Bref Aéro 387 Mars/avril 2021

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BREF

Mars/avril 2021 • N° 387

AÉRO

ÉDITO

NE PAS CONFONDRE VITESSE ET PRÉCIPITATION. Ce numéro de Bref Aéro est tourné vers l’avenir. Avenir par ce que nous dit Jean-François Foucard sur le Télétravail, sujet que d’aucuns jugeront éculé, mais sur lequel il y a encore tant de choses à dire et à faire. Avenir par les évolutions (très timides) que connaissent les relations entre les Donneurs d’ordre et leur supply chain. Françoise Viallard fait un point sur les « avancées » de la charte signée dans le cadre du plan de relance. Christophe Bretagnolles explique les projets de Mécachrome pour rebondir. Avenir par le résumé que vous lirez d’un forum passionnant organisé par l’Académie de l’Air et de l’Espace. Ce forum regroupait des interventions d’origines aussi diverses que « The shift project », « l’association décarbo aéro », des CTOs de grands groupes, des chercheurs de l’ONERA et du DLR (organisme allemand de recherche). Le sujet était « simple » : « Transport aérien en crise et défi climatique : vers de nouveaux paradigmes ». Ainsi donc, d’aucun ont prédit un monde qui rentrerait nécessairement en récession pour faire des économies d’énergie. Avenir triste.

Sommaire

Des jeunes étudiants sont intervenus pour nous expliquer qu’il fallait changer les choses, avant qu’elles ne nous changent : entendons par là : « Je vais avoir un diplôme et je souhaite trouver du travail dans l’aéronautique ». Donc l’aéronautique doit s’adapter…bouger. Avenir pragmatique.

Actualités Télétravail un sujet qui ne laisse pas indifférent! Contrat de filière : que de complexité et peu de directives !

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Innovation Transport aérien et défi climatique

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2035, l’avion décarboné

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Vision Focus Factory chez Mecachrome 7

C’est dans l’air 6.000.000 €

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POUR VOUS AVEC VOUS

PARTOUT #AvionsEnLair

Puis, ce fut une avalanche de données scientifiques et technologies nouvelles en cours de mises au point qui furent décrites. Avenir porteur d’espoir. Rémi Stéphan témoigne dans ce magazine de la première partie, puis Jean Hermetz, adhérent et militant, nous décrit les travaux que mène l’ONERA sur ces sujets. Passionnant. Passionnant car, le futur est vaste pour l’aéronautique, mais il reste encore à inventer. Des transformations comme celle-ci, il en arrive une par siècle. Nous aurons la chance de la vivre. La CFE-CGC n’oublie pas les salariés victimes des plans sociaux en cours de déploiement. Mais nous sommes persuadés que cette aventure nécessitera de nombreuses compétences (nouvelles, mais aussi acquises par la formation professionnelle, la requalification, l’expérience). Ces mêmes salariés auront un rôle à jouer dans la croissance future. Ils devront être traités prioritairement dès que les embauches reprendront. Dans le cadre des PSE, juridiquement, cela s’appelle « la priorité à l’embauche ». Humainement, la CGE-CGC appelle cela « redonner toute leur place à ceux qui ont contribué à sauver l’entreprise ». La CFE-CGC le rappellera en temps utile. Avec force. Mais pour s’inventer un futur, encore faut-il ne pas tuer le présent. Ce n’est pas en peignant les avions en vert que l’on sauvera la planète. C’est en aidant les industriels à investir dans de nouvelles technologies et en leur laissant le temps de les mettre au point. Car sinon, une fois tous les avions repeints en vert, nous serons tous au chômage. Les peintres ne semblent pas en avoir conscience. Ils confondent vitesse et précipitation ! Ludovic ANDREVON Président de la CFE-CGC AED


