L'Officiel Hommes Paris Automne-Hiver 2020/2021

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AUTOMNE-HIVER 2020-21

JARED LETO ISSN 1777-9375

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The Power of Freedom





POLARIS MARINER M E M O V O X




SOMMAIRE

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ÉDITO

par Giampietro Baudo

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NEWS

LE BEAU TRAVAIL DU STUDIO M/M (PARIS) LA GALERIE GAGOSIAN MET LE BUSTE DES FEMMES À L’HONNEUR THE PLACE TO BE : L’HÔTEL-RESTAURANT LES DEUX GARES SIGNÉ LUKE EDWARD HALL LA COLLAB GAGNANTE LOUIS VUITTON X NBA LIVRE : “ACROSS THE OCEAN” DE JIANI LIU

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MODE

RAFFERTY LAW auteure Cristina Manfredi, photographe Alan Gelati, styliste Chloe Beeney

34

MODE

TONNERRE DE BREST photographe Lorenzo Marcucci, styliste Giulio Martinelli

44

MODE

MANIFESTO photographe Carlos Teixeira, styliste Pablo Patané

54

PORTFOLIO

CONVERSATION DE STYLE photographes Hector Tre, Fernando Sippel, Iñigo Awewave, Izack Morales, stylistes Francisco Ugarte, Charlie Ward, Javier de Pardo, Mariana Guerrero Dingler

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MUSIQUE

WOODKID, AUX ÂMES SENSIBLES, auteure Cristina Manfredi

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EXPO

NICK CAVE, LE GÉNIE EN PLEINE LUMIÈRE auteur Baptiste PiĂ©gay

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AMBASSADEUR

STAN WAWRINKA, TOUJOURS PLUS HAUT auteure Caroline Baud et Odile Habel

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ADRESSES 6



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OUVERTURE DOSSIER GLOBAL

82

RENCONTRE

JARED LETO, ENTRE ABÎMES ET CIMES par Joshua Glass, photographe Cameron McCool, styliste Karla Welch

90

RENCONTRE

GILBERT & GEORGE ET JW ANDERSON auteure Pamela Golbin

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OUVERTURE POWER OFF

par Joshua Glass

98

MODE

DECODING DRESS photographe Richie Talboy, styliste Daniel Gaines

106

MODE

WHEN IN ROME photographe Filip Koludrovic, styliste Luca Falcioni

114

MODE

BOLD TYPE photographe Ricardo Gomes, styliste Luca Falcioni

122

MODE

LA VIE DE CHÂTEAU photographe GuillaumeMalheiro, stylistes CĂ©line Bourreau & Raphael de Castro

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CINÉMA

LE REGARD SINGULIER DE VIGGO MORTENSEN auteur Baptiste Piégay, photographe Quentin de Briey

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ARCHITECTURE

STUDIO KO, CHERCHEUR D’AURA auteure Nathalie Nort, photographes NoĂ«l Manalili et François Halard

144

RENCONTRE

SAMUEL FASSE ET MICHEL GAUBERT auteur Justin Polera, photographe François Quillacq, styliste Margaux Dague

150

MODEACCESSOIRES

PREUVES À L’APPUI photographe Jennifer Livingstone

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LOOKING BACK

LES ANNÉES 70 VUES PAR L’OFFICIEL auteure Sophie Shaw

Jared Leto en X Karla.

Stan Wawrinka en Montblanc.

Viggo Mortensen en Raf Simons.

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Rafferty Law en Valentino.

Photos Alan Gelati, Montblanc, Quentin de Briey, Cameron McCool

QUATRE COUVERTURES EN OCTOBRE



Direction

L’OFFICIEL HOMMES GLOBAL

L'OFFICIEL HOMMES FRANCE

Consulting Global Chief Creative Officer Stefano Tonchi

Rédacteur en chef magazine Baptiste Piégay

Global Executive Director Giampietro Baudo Global Artistic and Casting Director Jennifer EymĂšre Global Contributing Creative Director Trey Laird Global Editorial Team Laure Ambroise | Mode Delphine Valloire | Magazine Global Casting, Production & Booking Joshua Glasgow Global Digital editorial director Joshua Glass

Global Co-Chairmen and Members of Executive and Administrative Boards Marie-José Susskind-Jalou et Maxime Jalou Global Chief Executive Officer, Director of Executive and Administrative Boards Benjamin EymÚre Global Deputy Chief Executive Officer, Member of Executive and Administrative Boards Maria Cecilia Andretta Global Chief Creative Officer Stefano Tonchi Global Artistic and Casting Director Jennifer EymÚre Global Editorial Committee Giampietro Baudo, Jennifer EymÚre, Stefano Tonchi Executive Assistants Céline Donker Van Heel (c.donkervanheel@jaloumediagroup.com) Giulia Bettinelli (g.bettinelli@lofficielitalia.com)

Rédactrice en chef mode Anne Gaffié

Advertising

Executive editor Giampietro Baudo

Global Chief Revenue Officer Anthony Cenname Chief Revenue Officer France & Switzerland Jean-Philippe Amos Media Director Italian Market Carlotta Tomasoni Global Digital Ad Ops and Media Planning Ilaria Previtali

Rédacteur en chef horlogerie Hervé Dewintre Chef de rubrique photo Pascal Clément

Publicité

Directeur commercial France Jean-Philippe Amos (jp.amos@jaloumediagroup.com) Directrice commerciale L’Officiel Anne Marie Disegni (a.mdisegni@jaloumediagroup.com) Directeurs de publicitĂ© StĂ©phane Moussin (s.moussin@jaloumediagroup.com) Marina de Diesbach (horlogerie) (m.diesbach@jaloumediagroup.com) Traffic manager Adama Tounkara (a.tounkara@jaloumediagroup.com) Directrice commerciale - marchĂ© italien Carlotta Tomasoni (c.tomasoni@jaloumediagroup.com)

Secrétaire générale de la rédaction Françoise Emsalem Secrétaire de rédaction Jeanne Propeck Directeur de la production Joshua Glasgow

Global Head of content projects and fashion initiatives Caroline Grosso

Éditeur dĂ©lĂ©guĂ©

Membre du board exĂ©cutif Emmanuel Rubin (e.rubin@jaloumediagroup.com) Administration et finances Directeur administratif et financier, membre du board administratif Thierry Leroy (t.leroy@jaloumediagroup.com) SecrĂ©taire gĂ©nĂ©ral, membre du board administratif FrĂ©dĂ©ric Lesiourd (f.lesiourd@jaloumediagroup.com) Directrice des ressources humaines Émilia Étienne (e.etienne@jaloumediagroup.com) Responsable comptable et fabrication Éric Bessenian (e.bessenian@jaloumediagroup.com) Diffusion LahcĂšne Mezouar (l.mezouar@jaloumediagroup.com) TrĂ©sorerie Nadia Haouas (n.haouas@jaloumediagroup.com)

Consulting Executive Managing Editor Regan Solmo Global graphic team Giulia Gilebbi, Luca BallirĂČ Global Contributing design director Micheal Riso Global Managing Team Sabrina Abbas, Sara Ali, Jeanne Propeck CONTRIBUTEURS: Photographes Inigo Awewave Quentin de Briey Alan Gelati Ricardo Gomes François Halard Filip Koludrovic Jennifer Livingston Guillaume Malheiro NoĂ«l Manalili Lorenzo Marcucci Cameron McCool Izack Morales François Quillacq Fernando Sippel Richie Talboy Carlos Teixeira Hector Tre

Céline Bourreau & Raphael de Castro Philippe Combres Margaux Dague Luca Falcioni Daniel Gaines Pamela Golbin Mariana Guerrero Dingler Odile Habel Cristina Manfredi Giulio Martinelli Nathalie Nort Pablo Patané Javier de Pardo Justin Polera Nicolette Salmi Sophie Shaw Francisco Ugarte Charlie Ward Karla Welch Simonez Wolf

RĂ©dacteurs et stylistes Caroline Baud Chloe Beeney

Traductrices HĂ©lĂšne Guillon GĂ©raldine Trolle

Abonnements CRM ART – Editions Jalou CS 15245 – 31152 Fenouillet Cedex TĂ©l. : +33(0) 5 61 74 77 73 ou abonnement.editionsjalou@crm-art.fr Vente au numĂ©ro France VIP, Laurent Bouderlique — TĂ©l. : 01 42 36 87 78 International Export Press, Carine Nevejans — TĂ©l. : 33 (0)1 49 28 73 28 International et marketing Director International Licensees and Brand Marketing, Flavia Benda Global Head of Digital Product, Giuseppe de Martino Global Digital Project Manager, Babila Cremascoli Global Media and Marketing Strategist, Louis Du Sartel Global Editorial Content and Archives Giulia Bettinelli Publications des Éditions Jalou L’Officiel de la Mode, Jalouse, La Revue des Montres, L’Officiel Voyage, L’Officiel Fashion Week, L’Officiel Hommes, L’Officiel Art, L’Officiel Chirurgie EsthĂ©tique, L’Officiel Allemagne, L’Officiel Hommes Allemagne, L’Officiel Argentine, L’Officiel Art Belgique, L’Officiel BrĂ©sil, L’Officiel Hommes BrĂ©sil, Jalouse Chine, L’Officiel Chine, L’Officiel Hommes Chine, L’Occiel CorĂ©e, L’Officiel Hommes CorĂ©e, La Revue des Montres CorĂ©e, L’Officiel Inde, L’Officiel IndonĂ©sie, L’Officiel Italie, L’Officiel Hommes Italie, L’Officiel Kazakhstan, L’Officiel Hommes Kazakhstan, L’Officiel Lettonie, L’Officiel Liban, L’Officiel Hommes Liban, L’Officiel Lituanie, L’Officiel Malaisie, L’Officiel Maroc, L’Officiel Hommes Maroc, L’Officiel Mexique, L’Officiel Moyen-Orient, L’Officiel Hommes Moyen-Orient, L’Officiel Pays-Bas, L’Officiel Hommes Pays-Bas, L’Officiel Pologne, L’Officiel Hommes Pologne, L’Officiel Russie, L’Officiel Voyage Russie, L’Officiel Singapour, L’Officiel Hommes Singapour, L’Officiel St Barth, L’Officiel Suisse, L’Officiel Hommes Suisse, L’Officiel Voyage Suisse, L’Officiel ThaĂŻlande, L’Officiel Hommes ThaĂŻlande, L’Officiel Turquie, L’Officiel Hommes Turquie, L’Officiel Ukraine, L’Officiel Hommes Ukraine, L’Officiel USA, L’Officiel Hommes USA, L’Officiel Vietnam Fabrication Impression, suivi de fabrication et papier par Roto3 Industria Grafica S.r.l., Via Turbigo 11/B, 20022 Castano Primo (MI). ImprimĂ© sur des papiers produits en Italie et en Finlande Ă  partir de 0 % de fibres recyclĂ©es, certifiĂ©s 100 % PEFC. Eutrophisation : papier intĂ©rieur Ptot 0,023 kg/tonne papier couverture Ptot 0,006 kg/tonne. Distribution MLP

ÉditĂ© par LES ÉDITIONS JALOU SiĂšge social : 128, quai de Jemmapes, 75010 Paris. TĂ©lĂ©phone : 01 53 01 10 30 Fa x : 01 53 01 10 40 w w w.lofficiel.com

DĂ©pĂŽt lĂ©gal octobre 2020 Commission paritaire N° 0419K89063 — ISSN 1777-9375 ÉditĂ© par les Éditions Jalou SARL au capital de 606 000 euros reprĂ©sentĂ©e par Marie-JosĂ© Susskind-Jalou et Maxime Jalou, co-gĂ©rants, filiale Ă  100 % de la sociĂ©tĂ© l’Officiel Inc. S.A.S. Siret 331 532 176 00095

Fondateurs GEORGES, LAURENT et ULLY JALOU † Directrice de la publication Marie-JosĂ© Susskind-Jalou

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ÉDITO Pa r GI AM PI ETRO BAUDO

Jared Leto, une personnalitĂ© aussi talentueuse qu’irrĂ©vĂ©rencieuse, aux multiples facettes, sans rĂšgles. Sans rĂšgles, comme le sont aussi les nouveaux habits du pouvoir, Ă  des annĂ©es-lumiĂšre des stĂ©rĂ©otypes des annĂ©es 80 sculptĂ©s dans la mĂ©moire collective. Dans ce portfolio, quatre photographes et une Ă©quipe de top modĂšles, dirigĂ©e par Reece Nelson et Alessio Pozzi, ont revisitĂ© les classiques, entre vintage et provocation. Enfin, l’icĂŽne hollywoodienne Viggo Mortensen nous raconte la rĂ©alisation de son premier film. L’artiste Samuel Fasse Ă©change avec l’illustrateur sonore de la mode Michel Gaubert. Les architectes Karl Fournier et Olivier Marty du Studio KO reviennent sur leurs plus belles rĂ©alisations. Et le duo lĂ©gendaire Gilbert Prousch et George Passmore engagent un dialogue sans complaisance avec le designer nord-irlandais Jonathan Anderson, de quoi stimuler notre rĂ©flexion. Ce que ce magazine fait et continuera de faire


“Nous ne sommes pas provocateurs. Nous voulons simplement provoquer la reflexion.” Cette phrase, tirĂ©e de la conversation entre le duo artistique Gilbert & George et le crĂ©ateur de mode Jonathan Anderson, a Ă©tĂ© le point de dĂ©part de ce numĂ©ro spĂ©cial de L’Officiel Hommes. Ici se cĂŽtoient des stars montantes comme Rafferty Law, des sportifs comme Stan Wawrinka, des icĂŽnes comme Nick Cave, des musiciens comme Woodkid, des visionnaires comme Virgil Abloh et des artistes comme Luke Edward Hall. Une agora prĂȘte Ă  entamer une conversation autour de la mode, animĂ©e par des photographes appelĂ©s Ă  interprĂ©ter les tendances de la saison ou choisis pour expliciter la mode masculine contemporaine. Mais ce numĂ©ro est aussi le premier dans lequel paraĂźt un dossier global, destinĂ© Ă  crĂ©er un langage esthĂ©tique commun Ă  toutes les Ă©ditions de ce magazine, nĂ© Ă  Paris il y a cent ans et prĂȘt pour une nouvelle Ăšre. On y retrouve 12


MONSIEUR BLANC


NEWS

BEAU TRAVAIL Huit ans aprĂšs un premier livre, il fallait bien un deuxiĂšme volume anthologique pour rendre compte de l’immensitĂ© des champs explorĂ©s par M/M (Paris), le tandem le plus aventureux de la crĂ©ation française qui a fait sauter avec joie les barriĂšres entre les genres. Par BAPTISTE PIÉGAY

Photo courtesy galerie Air de Paris

Modules tridimensionnels Borderline, de M/M (Paris).

La curiositĂ© sans ƓillĂšres, le goĂ»t de l’inĂ©dit, l’appĂ©tit pour de nouvelles saveurs : autant de paramĂštres pour que l’équation de la longĂ©vitĂ© aboutisse Ă  un rĂ©sultat excitant. AssurĂ©ment, Mathias Augustyniak et Michael Amzalag la connaissent sur le bout des doigts. Établi en 1992, leur studio de graphisme M/M (Paris) s’est imposĂ© dans un rĂŽle dĂ©passant le simple cadre de l’accompagnement de projet : plus dĂ©tonateur qu’illustrateur, plutĂŽt narrateur libre qu’interprĂšte littĂ©ral, leur travail Ă©voquait les immenses Cassandre, pour l’intuition de la juste typographie, ou Roman Cieslewicz, par son imaginaire poĂ©tique, sa grĂące allusive, les espaces mĂ©nagĂ©s pour que notre regard s’y glisse, s’installe, le fasse sien. Conceptions de pochette de disques, d’affiches pour le thĂ©Ăątre, de dĂ©cors d’opĂ©ras, mise au point d’identitĂ© visuelle, ponts jetĂ©s entre leur activitĂ© et l’art contemporain (Douglas Gordon, Pierre Huygue),

ou encore la mode, avec ce “pradalphabet” pour la Maison Prada : on pourrait ainsi dĂ©cliner un inventaire Ă  la Perec (s’il fallait lier leur dĂ©marche Ă  celle d’un Ă©crivain, c’est l’auteur de La Vie mode d’emploi qu’on Ă©lirait, tant ils semblent partager une inclination pour la fantaisie et la souplesse pluridisciplinaire). Il est ainsi peu Ă©tonnant que des univers aussi, a priori, Ă©loignĂ©s que ceux du chef Jean-François PiĂšge ou d’Étienne Daho, aient trouvĂ© chez eux des oreilles attentives et vu dans leurs yeux le reflet de leur propre gourmandise. La double exposition qui les met Ă  l’honneur cet automne en est le tĂ©moin. Livre M to M of M/M Paris, Volume 2, Thames & Hudson (456 pages). Expositions Ă  Paris : “D’un M/MusĂ©e Ă  l’autre” au musĂ©e des Arts dĂ©coratifs (madparis.fr) et au musĂ©e d’Orsay (musee-orsay.fr), jusqu’au 10 janvier 2021.

