L'Officiel de la Mode et de la Couture N°1044

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BORN IN LE BRASSUS


NÉE AU BRASSUS, POUR VIVRE DANS LE MONDE

RAISED AROUND THE WORLD

B O U T I Q U E AU D E M A R S PI G U E T PA R I S : R U E R OYA L E


NO 1044 – JUILLET-AOÛT 2020

Édito page 12

Humeur : châtiments en séries page 38

Anatomie d’un sac : le Pont 9 de Louis Vuitton page 14

Musique : amazing Gracie Abrams page 40

Style : Sofia Coppola au service de Chanel page 16

Style : Missoni, une affaire de famille page 44

Style : le sac Antigona Soft de Givenchy page 18

Cahier spécial joaillerie page 48

Style : la capsule Jonathan Anderson pour Yoox page 22 Style : le sac Aikon d’Akris page 24 Style : la collab arty entre Joshua Vides et Fendi page 26 Style : le style selon Elmira Medins page 29 Style : Gemma Chan lauréate 2020 du prix Women in Film Max Mara page 30 Beau livre : retour sur le destin de l’empereur du punk Malcolm McLaren page 32 Musique : la déesse Maya Hawke page 34 Séries : Hollywood inspiration page 36

Anatomie d’une montre : la Tambour Spin Time Air Opale de Louis Vuitton page 50 Anatomie d’un bijou : la manchette Bone d’Elsa Perreti pour Tiffany & Co page 51 Tendance montres : golden time page 52 Tendance montres : b(l)ack to sport page 53 Celles qui ont tout changé page 54 PAGE 26

Girl’s best friends page 62

En couverture, Shira Haas en Chanel par Dudi Hasson

En couverture, Keyah Blu en Emporio Armani par Maxwell Granger

Reflets d’or page 68 Photos Adriano Russo, Dudi Hasson, Maxwell Granger, DR

Style : la collection estivale Loewe x Paula’s Ibiza page 20

PAGE 44

Les reines de l’éclat page 76 Focus : Francesca Amfitheatrof présente la collection LV Volt de Louis Vuitton page 86

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L’ABUS D’ALCOOL EST DANGEREUX POUR LA SANTÉ. À CONSOMMER AVEC MODÉRATION.


NO 1044 – JUILLET-AOÛT 2020

MODE Shira Haas page 90

La Cabane Bambou page 186 Et aussi… page 188

Karolina Kurkova page 104

BE WELL

Dominic Fike & Suki page 118

Édito page 190

Lameka Fox page 128

Le parfum California Dream de Louis Vuitton page 191

Paris Jackson page 140 Keyah Blu page 152

MAGAZINE Le prophète de mode Willi Smith page 160 Collab : Moncler Genius x Richard Quinn page 166 Rencontre avec le crooner James Righton page 170 Rencontre avec l’acteur Robert Pattinson page 174

Les Beiges Summer of Glow de Chanel page 192 Le parfum Paula’s Ibiza x Loewe page 193

PAGE 68

Fran Summers, irresistible égérie Givenchy page 194 Les bienfaits de la vitamine C liposomale page 196 Le pistolet Therabody page 197 Les Épures de Cartier page 198

PAGE 104

PAGE 128

Photos Coppi Barbieri, Paul Empson, Alexei Hay

Lifestyle : cap sur la French Riviera page 178 L’Hôtel Amour Nice page 180 L’Hôtel du Cap-Eden-Roc page 182 La Bastide de Gordes page 184

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Gabriel RICO, Crudelitatem (I will say the romans that spread upon the world but it was the world that spread upon the romans), 2016/2020. Ceramic, fiberglass, sand; 76 3/4 x 129 15/16 x 162 3/16 inch / 195 x 330 x 412 cm. Photo: Claire Dorn. Courtesy of the artist & Perrotin

GABRIEL RICO PARIS

NATURE LOVES TO HIDE MAY 23 — AUGUST 14, 2020


N° 1044 – JUILLET-AOÛT 2020

Directrice de la publication et de la rédaction Marie-José Susskind-Jalou Rédactrice en chef mode Vanessa Bellugeon

Directeur de création Giampietro Baudo

Rédactrice en chef magazine Adrienne Ribes

MODE

DÉPARTEMENT ARTISTIQUE

MAGAZINE

Market editor Laure Ambroise l.ambroise@jaloumediagroup.com Responsable shopping Samia Kisri s.kisri@jaloumediagroup.com Tél. 01 53 01 10 30

Consultante à la création Jennifer Eymère Graphiste Giulia Gilebbi

Editor-at-large Delphine Valloire d.valloire@jaloumediagroup.com Rédactrice en chef adjointe Léa Trichter-Pariente lea@jaloumediagroup.com

JOAILLERIE/HORLOGERIE Emily Minchella emilyminchella@gmail.com Hervé Dewintre hervedewintre@hotmail.com

BEAUTÉ Mélanie Mendelewitsch melanie.mendelewitsch@gmail.com Rédactrice parfum Antigone Schilling aantigone3@aol.com

CONTRIBUTEURS Photographes Coppi Barbieri Paul Empson Alan Gelati Maxwell Granger Ty Hampton Dudi Hasson Alexei Hay Mikael Jansson Adriano Russo

PRODUCTION SECRÉTARIAT DE RÉDACTION

Joshua Glasgow j.glasgow@jaloumediagroup.com

Secrétaire générale de la rédaction Jeanne Propeck j.propeck@jaloumediagroup.com

CASTING Jennifer Eymère j.eymere@jaloumediagroup.com Joshua Glasgow j.glasgow@jaloumediagroup.com

CORRESPONDANTS Editor-at-large Los Angeles Erica Pelosini Correspondante Rome Allegra Forneris Correspondant New York Jean-Claude Huon

LOFFICIEL.COM Rédactrice en chef Karen Rouach k.rouach@jaloumediagroup.com Community manager Caroline Mas c.mas@jaloumediagroup.com

Illustrateurs Giulia Gilebbi Przemek Sobock Rédacteurs et collaborateurs Dev Alexander Virginie Beaulieu François Blet Pauline Borgogno Philippe Combres Roberto Croci Fabia Di Drusco Déborah Ferguson Elsa Ferreira Fabrizio Finizza Silvia Frau Noémie Lecoq Giulio Martinelli Fran Martos Brydie Perkins Noa Rennert Zachary Weiss Julien Welter Traductrices Hélène Guillon Géraldine Trolle

LES PUBLICATIONS DES ÉDITIONS JALOU L’Officiel de la Mode, L’Officiel Hommes, Jalouse, La Revue des Montres, L’Officiel Voyage, L’Officiel Fashion Week, L’Officiel Art, L’Officiel Chirurgie Esthétique, L’Officiel Allemagne, L’Officiel Hommes Allemagne, L’Officiel Argentine, L’Officiel Autriche, L’Officiel Belgique, L’Officiel Art Belgique, L’Officiel Brésil, L’Officiel Hommes Brésil, L’Officiel Chine, L’Officiel Hommes Chine, Jalouse Chine, L’Officiel Corée, L’Officiel Hommes Corée, La Revue des Montres Corée, L’Officiel Inde, L’Officiel Indonésie, L’Officiel Italie, L’Officiel Hommes Italie, L’Officiel Kazakhstan, L’Officiel Hommes Kazakhstan, L’Officiel Lettonie, L’Officiel Liban, L’Officiel Hommes Liban, L’Officiel Lituanie, L’Officiel Malaisie, L’Officiel Maroc, L’Officiel Hommes Maroc, L’Officiel Mexique, L’Officiel Moyen-Orient, L’Officiel Hommes Moyen-Orient, L’Officiel Art Moyen-Orient, L’Officiel Pays-Bas, L’Officiel Hommes Pays-Bas, L’Officiel Pologne, L’Officiel Hommes Pologne, L’Officiel Russie, L’Officiel Singapour, L’Officiel Hommes Singapour, L’Officiel St Barth, L’Officiel Suisse, L’Officiel Hommes Suisse, L’Officiel Thaïlande, L’Officiel Hommes Thaïlande, L’Officiel Turquie, L’Officiel Hommes Turquie, L’Officiel Ukraine, L’Officiel Hommes Ukraine, L’Officiel USA, L’Officiel Hommes USA, L’Officiel Vietnam Lofficiel.com

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DIRECTION Global Co-Chairmen and Members of Executive and Administrative Boards Marie-José Susskind-Jalou Maxime Jalou Global Chief Executive Officer, Director of Executive and Administrative Boards Benjamin Eymère Global Deputy Chief Executive Officer, Member of Executive and Administrative Boards Maria Cecilia Andretta Global Chief Creative Officer Stefano Tonchi Global Artistic and Casting Director Jennifer Eymère Global Editorial Committee Giampietro Baudo, Jennifer Eymère, Stefano Tonchi Executive Assistants Céline Donker Van Heel c.donkervanheel@ jaloumediagroup.com Giulia Bettinelli g.bettinelli@lofficielitalia.com INTERNATIONAL ET MARKETING International Management and Marketing Flavia Benda f.benda@jaloumediagroup.com Global Head of Digital Product Giuseppe De Martino Global Digital Project Manager Babila Cremascoli Global Media and Marketing Strategist Louis du Sartel Global Head of Content and Event Experience L’Officiel Allegra Benini Global Editorial Content and Archives Giulia Bettinelli

ADVERTISING Global Chief Revenue Officer Erica Bartman Chief Revenue Officer France and Switzerland Jean-Philippe Amos Media Director Italian Market Carlotta Tomasoni Global Digital Ad Ops and Media Planning Ilaria Previtali

Responsable comptable & fabrication Éric Bessenian e.bessenian@jaloumediagroup.com Diffusion Lahcene Mezouar l.mezouar@jaloumediagroup.com Trésorerie Nadia Haouas n.haouas@jaloumediagroup.com PRODUCTION Directeur de la production Joshua Glasgow j.glasgow@jaloumediagroup.com

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RÉDACTION Éditeur Délégué Membre du Board Exécutif Emmanuel Rubin e.rubin@jaloumediagroup.com DIFFUSION Jean-François Charlier jf.charlier@jaloumediagroup.com International Editorial et Archives Manager Nathalie Ifrah n.ifrah@jaloumediagroup.com Project Manager Sarah Hissine s.hissine@jaloumediagroup.com Ventes directes diffusion Samia Kisri s.kisri@jaloumediagroup.com

ADMINISTRATION ET FINANCES Tél. 01 53 01 10 30 Fax 01 53 01 10 40 Directeur administratif et financier Membre du board administratif Thierry Leroy t.leroy@jaloumediagroup.com Secrétaire général Membre du board administratif Frédéric Lesiourd f.lesiourd@jaloumediagroup.com Directrice des ressources humaines Émilia Étienne e.etienne@jaloumediagroup.com

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borgoegnazia.com


ÉDITO PAR DELPHINE VALLOIRE

Si le poète Gil Scott-Heron chantait en 1971 “The revolution will not be televised”, le printemps 2020 nous a prouvé que la révolution passera bel et bien par l’image. Dès fin mars, ce sont les images sur les réseaux sociaux ou sur petit écran qui ont servi de liens, de relais, de boussoles pour une population fraternellement confinée à travers le monde, devant l’urgence et l’angoisse générées par le Covid-19. Au moment où Netflix a failli prendre le pouvoir sur notre “temps de cerveau disponible” (page 38), les images atroces de George Floyd agonisant sous le genou d’un policier, filmées par une adolescente courageuse, ont réveillé les consciences en un électrochoc. Huit minutes insoutenables enregistrées sur téléphone qui changeront peut-être le monde. Les images sont souvent ce qui émeut, ce qui reste. Dans ce numéro d’été, ce sont celles de Willi Smith, prophète de mode ressuscité par un livre et l’exposition du Cooper Hewitt Museum à New York (page 160), celles de la chanteuse Keyah Blu (page 152), celles de Dominic Fike, future star du rap/hip-hop (page 118), celles de Paris Jackson, fille du mythique Michael Jackson et incarnation d’une Gen Z militante et écolo (page 140), ou encore celles de l’extraordinaire actrice Shira Haas (photo ci-contre et page 90). Celle-ci nous raconte sa nouvelle célébrité après le succès de la série “Unorthodox”, une ode à la liberté retrouvée où on la voit dans une scène intense renaître à la vie en se baignant au soleil dans un lac à Berlin. Une seule image suffit aussi parfois à faire surgir l’espoir.


57 RUE PIERRE CHARRON 75008 PARIS


ANATOMIE D’UN SAC

Le Pont 9 de Louis Vuitton C’est l’un des plus beaux accessoires de la saison. Format idéal, fermoir bijou, tout ce qui le constitue nous fait l’adorer avant même de le porter.

Le Paris éternel Dans la famille des sacs Louis Vuitton, qui comprend les Capucines, Dauphine, Tuileries, Alma, Grenelle, pour ne citer qu’eux, nous demandons le dernier-né : le LV Pont 9. Il doit son nom au plus ancien et célèbre pont de la capitale qui s’étire sous les fenêtres du QG de la marque. Avec son style si parisien, il est le sac idéal à porter au quotidien. De jour comme de nuit, son élégance moderne l’impose comme le it-bag de la saison et plus encore. Héritage et modernité Confectionné à la main, le LV Pont 9 aux lignes arrondies et structurées à la fois est fabriqué en cuir de veau lisse subtilement capitonné. Il se porte aussi bien à l’épaule qu’en crossbody. À lui seul, il nécessite l’intervention de six artisans. Il est d’une grande sophistication avec sa construction à soufflets. Son rabat est orné d’un nouveau logo, nommé LV Circle, tout droit sorti des archives des années 30 et réinterprété par Nicolas Ghesquière. Ce logo dissimule le nouveau fermoir magnétique en forme de fleur Monogram de la maison.

Photo Louis Vuitton

Celui qui donne le ton L’intérieur coloré s’articule autour de deux compartiments. Décliné dans une gamme de coloris variée, du classique noir à l’élégance du crème en passant par le Summer Gold (coucher de soleil), le rose Dahlia ou le bleu Orage, l’un de nos préférés, ce sac est définitivement l’accessoire indispensable de l’été. Par Laure Ambroise

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LA LUNETTE FRANÇAISE


STYLE

Rue Cambon

Photo DR

S’immiscer au cœur de l’univers de la maison Chanel, tel était le propos de la dernière collection des Métiers d’art 2019/20 intitulée Paris – 31 rue Cambon, et signée Virginie Viard. Pour lui rendre hommage, la directrice artistique a fait appel à la réalisatrice Sofia Coppola pour réinventer le plus beau des décors immortalisé par la photographe Melodie McDaniel à l’occasion de la campagne publicitaire.

L’histoire d’amour entre Chanel et Sofia Coppola ne date pas d’hier. Elle commence par un stage au studio de création alors que Sofia n’est encore qu’une adolescente, et se poursuit jusqu’aux front rows des plus belles collections. Mais c’est avec Virginie Viard que l’amitié devient une conversation créative qui prend la forme d’une collaboration. Celle-ci débute en décembre dernier avec la réalisation d’une vidéo en hommage à Gabrielle Chanel, présentée à Tokyo à l’occasion de l’exposition “Mademoiselle Privé” ; et se poursuit avec l’élaboration du décor de la dernière collection des Métiers d’art : Paris – 31 rue Cambon. La réalisatrice reconstitue ainsi l’appartement de Mademoiselle Chanel, les salons de haute couture et le célèbre escalier aux miroirs du 31, rue Cambon, sous la nef du Grand Palais. Un show éblouissant qui accueille autant les

paravents de Coromandel du XVIIIe siècle que les sublimes lustres en cristaux, sans oublier le mobilier précieux. “Nous avons pensé aux premiers défilés qui avaient lieu au 31, rue Cambon, à quel point il devait être merveilleux de voir les mannequins défiler de si près, ainsi qu’à l’escalier aux miroirs de Coco qui me fascine et m’émeut depuis toujours”, raconte Sofia Coppola. C’est ce sublime décor que l’on retrouve aujourd’hui dans la campagne publicitaire des Métiers d’art photographiée par Melodie McDaniel sous la direction de Sofia Coppola. Là, les mannequins Mona Tougaard, Gigi Hadid, Vittoria Ceretti, Rebecca Longendyke, Anna Ewers, Ola Rudnicka, Pan Haowen et Blesnya Minher prennent la pose, en cape blanche en organza de soie imprimée de camélias, en tweed brodé de sequins ou en tailleur veste courte et jupe crayon. Quant à la

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gamme chromatique de cette collection, elle puise dans les couleurs emblématiques de Chanel : le blanc, sur un ensemble en crêpe de satin ; le noir, sur un blouson en jersey brodé de strass ; l’or, sur un manteau matelassé. Cette collection est la plus belle des occasions de célébrer les maisons et manufactures, toutes synonymes d’artisanat rare et précieux, qui sont au nombre de trente-quatre désormais avec, notamment, le brodeur Lesage, le parurier Desrues, le plumassier Lemarié, le chapelier Maison Michel, le bottier Massaro, l’orfèvre Goossens, le plisseur Lognon, le brodeur Montex ou le gantier Causse, pour ne citer qu’eux. Véritable incarnation de l’esprit et de l’énergie du 31, rue Cambon, cette série de clichés convoque la légende de ce lieu unique, son effervescence et son éternelle modernité. Par Laure Ambroise


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Sur les pas de l’Antigona

STYLE

Alors que le sac culte de Givenchy fête ses 10 ans, la célèbre maison de l’avenue George-V continue sur sa lancée et imagine l’Antigona Soft, un modèle plus souple mais empreint d’une sacrée force de caractère. Il était une fois Imaginé à l’automne 2010, le sac Antigona tient son nom de la célèbre héroïne de la mythologie grecque. Avec sa forme bowling, ses lignes graphiques, son style mixte, son cuir robuste, ses hanses courtes et sa fameuse bandoulière amovible, il devient vite iconique. De Rihanna à Charlize Theron, toutes l’ont adopté. Pour célébrer ses 10 ans de notoriété, Givenchy vient d’imaginer dans la même lignée l’Antigona Soft, au caractère plus doux. À la manière d’un blouson de cuir porté des centaines de fois, ce nouveau modèle offre une sensualité d’un nouveau genre. Taillé dans un cuir de veau souple, il tempère l’architecture initiale de l’Antigona. Plus que mixte, il se veut androgyne. Sens du détail Synonyme d’élégance, l’Antigona Soft se veut également pratique. Avec ses trois formats – petit, moyen et grand –, il dispose d’un large compartiment central à deux fermetures Éclair, d’une poche intérieure discrète et d’une pochette indépendante qui permet, à l’occasion, de n’emporter que l’essentiel avec soi. Mais ce qu’on aime tout particulièrement chez lui, ce sont ses trois portés possibles, grâce à ses anses latérales à attaches tourniquet, ses deux petites poignées et sa bandoulière amovible. Plutôt rare pour un sac de luxe.

Photos Givenchy

Couleurs du temps Cet accessoire incarne un style juste à tous moments. Que ce soit l’Antigona ou l’Antigona Soft, tous deux offrent une palette de couleurs et matières à se damner : du noir au gris perle en passant par l’aubergine ou le bleu nuit, pour les plus classiques ; du rose bonbon, bleu glacier, kaki ou jaune sable, pour les plus estivales ; et enfin un cuir vintage clouté à la main, un rayé imprimé brodé, un doré en dégradé sur cuir noir et un en corde tressée, pour les plus audacieuses. Par Laure Ambroise

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Photo Loewe


STYLE

La grande évasion Le quatrième chapitre de la collaboration Loewe x Paula’s Ibiza célèbre l’insouciance de la célèbre île des Baléares à travers une collection estivale aux couleurs vives, presque fluo, de laquelle se dégage un sentiment de liberté.

Depuis que Jonathan Anderson a choisi comme quartiers d’été pour Loewe le musée d’Art contemporain de Dalt Vila à Ibiza, l’île est devenue une escale incontournable pour la maison espagnole. C’est pourquoi depuis quatre ans Loewe enrichit sa collection printemps-été d’une collaboration exclusive avec Paula’s Ibiza, boutique mythique depuis les seventies, qui fut l’épicentre culturel et glamour de l’île avec son décor fleuri extravagant, où se sont croisés hippies, intellectuels et artistes, de Valentino à Freddie Mercury. Enfant, Jonathan Anderson, qui passa par là avec ses parents, n’y resta pas insensible. “Ibiza m’a toujours été très chère : c’est mon lien le plus profond avec l’Espagne, qui remonte aux souvenirs de l’enfance et de l’adolescence”, raconte le designer. À la façon d’une madeleine de Proust, la collection capsule Loewe x Paula’s Ibiza lui est dédiée. À chacune de ses éditions, le créateur s’est inspiré des archives psychédéliques d’Armin Heinemann et de Stuart Rudnick, les fondateurs de Paula’s et créateurs d’imprimés inspirés de la nature. Pour cette quatrième édition, Jonathan Anderson a voulu capturer l’esprit des Baléares et célébrer un moment dans le temps qui a vu l’hédonisme de cette île s’étendre pour influencer les cultures alternatives du monde entier. “Il y a une évasion dans la culture rave qui a germé ici, que je trouve très opportune et que je voulais explorer. La collection est un festin visuel. Dans cette collection, l’abandon extatique est total : moitié rave, moitié cyber, dans des néons acides, des verts délavés et des teintes d’écarlate, d’orange au lever du soleil et de bleu nuit.” Les silhouettes et les imprimés vont de pair : les sirènes nagent parmi les coraux

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rouges sur les robes longues à manches volantées ; les poissons rouges Jikin se frayent un chemin entre les nénuphars sur les pantalons Capri aux larges ourlets. Cette envolée d’imprimés orne aussi les accessoires avec les cabas, les coussins, les pochettes et les sacs banane, mais aussi les bobs, les casquettes ou les visières qui arborent des mêmes motifs sirènes et nénuphars. Composés de tuniques en lin, de jeans délavés, de pantalons argentés, de sandales fluorescentes, de petits sacs animaliers (pieuvres, dauphins ou baleines) et de boucles d’oreilles hippocampes, la collection est à se damner. Pour la réaliser, Loewe a fait appel à plusieurs communautés d’artisans qui ont utilisé des matériaux naturels comme les feuilles de palmiers ou les roseaux sauvages. Pour l’occasion, le designer lance également son parfum Loewe x Paula’s Ibiza pour hommes et femmes, une composition insouciante dans laquelle se mêlent l’ambre gris chaud et l’eau de coco fraîche. Un moment d’évasion unique en son genre. Quant à la réalisation du portfolio, elle a de nouveau été confiée à la photographe Gray Sorrenti. Après la Nouvelle-Orléans et la République Dominicaine, la jeune artiste a posé ses valises à New Delhi. Entre les fêtes privées, les courses en tuk-tuk et les happenings de BMX sur les toits, l’ambiance est à son comble et l’insouciance plus encore. Cette collaboration est à découvrir dans toutes les boutiques Loewe, dont celle d’Ibiza, et sur le site de la marque. Sur chaque produit Loewe x Paula’s Ibiza vendu, 40 euros seront reversés à l’association Plataforma de Enfancia. Par Laure Ambroise


STYLE

À deux, c’est mieux

L’Officiel : Racontez-nous la genèse de cette capsule. Souhaitiez-vous présenter certains des styles emblématiques de JW Anderson pour célébrer cet anniversaire ? D’ailleurs, quels sont les codes de JW Anderson ? Jonathan Anderson : À l’occasion de l’anniversaire de Yoox, j’ai pensé qu’il serait intéressant de prendre en compte les collections passées JW Anderson et de les réinterpréter pour faire cette capsule. Nous avons donc regardé les pièces qui faisaient sens et les nous avons intégrées à cette ligne, comme certains modèles asymétriques, une robe chemise, une jupe, ainsi qu’un trench-coat en patchwork. Le patchwork est un code récurrent de la marque JW Anderson, tout comme la palette de couleurs, très britannique, la Britishness fait partie de notre ADN. Quelles sont vos pièces et couleurs préférées dans cette collection ? Et parmi elles, quelles sont celles qui illustrent le mieux le gender fluid ? Je ne pense pas que les pièces en elles-mêmes soient gender fluid. Il s’agit de créer des vêtements que les gens veulent porter et nous avons toujours fait en sorte qu’ils se sentent bien en les portant, quel que soit leur genre. Les

hauts drapés font partie de mes pièces préférées. Depuis le premier jour vous avez toujours défendu l’idée d’une mode “non binaire”. Pensez-vous que la notion de sexe est vraiment devenue plus fluide dans notre société ? Je pense en tout cas que les jeunes générations se sentent beaucoup plus à l’aise dans leur façon de s’habiller. Beaucoup de choses ont changé, mais il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Nous avons récemment ouvert notre magasin à Londres dans Soho, car je crois que ce quartier incarne cette idée de liberté, non conditionnée par notre sexe ; je crois que celui-ci à en effet moins d’importance. Pourquoi les collaborations sont-elles devenues si importantes dans l’industrie de la mode ? Comment percevez-vous ce dialogue entre JW Anderson et Yoox, parmi votre très large éventail de collaborations ? C’est tellement important pour moi de travailler dans la mode, et dans ma vie en général, de rester curieux. La curiosité nous permet de rester pertinents et intéressants, et en travaillant sur des collaborations, on s’ouvre à différentes façons de faire les choses.

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Vous dites que le plus intéressant, dans une collaboration, est de faire quelque chose de nouveau. Quelle est la nouveauté de celle-ci ? Lorsque nous avons discuté de cette collaboration, l’idée était d’aller au-delà des tendances, c’est quelque chose d’important et que nous avons en commun avec Yoox. Et c’est exactement ce que nous avons fait. Comment voulez-vous que les clients portent cette capsule ? Comme ils le souhaitent. De la manière qui les rendra le plus heureux ! Nous sommes actuellement dans une période où des changements considérables sont possibles dans la mode. Lesquels souhaiteriez-vous voir s’opérer ? Nous sommes en train de repenser ce qu’est la mode et comment elle fonctionne. Cette période a certainement été difficile, mais la chose positive que j’ai pu en retirer a été de ralentir un peu et d’apprécier mon environnement. Pouvez-vous nous raconter un bon souvenir de vos 20 ans ? J’allais à l’école et je vivais près de Soho. C’était un moment tellement amusant dans ma vie. Tout est passé si vite… Propos recueillis par Laure Ambroise

Photo Yoox

À l’occasion de ses 20 ans, le site d’e-commerce Yoox fait appel à nouveau au talent du designer Jonathan Anderson et à sa marque éponyme pour imaginer une capsule pas comme les autres. Rencontre.


www.stee-atelier.com


STYLE

Jolie décennie Pour fêter les 10 ans de son sac signature Ai, la maison Akris imagine une version revisitée baptisée Aicon.

Photo DR

Il suffit de se glisser dans une robe Akris pour comprendre le talent de son directeur artistique Albert Kriemler (petit-fils de la fondatrice Alice KriemlerSchoch) qui, depuis presque quarante ans de carrière au sein de l’une des plus belles marques suisses, nous habille de ses créations. Avec sa maîtrise impeccable des proportions, des coupes et surtout des matières provenant de sa ville natale de SaintGall, son travail est autant adulé par Amal Clooney qu’Angelina Jolie. Réputée pour sa mode, Akris l’est également pour son sac signature, Ai, qui fête ses 10 ans cette saison. Petit rappel : il y a dix ans, alors que la marque cherchait un vocabulaire visuel pour ses accessoires, l’attention d’Albert Kriemler se porta sur le pavillon trapézoïdal de l’architecte mexicaine Tatiana Bilbao exposé au parc Jinhua en Chine. Sa forme en A, similaire au A d’Albert, décida le designer à choisir le trapèze comme visuel clé, que ce soit pour les vêtements mais aussi et surtout pour le design du sac, de ses fermoirs et de ses boucles. Il lui donne le nom Ai, qui signifie “amour” en japonais. L’Ai introduit l’inattendu crin de cheval, ce qui correspond parfaitement à la passion d’Albert Kriemler pour les matières uniques. Vite hissé au rang de it-bag, l’Ai peut se porter selon trois silhouettes distinctes, avec la version shopper et deux versions fourre-tout trapézoïdales. Aujourd’hui, pour fêter ses 10 ans, Akris a imaginé l’Aicon, un modèle convertible (rectangulaire ou trapèze), pourvu à la fois d’une poignée supérieure et d’une bandoulière allongée. En cuir texturé, il est disponible dans plusieurs coloris (blanc, argent, rouge, denim). Par Laure Ambroise

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Pa l a z z o Pa r i g i H o te l & G ra n d S p a | C o rs o d i P o r t a N u o va 1 | 2 0 1 2 1 M i l a n o | +39 0 2 6 25 6 2 2 2 2


STYLE

Arty summer C’est au tour de l’artiste californien Joshua Vides de collaborer avec la maison romaine Fendi. Une association où la monochromie joue le jeu de la mode.

où Joshua Vides impose son style monochrome avec des touches bleu ciel et violet glycine plongeant dans un univers cartoon. Les imprimés accrocheurs donnent de l’audace à cette collection qui combine classiques urbains et mode balnéaire. On adore les coupe-vent légers, les cyclistes en matière gaufrée, les tricots seconde peau, les jeans imprimés, les cardigans en fourrure poids plume, les blousons réversibles ou les vestes en cuir perforé. Et que dire des robes chemises et des caftans élégants, ils sont à tomber ! Les accessoires ne sont pas en reste avec l’effet marqueur de l’artiste qui s’impose autant sur les sacs Peekaboo et Baguette que sur le nouveau Fendi Roma Shopper. Comme Silvia Venturini Fendi aime le rappeler : “C’est dans notre ADN de partager la créativité et de collaborer de manière très ouverte.” Pas de doute, la collection California Sky sera celle de notre été. En vente sur le site de la marque le 24 juin et en boutiques à partir du 25. Photo DR

Joshua Vides fait partie de la première génération de visual artists guatémaltèco-américains. Né en Californie, il a évolué très jeune dans le monde du skate, jamais loin d’une rampe ou d’un mur à tagger. Pourvu de multiples talents et d’une créativité exacerbée, il présente son premier projet à seulement 19 ans, une marque de streetwear baptisée CLSC, connue pour ses diverses collaborations. Mais il y met fin pour mieux se concentrer sur Reality to Idea, son projet artistique qui consiste à couvrir toute surface – une paire de baskets ou un immeuble de plusieurs étages – de son travail d’illustrations en noir et blanc, dessinées à la main. Il interpelle ainsi la communauté artistique ainsi que les plus grandes marques telles Google, Nike, Mercedes Benz… et Fendi. La collaboration entre la marque de luxe italienne et l’artiste débute avec le magasin londonien Harrod’s à l’occasion d’un projet exclusif en 2019 : l’ouverture du café éphémère de la marque au cinquième étage du grand magasin, ainsi que le Peekaboo Bar, dédié à la customisation du fameux sac éponyme, et les vitrines. Elle se prolonge cet été avec la collection Prefall California Sky

Par Laure Ambroise

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STYLE

Designer de mode mais également artiste peintre, Elmira Medins est une créatrice à part entière.