Actualités

TÉLÉTRAVAIL

UN SUJET QUI NE LAISSE

PAS INDIFFÉRENT! Espéré pendant de nombreuses années, le télétravail s’est imposé de manière brutale à une majorité d’entre nous pendant le premier confinement de mars 2020. Ce mode de travail présente des atouts, mais aussi des limites, voire des contraintes. Pour mieux en cerner les enjeux, Bref Aéro a rencontré JeanFrançois Foucard, secrétaire national confédéral CFE-CGC à l’emploi et à la formation. BrefAéro : quelles sont les différences entre télétravail en situation de croisière et télétravail vécu en période de crise sanitaire ? J-F. F : la plus grande différence, c’est le caractère contraint ou non. En mode normal, nous sommes sur du volontariat alors qu’en période de crise nous sommes en mode forcé. Le salarié n’a que très peu de recours, même si son lieu de résidence est loin d’être optimal en termes d’environnement (pièces, meubles, mais également entourage) pour travailler. La quotité de travail concernée par le travail à domicile peut varier très fortement (du boreout à l’épuisement professionnel). Enfin, l’équilibre vie privée/vie professionnelle est fortement mis à mal par des obligations contradictoires (problématique de la garde d’enfants et de leur éventuelle scolarisation à domicile, hypothèses de multiplication du nombre de télétravailleurs au sein d’un même domicile, problématique des aidants familiaux, etc.) mais également dans le fait qu’il n’y a pas de sas de « décompression » entre le temps de travail et celui personnel. Tout se mélange. Bref Aéro : quelles sont les avancées, les apports de l’ANI (Accord National Interprofessionnel) sur le télétravail du 26 novembre 2020 ? J-F. F : tout d’abord l’ANI du 26 novembre 2020 vient en complément de l’ANI de 2005. Ensuite, cet accord explicite : l’obligation ou non d’écrit pour le passage en télétravail, la situation des salariés en télétravail contraint, les droits des IRP en environnement de télétravail et propose un outil de dialogue social ; en rappelant les droits et devoirs éparpillés dans plusieurs sources de droits (notamment le remboursement des frais professionnels),

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en recommandant des bonnes pratiques. L’ANI contourne le fait de ne pas pouvoir mettre des valeurs par défaut pour respecter le non normatif imposé par le dogme de la partie patronale, en faisant des recommandations de bonnes pratiques. Il transforme de fait cet outil de dialogue social en soft law. Bref Aéro : quelles sont les revendications CFE-CGC qui n’ont pas trouvé leur place dans cet ANI ? J-F. F : les principales revendications qui n’ont pas abouti sont : f déclarer le télétravail comme un sujet de négociation obligatoire ; f définir et encadrer le télétravail occasionnel ; f définir une valeur par défaut pour le remboursement des frais liés au télétravail via un forfait ; f définir un minimum de droits opérationnels pour les IRP en télétravail pour communiquer avec les salariés et entre ces membres afin de permettre le maintien des mêmes droits collectifs, en télétravail qu’en présentiel ; f créer un droit au repos et à la déconnexion spécifique pour la Continuité d’activité à domicile (CAD) ; f réguler la gestion du temps de travail effectif des salariés en CAD par une régulation de la charge de travail et une adaptation des objectifs ; f la prescription de sujets à aborder lors d’un accord d’entreprise ou d’une chartre. Bref Aéro : quels sont les risques générés par un développement sans limite du télétravail ? J-F. F : les risques les plus visibles aujourd’hui sont l’épuisement professionnel, la perte de sens, l’isolement, ainsi que la difficulté à intégrer des nouveaux venus dans un groupe et l’équilibre vie professionnelle/ vie personnelle. L’épuisement professionnel s’explique en grande partie par l’enchainement sans fin des visios qui fatiguent plus mentalement, au fait que pour produire la même chose il faut plus d’engagement et plus de temps, par

une perte de productivité collective pour des nouveaux projets. Les mauvaises conditions de travail et une utilisation plus soutenue des écrans amplifient le phénomène. La perte de sens est bien souvent due à la perte de contact physique, des rencontres, et autres débats informels. Il faut se souvenir que le sens au travail se retrouve toujours ailleurs que dans le travail proprement dit ! Pour ce qui concerne les organisations syndicales, la perte de contact avec les salariés …et donc un affaiblissement de leurs capacités à bien les représenter, à bien prendre en compte les situations de travail vécues. Les risques à moyen, long terme sont une externalisation de certaines activités et le passage d’un contrat de travail à un contrat commercial pour une partie non négligeable de la population. Bref Aéro : quels sont les coûts supportés par un télétravailleur que la CFE-CGC devrait revendiquer dans un accord d’entreprise télétravail ? J-F. F : la nature des frais engendrés par le télétravail pris en charge par l’entreprise ainsi que les conditions de prise en charge (forfait, fait réel). Exemple : frais d’électricité, chauffage, cartouche d’encre pour imprimante, fournitures et matériel de bureau … Je vous incite à consulter la fiche créée par la confédération sur ce sujet… Bref Aéro : le télétravail pratiqué à grande échelle peut générer des ruptures de liens sociaux et en conséquence des RPS. Quels sont les bons réflexes à adopter par les salariés ? Quel doit être le rôle des élus et représentants CFE-CGC ?