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NEWS

ÉTERNEL FÉMININ Dix ans d’audaces et de chefs-d’Ɠuvre : depuis son ouverture Ă  Paris, la galerie Gagosian n’a cessĂ© d’innover, d’étonner, d’impressionner. Son exposition anniversaire ne fera pas exception. Par BAPTISTE PIÉGAY

Photo The Richard Avedon Foundation

Brigitte Bardot, hair by Alexandre, Paris, January 1959, de Richard Avedon.

On s’en doutait dĂšs l’annonce de l’implantation au cƓur du Triangle d’or d’une antenne parisienne de la galaxie Gagosian : on y retrouverait la crĂ©ation contemporaine en majestĂ©. De Cy Twombly Ă  Sarah Sze, en passant par William Eggleston, Ed Ruscha, Jean ProuvĂ© et Rodin, de la peinture Ă  la sculpture, la photographie et les installations, sans oublier le mobilier, chaque exposition Ă©tait un Ă©vĂšnement. Bien sĂ»r, il y avait la splendeur des piĂšces exposĂ©es, mais surtout un sens aigu de la mise en scĂšne qui offrait aux Ɠuvres une profondeur insoupçonnĂ©e. On garde ainsi un souvenir fort de l’exposition consacrĂ©e Ă  Georges Bataille en 2018 ou de celle organisant la rencontre entre les travaux de Duane Hanson et d’Olivier Mosset. En Ă©cho Ă  l’édition 2010 de la FIAC, pour laquelle India Mahdavi avait crĂ©Ă© l’espace occupĂ© par la galerie Gagosian, l’architecte et designer inventera Ă  l’occasion

de son 10e anniversaire la scĂ©nographie de “Bustes de femmes”. Reprenant un motif aussi ancien que la pratique artistique – la reprĂ©sentation du buste fĂ©minin –, l’exposition croisera les regards que Richard Avedon, Jeff Koons, Man Ray, John Currin ou encore Cindy Sherman ont posĂ© sur cet exercice de style. Elle offrira autant une mise en perspective d’une dĂ©cennie de mise en lumiĂšre de l’art contemporain qu’une cĂ©lĂ©bration de sa vitalitĂ©. En faisant le pari d’un retour aux sources, Ă  un des grands topoĂŻ de l’histoire de l’esthĂ©tique, en dĂ©montrant que c’est le geste qui fait Ɠuvre plus que le sujet, la galerie fait de son anniversaire un Ă©loge d’un bel avenir, en construction perpĂ©tuelle. Exposition “Bustes de femmes”, jusqu’au 19 dĂ©cembre 2020 Ă  la galerie Gagosian, 4, rue de Ponthieu, Paris 8 e. Gagosian.com

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THE PLACE TO BE

TRUE COLORS Artiste, cĂ©ramiste, dĂ©corateur d’intĂ©rieur et designer, l’Anglais Luke Edward Hall a imaginĂ© deux nouveaux lieux Ă  Paris : l’HĂŽtel Les Deux gares et le CafĂ© Les Deux Gares, auxquels il a apportĂ© sa touche unique, entre maximalisme et nostalgie. Par DELPHINE VALLOIRE

Pour y parvenir, il faut prendre la rue d’Alsace, sur le cĂŽtĂ© de la gare de l’Est, monter un drĂŽle d’escalier double, puis longer une vue Ă©poustouflante faite des toits gris et vert pĂąle des quais de la gare qui ondulent en vagues immobiles pour arriver enfin Ă  un petit coin de rue, tranquille et lumineux, hors du temps. LĂ  se trouvent l’HĂŽtel Les Deux Gares et son alter ego, un cafĂ©-restaurant, situĂ© juste en face. Pour recrĂ©er cet ancien petit hĂŽtel de gare dĂ©suet, Adrien Gloaguen, fondateur du groupe Touriste, avait envie d’une ambiance cinĂ©matographique des seventies, celle des plus beaux films de Rohmer ou de Sautet, une “time capsule” avec un style singulier. Il confie cette rĂ©invention totale au prodige du maximalisme Ă  l’anglaise : Luke Edward Hall, touche-Ă -tout de gĂ©nie et spĂ©cialiste d’une Ă©lĂ©gance excentrique Ă  faire remonter le temps, dont ce sera le premier hĂŽtel. DĂšs le lobby, on sait que le pari est rĂ©ussi : des murs vert Ă©lectrique, un sol en marbre Ă  motifs chevron noir et blanc, un fauteuil bleu Klein, des touches chocolat, rouge et rose, des affiches de Salvador Dali et David Hockney, des fauteuils annĂ©es 40 tendus de soie rayĂ©e et des livres anciens ou non minutieusement choisis et empilĂ©s sur une table. Le bistro dĂ©cline les

mĂȘmes codes avec un bar couleur rouge framboise, un plafond hypnotique avec un effet Ă©cailles de tortue et d’incontournables chaises Thonet. La carte, changeante, inspirĂ©e mais aussi trĂšs accessible, a Ă©tĂ© conçue par une jeune Ă©quipe de chefs (Jonathan Schweizer et Federico Suarez), et elle est dĂ©jĂ  encensĂ©e par tous les critiques gastronomiques qui comptent dans la capitale, incluant un François Simon ravi. Tout cela est Ă©videmment hautement instagrammable, mais il se passe quelque chose d’autre, l’atmosphĂšre semble habitĂ©e d’un bel esprit et pas seulement grĂące aux fantastiques portraits de l’illustratrice Fee Greening suspendus dans les couloirs, reprĂ©sentant des icĂŽnes comme Francis Bacon, Lucian Freud, David Bowie ou Oscar Wilde. Le panthĂ©on personnel de Luke Edward Hall, lui aussi, regorge de hĂ©ros, d’esthĂštes et d’artistes queer et “so british”. Il le revendique clairement dans ses interviews et dans son travail : avec ses dessins Ă  la Cocteau (dont certains ornent les chambres de l’hĂŽtel), les “Bright Young People” qu’il affectionne, dont faisaient partie le photographe Cecil Beaton et sa “muse” Stephen Tennant, le dĂ©corateur star du Swinging London David Hicks 16


Photo BenoĂźt Linero

THE PLACE TO BE

L’artiste Luke Edward Hall a redesignĂ© l’hĂŽtel et le cafĂ© Les Deux Gares, dans le 10e arrondissment de Paris.


THE PLACE TO BE

(dont on retrouve l’influence dans les motifs gĂ©omĂ©triques, rayures et chevrons), les peintres anglais Christopher Wood, Rex Whistler et Patrick Procktor, et une tendresse particuliĂšre dans le trait de ses portraits qu’on pourrait relier Ă  Elizabeth Peyton. Le tableau des clefs Ă  la rĂ©ception n’a, lui, rien Ă  envier Ă  celui du Grand Budapest Hotel. Autre point commun entre Luke Edward Hall et Wes Anderson, tous les murs de l’hĂŽtel se parent de couleurs, et quelles couleurs ! Vert olive, jaune d’or dans une salle de bains extraordinaire au dernier Ă©tage, parme clair, vert sapin, rose pale, caramel ou orange corail, des plinthes au plafond, contrastant avec des meubles sombres, qui prouvent le talent de ce coloriste extraordinaire. Pourquoi ? Dans un monde de plus en plus dĂ©matĂ©rialisĂ©, vu sur Ă©crans interposĂ©s, Luke Edward Hall assume son romantisme, son amour des beaux dĂ©tails et des petites choses, sa libertĂ© et surtout une vraie douceur, si nĂ©cessaire voire vitale en cette rude annĂ©e 2020. L’intĂ©rieur de l’Hotel Les Deux Gares et ses couleurs font d’ailleurs Ă©cho Ă  son propre intĂ©rieur, celui d’un ancien cottage du Gloucestershire, Ă  Cotswolds, dont il a longtemps rĂȘvĂ© et qu’il a investi depuis juin 2019 avec son compagnon, l’architecte d’intĂ©rieur Duncan Campbell, et leur jeune lĂ©vrier whippet Merlin.

En regardant son travail, ce qui frappe le plus, c’est l’audace. Dans les couleurs bien sĂ»r mais aussi dans le mĂ©lange des styles, des Ă©poques, des motifs, des rĂ©fĂ©rences. Il tente et rĂ©ussit haut la main dans la salle de gymnastique en sous-sol le mariage d’un papier peint rĂ©tro, une sorte de Liberty pastel un brin psychĂ©dĂ©lique Ă©ditĂ© par Svenskt Tenn et d’un sol Ă  effet kalĂ©idoscopique en carreaux rouge foncĂ© et blanc. RĂ©ussie aussi l’alliance contre nature dans un salon entre un canapĂ© couvert d’imprimĂ© lĂ©opard et une toile de Jouy Ă  dominante myosotis au mur. Il manie Ă  la perfection cette fameuse touche de danger, cette fausse note essentielle contre l’ennui qui Ă©tait chĂšre Ă  Diana Vreeland quand elle Ă©crivait dans D.V. : “A little bad taste is like a nice splash of paprika. We all need a splash of bad taste, it’s hearty, it’s healthy, it’s physical. I think we could use more of it. No taste is what I’m against.” (Un peu de mauvais goĂ»t, c’est comme un soupçon de paprika. On a tous besoin d’une pincĂ©e de mauvais goĂ»t. C’est chaleureux, c’est sain, c’est physique. Je pense qu’on pourrait davantage s’en servir. Je ne suis que contre l’absence de goĂ»t.) Et de goĂ»t, Luke Edward Hall n’en manque vraiment pas. Pour le plus grand bonheur des futurs clients du double Ă©den des Deux Gares. 18


Auteur Bertrand Waldbillig / Photos JĂƠrome Bryon - Didier Gourdon

Photos BenoÄ‚Ćœt Linero


COLLAB

BELLE ÉQUIPE Terrain de jeu familier du crĂ©ateur Virgil Abloh, l’univers du sport a dĂ©cidĂ©ment tout pour plaire Ă  la maison Louis Vuitton. FĂ©dĂ©rateur, noble, fĂ©cond, lucratif, emblĂ©matique
 autant de qualitĂ©s que de bonnes raisons pour lancer, le 20 novembre prochain, “LVxNBA”, une collection homme crĂ©Ă©e en partenariat avec la ligue de basket-ball amĂ©ricaine. Par ANNE GAFFIÉ

À l’époque oĂč il fut nommĂ© directeur artistique des collections hommes Louis Vuitton, d’aucuns se doutaient bien que l’AmĂ©ricain Virgil Abloh ne ferait pas dans la dentelle. C’était fin mars 2018, le phĂ©nomĂšne streetwear battait son plein et le kid de Chicago Ă©tait l’un des porte-drapeaux les plus prolixes de sa gĂ©nĂ©ration. Celui qui disait rĂ©cemment (lors de sa collaboration avec Nigo) que le streetwear ne se met pas dans une boĂźte mais qu’il se rĂ©gĂ©nĂšre, pratique cet art depuis un bon moment dĂ©jĂ , comme en attestent ses nombreuses collaborations avec Nike, ou la ligne directrice d’Off-White, sa marque personnelle. Rien d’étonnant donc Ă  ce que Virgil Abloh entame dĂšs son arrivĂ©e chez Louis Vuitton une Ăšre de collaborations placĂ©es sous le signe du sport qu’il porte aujourd’hui au pinacle avec une collection capsule Ă©laborĂ©e en partenariat avec la NBA, ligue de basketball amĂ©ricaine dont on connaĂźt la popularitĂ© jamais contrariĂ©e depuis les annĂ©es 90. La National Basketball Association, c’est 24 milliards de dollars de droits de retransmission tĂ©lĂ© mondiale sur neuf ans nĂ©gociĂ©s en 2014, ce qui donne une idĂ©e assez prĂ©cise de son succĂšs, jusqu’en Chine oĂč elle compte prĂšs de 42 millions d’abonnĂ©s sur le rĂ©seau social Weibo ! De quoi placer sous les meilleurs auspices commerciaux le lancement officiel,

le 20 novembre prochain, de cette prĂ©collection homme printemps-Ă©tĂ© 2021 baptisĂ©e “LVxNBA”, comprenant prĂȘt-Ă -porter et maroquinerie, accessoires et souliers, dont l’édition limitĂ©e marque autant la prudence liĂ©e Ă  l’actualitĂ© que la stratĂ©gie marketing du drop bien senti. “Le basket-ball a bercĂ© toute mon adolescence, explique Virgil Abloh. Mon idĂ©e ici Ă©tait de fusionner l’excellence de son esthĂ©tique au savoir-faire de la maison Louis Vuitton. Un exercice relativement pointu pour lequel j’ai fait appel au designer Don Crawley, dont l’expertise dans le domaine n’est plus Ă  prouver, et nous sommes partis de l’iconographie traditionnelle des deux mondes dans l’idĂ©e de les fusionner.” En rĂ©sulte le tĂ©lĂ©scopage entre toile Monogram et logo iconique de la NBA, prĂ©sentĂ© sur Shai Gilgeous-Alexander, joueur du Thunder d’Oklahoma City connu pour son style hors terrain. “Les icĂŽnes de la mode sont imprĂ©visibles. Tout comme les disciplines artistiques traditionnelles, les valeurs du luxe peuvent rĂ©sonner dans le monde du sport. Cette collection rend hommage Ă  la contribution culturelle du basket-ball et Ă  sa diversitĂ©, Ă  l’universalitĂ© et au puissant message de fraternitĂ© dont il est porteur aujourd’hui”, poursuit Virgil Abloh. Pour quelqu’un qui avoue ĂȘtre en mesure de savoir dunker, si tant est que les planĂštes soient bien alignĂ©es, l’action semble confirmĂ©e. 20

Photos Othello Grey

Ci-dessus, Virgil Abloh, directeur artistique de la ligne homme de Louis Vuitton. Page de droite, Shai Gilgeous-Alexander porte la collection “LVxNBA”.



FOOD

LE GOÛT DE MARSEILLE Depuis plus de 100 ans, la Corniche abrite la maison Passedat, une enclave de quiĂ©tude qui contraste avec le tumulte de la ville. Et toujours face Ă  la mer ! Auteur : PHILIPPE COMBRES

L’Officiel Hommes : Comment dĂ©crivez-vous la cuisine Passedat, y a-t-il un fil conducteur ?

GĂ©rald Passedat : Ça part de l’iode bien entendu, et on descend, par paliers successifs, dans les abysses afin de dĂ©couvrir toutes sortes de poissons, mais c’est aussi une cuisine du peu. Notre vĂ©gĂ©tation est aride, mais la souveraine MĂ©diterranĂ©e, mon potager marin, comme j’aime Ă  la dĂ©crire, inspire ma cuisine sans compromis, avec le fil conducteur du goĂ»t, de la puretĂ©, de l’iode vif comme le mistral, mixĂ© aux fruits et lĂ©gumes de saison de l’arriĂšre-pays. Circuit court, biodiversité  ĂȘtes-vous sensibles Ă  ces nouvelles approches ?

Oui, ce sont des mots Ă  la mode, mais c’est ce que je fais depuis plus de trente ans, c’est en fait l’école naturelle de la haute cuisine en gĂ©nĂ©ral. La cuisine rĂ©gionaliste que je pratique et la pĂȘche raisonnĂ©e, c’est ce que l’on appelait, avant, le bon sens paysan. On ne commande pas, on prend ce que la MĂ©diterranĂ©e nous donne. Et bien sĂ»r, tout comme le rĂ©gime crĂ©tois ou bien la diĂšte mĂ©diterranĂ©enne en gĂ©nĂ©ral, je n’utilise jamais de beurre, ni de crĂšme. Au dessert, la remontĂ©e en douceur, sans sucres, se fait juste par un filet de sĂšve de boulot. C’est assez rare, cette prise de conscience,

peu de grands chefs se soucient de la digestion de leur mets raffinĂ©s !

Il faut ne pas oublier que dans le mot restaurant il y a “restaurer”, et ça veut bien dire ce que ça veut dire. On est lĂ  pour se faire du bien sans se faire du mal. Le rĂ©gime crĂ©tois amĂšne Ă  une longĂ©vitĂ©, on le sait, et mon devoir est de prendre en compte la santĂ© de mes visiteurs, et de mettre tout en Ɠuvre pour que le repas soit une fĂȘte dans tous les sens du terme. Un grand repas, on le juge aussi 24 heures aprĂšs, et seul le souvenir gustatif est admis, loin des digestions difficiles ! La musique et les arts en gĂ©nĂ©ral ont une grande influence sur votre pratique, est-ce dĂ» Ă  vos origines ?

projets ensemble ! Quant Ă  Rudy, il a rĂ©alisĂ© les chambres de l’hĂŽtel, il m’a confiĂ© la gestion des restaurants du Mucem qu’il a construit, et, oui, nous partageons la mĂȘme vision. On constitue un bon trinĂŽme et on travaille depuis longtemps, depuis nos lieux respectifs, Ă  une vision globale de Marseille. Du coup, entre le MaMo (Ă  la CitĂ© radieuse Le Corbusier), Le Petit Nice, le Mucem et le projet Marsa cher Ă  Ito sur l’üle du Frioul se crĂ©e une passerelle naturelle et des Ă©changes dynamiques autour de l’avenir de notre citĂ© phocĂ©enne, tournĂ©e vers les cultures internationales et la protection de notre environnement. Ensemble, on essaye toujours de voir le cĂŽtĂ© positif de Marseille, qui est pour nous un catalyseur d’énergie unique.