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que je revisite dans un esprit années 50. À quoi reconnaît-on un vêtement Elmira Medins ? À ses couleurs – noir, blanc, ivoire, gris et vert –, ses matières naturelles telles que la soie, le coton et la laine, ainsi que le souci du détail. Mes chaussures, par exemple, sont réalisées dans les plus beaux cuirs et, grâce au brevet Eterry que j’ai déposé, le poids de la personne se répartit sur l’ensemble de la chaussure, ce qui les rend très confortables. Comment définissez-vous la femme Elmira Medins ? C’est une femme qui a confiance en elle, qui est passionnée d’art et de mode. Quelles sont vos pièces iconiques ? La jupe crayon perlée, le haut carré, la veste jacquard, le pantalon pyramide, le sac EM et les chaussures Eterry. Les réseaux sociaux influencent-ils votre travail ? Dans la mesure où ils reflètent les envies de chacun, ils sont très inspirants pour un créateur. Propos recueillis par Laure Ambroise

Photos DR

Quand art et mode ne font qu’un

D’où venez-vous Elmira Medins ? Je suis née à Kiev de parents architectes. Quel est votre parcours ? À 15 ans, je suis partie étudier le dessin, et cinq ans plus tard j’ai ouvert mon atelier couture et exposé mes premiers tableaux. Quelles sont vos icônes mode ? John Galliano, Thierry Mugler et Karl Lagerfeld. Pourquoi avoir quitté votre pays pour Paris ? Parce qu’on m’avait offert une place de designer au sein d’une jolie maison, c’était un rêve qui devenait réalité. Mais une fois sur place, j’ai préféré créer mon propre showroom. J’aime les femmes françaises, particulièrement les Parisiennes. J’écoute avec attention leurs commentaires, si précieux dans l’élaboration de mes collections. D’où vient ce côté “couture” dans vos collections ? Tout mon travail repose sur des combinaisons de couleurs et des jeux de proportions d’inspiration Art nouveau,


PH. DOMINIQUE RICHON

35 RUE DE RICHELIEU PARIS I YASMINE-ESLAMI.COM


Manteau en poil de chameau, pull en laine et chaussures lacĂŠes, Max Mara.


L O R ESMT YI LP ES U M

Le beau futur de Gemma Chan Lauréate du prix 2020 Women in Film Max Mara Face of the Future, le prix décerné depuis 2006 à une actrice considérée comme une icône de style et d’élégance dont la carrière prend un tournant, Gemma Chan s’est confiée à L’Officiel.

Photo Max Vadukul, coiffure Leon Gorman, maquillage Phophie Mathias

Née et élevée au Royaume-Uni, Gemma Chan joue cette année le rôle principal dans la dernière production des studios Marvel, Eternals, un film basé sur le dessin animé des années 1970 du grand Jack Kirby. L’actrice a également achevé le tournage de Let Them All Talk aux côtés de Meryl Streep, une comédie réalisée par Steven Soderbergh, après avoir s’être fait connaître grâce aux films Crazy Rich Asians, Mary Queen of Scots et Captain Marvel, ainsi que dans de nombreuses séries télévisées et productions théâtrales. C’est pour son talent et son goût que Max Mara l’a élue lauréate du prix Women in Film qui soutient les femmes dans leur quête de l’égalité des chances dans l’industrie du cinéma. Vous avez reçu le prix Women in Film Max Mara Face of the Future. Comment vous êtes-vous sentie lorsque vous avez appris la nouvelle ? Honnêtement, j’ai été très surprise. Quand j’ai commencé il y a douze ans, je n’aurais jamais imaginé gagner un prix comme celui-ci. Je suis honorée de passer après des femmes comme Zoe Saldana, Emily Blunt ou encore Elizabeth Banks, des actrices qui ont reçu ce prix ces dernières années. Pourquoi pensez-vous que Max Mara vous a choisie ? On m’a dit que le critère le plus important pour la maison était de récompenser quelqu’un qui est sur le point de faire face à un tournant dans sa carrière, et je suppose que c’est vérifié pour moi, surtout quand je repense au travail que j’ai eu la chance de faire l’année dernière. Pour la première fois, on m’a donné le rôle principal dans une production majeure, Eternals de Marvel Studios, dont la sortie est prévue pour novembre. De mon côté, j’admire l’intemporalité des collections Max Mara, leur sensibilité et leur élégance.

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Aviez-vous toujours rêvé de devenir actrice ? Non, plus jeune, je n’imaginais même pas qu’on pouvait gagner sa vie en tant qu’actrice. Donc, même si j’ai fait beaucoup de théâtre et de musique, je me suis concentrée sur le côté académique de mon cerveau pour obtenir un diplôme en droit. Ensuite, j’ai réalisé que j’adorais raconter des histoires, que je m’intéressais aux gens, que j’avais cette envie de donner une voix à quelqu’un qui autrement n’en aurait pas. C’est de là que vient mon amour pour la comédie. Voyez-vous ce prix comme un encouragement pour vous ? Absolument. L’industrie cinématographique a beaucoup changé ces dernières années. J’ai fait mes premiers pas à Londres, et quand j’ai commencé à-bas, il y avait vraiment peu d’acteurs de couleur sur scène ou à l’écran, si bien qu’on m’a suggéré l’idée de déménager aux États-Unis car il y aurait plus d’opportunités là-bas. Les choses ont changé, mais nous devons continuer le combat. Comment voyez-vous la position des femmes dans l’industrie cinématographique aujourd’hui ? Les choses vont mieux aujourd’hui, mais nous avons encore un long chemin à parcourir. Tout le monde demande l’égalité de traitement et l’égalité des chances, mais il y a encore de nombreuses situations où cela ne se produit pas, que ce soit en termes de représentation des femmes, et de femmes de couleur, dans les grands prix, et aux postes de décision. Nous vivons une période difficile, à la fois sur le plan politique et environnemental. Parfois, il n’est pas facile de rester positif, mais nous ne pouvons pas nous permettre le luxe du désespoir. Propos recueillis par Karen Rouach


BEAU LIVRE

L’empereur du punk

Le titre évoque en vrac les westerns, les épopées de bandits ou d’aventuriers partis à la conquête de l’Ouest. Finalement, la réalité n’est pas très loin de cela. The Life and Times of Malcolm McLaren de Paul Gorman, qu’on pourrait traduire par “La Légende de Malcolm McLaren” reprend par le début et en détails, sur plus de 800 pages absolument jamais ennuyeuses (exploit !), l’odyssée de McLaren, un des plus grands provocateurs du XXe siècle. Artiste volatile, manager, réalisateur, curateur, magicien des tendances, premier slasheur/influenceur, designer, arnaqueur ou pape de la pop culture : le fantôme de McLaren, mort il y a dix ans, bouge encore trop vite pour qu’on puisse l’attraper. Gorman y arrive presque avec ce travail d’enquête dantesque sur la vie de cet électron libre, qui se transforme peu à peu en une peinture étonnante d’une Angleterre disparue. Malcolm McLaren naît en 1946 et commence sa vie dans une ambiance délétère façon Dickens, abandonné à la fois par un père démissionnaire et une mère absente aux mœurs très légères. L’enfant, très fermé sur lui-même, est élevé par sa grandmère complètement excentrique, Rose Corré Isaacs, qui le cloître et lui donne à lire Shakespeare au lieu de l’envoyer à l’école. Étudiant dans les 60s, il louvoie entre des dizaines d’écoles d’art, idolâtre Warhol et les situationnistes français et parfait un art de la pose, du style, inspiré des Teddy Boys, qui restera sans égal. Ce quasi-autodidacte, bourré de paradoxes et délinquant dans l’âme, se forge un sentiment d’appartenance à travers les vêtements. Il se fait un devoir absolu de déranger, de ne jamais être où

on l’attend. Il va croiser et recroiser Vivienne Westwood, la sœur d’un ami qui l’héberge ; ils deviennent colocataires puis amants, vivant une histoire d’amour forcément compliquée, qui aboutira à la naissance d’un garçon (Joseph Corré, le futur fondateur d’Agent Provocateur) et à la création d’une boutique concept culte en 1971, au 430 King’s Road. L’endroit s’appelle successivement Let It Rock (avec une mode Teddy Boys) puis Too Fast to Live, Too Young to Die en 1973 (avec des cuirs inspirés d’Elvis et de Marlon Brando) puis Sex en 1974 (déclinant une mode punk SM) puis Seditionaries en 1976 (avec une mode punk déconstruite expérimentale qui marque les débuts de créatrice de Vivienne Westwood), et enfin World’s End dans les années quatre-vingt (sur le thème XVIIIe siècle et pirate). Malcolm a les idées, Vivienne Westwood les réalise. Leur boutique devient l’épicentre de l’avant-garde londonienne, une Factory destroy qui semble obéir à ces notes écrites par McLaren en 1970 : “Soyez enfantin. Soyez irresponsable. Soyez irrespectueux. Soyez tout ce que cette société déteste.” Après avoir brièvement été le manager des The New York Dolls, McLaren trouve en 1975 son Velvet Underground à lui, les Sex Pistols, groupe fondateur du punk, séminal et incontrôlable, dont il essaie d’être le metteur en scène, le théoricien, l’orchestrateur. Dans la cocotte-minute, il mélange notamment Johnny “Rotten” Lydon l’ultra-rebelle et le fan transi qui tournera monstre camé John Simon Ritchie, alias Sid Vicious. L’histoire devient légende noire quand Sid est soupçonné de l’assassinat de

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sa compagne Nancy Spungen dans une chambre du Chelsea Hotel à New York en octobre 1978, avant de mourir lui-même d’une overdose en 1979. Le No Future n’a jamais été aussi noir, ni aussi rentable, et Johnny Lydon accuse alors McLaren d’être “l’homme le plus maléfique au monde”. De fait, une page se tourne dans les années quatre-vingt, et McLaren devient une sorte de lanceur de tendances avec plus ou moins de bonheur : le post-punk, les NéoRomantiques, la world music, le hip-hop jusqu’à la culture ballroom gender fluid avec le Voguing et Willi Ninja qu’il essaiera de promouvoir en Angleterre. Dans les années 90, il prophétise le téléchargement libre de la musique, les cross-over entre les arts, puis dans les années 2000 tente de se présenter comme maire de Londres. Plus philosophe avec l’âge et toujours aussi brillant, il symbolise malgré lui l’artiste iconoclaste et l’esprit british jusqu’à sa mort en avril 2010. Sur sa tombe, on lit son énième et dernier slogan “Mieux vaut un échec spectaculaire qu’un succès anodin.” Le livre épique de Gorman sur sa vie met cela en lumière et bien plus encore, le suivant sur sa route flamboyante pas à pas. Comme le dit bien cette phrase de McLaren se souvenant de son épiphanie artistique d’étudiant aux Beaux-Arts : “J’avais une autre raison d’être dans la vie. Pas une carrière, mais une aventure.”

The Life and Times of Malcolm McLaren: The Biography, de Paul Gorman (Little, Brown). Par Virginie Beaulieu

Photo David Parkinson, courtesy Little, Brown UK

Avec une nouvelle biographie au rythme picaresque, le mystère sur l’iconoclaste Malcolm McLaren est presque levé. Inventeur du punk, lanceur de modes, artiste, pygmalion de Vivienne Westwood, manager, anarchiste ou escroc génial : McLaren était tout cela et bien plus encore.


LOREM IPSUM

Janvier 1972 : Malcolm McLaren à l’intérieur de la nouvelle boutique Teddy Boy Let It Rock au 430 King’s Road, Chelsea.

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MUSIQUE

La déesse Maya Déjà actrice et mannequin, Maya Hawke gagne ses galons de chanteuse et de compositrice sur un premier album de folk feutré. Portrait de la digne fille d’Uma Thurman et d’Ethan Hawke.

mannequin en 2016 en devenant l’égérie de la marque londonienne AllSaints et, l’année suivante, elle fait partie d’une campagne de publicité Calvin Klein réalisée par Sofia Coppola. En parallèle, elle démarre une carrière d’actrice dans une adaptation des Quatre Filles du docteur March pour la BBC, en décrochant le rôle phare de Jo. Si cette minisérie passe un peu inaperçue, c’est loin d’être le cas pour son projet suivant : en 2019, elle crève l’écran dans la troisième saison de Stranger Things. À la même période, elle fait partie du casting de luxe du dernier film de Quentin Tarantino, Once Upon a Time In Hollywood. Elle sera bientôt l’héroïne du prochain film de Gia Coppola, Mainstream, qui devrait sortir avant la fin de l’année. En attendant, Maya s’adonne à son autre passion : la musique. Après avoir dévoilé deux singles prometteurs, To Love a Boy et Stay Open, en août 2019, elle prouve qu’il ne s’agissait pas d’une simple lubie. Sur l’album Blush, elle fait chavirer les cœurs sur des folk-songs caressantes et sans fard, qui allient simplicité et élégance. Aux manettes, le producteur Jesse Harris (qui a collaboré avec Norah Jones et Melody Gardot) enlumine ces trésors précieux. Il aurait été dommage de surcharger des merveilles de douceur comme Coverage ou By Myself, interprétées d’une voix limpide et veloutée. En début d’année, Maya a joué ses tout premiers concerts à New-York, accompagnée notamment par le multi-instrumentiste Benjamin Lazar Davis d’Okkervil River. On croise les doigts pour que cette troupe puisse bientôt venir jouer en France ces chansons intemporelles, parfaites pour démarrer l’été sur un nuage. Album Blush (Mom+Pop Music), disponible le 19 juin. Photo DR

L’arbre généalogique de Maya Hawke comporte plusieurs rameaux d’or. Du côté paternel, l’acteur Ethan Hawke, arrière-neveu de l’écrivain Tennessee Williams. La branche maternelle n’est pas en reste avec sa mère, l’actrice Uma Thurman, elle-même née d’une baronnemannequin et d’un professeur-écrivain spécialiste du bouddhisme. Même si Maya a pris son envol depuis plusieurs années (elle fêtera ses 22 ans en juillet), elle reste soudée à sa tribu. Lorsqu’on la joint en plein confinement, elle s’est réfugiée dans la maison de campagne familiale. Un souvenir d’enfance lui revient quand elle repense à ses premières performances en public : “Je chante devant les gens depuis que je suis petite. Mon père et moi, on adorait réunir des copains pour des soiréesguitare et on jouait des morceaux tous ensemble. Cela m’a montré le pouvoir de communication de la musique – faire un concert pour frimer ou se mettre en avant, ça n’a aucun sens. J’ai gardé cette attitude quand je suis sur scène, cette idée de jeu entre amis.” Avec sagesse, Maya profite de cet isolement temporaire pour se remettre en question. “Pouvoir vivre au calme, loin de la jungle du quotidien, ça fait réfléchir”, confie-t-elle. L’esprit posé, elle nous raconte comment est né son premier album, Blush, qui sort en juin. “Toutes ces chansons ont été écrites lors de ces trois dernières années, à partir de mes poèmes. Au départ, je n’avais pas de projet d’album en tête. J’avais simplement envie d’avoir un projet créatif sur lequel j’aurais la main et pour lequel je n’aurais pas à demander la permission. En tant qu’actrice, je me retrouve souvent en attente, que ce soit sur un tournage ou pour une audition, et ça peut être frustrant.” Elle nous cite Willie Nelson et Fiona Apple parmi les figures de proue de son éducation musicale. Maya grandit à New York jusqu’à sa majorité. Elle fait ses premiers pas de

Par Noémie Lecoq

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LOREM IPSUM

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Ruée vers l’or L’Âge d’or de Hollywood n’en finit pas de fasciner. Pour preuve, ces trois séries – Penny Dreadful: City of Angels, Perry Mason et Hollywood – qui revisitent, chacune à sa manière, la mythologie très “film noir” du Los Angeles des années 30-40.

“Je vis à Los Angeles en 1942” se plaît souvent à dire James Ellroy, auteur furieux du Dahlia noir et du Grand Nulle Part, et grand prêtre littéraire d’une cité où il n’y a plus d’anges mais les quatre nouveaux chevaliers de l’apocalypse : corruption, violence, sexe et ambition. Cette année, ce sont trois séries qui retracent cette époque. Tout d’abord Penny Dreadful: City of Angels, un “dérivé” (spin-off) lointain de l’excellente série de 2014 avec Eva Green, qui déplace le décor de l’époque victorienne et des brouillards de Londres sous les palmiers de Californie. Des détectives tentent d’enquêter sur des meurtres sadiques au rituel inspiré du folklore mexicain, sur un fond de tensions communautaires et de montée du nazisme, avec en accessoire totalement anecdotique la lutte d’une déesse des morts Santa Muerte et de sa sœur démoniaque Magda. Beaucoup plus convaincant dans

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le registre “film noir” mâtiné de Pulp Fiction, le nouveau Perry Mason de HBO, produit par Robert Downey Jr et joué par le fantastique Matthew Rhys (multirécompensé pour The Americans). Ce préquel de la fameuse série des sixties n’a pas grand-chose à voir avec celle qui a rendu Raymond Burr célèbre : ce Perry Mason-là est encore détective privé, abîmé et traumatisé par la guerre de 14-18, un enquêteur qui lorgne plutôt du côté de celui du Chinatown de Polanski. Enfin, la minisérie de luxe Hollywood sur Netflix (photos ci-dessus), créée par Ryan Murphy (Glee, Pose et Feud) revisite les coulisses de Hollywood à la grande époque des studios en retraçant la difficile ascension d’un groupe de jeunes artistes doués aspirant à la gloire et à leurs futurs oscars. Ryan Murphy a réuni un casting de jeunes talents prometteurs (Darren Criss, Jeremy Pope, Samara Weaving) et de poids lourds

Photos Netflix

SÉRIES


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qui savent mettre l’ambiance (Dylan McDermott, Jim Parsons et Patti LuPone). Dans un premier temps, il décrit la sexualité cachée de Hollywood. C’est le règne de l’image parfaite, une hypocrisie conçue par les producteurs et publicistes de l’époque et strictement encadrée par le code Hays. Cette partie s’inspire énormément du livre autobiographique de Scotty Bowers, le scandaleux Full Service, sur sa longue carrière d’escort-boy pour le ToutHollywood. Il est campé à l’écran sous les traits de Dylan McDermott qui joue Ernie West, un maquereau jovial et philosophe tenant une station servicelupanar. Quant au personnage de Camille (Laura Harrier), il est inspiré par les actrices Lena Horne et Dorothy Dandridge, et on retrouve un jeune Rock Hudson de fiction sous les traits de Jack Picking. Sont abordés avec un entrain très (trop ?) Technicolor les thèmes des droits des femmes, des luttes de

pouvoir, du système patriarcal des studios, du racisme sur et hors l’écran, du droit de cuissage des producteurs, etc. Et tous ces vilains mécanismes des studios en 1947 sont toujours construits en miroir avec ce qu’est devenu Hollywood aujourd’hui : du #metoo de Weinstein aux problèmes de représentation des minorités qu’elles soient afro-américaine, asiatique ou LGBT. Dans les derniers épisodes, Ryan Murphy opère un virage à 180 degrés, droit vers le plaisir insensé d’une happy end rose bonbon, une happy end qui n’a jamais existé, où ceux qui sont exclus sont enfin – tous – récompensés. Cet univers alternatif rêvé laisse pourtant un goût un peu amer. À Hollywood, ces années-là, de vrais combats ont eu lieu. Ces combats contre le racisme (par exemple, Home of the Brave, grand succès de 1949) ou contre l’antisémitisme (Le Mur invisible, trois oscars en 1948) ou contre le

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maccarthysme qui commence cette année-là, ont été perdus ou gagnés par des artistes faisant face aux mêmes obstacles. Les gays et lesbiennes ont été parmi les plus grands perdants de l’histoire : il faudra attendre les années 1990 pour que Hollywood tolère le coming-out, puis les films avec des héros gays (voir le documentaire Celluloid Closet en 1995). Murphy expliquait en mai dernier au Hollywood Reporter : “Mon show est un magnifique fantasme qui, en ces temps, pourrait être une sorte de baume.” Mais plus que de la pommade pour guérir les blessures, il faut continuer à changer les choses.

Penny Dreadful: City of Angels (Canal+). Hollywood (Netflix). Perry Mason (HBO OCS à partir du 22 juin).

Par Virginie Beaulieu


HUMEUR

Le vide du contenu Nous avons donc connu deux châtiments. Le premier, invisible et vicieux, nous a été administré par l’intermédiaire d’un pangolin. Le second, plus pervers encore, par nos écrans. Et dans ce cas précis, aucun geste barrière, aucune distance de sécurité, aucun coude n’a pu nous sauver la mise. Son nom : la saturation audiovisuelle.

Toute l’année, on travaillait dans un seul but : pouvoir ne plus le faire dans les meilleures conditions possibles. Souffler devant des moniteurs de toutes dimensions, conscients qu’une industrie du divertissement tournant à plein régime allait nous livrer des heures de contenu dont même une séquence de dix-sept réincarnations successives ne nous permettrait pas de venir à bout. Contenu, cet étrange mot hangar dans lequel on range aujourd’hui, sans distinction, des documentaires sur la Hongrie d’aprèsguerre, des Marseillais expatriés en Asie, des articles sur les cinq raisons de prendre des compléments de magnésium 100 % végétal et des films de Scorsese. Contenu, que l’on traduit en anglais par content, qui signifie également un état de satisfaction totale. Tout comme les passagers de l’Axiome dans Wall-E – mornes cachalots échoués devant des écrans montés sur aéroglisseurs –, nous étions en effet persuadés que le salon vespéral, notre vaisseau à nous, éclairé par la douce chandelle du contenu streamé, serait

“un lieu de plaisir sans limites”. Or, le vide n’a pas de limites non plus. Et celui qui s’est ouvert en nous pendant le confinement, aucun contenu n’a pu le combler. Après une période de culpabilité vite bue et de binge-watching jouissif mâtiné de résignation faux-cul – “le Covid, c’est une tragédie, mais s’il faut absolument mater Tiger King pour en venir à bout, vous pouvez compter sur nous, Capitaine” –, tout a basculé. Seuls rescapés de la grande paralysie corporelle, nos pouces faisaient défiler les vignettes sur la home des promesses. Mais Joe Exotic et Michael Scott ne pouvaient plus rien pour nous. L’œil matraqué, le neurone privé d’air, nous en avions ras le canapé. L’étrange parenthèse n’était plus qu’un grand bâillement. Nous n’avions plus envie de Netflix and Chill. Nous nous étions trompé de fantasme. Nous avions même fini, spectateurs de notre propre désœuvrement, par nous mépriser. D’ailleurs, un petit m, un petit p, et content se transforme en contempt. Comme des enfants, nous voulions ce

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que nous n’avions plus (des contacts avec le reste de la population et des additions à payer, pas à poser avec notre progéniture) ou ce que nous n’avions jamais eu (la capacité de courir un marathon, des souvenirs de balades le long de tous les affluents de la Vienne). Mais il faut dire aussi que, toujours comme des enfants, nous n’avions pas écouté les grandes personnes qui avaient sonné l’alerte. Pascal nous avait bien dit que tout le malheur des hommes était “de ne savoir pas demeurer en repos, dans une chambre”, Debord nous avait prévenus que le spectacle et le tempsmarchandise étaient un asservissement et une négation de la vie réelle, et Mamie – dans la veine de Guy, toute mamie étant situationniste – nous avait indiqué qu’il y avait sûrement mieux à faire que de pourchasser des poules dans Zelda. Mais voilà : on faisait la sourde oreille, parce que tout se passait plutôt pas mal depuis l’invention de la commode. Oui, la commode. Celle qui, en remplaçant le coffre du Moyen-Âge – comme nous l’explique gentiment Olivier Le Goff


Photo DR (image tirée du fi lm “Poltergeist” de Tobe Hooper, 1982, Warner Home Video)

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dans L’Invention du confort : Naissance d’une forme sociale – avait marqué le début de la sédentarité douillette et la fin du mobilier réellement “mobile”. La commode, un meuble rapidement devenu un adjectif, nous avait mis dedans. Ensuite, ça avait été l’escalade. Mécanisation, invention du capitalisme et du temps libre, démocratisation de la moquette et du lave-vaisselle, mariage du bonheur et du progrès (désormais inséparables), invention de la télévision, lancement de Netflix, et on y était : l’âge d’or de l’Occidental bien assis, bien diverti, qui refuse de regarder l’horloge en face et pense avoir “sur la profusion un droit légitime et inaliénable”, comme le disait Baudrillard, qui avait oublié d’être débile. Seulement, la profusion, c’est trop, et les chiffres le prouvent. John Landgraf, patron de la chaîne américaine FX, ne disait pas le contraire il y a quelques années en donnant un nom au phénomène de trop-plein audiovisuel : la “Peak TV”. Mais là encore, personne ne l’a écouté. Entre 2011 et 2019,

les États-Unis sont passés de 266 à 530 séries diffusées par an. Jonathan Taplin, producteur émérite, nous confirmait pourtant récemment que certains de ces contenus n’étaient “certainement pas regardés, l’audience étant fixe. On ne fabrique pas de nouveaux spectateurs”. Certes, mais le confinement a fabriqué du temps disponible, lui. Ce qui a mécaniquement entraîné un mois d’audience historique pour les plateformes de streaming, en mars, avant que les chiffres ne s’effondrent ensuite. Dès la fin du mois d’avril, les Américains ne passaient plus que 38 heures devant la télévision, contre 33 l’année précédente au même moment. Une toute petite différence de 5 heures, alors même qu’ils étaient tout-à-fait libres d’aller au restaurant avec Hank et Stacy. Qui sont assez sympa, il faut le dire, mais à petites doses. Surtout lui. Il se pourrait même que ces chiffres baissent encore. Car nos futures habitudes sont impossibles à prévoir. D’aucuns imaginent des modes de consommation plus raisonnables, quand

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d’autres affirment qu’après une grande hausse du nombre de randonnées moyen par habitant (le fameux indice NDRMPH) nous retrouverons tous nos canapés, amnésiés par le retour aux affaires et aux réunions avec Véronique des RH, que seule la perspective d’un visionnage de La Casa de Papel à l’horizontale, la bouche pleine de fettucini, permet de conjurer. À moins que le fait de nous coltiner 98 % de films et de séries centrés sur le confinement – il faut s’y préparer – ne fasse soudainement remonter le NDRMPH. L’Empire du Divertissement vit-il ses dernières heures ? Non, et si certains fabricants-diffuseurs vont y laisser des plumes, des titans comme Disney et Netflix sortiront à peine éclopés de la crise. Nous saurons cependant qu’à l’instar d’une barquette de lasagnes industrielles, tous leurs contenus seront livrés avec une part de vide, qu’il nous faudra payer malgré tout. Mais peut-être moins cher qu’avant. Par François Blet


MUSIQUE

Amazing Gracie Révélée par ses pop-songs intimistes postées sur Instagram, la Californienne Gracie Abrams pointe le nez hors de sa chambre pour faire ses premiers pas dans la cour des grandes, telles Lorde ou Billie Eilish… Rencontre avec une chanteuse à suivre.

