouvrons les yeux sur les comportements nationaux : quand on accroît leur charge de travail, l’Anglais supporte sinon il est viré, l’Espagnol prend parce qu’il connaît la situation de son pays et son taux de chômage, le Français prend pour ne pas passer pour un faible et parce qu’il a la culture du héros, l’Allemand demande du renfort. Et on le lui donne. Ce qui soutient l’emploi, la consommation, etc. Pour la CFE-CGC AED, les héros c’est bien, mais les patriotes c’est bien aussi. Encore une fois, nous tous politiciens, industriels, financiers et surtout consommateurs, devons adopter une pensée globale et assumer notre responsabilité face au « péril multicolore ». Sans perdre de vue le fait que lorsqu’on se penche sur l’accroissement des tensions dans nos sociétés, il est clair que les héros sont fatigués.
Juillet/août 2015 • n°353 Directeur de la publication : Bernard Valette Coordinateur de la rédaction : Daniel Verdy Ont participé à la rédaction : L.Kempf, C.Urbero, E.Rapisarda, C.Dumas, G.Bonnet, L.Legendre, F. Schwartz, M. Legrand, F. Vallin Crédits photos : © Istock Bref Aéro est une publication bimestrielle de la CFE-CGC AED - 66, rue des Binelles 92310 Sèvres contact@snctaa.fr Rédaction, conception, réalisation : Agence L’œil et la plume - www.loeiletlaplume.com Impression : Imprimerie La Centrale de Lens Dépôt légal : août 2015 ISNN : 0293-8251 - CPPAP : 0114S 08080
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