Oui, je viens d’une famille de mĂ©lomanes, ma mĂšre Ă©tait cantatrice et mon pĂšre tĂ©nor professionnel. J’avais un groupe de rock Ă  17 ans, j’ai toujours frĂ©quentĂ© le milieu interlope de la crĂ©ation, quand je vivais Ă  New York, je frĂ©quentais des musiciens, des compositeurs, des artistes de l’époque. Je pensais alors que la cuisine faisait partie de cette crĂ©ation, c’est lĂ  que j’excellais plutĂŽt que dans le dessin ou avec ma guitare. C’est pour cette raison que je me suis mis Ă  faire de la cuisine et Ă  la partager.

Vous avez aussi reçu la visite de l’artiste Invader qui a envahi la ville de ses mosaĂŻques pixelisĂ©es


Vous ĂȘtes proche de l’architecte Rudy Ricciotti, le crĂ©ateur Ora Ito est en rĂ©sidence permanente au Petit Nice, partagez-vous leur vison d’avenir pour Marseille ?

- Le Petit Nice, corniche Président John Fitzgerald Kennedy,

Ito, je l’ai connu tout jeune et je l’ai tout de suite considĂ©rĂ© comme mon petit frĂšre, son esprit me surprend toujours, ce torrent d’hyperactivitĂ© et de crĂ©ativitĂ©, Ă  partir dans tous les sens, j’adore ça, on a encore beaucoup de

TĂ©l. 04 91 19 17 80.

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J’ai toujours aimĂ© recevoir les artistes au Petit Nice. Pour Invader, c’est Ora Ito qui l’a invitĂ© Ă  envahir toute la ville de Marseille, depuis le centre d’art le MaMo oĂč il a installĂ© son atelier. Le rĂ©sultat est une exposition accessible Ă  tous, dans les rues et jusque dans les calanques, et forcĂ©ment je suis trĂšs heureux qu’Invader ait posĂ© une mosaĂŻque sur le fronton de l’hĂŽtel, une raison de plus pour venir nous visiter !

Marseille. TĂ©l. 04 91 59 25 92. - Le MĂŽle Passedat, musĂ©e des Civilisations d’Europe et de la MĂ©diterranĂ©e, 1, esplanade J4, Marseille. - Exposition “Invader was here” au MaMo Centre d’Art de la CitĂ© radieuse de Marseille, 280, boulevard Michelet, Marseille. Jusqu’au 11 novembre 2020. Et partout dans la ville, 24h/24.

Photos Aurélien Meimaris

Aux commandes, le chef Ă©toilĂ© GĂ©rald Passedat, enfant du rock et de l’opĂ©ra, amoureux de jolis bolides et du Marseille noctambule des 70s. Il nous explique sa “cuisine du peu” et les projets qu’il entreprend pour sa ville natale qu’il chĂ©rit, entourĂ© de ses amis artistes.


Le crĂƠateur Ora Ito et le chef GĂƠrald Passedat.


LIVRE

LA VOIX DU MILIEU Focus sur le phĂ©nomĂšne Jiani Liu, jeune auteure dont le premier roman “Across the Sea” prend d’assaut la Chine.

Photo DR

Par NICOLETTE SALMI Traduction GÉRALDINE TROLLE

AprĂšs des dĂ©cennies de travail diplomatique, les relations entre les États-Unis et la Chine s’effritent, favorisant une nouvelle Ăšre remplie d’intolĂ©rance, de prĂ©jugĂ©s et de boucs Ă©missaires. La jeune journaliste Jiani Liu, militante dĂ©terminĂ©e Ă  changer le monde, lutte contre ce manque d’empathie entre les deux pays dans son premier livre, Across The Sea. Mais comment cette jeune femme d’affaires, prise entre son travail et son organisation Ă  but non lucratif, Millennials of U.S.-China, a-t-elle commencĂ© Ă  Ă©crire des articles sur des sujets aussi variĂ©s que le concept de la “tiger mom”, l’Ivy League, le rĂŽle des millennials et de la Gen Z dans la reconstruction de la relation entre l’Est et l’Ouest ? Tout commence lors de son sĂ©jour Ă  l’UniversitĂ© Brown, oĂč elle Ă©crit des chroniques pour le China Business Network autour de son expĂ©rience en tant qu’étudiante chinoise Ă  l’universitĂ© amĂ©ricaine. Ses chroniques deviennent vite populaires et attirent l’attention du rĂ©dacteur en chef du CBN qui, parti pour monter une nouvelle chaĂźne, la choisit pour une

premiĂšre sĂ©rie de chroniques. Aujourd’hui auteure de son premier livre, Jiani Liu est l’une des journalistes les plus lues en Chine. Elle incarne la voix d’une jeune communautĂ© mondialisĂ©e confrontĂ©e aux idĂ©es dĂ©passĂ©es des gĂ©nĂ©rations prĂ©cĂ©dentes. Abordant la culture, l’éducation, le fĂ©minisme et la pandĂ©mie du coronavirus, elle affirme que s’il existe des diffĂ©rences notables entre les deux pays, il existe aussi de grandes similitudes : tous deux mettent l’accent sur l’éducation et ouvrent des voies pour que les femmes rĂ©ussissent dans le monde des affaires. Cependant, le racisme profond qui a Ă©mergĂ© de la peur entourant la propagation du coronavirus a brouillĂ© ces conversations culturelles et les a remplacĂ©es par une rivalitĂ© entre les deux gouvernements. En dĂ©cidant de se concentrer sur sa vie professionnelle en Chine, suite Ă  une longue sĂ©rie de lois strictes sur l’immigration promulguĂ©es en dĂ©but d’annĂ©e par l’administration Trump, Jiani Liu a pu “rĂ©flĂ©chir et prendre le temps de tirer les leçons les plus significatives de son expĂ©rience”. 24


HIGHLIFE P E R P E T UA L C A L E N DA R M A N U FAC T U R E frederiqueconstant.com Tél. 01 48 87 23 23

* V I V E Z V O T R E PA S S I O N

L I V E YO U R PA S S I O N *


MODE

RAFFERTY LAW

Mannequin, musicien, acteur, le fils de Sadie Frost et Jude Law sera Ă  l’affiche du film Twist rĂ©alisĂ© par Martin Owen, dĂ©but 2021, au cĂŽtĂ© de Michael Caine. À la mĂȘme pĂ©riode sortira le premier album de son groupe, Outer Stella Overdrive.

Photographie ALAN GELATI

S tylis me C HL O E B EE NE Y

Aute ur e C R I ST I NA M ANFR E DI 26

Trad uct i on HÉ L ÈN E G U ILLO N


Manteau doublé et pantalon en laine grain de poudre avec bande latérale en cuir, sweat-shirt à capuche, sneakers Arthur à talon, BURBERRY. Chaussettes, SEX SKATEBOARDS. Bagues, THEO FENNELL, BLEUE BURNHAM et PI LONDON.


MODE

“Merci Ă  la famille Valentino et Ă  Pierpaolo Piccioli de nous avoir invitĂ©s, ma mĂšre et moi, Ă  votre merveilleux dĂ©filĂ©.” Il y a tellement de Rafferty Law dans ce message avec lequel, sur son profil Instagram, il raconte son expĂ©rience de la derniĂšre fashion week de Milan. À 23 ans, le fils des stars de cinĂ©ma Jude Law et Sadie Frost, qui a grandi dans le Londres qui compte, est prĂȘt Ă  conquĂ©rir le monde en tant que mannequin, acteur et chanteur. Beau depuis l’enfance, entourĂ© d’artistes et libre d’exprimer sa crĂ©ativitĂ©, on lui attribue quelques excĂšs et, derniĂšrement, un flirt jamais confirmĂ© avec la pop star Rita Ora. DĂ©but 2021 sortira Twist, une rĂ©interprĂ©tation contemporaine d’Oliver Twist, le roman du xix e siĂšcle de Charles Dickens, dans lequel il incarne le personnage principal au cĂŽtĂ© du monstre sacrĂ© Michael Caine, le tout dirigĂ© par Martin Owen. Dans la mĂȘme pĂ©riode sortira Ă©galement le premier album du groupe avec lequel il joue depuis l’adolescence, Outer Stella Overdrive, dont fait partie Ă©galement Rudy 28

Albarn, le neveu de Damon, voix charismatique de Blur. Le single Bad Times est dĂ©jĂ  en train de percer grĂące Ă  la vidĂ©o rĂ©alisĂ©e par Sadie, la mĂšre de Rafferty. Celle-ci le guide aussi dans le milieu de la mode, qu’elle connait bien Ă  travers son expĂ©rience de dirigeante de la marque Frost French. L’Officiel Hommes : Votre prĂ©sence aux fashion weeks les plus importantes est devenue rĂ©guliĂšre. Quelle importance accordez-vous au monde de la mode ? Rafferty Law : J’avais environ 16 ans quand j’ai commencĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir avec ma mĂšre Ă  la possibilitĂ© de faire du mannequinat. Il m’a suffi de deux ou trois expĂ©riences pour comprendre que ça me plaisait beaucoup, parce qu’on entre en contact avec des gens stimulants, Ă  commencer par les photographes. Cela a Ă©galement renforcĂ© l’estime de moi-mĂȘme et Ă  dĂ©couvrir un aspect fondamental de mon caractĂšre.


Ci-contre : Manteau patchwork en laine, pantalon en gabardine de laine, chemise, cravate et boots en cuir, LOUIS VUITTON. Page de gauche : Manteau, pantalon et chemise, CRAIG GREEN. Derbys Ă  plates-formes en cuir, DR. MARTENS.


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Ci-contre : Complet et chemise en soie imprimĂ©e “Henry Moore”, et derbys en cuir Ă  bout mĂ©tallique, ALEXANDER McQUEEN. Page de gauche : DĂ©bardeur en laine, VALENTINO.


MODE

C’est-Ă -dire ? J’ai compris que pour bien travailler, je dois ĂȘtre sous pression. J’aime cette sensation de tension positive qui me pousse Ă  donner le meilleur de moi-mĂȘme. Quand on m’a confiĂ© le rĂŽle d’Oliver Twist, je savais que je devais prouver que je le mĂ©ritais vraiment, du coup je me suis prĂ©parĂ© au maximum. Le style contemporain que le rĂ©alisateur a voulu donner au film supposait une grande agilitĂ© de mon personnage, alors je me suis engagĂ© dans une intense prĂ©paration physique, avec un entraĂźnement spĂ©cifique en salle de sport. Je voulais arriver sur le plateau au maximum de mes possibilitĂ©s.

en scĂšne et de communiquer avec le public. En fait, mon premier souhait Ă©tait d’ĂȘtre footballeur, mais maintenant je sais que je suis plus heureux comme ça. Sans doute aussi parce que votre pĂšre peut vous donner davantage de conseils en matiĂšre de cinĂ©ma qu’en matiĂšre de football
 En effet ! Pendant le confinement, nous avons fait ensemble un courtmĂ©trage, The Hat, rĂ©alisĂ© par Darren Strowger (l’actuel compagnon de sa mĂšre, ndlr), et nous sommes heureux car en plus du fait que les recettes seront reversĂ©es Ă  une association caritative, il a Ă©tĂ© nommĂ© dans la catĂ©gorie Meilleur court-mĂ©trage britanni que au Raindance Film Festival. En le tournant, je me suis rendu compte de la chance que j’avais d’ĂȘtre entourĂ© d’une famille et d’amis merveilleux. Si je garde la tĂȘte froide, que je travaille dur et que je ne me laisse pas abattre par les difficultĂ©s, je pense que je vais y arriver.

Et comment cela s’est-il passé ? Devant les camĂ©ras, tout s’est passĂ© naturellement. Depuis que je suis petit j’expĂ©rimente et tente des choses, entre musique et art dramatique, je sens que peu Ă  peu je rĂ©alise mon rĂȘve, celui de me mettre 32


Ci-contre : Blouson, FILA. Page de gauche : Manteau en laine, col roulé, pantalon et derbys, STELLA McCARTNEY. Coiffure et maquillage Chris Sweeney avec les produits Davines et Augustinus Bader.



COVER-BOY

TONNERRE DE BREST

Photographie LORENZO MARCUCCI

Stylis me GI UL I O M ART IN ELLI 35


En haut : Débardeur en laine et cachemire et pantalon en cuir, FENDI. Bandana, perso. En bas : Veste, crop top et boots en cuir, NO21. Pantalon en coton et béret de marin, ARRIGO COSTUMI MILANO. Page de droite : Sweat-shirt en coton, PARAJUMPERS. Béret de marin, ARRIGO COSTUMI MILANO. Page précédente : Veste et pantalon en coton déperlant, BOTTEGA VENETA. Boots Turing en cuir clouté, JIMMY CHOO.



Gilet en coton, pantalon en laine vierge et boots en cuir, GIVENCHY. Marcel en coton et bĂƠret de marin, ARRIGO COSTUMI MILANO.

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Veste et short en cuir de veau, chemise Gainsburg en coton et boots en cuir, GUCCI. Béret de marin, ARRIGO COSTUMI MILANO.


En haut : T-shirt Ă  manches longues en jersey et pantalon Ă  pinces en cuir, DOLCE & GABBANA. Boots en cuir, NO21. En bas : Manteau en cachemire dĂ©perlant et cuir, chemise en popeline Ă  col nƓud et pantalon en drill de coton stretch, HERMÈS. Ceinture, CHURCH’S. Page de droite : DĂ©bardeur en maille semi-transparente et pantalon verni, ACNE STUDIOS. Boots Turing en cuir cloutĂ©, JIMMY CHOO.



T-shirt et pantalon en tissu technique, MARNI. Boots en cuir, NO21. Coiffure Chiara Bussei Maquillage Riccardo Morandin Assistant photo Liam Hughes Assistante stylisme Adele Baracco



Photographie CARLOS TEIXEIRA

St yl i sm e PA B L O PATA N É

MANIFESTO



Double page précédente, de gauche à droite : Veste en velours, chemise à carreaux, pantalon en velours cÎtelé, chapeau en feutre avec détail Interlocking G et sac Jackie 1961 avec motif GG Supreme, GUCCI. Blazer en cuir nappa et coton, pantalon en cuir nappa, FENDI. Chemise, ALESSANDRO GHERARDI. Cravate, THOM BROWNE. Ceinture, LOUIS VUITTON. Bomber en poils de lama, gilet en laine et soie, pantalon skinny, ERMENEGILDO ZEGNA. Chemise, ALESSANDRO GHERARDI. Cravate, THOM BROWNE. Lunettes et chaussures, LOUIS VUITTON.

En haut : Manteau check, PIACENZA CASHMERE. Blazer en laine et tricot de laine, MSGM. Chemise rayée, ALESSANDRO GHERARDI. Pantalon, LARDINI. Lunettes, MOSCOT. Pochette, LOUIS VUITTON. Chaussettes et mocassins, VERSACE. En bas : Complet en prince-de-galles et gilet, LARDINI. Chemise en coton, LOUIS VUITTON. Basque, ERMENEGILDO ZEGNA. Lunettes de vue, MOSCOT. Page de droite : -Pull en laine, chemise en popeline imprimée, pantalon en gabardine compacte et chaussures en cuir, PRADA. Chaussettes, SARAH BORGHI. -Gilet en tweed, chemise et cravate en popeline compacte, pantalon en gabardine et bottes en cuir, PRADA.



En haut : Cape en nylon, 5 MONCLER CRAIG GREEN. En bas : Manteau en laine imprimĂ©e, pantalon en mohair, VALENTINO. ceinture banane et derbys, VALENTINO GARAVANI. Boucles d’oreilles, MYRIL JEWELS. Chaussettes, SARAH BORGHI. Page de droite : -Costume avec pantalon taille haute, chemise Oxford avec cravate et manteau ChesterïŹeld Ă  paillettes, THOM BROWNE. -Veste frac avec applications animaliĂšres, jupe avec arc et corset, THOM BROWNE.