Si la COVID-19 n’avait pas chamboulé le monde, Gracie Abrams aurait donné ses tout premiers concerts dès ce début d’année – ce n’est que partie remise. En attendant, cette jeune femme de 20 ans peaufine ses chansons et en invente de nouvelles, tout en continuant de se confier à son journal intime. Écrire l’aide à combattre ses inquiétudes, explique-telle. Quand on la retrouve sur Zoom, elle est cloîtrée dans sa chambre à Los Angeles, mais elle prouve d’emblée qu’elle n’a rien d’une diva nombriliste. Empathique et concernée par ce qui l’entoure, Gracie prend de nos nouvelles et s’intéresse à l’état de la France pendant cette crise. Dans sa musique et dans ses interviews, elle n’a jamais caché ses convictions. Ce trait qui lui vient peut-être de son éducation – son père est le célèbre réalisateur J.J. Abrams et sa mère, la productrice Katie McGrath, a été l’une des activistes à l’origine du mouvement Time’s Up. “Je ne peux pas séparer ma musique de mes opinions. C’est un tout qui reflète ce que j’ai en tête, ma façon de penser. Il ne faut pas avoir peur de parler de ce en quoi on croit. Je trouve ça important.” Après avoir étudié pendant un an à New York, à la très sélecte université féminine Barnard College, Gracie a décidé de faire une pause dans ses études et de rentrer à L.A. Entre-temps, elle a signé chez une major pour sortir officiellement ses morceaux délicats. On a ainsi pu découvrir Stay, Mean It, 21 (produit par Joel Little, qui a collaboré aux deux albums de Lorde), ou encore la tendre ballade I Miss You, I’m Sorry. Auparavant, l’apprentie-chanteuse postait ses compositions sur sa page Instagram en les filmant au naturel depuis sa tanière. Passionnée de musique depuis l’enfance, elle a écrit ses premiers morceaux quand elle était encore au lycée. Sa pop de chambre a ainsi conquis plus de 295k followers, dont Billie Eilish et Lorde. Adoubement suprême : cette dernière lui a un jour envoyé un message privé lui demandant le mp3 de l’un de ces tubes en puissance.

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Gracie les admire toutes les deux, mais son modèle absolu n’est pas tout à fait de la même génération : “Joni Mitchell, que ma mère écoutait en permanence, a bercé mon enfance. En grandissant, j’ai commencé à écouter ses paroles attentivement et à sentir qu’elle était plus émotive que les autres artistes. J’ai alors compris que la musique pouvait être un exutoire incroyable et ça m’a donné envie de créer moi-même. J’aime sa simplicité, la clarté de ses intentions : elle n’a besoin que de sa voix et d’un instrument. À mon tour, j’ai eu envie de composer à partir d’un piano ou d’une guitare, en construisant tout autour sans jamais perdre de vue ce noyau central. Pour moi, une chanson doit pouvoir fonctionner avec le strict minimum.” Lorsqu’on lui parle de mode, elle cite aussi le style de cette légendaire chanteuse canadienne et pousse son analyse un peu plus loin. “En tant que jeune femme qui a grandi à l’ère des réseaux sociaux, je vois passer des choses qui peuvent m’inspirer ou m’interpeller. Il y a un an, je me sentais plus intimidée, mais aujourd’hui j’ai pris confiance et j’ai surtout appris à m’accepter telle que je suis. Depuis mon année à New York, je vais vers des vêtements qui m’aident à être à l’aise et heureuse, que ce soit en termes de couleur ou de coupe. Ce qui importe pour moi dans la mode, c’est ce qu’elle me fait ressentir, plus que l’effet visuel !” Cette victoire du fond sur la forme, que plusieurs figures clés de la pop moderne partagent, montre le dynamisme de cette nouvelle génération qui redonne confiance en l’avenir. Gracie se veut optimiste : “Beaucoup de gens de mon âge mesurent le pouvoir qu’ils ont, celui de faire entendre leur voix pour faire bouger les choses. Le simple fait de savoir que mes amis et moi irons voter bientôt, ça me remplit d’espoir.” Demain leur appartient. EP disponible en juin (Polydor/Universal) Par Noémie Lecoq


Photo DR

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CINÉMA

La loi de la jungle Mélanie Thierry est partie au fin fond de la Thaïlande pour le nouveau film épique et sanglant de Spike Lee, Da Five Bloods. Rencontre avec une actrice qui affronte ses peurs.

Révélée très tôt comme mannequin sous l’œil de Peter Lindbergh, Helmut Newton ou Paolo Roversi, Mélanie Thierry a aussi imaginé récemment pour Balibaris une collection de basiques pour hommes. La qualifier de versatile est devenu un cliché, qu’elle assume : “J’ai l’impression que pour forger son goût, se trouver et déterminer à quelle famille on a envie d’appartenir, le temps est nécessaire. Tant mieux si on n’arrive toujours pas à me cataloguer. Ça ferme parfois des portes – d’autant que je ne joue pas toujours le jeu –, et on me confond encore avec d’autres Mélanie du cinéma français, voire avec Sara Forestier. Mais ça laisse aussi la place à l’imaginaire, et m’offre la chance

d’enchaîner des projets très différents les uns des autres.” Lorsqu’elle s’est rendue au casting parisien du film de Spike Lee, Da Five Bloods, Mélanie savait que le cinéaste récemment oscarisé recherchait son opposée : une comédienne française d’une vingtaine d’années, grande, filiforme et, pour l’occasion, glamour. Elle est arrivée avec ses 38 ans, son mètre 58 et son visage poupin démaquillé : “Inexplicablement, j’ai eu un bon pressentiment. La production m’a d’ailleurs rappelée pour un deuxième essai et, trois semaines plus tard, nous étions en Thaïlande pour les répétitions. Par quel miracle j’ai réussi ? J’ai toujours aussi peur de décevoir, je reste une timide et, en général, c’est

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mal interprété. Ça passe pour de la froideur, de la rigidité. J’adorerais savoir y faire, comme Ingrid Bergman quand elle envoie une lettre à Roberto Rossellini, où elle lui écrit : ‘Je ne parle pas italien mais je sais dire ti amo.’ Je comprends qu’il lui ait répondu : ‘Viens !’ Peut-être que Spike Lee m’a trouvé un côté baroudeur qui renvoyait au personnage de son film.” Dans Da Five Bloods (Les Frères de sang), Mélanie Thierry interprète en effet une démineuse française qui s’inscrit contre l’héritage encombrant de sa riche famille de colons au Vietnam. Sa mission entre en conflit avec celle d’un groupe de vétérans afro-américains, de retour dans ce delta du Mékong où ils ont


Photo Netflix 2020

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combattu en 1968. Ils découvrent un Vietnam désormais mondialisé (relocalisé pour les besoins du tournage dans la Thaïlande du nord, à Chiang Mai), et cherchent à régler un vieux contentieux, les armes à la main : “Mon personnage se nomme Hedy Bouvier, une contraction entre Hedy Lamarr et Jacqueline Bouvier ! Le nom de Bouvier vient naturellement à l’esprit d’un Américain comme Spike Lee, mais moi je la vois plutôt comme la descendante d’Aurore Clément, qui jouait cette grande propriétaire terrienne française en Indochine, dans Apocalypse Now de Francis Coppola. Da Five Bloods utilise la guerre du Vietnam pour évoquer, pêle-mêle, le racisme culturel aux États-Unis, le port

d’arme, la survivance des idéaux politiques et les dissensions dans la communauté noire américaine. Ça tire littéralement dans tous les coins et c’est une piqûre de rappel sur le sort des soldats afro-américains envoyés au front.” Le Vietnam a rappelé à Mélanie Thierry le souvenir de Marguerite Duras, qui a grandi en Indochine, et qu’elle a interprétée dans son film le plus fort à ce jour, La Douleur d’Emmanuel Finkiel. Le rôle de Hedy Bouvier lui a aussi donné le sentiment d’être novice, elle qui fut quasiment la seule Française, la seule Blanche et la seule femme sur un tournage très rapide : “Spike Lee fait une prise, parfois deux, mais rarement trois. Chacun est responsable de son rôle et c’est essentiel, car les acteurs sont trop

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souvent infantilisés. Ça a pu me déstabiliser au départ, mais ensuite ça m’a prouvé combien, derrière mon côté hyperémotif, je suis peut-être plus solide que je ne le crois. Je comprends mieux ce qu’un réalisateur attend de moi et je me sens plus habile pour exprimer des sentiments. À force de persévérance, les verrous sautent un à un.” L’héroïne préférée de Mélanie Thierry reste d’ailleurs Jeanne Moreau dans Jules et Jim de François Truffaut, car elle incarne cet idéal : la liberté et de la désinvolture. Da Five Bloods, de Spike Lee avec Delroy Lindo, Chadwick Boseman, Mélanie Thierry, Jonathan Majors… Sur Netflix. Par Julien Welter


STYLE

Une affaire de famille Missoni et M Missoni sont le reflet de deux personnalités fortes et indépendantes, celles d’Angela et de Margherita Missoni, deuxième et troisième générations de la maison de couture historique, qui reprend sa collaboration avec Safilo pour les collections eyewear.

“J’ai toujours un moment d’hésitation avant de répondre à la question de savoir quels sont les codes fondateurs de la marque. Ils me viennent spontanément à l’esprit, je ne les ai jamais analysés, explique Angela Missoni qui commence à retisser les fils (colorés) de l’histoire familiale. Mes parents étaient des révolutionnaires, ils ont inventé un style, brisé les schémas.” Elle s’arrête pour réfléchir. “Faire quelque chose de nouveau, c’est ça la constante, l’héritage. C’est pour ça que je ne regarde pas le passé, je ne vais pas fouiller dans les archives, je pars toujours à la recherche, c’est seulement après que je fais le lien avec mes souvenirs. J’ai des souvenirs très précis de tout : looks, variations, maquillage, perruques, j’ai toujours été curieuse, attentive. De plus, je ne suis pas née dans une entreprise affirmée, mais dans une maison qui était en train de grandir. Quand j’avais 6 ou 7 ans, j’ai participé à l’événement Missoni au Teatro Girolamo, à 12 ans au Pitti Firenze. C’est pour cette raison que, des années plus tard, quitte à contrarier leurs maîtres d’école, j’emmenais toujours mes enfants aux défilés de mode, pour leur donner de solides fondamentaux.” Mais pour en revenir aux codes :

“la couleur, le graphisme toujours actualisé, contemporain”. Tout comme celui de la nouvelle ligne de lunettes Missoni, qui “se développe sur des modèles classiques, avec des volumes actuels. Les matériaux et la texture sont très importants. Nous avons perfectionné une technique utilisée dans les années 1980 avec Safilo (la première collaboration entre les deux marques date de ces années-là, ndla) pour incorporer le tissu Missoni en créant un acétate avec un graphisme en chevrons. C’est une technologie que nous avons redécouverte dans les archives et que nous avons rendue parfaite. Un élément que nous voulons continu et reconnaissable, qui parle de la matérialité de Missoni, même dans un petit objet, comme des lunettes. Pour chaque saison, nous sélectionnons des tissus dans nos stocks auxquels nous redonnons vie.” Une approche durable, au sens large du terme, qui est aussi la signature de Margherita Maccapani Missoni, la troisième génération, aujourd’hui directrice de création de M Missoni. Pour elle, les archives familiales sont un “cabinet des curiosités”, un lieu où “l’on puise dans le passé, non pas dans le passé iconique et connu, mais dans

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une partie oubliée, que l’on retravaille et stratifie, pour créer un récit différent”. La collection M Missoni redécouvre des couleurs, des graphismes et des publicités oubliés, et elle se décline maintenant aussi dans la lunetterie. “Nous sommes allés repêcher des traits inédits, et nous avons trouvé d’autres façons de colorer, des couleurs vives, des couleurs contrastées entre verre et monture.” Elle évoque aussi les croquis à la main de son grand-père, Ottavio Missoni. “C’étaient des dessins presque mathématiques, il indiquait sur des cahiers à petits carreaux les couleurs qui seraient utilisées pour les machines ; en plus de les utiliser sur les robes en mousseline, comme motifs all over, nous les proposons sur les branches des lunettes.” La ligne en partenariat avec Safilo est d’empreinte pop, amusante et très attentive à la recherche de matériaux recyclés et éco-durables. Selon Margherita, pour innover aujourd’hui il faut “être vraiment à l’écoute et réussir à percevoir ce qui se passe dans le monde, à l’état d’esprit du moment. Nous devons répondre à une nouvelle demande du public. C’est un changement structurel qui était déjà en cours mais qui s’accélère. Les gens sont à la recherche



Ci-contre

MISSONI_ Lunettes de soleil à monture métallique, chemise en maille de lurex sur un body rayé et jupes superposées. M MISSONI_ Lunettes masque, top en maille rayé, chemise imprimée et pantalon en maille. Chaussettes, Sarah Borghi. Sandales, N°21. Page de droite

M MISSONI_ Lunettes de vue à monture métallique, chemisier imprimé et pantalon en maille. MISSONI_ Lunettes de vue à monture en acétate imprimé tissu, brassière à volants et jupe taille haute. Coiffure : Beppe D’Elia. Maquillage : Elena Pivetta. Assistant photo : Simone Paccini. Assistant stylisme : Fabrizio Finizza.

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d’une manière plus consciente et plus responsable de consommer, mais aussi de produire.” Une réflexion sur la mode et sur le produit qu’Angela a également menée pendant le confinement. “Je pense que nous allons acheter avec davantage de discernement, rechercher des vêtements qui ont une valeur, qui durent dans le temps.” Margherita évoque alors un épisode avec sa grand-mère Rosita : “Nous étions à Paris, j’avais 20 ans. Elle avait l’habitude de sortir à 7 heures du matin pour aller au marché des Antiquaires. Habituellement, j’aimais bien l’accompagner, mais la veille, je savais que j’allais rentrer tard d’une soirée et je lui ai dit que je ne viendrais pas. Le matin, elle m’a quand même appelée pour me demander de la rejoindre – je n’ai jamais su dire non à grand-mère, je n’ai jamais voulu la décevoir –, donc je me suis levée et j’y suis allée. Elle m’a fait essayer un manteau noir, très simple. C’était un original de Jeanne Lanvin. Elle m’a dit : ‘Comme ça, tu sais comment sont faites les belles choses’, et elle me l’a offert.”

De qui elle tient ? “Je suis un mélange. Ma grand-mère est très disciplinée, elle a un grand sens du devoir, ma mère est plus rebelle – par réaction – et a toujours vécu de manière libre. Moi, je tiens des deux.” Angela confirme : “Moi, j’ai une nature assez hippie. Margherita est comme sa grand-mère, précise. ‘Comment vas-tu t’habiller demain ?’ C’est le coup de téléphone classique de ma mère la veille du défilé, mais je ne sais jamais quoi lui répondre. Margherita est comme elle, elles préparent leur look. Mais elles cachent aussi un côté rebelle et libre d’esprit. Ma mère, ajoute Angela, l’a été en épousant mon père. Et, plus tard, elle nous a fait avancer dans le sens de l’émancipation féminine. Mais déjà ma grand-mère travaillait aux côtés de mon grand-père, et mon arrièregrand-mère travaillait avec mon arrière-grand-père, même s’ils ne le montraient pas en public. Je ne l’ai pas compris tout de suite, mais quand j’étais petite, les amies de ma mère, les gens qu’elle fréquentait et qui venaient

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à la maison étaient tous très avancés pour cette période.” “Au fond, résume Margherita, pour moi, la normalité, c’est le matriarcat. Aujourd’hui encore, dans les conversations, j’ai un point de vue différent.” Angela et Margherita ont deux personnalités différentes et complémentaires, tout comme les lignes Missoni et M Missoni. Leurs fonctions se complètent dans un jeu continu de matières, de couleurs et de motifs. Dans cette famille, chacun a son propre point de vue et un environnement de travail différent, mais, sur trois générations, elle poursuit un même projet made in Italy. La transmission est basée sur l’exemple, la liberté et l’estime réciproque. C’est une très forte empreinte, bien synthétisée dans ces mots : “Continuer à chercher, croire en ses propres idées, ne jamais être un suiveur”. Propos recueillis par Silvia Frau Photos Adriano Russo Stylisme Giulio Martinelli


Photo Coppi Barbieri, rĂŠalisation Emily Minchella

Collier Magnitude en platine, ĂŠmeraudes et diamants, CARTIER.


L’OFFICIEL JOAILLERIE Ce que veulent les femmes Or solaire, pierres étincelantes, couleurs rafraîchissantes : l’été illumine les parures les plus précieuses dans ce cahier spécial qui rend hommage à l’apport décisif des femmes dans le monde de la joaillerie. Femmes d’hier qui, de Coco Chanel à Jeanne Toussaint en passant par Renée Puissant, ont pavé le chemin en prenant à bras le corps une industrie fermée ; femmes d’aujourd’hui qui, de Victoire de Castellane chez Dior à Valérie Messika en passant par Claire Choisne chez Boucheron – tout à la fois stratège, directrice artistique et visionnaire –, proposent des créations scintillantes et audacieuses destinées à la joie de vivre et au plaisir de sens. Par Hervé Dewintre


ANATOMIE D’UNE MONTRE

La Tambour Spin Time Air Opale de Louis Vuitton Le calibre Spin Time créé par la Manufacture Louis Vuitton en 2009 convoque cette année les feux changeants de l’opale d’Australie pour faire briller ses heures sautantes et livrer une interprétation pétillante de sa lecture du temps.

Le mythe Il y a dix-huit ans, la maison de luxe faisait ses premiers pas remarqués dans le monde de l’horlogerie avec la montre Tambour inspirée, comme son nom l’indique, par cet instrument de musique si apte à marteler le rythme du temps. Depuis, elle s’est signalée par sa vaste proposition de montres précieuses mais aussi par sa déclinaison de montres connectées. Le déclic Louis Vuitton propose une horlogerie différente, en phase avec l’art du voyage et du mouvement cher au malletier. Une identité fondée sur l’originalité mais aussi sur l’équilibre entre l’exploit technique et l’agrément esthétique. L’une des plus parfaites illustrations de cette philosophie est le calibre Spin Time Air, à la fois ludique et sophistiqué, qui donne véritablement l’impression, avec ses douze cubes horaires rotatifs, scintillants et colorés, que l’heure flotte en suspension. Le savoir-faire Le calibre Spin Time Air anime des heures sautantes matérialisées par douze cubes rotatifs : toutes les 60 minutes, de façon instantanée, deux cubes tournent sur eux-mêmes. Ce mouvement a évolué pour donner place au calibre LV 88 qui offre une réserve de marche de 35 heures. Il est mis en lumière dans une série de nouveaux modèles dont les boîtiers en or rose serti de diamants exaltent les feux mouvants d’un cadran en opale d’Australie. Montre Tambour Spin Time Air Opale de Louis Vuitton, boîte en or rose serti de diamants, 42 mm, cadran en opale d’Australie, calibre LV 88, mouvement mécanique à remontage automatique,

Photo DR

réserve de marche 35 heures, bracelet en alligator blanc.

Par Hervé Dewintre

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ANATOMIE D’UN BIJOU

La manchette Bone d’Elsa Peretti

Photo DR

L’une des pièces les plus emblématiques créées par Elsa Peretti pour le joaillier new-yorkais Tiffany & Co. révèle ses nouveaux atours dans une édition spéciale qui célèbre son 50e anniversaire.

Le mythe Elsa Peretti n’est pas une inconnue lorsqu’elle rejoint Tiffany & Co. dans les années soixante-dix. Elle a la trentaine et jouit d’une renommée forgée dans son Italie natale où elle a étudié l’architecture d’intérieur, puis à Barcelone où elle est devenue le centre d’une coterie d’artistes exceptionnels, parmi lesquels, Salvador Dali. Lorsqu’elle s’installe à New York, Halston en fait sa muse et la présente au président de la grande maison joaillière américaine qui lui signe un contrat d’exclusivité. Il n’eut pas à le regretter.

Le déclic La manchette Bone cumule plusieurs sources d’inspirations qui correspondent à des moments clés de la vie d’Elsa Peretti. Les os (bones, en anglais) fascinèrent très tôt la créatrice, non pour leur aspect macabre mais pour leurs formes insolites. La visite durant son enfance d’une église du XVIIe siècle à Rome fut décisive : une partie de la crypte était décorée d’os humains. Son admiration pour le modernisme catalan, dont Antoni Gaudi était le chef de file, fit le reste.

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Le savoir-faire Conçue il y a un demi-siècle, la manchette est réinterprétée aujourd’hui dans des teintes vives, rouge, verte ou bleue, avec l’inscription “Special Edition”. Le savoir-faire joaillier se révèle dans la souplesse du bijou, avec un design spécifique selon le poignet. Réalisée en argent massif, jade noir ou turquoise, ou encore en or et jade vert, elle sera présentée dans une version sertie en septembre prochain. Par Hervé Dewintre


HORLOGERIE

Golden time Taillées pour un été de feu, ces montres tout en or jaune ou rose affichent leur solaire radicalité.

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1. Audemars Piguet Montre Royal Oak Jumbo Extra-Plat en or jaune, cadran à motif Petite Tapisserie, remontage automatique.

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4. Chaumet Montre Boléro petit modèle en or jaune, cadran argenté grené, mouvement quartz.

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7. Rolex Montre Oyster Perpetual Day-Date 36 en or jaune, cadran champagne, mouvement mécanique à remontage automatique.

2. Cartier Montre Panthère de Cartier Mini en or jaune.

5. Chanel Horlogerie Montre Code Coco Pixel en or beige et diamants, mouvement quartz de haute précision. Édition limitée à 20 pièces.

8. Van Cleef & Arpels Montre Cadenas en or jaune, cadran en nacre blanche, mouvement quartz.

3. Dior Horlogerie Montre La Mini D de Dior Satine en or jaune et diamants, mouvement quartz.

6. Piaget Montre Extremely Lady en or rose et diamants, mouvement quartz Piaget 56P.

Par Emily Minchella

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HORLOGERIE

B(l)ack to sport À grand renfort de matériaux techniques et de codes esthétiques sportifs, ces montres jouent à la fois l’élégance et la performance. 1. A. Lange & Söhne Montre Odysseus en or blanc, mouvement Calibre L 155, réserve de marche, bracelet en caoutchouc.

4. Chopard Montre Mille Miglia GTS Chrono en acier, mouvement chronographe automatique, bracelet en caoutchouc.

7. Patek Philippe Montre Aquanaut en acier, mouvement mécanique à remontage automatique, bracelet en composite.

2. Bell & Ross Montre BR 05 Black Steel en acier, mouvement calibre mécanique automatique, bracelet en caoutchouc.

5. Hublot Montre Big Bang Unico en titane, mouvement chronographe à remontage automatique, bracelet en caoutchouc.

8. Richard Mille Montre RM 62-01 Tourbillon Alarme Vibrante ACJ en titane et Carbone TPT®, mouvement tourbillon à remontage manuel, édition limitée à 30 pièces.

3. Blancpain Montre Fifty Fathoms Automatique en titane, lunette saphir, mouvement automatique, bracelet en toile de voile.

6. Omega Montre Seamaster Diver 300 en acier, mouvement automatique, bracelet en caoutchouc.

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Par Emily Minchella

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JOAILLERIE

Celles qui ont tout changé Longtemps chasse gardée des hommes, le monde de la joaillerie a vu, tout au long du XXe siècle et jusqu’à aujourd’hui, quelques femmes d’exception s’imposer et révolutionner les codes des plus prestigieuses maisons. De Gabrielle Chanel à Victoire de Castellane en passant par Jeanne Toussaint, Elsa Peretti, Renée Puissant et Suzanne Belperron, retour sur six destins hors du commun.

PAR HERVÉ DEWINTRE ILLUSTRATIONS GIULIA GILEBBI

L’affaire avait secoué la place Vendôme. La plupart des maisons étaient vent debout. Gabrielle Chanel venait de présenter, dans le cadre d’une exposition au profit d’œuvres caritatives, présidée par la princesse de Poix, une flamboyante collection de joyaux constellés de diamants, pour lesquels le dessinateur Paul Uribe et le fabriquant joaillier Lemeunier avaient prêté main forte. Une exposition à Londres devait suivre, une autre était prévue à Rome. Ce qui consternait plus précisément la place Vendôme, c’était le ton louangeur des critiques, notamment celles du journal L’Intransigeant. Ce dithyrambe, les gardiens du Temple ne pouvaient

l’accepter. C’est “l’affaire Chanel”. Nous sommes en novembre 1932. Et pourtant, Gabrielle Chanel l’affirme : elle n’a aucune intention de faire concurrence aux joailliers. Il s’agit simplement, suite à une demande du groupe De Beers, de recréer un engouement autour du diamant, dont l’éclat a été malmené par la crise de 29. L’affaire va loin. Plusieurs joailliers de renom se réunissent à la Chambre syndicale. Ils demandent que les bijoux soient démontés. Chanel leur tient tête. Quelques bijoux ont survécu. Loin d’être anecdotique, cette affaire éclaire les us et coutumes d’une profession qui puisent ses racines dans un passé immémorial.

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La joaillerie, contrairement à la mode, a été pendant des siècles régie par des guildes, confréries, corporations, qui encadraient scrupuleusement l’accès aux divers métiers de la profession. Ces corporations vénérables (la corporation des orfèvres a été fondée en France sous saint Louis) n’étaient pas ouvertes aux femmes. Les femmes pouvaient devenir marchandes de quatre saisons, couturières, drapières, mercières, lavandières, mais elles ne pouvaient pas devenir joaillières. Apprentis, compagnons et maîtres ne sont envisagés qu’au genre masculin. En quelques années, cette mise à l’écart va s’évanouir, grâce à des femmes de légendes. Portraits choisis.


Gabrielle Chanel Le texte accompagnant la collection manifeste ce goût de la contradiction qui fait tout le sel de la mythique Parisienne : “La raison qui m’avait amenée, d’abord, à imaginer des bijoux faux, c’est que je les trouvais dépourvus d’arrogance dans une période de faste trop facile. Cette considération s’efface dans une période de crise financière où, pour toutes choses, renaît un désir instinctif d’authenticité, qui ramène à sa juste valeur une amusante pacotille.” Les diamantaires avaient eu du flair en demandant à une faiseuse de mode de promouvoir leurs pierres précieuses. Novembre 1932, le Tout-Paris se précipite

chez Mademoiselle Chanel pour découvrir son exposition “Bijoux de diamants”. L’Officiel de la Mode ne tarit pas d’éloges sur ces 47 pièces uniques : “Mlle Chanel manie les pierres précieuses avec le même goût, la même facilité qu’elle chiffonne un tissu : elle a formé des étoiles, des croissants, des nœuds, des franges en brillants, de facture toute différente de celle de l’époque où ce genre de bijou était à la mode.” Le magazine égrène la longue liste de personnalités présentes entre têtes couronnées et artistes tels Pablo Picasso, Jean Cocteau, etc. Les photos du catalogue sont réalisées par le jeune Robert Bresson, les parures sont posées

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sur des mannequins de cire, tout est transformable, sans fermoir : la créatrice a compris que le pragmatisme était le meilleur attribut de la modernité. “Si j’ai choisi le diamant, c’est parce qu’il représente avec sa densité, la valeur la plus grande sous le plus petit volume.” Mission réussie pour les diamantaires : en plaçant le diamant sous le signe de la mode, ils venaient de ressusciter son éclat terni par la crise. Mission réussie pour Chanel qui venait d’inventer le marketing de la valeur refuge. Mission réussie pour la haute joaillerie dont la postérité retiendra qu’elle fut, au final, la merveilleuse complice de l’émancipation féminine.


Jeanne Toussaint Largement dominée par des corporations séculaires qui veillent farouchement aux prérogatives de ses membres, la joaillerie fut quasi exclusivement l’apanage des hommes jusqu’à la fin du XIXe siècle. Le mouvement Arts & Crafts en Angleterre permit bien à quelques femmes de s’exprimer – on pense à Georgina Gaskin ou Edith Dawson. Leur activité, exercée aux côtés de leur époux, était cependant considérée comme un passe-temps distingué. Le mouvement suffragiste, puis la Première Guerre mondiale et sa pénurie de main-d’œuvre masculine liée à la mobilisation, allaient tout bouleverser. Cette révolution influença probablement

Louis Cartier qui, en 1933, prit une décision radicale : confier la direction de la création haute joaillerie à une femme. Cette femme, c’est Jeanne Toussaint que Louis Cartier connaît de longue date. Née à Charleroi de parents fabricants de dentelles, elle avait fui le foyer très jeune pour rejoindre sa sœur à Paris. Là, elle rencontra Louis, chez Maxim’s, avant que n’éclate la guerre. Un mariage fut évoqué. Le “conseil de famille” retoqua l’idée. Ils restèrent bons amis jusqu’à la mort de Louis en 1942. Chez Cartier, Jeanne Toussaint accomplit des prodiges. Elle rendit les diamants flexibles, fluides, imagina de nouvelles combinaisons chromatiques, conçut des bijoux à la fois

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figuratifs et tridimensionnels, qui attiraient les femmes indépendantes. Louis Cartier l’avait affublée d’un surnom tendre et taquin : “la panthère” ; il avait raison, Jeanne Toussaint était la véritable Panthère de Cartier. Elle incarnait un panache et un élan créatif qui ont rugi avec force durant plusieurs décennies. D’où cette interrogation, posée sur un ton lyrique par la princesse Bibesco : “Qui donc êtes-vous, qui parfumez les diamants et qui rendez la richesse poétique ?” Pierre Claudel, fils de Paul, eut ce premier élément de réponse : Jeanne Toussaint est “celle qui aura guidé la joaillerie vers la modernité sans jamais sacrifier le bon goût.”