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Actualités

CONTRAT DE FILIÈRE : QUE DE COMPLEXITÉ ET PEU DE DIRECTIVES !

J-F. F : nous allons passer en mode d’organisation hybride. Une partie des salariés sera sur site et l’autre sera en télétravail. Le volume de jours possible sera déterminant sinon le risque est fort que les salariés « télétravaillent » tout le temps, même s’ils sont dans l’entreprise. Il faut que la gestion des jours soit approchée comme une possibilité pas comme un droit. Le télétravail doit rester un mode d’organisation au même titre que l’horaire variable. C’est une flexibilité supplémentaire qui permet de ne pas venir sur site et donc d’économiser du temps de transport et donc plus de latitude pour sa vie personnelle. Cette flexibilité doit être gérée au niveau du management de proximité afin que l’organisation collective n’en pâtisse pas. Pour chaque collectif, Il sera nécessaire d’analyser les différentes phases du travail afin de déterminer lesquelles doivent se faire absolument en collectif. Le télétravail nécessite également de passer à un mode de management par la confiance et donc au droit à l’erreur. Il sera également crucial d’avoir des outils qui permettent la transparence sur la disponibilité et le lieu d’exercice de la personne, sur site ou à distance. L’aménagement de plage de déconnexion et d’autres de « non dérangeable » sera crucial pour permettre un travail de qualité et la protection de la santé des salariés. Propos recueillis par Karine Hagué et Xavier Dahéron

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Le 8 mars s’est déroulée une réunion du bureau du Comité Stratégique de Filière pour discuter d’un avenant au contrat de filière aéronautique.

2/3 des emplois et compétences de la filière française sont dans les PME / TPE qui, à côté des aides étatiques doivent pouvoir compter sur :

Cet avenant est un condensé des 3 grands axes de soutien à la filière aéronautique :

f un changement de comportement des donneurs d’ordres ; f l’effectivité du fonds d’investissement créé par BPI France, Airbus, Safran, Thalès et Dassault ; f le fait que la pression sur les prix de vente exercée par les donneurs d’ordres soit plus limitée. Peut-être à ce niveau faudrait-il instaurer « un bonus », « une préférence » dans de futurs appels d’offres, en faveur des TPE/PME françaises qui auraient fait un effort d’investissement et de modernisation de leur outil industriel.

f actions du contrat de filière initial, lancé en décembre 2018, montrant surtout des avancées dans le programme Industrie du Futur ; f mesures du plan de soutien à la filière annoncées en juin 2020, focalisées sur le fonds d’accompagnement à la modernisation de la filière et le fonds d’investissement pour renforcer et consolider la chaîne des fournisseurs. Sur ce dernier point, on sent que l’objectif de 1 Mrd € de capitalisation peine à être bouclé ! f charte d’engagement signée le 9 juin 2020 en contrepartie des investissements de l’État dans le plan de soutien. Cette charte doit « permettre de renforcer et assainir les relations entre donneurs d’ordre et fournisseurs ». Mais que cette charte est complexe à mettre en œuvre ! Beaucoup de texte qui demanderait en face de chaque proposition, une action concrète, un indicateur de suivi. En effet, cette charte ne fixe aucun objectif, aucune cible chiffrée, pas même en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises. Les directions des grandes entreprises sont confrontées à la nécessité d’accroître leur compétitivité de manière à mieux préparer l’avenir face à la pression grandissante de la Chine et des États-Unis. Il n’y a donc pas de remise en question de l’amélioration de la profitabilité, pas de remise en question d’externalisations de charges hors Europe et France. Il est à craindre que les politiques d’achat existantes (pression sur les prix, volatilité des volumes…) ne changent pas de cap alors même qu’il est prévu dans la charte une formation régulière des acheteurs aux pratiques de « la préférence à l’offre France ».