En haut et en bas : -Ensembe en velours et chemise en coton, DOLCE & GABBANA. -Manteau et pantalon en velours cĂŽtelĂ©, DOLCE & GABBANA. Col roulĂ©, PIACENZA CASHMERE. Sneakers, LOUIS VUITTON. Page de droite : -Manteau et cape rembourrĂ©s de plumes et longs moufles en tissu technique et cuir, GIORGIO ARMANI. -Combinaison Ă  capuche en tissu technique, dossard rembourrĂ© de plumes, moufles en nylon et cuir, toque en tissu technique et plumes et guĂȘtres couvre-bottes en tissu technique, GIORGIO ARMANI.



En haut : Veste en nylon imprimé, VERSACE. Col roulé en laine, MSGM. Sweatshirt, ERMENEGILDO ZEGNA. Pantalon, LOUIS VUITTON. En bas : Corset brodé sur un ensembe classique, GAULTIER PARIS. Page de droite : -Haut ajouré rebrodé de perles argentées et pantalon cigarette, ALEXANDER MCQUEEN. -Manteau et pantalon cigarette en laine rebrodée de sequins et chemise en popeline de soie, ALEXANDER MCQUEEN. Coiffure : Toni Pellegrino. Maquillage : Fausto Cavaleri. Set design : Lorenzo Dispensa. Assistant photo : Tiago Mulhmann. Assistante stylisme : Lisa Tedeschini.



MODE

CONVERSATION DE STYLE

RedĂ©finir le vestiaire de l’homme en abattant les barriĂšres et en appliquant ses propres rĂšgles d’élĂ©gance. Quatre photographes internationaux confrontent leur regard autour du romantisme, de la mĂ©lancolie, de l’hĂ©ritage et de la notion de genre.



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TERRE PROMISE PHOTOGRAPHIE HECTOR TRE Ăą€“ STYLISME FRANCISCO UGARTE

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Ci-contre : Chemise, GCDS. Pantalon, VERSACE. Chaussures, PRADA. Page de gauche : Pardessus en tissu technique, col roulé, gants et chaussures, PRADA. Pantalon en cuir, MARNI. Lieu : Queralbs, Catalogne.



Ci-dessus : Pull en laine bicolore et pantalon check, GIVENCHY. Chemise, MARNI. Page de gauche : Trench en gabardine de laine, chemise, chapeau, chaussettes destructurĂ©es et derbys lacĂ©es, MAISON MARGIELA. Épingle Ă  nourrice, VERSACE. Coiffure et maquillage : Mariona Botella. Assistant : Alberto TrabalĂłn.

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MÉLANCOLIE PHOTOGRAPHIE FERNANDO SIPPEL – STYLISME CHARLIE WARD

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À gauche : Complet, BOTTEGA VENETA. Ci-dessus : Manteau, pull et pantalon, JIL SANDER. Coiffure et maquillage : Ronaldo Escobar.

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LE GENRE IDÉAL PHOTOGRAPHIE IÑIGO AWEWAVE – STYLISME JAVIER DE PARDO

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Ci-contre : Pantalon Ă  pinces, ANN DEMEULEMEESTER. Page de gauche : Manteau en laine, LOEWE.


Ci-dessus : Chemise et pantalon, PRADA. Boots, BOTTEGA VENETA. Page de droite : Manteau en néoprÚne, pantalon et bottines en cuir, LANVIN. Coiffure et maquillage : Lola Martinez. Set design : Cobalto Studio. Assistante photo : Clara Luz. Assistantes stylisme : Acuarela Beard et Borja Romea.

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COW-BOYS 70s PHOTOGRAPHIE IZACK MORALES Ăą€“ STYLISME MARIANA GUERRERO DINGLER

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À gauche : Manteau impression panthĂšre, chemise rebrodĂ©e et jean, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Colliers, EMANUELE BICOCCHI. Ceinture, NADA. Gants, WING & WEFT. (Main droite) Bracelets, CARTIER. (Main gauche) Bracelets et bague, EMANUELE BICOCCHI. À droite : Veste en shearling, chemise imprimĂ©e et pantalon check, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Collier, GLD. Ceinture, NADA. Bagues, CARTIER.

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Total look, Louis Vuitton.


MUSIQUE

WOODKID, AUX ÂMES FRAGILES Auteure CRISTINA MANFREDI

Traduction HÉLÈNE GUILLON

Photo Albert Moya & Nicolas Loir

Le 16 octobre est sorti son nouvel album, “S16”, une rĂ©flexion sur le pouvoir de ceux qui savent admettre leurs faiblesses et demander de l’aide. Mais l’éclectique artiste français Yoann Lemoine est Ă©galement prĂȘt Ă  partir en tournĂ©e, avec des costumes de scĂšne conçus par Nicolas GhesquiĂšre.

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MUSIQUE

Total look, Louis Vuitton.

Chanteur, musicien, Ă©crivain, artiste visuel et rĂ©alisateur. C’est ainsi que Yoann Lemoine se dĂ©finit, et un regard sur la diversitĂ© et le niveau de son travail suffit pour donner raison Ă  ce Français de 37 ans, timide de caractĂšre, extraverti dans ses idĂ©es. Son diplĂŽme d’animation l’amĂšne Ă  d’abord Ă  collaborer avec Sofia Coppola et Luc Besson, avant de crĂ©er des campagnes publicitaires – avec lesquelles il remporte une pluie de prix – et signer des clips vidĂ©o pour des mĂ©gastars comme Moby, Katy Perry, Taylor Swift, Lana Del Rey, Harry Styles, jusqu’à ce que, en 2011, il donne un nouveau tournant Ă  sa carriĂšre. Il se choisit le nom de Woodkid, entre en studio et enregistre des morceaux comme Iron, Run Boy Run, Goliath, Ă  l’architecture sonore complexe, s’appuyant sur des rythmes presque tribaux sur lesquels il dĂ©ploie sa voix douce pour transporter le public dans un monde mĂ©lancolique, juste Ă©clairĂ© par une lueur d’espoir. Le tout soutenu par des vidĂ©os puissantes, douloureuses et extrĂȘmement raffinĂ©es. Le monde de la mode en tombe amoureux, Ă  tel point que Nicolas GhesquiĂšre, directeur de crĂ©ation de Louis Vuitton, lui confie une vidĂ©o de campagne, puis, Ă  plusieurs reprises, la conception des bandes-son des dĂ©filĂ©s de la marque. En retour, il crĂ©e, pour le chanteur tous les costumes de sa nouvelle tournĂ©e qui accompagne la sortie de son deuxiĂšme album, S16, enregistrĂ© entre Londres, Berlin, Paris, Los Angeles, Tokyo et l’Islande.

que, peut-ĂȘtre, tout n’est pas perdu. C’est une atmosphĂšre proche de celle que nous vivons en ce moment
 Quand avez-vous commencĂ© Ă  y travailler ?

Woodkid : C’était en janvier 2016 et, Ă  travers la musique, je voulais exprimer l’amour que je porte Ă  ma ville (Yoann Lemoine est nĂ© Ă  Lyon puis s’est installĂ© Ă  Paris, ndlr) oĂč j’ai beaucoup appris, Ă  travers bien des folies, des difficultĂ©s, bref, j’avais des sentiments contrastĂ©s. Lorsque la crise sanitaire de la Covid a explosĂ©, je me suis demandĂ© si c’était bien le moment de promouvoir un disque aussi semblable Ă  ce moment particulier que nous vivons, et puis je me suis dit qu’il fallait laisser les gens dĂ©cider.

J’ai toujours eu plus de questions que de rĂ©ponses. Prenons par exemple le changement climatique ou le capitalisme, ce sont des sujets auxquels je rĂ©agis toujours de maniĂšre non binaire, comme je le fais d’ailleurs pour mon identitĂ© sexuelle, ma conscience, ma relation avec le pouvoir. Mais si vous deviez donner le message de ce nouveau disque, comment le synthĂ©tiseriez-vous ?

Dans l’album, je parle du pouvoir qui dĂ©coule du fait de savoir demander de l’aide. Je crois que les gens doivent apprendre Ă  admettre leur fragilitĂ©, surtout lorsqu’ils sont victimes de dĂ©pression ou de dĂ©pendance. Recon-

L’Officiel Hommes : Dans votre nouveau disque, on ressent un mĂ©lange d’angoisse et d’espoir, des sentiments sombres Ă©clairĂ©s par la conscience 70

Photos Albert Moya & Nicolas Loir

S16 est le symbole du soufre en chimie. Vous l’avez choisi comme titre de votre album pour suggĂ©rer une enquĂȘte sur la matiĂšre, sur ce qui compose nos cellules et nos cƓurs. Avez-vous trouvĂ© une rĂ©ponse ?


MUSIQUE

Total look, Louis Vuitton.

naĂźtre une faiblesse est un merveilleux pas en avant, qui prĂ©cĂšde la demande d’aide proprement dite. Souvent, nous donnons de nous-mĂȘme l’image de quelqu’un qui a tout sous contrĂŽle, mais la vĂ©ritĂ© c’est qu’il y a des situations oĂč l’on ne peut rien ou presque rien contrĂŽler. Parfois, on se perd et il faut alors demander de l’aide et ĂȘtre prĂȘt Ă  saisir la main tendue.

Ă  plusieurs reprises de m’occuper de la bande-son des dĂ©filĂ©s, en faisant toujours confiance Ă  ma vision. C’est un processus trĂšs crĂ©atif, dans lequel j’apprends beaucoup. Vous ne vous sentez jamais submergĂ© par tous ces fronts ouverts ?

Cela fait au moins sept ans que je suis toujours Ă  la limite, mais c’est normal car je mets toute mon Ă©nergie dans mon travail et je veux faire les choses par moi-mĂȘme. CrĂ©er est ma passion la plus grande, c’est une histoire d’amour, pas une contrainte. Le jour oĂč faire de la musique sera une obligation, je changerai tout de suite d’approche. Aujourd’hui, tout ce que je produis vient d’une passion absolue, donc tant mieux pour moi si je suis submergĂ©.

Dans votre travail, le lien entre le son et l’image est trĂšs fort, quelle stimulation ces deux Ă©lĂ©ments mis ensemble vous donnent-ils ?

D’un point de vue artistique, ils me permettent d’élargir mon potentiel, au niveau personnel ils m’aident Ă  garder la bonne distance par rapport aux choses. Quand je suis sur scĂšne en tant que musicien, ou quand je rĂ©alise une vidĂ©o, j’oublie tout, je me dĂ©connecte et alors je rĂ©ussis Ă  laisser les choses aller. J’essaie de ne pas donner trop d’importance Ă  ce que je fais. Je ne veux pas ĂȘtre agressif envers moi-mĂȘme ou les gens qui m’écoutent, au fond, ce n’est que de la musique. Ceci dit, sans bouleverser le monde, elle peut Ă©veiller une forme de conscience, aider Ă  crĂ©er une meilleure connexion entre les gens. Quand on voit les choses sous cet angle, tout change.

Quelles sont vos valeurs en tant qu’artiste ?

Je crois aux Ă©motions et au talent, dans le sens d’une prĂ©disposition individuelle que certains ont et d’autres pas. C’est la base. Mais ensuite il faut de l’engagement et de la curiositĂ©. Travailler dur, apprendre Ă  utiliser de nouveaux instruments et de nouvelles façons de faire les choses. Et ĂȘtre trĂšs critique quant Ă  la qualitĂ© des rĂ©sultats.

Qu’est-ce qui vous a marquĂ© dans la collaboration avec Nicolas GhesquiĂšre ?

Le respect que lui et toute l’équipe de Louis Vuitton manifestent pour mon travail. Nous nous sommes rencontrĂ©s lorsqu’il m’a commandĂ© la campagne vidĂ©o et la musique pour la collection automne/hiver 2017/18 et nous avons eu une trĂšs bonne entente. À partir de lĂ , il m’a demandĂ©

Y a-t-il quelque chose de nouveau que vous aimeriez essayer ?

Je viens de tourner une vidĂ©o dans laquelle je joue pour la premiĂšre fois. Je veux explorer ce que l’on ressent quand on incarne les histoires et les Ă©motions des autres. 71


Photo courtesy of Royal Danish Library

Ink and Solace, peinture de l’artiste australien Ben Smith (2019), commandĂ©e pour l’exposition “Stranger Than Kindness”.


EXPO

NICK CAVE, LE GÉNIE EN PLEINE LUMIÈRE Mieux qu’une exposition, c’est une invitation Ă  visiter l’univers (mental) de Nick Cave – son passĂ©, son quotidien, son imaginaire – que nous adresse l’espace Black Diamond Ă  Copenhague. C’est peu dire que l’on ressort merveilleusement secouĂ© du sĂ©jour
 Auteur BAPTISTE PIÉGAY

David Bowie (Ă  la CitĂ© de la musique Ă  Paris), The Velvet Underground (au mĂȘme endroit), Leonard Cohen (dans deux galeries de Copenhague) : la musique et ceux qui ont fait son histoire sont dĂ©sormais des exercices de style incontournables de la musĂ©ographie contemporaine. Souvent, elle tangue sur le fil de la rĂ©vĂ©rence iconographique, de l’illustration littĂ©rale, de la mise sous cloche de colifichets – Ă©voquant irrĂ©sistiblement le vers de MallarmĂ© “Aboli bibelot d’inanitĂ© sonore.” Il est sans doute Ă©mouvant de voir exposĂ©e la premiĂšre guitare de tel ou tel, mais, faute de perspective scĂ©nographique, le point de vue n’est guĂšre stimulant. Écueil, prĂ©cisons, esquivĂ© par les exemples citĂ©s. Depuis deux ans, Nick Cave tient un forum* sur lequel il rĂ©pond, avec sincĂ©ritĂ©, empathie et humour souvent, Ă  des questions triviales ou essentielles – oĂč il Ă©voque la poĂ©sie, le spiritisme, le deuil, la mĂ©ditation, le vĂ©gĂ©tarisme. Dire qu’il n’était pas jusqu’alors connu pour son goĂ»t de la confession et que l’interviewer, au dĂ©but des annĂ©es 2000, Ă©tait aussi dĂ©licat que danser le tango avec une otarie, relĂšve de la litote. Il ne nous appartient pas de considĂ©rer le dĂ©cĂšs accidentel d’un de ses fils en 2015

comme un point de bascule dans le rapport qu’il entretient dĂ©sormais avec son public. Cependant, son album le plus rĂ©cent, le terrassant Ghosteen (2020, PIAS), composĂ© dans la foulĂ©e abasourdie du deuil, atteste Ă©galement d’une dĂ©marche artistique affranchie. ENTRE QUENEAU, FELLINI ET BURROUGHS

La curatrice Christina Back, Ă  l’initiative de l’exposition “Stranger Than Kindness”, tenait Ă  un postulat essentiel : un Ă©vĂšnement non pas tant sur Nick Cave, qu’imaginĂ© avec lui. “Il y a deux ans et demi, j’avais travaillĂ© de la sorte avec Marina Abramovic. Ce qui m’intĂ©ressait, c’était de voir comment la dimension narrative du travail de Nick Cave pouvait se prolonger dans un cadre musĂ©al, raconte-t-elle. Le rĂ©sultat ne ressemble en rien Ă  ce que nous Ă©voquions dans nos premiĂšres discussions, il y a trois ans. L’évolution a Ă©tĂ© organique, collaborative, Ă©volutive. En 2008, Nick a donnĂ© une grande partie de sa collection de livres, carnets, etc. Ă  l’Arts Centre de Melbourne, qui en avait rĂ©alisĂ© une exposition. Il fallait que ces Ă©lĂ©ments soient Ă©galement associĂ©s. Nick nous a donnĂ© 73

sa bĂ©nĂ©diction, mais sans beaucoup s’impliquer au dĂ©but. Il y a un an et demi, il donnait un concert en ville et nous a rendu visite. J’ai pu lui expliquer que ce lieu (une annexe de la Royal Library, ndlr) lui serait dĂ©diĂ© pour donner une expression spatiale Ă  son travail. Au fur et Ă  mesure, il s’est impliquĂ© de plus en plus.” C’est ainsi que le visiteur avance de salle en salle, comme l’on explorerait l’histoire d’une crĂ©ation en mouvement, entre indices biographiques – la reconstitution d’une chambre londonienne, un Ă©pisode berlinois chaotique, des aventures amoureuses (avec une magnifique vitrine consacrĂ©e Ă  sa relation avec PJ Harvey), Ɠillades ironiques Ă  l’intention des fans fĂ©tichistes (un chewing-gum recrachĂ© par Nina Simone
), dĂ©voilement du quotidien (son bureau, sa bibliothĂšque), ambiances sonores conçues par Nick Cave lui-mĂȘme et le musicien Warren Ellis, jusqu’à cette sidĂ©rante vidĂ©o interrogeant des membres, et anciens membres, de son groupe The Bad Seeds, laissant affleurer des aspects de sa personnalitĂ© modĂ©rĂ©ment flatteurs. “La dimension immersive Ă©tait essentielle pour laisser la place aux visiteurs de se faire leur propre avis, reconnaĂźt la curatrice. C’est pour ça que tout n’y est pas nĂ©cessairement


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Photos Anders Sune Berg, Bleddyn Butcher, courtesy of Royal Danish Library

Ci-dessus et ci-contre : vues de l’exposition. Page de droite : Nick Cave dans son appartement de Yorkstrasse, Berlin Ouest, en aoĂ»t 1985.