Suzanne Belperron À New York, le marchand Lee Seigelson a transformé sa galerie en temple de la joaillerie vintage. Un nom électrise ses équipes : Belperron. “L’engouement est tel que nous ne présentons certaines pièces qu’à nos clients privés.” Il faut dire que les bijoux imaginés par cette créatrice durant un demi-siècle, à partir des années 1920, semblent confirmer à chaque nouvelle génération la supériorité de leur signature. Karl Lagerfeld lui-même ne jurait depuis les années 60 que par cette créatrice joaillière. Le talent de Suzanne Belperron, née en 1900 dans le Jura, s’est révélé très tôt : ses premières créations manifestent une volonté de s’écarter des diktats

Art déco du moment. Jeanne Boivin l’accueille au sein de la maison fondée par son mari René. Mieux, elle encourage sa jeune recrue de 19 ans à donner libre cours à sa vision du style. Les cabochons et pierres précieuses s’épanouissent sur des bracelets qui conjuguent galbe et épure dans une variété impressionnante de matériaux : cristal de roche, bois, platine et même l’acier. Chez Bernard Herz, négociant en perles et pierres précieuses, elle acquiert une renommée internationale en multipliant les tours de force techniques et stylistiques, utilisant la laque de manière originale, exploitant l’or 22 carats en le martelant selon des

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techniques africaines. Populaire de son vivant, Suzanne Belperron est rapidement devenue un mythe après sa mort, en 1983. Au point que le New-Yorkais Nico Landrigan, fils de Ward Landrigan – ancien directeur du département joaillerie chez Sotheby’s et actuel propriétaire de Verdura – décide dès 2004 de redonner vie à ses créations, tandis que l’expert joaillier Olivier Baroin s’engage à “pérenniser l’avenir de l’expertise de toute œuvre” réalisée par l’artiste. Des appétits et une effervescence planétaire donc pour des créations que la principale intéressée se refusait de griffer à son nom en arguant que le style était sa principale signature.


Renée Puissant Après la Première Guerre mondiale, un souffle de pragmatisme rafraîchit les créations destinées aux femmes, que ce soit dans le monde de la couture ou dans celui de la joaillerie. Chez Van Cleef & Arpels, une femme a compris cette nouvelle équation, c’est Renée Puissant, qui n’est autre que la fille des fondateurs Alfred Van Cleef et Esther Arpels. Femme d’une remarquable élégance, elle est aussi douée d’un grand sens pratique. Ses premières initiatives relèvent en effet de ce qu’on appellerait aujourd’hui du “marketing”. En 1921, pour les fêtes de fin d’année, elle imagine une vente de bijoux “à prix spéciaux”. Ne vient-elle pas d’inventer en

quelque sorte le prêt-à-porter de la joaillerie ? Son flair s’exerce aussi dans les créations. En 1926, après le décès de son époux, elle endosse le rôle de directrice artistique de la maison fondée par ses parents. C’est sous sa direction que les créations s’enveloppent d’une sensualité particulière, se dote de volumes triomphants. Elle forme avec le dessinateur René Sim Lacaze un tandem fructueux. C’est sous son mandat que voit le jour le célèbre serti mystérieux ou encore la minaudière. Elle introduisit également des éléments du quotidien dans la conception d’objets précieux. On pense bien sûr au collier Zip qui incarne l’art de

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la transformation chez Van Cleef & Arpels. Il tirait son inspiration des robes d’Elsa Schiaparelli qui avait métamorphosé les fermetures à glissière des vestes d’aviateurs en agréments de toilettes. La conception de ce collier fut longue et difficile. Il fallut attendre le début des années 50 pour que le premier collier Zip sorte des ateliers. Renée Puissant avait entretemps été emportée par les ténèbres de la guerre en 1942. La postérité éclatante du collier Zip qui, à bien des égards, domine la haute joaillerie du siècle dernier, atteste aujourd’hui encore l’immense contribution d’une femme qui a choisi jusqu’au bout la voie de l’indépendance et de la liberté.


Victoire de Castellane Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, c’est Victoire de Castellane qui a proposé à Bernard Arnault de créer la joaillerie Dior et non l’inverse. “J’ai dit à Monsieur Arnault que je voulais créer une joaillerie qui n’existait pas.” En 1999, le monde de la joaillerie est bien différent de ce qu’il est aujourd’hui. Les maisons ne communiquent pas sur leur direction de la création. Elles s’abritent derrière la magie de leur nom, et bien malin celui qui connait celui de la “personne” qui imagine ou dessine les collections. En prenant vigoureusement la tête du département joaillerie et haute joaillerie de Dior, Victoire de Castellane fait davantage que de débarrasser la création de ses

stigmates bourgeois, elle pave le chemin à ses consœurs qui, depuis, se sont accaparé le premier plan de la scène créative, y compris au sein de la place Vendôme. Son style, qui est davantage une idéologie qu’une esthétique, s’autorise toutes les thématiques – pirates, plantes carnivores, vampires –, ne refusant que la tyrannie du bon goût. Ses fleurs femmes deviennent venimeuses quand l’actualité se voile un peu trop ouvertement de ténèbres, ses teintes de prédilection s’échappent du spectre chromatique autorisé par le sérail pour apprivoiser la laque ou s’épanouir dans des combinaisons inédites, sous le seul signe du désir et de la flamboyance.

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Ses nœuds, rubans, pétales, coccinelles défient la mièvrerie en superposant dans leurs lignes une sorte de sourire complice qui nous intime de ne pas trop nous prendre au sérieux. Pour fêter ses 20 ans chez Dior, la directrice artistique a imaginé une collection baptisée Gem Dior qui cristallise plus qu’elle ne synthétise la beauté intrinsèque, tellurique, des pierres précieuses. Et pour s’échapper une fois encore des chemins battus, c’est sur Youtube, avec son complice Loïc Prigent, que la créatrice a édifié, en la désacralisant, la première des nombreuses rétrospectives que la postérité ne manquera pas de lui consacrer.


Elsa Peretti Louis Comfort Tiffany n’a pas attendu la révolution initiée par les suffragettes pour confier aux femmes des postes clés. Lorsqu’il prend la direction artistique de Tiffany’s en 1902, succédant à son père, il nomme Julia Munson à la tête du département joaillerie. Elle est remplacée par une autre femme, Patricia Gay, à partir de 1914. Leurs créations respectives dévoilent une remarquable utilisation du filigrane, de l’émail champlevé, du pique-àjour, et se caractérisent par la vivacité de leurs couleurs déployées sur des colliers multigemme aux teintes inattendues. Même si la postérité n’a pas retenu leurs noms, elles ont contribué avec force

à la renommée du joaillier américain. Rien à voir cependant avec l’impact décisif qu’eut Elsa Peretti dans l’univers de la création contemporaine. C’était déjà une artiste reconnue lorsqu’elle se mit à créer exclusivement pour Tiffany’s en 1974. Son premier bijou est né dans son Italie natale dans les années 60. À Barcelone, où elle s’installa ensuite, elle imagina son premier pendentif vase, premier d’une série dont le succès ne s’est jamais démenti. Au-delà de son style unique fait de lignes simples, de courbes organiques, d’éléments du quotidien (haricots, cœurs, pommes, larmes, citrouilles, pinces de crustacés, os, étoiles de mer), au-delà du respect profond

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qu’elle manifeste pour les cultures dont elle s’inspire (ses bracelets en laque nécessitent 77 étapes pour être conformes à la technique ancestrale de l’urushi), il faut retenir le fait qu’Elsa Peretti a fortifié ce qu’on appellerait aujourd’hui l’“image de marque”. En réintroduisant les pièces en argent dans la ligne de bijoux Tiffany’s, en imaginant la ligne personnalisable Diamonds by the Yard – des diamants aux contours ronds et ovales simplement attachées à une chaîne en or ajustable –, la créatrice, également philanthrope, révolutionnaire et femme d’affaires avisée, a tout simplement proclamé que le luxe était l’affaire de tous.


PHOTOGRAPHIE COPPI BARBIERI RÉALISATION EMILY MINCHELLA

Comme le chantait Marilyn Monroe dans Les hommes préfèrent les blondes, les diamants sont les meilleurs amis des femmes. Dans ces pages, ils subliment aussi l’architecture de la New London.


HAUTE JOAILLERIE

Girl’s best friends


Double-page d’ouverture

CARTIER_Collier Magnitude en platine, émeraudes et diamants. En arrière-plan, Christ Church, Spitalfields et Fenchurch Street. Photo centrale, Lloyd’s Building et Regent Street, Saint James’s. BULGARI_Boucles d’oreilles en platine et diamants taille brillant. En arrière-plan, The Shard.

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Double-page ci-dessus

CHANEL_Collier Tweed d’Or en or jaune et or blanc, diamants jaunes et diamants blancs. Collection Tweed de Chanel. En arrière-plan, Hay’s Galleria et Waterloo Gardens. Photo centrale, Tower Bridge et Fournier Street. BUCCELLATI_Boucles d’oreilles Cocktail en or jaune et or blanc gravés, diamants et perles. En arrière-plan, Waterloo Gardens.

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HARRY WINSTON_Collier en platine et or jaune, diamants jaunes taille poire et diamants tailles poire et marquise. En arrière-plan, Piccadilly Circus et Underground Sign.

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GRAFF_Bracelet en or blanc et platine, diamants tailles poire et brillant. En arrière-plan, Monument au Grand Incendie de Londres et une porte de Fournier Street. Photo centrale, la Tour de Londres et Gibson Hall.

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HAUTE JOAILLERIE

Reflets d’or PHOTOGRAPHIE COPPI BARBIERI RÉALISATION EMILY MINCHELLA

Les rayons du soleil sur l’eau cristalline révèlent des joyaux lumineux uniques. Navigation entre géométrie rêveuse et création ondoyante.



Double-page d’ouverture

REPOSSI_Bracelet Serti Inversé en or rose et diamant taille poire. VHERNIER_Collier Freccia en or rose.

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Double-page ci-dessus

BOUCHERON_Bracelet Plume de Paon L en or jaune serti d’un diamant taille rose et pavé de diamants. DIOR JOAILLERIE_Plastron Rose des Vents en or jaune serti de diamants, émeraudes, malachite et nacre.

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TIFFANY & CO._Bracelet à maillons Tiffany City Hard Wear en or jaune.

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VAN CLEEF & ARPELS_Bracelet Ludo en or jaune, or blanc et diamants. 73


LOUIS VUITTON_Manchette LV Volt en or jaune et diamants.

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GUCCI HAUTE JOAILLERIE_Boucles d’oreilles en or jaune, tsavorites et diamants, collection Hortus Deliciarum. 75


PORTFOLIO

Les reines de l’éclat PDG, directrice de la création, directrice artistique, elles incarnent le renouveau du style, tout en vivifiant de leurs personnalités singulières une vision inédite du leadership et de l’empowerment. Portraits choisis de femmes d’exception bien déterminées à marquer de leur empreinte le monde de la joaillerie et de l’horlogerie.

PAR HERVÉ DEWINTRE ET FABIA DI DRUSCO ILLUSTRATIONS PRZEMEK SOBOCK

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Marie-Laure Cérède Directrice de création de l’horlogerie Cartier, Marie-Laure Cérède a présidé à la conception de la nouvelle montre Maillon : un objet de design architectural qui s’inscrit dans la philosophie du twist créatif chère à la maison française.

Une nouvelle montre Cartier est toujours un événement. Car l’illustre maison n’est pas un horloger comme les autres, l’essence de son style réside dans la philosophie du twist qui anime la conception de chaque garde-temps. En tant que directrice de création de l’horlogerie, Marie-Laure Cérède veille avec passion sur ce patrimoine qui fortifie sa valeur dans le mouvement. “L’horlogerie est complexe de par sa dualité. Il faut être capable d’exprimer une liberté créative tout en travaillant sous contrainte, notamment celle du mouvement. J’aime ce challenge. Chez Cartier, l’exercice est d’autant plus audacieux que l’esthétique doit primer et qu’il faut savoir dompter la technique, la faire oublier au profit de l’émotion. L’intelligence intuitive est palpable dans nos designs horlogers depuis toujours : le geste créatif est le résultat d’une tension maîtrisée entre la tête et le cœur, d’une alchimie porteuse de sens.” Marie-Laure

Cérède a présidé à la conception de la nouvelle montre Maillon : “Le projet est né de la volonté de créer une néogourmette. Nous avons vivifié ce bijou français bourgeois du milieu XXe siècle en lui insufflant une architecture nouvelle.” C’est un objet de design qui se tient à égale distance du garde-temps et du bijou, avec ses maillons rectangulaires qui prolongent dans leur alignement en biais un cadran à pans coupés. “À l’inverse de notre démarche habituelle, où le boîtier est au cœur de la réflexion, nous avons commencé par le travail du bracelet. Plutôt que de traiter un maillon à plat, nous avons choisi ici de sculpter une chaîne en trois dimensions pour découvrir un profil ‘en griffe’, inspiré de notre univers du bestiaire. Ensuite, un boîtier de forme hexagonale a été intégré : il est en parfaite cohérence avec cette maille puissante mais également avec notre héritage d’horloger des formes.” Il y a effectivement de la tension, de l’élan dans ce modèle

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qui scande la partition si reconnaissable du répertoire Cartier. “Je suis convaincue qu’une nouvelle création ne peut avoir du sens que si le patrimoine est parfaitement maîtrisé. Nous pouvons choisir de nous émanciper de ce patrimoine si nécessaire, mais sa maîtrise est essentielle pour libérer la création, pour éviter qu’elle ne soit trop influencée par son époque. J’insisterais également sur l’importance de la ‘main’. Seul le dessin est capable de libérer l’émotion que nous souhaitons donner à la pièce. Au Studio, tout commence par une intention créative posée au crayon. Elle restera notre référence ultime jusqu’aux premiers volumes. Je dirai pour finir que les montres Cartier ne sont jamais sages, encore moins consensuelles : ce sont de véritables partis pris qui reflètent une conviction esthétique. Elles ont toujours quelque chose à nous dire.” Propos recueillis par Hervé Dewintre


Lucrezia Buccellati Nommée en 2014 co-créatrice de la maison familiale Buccellati, fondée il y a 101 ans et rachetée par le groupe Richemont, cette passionnée d’équitation, mariée au galeriste David Wildenstein, travaille avec son père Andrea entre New York et Milan.

L’Officiel. Vous représentez la cinquième génération des Buccellati… Lucrezia Buccellati : La Maison a été fondée en 1919 par mon arrière-grandpère Mario, puis la direction de la création est passée à mon grand-père Gianmaria, puis à mon père Andrea. Mario était plus baroque, mon grandpère était un passionné d’Art déco, mon père aime les motifs géométriques. quant à moi, j’aime l’imprécision. Mais souvent, il y a une correspondance d’idées entre mon père et moi : nous sommes complémentaires, je pousse vers l’innovation, lui vers la faisabilité. Vous avez grandi parmi les bijoux. Enfant, vous voyiez-vous comme une princesse ? En fait, j’étais surtout fascinée par

le coffre-fort du bureau de mon père, où les pierres précieuses étaient soigneusement rangées dans des tiroirs, dans de minuscules sacs blancs parfaitement scellés. Quelles sont vos pierres préférées ? Et votre technique de gravure préférée ? Le saphir bleu est ma pierre préférée. J’aime aussi beaucoup la tourmaline paraiba qui a une couleur incroyable, presque fluo, mais j’aime aussi les turquoises. Et j’adore aussi le saphir rose sur l’or blanc. En ce qui concerne les techniques de gravure, j’aime beaucoup le telato avec lequel on obtient une texture semblable à du lin. Que recherche un client de votre génération chez Buccellati ? Les filles de ma génération sont

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généralement attirées par des bijoux plutot faciles à porter, de jour comme de nuit, et à assortir. La priorité, c’est le confort. Ces dernières années, nous avons décidé d’essayer de nous adresser à un public plus jeune en créant des collections comme Blossom, plus adaptées aux nouveaux modes de vie tout en conservant les procédés qui nous ont rendus célèbres dans le monde entier. La technique tulle caractérise les pièces très légères et facilement portables. En France, par exemple, c’est une tradition que les jeunes filles de 18 ans reçoivent notre classique bague Éternelle pour leur anniversaire. Propos recueillis par Fabia Di Drusco Traduction Hélène Guillon


Chabi Nouri PDG de Piaget depuis 2017, Chabi Nouri est aussi la première femme PDG au sein du groupe Richemont. Fondée en 1874, Piaget est devenue une maison de haute horlogerie en 1943. Elle est particulièrement attirante aux yeux des collectionneurs pour ses calibres extra-plats.

L’Officiel. Quelles sont les caractéristiques qui rendent un bijou ou une montre Piaget unique ? Chabi Nouri : Créativité, innovation, audace. Les artisans qui travaillent dans notre Atelier de l’Extraordinaire à Genève sont hautement spécialisés, ils possèdent un savoir-faire qui se perpétue au sein de la marque depuis plus de cent quarante ans, ils maîtrisent, en particulier, la technique de l’extra-plat qui distingue notre horlogerie. Quels sont les modèles emblématiques de la marque ? Parmi les montres, les collections

Altiplano, Polo et Limelight Gala. En avril dernier est sorti le modèle Altiplano Ultimate Concept, la montre mécanique la plus plate du monde, avec une épaisseur de seulement deux millimètres. Quant aux bijoux, la ligne Possession fête ses 30 ans, et l’année dernière nous avons lancé la collection Sunlight. Depuis votre arrivée, sur quoi avez-vous travaillé en particulier ? Sur la modernisation, le rajeunissement du positionnement de la marque à travers l’exaltation des caractéristiques qui lui sont inhérentes : énergie positive, joie partagée et audace.

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En matière d’horlogerie, quelle est la création dont vous vous sentez la plus fière ? La nouvelle montre Limelight Gala Precious Sapphire Gradient, inspirée d’un modèle iconique créé en 1973. Elle est constituée d’un bracelet en or Palace Décor illuminé par vingt gros diamants et vingt-deux saphirs bleus. Pour le sertissage des gemmes nous avons utilisé la technique du Serti Descendu. Propos recueillis par Fabia Di Drusco Traduction Hélène Guillon


Lucia Silvestri Elle n’avait que 18 ans lorsqu’elle a commencé à travailler chez Bulgari, dans le département de gemmologie. Depuis 2013, elle est devenue directrice de création de la joaillerie.

L’Officiel. Les bijoux des divas des années 60, quand Cinecittà était Hollywood-sur-Tibre et qu’il n’était pas question de venir à Rome sans passer par la boutique de la Via Condotti, celle qu’Andy Warhol appelait “La meilleure galerie d’art contemporain du monde”… Qu’est-ce qui rend un bijou Bulgari si unique ? Lucia Silvestri : L’exubérance. La juxtaposition de pierres de couleur. L’utilisation particulière du métal pour les mettre en valeur. Et puis le toucher ! Quel est le bijou qui vous fascine le plus ? Le sautoir en platine, saphirs et diamants d’Elizabeth Taylor, très moderne encore aujourd’hui, alors qu’il date de 1969. Nous l’avons racheté lors de la vente aux enchères des bijoux de Liz chez Christie’s. Quand je l’ai pris dans mes mains, j’ai été comme foudroyée. Le saphir du pendentif est extraordinaire. Quelle est votre pierre préférée ? Le saphir et l’émeraude sont les pierres

qui représentent le mieux les couleurs de Bulgari, mais je les aime toutes. Sur mon bureau j’en ai toujours beaucoup, de toutes les nuances, parce que les regarder, les toucher, les glisser entre les doigts, c’est comme s’immerger dans le bain d’énergie qu’elles ont accumulée pendant des millions d’années. Quand vous achetez une pierre, savez-vous déjà comment vous allez l’utiliser ? Toujours. J’adore négocier. C’est un véritable rituel qui peut parfois durer des années. Dans 99 % des cas, je me confronte à des hommes, en Inde, à New York, au Sri Lanka, à Bangkok, à Hong Kong. En ce moment, je suis fixée sur un saphir rose orangé de la couleur de la fleur de lotus, ou du soleil couchant. Il a une forme de coussin, élégant mais lourd, une couleur homogène, sous tous les angles on aperçoit le feu. Après trois ans de négociations il n’est toujours pas à moi, mais je sais déjà comment le monter.

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Comment porte-t-on un bijou Bulgari ? Je pense que les bijoux doivent être “utilisés” plutôt que “portés” suivant de vieux stéréotypes. Je ne pense pas qu’ils doivent être mis en parure, mais plutôt mêlés à des bijoux plus simples. Moi, j’aime bien mettre un collier très coloré avec une chemise blanche et un jean. Vous en portez beaucoup ? Je n’y renonce jamais : pendant le confinement j’en portais même pour faire du Pilates sur Zoom, mon professeur se moquait de moi… Quelle femme selon vous porte magnifiquement les bijoux ? Sharon Stone dans Casino. Quelle est la fonction de la haute joaillerie chez Bulgari ? Être un réservoir d’idées pour la joaillerie “normale”. Propos recueillis par Fabia Di Drusco Traduction Hélène Guillon


Claire Choisne Directrice de création de Boucheron depuis 2011, Claire Choisne continue de réinventer les codes de la maison fondée en 1858 et qui est parvenu, au fil des ans, à séduire une clientèle légendaire planétaire.

L’Officiel. Comment avez-vous travaillé à la redéfinition de l’identité de la maison ? Claire Choisne : J’ai commencé par me plonger dans les archives. Ce qui m’a fascinée, c’est leur richesse, qui m’a fait comprendre à quel point la philosophie de Boucheron est fondée sur la liberté de créer en termes de techniques, de matériaux et de thèmes. Deux parfaits exemples illustrent cette philosophie : le collier Point d’interrogation et le bracelet Jack. Le collier (le modèle original du Point d’interrogation date de 1879, ndla) est un chef-d’œuvre sur le plan technique, en raison de l’absence de fermoir, et parce que le motif central peut être réinterprété à l’infini. Le bracelet, lui, inspiré d’un câble jack, peut être aussi porté en collier ou en ceinture. Qu’est-ce qui rend un bijou Boucheron unique ? Chez Boucheron, l’innovation est

au service de la poésie et de l’émotion. On peut prendre comme exemple l’introduction de matériaux inusités tels que le sable du désert du Thar indien dans le pendentif Nagaur ou le marbre Makrana dans le collier Jodhpur de la collection de haute joaillerie Bleu de Jodhpur. Au cours de ces neuf années, quelles sont les pièces ou les collections les plus extraordinaires que vous ayez réalisées ? Probablement les neuf bagues Fleurs éternelles de la collection Nature triomphante de 2018. Nous avons travaillé sur cette collection pendant trois ans, en collaboration avec un expert en floriculture qui a employé plus de dix ans de recherche à stabiliser les pétales. Nous avons appliqué de vrais pétales à des fleurs en titane. Pour moi, ça a été extrêmement excitant de créer des fleurs destinées à durer éternellement.

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Vous avez déjà réinterprété des joyaux historiques pour les rendre contemporains… Nous lançons deux collections de haute joaillerie par an. Celle que nous présentons en juillet, axée sur le futur et dont le thème est totalement libre, est une façon pour la maison de continuer à étonner par des innovations audacieuses. L’autre, présentée en janvier, tourne autour d’une pièce emblématique choisie dans les archives, car nous aimons montrer que les créations historiques de Boucheron sont capables de défier le temps. Quel est votre rôle chez Boucheron ? Utiliser la liberté de créer qui m’est donnée pour donner aux femmes la liberté de porter ce qu’elles veulent. Propos recueillis par Fabia Di Drusco Traduction Hélène Guillon


Caroline Scheufele Co-présidente et directrice artistique de Chopard, Caroline Scheufele a commencé à travailler à l’âge de 19 ans pour la maison fondée en 1860 et rachetée par ses parents en 1963.

L’Officiel. Quelles sont vos sources d’inspiration ? Caroline Scheufele : Les voyages, les rencontres, l’art, les différentes cultures, mais la plus importante, c’est mon jardin. Je suis aussi une grande admiratrice de la haute couture qui est animée par la même recherche de perfection et de beauté que la haute joaillerie. C’est pour ça que j’aime beaucoup collaborer avec Giambattista Valli et créer des bijoux pour ses splendides défilés de mode. L’histoire de Chopard est aussi inextricablement liée au monde du cinéma et en particulier au Festival de Cannes… Le cinéma est ma passion depuis toujours, et nous sommes en effet partenaires officiels du Festival depuis 1998. Nous sommes également partenaires officiels du nouveau James Bond, No Time to Die. Dans le film, Ana de Armas, la James Bond girl de service, porte nos bijoux.

Son personnage, déterminé, courageux, m’a poussée à concevoir une nouvelle collection capsule, Golden Hearts. En revanche, c’est la passion de mon père et de mon frère pour les voitures anciennes qui nous a amenés à sponsoriser la course Mille Miglia depuis 1988. L’engagement pionnier avec lequel vous avez transformé Chopard en une marque responsable a fortement incité au changement qui se produit dans le monde de la joaillerie… Tout a commencé aux Oscars 2012 quand j’ai rencontré Livia Firth, fondatrice d’Eco Age, qui m’a demandé d’où provenait notre or. Je lui ai répondu : “d’une banque suisse”, mais la question avait des implications beaucoup plus profondes. Lorsque vous prenez conscience que des millions d’hommes, de femmes et d’enfants extraient de l’or souvent sans aucun respect des règles de sécurité et sans recevoir un salaire

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décent, vous vous rendez compte qu’il est temps de faire quelque chose. J’ai décidé de changer non seulement la méthode de production de Chopard, mais aussi celle du secteur tout entier. L’année suivante, nous avons lancé le projet “Voyage vers un luxe responsable”. Au début, il a été très difficile de convaincre toutes les personnes concernées de changer leurs habitudes de travail et de sortir de leur zone de confort, mais des années plus tard, je suis heureuse de constater que nous avons changé, ainsi que de nombreuses autres marques. Même les banques suisses ont pris des mesures dans ce sens. En juillet 2018, nous avons atteint notre objectif d’utiliser de l’or 100 % éthique pour tous nos bijoux et montres, en modifiant radicalement notre chaîne d’approvisionnement. Propos recueillis par Fabia Di Drusco Traduction Hélène Guillon


Valérie Messika Fille d’un célèbre diamantaire, Valérie Messika a gravé de son style les scintillantes créations de la maison qui porte son nom. Une histoire d’amour avec le diamant qui s’autorise, cette année, le dialogue avec la pierre de couleur.

Le succès foudroyant de la Maison Messika a pris tout le monde par surprise. Ces créations constellées de diamants étaient luxueuses bien entendu, mais non somptuaires. Rien de collet monté : une simplicité enthousiasmante abritant des prouesses d’ergonomie et des merveilles d’équilibre. On sentait bien que derrière ces créations se cachaient une grande maîtrise mais aussi une lumineuse sensibilité. À la fois douce et décidée, rêveuse et pragmatique, Valérie Messika incarne avec énergie les valeurs de la maison qui porte son nom. “Lorsque j’ai fondé Messika Paris il y a quinze ans, il y avait une réelle appréhension autour du diamant. La plupart des femmes ne portaient cette pierre que pour des occasions spéciales, ou pour leur mariage. J’ai eu envie de désacraliser tout cela.” Cette volonté s’appuie sur une longue expertise. André Messika, le père de Valérie, est un diamantaire de génie. Flamboyant, volubile, passionné, il était

encore adolescent lorsqu’il décida, avec beaucoup d’aplomb, de se présenter aux plus grands chercheurs de pierres de la place Vendôme afin de leur soumettre des gemmes qu’il avait personnellement sélectionnées. À ses côtés, Valérie apprend tout et comprend vite. “Toute mon enfance est remplie de souvenirs joyeux avec mon père, et de sa passion pour les diamants. Il me laissait jouer avec des pierres incroyables. C’est le mouvement des diamants dans ses mains qui m’a inspiré la collection Move.” Présentée pour la première fois en 2007, cette collection, qui se caractérise par la présence de trois diamants mobiles enchâssés au centre de chaque bijou, se réinvente régulièrement, proclamant sa modernité au fil des saisons. Lancée en 2019, Lucky Move prodigue ainsi des médailles aux allures de talismans. “Le design et le message de cette collection m’ont donné envie de travailler cette année avec des pierres de couleur, des pierres fines ou des pierres dures.

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Chacune d’elles – onyx, lapis-lazuli, malachite, nacre, turquoise, cornaline – renvoie à un mantra, une humeur.” Une révolution pour la maison. “Nous avons également utilisé le bois ziricote pour une parure de haute joaillerie, Black Hawk, de la collection Born to Be Wild. Cette nouvelle matière nous permet de donner du volume à nos bijoux en diamants, en taillant, par exemple, le bois en pointe. Tout cet ensemble crée une autre rythmique, confère une dynamique supplémentaire.” Pas question cependant de travailler avec d’autres pierres précieuses, comme le rubis ou l’émeraude : “Je suis fidèle aux diamants. Ils ont bercé mes rêves depuis mon plus jeune âge. Cette passion est mon héritage.” Prochain défi : l’Asie. “Un challenge commercial important.” Et même, pourquoi pas, l’horlogerie ! “Mon rêve ultime serait de créer une montre en diamants !” Propos recueillis par Hervé Dewintre


PORTFOLIO

Sabina Belli Après s’être intéressée au parfum (Dior) et au champagne (Veuve Clicquot), Sabina Belli est entrée dans le monde de la joaillerie, chez Bulgari d’abord, puis chez Pomellato, qu’elle préside et dirige depuis 2015.