De même, manque-t-il un volet formation qui engagerait les donneurs d’ordre vis-à-vis des TPE / PME lancées dans le programme Industrie du futur. Il pourrait s’agir d’un accompagnement non pas financier, mais, par exemple, de « compagnonnage ». Les « grands » mettent à disposition des « petits » des formateurs. Un certain nombre de salariés expérimentés sont partis des grands groupes dans le cadre des PSE. Certains d’entre eux seraient disposés à opérer dans ce sens. À signaler, au bénéfice de la filière Aéronautique, un gros travail de la médiation que ce soit via les médiateurs des entreprises ou du GIFAS.

Françoise Viallard Vice-présidente CFE-CGC AED

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Innovation

TRANSPORT AÉRIEN et défi climatique Mi-mars avait lieu, sur 2 jours, le webinaire « Transport aérien en crise et défi climatique : vers de nouveaux paradigmes », organisé par l’Académie de l’Air et de l’Espace. Son but était de réunir climatologues, chercheurs, économistes et industriels du secteur (laboratoires, motoristes, avionneurs, compagnies aériennes) et ainsi faire un point sur l’état de notre industrie, les contraintes que les enjeux climatiques vont lui faire porter et les solutions qui peuvent être trouvées, afin d’en dégager les perspectives à long terme (horizon 2050). Les grands noms du secteur étaient représentés. Les conférenciers ont insisté en premier lieu sur les contraintes environnementales : la baisse des émissions de gaz à effet de serre est une nécessité impérative et urgente, pour l’humanité d’une façon générale. Notre secteur industriel devra donc faire sa part ; d’autant qu’il est sous le feu des projecteurs médiatiques pour plusieurs raisons : f l’avion est, à l’heure de transport, nettement (au moins 10 fois plus) émetteur que n’importe quel autre mode ; f le transport aérien peut être vu comme un « privilège » (1 % de la population la plus aisée est responsable de plus de 50 % des émissions du secteur) ; f le transport aérien est utilisé pour des activités de loisir pour les trois quarts. Il a néanmoins été mis en lumière à plusieurs reprises que l’avion est un excellent vecteur de déplacement. Il offre notamment une distance franchissable par heure de travail imbattable. Il est un vecteur de développement économique. Un certain nombre de solutions peuvent être mobilisées pour répondre aux enjeux climatiques : f l’amélioration des performances des moteurs et des avions. Safran, par exemple, ambitionne de « sauter une génération », de multiplier par deux les gains en consommation de la prochaine génération de moteurs par rapport à ce qui a été fait avec la précédente ; f « SAF qui peut ! » : les Sustainable Aviation Fuels devront être massivement mobilisés : • les agrocarburants d’abord, car ils sont disponibles immédiatement ;

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• puis les carburants synthétiques (PTL, Power To Liquid), fabriqués en combinant hydrogène (obtenu par électrolyse) et CO2 (capté dans l’air ou issu des émissions d’une industrie associée). Ces carburants de substitution nécessitent néanmoins des quantités d’électricité très importantes pour leur production. Cette électricité devant elle-même être verte…

En conclusion : les objectifs sont extrêmement ambitieux pour le secteur aérien comme pour l’humanité d’une façon générale. Ils demanderont la mobilisation des meilleurs talents, mais ils sont motivants car on voit qu’ils ne sont pas inatteignables… À nous de mobiliser l’intelligence collective pour combiner sobriété et innovation !

Puis dans un second temps par l’hydrogène, surtout sur les courts et moyens courriers (combinant moteurs à carburant hydrogène et hybridation par pile à combustible). L’H2 réclame des modifications avion et infrastructures très profondes, mais c’est la solution la plus performante d’un point de vue réduction des émissions carbone. Il a été souligné la nécessaire harmonisation des solutions qui seront mises en place au niveau mondial car un avion doit pouvoir voler sur toute la planète. Certains intervenants ont invité les participants à ne pas éluder le sujet de la modération de la croissance du trafic qui pourrait être un levier à actionner en même temps que les progrès technologiques pour atteindre les cibles de réduction d’émissions. On parle d’« usage raisonné » du transport aérien (comme on parle d’agriculture raisonnée, ou de sobriété d’une façon générale…). Certains intervenants prédisent la nécessaire future mise en place de budgets (ou quotas) d’émissions pour chaque secteur économique… L’ensemble de ces sujets met également en avant les enjeux de gouvernance, de mise en place rapide (point clé) de nouvelles régulations à l’échelle mondiale pour subventionner la transition et décourager les émissions. Rémi Stephan Expert RSE CFE-CGC AED

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Innovation

2035, L’AVION DÉCARBONÉ COMMENT DIMINUER L’IMPACT CARBONE DU SECTEUR AÉRIEN SUR L’ENVIRONNEMENT ?