EXPO

“J’ai toujours Ă©tĂ© fan, depuis ma jeunesse, aussi bien de sa musique que de sa personnalitĂ©. Il est bien plus qu’un musicien. Il est de nos plus grands poĂštes modernes. Un genre de troubadour, Ă  travers ses chansons il raconte la complexitĂ© de nos vies, de notre existence et de son sens. Cet aspect de son travail m’a toujours fascinĂ©. L’avoir rencontrĂ© a renforcĂ© cette fascination. Son charisme est incroyable, Ă  l’image de tout ce qu’il crĂ©e.” ALESSANDRO MICHELE (DIRECTEUR DE LA CRÉATION DE GUCCI)

explicitement commentĂ©, pour que surgissent d’autres interprĂ©tations possibles.” Le dĂ©coupage thĂ©matique, Ă©pousant plus ou moins sa biographie, offre des tĂ©moignages parfois comiques (une lettre de son directeur de chorale adressĂ©e Ă  ses parents, relevant que le jeune Nick se laisse distraire par les filles dans l’assistance), parfois bouleversantes (la lettre que Leonard Cohen lui adressa Ă  la mort de son fils) ; elle Ă©vite, par d’habiles jeux de miroir aux alouettes la tentation rĂ©tro-nostalgique. “Il est de toute façon peu enclin Ă  la nostalgie, mais ce projet lui a permis de se pencher sur son parcours avec beaucoup d’honnĂȘtetĂ©, souligne Christina. Ces 45 ans de crĂ©ations, tels qu’ils sont racontĂ©s ici, dĂ©montrent Ă  quel point il n’a cessĂ© d’évoluer.” Progresser Ă  travers ce bric-Ă -brac quelque part entre Queneau, Fellini et Burroughs procure l’illusion, pas toujours confortable, de partager autre chose que des anecdotes, plutĂŽt tout un monde immergĂ© intensĂ©ment sensible. “Nous avons beaucoup rĂ©flĂ©chi au genre d’exposition que nous voulions monter, nous avons bien sĂ»r regardĂ© ce qui s’était fait auparavant dans ce genre. L’idĂ©e Ă©tait vraiment d’offrir une

proposition artistique en soi, poursuit Christina. Il sait trĂšs bien construire une mythologie autour de lui, et c’est l’oscillation entre mon regard de curatrice et son apport personnel, ainsi que l’incertitude sur la vĂ©racitĂ© de ce qui est montrĂ©, qui nous intĂ©ressait. Marina Abramovic, par exemple, sait trĂšs bien, et trĂšs tĂŽt ce qu’elle veut, rĂ©aliser une exposition est son mĂ©dium d’expression. Ce qui n’est pas le cas de Nick, qui a un sens artistique innĂ©, mais qui cherchait son chemin, qui ne pouvait ĂȘtre que le sien propre, et c’était passionnant Ă  observer.” ALLURE IMPECCABLE

Il faut souligner l’apport essentiel de Gucci pour le soutien Ă  la concrĂ©tisation de ce projet, qui a rĂ©clamĂ© des miracles logistiques – “nous en sommes infiniment reconnaissants”, admet Christina. “Si quelqu’un se demande pourquoi je m’habille mieux qu’avant, la raison est simple : Gucci, explique Nick Cave (dont les standards vestimentaires n’ont pas peu contribuĂ© Ă  une allure impeccable). Pendant quarante ans je n’ai jamais laissĂ© un crĂ©ateur m’approcher, 75

jusqu’à ce que je rencontre Alessandro Michele, et tout a changĂ©. Qui peut rĂ©sister Ă  Gucci ! Alessandro est un gĂ©nie. C’est aussi un ami. Que Gucci soit partenaire de cette exposition est un grand honneur.” Alessandro Michele, le directeur de la crĂ©ation de Gucci, dĂ©taille sa relation avec le chanteur : “J’ai toujours Ă©tĂ© fan, depuis ma jeunesse, aussi bien de sa musique que de sa personnalitĂ©. Il est bien plus qu’un musicien. Il est de nos plus grands poĂštes modernes. Un genre de troubadour, Ă  travers ses chansons il raconte la complexitĂ© de nos vies, de notre existence et de son sens. Cet aspect de son travail m’a toujours fascinĂ©. L’avoir rencontrĂ© a renforcĂ© cette fascination. Son charisme est incroyable, Ă  l’image de tout ce qu’il crĂ©e.” 800 mĂštres carrĂ©s, prĂšs de 300 objets, 8 salles (et une des villes les plus douces au monde, mais c’est une autre histoire) le confirment : il n’a jamais Ă©tĂ© plus clair que Nick Cave est un artiste complet, capital. ‱* Theredhandfiles.com ‱ Exposition “Stranger Than Kindness: The Nick Cave Exhibition” au Black Diamond Ă  Copenhague, jusqu’au 13 fĂ©vrier 2021. 5.kb.dk



AMBASSADEUR

STAN WAWRINKA, TOUJOURS PLUS HAUT Joueur de tennis talentueux et pugnace, Stan The Man, comme on le surnomme, est le nouveau Mark-Maker de Montblanc. Il a présenté le premier casque MB01, sans fil et intégrant la réduction active de bruit, lancé par la maison ce printemps. Rencontre. Par CAROLINE BAUD

Comment s’est faite votre rencontre avec Montblanc ?

Êtes-vous passionnĂ© de musique ?

Stan Wawrinka : J’ai toujours beaucoup aimĂ© la marque et notre rencontre s’est faite via des connaissances communes. La Suisse reste un petit pays ! Montblanc est symbole de qualitĂ© et d’expertise et ces valeurs sont trĂšs importantes pour moi.

Oui, j’aime beaucoup la musique, elle joue un rîle important dans ma vie quotidienne : que je sois en voyage pour les tournois, à la salle de sport pour m’entraüner ou simplement quand je me relaxe chez moi.

Qu’est-ce qui vous a sĂ©duit dans ce projet et quelle part y avez-vous prise ?

J’écoute tous styles de musique, cela dĂ©pend des occasions. Si je suis Ă  la salle de sport, j’adore Ă©couter du son avec du rythme style house music. En voyage, je varie, du rock au hip-hop en passant par le RnB.

Photo DR

Quel style Ă©coutez-vous ?

Montblanc est un vĂ©ritable dĂ©positaire de l’expertise d’artisans, que ce soit avec les cuirs faits dans leurs ateliers en Toscane ou avec les instruments d’écritures fabriquĂ©s dans la manufacture historique Ă  Hambourg. Ce niveau de compĂ©tences et de recherche d’excellence est exactement Ă  l’image de ce que j’applique tous les jours Ă  l’entraĂźnement et pendant les tournois : repousser mes limites grĂące Ă  ma passion pour mon sport. Cet alignement de valeurs avec Montblanc m’a donnĂ© envie de collaborer avec la marque.

La musique vous aide-t-elle Ă  vous concentrer, par exemple avant un match, ou Ă  vous dĂ©tendre ?

Absolument. La musique joue un rĂŽle Ă©norme, surtout quand je dois ĂȘtre concentrĂ© et me recentrer sur moi-mĂȘme, elle annihile tous les bruits extĂ©rieurs et me permet de me prĂ©parer au mieux Ă  affronter ce qui m’attend. 77


AMBASSADEUR

“La musique joue un rĂŽle Ă©norme, surtout quand je dois ĂȘtre concentrĂ© et me recentrer sur moi-mĂȘme, elle annihile tous les bruits extĂ©rieurs et me permet de me prĂ©parer au mieux Ă  affronter ce qui m’attend.” STAN WAWRINKA

Que prĂ©fĂ©rez-vous chez Montblanc ? Les stylos ? Les bagages ?

MalgrĂ© le succĂšs, vous ĂȘtes restĂ© modeste. Est-ce une valeur que vous devez Ă  votre Ă©ducation ?

Étant en dĂ©placement plus de 300 jours par an, j’ai une sĂ©rie d’accessoires, de vĂ©ritables compagnons de voyage dont je ne peux me passer : cela va du sac Ă  dos Ă  la valise en passant par la ceinture Montblanc. Avoir des produits fiables et de qualitĂ© au quotidien me permet de me concentrer sur ce qui est vraiment important pour moi : ma famille et le tennis.

Oui, Ă  mon Ă©ducation et Ă  ma famille qui m’a transmis les bonnes valeurs. Je pense qu’il s’agit surtout de s’entourer des bonnes personnes, qui prennent soin de vous et veillent Ă  votre meilleur intĂ©rĂȘt Comment gĂ©rez-vous votre succĂšs au quotidien ?

Pour moi, le plus important est avant tout de rester motivĂ© au maximum afin de continuer Ă  m’amĂ©liorer ; il ne faut jamais stagner ou se satisfaire de l’acquis. Je crois que c’est cela qui me maintient les pieds sur terre. Je veux toujours en faire plus.

Vous avez dit que le travail est essentiel pour rĂ©ussir. Avant le talent ?

Absolument. Travailler dur est la chose la plus importante pour avoir du succùs. Le talent peut vous amener jusqu’à un certain point, mais le travail et l’implication seront toujours les parts les plus importantes dans le succùs. 78


Musique en tĂȘte Nouveau venu trĂšs remarquĂ© chez Montblanc avec le lancement du premier casque audio sans fil overear de la maison. “Nous avons cherchĂ© Ă  crĂ©er un casque qui ferait la synthĂšse d’une technologie de pointe, d’un design sophistiquĂ© et du confort, car c’est ce qui compte vraiment aux yeux des voyageurs Montblanc, qu’ils soient Ă  bord d’un vol long-courrier, en audioconfĂ©rence Ă  l’aĂ©roport ou simplement en train de profiter de la route pour recharger leurs batteries”, explique Nicolas Baretzki, PDG de Montblanc. CĂŽtĂ© look, les lignes du casque sont directement inspirĂ©es de l’esthĂ©tique minimaliste et Ă©lĂ©gante propre Ă  l’identitĂ© de la maison. “Lorsque nous avons dĂ©veloppĂ© ces essentiels de voyage, prĂ©cise Zaim Kamal, directeur crĂ©atif de Montblanc, notre objectif Ă©tait non seulement de crĂ©er un casque offrant performance et fiabilitĂ©, mais aussi un design trĂšs distinctif avec des coussinets plus grands pour envelopper l’oreille, ainsi que des finitions en mĂ©tal et en cuir Ă©lĂ©gantes qui lui confĂšrent cette touche Montblanc inimitable.” Le casque, dont le dĂ©veloppement s’est fait avec le spĂ©cialiste amĂ©ricain du son Alex Rosson, intĂšgre plusieurs fonctionnalitĂ©s, notamment la rĂ©duction active du bruit et l’assistant Google pour des dĂ©placements personnalisĂ©s grĂące aux dispositifs de commande vocale. Compact et pliable afin de satisfaire aux besoins des voyageurs, le casque MB01 se dĂ©cline en trois versions : cuir noir avec finitions mĂ©talliques chromĂ©es, cuir marron avec finitions mĂ©talliques dorĂ©es et cuir gris clair avec finitions mĂ©talliques polies. Chaque casque se prĂ©sente dans une pochette en tissu fin avec un cĂąble de charge USB de type C, un cĂąble audio et un adaptateur pour avion. Montblanc.com

Photos DR

Par Odile Habel

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ADRESSES

5 MONCLER CRAIG GREEN moncler.com ACNE STUDIOS acnestudios.com ALAN CROCETTI alancrocetti.com ALESSANDRO GHERARDI alessandrogherardi.com ALEXANDER MCQUEEN alexandermcqueen.com ANN DEMEULEMEESTER anndemeulemeester.com ARRIGO COSTUMI MILANO arrigocostumi.com BALMAIN balmain.com BERLUTI berluti.com BLEUE BURNHAM bleueburnham.com BOTTEGA VENETA bottegaveneta.com BRUNELLO CUCINELLI brunellocucinelli.com BURBERRY burberry.com CANALI canali.com CARTIER cartier.fr CELINE celine.com CHRISTIAN LOUBOUTIN christianlouboutin.com CHURCH’S church-footwear.com CRAIG GREEN craig- green.com D’HEYGERE dheygere.com DIOR dior.com

DOLCE & GABBANA dolcegabbana.com DRIES VAN NOTEN driesvannoten.com DR. MARTENS drmartens.com DSQUARED2 dsquared2.com DUNHILL dunhill.com EGON egonlab.com EMANUELE BICOCCHI emanuelebicocchi.it ERMENEGILDO ZEGNA zegna.com FENDI fendi.com G.H. BASS & CO ghbass-eu.com GABRIELA HEARST gabrielahearst.com GAULTIER PARIS jeanpaulgaultier.com GCDS gcds.it GENTLE MONSTER gentlemonster.com GIORGIO ARMANI armani.com GIUSEPPE ZANOTTI giuseppezanotti.com GIVENCHY givenchy.com GLD thegldshop.com GUCCI gucci.com HERMÈS hermes.com KOLOR kolor.com

JIL SANDER jilsander.com JIMMY CHOO jimmychoo.com JOHN HARDY johnhardy.com JOHN LOBB johnlobb.com LANVIN lanvin.com LARDINI lardini.com LEMAIRE lemaire.fr LOEWE loewe.com LOUIS VUITTON louisvuitton.com MAISON MARGIELA maisonmargiela.com MARCO DE LUCA marcodelucagioielli.com MARNI marni.com MOSCOT moscot.com MSGM msgm.it NO21 numeroventuno.com OFF-WHITE off — white.com PARAJUMPERS parajumpers.it PI LONDON pilondon.co.uk PIACENZA CASHMERE piacenzacashmere.com PRADA prada.com RAF SIMONS rafsimons.com 80

ROCHAS rochas.com RUSLAN BAGINSKIY ruslanbaginskiy.com RYNSHU rynshu.com SAINT LAURENT ysl.com SARAH BORGHI sarahborghi.com SEAN SUEN seansuen.com SEX SKATEBOARDS sexskateboards.com STELLA MCCARTNEY stellamccartney.com STEPHEN JONES stephenjonesmillinery.com TAG HEUER tagheuer.com TAGLIATORE tagliatore.com THEO FENNELL theofennell.com THOM BROWN thombrowne.com TOM FORD tomford.com VALENTINO valentino.com VERSACE versace.com WALES BONNER walesbonner.net WING & WEFT wingweftgloves.com X KARLA xkarla.com YIE KIM yiekim.com


L’idĂ©e de mode masculine est Ă  la fois un phĂ©nomĂšne trĂšs moderne mais aussi un concept totalement ancien et dĂ©passĂ©. La mode n’a pas de genre et son affectation au binaire est une construction sociale que nous laissons enfin derriĂšre nous. Les hommes ont en effet toujours Ă©tĂ© Ă  la mode – suivant les tendances et changeant les formes et la couleur de leurs vĂȘtements – mais longtemps ils ont dĂ» cacher leur intĂ©rĂȘt derriĂšre une armure protectrice et le masque rĂ©pressif d’un uniforme sombre. En fin de compte, la rĂ©volution fĂ©ministe a permis l’évolution de l’identitĂ© masculine et a ouvert la porte aux hommes pour s’exprimer confortablement sur le plan Ă©motionnel Ă  travers la mode. Comme nous l’avons vu sur les podiums du monde entier, la sĂ©paration entre modes fĂ©minine et masculine touche Ă  sa fin. Mais du point de vue de l’industrie, et en tant que consommateurs, nous ne sommes toujours pas prĂȘts Ă  dissoudre complĂštement ces distinctions, c’est-Ă -dire Ă  porter les mĂȘmes vĂȘtements ou acheter dans les mĂȘmes magasins. Jamais auparavant on n’avait vu une telle convergence de tendances, avec des crĂ©ateurs comme Gucci et Balenciaga combinant la prĂ©sentation de leurs idĂ©es pour hommes

et femmes sur le mĂȘme podium et dans la mĂȘme boutique. Mais les hommes ont encore de nombreux tabous Ă  briser et de batailles Ă  gagner contre une solide tradition d’inhibition et de conformisme. Ils sont Ă  un stade d’évolution diffĂ©rent, selon l’endroit oĂč ils vivent et ce que leurs normes culturelles leur dictent. Le magazine L’Officiel Hommes a Ă©tĂ© lancĂ© Ă  la fin des annĂ©es 1970 lorsque l’idĂ©e de la mode pour hommes est devenue plus socialement acceptable et commençait Ă  devenir une rĂ©alitĂ© sur le marchĂ©. Depuis, bien des choses ont changĂ© pour faire tomber les barriĂšres des conventions, et aujourd’hui la marque mondiale L’Officiel vise Ă  parler aux hommes et aux femmes en mĂȘme temps. Mais deux fois par an, nous ressentons le besoin de mettre l’accent uniquement sur les hommes, en cĂ©lĂ©brant les pionniers qui repoussent avec audace les limites de la mode, de l’art et de la culture : comme notre cover-star Jared Leto ou le duo d’art lĂ©gendaire Gilbert & George, avec les nombreuses tendances de la mode reprĂ©sentĂ©es dans notre section spĂ©ciale dĂ©diĂ©e Ă  la nouvelle couture, Power Off. Ensemble, ces hommes regardent le miroir de la mode pour voir d’oĂč ils sont venus et jusqu’oĂč ils doivent encore aller.