L’Officiel. Qu’est-ce qui rend un bijou Pomellato unique ? Sabina Belli : Le style de Pomellato est minimaliste mais avec beaucoup de caractère, un peu comme la ville de Milan où la marque est née en 1967. Le fondateur, Pino Rabolini, était imprégné du design et de l’architecture des années 50 et 60, de l’esthétique de Gio Ponti, de Gae Aulenti. La “milanesité” de Pomellato est manifeste et se reflète dans la confiance en soi, sans fioritures, à la manière de Miuccia Prada. Ce n’est pas un hasard si 85 % de notre clientèle est composée de femmes qui achètent des bijoux pour elles-mêmes. Et puis chaque pièce de Pomellato a un design extraordinaire, est colorée, sensuelle, avec une touche organique, et est entièrement fabriquée à la main par plus d’une centaine d’artisans qui travaillent dans notre maison, ici à Milan, en utilisant uniquement de l’or responsable. Quel est le modèle le plus iconique ? Le Nudo. L’année prochaine, il aura

20 ans et il est identique à celui des premiers temps. Il est très complexe à réaliser car la pierre est très profonde, tenue seulement par deux crochets très fins. Il s’agit d’une véritable prouesse technique, où la pierre est un faux carré à cinquante-sept facettes taillées à la main, d’une transparence extraordinaire. Il a un minimalisme de solitaire, pendant des années il a été porté seul, puis nous avons décidé de le proposer porté en série, et nous avons aussi joué sur la taille en créant un énorme modèle ou en le pavant de diamants. Lors d’un événement, nous avons rassemblé une cinquantaine de Nudo différents dans une boîte de chocolats, certains nous ont demandé d’acheter la boîte entière ! Nos chaînes également sont emblématiques, avec des maillons tous légèrement différents les uns des autres précisément parce qu’ils sont faits à la main, de sorte que dans l’ensemble ils créent une forme ergonomique qui s’adapte et qui bouge, ce qui a un effet

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particulièrement sensuel sur la peau, une sensation très différente par rapport aux chaînes industrielles. Ceci étant, les chaînes historiques étaient très lourdes, nous les avons donc repensées avec la technologie 3D pour les rendre plus légères tout en maintenant leur impact visuel. Quels changements avez-vous apportés en arrivant dans cette maison ? En tant que femme PDG, la première chose que j’ai souhaitée était de valoriser l’empowerment féminin. Pour moi, c’est une tâche bien plus importante que n’importe quel objectif d’entreprise. J’encourage et je m’efforce d’offrir à mes employés des opportunités de carrière égales. Et puis, bien sûr, j’ai effectué un vrai travail sur les grands fondamentaux de la marque, à partir des années 80 et 90, son âge d’or. Propos recueillis par Fabia Di Drusco Traduction Hélène Guillon




FOCUS

Haute voltige Directrice artistique de la joaillerie et de l’horlogerie Louis Vuitton, Francesca Amfitheatrof a conçu et présenté à Paris une collection inédite, baptisée LV Volt, qui pose les fondations d’un style fluide et énergique en phase avec l’essence de la maison.

PAR HERVÉ DEWINTRE ILLUSTRATION PRZEMEK SOBOCK

Dans une salle spécialement aménagée, des baffles spectaculaires servent de support à des présentoirs sombres et brillants. Dehors, un soleil d’hiver fait miroiter les pierres de Paris qui illuminent la place Vendôme. Nous sommes confortablement installés dans un étage supérieur de la Maison Vendôme Louis Vuitton. Francesca Amfitheatrof présente ici ce qu’elle considère comme sa véritable première collection de joaillerie imaginée pour la maison de luxe française. Difficile de ne pas penser à Audrey

Hepburn : même regard enjoué, même maintien olympien. Même amour du style qui se manifestait chez l’une par une élégance Givenchy, chez l’autre par une silhouette Ghesquière. La créatrice a pris la tête du département joaillerie de la grande maison de luxe française en 2018. Une arrivée somme toute plutôt discrète. Sans doute le temps nécessaire à la directrice artistique de prendre ses marques et d’affiner sa signature personnelle sur les collections. Francesca est anglaise et elle est née

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au Japon. Son père était reporter de guerre pour le Times. Comme il couvrait les zones de conflit, la jeune fille a très tôt dans sa vie fait du voyage une composante essentielle de l’existence. “Quand je suis à Londres, les gens pensent que je suis italienne, quand je suis en Italie, on dit que je suis anglaise, j’imagine que je suis un mix. Je m’adapte facilement en tout cas, je peux observer les mentalités locales et les comparer sans me sentir déphasée. J’étudie plus que je ne me fonds dans un nouvel ensemble. J’ai


FOCUS

“Parfois, ne pas savoir, c’est mieux. Vous suivez votre instinct et vous faites des choses que les autres ne font pas. Ceux qui en savent trop n’arrivent plus à être créatifs. Il faut avoir confiance en soi. Moi, j’y vais avec mes tripes et mon instinct. Je ne dis pas que je n’ai pas de doutes, mais j’ai, malgré tout, cette confiance qui me permet d’aimer les travaux que je réalise.” Francesca Amfitheatrof

aussi ce qu’on appelle en anglais le streetwise, c’est-à-dire cette faculté de me sortir d’une situation inconnue, hasardeuse ou difficile dans des grandes villes ; le fait de voyager sans cesse m’a permis de développer cette capacité d’être en connexion, d’être aware.” Un vaste champ d’expression Sa carrière impressionne par sa diversité. Dans le design de bijoux, dans l’art de vivre, et même dans le parfum. Diplômée de l’école Central Saint Martins, Francesca a reçu son Master’s Degree du Royal College of Art de Londres en 1993 avant de prodiguer ses talents dans un vaste champ d’expression, au point même de devenir incollable sur les pratiques de fusion et de forgeage des métaux. Sa grande aptitude au travail, sa curiosité universelle et son extrême méticulosité lui ont valu de travailler

main dans la main avec Karl Lagerfeld, notamment, à la fois pour Fendi et Chanel. Puis il y eut Marni, Asprey, Wedgwood en passant par Alessi et Muriel Brandolini. Sans parler de ses activités de consultante renommée, de curatrice de musées majeurs, comme le musée Gucci à Florence aux côtés de François Pinault. Son dernier coup d’éclat, ce fut chez Tiffany & Co., en tant que Design Director. On lui doit notamment la superbe collection T qui a fait entrer le joaillier new-yorkais dans le XXIe siècle. Comme Lagerfeld justement, Francesca semble insatiable. Comme Lagerfeld, elle réfute aussi le statut d’artiste pour préférer celui de designer. “Par exemple, quand Armani m’a demandé si je voulais faire des lunettes, j’ai dit oui bien sûr, pourquoi je ne le ferais pas ? Et pourtant, je ne savais absolument pas comment se font les lunettes. Mais parfois, ne pas

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savoir, c’est mieux. Vous suivez votre instinct et vous faites des choses que les autres ne font pas. Ceux qui en savent trop n’arrivent plus à être créatifs. Il faut avoir confiance en soi. Moi, j’y vais avec mes tripes et mon instinct. Je ne dis pas que je n’ai pas de doutes, mais j’ai, malgré tout, cette confiance qui me permet d’aimer les travaux que je réalise. Je suis capable de dire : ce que j’ai fait est bien, c’est abouti, je peux passer à autre chose.” Rythme, cadence, musique Les baffles – quasiment des enceintes de concert – autour desquels se développent les propositions créatives inédites de Francesca ont une signification évidente. Cette nouvelle collection s’appelle LV Volt. Elle s’articule autour du L et du V majuscule. V comme vibration, L comme Lumière peut-être. Ou comme Voyage et Légende ? Tout semble


FOCUS

“Tout part d’une émotion, d’une intuition. Je pense que dans la société actuelle, il est indispensable d’être touché, de ressentir les choses. Sinon, elles se perdent. L’aspect émotionnel est très important à mes yeux. Ici, je voulais avant tout créer une collection au caractère affirmé, des bijoux puissants et impertinents.” Francesca Amfitheatrof

possible. Ce qui est certain, c’est que la collection, en questionnant le sens de l’initiale, met en relief la genèse de la création originelle, la nature fondamentale de la forme et la racine profonde de l’impression. “Tout part d’une émotion, d’une intuition. Je pense que dans la société actuelle, il est indispensable d’être touché, de ressentir les choses. Sinon, elles se perdent. L’aspect émotionnel est très important à mes yeux. Ici, je voulais avant tout créer une collection au caractère affirmé, des bijoux puissants et impertinents.” Les arêtes franches du L et du V s’enchevêtrent sur des bagues, des boucles d’oreilles, des bracelets, des boutons de manchette ou des pendentifs qui s’articulent en quatre chapitres différents. Ces arêtes composent des figures prismatiques, s’affirment en structures tubulaires, se transforment en maillons de chaîne d’une grande diversité de reliefs, de

volumes et de dimensions, s’écoulent en broderie pour fournir la trame précieuse et souple d’un bandana. “Le bandana est une véritable prouesse artisanale. Il a été entièrement réalisé à la main selon un procédé exclusif. Chaque élément, chaque maillon a été assemblé un à un puis habilement dissimulé. Le résultat est d’une telle délicatesse que le bijou procure une exceptionnelle sensation de fluidité. Nous avons d’abord songé à employer des techniques modernes, mais nous n’avons finalement eu d’autre choix que de recourir aux méthodes artisanales pour atteindre cette maîtrise d’exécution.” Parfois les lignes s’émancipent de l’abstraction et s’incarnent en griffes prêtes à multiplier leurs diagonales incisives sur le doigt. Parfois, elles se rejoignent pour former des coins aigus qui reproduisent le graphe d’une fréquence : comme une évocation matérielle, forgée dans l’or et le

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diamant, du tempo et de la pulsation. Cette allégorie de l’impulsion constitue précisément la grande force de cette collection : “Pour LV Volt, je me suis inspirée de l’idée du rythme, de la cadence, de la musique. J’ai beaucoup pensé à Brancusi en la créant. Lorsque je pense à Vuitton, j’imagine toujours des hommes et des femmes parcourant le monde avec énergie, évoluant d’un pas décidé. Infatigables, impertinents, déterminés mais exhalant une certaine sensualité.” Incontestablement Vuitton, LV Volt est aussi terriblement Francesca : une métaphore du mouvement, une apologie de l’élan vital. Petite précision qui a son importance, toutes les pièces de cette collection sont unisexes : “C’est un point auquel je tenais beaucoup. Nous ne devrions pas faire de distinctions, mais adopter au contraire une approche totalement inclusive et laisser à tous une totale liberté.”



COVER GIRL

Shira Haas Découverte dans la série Netflix Unorthodox, elle a ébloui le public mondial en interprétant le rôle complexe d’Esther. Interview virtuelle entre New York et Tel Aviv avec une des grandes stars de demain. PHOTOGRAPHIE DUDI HASSON STYLISME NOA RENNERT TEXTE ZACHARY WEISS TRADUCTION GÉRALDINE TROLLE


COVER GIRL

“Je me souviens aller sur mon balcon avec mon café pendant le confinement, regarder dans d’autres maisons et me voir sur les écrans de télévision dans ‘Unorthodox’…” Shira Haas

La minisérie à succès Unorthodox sur Netflix nous a fait pénétrer dans le monde ultra-conservateur de la communauté juive hassidique de Satmar à Williamsburg, Brooklyn. L’actrice israélienne Shira Haas y joue une jeune femme nommée Esther Shapiro qui, déçue par sa foi, choisit de fuir, tout comme sa mère l’avait fait avant elle, à Berlin, en Allemagne. Les premières scènes où Esther s’échappe de Brooklyn relèvent plus d’un thriller d’espionnage que d’un roman d’apprentissage d’une fille filant dans une nouvelle ville. Et, à première vue, ce n’est pas une histoire avec laquelle la plupart d’entre nous pourraient

s’identifier, mais à certains moments de risque incommensurable, de transformation brutale, de découverte de soi inattendue, ou même au moment de l’achat d’un premier jean, vous auriez du mal à ne pas projeter une part de vous-même dans l’incarnation étonnante d’Esther par Shira Haas. L’actrice de 25 ans, avec son petit gabarit et ses yeux en forme de soucoupes, exécute une performance qui superpose ce genre d’émotion nuancée qui ne peut être enseignée, et, avec des dizaines de millions de téléspectateurs happés par la série, le monde a pris note de son immense talent. Au moment où la pandémie

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du COVID-19 a remodelé la vie de tout un chacun, Shira, elle, a vécu de façon très particulière le moment où elle est passée d’actrice vénérée localement – pour son rôle dans la série télévisée israélienne Shtisel – à l’une des stars les plus en vue au monde, quasiment du jour au lendemain. “Je me souviens aller sur mon balcon avec mon café pendant le confinement, regarder dans d’autres maisons et me voir sur les écrans de télévision dans Unorthodox. Je le jure ! et ce n’est pas arrivé qu’une seule fois, quand j’allais suspendre mon linge à sécher ou autre chose… J’avais presque l’impression qu’Esther était ma voisine”, se souvient-elle avec un rire


Double-page d’ouverture

Combinaison, DODO BAR OR. Ballerines, FENDI VINTAGE. Boucles d’oreilles, MICKY MAMON TIMELESS VINTAGE. Bracelet, CHANEL. Page de gauche et ci-contre

Total look, CHANEL.

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Total look, CHANEL.


Robe, DODO BAR OR. Bracelet, CHANEL. Boucles d’oreilles, VOLVER.


Robe, CHANEL.



COVER GIRL

stupéfait lors d’une conversation vidéo depuis son appartement à Tel Aviv. Contrairement à d’autres talents de son âge, sa célébrité, jusqu’à présent, est totalement dépourvue de ses attributs habituels : pas de premières sur tapis rouge, ni de calendrier de voyages époustouflant ou de regards indiscrets de la presse people sur sa vie personnelle. Pour l’heure, Shira reste à la maison, et regarde son étoile se lever alors que le monde s’arrête. “C’est bizarre, parce que quand je sors maintenant je porte un masque, les gens ne voient que mes yeux et ils commencent à regarder de plus près, mais ils n’ont pas le temps pour faire le lien, ajoute-t-elle. Je pense que le fait

de me rendre compte du succès de la série tout en restant à la maison m’a en quelque sorte aidé à gérer tout ça. J’ai pu en profiter simplement au lieu de me laisser déborder.” Finalement, une fois que l’industrie cinématographique et télévisuelle fera son retour triomphant, il ne fait aucun doute que Shira aura des options sur de futurs rôles principaux. Lorsqu’on lui demande avec qui elle aimerait collaborer, sur grand et petit écran, elle est visiblement mise à l’épreuve par le poids des possibilités. “C’est une liste sans fin, s’exclame-t-elle. Une question tellement impossible pour un acteur !” Elle énumère néanmoins des noms de femmes comme Sofia Coppola, Cate

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Blanchett et Meryl Streep, le genre de femmes fortes qui savent que le jeu n’est pas que la lecture d’un scénario. Comme elles, Shira Haas devient le personnage, tout en restant profondément consciente du travail à faire au-delà du rôle. Lorsque les créateurs d’Unorthodox lui ont demandé de se raser la tête pour montrer le moment crucial de transformation dans la vie d’une femme juive orthodoxe mariée quand elle commence à porter une perruque sheitel pour se couvrir la tête, Shira s’est pleinement impliquée dans la scène, mélangeant son sourire de jeune mariée à des larmes étouffées déchirantes à l’instant où passe le rasoir. Au moment de notre conversation, ses cheveux repoussent toujours.


Ci-contre

Maillot de bain, DODO BAR OR. Boucles d’oreilles, VOLVER. Bracelet, CHANEL. Sandales, WE MUST SHOP. Page de gauche

Bracelet, CHANEL.


Imper et pull, DODO BAR OR. Boucles d’oreilles, VANITY VINTAGE. Bottes, vintage.


Total look, CHANEL.


COVER GIRL

“Le jour, je porte principalement des tenues simples, confortables, c’est pourquoi j’aime beaucoup les événements exeptionnels, les soirées où l’on s’habille (…) Pour ce qui est de la mode internationale, j’adore Louis Vuitton, McQueen et Chanel bien sûr.” Shira Haas

Avant le tournage, Shira passe du temps à se connecter avec son personnage. Elle amasse playlists, poèmes, images, analyses psychologiques et autres éléments d’inspiration qui finissent par être collés aux murs de son salon. “Je suis une nerd, j’aime faire des recherches et apprendre”, confie-t-elle. Actuellement, on y voit une capture d’écran de Claire Fisher dans la longue série HBO Six Feet Under s’exclamant “Flash info, d’autres personnes existent !”… Et une image floue de Marilyn Monroe donnant un coup de pied dans un ballon de foot… ou encore une petite coupure de presse où on lit simplement “Darling,

tu es différente.” Dans son décor, on trouve aussi des choses plus frivoles, y compris un portant de vêtements et de robes sélectionnés pour les premières d’Unorthodox, ainsi que d’Asia, un film indépendant réalisé par Ruthy Pribar qui a valu à Shira le prix de la meilleure actrice lors du festival du film de Tribeca, digital cette année. “Le jour, je porte principalement des tenues simples, confortables, c’est pourquoi j’aime beaucoup les événements exeptionnels, les soirées où l’on s’habille”, dit-elle, et bien qu’elle continue de soutenir les designers locaux et les magasins au sein de sa

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communauté de Tel Aviv, tout comme pour sa carrière, sa vision de la mode est devenue drastiquement plus globale. “Pour ce qui est de la mode internationale, j’adore Louis Vuitton, McQueen et Chanel bien sûr, qui sont les marques que j’ai eu l’occasion d’essayer récemment”, raconte-t-elle. En dehors de ses projets gardés secrets pour le moment, il semble que la prochaine fois que le public aura l’occasion de voir Shira sera aux 72e Primetime Emmy Awards où elle prévoit de faire tourner les têtes et d’où elle repartira probablement avec le trophée de la meilleure actrice.


Total look, CHANEL.


MODE

Karolina Kurkova Entre shootings prestigieux et défilés, le top modèle se consacre aussi aujourd’hui à la marque de soins qu’elle a lancée, Gryph & IvyRose.

PHOTOGRAPHIE PAUL EMPSON STYLISME FRAN MARTOS TEXTE FABIA DI DRUSCO TRADUCTION HÉLÈNE GUILLON



“Enfant et adolescente, j’ai passé beaucoup de temps à la campagne avec mes grands-parents. Ma grand-mère nous soignait toujours en utilisant des remèdes à base de plantes qu’elle préparait elle-même, comme sa mère avant elle.” Karolina Kurkova

Sa première couverture de Vogue americain, photographiée par Steven Meisel, date de 2001. Karolina Kurkova a alors 17 ans et elle a récemment quitté Prague pour s’installer à New York. Jambes kilométriques, peau de velours, cheveux blonds comme les blés, elle est l’une des premières à s’imposer dans la nouvelle vague de modèles d’Europe de l’Est, qui comprend Daria Werbowy, Eva Herzigova et Natalia Vodianova, entre autres. En vingt ans de carrière, elle accumule les campagnes prestigieuses avec les plus grands

photographes, de Bruce Weber à Mario Testino en passant par Steven Klein. Elle plaît aux directeurs artistiques qui comptent, en particulier Grace Coddington, Carine Roitfeld et Franca Sozzani. Elle tente aussi la voie du cinéma, suivant un schéma partagé par quelques top modèles de l’époque, telles Shalom Harlow et Milla Jovovich. Son rayonnement durable dans le monde de la mode s’explique par sa capacité à se positionner sur plusieurs plans, à être à la fois dans les pages de Vogue et sur le défilé

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de Victoria’s Secret, et plus récemment grâce à un contrôle minutieux de son propre story telling grâce aux réseaux sociaux. Aujourd’hui, également entrepreneure, Karolina Kurkova a cofondé Gryph & IvyRose, une marque basée sur une approche préventive du bien-être, suivant la devise : “Grow wild, grow well”, et qui propose des préparations à base de plantes, des probiotiques et des produits pour le bain. D’abord à destination des enfants, la marque s’adresse désormais aussi aux adultes. “Enfant et adolescente,


Double-page d’ouverture

Robe à volants en georgette de soie stretch, MIU MIU. Ci-contre

Minirobe en soie à épaules rembourrées, VERSACE.

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Combinaison ajourée en denim, GUY LAROCHE. Sandales en cuir lacées, ALAIA.


Robe fourreau en jersey stretch, DOLCE & GABBANA.


Minirobe en soie à épaules rembourrées et bottes en cuir à franges, VERSACE.



Minirobe en tulle et dentelle et sandales en cuir lacĂŠes, ALAĂ?A.


Robe fourreau en jersey stretch, DOLCE & GABBANA.


Robe en coton, BOTTEGA VENETA. Escarpins en cuir ajouré, AQUAZZURA.


Robe bustier en jersey rebrodé et tulle, CARMEN MARCH.


“Nos produits sont basés sur la médecine traditionnelle chinoise. Nous essayons de nous développer de la manière la plus authentique et la plus organique possible, nous tenons vraiment à éduquer et à être une source d’inspiration pour les enfants et les adultes en utilisant tous les canaux à disposition.” Karolina Kurkova

j’ai passé beaucoup de temps à la campagne avec mes grands-parents. Ma grand-mère nous soignait toujours en utilisant des remèdes à base de plantes qu’elle préparait elle-même, comme sa mère avant elle. J’ai rencontré mon futur associé, Orion Nevel, lorsque j’ai emmené toute ma famille dans son cabinet d’acupuncture. Mon autre associée, Rachel Finger, était elle aussi une fan de Nevel : mère de jumeaux de 28 semaines seulement, elle avait constaté sur ses enfants les résultats extraordinaires de ses soins. Nos produits sont basés sur la

médecine traditionnelle chinoise. Nous essayons de nous développer de la manière la plus authentique et la plus organique possible, nous tenons vraiment à éduquer et à être une source d’inspiration pour les enfants et les adultes en utilisant tous les canaux à disposition.” Karolina Kurkova vit à Miami avec son mari et ses deux enfants : “C’est fantastique de pouvoir profiter autant du plein air, de faire du vélo, du kayak, du paddle. Et puis Miami est une ville internationale où mes enfants peuvent

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apprendre d’autres langues, rencontrer des enfants de nombreuses nationalités. Notre maison est confortable, élégante, mais avant tout agréable à vivre. Nous avons privilégié les matériaux naturels, le bois et la pierre, joué sur le contraste noir/beige avec quelques touches d’or ou d’or rose, en utilisant des tissus au fini brut, comme le coton, le lin. Ce qu’il y a de plus précieux, ce sont les grands lustres en verre soufflé à la main de Lasvit, une entreprise tchèque située dans une petite ville près de celle où j’ai grandi.”


Robe en viscose côtelé à œillets dorés, ALEXANDER MCQUEEN. Escarpins en cuir ajouré, AQUAZZURA. Coiffure : Leonardo Manetti Maquillage : Mark Edio Assistant photo : James Jalen


MODE

Dominic Fike & Suki Il est l’étoile montante du hip-hop, elle est la nouvelle top musicienne qui fascine la fashion sphère. Tous deux possèdent cette beauté juvénile, à la fois délicate et espiègle. Pas étonnant qu’une histoire de mode entre la Française Suki et l’Américain Dominic Fike fasse autant rêver…

PHOTOGRAPHIE TY HAMPTON STYLISME DEV ALEXANDER TEXTES NOÉMIE LECOQ ET PAULINE BORGOGNO



“Le racisme généralisé et l’abus de pouvoir brutal sont des problèmes enracinés dans ce pays, mais les choses peuvent changer. Ces dernières semaines, nous avons vu une lueur et nous devons agir. […] Je vous enverrai ma musique bientôt, mais nous avons autre chose à faire aujourd’hui. Soutenez-vous les uns les autres.” Dominic Fike

En février, Dominic Fike a annoncé sur Instagram qu’il avait achevé l’enregistrement de son premier album. Grand espoir de l’écurie Columbia, l’Américain est attendu au tournant depuis qu’il a dévoilé, en octobre 2018, son EP inaugural intitulé Don’t Forget About Me, Demos. Ces six morceaux à couper le souffle ont donné la mesure de son talent dès les premières secondes de 3 Nights, tube qui affiche plus de 28 millions de vues sur YouTube à l’heure où l’on écrit ces lignes. Impossible de réduire cet artiste polymorphe sous la seule étiquette hip-hop. Comme beaucoup de musiciens de sa génération, il puise son inspiration dans une vaste palette de styles. Ainsi, on entendait dans son premier EP un phrasé hip-hop, certes, mais une ambiance de surfeur jouant au coin du feu à la Jack Johnson, des riffs de guitare hérités des Red Hot Chili Peppers, des mélodies pop accrocheuses et une voix qui n’hésite pas à chanter plus qu’à rapper. Pas étonnant que le prestigieux magazine

américain The New Yorker ait écrit à son sujet qu’il incarnait “le futur brumeux, sans genre, de la musique populaire”, dans un article d’avril 2019. Son fan-club n’en finit pas de s’élargir, et pas uniquement dans le monde de la musique. En septembre dernier, Dominic a travaillé avec Marc Jacobs pour concevoir un sweat à capuche orné d’un papillon dont les ailes semblent en feu. On a aussi croisé ce chanteur très demandé sur le troisième album de Halsey, en début d’année. Derrière les collaborations de luxe, Dominic n’oublie pas d’où il vient : de Naples, en Floride, élevé par une mère célibataire avec ses deux frères et sa sœur. Pendant son adolescence, il fait partie du collectif Backhouse Music (avec Slyte, Seno, Ike Offline…), avant de se lancer en solo en 2017. À cette période, il compose son premier EP alors qu’il est assigné à résidence pendant de longues semaines suite à une altercation avec un policier. Il choisit de s’exprimer sur cet incident en juin dernier, trois ans après les faits,

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indigné par le meurtre de George Floyd et très engagé dans le mouvement Black Lives Matter. Sur sa page Instagram, il poste alors un texte poignant, expliquant en préambule qu’il avait prévu de dévoiler le premier extrait de son album mais que l’actualité était bien plus importante. Il dresse un constat accablant de ce qu’il a vécu en y apportant une note d’espoir : “Le racisme généralisé et l’abus de pouvoir brutal sont des problèmes enracinés dans ce pays, mais les choses peuvent changer. Ces dernières semaines, nous avons vu une lueur et nous devons agir. […] Je vous enverrai ma musique bientôt, mais nous avons autre chose à faire aujourd’hui. Soutenez-vous les uns les autres.” Le succès en raz de marée Dominic Fike déferlera avant la fin de l’année. EP Don’t Forget About Me, Demos (Columbia), disponible. Premier album à venir Par Noémie Lecoq


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Suki : Robe en laine et soie et mocassins Swift en matière technique. Bijoux : collection B Blossom, trois bagues en or jaune, or blanc, diamants, agate et malachite, et bracelet en or jaune, or blanc et diamants. Créoles en métal doré. LOUIS VUITTON. Dominic : Parka en nylon, col oulé en cachemire, pantalon en coton, bob réversible en coton et minipochette Soft Trunk en toile Monogram. Bijoux :collection B Blossom, bague en or jaune et diamants, et bracelet en or jaune, or blanc et diamants, LOUIS VUITTON. Ci-contre

Veste en laine, T-shirt et pantalon en coton, sneakers LV Trainer en toile Monogram et veau velours, valise Horizon Duffle 55 en maille technique, valise Horizon 55 en toile Monogram, sac Keepall en toile Monogram et cuir, LOUIS VUITTON.

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Dominic : Polo en coton et jersey, pantalon en coton et sneakers LV Trainer en toile Monogram et veau velours. Bijoux : collection B Blossom, bague en or jaune et diamants, LOUIS VUITTON. Suki : Chemise en coton, débardeur en maille rebrodée de sequins, jupe à volants en taffetas, mocassins Academy en cuir Monogram, LOUIS VUITTON.


C’est bercée par les chansons de Stevie Wonder, Ray Charles, Earth, Wind and Fire ou encore Jimi Hendrix que Suki grandit. Son père joue de la guitare, et on chante beaucoup dans sa famille. À 12 ans, elle reçoit sa première guitare, qu’elle ne quittera plus.