L

’industrie aéronautique œuvre depuis plusieurs décennies pour améliorer sans cesse la performance environnementale du transport aérien. Le transport aérien est responsable d’entre 2 et 3 % des émissions de CO2 émises par l’activité humaine à l’échelle mondiale (le transport routier mondial représente 17 % des émissions, le transport maritime, 3 %). Chaque nouvelle génération d’avions émet 15 à 20 % de CO2 en moins que la précédente. Grâce aux efforts entrepris, la performance environnementale du transport aérien ne cesse de s’améliorer : les émissions de CO2 par passager ont baissé de 50 % au cours des 30 dernières années. L’objectif annoncé de faire voler, d’ici 2035, un avion décarboné est symbolisé depuis plusieurs mois par de nombreuses annonces. La gamme ZEROe présentée par Airbus en septembre 2020, les projets NOVA, DRAGON et AMPERE développés par l’Onera, « le plan Hydrogène » de France Relance, sont quelques exemples de l’effervescence qui agite le secteur aéronautique pour remporter ce challenge. Depuis de très nombreuses années, l’ONERA travaille sur la problématique de l’avion Zéro Carbone, afin d’apporter un éclairage sur les différentes orientations et préparer les solutions technologiques pour répondre

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à cet objectif, Bref Aéro a rencontré Jean Hermetz, Conseiller spécial pour les nouvelles configurations d’aéronefs et systèmes propulsifs avancés à l’Onera, administrateur salarié CFE-CGC. Bref Aéro : existe-il beaucoup de solutions pour concevoir un avion décarboné ? Jean Hermetz : il n’y a pas beaucoup de solutions pour concevoir un avion zéro émission. Il faut tout d’abord penser au cycle de vie de l’avion : comment produit-on les matériaux, comment le fait-on voler, et comment le recycle-t-on en fin de vie ? Il va falloir repenser la forme des avions, revoir le stockage du « carburant », faire évoluer la structure, l’aérodynamique de l’avion. Il est nécessaire de prendre en compte tous ces aspects. À l’Onera, nous défrichons toutes les solutions qui permettraient d’améliorer l’impact environnemental de l’aviation. En aéronautique, les cycles de développement sont longs. 2035 reste dans le domaine du faisable. Cela suppose une mobilisation forte de tous les acteurs, les frontières vont bouger. Toute la chaîne de production devra se repositionner et évoluer. C’est un challenge que toute la communauté aéronautique est prête à relever. BA : quelles sont les différentes pistes de recherche sur lesquelles travaille l’Onera ? JH : à l’Onera, nous portons des projets orientés sur la propulsion, mais également

sur les composants de la propulsion, et sur les formes d’appareils les plus adaptés pour en tirer le meilleur parti. Par exemple, le projet européen IMOTHEP est ciblé sur les composants de la propulsion électrique pour en améliorer le rendement et arriver au niveau d’exigences de l’aéronautique, en fiabilité notamment. Il s’agit de repenser l’utilisation de l’électricité comme vecteur de transport de l’énergie de propulsion à bord afin de trouver d’autres possibilités de réduire la consommation. Nous nous intéressons à des moteurs hybrides, comme sur votre voiture, pétrole-électricité. L’objectif est d’obtenir des consommations performantes, sachant que dans une voiture une batterie actuelle produit environ 60 fois moins d’énergie que le pétrole pour une même masse, c’est encore plus vrai dans le cas de l’avion où le poids est l’ennemi numéro 1. La propulsion électrique par batterie est envisagée sur de petits avions, mais absolument irréalisable avec un A321, par exemple. La solution hydride, si on ne repense pas l’avion qui l’utilise, est une fausse bonne idée, dans la mesure où le rendement de transformation en électricité réduit le bilan énergétique. Il faut donc trouver des avantages à travers d’autres combinaisons entre la propulsion et la forme de l’avion, par exemple en utilisant la propulsion