Jared Leto, entre abĂźmes et cimes AprĂšs trois dĂ©cennies crowd-surfing depuis les scĂšnes de concert rock et de transformations drastiques sur grand Ă©cran, l’énigmatique acteur, musicien et provocateur revient sur sa vie Ă  l’aube d’une nouvelle Ăšre avec l’innovateur de la pop Finneas. Photographie CAMERON McCOOL Stylisme KARLA WELCH Il y a vingt ans, Jared Leto Ă©tait perchĂ© sous hĂ©roĂŻne, se lançant dans un tour de manĂšge fantasmagorique Ă  la Coney Island vers le grand abĂźme. En jouant Harry, le hĂ©ros dĂ©chu de Requiem For a Dream, l’épopĂ©e psychologique de Darren Aronofsky, Leto a mĂ©ritĂ© les vivas de la critique, catapultant l’acteur et musicien (il a formĂ© le groupe de rock culte Thirty Seconds to Mars avec son frĂšre Shannon en 1998) en haut de l’affiche aprĂšs des rĂŽles secondaires mais Ă©lectriques dans Girl, Interrupted ou Fight Club de David Fincher, des performances intenses doublĂ©es d’une mĂ©thode martyrisante. Pour la saga d’Aronofsky, Leto a fait scandale en vivant plusieurs mois comme un sans-abri Ă  New York, s’abstenant de relations sexuelles et de repas rĂ©guliers pour se transformer physiquement, construisant jour aprĂšs jour le regard Ă©maciĂ© de son personnage toxicomane. Au cours des deux dĂ©cennies qui ont suivi, Leto a continuĂ© Ă  chasser les extrĂȘmes – jouer un supermĂ©chant millennial dans Suicide Squad ou un trafiquant

de pilules transgenre dans le Dallas Buyer’s Club – avec des performances subversives, parfois bizarres qui soulĂšvent la question : n’a-t-il aucune limite dans ses dĂ©fis ? De mĂȘme, dans la musique et la mode, Leto a dissous les frontiĂšres de la norme hollywoodienne, en Ă©voluant du rebelle et underground au maximalisme fluide imaginĂ© par Alessandro Michele chez Gucci (pour qui Jared a jouĂ© l’égĂ©rie) et une nouvelle gĂ©nĂ©ration de TikTokers expĂ©rimentaux. En effet, Leto aujourd’hui, avec sa longue criniĂšre et son physique bien construit, n’est plus le jeune rocker en jean serrĂ© qui foulait le sol du Vans Warped Tour. Au moment oĂč l’on fĂȘte l’anniversaire de Requiem For a Dream, il parle avec son ami de longue date (et parfois collaborateur) Finneas O’Connell – plus connu sous le nom de Finneas, l’éminence grise de sa sƓur Billie Eilish –, de son nouvel amour de l’escalade, des grands moments de ses performances live, et mĂȘme de musique inĂ©dite. — Joshua Glass



CI-CONTRE : Veste, chemise et pantalon, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. PAGE DE DROITE : Blazer et pantalon, FEAR OF GOD X ERMENEGILDO ZEGNA. Chemise, XKARLA. Mocassins, G.H. BASS & CO. PAGE PRÉCÉDENTE : Chemise, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.


FINNEAS : Avant notre rencontre, j’ai lu une interview de toi dans laquelle tu dis aimer utiliser le pouvoir du non. Cela a vraiment influencĂ© la maniĂšre dont j’ai menĂ© ma carriĂšre, et, je crois, Billie la sienne. Tu nous as incitĂ©s Ă  faire preuve de prudence dans nos engagements, alors je t’en remercie. Tu es si dĂ©finitif et rĂ©flĂ©chi dans les choix que tu fais que je voulais te demander s’il y a quelque chose que tu regrettes d’avoir refusĂ©. JARED LETO : Je devrais probablement dire que je suis nul pour dire non, c’est pourquoi j’essaie d’ĂȘtre aussi attentif que possible. J’adore travailler. Je dois donc vraiment surveiller la quantitĂ© de travail Ă  laquelle je m’astreins, car tout ce Ă  quoi tu dis oui est un non Ă  autre chose, et inversement. Je ne pense pas vraiment en termes de regret, mais si je devais mettre certaines choses dans cette case, il serait probablement moins question de refus de films que de passer plus de temps Ă  escalader des montagnes et Ă  ĂȘtre en plein air. C’est quelque chose que j’aurais aimĂ© faire davantage dans ma vie. FO : C’est bien de savoir que l’escalade t’épanouit parce que l’épanouissement

vient Ă  petites doses, en particulier pour les artistes. Il y a un certain degrĂ© d’accomplissement crĂ©atif dans la conception d’un album, bien sĂ»r, ou j’imagine dans le tournage d’un film, mais il y a aussi tellement d’espace cĂ©rĂ©bral qui est consacrĂ© Ă  rĂ©flĂ©chir au prochain projet sur lequel on va travailler, ou au refrain de cette chanson qui n’est toujours pas le bon, etc. C’est ce que je ressens chaque fois que je travaille sur un album, donc l’idĂ©e que grimper t’apporte autant de satisfaction me procure beaucoup de joie. Tout le monde devrait trouver une activitĂ© qui apporte un sentiment d’excitation. Tu es sans doute aujourd’hui en position de donner beaucoup de conseils aux gens, mais je voudrais savoir Ă  qui, toi, tu demandes conseil ? Ce qui est drĂŽle avec la musique, c’est que quand tu travailles sur un album – en ce qui me concerne, je travaille sur des albums pendant des annĂ©es –, un jour tu es au sommet du monde parce que tu as une illumination, et puis trois semaines plus tard, tu dĂ©testes ce que tu as fait. Je passe souvent par ces montagnes russes d’insatisfaction, de surprise et d’excitation. Or l’escalade c’est le plein air, la simplicitĂ©, cet instinct de base qui t’oblige Ă  ĂȘtre complĂštement dans l’instant. En matiĂšre de conseil, je me tourne vers de nombreuses personnes. Quand je fais de la musique, ça peut ĂȘtre quelqu’un comme toi, ce que j’ai fait plusieurs fois. D’ailleurs, j’ai terminĂ© une des dĂ©mos sur lesquelles nous avons travaillĂ© ensemble, je devrais te l’envoyer pour que tu l’écoutes.

JL :

FO :

S’il te plaüt, j’adorerais l’entendre !

C’est plutĂŽt cool. C’est super bizarre et super sombre, j’adore ça et je pense que tu vas adorer aussi. L’avantage de faire des films c’est que tu as le rĂ©alisateur, les scĂ©naristes, les Ă©diteurs et d’autres acteurs avec qui travailler. J’étais au tĂ©lĂ©phone l’autre jour en train de faire un enregistrement de voix pour Morbius, et je me suis arrĂȘtĂ© et j’ai posĂ© une question aux techniciens, que je me posais depuis des annĂ©es. Je crois que je suis obsĂ©dĂ© par l’apprentissage. Je suis hyper curieux et je veux apprendre tout le temps.

JL :

FO : C’est probablement pour cela que tu es si douĂ© pour tant de choses. Tu peux Ă©galement te permettre le luxe d’avoir des experts pour te donner des conseils. Pour moi, il n’y a pas de meilleur professeur qu’une personne passionnĂ©e par son domaine. J’étais rĂ©cemment avec Steve Bellamy, qui dirige Kodak, et je lui ai posĂ© une question simple sur la longueur des bobines de film. Si j’étais allĂ© Ă  l’école de cinĂ©ma et que j’avais Ă©tudiĂ© le film photo, cela aurait Ă©tĂ© une confĂ©rence ennuyeuse de six semaines, mais lĂ  j’avais l’impression d’absorber tout ce qu’il y a Ă  savoir en dix minutes.

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Je pense que j’apprends aussi de mes amis. Je suis peut-ĂȘtre bon dans certains domaines, mais terriblement nul dans tellement d’autres. J’aime apprendre de mes amis
 comment ils passent leur temps libre ; quelle est leur vie sociale. J’ai beaucoup Ă  rattraper car j’ai Ă©tĂ© longtemps concentrĂ© sur mes objectifs de carriĂšre et mes ambitions, pendant des d’annĂ©es. Je consacre enfin plus de temps Ă  d’autres choses, alors toi et d’autres personnes pourriez m’apprendre beaucoup lĂ -dessus. JL :

Curieusement, cela ne me dĂ©range pas du tout, mais j’aurais une relation complĂštement diffĂ©rente Ă  ça si j’étais rĂ©alisateur. En tant qu’acteur, je trouve qu’il vaut mieux abandonner ce contrĂŽle ou cette responsabilitĂ© une fois que tu as terminĂ© la scĂšne. À l’exception de Rescue Me que Mark Romanek a fait, j’ai rĂ©alisĂ© toutes les vidĂ©os de Thirty Seconds to Mars sous le pseudonyme de Bartholomew Cubbins. C’est l’un de mes secrets les moins bien gardĂ©s, mais c’est amusant pour moi car j’ai eu l’opportunitĂ© de travailler sans pression. Quand je sors un album, je passe autant de temps sur les clips vidĂ©o et les composants visuels que sur les chansons elles-mĂȘmes. Peut-ĂȘtre que c’est parce que j’ai toujours Ă©tĂ© inspirĂ© par des groupes comme Pink Floyd, ou peut-ĂȘtre parce que j’ai abandonnĂ© mon cursus en art. J’ai toujours voulu ĂȘtre peintre.

JL :

FO : Je sais qu’aucun de nous n’a fait de concerts cette annĂ©e, Ă©videmment, mais l’étĂ© dernier, tu as fait un nombre terrifiant de scĂšnes dans un laps de temps extrĂȘmement limitĂ© Ă  travers l’Europe. N’as-tu pas jouĂ© tous les jours pendant sept semaines ?

Tu as Ă©tĂ© trĂšs gentil avec moi et Billie bien avant que quiconque ne soit au courant de notre existence, et nous t’en sommes trĂšs reconnaissants. Nous avions tant besoin de conseils de la part de personnes plus avancĂ©es que nous sur ce long chemin. Tu nous avais dit que lorsque tu as commencĂ© Ă  faire de la musique, personne ne voulait signer ton groupe. C’était fou Ă  entendre parce que ta musique a jouĂ© un rĂŽle majeur pendant mon adolescence. Étaitce vraiment le cas ? FO :

JL: Oui, mais je pense qu’une partie du problĂšme a pu venir de nous (rires)
 Nous avions refusĂ© de jouer Ă  Los Angeles. Je crois que le concert le plus proche que nous avons fait Ă©tait Ă  Santa Barbara. C’était compliquĂ©, mĂȘme aprĂšs notre signature. Nous n’avons pas vraiment eu de succĂšs pendant sept ou huit ans, et notre premiĂšre percĂ©e n’a eu lieu qu’en 2006 avec la chanson The Kill. Et mĂȘme lĂ , Ă  un moment donnĂ©, les stations de radio ont refusĂ© de diffuser notre musique. MTV a dĂ©clarĂ© qu’elle ne cautionnerait jamais Thirty Seconds to Mars ! Depuis, nous avons remportĂ© deux douzaines de MTV awards et jouĂ© probablement dans une douzaine de remises de prix MTV Ă  travers le monde. Nous sommes devenus d’excellents partenaires, mais nous avons gravi les Ă©chelons du nĂ©gatif absolu Ă  un succĂšs que nous n’avions jamais imaginĂ©. J’ai tellement de gratitude pour toutes ces expĂ©riences. Lorsqu’on dĂ©bute, on a hĂąte. Les principaux moteurs pour moi Ă©taient la peur et l’échec, mais quand je regarde en arriĂšre, c’est plutĂŽt la gratitude. MĂȘme quand je me projette dans le futur, je ressens cette gratitude, c’est bien d’arriver Ă  cette pensĂ©e.

En parlant de MTV, je ne savais pas que tu avais rĂ©alisĂ© plusieurs de tes vidĂ©os sous un pseudonyme. C’est une chose que Thirty Seconds to Mars et ma sƓur ont en commun : la composante visuelle est si forte qu’elle rend la musique encore plus attrayante. J’entends depuis des annĂ©es que tu ne regardes pas les films dans lesquels tu joues, alors rĂ©aliser un clip vidĂ©o doit ĂȘtre un dĂ©fi, car tu dois regarder ta propre performance


FO :

CI-DESSUS : Jean, GUCCI. Sweatshirt, perso. PAGE DE DROITE : Chemise et T-shirt, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO

AU dĂ©but, MES PRINCIPAUX MOTEURS ÉTAIENT LA peur ET L’échec, MAIS QUAND JE REGARDE EN ARRIÈRE, C’EST PLUTÔT LA gratitude. MÊME QUAND JE ME PROJETTE DANS LE futur, JE RESSENS CETTE GRATITUDE. JL : On a toujours beaucoup tournĂ©. On avait pris l’habitude de se plaindre Ă  notre agent si on avait un jour de congĂ©, alors il Ă©tait courant pour nous de faire des spectacles 21 jours consĂ©cutifs, 18 jours consĂ©cutifs, puis 14 jours consĂ©cutifs. Si on avait un jour de congĂ© au milieu, on se disait “mais qu’est-ce qu’on va faire ?” On n’en serait pas si on ne s’était pas engagĂ© dans ce type de tournĂ©es. C’est drĂŽle, au tout dĂ©but de la carriĂšre du groupe, Ă  l’époque oĂč j’étais Ă  Cannes, Requiem For a Dream faisait ses dĂ©buts au festival du film et, comme vous le savez, je ne regarde gĂ©nĂ©ralement pas mes films. Darren Aronofsky m’a mis dans une situation critique. Il m’a traĂźnĂ© Ă  la premiĂšre et m’a dit : “Il faut regarder le film, il faut faire partie de cette expĂ©rience, monter les marches de la Croisette”, et je l’ai fait. J’ai regardĂ© le film. Je me suis assis Ă  cĂŽtĂ© de Hubert


d’arriver Ă  un lĂącher prise pour ĂȘtre vraiment dans le show. Ces moments sont glorieux. FO : Je pense exactement la mĂȘme chose, si les lumiĂšres s’éteignent quelques millisecondes, je le remarque. S’il y a un gamin qui se bat avec un autre sur le cĂŽtĂ© droit de l’arĂšne, je le remarque. Tout ça pendant que je joue de ma basse et que je chante. C’est vraiment incroyable Ă  quel point on peut ĂȘtre attentif sur scĂšne. JL : Oui, le cerveau peut se compartimenter, surtout lorsqu’on est dans un Ă©tat de combat ou de fuite, avec des consĂ©quences importantes. Mais il y a aussi ce qui se passe sur scĂšne, pour moi, mon frĂšre et 40 000 personnes, et je me sens complĂštement dĂ©tendu, Ă  l’aise et paisible. J’ai vĂ©cu ces moments d’absence totale d’inconfort, et c’est une sensation vraiment incroyable. L’intimitĂ©, tu sais. Que penses-tu qu’il va se passer avec les tournĂ©es dans le futur ? Maintenant, je regarde des photos de moi me tenant audessus de la foule ou traversant un public de 100 000 personnes au festival Rock Am Ring, et je me dis, est-ce que ça va se reproduire ?

Selby Jr. Alors que les lumiĂšres s’allumaient, on s’est regardĂ© en larmes. Tout le monde Ă©tait debout, donnant une standing ovation. Plus tard dans la nuit, on est allĂ© chez Elton John – un genre de palais – avec les acteurs. Elton est un vĂ©ritable supporter, il encourage les jeunes artistes, et il est vraiment Ă  l’écoute. On parlait ce soir-lĂ  et je lui ai dit que je faisais de la musique depuis toujours. J’ai commencĂ© en disant : “Mon frĂšre et moi avons ce groupe Thirty Seconds to Mars.” Il a dit: “Faites une tournĂ©e, une autre tournĂ©e, puis une nouvelle tournĂ©e, et lorsque vous en aurez terminĂ©, faites une autre tournĂ©e.” C’est vraiment Elton qui m’a encouragĂ© Ă  doubler les concerts parce qu’il m’a parlĂ© de la façon dont cela avait changĂ© sa vie Ă  lui. Ce qu’il a dit a vraiment eu un impact sur moi. Je suis vraiment reconnaissant parce qu’il avait raison. FO : JL :

Je pense au rÎle que les psychédéliques ont joué dans ma vie.