Du haut de ses 18 ans, Suki incarne une nouvelle génération guidée par ses passions. Avec ses origines multiculturelles, ses traits fins et son air boudeur, on pourrait la croire sortie d’un manga. Mais la jeune femme est, au contraire, bien ancrée dans la réalité, déterminée à percer dans la musique qui l’anime depuis toujours… C’est bercée par les chansons de Stevie Wonder, Ray Charles, Earth Wind and

Fire ou encore Jimi Hendrix que Suki grandit. Son père joue de la guitare, et on chante beaucoup dans sa famille. À 12 ans, elle reçoit sa première guitare, qu’elle ne quittera plus. En autodidacte, voilà qu’elle compose et interprète ses premiers morceaux à l’abri des regards. Puis à 15 ans elle ose un coup de poker en dévoilant sa musique sur SoundCloud. Contre toute attente, les retombées sont excellentes. Il ne lui

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en faudra pas plus pour se consacrer désormais entièrement à son travail. Avec le temps, son style s’affine, ses créations se professionnalisent, ses émotions se libèrent davantage. Chaque morceau a valeur de catharsis. À travers son univers singulier et hypnotique, on pressent déjà une belle carrière à cette artiste née. Par Pauline Borgogno


Ci-contre : Robe en laine et soie et mocassins Swift en matière technique. Bijoux : collection B Blossom, bagues en or jaune, or blanc, diamants, agate et malachite. Créoles en métal doré. Étui à écouteurs en toile Monogram et métal, LOUIS VUITTON. Page de gauche : Robe en soie et coton et bottes Podium à plateformes en cuir et daim. Bijoux : collier et bracelet Be Mindful en métal, pierre, nacre et soie recyclée ; collection B Blossom, bague en or jaune, or blanc, malachite et diamants, bracelet en or jaune, or blanc et diamants, et boucles d’oreilles en or jaune, or blanc et diamants. Valise Horizon 55 en cuir épi, plaid en laine et cachemire, LOUIS VUITTON. Coiff ure et maquillage : Shideh Kafei Assistant stylisme : Kenzia Bengel


Suki : Robe en soie et coton et bottes Podium à plateformes en cuir et daim. Bijoux : collier et bracelet Be Mindful en métal, pierre, nacre et soie recyclée ; collection B Blossom, bague en or jaune, or blanc, malachite et diamants, bracelet en or jaune, or blanc et diamants, et boucles d’oreilles en or jaune, or blanc et diamants. Valise Horizon 55 en cuir épi, plaid en laine et cachemire, LOUIS VUITTON. Dominic : Veste en laine, T-shirt et pantalon en coton et sneakers LV Trainer en toile Monogram et veau velours. Bijoux : collection B Blossom, bague en or jaune et diamants. Sac Keepall en toile Monogram et cuir et valise Horizon 55 en toile Monogram, LOUIS VUITTON.


Dominic : Polo en coton et jersey et pantalon en coton. Bijoux : collection B Blossom, bague en or jaune et diamants, LOUIS VUITTON. Suki : Chemise en coton, débardeur en maille rebrodée de sequins, jupe à volants en taffetas, mocassins Academy en cuir Monogram, LOUIS VUITTON.


MODE

Lameka Fox PHOTOGRAPHIE ALEXEI HAY STYLISME FABRIZIO FINIZZA



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Blazer en tissu rayé, TAGLIATORE 0205. Débardeur en lurex rayé, MISSONI. Chapeau en paille et tissu, ETRO. Chemise utilisée comme turban, ARTHUR ARBESSER. Cravate en soie, KITON. Ci-dessus

Survêtement en soie imprimée et sac en cuir matelassé à bandoulière, CHANEL. Haut rayé utilisé comme turban, SEMICOUTURE. .

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Robe en tricot patchwork et T-shirt stretch imprimé, STELLA MCCARTNEY. Bonnet et tongs, vintage.


Débardeur en laine mélangée, PRADA. Débardeur en lurex rayé, MISSONI. Cravate en soie portée en turban, KITON.

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Robe en soie imprimĂŠe et ceinture double corde tressĂŠe avec boucle logo, DIOR. Cravate en soie, KITON. Foulards, vintage.


Gilet en coton rayé, PESERICO. Débardeur en lurex rayé, MISSONI. Bermuda en coton imprimé et boxer en coton, R13. Foulards, vintage.

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Combinaison en soie, BALMAIN. Débardeurs en lurex, M MISSONI et MISSONI. Chapeau, SEMICOUTURE. Sac en cuir tressé, BOTTEGA VENETA. Ceinture, DIOR. Cravate en soie portée en manchette, KITON.


Robe en soie, AC9. Débardeur en lurex rayé, MISSONI. Blouse utilisée comme turban, M MISSONI.

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Robe en laine tricotée et sac en cuir à anse chaîne, BOTTEGA VENETA. Débardeur en lurex rayé, MISSONI. Chemise utilisée comme turban, M MISSONI. Lunettes de soleil, BORBONESE.


Cardigan en tissu effiloché multicolore et blouse en organza, ETRO. Débardeur en lurex, MISSONI. Foulard en soie, HERMÈS. Colliers, DIOR. Écharpes, DOLCE & GABBANA.

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Chemise en lurex rayée, chemise en lurex imprimée, débardeur en lurex rayé, longue jupe à pois et sac seau à franges, MISSONI. Chapeau, FLAPPER. Lunettes de soleil, MARC JACOBS. Coiffure : Italo Gregorio Maquillage : Miriam Robstad Assistante stylisme : Lucia Fiore


MODE

Paris Jackson Musicienne, militante, mannequin. Depuis toujours sous les projecteurs à cause du nom qu’elle porte et d’un père qui reste un mythe et un mystère, la jeune Californienne, en première ligne dans la lutte contre le sida avec la Fondation Elizabeth Taylor, lance aussi un appel pour aider l’Australie face aux ravages des incendies. PHOTOGRAPHIE ALAN GELATI STYLISME DEBORAH FERGUSON TEXTE ROBERTO CROCI TRADUCTION HÉLÈNE GUILLON



MODE

“La beauté ne se mesure pas en chiffres, en formes, en tailles, en dimensions ou en couleurs. La vraie beauté devrait être mesurée par le caractère, l’intégrité, les intentions, la mentalité ou par ce qu’on dit, par la façon dont on se comporte, par le cœur. Je suis une personne humaine, pas une poupée, j’ai mes défauts, de l’acné, de la cellulite, des cicatrices. L’idée de perfection est ridicule, car c’est seulement une opinion personnelle.” Paris Jackson

“Musician. Lightworker. Treehugger. Activist. Give peace a chance.” C’est avec ces termes que Paris Jackson, 22 ans, présente son profil sur Instagram. Pour L’Officiel, elle se décrit comme “une personne de cœur, honnête, loyale, motivée, passionnée, dégageant une énergie et des ondes positives. Je suis aussi un peu geek, j’adore Star Wars, Le Seigneur des anneaux, Harry Potter et tous les films de Marvel. J’aimerais qu’on se souvienne de moi pour mon engagement – jusqu’à la mort – en faveur de l’environnement, des animaux et des droits de l’homme et du citoyen. Mais aussi comme de quelqu’un qui s’est battu avec acharnement pour changer le système. Le pouvoir au peuple !” Née à Beverly Hills en Californie, Paris est un esprit libre. Son indépendance, elle l’a conquise après des années

de lutte contre l’intrusion systématique des médias dans sa vie, étant donné son appartenance à l’une des familles les plus influentes de l’histoire de la musique, incarnée en particulier par son père, Michael Jackson. Elle a commencé sa carrière en tant que mannequin, représentée par l’agence IMG Models – la même que Gisele Bündchen, Hailey Baldwin, Gigi et Bella Hadid –, avant d’étendre ses activités à la musique, la télévision et le cinéma. “La musique, c’est comme l’air que je respire, c’est une conscience, c’est être capable de créer quelque chose de plus grand que moi, c’est une façon d’exprimer ce que je suis, d’extérioriser ce que je ressens. Il est difficile de décrire ces sensations avec des mots, mais le premier qui me vient à l’esprit est ‘gratitude’, pour avoir eu la chance de faire partie de ce monde. Je ne sais

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pas comment naissent mes chansons, je sais juste que je ressens le besoin de les faire sortir, et chaque fois que cela arrive, c’est un acte de purification. J’adore écrire des chansons rock, parce que c’est la musique que j’aime, mais je suis tout aussi à même d’écrire de la musique triste, des morceaux acoustiques et folk.” Avec son partenaire, Gabriel Glenn, elle a formé le groupe The Soundflowers. “Avant Gabriel, je n’avais jamais eu une collaboration aussi profonde avec qui que ce soit, nos créations naissent de manière spontanée, elles se développent naturellement. Nous sommes en train de travailler sur notre premier album, nous avons beaucoup de matériel, je pense qu’il pourrait être prêt à l’automne prochain. La rencontre avec Gabriel a été une révélation, grâce à lui j’ai découvert que je suis née


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Combishort rebrodé de sequins, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Boucles d’oreilles, CHOPARD. Collier, bracelet et bagues Serpenti, et bague B.zero1, BULGARI. Ci-contre

Minirobe bustier avec applications de clous, CHRISTOPHER KANE. Boucle d’oreille et bracelet, BULGARI. Bague, CHOPARD. Collant, WEAR COMMANDO. Escarpins, GIUSEPPE ZANOTTI.

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Gilet en laine côtelée et jupe crayon fendue , LOUIS VUITTON. Boucles d’oreilles, bracelets et bagues B.zero1, BULGARI.


Body et jupe en jersey de soie imprimé, foulard en soie, bracelet t ceinture en cuir et sac, VERSACE. Boucles d’oreilles, STEFERE JEWELRY. Bague, MIO HARUTAKA.


Bandeau rebrodé de sequins, boucles d’oreilles, ras de cou en perles et strass, collier de chaîne et perles et ceinture logo, CHANEL.

musicienne, la musique me rend heureuse, elle me fait du bien et donc je n’ai pas d’autre choix que de continuer à jouer et à chanter.” Parmi ses icônes de mode figurent en premières places Stevie Nicks et Janis Joplin. “J’aime ces femmes alpha, qui ont brisé des barrières, non seulement dans la musique, mais aussi dans la mode. Pour moi, ce sont des légendes, et je ne sais pas s’il y en aura d’autres comme elles. J’aime leur style. Quand je m’habille, ma priorité est le confort, c’est pour ça que j’aime la mode des années 70, elle est confortable et stylée en même temps.” Pour Paris, faire partie de l’univers de la mode, est une opportunité pour développer la conscience et l’ouverture. “Il est temps de combattre les stéréotypes créés par les maisons de mode. Dans le monde dans lequel nous vivons, il est pratiquement impossible de se sentir bien dans sa peau, surtout avec le bombardement des médias et des réseaux sociaux. Je ne suis pas la seule

à souffrir de mon image, même si j’ai appris à m’accepter comme je suis. J’aimerais que toutes les filles se sentent belles. La beauté est subjective, il n’y a pas de canon unique. La beauté ne se mesure pas en chiffres, en formes, en tailles, en dimensions ou en couleurs. La vraie beauté devrait être mesurée par le caractère, l’intégrité, les intentions, la mentalité ou par ce qu’on dit, par la façon dont on se comporte, par le cœur. Je suis une personne humaine, pas une poupée, j’ai mes défauts, de l’acné, de la cellulite, des cicatrices. L’idée de perfection est ridicule, car c’est seulement une opinion personnelle.” Avant de devenir mannequin et musicienne, Paris avait pensé à une carrière dans la psychiatrie. “J’ai toujours détesté être sous les projecteurs, mais grâce à la mode, j’ai pensé que je pourrais augmenter la portée de mon action : au lieu d’aider un patient à la fois, je pourrais diffuser mes messages et atteindre des milliers de personnes. Je dois également remercier la



Veste et jupe en coton, MAX MARA. Body, WEAR COMMANDO. Boucles d’oreilles, collier Serpenti, bracelets et bague B.zero1, BULGARI.


Combishort rebrodé de sequins et ceinturé, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Boucles d’oreilles, CHOPARD. Collier, bracelet et bagues Serpenti, et bague B.zero1, BULGARI.


Robe longue en soie rebrodée de perles, BALMAIN. Boucles d’oreilles, collier et bagues, CARTIER. Coiff ure : Peter Savic Maquillage : Francesca Tolot Manucure : Barbara Warner avec le vernis Pirate de Chanel.

Fondation Elizabeth Taylor contre le sida qui m’a proposé de devenir ambassadrice et qui me donne ainsi l’opportunité d’être présente sur le terrain pour aider les personnes malades. Elizabeth était une amie très proche de mon père, c’est ma marraine. Je lui dois beaucoup, c’est elle qui m’a appris à avoir du respect pour les personnes et à aimer les animaux. Ce qui se passe en Australie avec les incendies me brise le cœur, la disparition de millions de créatures sans défense est tragique, et il n’y a pas que les animaux qui souffrent, il y a aussi des gens. Si vous pouvez faire un don, il existe plusieurs organisations vers lesquelles vous pouvez vous tourner, comme le NSW Rural Fire Service, le Country Fire Authority, The Salvation Army Australia, Wires Australian Wildlife Rescue Organisation et WWF-Australia, qui ont besoin de notre aide. L’important est de diffuser le message, à partir de là

nous pouvons commencer à agir.” L’avenir proche, pour Paris, c’est aussi un rôle dans le film The Space Between, de Rachel Winter, la productrice de Dallas Buyers Club. “C’est un film sur la scène rock des années 90 à Los Angeles. Une grande partie de mon inspiration pour changer le monde vient de références cinématographiques et des Beatles. La première chanson qui a changé ma vie et que je n’oublierai jamais est In my Life, elle a même été jouée au Mémorial Park de Kurt Cobain. Dans ma top-liste de toujours, j’ajoute aussi Fleetwood Mac, Eagles, Future Islands et Manchester Orchestra. Ma génération est fatiguée de subir et exige du changement et de l’honnêteté de la part du gouvernement. Nous sommes fatigués des mensonges et des attentes en politique. Les racistes, les homophobes, les sexistes vont perdre face à la force et à la détermination des personnes ouvertes d’esprit.”



COVER GIRL

Keyah Blu Après avoir fait ses preuves sur la scène alternative de Londres et sur Soundcloud, la rappeuse sort son premier EP, Sorry, I Forgot You Were Coming. Une œuvre hybride et introspective, bande-son intimiste d’un monde en réinvention.

PHOTOGRAPHIE MAXWELL GRANGER STYLISME BRYDIE PERKINS TEXTE ELSA FERREIRA



Double-page d’ouverture

Top en coton mélangé, EMPORIO ARMANI. Bijoux, perso. Ci-dessus

Longue veste en coton moiré, top en coton, pantalon en satin et tennis en canvas, EMPORIO ARMANI.

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COVER GIRL

“Je crois que tout ce qui arrive a une raison. C’est une époque intéressante. Nous sommes amenés à vivre un moment collectivement, en tant que population mondiale. Nous devons nous arrêter et respirer. Au-delà de la panique globale, c’est un temps beau et important. C’est plus profond que le virus, que des affaires de papier toilette ou d’achats de panique.” Keyah Blu

À l’autre bout du fil, la connexion est difficile. Mesure de confinement oblige, l’interview en face à face se tient désormais à bout de téléphone. “Sortir son EP au milieu d’une pandémie mondiale, c’est compliqué”, admet Keyah Blu. L’artiste londonienne, à l’âge tenu secret, vient de sortir son premier EP, Sorry, I Forgot you Were Coming, six titres introspectifs à l’atmosphère lo-fi et aux rythmes intriqués. Keyah pose ses mots sur son rap hybride et susurré. Tout ou presque a été enregistré dans sa chambre. Elle et son micro, pour un son intimiste et assez sombre. “Je ne suis même pas en colère contre cette quarantaine, c’est la vibe, c’est très bedroom”, dit-elle. D’ailleurs, puisqu’il faut voir le bon côté des choses, les gens auront tout le loisir de se perdre dans les méandres du streaming. Reste que ce jour même, Keyah aurait dû être à Austin, Texas, sur la scène de SXSW pour défendre sa première création. “Bien sûr, je suis déçue.

À cette étape de ma carrière, je compte sur ces performances pour m’élever et progresser.” Comme beaucoup de ses pairs artistes – et bien d’autres autres professions – Keyah doit désormais repenser son art pour “amener sa scène à Internet”. “Il est encore très tôt. Nous ne savons pas encore comment tout cela va fonctionner. Pour l’instant, je cherche à maintenir des rentrées d’argent.” La jeune artiste prend la situation avec philosophie. “Je crois que tout ce qui arrive a une raison, répète-t-elle. C’est une époque intéressante. Nous sommes amenés à vivre un moment collectivement, en tant que population mondiale. Nous devons nous arrêter et respirer. Au-delà de la panique globale, c’est un temps beau et important. C’est plus profond que le virus, que des affaires de papier toilette ou d’achats de panique.” Pendant des années, Keyah a sorti des morceaux solitaires sur Soundcloud, dont le très beau Paper Trip v1 où l’on

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découvre la douceur de sa voix, ou l’excellent Choker, sorti en 2019 et assorti d’un clip où l’on entrevoit l’étrange univers de la rappeuse. En 2020, l’artiste se lance avec œuvre construite. “Je n’ai pas commencé avec l’intention de faire un EP, raconte-t-elle. J’étais à New York et ma vie amoureuse était un bazar – elle avait été un bazar depuis un moment. J’avais besoin d’une distraction et j’ai décidé de faire quelque chose autour des amants que j’ai eus et perdus.” C’était aussi pour elle l’occasion de trouver son son. “Quand j’ai fini ce projet, j’avais dix morceaux. Nous sommes descendus à six pour avoir le temps de tous les finir pour SXSW…”, rigole-t-elle l’air résigné. Elle ne sait toujours pas à quoi ressemble le son de Keyah Blu – “je suis toujours en exploration” – mais c’est pour elle une étape importance de son évolution. “Raconter une histoire, mon histoire, est quelque chose que j’ai toujours voulu faire, mais je manquais de confiance.”


Robe rebordée de sequins, sac en coton mélangé et tennis montantes en canvas et lurex, EMPORIO ARMANI.

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Robe rebrodée de sequins, EMPORIO ARMANI.

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Ci-dessus

Top drapé en coton, pantalon en coton mélangé, ceinture en métal et acétate, EMPORIO ARMANI. Brassière, perso. Page de droite

Veste en cuir de veau gaufré et tennis cuissardes en canvas et lurex, EMPORIO ARMANI. Short en lycra, perso. Assistant photo : Benjamin Bill. Coiffure : Liam Russell. Maquillage : Grace Sinnott.

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Keyah compose et produit ses morceaux mais a tout de même reçu les coups de pouces de quelques collaborateurs. Denzel Himself, rappeur bien connu de la scène alternative londonienne, qui se trouve être son frère. Ensemble, ils sont passés dans la désormais incontournable chaîne Youtube Colors. Annoncée en featuring, Keyah, habillée d’une jupette et de bottes de pluie, manie avec justesse sa douceur rebelle et vole la vedette à son frangin. Joy Orbison également, producteur électronique du sud de Londres, installé dans la scène underground internationale depuis

une décennie. “Il m’a aidé à élever ce que j’avais déjà fait”, explique Keyah. Il lui donne surtout la confiance nécessaire de croire en ses beats et ses productions. “Je ne me considère pas comme une productrice, confie celle qui auto-produit pourtant ses sons depuis ses débuts. Je l’ai donc appelé pour qu’il m’aide à rendre tout ça plus abouti.” Joy Orbison lui prête des synthés, “des instruments incroyables, tout de suite ça prenait du sens”. On trouve enfin un featuring avec Lord Apex, jeune rappeur de la scène londonienne underground ultra-active et

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resserrée. “Faire partie de cette scène est génial. Tout le monde se connaît.” N’y a-t-il pas de compétition entre ces artistes ? “Je ne ressens pas de compétition. Je me sens bénie, honorée de faire partie d’une scène aussi incroyable. Il n’y a pas de malice, de mauvais esprit.” En cette année décidément bien particulière, Keyah s’offre ainsi un peu plus au monde, sans attente ou a priori. “Je suis entièrement ouverte à tous les chemins que ce voyage peut offrir.” À l’heure où le monde se réinvente, un lâcher prise bienvenu.


Photo Kim Steele, courtesy of Cooper Hewitt Museum

Willi Smith, vers 1981.


HISTOIRE DE LA MODE

Prophète

de mode PAR DELPHINE VALLOIRE

Inventeur du streetwear, le designer Willi Smith a, dès 1967, l’intuition d’une mode avant-gardiste qui plairait à tous. Sa mode créative se nourrira pendant vingt ans de collaborations avec d’autres artistes dont Christo, Keith Haring, Nam June Paik, Billy T. Jones ou Spike Lee. Un livre et une exposition, “Street Couture”, rendent aujourd’hui hommage au travail de ce visionnaire, fauché en pleine gloire en 1987.

Dans un grand loft blanc très new-yorkais, le soleil se déverse généreusement dans un décor entièrement de briques blanches : du sol au mur en dégradé, jusqu’aux meubles. Accoudé à un bureau lui aussi fait de briques blanches et de verre dans un assemblage aérien comme à moitié achevé, un homme afro-américain tient à la main un téléphone. À côté de lui un superbe masque sénoufo, un collage multicolore de Christo, une longue statue en fil noir et deux tableaux posés contre un mur. Cela ressemble presque à une performance et, dans un sens, cela en est une. Cette photographie datant de 1982 montre en effet Willi Smith dans le bureau de sa marque Williwear, un lieu conçu par le collectif d’architecture de James Wines, SITE, et qui a concentré en quelques pièces l’essence même de ce créateur atypique : une sophistication lumineuse dissimulée sous une fausse simplicité, la déconstruction/reconstruction des basiques, le charme, la mobilité, l’invention à tout prix, en équilibriste, avec l’art, la joie et son identité comme

boussoles. Ce côté industriel rappelle aussi ses origines, lui qui est né juste après la Deuxième Guerre mondiale dans la classe ouvrière de Philadelphie (son père était monteur de charpentes métalliques). Lecteur avide depuis l’enfance, Willi est encouragé dans sa passion précoce du vêtement et de l’illustration par sa famille, notamment par sa grand-mère Gladys qui, par son employeur, le pistonne pour un stage chez un grand couturier de New York, Arnold Scaasi, dont les robes sophistiquées étaient portées par les premières dames et le gratin de la Cinquième Avenue. Il y découvre… tout ce qu’il ne veut pas faire. Et commence la Parsons School of Design en 1965 après avoir bluffé les professeurs avec son dossier de candidature. Extrêmement cultivé et très doué en mode autant qu’en illustration, il est pourtant viré de l’école deux ans plus tard – selon la rumeur pour avoir affiché trop ouvertement sa liaison avec un autre étudiant. Il explore alors à temps plein cette scène de l’art expérimental downtown qu’il avait pas mal arpentée

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HISTOIRE DE LA MODE

“Mes créations sont si simples… Je veux qu’elles soient interprétées. Je ne suis pas un dictateur de la mode, vous n’êtes pas obligé de me porter de la tête aux pieds. J’aime que les clientes des friperies mélangent mes vêtements avec du vintage de façon créative.” Willi Smith durant son temps libre, et où il rencontre notamment Christo et Jeanne-Claude, des amis avec qui il travaillera ensuite sur de nombreux projets. En 1969, à 21 ans à peine, il devient designer pour la marque très populaire Digits. Trois ans plus tard, il est le plus jeune nominé au prestigieux Coty Award, un prix qui récompense le meilleur créateur américain. Quand la crise financière frappe l’économie mondiale en 74, il quitte Digits et tente de fonder son propre label avec sa sœur cadette Toukie. Toukie Smith a commencé une incroyable carrière de mannequin en 1970, qui la mènera à poser pour Chanel, Versace, Issey Miyake, Norma Kamali ou Thierry Mugler. Dotée d’un tempérament exubérant et passionné, elle est à cette époque la muse et compagne de Jean-Paul Goude, qui fait d’elle de somptueux portraits dans la série French Corrections dont un nu légendaire où elle pose avec une coupe de champagne sur les fesses. Dotés tous deux d’une gentillesse et d’un charisme fou, Toukie et Willi ont tissé un lien très fort, tels des jumeaux, et ce lien passe aussi par la mode. Mais en 1976, Willi Smith retrouve un autre alter ego : la Française Laurie Mallet, spécialiste en tissus et virtuose du marketing, qui avait travaillé avec lui à Digits et avec qui il va fonder WilliWear après une première collaboration à Bombay. Street cool Le premier défilé WilliWear, une collection été avec un thème nautique et asiatique, a lieu en 1978. Smith s’inspire de la mode de la rue, des filles au fresh American style, avec des coupes parfaites, des tissus de qualité, accessibles en prix et faciles à porter du matin au soir. On y trouve des petites robes, des pantalons à pinces taille haute avec ceinture nouée à la taille et des petits hauts à manches courtes. Dans l’introduction du livre qui accompagne l’exposition “Street Couture” au Cooper Hewitt Smithsonian Design Museum, cette citation de Willi Smith montre toute son absence d’ego : “Mes créations sont si simples… Je veux qu’elles soient interprétées. Je ne suis pas un dictateur de la mode, vous n’êtes pas obligé de me porter de la tête aux pieds. J’aime que les clientes des friperies mélangent mes vêtements avec du vintage de façon créative.” L’actrice

et mannequin Veronica Webb se souvient, dans le répertoire de témoignages sur Willi Smith en ligne (*), à quel point elle aimait porter sa panoplie préférée imaginée par Willi : un pantalon baggy, des chaussures Oxford et un petit top décolleté sur les épaules. Diane Meier, une de ses collaboratrices, met elle aussi en avant la modernité de Willi : “Si vous regardez votre placard, vous verrez que nous nous habillons tous maintenant comme Willi nous a habillés. Nous recherchons tous ce pantalon doux et facile et le pull oversized confortable, le petit T-shirt et le châle à draper pour plus de style ou de chaleur. Nous recherchons tous des tissus assez doux pour dormir dedans et qu’on peut aussi mettre à un vernissage ou pour prendre l’avion. C’est ce que Willi avait en tête. (…) Lorsqu’Issey Miyake et Comme des Garçons ont été célébrés pour leurs fantastiques origamis enveloppant et leurs formes accommodantes, tout ce que nous pouvions dire, c’est que Willi l’avait fait le premier.” Et en regardant ses collections, on pense évidemment à des looks créés par d’autres aujourd’hui comme Vivienne Westwood, Marc Jacobs ou Yohji Yamamoto, ou au street style célébré en version super-luxe entre autres par Virgil Abloh pour Vuitton ou Off-White. Mais le plus bel hommage vient indirectement d’Alexandra Cunningham Cameron, curatrice en design contemporain au Cooper Hewitt Museum, qui raconte qu’au moment d’assembler les vêtements créés par Willi Smith c’était toujours la même histoire qui se répétait : “Les habits avaient été tellement portés, tellement aimés qu’ils étaient en lambeaux. Usés jusqu’à la corde.” Son succès a été à la mesure de cet amour : la compagnie WilliWear Limited, a atteint en dix ans un chiffre d’affaires annuel de 25 millions de dollars (1986). En 1983, Willi Smith gagne le fameux Coty Award en tant que designer après avoir été nommé cinq fois. Il est devenu un acteur majeur de la mode américaine. L’exposition s’intitule d’ailleurs avec à propos “Street Couture” du nom de cette collection automne-hiver en 1983 où il amêlé mode, art vidéo et musique. C’était sa manière à lui de créer une mode pour tous, en l’entremêlant avec son autre passion, l’art contemporain. Cet esprit très ouvert à la collaboration avec les autres arts d’avantgarde, c’était sa différence, sa force et son succès.

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Photo Peter Gould, courtesy of Fashion Institute of Technology

Collection WilliWear printemps-été 1986 signée Willi Smith.


HISTOIRE DE LA MODE

Noir et gay, il a toujours eu une manière décomplexée d’assumer qui il était, avec humour et élégance. Il a concilié ses identités avec succès et grâce.