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Innovation segment des vols de moins de 2000 km, c’est le plus gros du trafic aérien actuel dans le monde aujourd’hui, les vols domestiques et moyens courriers. Ces segments sont de très gros consommateurs de kérosène. La solution de l’hydrogène est une piste intéressante. Cependant il produit une énergie très faible rapportée à son volume. Il faut donc densifier l’hydrogène pour propulser un avion, le but étant de ne pas augmenter ni la taille ni la masse de l’avion !

distribuée. Dans le projet AMPERE, nous travaillons sur un petit avion régional à propulsion électrique distribuée avec le remplacement de la grande hélice par plein de petits moteurs, ce qui permet de souffler la voilure et améliorer les performances de décollage et atterrissage. Avec le projet DRAGON, nous supprimons les grands fans et nous les remplaçons par de très nombreux petits fans, ce qui nous permet de brasser beaucoup plus d’air pour la même puissance installée. Il ne faut pas oublier que le rendement énergétique d’un

moteur thermique est lié à sa taille alors que ce n’est pas le cas en électrique. De même, lorsque Airbus propose une aile volante, projet sur lequel travaille également l’Onera, la vision de l’avionneur nous parait totalement cohérente, il y a une véritable rupture technologique qui devrait permettre une baisse de la consommation énergétique. BA : il est beaucoup question d’hydrogène dans les pistes de recherche, qu’en pensez-vous ? JH : pour réduire les émissions de façon durable, il faut trouver des solutions sur le

De même, la production d’hydrogène a un bilan énergétique lourd. Se pose la question du volume de production, et de la production de l’énergie nécessaire à sa génération. L’éolien pourrait être une alternative de production comme le nucléaire. Il est clair que le pétrole est un produit difficilement remplaçable, même si l’hydrogène est un bon candidat, il ne va pas être simple de l’adapter à l’aéronautique. L’Onera travaille également sur les carburants alternatifs durables, le biocarburant peut être une solution temporaire, il ne s’agirait pas de créer un biocarburant qui détruise la planète en déforestant massivement pour répondre aux besoins du trafic aérien . Pour en savoir plus sur les travaux menés par l’ONERA : onera.fr

VISION « FOCUS FACTORY » CHEZ MECACHROME MECACHROME a développé, avec Safran pour la fabrication des aubes, un outil industriel qui donne la capabilité de livrer avec un cycle réduit (-30 %), un niveau de qualité parfait (oppm), et cela même avec des processus complexes, comprenant plusieurs technologies (tournage, fraisage, dépôt plasma, rectification). Ce type d’organisation très automatisée permet d’avoir un niveau de compétitivité élevé comme cela se fait déjà dans le secteur automobile. Pour avoir un outil de cette nature-là, de bout en bout, et être robuste dans le processus industriel, il faut des volumes importants de pièces. Ces volumes existent, mais dans le secteur aéronautique, la quantité est faite par le nombre de produits dans la nomenclature qui ne sont pas exactement les mêmes, mais qui peuvent être regroupés parce qu’ayant la même macro-gamme. L’idée est de travailler avec les constructeurs aéronautiques, ce qui est rendu possible aujourd’hui en créant des extracteurs de données, pour classer des pièces dans des macro gammes à ces macro gammes permettent de voir si, en final, les quantités sont là pour justifier une « Focus Factory ».

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Dans un certain nombre de cas, ces volumes de pièces ne sont pas chez le même fournisseur, mais pour démontrer que ces volumes existent, il faudra : f créer des champions ayant dans leur portefeuille produits les quantités de produits nécessaires ; f ou trouver des accords entre industriels pour créer ses Focus Factory ensemble ; f ou proposer à nos clients de mettre ces principes en route dans leurs sites de production, si ce sont des produits qu’ils veulent conserver en interne. Et cela permettrait de dédier certaines usines à quelques clients, alors Christian Cornille, PDG de MECACHROME, ouvre la discussion avec ses clients : « L’objectif est de déployer, d’ici à cinq ans, deux Focus Factory pour deux clients afin de rendre le concept crédible dans l’aéronautique ». Christophe Bretagnolles Délégué syndical CFE-CGC Mecachrome