Comme Tiny Dancer (chanson d’Elton John, ndlr).

FO : Je ne prends pas de drogue, pas pour ĂȘtre rigoureux mais parce que ce n’est tout simplement pas trĂšs intĂ©ressant pour moi
 JL : C’est bon, j’en ai pris assez pour nous deux, et pour ta sƓur aussi.

La plus grande Ă©motion est d’ĂȘtre sur scĂšne, je ne pense pas qu’il y ait quoi que ce soit qui rivalise avec le pouvoir d’ĂȘtre devant autant de personnes, chantant dans la paume de votre main. Jared, tu as une vie aux multiples facettes : tu es un acteur et musicien accompli, un grimpeur et un investisseur. As-tu le mĂȘme sentiment de bonheur et d’euphorie lorsque tu es sur scĂšne pour un grand concert, ou es-tu toujours concentrĂ© pour offrir la meilleure performance ? Es-tu capable de ressentir cette puissance et cette joie lorsque tu es sur scĂšne ? FO :

JL : Oui, c’est le plus grand des sentiments, et tu as raison de dire qu’il n’y a pas de drogue au monde qui puisse rivaliser avec une course Ă  pied au parc Yosemite ou ĂȘtre sur scĂšne Ă  Paris ou Ă  Londres. Quand je joue, je travaille toujours. Je vais me dire : pourquoi le public Ă  gauche n’est-il pas aussi enthousiaste que celui Ă  droite ? Ou je vais voir ce g amin dans un coin et me donner pour mission de lui faire passer la meilleure nuit de sa vie. J’essaie aussi

Je pense que cela arrivera. Quand, je ne sais pas. Mais ça arrivera. Billie et moi avons des parents qui ont la soixantaine, donc ils prĂ©sentent un pourcentage de risque plus Ă©levĂ© et, elle, souffre d’asthme, alors j’ai fait trĂšs attention. Je pense que la plupart des gens s’ennuient assez pendant cette pandĂ©mie. Donc, je pense que dĂšs que les gens apprendront qu’il est mĂȘme Ă  moitiĂ© safe de retourner Ă  Coachella, ils le feront. Les gens semblent prĂ©fĂ©rer les expĂ©riences joyeuses Ă  la sĂ©curitĂ© Ă  100 %. Mais je suis tout Ă  fait d’accord avec toi : quand tu regardes des images de concerts passĂ©s – surtout maintenant –, cela semble ĂȘtre une folie totale.

FO :

Il y a une photo que quelqu’un m’a envoyĂ©e, moi debout sur une barricade avec peut-ĂȘtre mille mains tendues pour toucher les miennes. MĂȘme aprĂšs le vaccin, je pense qu’on va toujours se dire : Puis-je avoir une lingette humide ou quelque chose comme ça ? Je ne sais pas. Mais je crois que tu as raison, les gens sont prĂȘts Ă  sortir, Ă  se rĂ©unir et Ă  cĂ©lĂ©brer la vie et Ă  passer un foutu bon moment. Je sais que moi, je le suis. — Propos recueillis par Finneas JL :


CI-CONTRE : Chemise, perso. Bague, JOHN HARDY. PAGE DE DROITE : Veste, chemise, pantalon et bottines, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. COIFFURE : Marcus Francis. MAQUILLAGE : Jamie Taylor avec les produits Augustinus Bader.

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Voir DOUBLE

Regards croisĂ©s entre le duo d’artistes Gilbert & George et le crĂ©ateur de mode Jonathan Anderson sur les dualitĂ©s de la vie et la pratique artistique.

Propos recueillis par PAMELA GOLBIN


notre vie est trĂšs important. Si vous rentrez dans un ordinateur un costume de chaque dĂ©cennie des cent derniĂšres annĂ©es et que vous appuyez sur un bouton pour “faire la moyenne”, vous verrez apparaĂźtre Ă  peu prĂšs les costumes que nous portons tous les jours. Nous aimons aussi beaucoup Oscar Wilde qui a Ă©crit que la mode est si horrible qu’elle se doit de changer trĂšs souvent. J’ai Ă©tĂ© trĂšs influencĂ© par votre travail quand j’étais Ă  l’universitĂ©, et je pensais que notre collaboration (en 2018 avec la marque JW Anderson, ndlr) Ă©tait une bonne base pour en parler aux plus jeunes. Il y a une beautĂ© dans l’humour britannique que j’apprĂ©cie. Quand on regarde vos Ɠuvres du dĂ©but des annĂ©es 80, les hommes sont incroyablement sĂ©duisants.

JONATHAN ANDERSON :

L’OH : Jonathan, vous avez rĂ©cemment Ă©tĂ© nommĂ© membre du conseil d’administration du Victoria & Albert Museum de Londres.

L’IMPORTANT, depuis LE DÉBUT, CE N’ÉTAIT PAS QUE NOUS fassions DE L’ART, MAIS QUE NOUS soyons L’ART.

Photos Loewe ; courtesy Gilbert & George et Lehmann Maupin, New York, Hong Kong, SĂ©oul et Londres, DR

—GILBERT

En tant que duo magistral, Gilbert & George exĂ©cutent Ă  la perfection leur partition oĂč l’un commence une phrase et l’autre la termine. Ce sont deux voix mais une rĂ©ponse. Le couple d’artistes “so british” se complĂštent non seulement dans la pensĂ©e mais aussi dans leurs costumes-uniformes, devenus leur image de marque depuis leurs dĂ©buts, en 1967, alors qu’ils Ă©tudiaient encore la sculpture Ă  la Saint Martins de Londres. Avec son air juvĂ©nile et sa mĂšche rebelle, tel un feu follet en mouvement perpĂ©tuel, l’Irlandais du Nord Jonathan Anderson semble ĂȘtre leur parfait opposĂ©. Il partage son temps entre sa propre marque JW Anderson et la maison de luxe espagnole Loewe. Connu pour sa signature vestimentaire dĂ©calĂ©e, Anderson a trouvĂ© sa derniĂšre inspiration dans la devise de son compatriote Oscar Wilde : “Le secret de la vie est dans l’art.” Le crĂ©ateur de mode ne cache pas non plus son admiration pour le travail de Gilbert & George, ayant dĂ©jĂ  collaborĂ© avec le duo en 2018, et nous rappelant au passage Ă  quel point les gĂ©nĂ©rations continuent Ă  s’influencer mutuellement. L’OFFICIEL HOMMES :

la mode ?

Pensez-vous qu’il existe une relation entre l’art et

Aucune. Absolument aucune. Nous n’avons jamais regardĂ© la mode. Quand nous avons commencĂ© Ă  arpenter les rues de Londres en 1968, nous voulions ĂȘtre nous-mĂȘmes, en grand. C’est pourquoi nous avions des costumes pour (
)

GILBERT :

(
) pour afficher notre respectabilitĂ©. En tant que membres de la classe infĂ©rieure, nous pensons qu’il est trĂšs important de porter un costume pour une occasion importante. Si vous sortez pour aller au travail, Ă  un mariage ou Ă  un enterrement, vous enfilez un costume. Et nous pensons que chaque jour de

JA : Oui, et c’est intĂ©ressant. Gilbert et George ont mentionnĂ© Oscar Wilde. Quand je pense au costume, c’est le costume en velours chocolat d’Oscar Wilde qui me vient en tĂȘte, et le V&A vient de l’acquĂ©rir. George, tu as raison. À part les revers et la taille, le costume a trĂšs peu changĂ© depuis ces cent derniĂšres annĂ©es.

Nous voulons toujours nous dĂ©marquer et nous fondre dans la masse en mĂȘme temps. Pour cela, le costume est aussi trĂšs pratique : vous n’ĂȘtes pratiquement jamais fouillĂ©s Ă  l’aĂ©roport et vous pouvez avoir une table dans n’importe quel restaurant.

GEORGE :

GILBERT : L’important, depuis le dĂ©but, ce n’était pas que nous fassions de l’art, mais que nous soyons l’art.

Vous voulez dire que d’ĂȘtre sur votre 31 vous a toujours permis de vous en tirer ? L’OH :

Oh oui ! Nous nous en sommes toujours tirĂ©s en toute impunitĂ©, oui. Nous avons pu nous cacher d’une façon Ă  la fois Ă©norme et fantastique. GILBERT :

HabillĂ©s comme ça, nous pouvons faire ce que nous voulons. Le costume de ville est la version moderne du chevalier normand. C’est une armure masculine, non ? GEORGE :

GEORGE :

CI-DESSUS : Les artistes Gilbert & George, en 2015. PAGE DE GAUCHE, EN HAUT : Gilbert & George avec leurs “Object

Sculptures” sur le toit de la St Martins School of Art, Londres, 1968. EN BAS : Le designer Jonathan Anderson, et la collection Loewe printemps-Ă©tĂ© 2015 par Jonathan Anderson.

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L’OH :

Pour vous, Jonathan, quel est le rîle de la mode ?

JA: J’ai grandi en Irlande du Nord. Les vĂȘtements pour moi sont devenus une forme d’arme. Nous devenons tous des personnages lorsque nous allons travailler ou sortons le soir. La mode peut ĂȘtre simplement utilitaire, ou s’aventurer dans la dĂ©mesure, elle peut aussi s’envisager comme un moyen de se protĂ©ger. J’aime m’asseoir dans un parc et regarder ce que les gens portent, leur attitude, ce qui les fait se tenir. La mode est puissante dans la mesure oĂč, Ă  travers elle, vous pouvez dire la pĂ©riode dans laquelle vous ĂȘtes.

Pour nous, la mode est contre notre religion. Nous avons pris la dĂ©cision de porter nos costumes et, comme l’habit pour un moine, c’est pour la vie.

GILBERT :

L’OH : Alors que Gilbert et George sont deux personnes mais un seul artiste, Jonathan, vous ĂȘtes un designer avec une double personnalitĂ©. Vous crĂ©ez Ă  la fois pour votre propre marque, JW Anderson, et pour la maison de luxe espagnole Loewe.

L’OH : Gilbert & George, vous venez de travailler sur une sĂ©rie d’Ɠuvres

intitulĂ©e The New Normal. Comment s’est dĂ©roulĂ© ce processus ?

CI-DESSUS : La performance “The Singing Sculpture”

de Gilbert & George, en 1992.

CI-DESSOUS : “Trapped,” 1980, et “Union Dance,” 2008,

par Gilbert & George.

GEORGE : Nous sommes trĂšs excitĂ©s. Nous sentons vraiment que nous avons touchĂ© quelque chose, comme on dit. GILBERT : L’idĂ©e est venue en marchant dans les rues de Spitalfields. Nous voulions trouver un nom qui pourrait expliquer “existentialisme” en anglais. Et “normal” ne colle pas, c’est trop normal. Comme nous appelons toujours nos nouvelles images “new”, nous avons optĂ© pour “new normal”. L’OH : La pandĂ©mie a provoquĂ© des bouleversements incroyables dans les mondes de l’art et de la mode. Les foires d’art sont maintenant des salles de visionnage et la mode est une entreprise phygitale (nouvelle tendance la vente au dĂ©tail qui allie le monde physique et le monde digital, ndlr). En quoi cela a-t-il changĂ© votre façon de travailler ? GILBERT : En rien car, pour le moment, nous travaillons jour et nuit. Nous ne nous sommes pas arrĂȘtĂ©s un seul jour jusqu’à prĂ©sent.

Eh bien, la mode a vraiment changĂ©. Mais je pense qu’on arrivait Ă  la fin d’un cycle, et que le coronavirus n’a que prĂ©cipitĂ© les choses. C’est Ă  la fois effrayant et assez libĂ©rateur. J’ai davantage de temps pour rĂ©flĂ©chir et lire. Ce que j’ai trouvĂ© trĂšs difficile pendant le confinement, surtout en vivant Ă  Londres, c’est de voir les inĂ©galitĂ©s Ă©conomiques se creuser entre les gens.

JA :

Notre message principal reste le mĂȘme : jamais les gens n’ont Ă©tĂ© aussi privilĂ©giĂ©s qu’aujourd’hui. Nous sommes tous des enfants gĂątĂ©s ! GEORGE :

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Photos Loewe ; courtesy Gilbert & George et Lehmann Maupin, New York, Hong Kong, SĂ©oul et Londres, DR

JA : Je ne sais pas si vous avez vu le film Charlie et la Chocolaterie avec Gene Wilder, dont le personnage Willy Wonka doit se faire interdire de faire une chose pour la faire. Je veux dire par lĂ  que je refuse de penser que les vĂȘtements sont pour homme ou pour femme. Tout cela s’est mis en place ans ma tĂȘte quand j’étais enfant et que je faisais du shopping avec ma mĂšre, qui m’expliquait : “Pour les femmes, les boutons sont de ce cĂŽtĂ©, pour les hommes, de l’autre.” Cela me paraissait ridicule, et m’a conduit Ă  sortir des normes pour ma marque. Pour Loewe, c’est une forme plus chic de moi-mĂȘme qui s’exprime. C’est comme si je devais ĂȘtre plus calme, plus respectueux. Et j’ai le temps de l’Eurostar pour me mettre dans la peau du personnage avant d’arriver au siĂšge de Loewe Ă  Paris.


L’OH :

Que pouvons-nous y faire ?

GEORGE : L’artiste n’est pas lĂ  pour conforter les gens d’ĂȘtre comme

ils sont. Il est là pour montrer qu’il existe d’autres voies possibles.

GILBERT :

Nous voulons confronter le spectateur à ses difficultés.

On nous demande souvent pourquoi nous sommes provocateurs. Nous ne sommes pas provocateurs, certainement pas. Nous voulons simplement provoquer la réflexion.

GEORGE :

L’OH :

“L’art pour tous” est votre devise depuis longtemps.

GILBERT : Nous avons trouvĂ© ce titre en 1969. Nous voulions faire de l’art et que tout le monde puisse en tirer quelque chose. L’OH :

LA MODE PEUT ÊTRE SIMPLEMENT utilitaire, OU S’AVENTURER DANS LA dĂ©mesure, ELLE PEUT AUSSI S’ENVISAGER COMME UN MOYEN DE SE protĂ©ger.

Pensez-vous qu’il puisse y avoir une “mode pour tous” ?

—JONATHAN ANDERSON

JA : Oui. La mode est souvent vue comme une forme d’art Ă©litiste,

mais que cela nous plaise ou non, nous sommes tous impliqués au quotidien dans cette étrange expérience publique de déguisement.

GILBERT : La mode, c’est Ă©norme. C’est beaucoup plus grand que l’art parce que tout le monde veut se dĂ©guiser et se promener dans les rues de Londres, non ? L’art n’est en quelque sorte qu’un arbitre. L’OH :

Jonathan, comment voyez-vous votre rĂŽle crĂ©atif ?

JA : Je me vois comme curateur d’idĂ©es, amenant diffĂ©rentes personnes dans des salles pour collaborer sur diffĂ©rents projets. Loewe a une fondation d’art qui promeut et dĂ©cerne des prix dans les domaines de la poĂ©sie, de la danse, de la photographie et des arts et mĂ©tiers. Et c’est trĂšs important. L’un de mes plus grands hĂ©ros est William Morris (un des chefs de file du mouvement anglais Arts and

CI-DESSUS : DĂ©filĂ© Loewe Homme automne-hiver 2020. À GAUCHE : Veste, sweat-shirt et sac de la collection capsule

JW Anderson x Gilbert & George, 2018.

Crafts, ndlr), qui voulait vraiment donner la prioritĂ© aux artisans. Au dĂ©part, Loewe Ă©tait une coopĂ©rative allemande d’artisans. À ce jour, les descendants de la gĂ©nĂ©ration d’origine travaillent toujours Ă  l’usine. Il sont devenus des maĂźtres artisans et me guident car ils savent travailler le cuir, ce qui est incroyablement difficile. Nous avons Ă©tĂ© trĂšs impliquĂ©s dans le mouvement Arts and Crafts. Nous avons probablement l’une des plus grandes collections de cette pĂ©riode.

GILBERT :

GEORGE : Notre art est fait à la main mais personne ne s’en aperçoit,

et tant mieux. Nous voulons donner la sensation que ça passe directement de la tĂȘte et du sexe au mur.

JA : J’ai Ă©tĂ© trĂšs privilĂ©giĂ© de venir chez vous et d’avoir observĂ© le genre de paradoxe qu’il peut y avoir entre les Arts and Crafts et votre vision. Il a cette folie dans la juxtaposition.

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institution musĂ©ale de Londres m’a invitĂ© Ă  faire une rĂ©trospective. Je pensais que c’était Ă©trange de faire ça Ă  mon Ăąge. C’était aussi un moment bizarre dans la vie politique en Grande-Bretagne. J’en avais marre de Londres et de ses grandes institutions, alors j’ai dĂ©cidĂ© d’accepter la proposition de Wakefield. J’ai eu l’idĂ©e de regarder comment les artistes, les crĂ©ateurs de mode, les architectes, les potiers et les danseurs interprĂ©taient le corps, en incluant des Ɠuvres d’Eileen Gray Ă  Jean Arp. Cela a pris trois ans pour monter l’exposition, mais ce fut une expĂ©rience incroyable. L’OH :

Qu’avez-vous explorĂ© avec cette exposition ?