Art total Tout d’abord, ses défilés, les plus excitants à New York, ont toujours ressemblé à des performances, depuis le premier présenté à la galerie Holly Solomon à Soho en 1978. En 1980, la collection automne a lieu au Alvin Ailey American Dance Theater, et ce sont les danseurs de la compagnie qui défilent. En 1983, Willi Smith engage le pionnier du video art Nam June Paik pour créer des installations pour la collection été City Islands, avec une musique du compositeur underground Jorge Socarras et des make-up de Linda Mason. Les mannequins sont encouragés à jouer : Linda Mason, sur demande de Willi, leur met une palette de couleurs dans les mains pour qu’elles s’en maquillent en marchant sur le catwalk. Willi Smith imagine aussi une ligne WilliWear Productions qui propose des œuvres d’artistes sur T-shirts produits à grande échelle, avec Keith Haring, Dan Friedman, Dondi, Futura 2000 ou Ed Schlossberg. Soit 40 ans avant l’ère des collabs. Pour Christo et Jeanne-Claude, ses amis, Willi créé une combinaison rose avec casquette et T-shirt assortis pour les artisans du projet Surrounded Islands, en Floride, ainsi que les uniformes pour le projet du Pont Neuf à Paris en 1985. Il crée des costumes pour Secret Pastures, de la compagnie de danse de Bill T. Jones avec des décors de Keith Haring. Expérimenter, vivre… En 1985, il monte son “défilé” le plus audacieux sous la forme d’un film, Expedition. Une expérience dingue pour le milieu de la mode : sa nouvelle collection est portée par des Sénégalais(es), à Dakar, filmés par le réalisateur Max Vadukul, qui leur explique leurs chorégraphies excentriques. Willi Smith, comme beaucoup d’Afro-américains, depuis les années soixante et le panafricanisme révolutionnaire de Malcolm X, a cherché ses racines pour mieux comprendre son histoire. Son voyage au Sénégal est pour lui l’occasion de faire fusionner cette histoire personnelle et sa création, inspirée par les images des photographes Seydou Keïta et Mama Casset qu’il découvre au musée à Dakar. Max Vadukul se souvient dans le Willi Smith Community Archive : “Willi a conçu les tenues en pensant au passé colonial du Sénégal et

a fait des apparitions tout au long du film. Tout cela était très, très ‘couillu’ et assez risqué pour une mode grand public. Je ne peux pas penser à un autre exemple à ce moment-là où une collection serait présentée dans un film de fiction, pas même à Paris. Jean-Paul Gaultier est un designer très avant-gardiste, mais ni lui ni Thierry Mugler ou Azzedine Alaïa n’ont fait ce que Willi a fait. Willi était vraiment très en avance dans son approche du film et de la vidéo. (…) C’était une façon vraiment intelligente d’utiliser un petit budget pour un impact maximum. Vous pouvez emporter le film n’importe où. Il a été montré à New York, Londres. Peut-être Paris ? Je pense qu’il a aussi reçu des prix.” Dans le film, on voit aussi Willi Smith portant pour s’amuser des costumes pastel ou un dashiki rose vif, maquillé avec un turban et des lunettes. Noir et gay, il a toujours eu une manière décomplexée d’assumer qui il était, avec humour et élégance. Il a concilié ses identités avec succès et grâce. Icône de la communauté afro-américaine, adoré par les médias et le monde de la mode pour son esprit et sa créativité, il apparaît dans le New York Times ou le WWD hilare avec son gros bouledogue adoré Rufus. En 1987, il fait même les costumes de prom des filles dans le film de Spike Lee School Daze. Mais même au plus haut de son succès, Willi Smith s’émerveille toujours en voyant une de ses jupes portée dans la rue. Selon ses amis, Willi avait un charisme irréel, une énergie dingue, un sourire désarmant et un amour fou de la vie, de la danse, des arts et des fêtes, l’été avec sa bande à Fire Islands. Il meurt le 17 avril 1987 à l’âge de 39 ans des complications du sida. L’écrivain et poète Tom Healy témoigne avec émotion de la brutalité de cette disparition en pleine gloire : “Le rire de Willi Smith, son style sexy et classique, sa beauté féline, son amour des fleurs, sa capacité à appeler un chat un chat, ses étonnements joyeux, son regard : tous sont morts au printemps.” (*) “Willi Smith: Street Couture” en trois projets : Exposition au Cooper Hewitt Museum à New York jusqu’au 25 octobre 2020 grâce notamment au mécénat de Gucci. Catalogue copublié par Cooper Hewitt et Rizzoli Electa. Et sur le digital, Willi Smith Community Archive qui recueille témoignages et images de ses proches, amis et collaborateurs.

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Photo Anthony Barboza, courtesy Cooper Hewitt Museum

Willi Smith et sa sœur Toukie en 1978.


La collection 2020 Moncler Genius x Richard Quinn.


COLLAB

Quinn of the year

PAR LAURE AMBROISE

Photo DR

Lors de la dernière fashion week milanaise, la troisième édition de Moncler Genius nous a dévoilé les collections issues des collaborations avec les designers les plus influents du moment, tel Richard Quinn connu pour ses créations spectaculaires. Rencontre.

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COLLAB

“J’ai voulu créer des formes légères, belles, audacieuses et désirables sur des tissus intéressants.” Richard Quinn L’Officiel. Diplômé de Central Saint Martins, vous avez très rapidement accumulé les prix (H&M Design Award, NewGen du British Fashion Council, Queen Elizabeth II Award, remis par la reine en personne, British Emerging Talent Womenswear). Devenir fashion designer a-t-il toujours été une évidence pour vous ? Richard Quinn : Je suis né et j’ai grandi à Londres, à Eltham, dans le sud-est de la ville. Dès mon enfance j’ai été intéressé par la création. J’étais le plus heureux du monde quand je recevais un kit de loisirs créatifs. J’ai toujours peint, travaillé la pâte à modeler, réalisé des maquettes en Lego. Plus tard j’ai étudié les beaux-arts pendant six ans jusqu’à obtenir une place à la Central Saint Martins School, où j’ai naturellement progressé en matière de mode. Les imprimés et les textiles n’ont jamais cessé de m’inspirer. C’est pourquoi j’ai suivi les cursus qui leur sont consacrés. La plupart des projets que j’ai développés pendant mes études sont en totale adéquation avec ce que je réalise aujourd’hui. Quels sont vos mentors dans la mode ? Mes professeurs Natalie Gibson, Fleet Bigwood, Elisa Polamino et Fabio Piras de Central Saint Martins, qui m’ont enseigné ce que je sais aujourd’hui et qui m’ont encouragé tout au long de mes études. Ils m’ont vraiment permis de développer mon style et m’ont poussé à avoir la confiance nécessaire pour le montrer sans retenue, et je leur en suis infiniment reconnaissant. Votre univers semble tout droit sorti d’un film de Tim Burton, est-ce juste une impression ou êtes-vous un grand fan du réalisateur ? J’ai toujours été attiré par les films de Tim Burton et par le travail du photographe Tim Walker. Cette idée de montrer un monde fantastique ou une image fascinante m’inspire. Les vêtements que je crée doivent avoir ce même genre de signature flamboyante et être instantanément reconnaissables. Quel est le socle de votre moodboard créatif ? J’adore les salons parisiens des années 1950 et 1960. C’était une époque vraiment révolutionnaire où les volumes étaient expérimentaux, à l’opposé de ceux, beaucoup plus fins et étroits, qui ornaient les maisons pendant la guerre. Quel est l’ADN de votre marque éponyme fondée en 2016 ? Une vision sans peur, avec beauté et mordant.

J’ai lu que la mode est un moyen de vous évader. Avec cette collaboration Moncler Genius, où vous êtes-vous échappé ? Dans les années 60, cette époque du passé aux accents futuristes. J’ai voulu créer des formes légères, belles, audacieuses et désirables sur des tissus intéressants. Moncler est connue pour son célèbre duvet. Cela a-t-il été un défi de le revisiter ? Cette marque possède une histoire très riche et ça a été génial de pouvoir utiliser les moyens techniques à disposition pour travailler ce matériau iconique. Nous avons notamment travaillé le collage du duvet pour créer des vestes matelassées imprimées. Avez-vous un souvenir d’enfance ou d’adolescence avec Moncler ? J’ai toujours vu des vestes Moncler dans les vitrines des magasins. Ça a toujours été très inspirant. Que pensez-vous des autres collections Moncler Genius ? Voir autant de talents travailler pour un même projet, c’est vraiment quelque chose d’innovant. J’ai aimé toutes les collections. Et cette façon de présenter chacune de nos collaborations a permis au spectateur de rentrer dans nos univers. J’ai adoré ! Parlez-nous de la scénographie de votre défilé Richard Quinn x Moncler Genius à Milan, ambiance Odyssée de l’espace de Kubrick… L’idée du futurisme a été résumée dans ce film. La mise en scène dans un décor d’un blanc pur a réellement permis aux vêtements d’éclater tout en ajoutant un côté sombre que j’ai adoré. Qu’est-ce qui fait de Moncler Genius un projet si particulier ? Le moteur du projet est la créativité, ce qui est rare. Les équipes sont incroyables et très généreuses dans leur expertise et leurs compétences. En tant qu’équipe, nous aimons travailler avec Moncler, c’est notre famille italienne. Cette collaboration permet d’emprunter différentes voies, de les exposer dans une mise en scène innovante. Le coronavirus et le confinement qui s’en est suivi vous ont-ils amèné à penser votre travail autrement ? C’est agréable de s’arrêter et de réfléchir par moments. Cela permet de revoir nos priorités dans tous les aspects de notre vie, ce qui est toujours une bonne chose. J’espère voir la créativité et la lumière surgir de l’obscurité.

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Photo DR

Le crĂŠateur Richard Quinn.


Photo Raffaele Cariou / PIAS, DR

James Righton dans son costume de scène blanc signé Gucci.


RENCONTRE

Le crooner et ses doubles Fortuitement, le dandy anglais James Righton a sorti son dernier album en plein pendant la quarantaine. Très personnel et sophistiqué, “The Performer” dévoile ses interrogations sur la création et la célébrité, des questions qui le touchent de très près. PAR VIRGINIE BEAULIEU

Sur scène, il est l’homme au costume blanc, un costume impeccablement coupé juste pour lui dans les ateliers Gucci. Il est aussi l’ancien professeur de musique en T-shirt, très nerd, qui aime expérimenter ses limites avec ses instruments. Tout en étant aussi l’ancien leader des Klaxons, groupe prodige du pop rock anglais qui a fait trembler les stades jusqu’en 2015, puis le crooner psychédélique de Shock Machine pour un seul album. Dans le civil, il est aussi le mari d’une star, Keira Knightley, et le père heureux et fatigué de deux petites filles dont l’une n’a même pas un an. Et depuis trois mois, en plus de tous ces alter ego, James Righton en a ajouté un à cette liste : The Performer, son double de lumière qui tient l’audience en haleine avec ses chansons et son piano. Dans un texte accompagnant l’album, il pose ces questions : “Suis-je le showman sur scène ? Ou suis-je le papa qui change les couches ? Est-ce que je vis le présent en en profitant dans la joie ? Ou suis-je vraiment triste ?” Côté lumière, dans son album défilent des ballades oniriques dans la pure veine de la pop anglaise (Lessons in Dreamland), une belle ode groovy dédiée à

sa petite fille (Edie), écrite alors qu’elle n’avait que quelques jours, ou une incantation pop électro à la Tame Impala (Devil Is Loose) inspirée par Le Maître et Marguerite de Boulgakov. Côté ténèbres, dans le psychédélique See The Monster, Righton parle de la montée des extrémistes et du populisme, et dans Heavy Heart, il pleure la séparation de son pays d’avec l’Europe : “With a heavy heart I let you go / From an island that I used to know / Tell me / Are there any miracles still left for us ?” Pour résoudre le mystère de ses personnalités multiples, le meilleur moyen était de le rencontrer. Tout d’abord “live” dans le salon tendu de velours noir d’un hôtel à Paris, puis, postCovid, par e-mail pour faire un point sur les bouleversements qui nous ont tous affectés. Chaleureux, généreux de son temps et de ses idées, James Righton a la parole volubile et on l’imagine bien refaire le monde avec ses amis devant une bonne bouteille de vin. L’actualité l’inquiète, entre Brexit honni et virus global, contrebalancée par la joie de voir grandir ses filles, le tout toujours avec l’esprit anglais chevillé au corps…

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RENCONTRE

L’Officiel. En écoutant The Performer, on pense aux Beatles et à la pop anglaise des 70s, cela ne pourrait pas être plus british ! James Righton : Ce n’était pas prévu. J’ai fait cet album pile au moment du Brexit ; je me sentais vraiment perdu, détaché de ce que mon pays était en train de devenir. Je n’avais jamais été vraiment en colère politiquement avant cela, et là, j’étais tellement en colère ! Depuis deux ou trois ans, j’imaginais qu’on ferait machine arrière mais ce ne sera pas le cas. C’est presque un suicide. Cette idée qu’il faut des murs partout… Quel est ce foutu monde où mes filles vont grandir ? Cette situation m’a projeté dans une vision : je m’imaginais dans une station balnéaire anglaise un peu décatie des années soixante, comme un performer amusant un public, entouré de ruines d’un autre temps, de cette gloire fanée d’un passé tragique dans laquelle l’Angleterre se projette. Quand j’ai composé l’album, j’étais avec ma femme à Berlin où elle tournait, et j’ai été inspiré par le cabaret de la république de Weimar qui me semblait faire écho au présent, un effondrement décadent mêlé d’hédonisme et d’envie d’évasion. On trouve aussi dans l’album l’influence du glam rock et de Brian Ferry… Oui, j’avais aussi Roxy Music en tête. Ma voix a d’ailleurs été enregistrée au Studio One de Brian Ferry sur un micro Neumann qui a servi à enregistrer leurs albums mythiques. Mais avant tout je voulais aller vers l’inconnu. Quand je fais de la musique, ma règle essentielle est de ne pas refaire ce que j’ai déjà fait, faire face à la nouveauté totale. Un des mes héros, David Bowie, passait à un style différent d’album en album. Il s’est réinventé du début à la fin. On ne pouvait jamais deviner ce qu’il allait faire et tous mes musiciens préférés sont comme ça. C’est très anglais cette révolution permanente. Les Américains, eux, aiment faire le même album encore et encore. Pour moi, c’est vital, il vaut mieux entrer en territoire inconnu plutôt que d’essayer de plaire. Comment imaginiez-vous ce Performer sur scène ? Seul sur scène avec un piano, une guitare, un microphone, un magnétophone et un miroir en guise de décor. Pour la tournée, j’aimerais un côté tragi-comique, sur la brèche, avec du danger et une conversation avec le public. Un spectacle où n’importe quoi pourrait arriver d’un moment à l’autre. J’ai vu un show de Steve Martin dans un club à Los Angeles dans les années 80 où, avec son microphone cassé, il se mettait à improviser, interagir avec le public. On le voyait vivre ce show comme une expérience, une mise en danger. La tournée “Conversations” de Nick Cave ou celle de Bruce Springsteen avaient aussi cette intensité brute, ce courage. Mais l’album est sorti en plein milieu de la crise mondiale du Covid-19… L’album est sorti la première semaine du confinement au Royaume-Uni. C’était incroyablement étrange de devoir promouvoir ce disque pendant que la pandémie s’installait.

Mais je suis content que le disque soit tout de même sorti. J’ai reçu beaucoup de beaux messages du public me disant combien l’album comptait précisément à ce moment-là. Je pense que j’avais complètement sous-estimé le pouvoir de la musique. Cela m’a fait prendre conscience de son importance en tant que forme de confort, d’évasion et d’aide. C’était très émouvant. C’est important que les musiciens et que tous les artistes continuent à créer et à sortir des choses pendant ces périodes. Finalement comment avez-vous “performer” pendant le confinement ? Eh bien tout à coup, j’ai eu beaucoup de demandes de concerts en streaming. Il m’a fallu un certain temps pour me familiariser avec le médium. C’est une expérience totalement irréelle. Quelque chose tout droit sorti d’un roman de J.G. Ballard ou de Philip K. Dick. J’ai écrit une chanson sur toute l’expérience qui sera probablement mon prochain album, Live Stream Superstar. Elle raconte l’histoire d’une rock star déconnectée dont l’ego grandit dans les limites de son petit garage et de sa connexion wifi. Pourquoi avoir utilisé votre nom ici et plus celui de Shock Machine ? Parce que c’est mon album le plus personnel, il contient des choses que je voulais dire. Avec Shock Machine, l’univers des Klaxons était encore dans ma tête : essayer de plaire aux gens, d’être dans les playlists. Ensuite, j’ai eu ma première fille et je me suis complètement foutu d’être populaire. À 36 ans, j’ai un peu plus de recul j’imagine qu’à 22 ans et tout ce qui compte pour moi, c’est ma famille, même si la musique est mon univers. Mon grand bonheur, c’est d’aller chercher ma fille à l’école et de traîner avec elle. Et si votre album était un film ? Sans hésiter Bienvenue Mister Chance (1979) de Hal Ashby avec Peter Sellers. Je me souviens du poster du film au mur chez nous quand j’étais enfant, alors que ma famille n’était pas spécialement cinéphile. On y voyait ce jardinier qui vole dans le ciel vers la Maison Blanche, “Life is a state of mind” (“La vie est un état d’esprit”). J’ai toujours eu le syndrome de l’imposteur, comme beaucoup de musiciens, et ce film montre qu’on peut littéralement atterrir à la Maison Blanche avec de la chance et beaucoup d’esbroufe. On fait tous de l’esbroufe ; j’en ai fait toute ma carrière, et j’ai eu de la chance. Parfois je me mets au piano avec la trouille de ne pas y arriver ; The Performer parle aussi de ça. Cela m’a aussi frappé quand j’ai travaillé avec Gucci : soudainement je porte ces costumes fabuleux, je les mets et wouah ! je me sens quelqu’un de différent, de confiant et bizarrement puissant. Vous pouvez devenir qui vous voulez, et les gens vous croiront pour peu que vous ayez de la conviction. Cela ne veut pas dire qu’à l’intérieur vous ne vous sentirez pas un imposteur. Mais il faut littéralement laisser tomber l’idée de contrôle en musique, il faut essayer de créer des choses et les laisser là, au monde.

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Photo Raffaele Cariou / PIAS, DR

James Righton au piano.



RENCONTRE

L’homme parfait

Il est le visage masculin le plus beau du monde selon les règles de la “divine proportion”. Rencontre avec l’ex-vampire de Twilight, l’égérie de Dior Homme et le prochain Batman : Robert Pattinson.

PROPOS RECUEILLIS PAR GIAMPIETRO BAUDO TRADUCTION HÉLÈNE GUILLON PHOTOS MIKAEL JANSSON POUR CHRISTIAN DIOR PARFUMS


Double-page d’ouverture et à droite,

Blouson en cuir, T-shirt en coton, pantalon en denim et boots en cuir, Dior.

Une recherche récente l’a consacré l’homme au visage le plus beau du monde. C’est le chirurgien esthétique Julian De Silva, directeur du Centre for Advanced Facial Cosmetic and Plastic Surgery de Londres, qui lui a décerné ce titre, après avoir travaillé sur la cartographie numérique des visages des stars à partir du nombre d’or, ou “divine proportion”, une unité de mesure utilisée par les Grecs anciens pour calculer la beauté idéale, et considérée pendant des siècles comme la formule secrète de la perfection, au point que Léonard de Vinci l’aurait appliquée pour dessiner le corps de son Homme de Vitruve. Lui, c’est Robert Pattinson, lié au triomphe planétaire de Twilight et occupé à tourner le nouveau Batman, de Matt Reeves, attendu pour l’année prochaine. Il sourit intimidé, conscient du charme qui l’a conduit à devenir le visage du parfum Dior Homme à partir de 2013 et à s’associer à la maison de l’avenue Montaigne pour une campagne publicitaire et un clip vidéo réalisé par le duo The Blaze sur les notes hypnotiques de Leonard Cohen chantant : I’m your man. À part la mode, son cœur de 33 ans est fortement attaché au cinéma.

“Où je me vois dans dix ans ? Encore ici, à donner des interviews et à profiter d’un travail qui, malgré tout, me donne beaucoup et que je continue à aimer follement.” L’Officiel. Quand as-tu décidé de devenir acteur ? Robert Pattinson : En fait… je n’y ai jamais vraiment pensé. Quand j’avais 15 ans, il y avait une fille qui me plaisait, elle faisait partie d’un club de théâtre, je travaillais en coulisses et j’ai réalisé à quel point tout était magique derrière le spectacle. Je n’ai jamais suivi de cours, je faisais juste ce que j’aimais faire : être devant la caméra, dans les coulisses, sortir après le spectacle. Ça s’est fait naturellement. Ce n’était pas le rêve de ma vie, je ne l’ai pas poursuivi de manière insistante, j’ai juste fait ce qui me plaisait et que je faisais bien. Quand tu étais enfant, que voulais-tu faire “quand tu serais grand” ? Quand j’étais ado, je m’imaginais faire quelque chose dans le domaine de la musique : je jouais du piano, et je me produisais avec mon groupe dans un restaurant et je trouvais ça génial. Je dois reconnaitre que j’ai toujours eu des

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expériences positives… Il est probable que dans ma vie précédente, tout était vraiment horrible ! Quand as-tu réalisé que tu étais célèbre ? Et comment as-tu réagi à cela ? En fait, je n’en ai jamais vraiment pris conscience. Donc je ne pense pas que cela m’ait changé. Au moment de Twilight on travaillait avec une telle cadence ! et d’une certaine manière je vivais dans l’isolement. Je n’ai pas eu le temps de m’en rendre compte, même quand ça a été fini. Quant à Harry Potter, je me souviens qu’après la première, le lendemain, j’étais surexcité, et le jour d’après… c'était comme si rien ne s’était passé. Selon une recherche récente, tu as été nommé l’homme le plus beau du monde… Cela me flatte, mais me fait aussi beaucoup sourire. Quand j’y pense, il y a des milliers de choses que je n’aime pas chez moi. Ceci dit, je me rends compte qu’en vieillissant, j’accorde moins d’importance à l’apparence physique qu’il y a quelques années. Je pense que c’est une bonne chose de trouver des parties de soi que l’on n’aime pas, pour pouvoir les améliorer.


Quel est ton premier souvenir de mode ? Tu as raconté que tu étais un collectionneur de sneakers… Je me souviens que lorsque j’avais environ 14 ans, aucun de mes amis ne pensait vraiment aux vêtements. Mais moi j’ai mis de l’argent de côté pour m’acheter une veste rouge qui me plaisait, je me suis dit “il me la faut”, je crois que c’était d’un designer japonais. Je me sentais tellement à la mode !, ça ne m’était jamais arrivé. Avant cela, je n’avais jamais pensé à la mode, cet achat a été le passage, le moment où j’en ai pris conscience. J’ai eu plusieurs phases dans ma vie. J’achetais beaucoup sur e-bay et peu à peu je me suis passionné pour les sneakers. J’achetais toujours le même modèle, je me concentrais sur des détails et toutes les différences possibles… J’avais absolument toutes les versions d’un même modèle ! Comment définirais-tu ton style ? C’est étrange parce que je passe beaucoup de temps à le cacher, d’une certaine manière, je ne pense pas que ce soit vraiment un style. Je ne saurais pas le définir précisément, c’est sûr que

je suis très attiré par les vêtements excentriques. Mais en même temps, dans la vie de tous les jours, je porte des vêtements normaux sans avoir une esthétique précise. Comment fais-tu pour poursuivre à la fois ta carrière dans le monde de la mode et dans celui du cinéma ? Ce qui m’a attiré dans le cinéma, surtout ces dernières années, c’est l’atmosphère d’obscurité… J’aime le contraste avec le travail que j’ai fait pour Dior, qui est attirant dans un sens plus conventionnel. La nouvelle campagne du parfum Dior Homme s’adresse à un homme fort. Que signifie “fort” pour toi ? Je pense que la force est de savoir écouter au lieu de dire tout ce que l’on croit devoir dire. Très souvent, les gens veulent à tout prix prouver qu’ils sont parfaits en se mettant au centre de l’attention, au contraire, il faut être patient, et pour l’être, il faut se sentir bien avec soi-même. Être fort, c’est aussi être empathique, ne pas juger. Dans la vidéo de The Blaze on te voit danser, et tu as l’air de beaucoup t’amuser.

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Oui, c’était vraiment amusant. À un moment donné, je faisais quelques pas de danse derrière la caméra et ils ont hurlé “Saute !” et moi, au milieu du bruit, en train de danser, je ne comprenais pas, alors j’ai crié “Qu’est-ce que vous dites ?” et ils ont répondu “Vole !” C’était vraiment fou, mais très excitant. Te considères-tu comme un beauty addict ? As-tu une routine beauté ? Pendant des années, je n’ai rien fait à part me laver le visage. Puis, en vieillissant, j’ai réalisé que je devais prendre soin de ma peau ! Une chose que j’aime bien faire, c’est appliquer un masque en tissu, comme ceux que les gens mettent dans les avions pour se détendre. Qui a été ton maitre en cinéma ? Y a-t-il un rôle que tu rêves de jouer ? Pour moi Marlon Brando a toujours été une icône, je ne pense pas que quiconque puisse l’égaler. À propos de mon rôle de rêve… Je dois dire que chaque personnage que j’ai interprété me semblait tellement bizarre au début, mais j’ai été heureux de donner vie à chacun d’entre eux. Et cela m’a fait devenir ce que je suis.



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So French Pour les vacances, cette année plus que jamais la France est à l’honneur. Parmi les mille merveilles naturelles et culturelles que recèle notre pays bien-aimé, la Côte d’Azur se distingue par ses paysages à couper le souffle et ses adresses d’exception. Alors cap sur les golfes clairs, le sable chaud et la garrigue odorante pour une belle parenthèse de farniente et pour (re)découvrir les plaisirs d’un Éden bien mérité.

Photo Pierre Cherrix, DR

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C’est l’Amour à la plage Apres l’hôtel Amour et l’hôtel Grand Amour à Paris, Thierry Costes, Emmanuel Delavenne et André Saraiva ont choisi Nice pour poursuivre leur divine idylle. Avec en prime une plage d’exception. PAR PAULINE BORGOGNO

À l’image de ses aînés parisiens, l’hôtel Amour Nice se veut un lieu de vie immergé dans la ville. Une parenthèse enchantée résolument design, mettant à l’honneur la scène artistique locale. “Ce n’est pas un hôtel conceptuel, ni un boutique-hôtel, ni un hôtel créé par des stylistes de mode. Il s’agit d’un hôtel d’artiste, conçu pour une communauté créative qui se rassemble. Je voudrais que les gens se sentent chez eux”, confie André Saraiva. Pari réussi.

s’immerger dans une esquisse ou un tableau signé Matisse. Entre le restaurant style bistrot, revisité à la mode provençale, et les chambres à la décoration bohème chic (38 au total) allant du bleu azur au rose bonbon, on se laisse séduire. Singularité du lieu, pour favoriser une immersion totale les trois amis à l’origine du projet ont choisi de proscrire téléphone et télévision de leur établissement. Enfin les vacances !

Vivre dans un tableau Idéalement situé entre l’avenue des Fleurs et la promenade des Anglais, l’hôtel invite à l’évasion méditerranéenne. “Il y a la mer, le ski et les fondations d’art juste à côté, l’aéroport international et une vie culturelle intense. Et en plus, il fait aussi beau qu’en Grèce toute l’année”, précise André, nous prouvant là qu’une virée en France vaut tous les voyages du monde. Son lieu intimiste fait écho au passé de la Riviera et à ses icônes indissociables. Le tout rehaussé d’habiles touches contemporaines. Entrer dans l’hôtel Amour Nice, c’est

Miss baie des Anges À quelques rues de l’hôtel se trouve la plage privée : L’Amour à la plage. Accueilli par un bleu infini, teinte écume des mers, chaque convive se retrouve face à un spectacle époustouflant : la Méditerranée qui scintille, des meubles collectionnés, des bougainvilliers, un restaurant et des transats sur une plage de galets. Après la baignade, direction la buvette avec une table mettant à l’honneur la gastronomie locale. Dans l’assiette : salade niçoise bien sûr, poivrons marinés, pissaladière, pan bagnat. Après ? On repart nager, on lit, on sirote un cocktail, mais surtout, on prend son temps.

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Photos Przemyslaw Nieciecki, DR


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Solide comme Le palace de la Riviera fête ses 150 ans et rouvre ses portes pour faire place à une nouvelle saison, mais pas seulement…

l’Eden-Roc PAR PHILIPPE COMBRES

Cette année, une nouvelle ère s’écrit pour l’Hôtel du CapEden-Roc. À l’occasion de son 150e anniversaire, le palace célèbre son histoire unique pour mieux tracer son chemin vers un avenir où seront préservées – avec une grande fierté – des valeurs intemporelles d’excellence, que ce soit dans la qualité du service, dans le respect de la beauté des lieux et dans le raffinement.

Caesar Pinnau afin de concevoir et de gérer une rénovation de grande ampleur. Rebaptisé Hôtel du Cap-Eden-Roc en 1987, le domaine, que ses clients et admirateurs de longue date continuent d’appeler affectueusement “Hôtel du Cap”, a su préserver, un siècle et demi durant, les affinités d’Hippolyte de Villemessant avec les artistes et les intellectuels, de même que les codes du luxe privilégiés par ses propriétaires.

Riche passé Hippolyte de Villemessant, journaliste et fondateur du journal Le Figaro, est le premier qui, en 1862, caresse l’idée d’ériger un refuge paisible niché à la pointe du cap d’Antibes. Il imagine alors la construction d’une bâtisse appelée Villa Soleil, véritable havre de paix où artistes et écrivains pourraient se ressourcer, trouver l’inspiration et exercer leur art au cœur d’une Riviera chatoyante. Et lorsque les contraintes financières se présentent face aux idéaux du journaliste, c’est le comte Paul de Fersen, colonel de l’armée impériale russe et aide de camp du tsar résidant à Antibes, qui sauve le projet en créant une association de propriétaires fonciers et d’investisseurs du Cap. En 1964, Rudolf-August et Maja Oetker tombent sous le charme de cette somptueuse propriété, qui se révèle à eux alors qu’ils sillonnent la Méditerranée en voilier. Le couple fait alors appel aux services du professeur d’architecture hambourgeois

Renouveau gastronomique Éric Frechon, chef conseil de l’Hôtel du Cap-Eden-Roc et chef triplement étoilé au Guide Michelin du Bristol Paris, aux côtés d’Arnaud Poette, chef exécutif de l’Hôtel du Cap-Eden- Roc, proposent une version contemporaine de la cuisine méditerranéenne et provençale qu’ils déclinent dans les restaurants de l’hôtel, dans un tout nouveau décor repensé par l’architecte d’intérieur Patricia Anastassiadis, qui signe une ambiance décontractée à l’élégance intemporelle. Un design aux matériaux nobles et raffinés, qui n’efface pas le passé mais le magnifie et lui rend hommage, dans un seul et même écrin face à la Méditerranée : le restaurant Eden-Roc au déjeuner, et le restaurant Louroc au dîner. Ensemble, ils unissent leurs talents pour écrire une nouvelle page de l’histoire du palace légendaire.