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6.000.000 €

C’est dans l’air

Il fallait bien que ça arrive dans le monde qui est le nôtre. Un économiste, de renom de surcroît, n’a pas pu s’empêcher d’estimer le coût des vies sauvées de la Covid-19 pendant le premier confinement. C’est ce coût qui sert de titre au présent article. Notre idée n’est pas de contester ce chiffre. Après tout, les statistiques sont partout. On pourrait rajouter ceci, déduire cela, là n’est pas le plus important. Ce qui est magistralement inhumain c’est qu’un être humain s’est cru autorisé à donner une valeur monétaire à la vie d’autres êtres humains. Mais d’une certaine façon il fallait bien que ça arrive. Ce calcul n’est que le prolongement de celui du coût d’un lit d’hôpital ou de n’importe quel équipement public. On n’essaye pas de protéger tel village d’une crue centenaire, c’est trop cher, ça n’en vaut pas la peine. On repayera les maisons détruites si ça arrive, on prend le risque. Pas la peine de multiplier à l’envi les lits d’hôpitaux en cas de catastrophe, on trouvera bien un système. Calons-nous juste un peu au-dessus de la moyenne, ça devrait suffire en temps normal. Il est hélas des domaines dans lesquels nous n’avons humainement pas le droit de caler

l’humanité à la moyenne. Car cela revient à exclure d’office, par principe, toute une population qui se trouve du mauvais côté de la statistique. Certes, reprennent en cœur les économistes, les fiscalistes, les contribuables mêmes. Mais on ne peut pas non plus travailler en mode « open bar ». La crue centenaire peut ne jamais se produire, l’épidémie ne jamais arriver. Prévoir le pire et s’équiper pour, c’est retirer à d’autres domaines peut-être moins essentiels des ressources dont ils ont d’autant plus besoin, que sans aide ils ne progresseraient pas. C’est s’installer dans un désert des Tartares dont nous ne verrions jamais la fin. C’est une forme d’immobilisme. Dans nos métiers de tous les jours, les statistiques sont là. Si les mathématiques n’ont pas d’âme, ceux qui les utilisent sont supposés en avoir une. Calculer la probabilité d’un accident nucléaire ou celle d’un accident de la route, c’est un métier complexe et parfaitement respectable. Déduire de statistiques qu’on doit éliminer 10 % des effectifs d’un service ou n’augmenter les salaires que de 80 % des employés, c’est laisser aux mathématiques la part de libre arbitre qui devrait précisément faire toute notre humanité.

Car ces 6.000.000 € nous parlent de vies et d’humanité, au sens le plus large et le plus beau de ce mot. Quelle que soit la somme, le soi-disant prix de la vie, cette valeur numéraire est profondément dérisoire devant le désarroi du malade, la peur de l’agonisant, la chagrin des survivants. Et même devant la faillite d’une démocratie.Mordechaj Anielewicz à la tête des révoltés du ghetto de Varsovie disait, en 1943, « nous ne nous battons pas pour la vie, mais pour le prix de la vie ». Il peut être rassuré, où que se trouve son âme : un Français l’a calculé, mais surtout l’a publié, avec un cynisme et une raideur parfaitement scientifiques qui font froid dans le dos. En d’autres périodes de son Histoire, notre civilisation a connu de pareils abandons de l’humain devant l’implacable cruauté de la science. En pleine crise, alors que les bons côtés du monde de demain tardent à se faire jour, plus que jamais, nous devons consolider une digue de valeurs sociales et humanistes autour de la crue centenaire d’idées totalitaires qui se profile. Christophe Dumas Secrétaire général CFE-CGC AED

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BREF

AÉRO

Mars/avril 2021 • n°387 Directeur de la publication : Ludovic Andrevon Ont participé à la rédaction : C.Dumas, K.Hague, X.Daheron, J.Hermetz, R.Stephan, C.Bretagnolles, F.Viallard Crédits photos : Gifas, Adobe Stock Bref Aéro est une publication bimestrielle de la CFE-CGC AED 10-12 avenue de la Marne - 92120 Montrouge - contact@snctaa.fr Rédaction, conception, réalisation : Agence L’œil et la plume loeiletlaplume.com Impression : Imprimerie La Centrale de Lens Dépôt légal : avril 2021 - CPPAP : 0124S08080 Certifié PEFC

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