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Photo DR


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Luxe, calme et volupté Suivez le guide pour 24 heures de prestige à la Bastide de Gordes, véritable palace provençal au cœur du Luberon.

Cette ancienne demeure seigneuriale du xviiie siècle, surplombant la vallée du Luberon, séduit dès l’arrivée. Car la décoration façon château n’a d’autre équivalent dans les environs. La citadelle en pierres sèches dispose d’une quarantaine de chambres. Un bijou architectural qui évoque la splendeur des demeures des comtes de Provence. Incursion express dans ce joyau de la collection des Airelles. 8 heures On commence la journée en beauté avec un copieux petit déjeuner perché au-dessus des remparts moyen-âgeux, et on savoure un tête-à-tête matinal privilégié avec la vallée. 10 heures Après avoir profité de la terrasse ensoleillée, on renoue avec l’histoire et l’âme de la Bastide. Volumes grandioses, dalles de pierres vénérables, tomettes rouges, boiseries travaillées, antiquités chinées et portraits d’illustres personnages d’autrefois… Une expérience unique où le temps semble s’être arrêté, comme pour mieux savourer la douceur de vivre provençale. 11 heures Sous une chaleur enivrante, on se dirige vers la piscine extérieure, creusée entre ciel et vallée sur l’une des nombreuses terrasses aménagées. Un bassin de 25 mètres donne la furieuse envie de s’immerger dans ses eaux azuréennes. 13 heures Après une balade dans le décor féérique de la demeure, sous les arches, en terrasse ou dans les jardins suspendus, on s’accorde une pause déjeuner à la trattoria La Bastide de Pierres, située à quelques pas de la Bastide, sur la place du village, en face du château de Gordes. L’art de vivre prend ici des airs de dolce vita avec un florilège de spécialités italiennes : pizzas napolitaines authentiques, bruschettas gourmandes, pasta comme à Roma et antipasti. Pour les plus aventureux, le chef imagine chaque jour des suggestions inédites. 15 heures Direction le Spa Sisley pour un voyage sensoriel des plus agréables. Ce somptueux écrin se déploie sur 1 600 mètres

carrés de douceur et d’élégance, et emprunte son architecture cistercienne à l’abbaye de Sénanque. Partout, pierre blonde de Bourgogne, fer forgé, boiseries anciennes et lin blanc léger comme l’air. Un environnement propice à la déconnexion et à l’apaisement do corps et de l’esprit. 17 heures On sillonne les pavés de Gordes, ce village adoré des artistes, dont le peintre Victor Vasarely est tombé sous le charme. On profite de ses paysages baignés d’une lumière irréelle, on marche dans les pas des esthètes du monde entier – de Pompidou à David Bowie –, qui ont fait de Gordes l’épicentre du triangle d’or du Luberon. Puis, on regagne la Bastide. À l’ombre des oliviers centenaires, on s’accorde un apéritif mérité, un cocktail signature ou d’une dégustation de vin orchestrée par le chef sommelier de la maison. 19 heures On profite des derniers rayons au cœur de cette Provence éternelle. Fière et altière, la Bastide regarde l’horizon à l’infini. Au-delà des cyprès majestueux, des murets de pierres sèches et des collines parfumées, la montagne du Luberon se dessine. Un panorama d’exception qui hypnotise le regard. 21 heures Ultime plaisir épicurien à la table du chef Jean-François Piège. Ouvert à l’été 2019, Clover Gordes est une expérience gourmande à part. La carte met la nature à l’honneur, autour du végétal et du feu. Une expérience en parfaite harmonie avec l’environnement de la Bastide, qui sublime les merveilles du terroir provençal par un art des cuissons maîtrisé à la perfection. Ici, le savoir-faire de Jean-François Piège prend une nouvelle dimension avec des recettes généreuses à partager. 7 heures, le lendemain On se réveille à l’aube. À pas de loup, on ose une dernière visite entre les murs de la demeure pour apprécier d’avoir été l’hôte de ce lieu, accueilli tel l’ami privilégié d’un châtelain provençal. On écoute encore un peu les cigales chantantes, on respire à pleins poumons cette nature aromatique incomparable, on regarde encore un œil à cet horizon imprenable… pour un souvenir impérissable.

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PAR PAULINE BORGOGNO



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Château de sable Mythique paillote de la baie de Pampelonne, entre Ramatuelle et Saint-Tropez, la Cabane Bambou se dévoile, plus rayonnante et novatrice que jamais. Avec son concept de plage éco-responsable et son chic inégalable, on succombe à la magie des lieux.

Pour un déjeuner gourmand, une pause détente ou une escapade hors du temps, la Cabane Bambou s’impose comme une évidence. Avec sa vue imprenable sur la dune de Pampelonne et la mer, l’adresse promet une halte enchanteresse entre charme pittoresque et élégance.

de tel qu’un instant bien-être, livré aux mains expertes d’Albane. Massage californien fluide et enveloppant, massage suédois profond et musculaire ou massage des pieds thaï : on se laisse porter par les doigts magiques de la thérapeute, avec option vue sur mer.

Éden sauvage Idéalement située à l’abri des regards, longeant un chemin bordé de bambous, la Cabane Bambou se dévoile tel un écrin de paradis. Le bruissement de la brise vient chatouiller les oreilles, l’air du large caresse les narines, le paysage offre un surprenant camaïeu de bleu et d’or. À l’horizon, terre et ciel ne font qu’un, tandis que le soleil luit tel un diamant dans la Méditerranée. Un panorama à couper le souffle que les propriétaires de l’établissement ont souhaité sublimer grâce à une décoration à l’esprit bohème, telle une invitation à l’évasion la plus totale. Entre tamaris et pieds dans le sable, on se laisse porter par cette plage authentique, confortablement alangui sur un transat ou lové dans un des matelas moelleux.

Espace de vie engagé Soucieuse des enjeux environnementaux, la Cabane Bambou s’est refait une beauté et mise désormais sur un concept d’éco-responsabilité. Pour la saison 2020, l’établissement opère notamment un important tournant vers le biologique, le local et les producteurs en circuit court. Cet engagement passe tout d’abord par le mobilier, imaginé et conçu avec l’aide de l’architecte ramatuellois Anthony Ugo. La paillote abrite une structure en bois démontable, aux formes primitives et organiques, faite de matériaux naturels comme l’argile et la chaux. Puis c’est dans l’assiette que l’initiative se poursuit. La nouvelle carte du restaurant, renouvelée plusieurs fois par mois, élargit son offre, proposant dorénavant des plats végétaliens et développant significativement l’offre végétarienne. Le restaurant met l’accent sur un circuit de distribution au plus près du producteur ; exception faite avec les gambas de Madagascar pour lesquelles la Cabane Bambou, en partenariat avec la Fondation École de Félix (une organisation à but non lucratif dont les missions sont l’accès à l’éducation et à la santé), reverse 2 euros par gambas utilisée. Enfin, David Maddalena, artiste ferronnier tropézien, œuvre par le biais de son art à sensibiliser les vacanciers ainsi que les locaux à la protection des mers et océans et à la lutte contre les déchets plastique. Avec ces actions, l’établissement fait rimer sens et vacances. Ou comment jouir de congés relaxants sans oublier sa conscience écolo.

Escapade sensorielle L’endroit invite à une sérénité certaine. Mais avant tout, il met l’intégralité de nos sens en éveil. La vue d’abord, grâce à un paysage inouï, digne d’une lumineuse représentation signée Paul Signac. Puis l’ouïe, bercée au chant des mouettes et du ressac des vagues. L’odorat, lui, est éveillé par les senteurs de la nature environnante autant que par les parfums qui s’échappent des cuisines du restaurant de la paillote. Des odeurs qui mettent en appétit et prient chaque hôte de s’installer à table, justement baptisée… Les pieds dans le sable, et où l’on savoure des cocktails fruités et des mets pleins d’audace. Enfin, pour parachever son parcours sensoriel, rien

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PAR PAULINE BORGOGNO



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Et aussi… PAR PAULINE BORGOGNO

La Guérite Depuis 1902, La Guérite – une ancienne cabane de pêcheur – accueille une clientèle séduite par un charme, une authenticité et une cuisine locale singuliers. Niché dans la crique rocheuse de l’île Sainte-Marguerite, près de Cannes, ce patrimoine de vie méditerranéen est devenu un des restaurants les plus recherchés de la Côte d’Azur. Après sa pause hivernale, La Guérite a ressorti ses plus beaux atours pour recevoir ses invités dans un espace hautement privilégié où il flotte comme un air de bout du monde. Laissez-vous bercer par le clapotis des vagues, puis offrez-vous un voyage gustatif unique signé par le chef prodige de la gastronomie grecque : Yiannis Kioroglou.

conservé son esprit convivial, accueillant ses hôtes avec une cuisine simple d’inspiration méditerranéenne, évoluant au fil des saisons selon les produits du marché. Le chef Grégory Mélani sait comment réinventer les mythiques beignets de fleurs de courgettes, la daurade à la plancha ou le panaché de légumes frais locaux. L’adresse promet un voyage sensoriel, autant pour les papilles que les pupilles.

Le Plongeoir À l’origine de ce lieu atypique, un rocher planté au milieu des flots, qui devient, à la fin du xixe siècle, le socle d’un majestueux bateau de pêche immobile où l’on pouvait manger. Perché à un peu plus de six mètres au-dessus des eaux, le restaurant devient rapidement un site emblématique de la ville de Nice. En 1941, le bateau de pêche ayant subi des dommages, l’architecte René Livieri offre à ce lieu une nouvelle vie en donnant naissance au Plongeoir. Aujourd’hui, l’établissement a

Hôtel Belles Rives Implanté au cœur du cap d’Antibes, l’établissement pieds dans l’eau accueillit jadis les plus grands noms de la littérature, tels Francis Scott Fitzgerald et son épouse Zelda. C’est entre les murs de ce lieu légendaire que l’écrivain rédigea son chef-d’œuvre Tendre est la nuit, et c’est l’atmosphère particulière de ce bijou architectural qui lui inspirera Gatsby le magnifique. Aujourd’hui, le repaire intimiste raconte les Années folles avec le naturel d’un témoin de l’époque. Dans son style Art déco, le glamour donne rendez-vous au charme et à la sérénité. Un hot spot magique, loin de l’ostentation et des excès de la foule qui fleurissent sur la Riviera. Un lieu incontournable pour tous les amoureux d’histoire et de littérature, en recherche d’un coin secret à l’abri des regards.

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Château La Coste Entre Aix-en-Provence et le parc naturel du Luberon s’étend le domaine du Château La Coste, célèbre vignoble où le vin fait bon ménage avec l’art moderne et contemporain. Le centre culturel et architectural en plein air propose une promenade de deux heures, qui invite à la contemplation de ses jardins, ornés d’une trentaine d’œuvres sculpturales. Un lieu spectaculaire où Louise Bourgeois, Tadao Ando, Alexander Calder, Richard Serra, Jean Prouvé, Renzo Piano, Frank Gehry et Jean Nouvel, entre autres, se côtoient. Pour prolonger votre séjour, vous pouvez vous laisser lenter par une pause gourmande dans l’un des restaurants, opter pour une dégustation de vin, ou encore séjourner dans l’une des 28 villas-suites en pierre brute.

Les Roches Rouges Conçu par le duo d’architectes Festen, l’hôtel Les Roches Rouges est l’ultime coin de paradis de la Riviera. Installé à Saint-Raphaël, face aux îles d’Or, ce 5 étoiles à l’élégance 50s célèbre l’azur méditerranéen et l’ocre de l’Esterel. Les suites en rez-de-mer respirent le bien-être et invitent à jouir d’un séjour les pieds dans l’eau. Véritable havre de paix, temple du farniente à la française, il est ouvert sur une vue unique en son genre. Venir aux Roches Rouges, c’est s’éloigner du monde pour goûter pleinement la Provence, ses saveurs, ses odeurs, en passant par de longs bains de soleil. Sans oublier un passage obligé au spa Esthederm pour expérimenter les bienfaits de l’eau de mer. Ici, la nature est partout. Elle enveloppe l’espace et inonde les heures.


Hôtel Belles Rives

Le Plongeoir

Château La Coste

Les Roches Rouges


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Beauté résiliente Bouleversée par un phénomène mondial sans précédent, l’industrie cosmétique fait également son bilan : compagne de notre quotidien pendant les longues semaines de confinement – à grand renfort de masques faciaux et de bains d’huile capillaire –, la beauté prouve aux derniers sceptiques qu’elle n’est pas seulement une composante du soin de soi, mais bien une thérapie et un refuge à part entière. Alors que les Épures olfactives de Cartier nous invitent à nous reconnecter à l’essentielle nature, Loewe nous fait voyager à Ibiza, Louis Vuitton en Californie, tandis que la dernière collection Chanel nous transporte sous le soleil de la French Riviera, le tout sans aucun risque sanitaire. Par Mélanie Mendelewitsch


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Rêve américain Avec son dernier-né California Dream, Louis Vuitton écrit un nouveau chapitre aux Parfums de Cologne, sa saga estivale à succès. Louis Vuitton poursuit son exploration passionnée du voyage sensoriel : après son triptyque solaire de l’été dernier, la marque et son parfumeur maison Jacques Cavallier Belletrud dévoilent California Dream, hommage olfactif au Golden State. Un nouvel opus qui nous transporte tout droit vers la Côte Ouest et ses couchers de soleil grandioses sur fond de palmiers vertigineux. Cocktail floral-fruité mêlant la mandarine à la chaleur musquée de l’ambrette et du benjoin, la fragrance capture l’essence même des ciels flamboyants de Venice Beach, des jeux de lumière créés par le soleil rasant sur les vagues de l’océan Pacifique et des paysages enchanteurs de Joshua Tree qui s’embrasent entre chien et loup. La maison poursuit également sa collaboration privilégiée avec l’artiste Alex Israel, amoureux inconditionnel de la Cité des Anges qui l’a vu naître et où il vit toujours. Passionné par les ciels californiens qu’il peint inlassablement, l’artiste imagine pour l’occasion son “Sky Backdrop” dégradé du bleu au rose qui habille l’étui du parfum et son flacon. Sexy le ciel de Californie, comme dit la chanson. Disponible dans une sélection de magasins Louis Vuitton et sur le site de la marque.

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Par Mélanie Mendelewitsch

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L’été retrouvé

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Concentré de glow, la dernière collection exclusive de Chanel célèbre les paysages ensoleillés de la Côte d’Azur. Après un début d’année anxiogène au possible, la belle saison et ses promesses infinies sont autant de sources d’inspirations pour l’univers de la beauté : en témoigne la nouvelle collection Les Beiges Summer of Glow de la maison Chanel, ode à la French Riviera et à la Méditerranée. Un manifeste radieux qui prône un retour à une beauté solaire et

sans contrainte, avec l’éclat pour seul horizon. On use et abuse du fluide enlumineur, création géniale qui s’utilise aussi bien en base de maquillage qu’en touches lumineuses sur les pommettes ou l’arc de Cupidon ; de la crème belle mine sensorielle et naturelle qui crée l’illusion parfaite d’un hâle lumineux – sans les dégâts des rayons UV ; sans oublier

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le baume à lèvres Belle Mine, corail lumineux tout en transparence gourmande qui réveille toutes les carnations. Collection Les Beiges Summer of Glow de Chanel, disponible en boutiques et points de vente agréés.

Par Mélanie Mendelewitsch


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Parfum d’Éden

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Loewe et Paula’s Ibiza imaginent une fragrance mixte aux notes solaires, hymne olfactif à l’île blanche. Chaque printemps voit naître sa collaboration phare, et, en dépit d’une saison perturbée, le millésime 2020 ne fait pas exception. À défaut de pouvoir voyager, la quatrième collection capsule

créée par Loewe en association avec Paula’s Ibiza (boutique emblématique de l’île) nous offre un aller simple pour la isla blanca. Une ode à la liberté qui règne sur l’île la plus célèbre de l’archipel baléarique, chère au cœur de Jonathan Anderson, terre d’accueil des hippies et berceau de la rave culture. Le point d’orgue de cette rencontre au sommet sublimée par l’œil et l’objectif de la talentueuse Gray Sorrenti ? Un parfum unisexe déjà culte, concentré d’évasion

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où la fraîcheur solaire de l’eau de coco rencontre la sensualité de l’ambre gris. Clin d’œil aux mythes et légendes que se transmettent les fidèles d’Ibiza de génération en génération, son packaging bleu tendre se pare de sirènes, tandis que son flacon aux couleurs exotiques évoque les couleurs d’un été sans fin. Eau de toilette Paula’s Ibiza, Loewe, en édition limitée. Par Mélanie Mendelewitsch


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Irresistible Fran Summers Silhouette gracile, grands yeux bleus, la jeune mannequin britannique d’à peine 20 ans s’est vite imposée dans les défilés avec son style naturel empreint de spontanéité. Elle est également la nouvelle égérie Givenchy pour le parfum Irresistible. Interview sur canapé.

L’Officiel. Avez-vous des souvenirs de parfums ? Fran Summers : Oui, les parfums de ma mère et de ma sœur que je sentais quand j’étais enfant. Cela m’évoque le souvenir de temps heureux en famille. Que vous inspire Irresistible Givenchy ? J’aime le contraste entre la rose et le bois blond. C’est un beau mariage entre la légèreté et la profondeur. Une odeur préférée ? Celle des pancakes au sirop d’érable que ma mère préparait pour le petit déjeuner. Vous cuisinez ? J’essaye, pas trop la pâtisserie mais je prépare des currys, des chilly beans et des hot pots où je mets beaucoup de choses à cuire pendant des heures. Quelle relation avez-vous avec la mode ? Je l’ai toujours aimée. Adolescente, je parcourais les magazines. J’aime l’idée de traduire la mode en art. J’aime les choses théâtrales, interpréter des rôles. Quelles marques vous inspirent ? Givenchy bien sûr, Clare Waight Keller m’avait choisie et ce fut très particulier de travailler avec elle ; j’ai fait pratiquement tous ses défilés. J’aime aussi Valentino avec ses grandes robes haute couture. Si j’étais princesse d’un jour, Valentino serait parfait. Vous vous habillez comment ? En fait j’aime beaucoup mes jeans, j’aime le confort. On peut être surpris quand on me rencontre pour la première fois !

Pour que je porte une jupe, une robe, il faut que j’aie envie d’être élégante, sinon c’est plutôt un T-shirt Mickey Mouse… Givenchy est une grande maison française avec aussi un passé… Oui, j’ai vu les films avec Audrey Hepburn, c’est une maison qui a quelque chose de fort et c’est amusant aujourd’hui de faire partie de cette histoire. Pour vous, est-ce une marque typiquement française ? Non, pas seulement, Jackie Kennedy portait beaucoup de Givenchy, elle était américaine. Il y a dans la maison un sens de l’élégance qui peut convenir à tous, c’est universel. Dans le film publicitaire vous dansez… Je ne suis pas la meilleure danseuse, mais j’aime beaucoup ça. J’ai un peu appris la danse classique, enfant. Sinon j’aime le voguing. Ville ou campagne ? Ouhhh ! J’aime la ville, je pourrais y vivre en permanence, d’ailleurs j’habite à Londres. Pour un break, la campagne, mais juste un peu pour mes chiens. Et la nature ? Quand je retourne chez moi, dans le Yorshire, je vais voir le lever ou le coucher du soleil. J’aime aussi me retrouver seule au milieu d’un champ, c’est une sensation très agréable. Des tips beauté ? Dormir ! Pendant les défilés, boire de l’eau et dormir, je sais que c’est classique, mais c’est comme ça. Sinon, j’ai un masque pour les lèvres que je pose le soir pour garder les garder hydratées…

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Que faites-vous pendant vos loisirs ? J’aime marcher, faire de l’exercice, de la barre, de la boxe, du yoga… Et faire la cuisine pour mes amis. Un film ? The Favorite, de Yorgos Lanthimos. Olivia Colman et Rachel Weisz y sont magnifiques. Un livre ? The Lonely City d’Olivia Laing, qui raconte la solitude dans un milieu artistique à New York. Une musique ? J’ai une bibliothèque très variée. J’adore Dope Lemon, mais j’aime aussi le classique quand je veux me détendre. Une couleur ? Orange, jaune et rose, des couleurs vibrantes, cela fait écho à mon énergie ! Et l’orange me rappelle le coucher du soleil. Une fleur ? J’aime les tournesols et aussi les roses, j’aime mélanger l’orange et le blanc. Quels sont vos buts dans la vie ? Jouer davantage ! J’aimerais aussi que le monde soit heureux autour de moi. Et si vous pouviez changer le monde ? J’aimerais plus d’amour. Le futur ? J’ai envie d’apprendre la cuisine, des langues étrangères comme l’italien, le français, et j’ai envie de voyager. J’ai beaucoup aimé le Japon, le pays, les gens. Aller à 4 heures du matin faire des courses au 7-Eleven ouvert non-stop, c’était très drôle.

Propos recueillis par Antigone Shilling


Photo Givenchy Parfums


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Shot d’immunité

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Produit à l’action globale, la vitamine C liposomale booste les défenses immunitaires et embellit la peau en un seul geste. Complément alimentaire fétiche des healthistas depuis quelques mois, la vitamine C liposomale a vu sa cote augmenter sensiblement en période de pandémie. Si ses vertus sur le métabolisme sont connues de tous, on a tendance à oublier que le corps absorbe seulement un tiers des actifs contenus dans

les comprimés de vitamine C à croquer ou effervescents classiques. La solution ? La vitamine C liposomale, version optimisée de cet actif indispensable qui joue un rôle majeur dans la synthèse du collagène et des globules rouges. Devenue culte aux États-Unis, la marque Altrient propose une nouvelle forme de vitamine C en sachets individuels, à la texture gélifiée qu’on dilue dans un verre d’eau. Trois fois plus active qu’une vitamine C classique, elle offre des résultats bluffants dès les premières semaines de cure en boostant notre tonus mis à mal par des semaines de confinement.

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Elle vient également au secours des teints ternes et des peaux fatiguées : à raison de trois sachets par jour sur une durée de deux mois, l’élasticité de la peau se voit sensiblement renforcée, tandis que les rides et la cellulite diminuent. Garantie végane, sans OGM, gluten ni sucres ajoutés, elle s’impose déjà comme la meilleure alliée de notre été, et de la rentrée à venir. Vitamine C Liposomale Altrient C de LivOn Labs, disponible sur l’e-shop d’Abundance & Health.

Par Mélanie Mendelewitsch


BE WELL

Après l’effort

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Multifonction, le pistolet Therabody est l’allié idéal de nos sessions d’automassage post-workout.

Dernière toquade en date des fit girls d’Instagram, de la fine fleur des tops et des sportifs de haut niveau, cet appareil au design ergonomique pourrait bien révolutionner nos entraînements à domicile. Testé et adoubé par Goop, la bible wellness de Gwyneth Paltrow, qui ne tarit pas d’éloges à son sujet, ce pistolet de massage high-tech a été pensé par

le Dr Jason Wersland, chiropracteur réputé outre-Atlantique et fondateur de Therabody. Doté de plusieurs embouts de tailles et de formes variables, à alterner selon les zones du corps, l’appareil optimise considérablement le processus de récupération physique. Adieu courbatures et tensions musculaires : grâce à

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sa thérapie par percussion, cet outil de massage nouvelle génération apaise les douleurs post-efforts et booste la circulation sanguine. L’argument qui achève de nous convaincre ? Son action vascularisante aide même à atténuer la peau d’orange. Par Mélanie Mendelewitsch


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Pure nature Magicienne des parfums chez Cartier depuis 2005, Mathilde Laurent a imaginé trois parures olfactives, radiographies de la nature qui nous invitent à nous reconnecter à l’essentiel.

Quand tout semble disparu, perdu définitivement dans l’oubli, la saveur et l’odeur portent encore, sans fléchir, dans leurs gouttelettes impalpables, l’immense édifice du souvenir. Cette recherche de la fragrance perdue, Mathilde Laurent la met en application au quotidien. Même et surtout pendant les périodes d’isolement. À l’heure où nous écrivons ces lignes, mi-juin, la magicienne du parfum chez Cartier n’est toujours pas déconfinée, risque d’anosmie (diminution ou perte complète de l’odorat) oblige. Ce qui ne l’empêche pas d’explorer avec délice les senteurs du quotidien, senteurs qui constituent précisément l’essence de son travail depuis le début de sa carrière chez Guerlain tout d’abord, puis chez Cartier, où elle a développé

l’offre de parfum sur mesure, avant de signer des jus raffinés tels que le masculin Roadster en 2008, Cartier de Lune en 2010, Baiser Volé en 2011, ou encore la collection Haute Couture qui lui a valu d’être saluée unanimement par l’élite de la profession (et récompensée par plusieurs prix prestigieux). “J’aime les odeurs de la vie, beaucoup plus au fond que les odeurs de la parfumerie qui, pour moi, représentent une forme d’abstraction, qui est très intéressante mais qui ne cadre pas avec les bases de ma bibliothèque olfactive de référence.” Une démarche fondamentalement positive. “Pendant le confinement, j’ai encouragé mes collaborateurs à se reconnecter avec les parfums du quotidien, l’odeur de sa maison et des matières qui la constituent, des gens avec qui on vit, comme une manière de rester en prise avec les émotions car l’olfaction a ce pouvoir-là : elle est contemplative, méditative, ancrée dans le moment, elle permet de ne pas anticiper négativement l’avenir. Ce n’est pas seulement une vision du parfumeur, du point de vue neurologique on sait que

l’odorat mobilise des centres cérébraux qui sont très connectés à l’amygdale, structure essentielle à notre capacité de ressentir et de percevoir.” Le parfum : un antidote à la peur ? Plutôt une source d’apaisement, une exaltation de l’instant. Comme matérialisation parfaite de cette philosophie de l’apaisement, la créatrice a conçu trois Épures de parfum qui mettent à l’honneur le muguet (Pur Muguet), le magnolia (Pur Magnolia) et le kinkan (Pur Kinkan). Trois radiographies qui se caractérisent par leur réalisme poussé à l’extrême. Un éloge de la simplicité qui ne recourt pas à la facilité. La créatrice a mis à sa disposition toutes les molécules autorisées par l’innovation la plus poussée. “J’aurais aimé être photographe quand j’étais jeune.” Ce sont effectivement des paysages entiers, des scènes de vie complètes que ressuscitent avec éclat ces trois portraits de la nature vivante. “La nature, on la ressent et on la sent. Le plaisir qu’elle nous procure est pour une large part un plaisir olfactif. Ce qui est troublant, c’est que cette période

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d’isolement a remis en lumière l’importance de l’odorat qui nous distingue de l’intelligence artificielle, qui nous empêche d’être des ordinateurs. J’ai reçu beaucoup de témoignages d’amis qui m’ont indiqué que les Épures leur avaient permis de garder une connexion avec la nature. Cela m’a fait d’autant plus plaisir que lorsque je mets en place une collection, je cherche d’abord à créer quelque chose dont je pressens l’importance future.” Une démarche créative fondée sur la quête de l’essentiel et le culte de l’irraisonnable. “Je dis parfois que j’aimerais créer le parfum de la paix”, s’émeut la créatrice. Un vœu qui ne semble pas aussi ésotérique qu’il en a l’air. Hors de portée de l’intelligence et de la raison, capable de faire ressurgir, par des voies neurologiques spécifiques, des paysages et des émotions qu’on croyait perdus ou inaccessibles, l’odeur à une place immense à jouer dans le bonheur collectif. N’en doutons pas, semble nous suggérer Mathilde Laurent, le parfum lui aussi pourra sauver le monde. Par Hervé Dewintre


Photos DR


ADRESSES

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Missoni missoni.com Miu Miu miumiu.com Moncler moncler.com Omega omegawatches.com Patek Philippe patek.com Peserico peserico.it Piaget piaget.com Prada prada.com Repossi repossi.com R13 r13denim.com Richard Mille richardmille.com Rolex rolex.com Saint Laurent ysl.com Semicouture semicouture.it Stella McCartney stellamccartney.com Tagliatore 0205 tagliatore.com Tiffany & Co. tiffany.fr Van Cleef & Arpels vancleefarples.com Versace versace.com Vhernier vhernier.com Wear Commando wearcommando.com Yoox yoox.com BE WELL & LIFESTYLE Abundance & Health abundanceandhealth.fr Cabane Bambou maisoncabanebambou.com Cartier cartier.com Chanel chanel.com Château La Coste chateau-la-coste.com Givenchy givenchy.com Hôtel Amour hotelamournice.fr Hôtel Belles Rives bellesrives.com/fr Hôtel du Cap-Eden-Roc oetkercollection.com La Bastide de Gordes airelles.com La Guérite cannes.restaurantlaguerite.com Le Plongeoir leplongeoir.com Les Roches Rouges hotellesrochesrouges.com Loewe loewe.com Louis Vuitton louisvuitton.com Therabody therabody.com

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