Je cherchais comment la sculpture classique interprĂ©tait le corps. J’aime l’idĂ©e d’ornementation, que le corps devienne cette sorte de vaisseau. Vous dĂ©corez un objet prĂ©cieux qui est la forme humaine. Pour moi, l’exposition consistait Ă  casser les rĂšgles. J’ai appris l’importance de les enfreindre dans n’importe quelle forme d’art afin de se trouver soi-mĂȘme.

JA :

La sĂ©duction joue-t-elle un rĂŽle important dans votre travail ?

TrĂšs important. Nous voulons sĂ©duire le spectateur. Nous aimons quand un monsieur ĂągĂ© avec deux cannes vient et nous dit : “C’est une exposition formidable car cela me fait vraiment peur.” Nous voulons avoir un effet sur le spectateur.

GEORGE :

L’OH :

Quelle est l’importance de la chance dans tout ça ?

GILBERT : Ah ! Le destin. Tout est question d’accidents avec le destin.

Tout ce que nous faisons est accidentel et rien d’autre.

Quand nous allons au studio pour crĂ©er de nouvelles images, nous y allons la tĂȘte vide. Nous soulevons les images de l’intĂ©rieur de nous-mĂȘmes sans ĂȘtre conscients de ce que nous faisons. Si nous Ă©tions conscients, si on avait un plan, nous ne ferions jamais les images que nous faisons.

GEORGE :

Jonathan, en 2016, vous avez organisĂ© une exposition, “Disobedient Bodies” (Les Corps dĂ©sobĂ©issants). Comment Ă©tait-ce ? L’OH :

Le musĂ©e Barbara Hepworth de Wakefield m’a demandĂ© de collaborer sur un projet d’exposition. En mĂȘme temps, une

JA :

L’OH : Comment dĂ©finissez-vous la beautĂ© et quel est son rĂŽle dans votre travail ?

La beauté est là pour porter le message. Couleurs et formes ne servent que cet objectif de transmission.

GEORGE :

Tout change partout, tout le temps. La culture est la plus grande force.

GILBERT :

GEORGE : Nous disons toujours “Interdisez la religion” et “DĂ©pĂ©nalisez le sexe”. Ce sont nos deux devises principales. Je suis toujours Ă©tonnĂ© quand les gens demandent ce que nous entendons

NOUS NE sommes PAS PROVOCATEURS, CERTAINEMENT PAS. Nous VOULONS SIMPLEMENT provoquer la RÉFLEXION. —GEORGE

par lĂ . Ils ne savent pas qu’au moment oĂč nous parlons, il y a des gens gisant sur le sol des cellules de la police dans plus d’une centaine de pays, affamĂ©s, et ne sachant pas s’ils seront exĂ©cutĂ©s ou non, juste pour avoir eu des relations sexuelles. C’est la mĂȘme chose avec le bannissement de la religion. Uun jour, on a frappĂ© Ă  notre porte. C’était un pasteur ĂągĂ© qui a dit : “J’adore ce que vous faites, interdire la religion, c’est merveilleux.” J’ai rĂ©pondu : “Merci beaucoup, mais pourquoi pensez-vous cela ?” “Oh, c’est trĂšs simple. Je rencontre ma congrĂ©gation le dimanche. Ce sont tous mes amis, mais je EN HAUT : “Bloody Mooning,” 1996, par Gilbert & George. EN HAUT : “Playboy,” 2011, par Gilbert & George.

Photos Loewe ; courtesy Gilbert & George et Lehmann Maupin, New York, Hong Kong, SĂ©oul et Londres, DR

L’OH :


familial. Nous n’avions pas d’argent mais nous savions que nous Ă©tions des artistes. Nous avons errĂ© dans les rues de Londres pour trouver la vie. PrĂšs de la gare d’Euston, nous sommes tombĂ©s sur un magasin vendant des objets d’occasion devenus indĂ©sirables : des abat-jours, le tĂ©lĂ©phone de l’annĂ©e derniĂšre et tous les dĂ©tritus de la vie humaine. À l’intĂ©rieur, il y avait un disque qui s’appelait Sous les arcades. Nous avons pensĂ© que c’était trĂšs Ă©trange car prĂšs de chez nous, Ă  l’époque, il y avait des clochards sous les arcades comme ça. Nous l’avons apportĂ© Ă  un ami qui avait un phonographe, et nous avons Ă©tĂ© sidĂ©rĂ©s. Les paroles exprimaient la façon dont nous voyions la vie chaque jour dans l’East End de Londres. “Le risque pour lequel nous n’avons jamais signĂ©, la culture qu’ils peuvent garder, il n’y a qu’un seul endroit que je connais et


ne veux pas qu’ils soient religieux. Je veux qu’ils soient bons.” Grand moment. Vous ĂȘtes si gĂ©nĂ©reux. Je crois que c’est pour ça que je vous aime. Quand je regarde votre travail, je suis tĂ©lĂ©portĂ©. Il rend humble et c’est remarquable. L’OH : Comment avez-vous trouvĂ© votre signature ? JA :

GEORGE : Eh bien, contrairement aux autres Ă©tudiants, lorsque nous avons quittĂ© l’universitĂ©, nous n’avions pas de filet de sĂ©curitĂ©

GILBERT & GEORGE : (chantant ensemble) 
 c’est lĂ  oĂč nous dormons. Sous les arcades, je rĂȘve mes rĂȘves. Sous les arcades, sur les pavĂ©s oĂč nous nous couchons, chaque nuit vous me trouverez, fatiguĂ© et usĂ©â€Šâ€ GEORGE : GILBERT :

Et c’est Ă  ce moment-lĂ  que nous avons trouvĂ© la vie.

AprĂšs cela, nous n’avons jamais changĂ©.

GEORGE :

L’art Ă©tait la vie et la vie Ă©tait l’art. Un seul tout.

Incroyable ! En ce qui me concerne, j’ai l’impression de n’avoir toujours pas trouvĂ© mon style, ma signature. Je suis toujours en quĂȘte de quelque chose ! JA :

EN HAUT : DĂ©tails de la collection JW Anderson automne-hiver 2020.

au milieu : Campagne Loewe printemps-été 2018 photographiée par Steven Meisel.

EN BAS : Images de l’exposition “Disobedient Bodies” de Jonathan Anderson au

musée Hepworth Wakefield.

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Vous connaissez ce look. La veste ajustĂ©e Ă  double boutonnage, les Ă©paules larges, le fameux ensemble trois piĂšces. GlorifiĂ© dans les assemblĂ©es des salles de confĂ©rence des annĂ©es 80, dans les dĂ©jeuners tardifs ou les verres pris avant dĂźner dans le vieux Four Seasons de la 52e rue Ă  Manhattan. S’habiller “de puissance” a toujours Ă©tĂ© plus qu’une simple fantaisie. C’était une impertinence fĂ©roce, un style de vie qui ne se gagne pas au fil du temps, mais qui se saisit dans un accord signĂ© en une minute, rĂ©compensĂ© par des martinis secs avec un zest. On pourrait penser Ă  Richard Gere avec un manteau en poil de chameau de Giorgio Armani dans American Gigolo ou aux chemises aux poignets retroussĂ©s que Michael Douglas porte sous des bretelles serrant la poitrine en jouant Gordon Gekko dans Wall Street. Alors que les femmes ont rapidement gagnĂ© les bureaux et gravi les Ă©chelons de l’entreprise, les hĂ©roĂŻnes cinĂ©matographiques ont fait de mĂȘme, vĂȘtues de vestes Ă  Ă©paules rembourrĂ©es et de pulls Ă  col roulĂ©. Le “power suit” fĂ©minin a portĂ© le premier coup au plafond de verre professionnel. Avance rapide jusqu’à aujourd’hui, oĂč la certitude et l’excĂšs d’hier ont Ă©tĂ© remplacĂ©s par la facilitĂ© et l’ambiguĂŻtĂ© familiĂšre. Notifications push contre cocktails de salon, pantalons de survĂȘtement contre costume-cravate. Le Four Seasons – comme d’autres symboles de la vie professionnelle – n’est plus ouvert, et le monde que nous regardons Ă  travers nos Ă©crans est trĂšs diffĂ©rent de celui d’avant. Avec la vie Ă  la maison et les interactions sociales soit

rĂ©duites par les tĂ©lĂ©communications soit relĂąchĂ©es lors de dĂźners distanciĂ©s servis sur les trottoirs Ă  ciel ouvert, s’habiller n’est plus tout Ă  fait la mĂȘme chose. Le monde d’avant se rĂ©alignera-t-il jamais avec notre nouvelle rĂ©alité ? Les dĂ©filĂ©s semblent affirmer, au moins, que les designers ont rĂ©imaginĂ© le tailoring de la mode masculine avec une perspective pleine de charme cet automne. La collection automne-hiver 202021 de Miuccia Prada, par exemple, joue sur le contraste du tricot rĂ©trĂ©ci et des costumes en laine classiques monochromes, tandis que, dans un autre monde, Virgil Abloh pour Louis Vuitton projetait un costume Ă  la coupe ajustĂ©e entiĂšrement imprimĂ© de nuages et ornĂ© de cuir avec de fugaces volants et des dĂ©tails pratiques. Nous avons vu des dizaines de fois cette oscillation entre coupes traditionnelles et modernes, au moment oĂč la mode confort offre des arguments assez forts, mais ne sommes-nous pas dĂ©jĂ  sur la brĂšche vers quelque chose de diffĂ©rent
 Dans ce portfolio mode, L’Officiel repense un dressing sans les pouvoirs auxquels nous sommes habituĂ©s. Sera-t-il flamboyant, avec une quincaillerie dĂ©corative ornant chaque costume sur mesure ? Ou sera-t-il plus nostalgique avec un cĂŽtĂ© annĂ©es 80 revisitĂ©es ? À mesure que la culture change, les uniformes Ă©voluent Ă©galement, pour prĂ©server quelque chose de prĂ©cieux, la confiance en soi. —Joshua Glass 97


DeCOdiNg DRESS

L’environnement de travail rĂ©inventĂ© laisse place Ă  une certaine expĂ©rimentation empreinte de rĂȘverie dans les standards vestimentaires. Photographie RICHIE TALBOY Stylisme DANIEL GAINES




CI-DESSUS : DONOVAN, Costume, GIVENCHY. Polo ton sur ton, GABRIELA HEARST. Chemise, PRADA. Cravate, HERMÈS. PAGE DE GAUCHE : MBAYE, Veste, chemise et cravate, VERSACE. PAGE PRÉCÉDENTE : MAXIMILIAN, Trench et chemise, DIOR. Cravate, perso.

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CI-CONTRE : JAYDEN, Veste classique et chemise, CANALI. Cravate, perso. PAGE DE DROITE : SAIDOU, Chemise sans manches, PRADA. Cravate, perso.



CI-DESSUS : MAXIMILIAN, Costume et chemise, GABRIELA HEARST. Cravate, perso. PAGE DE DROITE : DAMIEN, Veste, TOM FORD. Pull, BRUNELLO CUCINELLI. Cravate, perso.

Coiffure : Eric Williams. Maquillage : Mariko Arai.

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ROME WHEN in

Quand l’allure se mesure Ă  la Ville Ă©ternelle. DĂ©fiant le temps, Ă  la fois classique et passionnĂ©e. Photographie FILIP KOLUDROVIC Stylisme LUCA FALCIONI



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CI-DESSUS : Blazer et chemise, FENDI. Boucle d’oreille en argent, MARCO DE LUCA. PAGE DE GAUCHE : Manteau en laine, col roulĂ© en latex, pantalon et chaussures en cuir, GIVENCHY. PAGE PRÉCÉDENTE : Manteau-cape en laine, LOEWE. Bottes, FENDI.

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CI-DESSUS : Veste et chemise, ERMENEGILDO ZEGNA. Bagues, MARCO DE LUCA. PAGE DE GAUCHE : Manteau en laine, chemise en popeline et pantalon, PRADA.

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CI-DESSUS : Blazer et col roulĂ©, TOM FORD. Boucle d’oreille, MARCO DE LUCA. PAGE DE DROITE : Manteau, pantalon et boots, BOTTEGA VENETA.

Coiffure : Danilo Spacca. Maquillage : Claudia De Simone. Assistants stylisme : Carolina Spezzi et Claudio Dianetti.

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Juste un Clou necklace in yellow gold and diamonds, Clash de Cartier ring in white gold, Juste un Clou ring in white gold and diamonds, Juste un Clou bracelet in white gold and diamonds, Pasha de Cartier watch CARTIER Bodysuit and jacket ALAĂ?A Skirt and boots COPERNI OPPOSITE PAGE: Same as above


BOLD

type

Jouant avec la peau, la lumiùre et les nuances monochromes, les piùces maütresses de la saison ont le courage d’oser. Photographie RICARDO GOMES Stylisme LUCA FALCIONI



CI-CONTRE : Blazer croisĂ©, col roulĂ© et Ă©charpe en laine, BERLUTI. Chapeau, RUSLAN BAGINSKIY. Boucle d’oreille, ALAN CROCETTI. PAGE DE DROITE : Blazer en laine check, haut en latex, pantalon, chapeau et chaussures lacĂ©es, GIVENCHY. Boucle d’oreille, ALAN CROCETTI. PAGE PRÉCÉDENTE : Blazer en tissu lamĂ© et chemise, ALEXANDER McQUEEN. Chapeau, RUSLAN BAGINSKIY. Lunettes de soleil, GENTLE MONSTER.




PAGE DE GAUCHE :

CI-CONTRE : Costume rayĂ© et chemise imprimĂ©e, MSGM. chapeau, STEPHEN JONES. Blazer en tissu brodĂ© Ă  revers en satin et chapeau, VERSACE. Boucle d’oreille et bague, ALAN CROCETTI. Collier, perso.


CI-CONTRE : Blazer, chemise, col roulé et pantalon, BOTTEGA VENETA. Chapeau, STEPHEN PAGE DE DROITE : Smoking à revers en satin brodé, VERSACE. Chapeau, STEPHEN JONES. COIFFURE ET MAQUILLAGE :

Brady Lea.

ASSISTANTS STYLISME :

JONES. Collier, ALAN CROCETTI. Chaussures, GUCCI. Boucle d’oreille et bague, ALAN CROCETTI. Collier, perso.

Silvia Vitali et Jiois Gallo.



La vie de

CHÂTEAU Un aprùs-midi langoureux met en valeur les textures et les motifs les plus opulents. Photographie GUILLAUME MALHEIRO Stylisme CÉLINE BOURREAU & RAPHAEL DE CASTRO



CI-DESSUS : Chemises en coton imprimĂ© et pantalons, VALENTINO. PAGE PRÉCÉDENTE : DE GAUCHE À DROITE, Chemise, pantalon et sac en bandouliĂšre, RYNSHU. Chemise et pantalon, MSGM. Grand manteau doublĂ©, SEAN SUEN.

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DEVANT, Veste à imprimé animalier et pull en laine, DRIES VAN NOTEN. Pantalon, MSGM. Mocassins, GIUSEPPE ZANOTTI. DERRIÈRE, Veste et pantalon en laine check et chemise, MSGM. Mocassins, CHRISTIAN LOUBOUTIN.

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CI-DESSUS : DE GAUCHE À DROITE, Veste en mouton, pull, pantalon et sandales. Veste en tissu drapĂ©, chemise et cravate.

T-shirt Ă  manches longues, gilet et pantalon. Le tout, BALMAIN.

PAGE DE DROITE : DEVANT, Manteau en laine rebrodĂ©e, DIOR. DERRIÈRE, Manteau en laine et boucle d’oreille, DIOR.

126


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CI-DESSUS : Manteau en laine et peau, HERMÈS. PAGE DE DROITE : Complet en prince-de-galles, GIORGIO ARMANI.

Coiffure : Simon Chossier. Maquillage : Ophélie Crommar. Merci au chùteau de FerriÚres.

128



Un regard

singulier

Pudique, fin, sensible : Falling, le premier long-mĂ©trage rĂ©alisĂ© par Viggo Mortensen, ressemble Ă  l’idĂ©e que l’on se faisait de son auteur. Échanges avec un acteur rare, donc prĂ©cieux. Propos recueillis par BAPTISTE PIÉGAY Photographie QUENTIN DE BRIEY




Falling est, littĂ©ralement, l’histoire d’une chute – celle d’un homme, Willis (Lance Henriksen, sensationnel de nuances) frappĂ© par une maladie neuro-dĂ©gĂ©nĂ©rative. Le film remonte patiemment le fil du temps, depuis l’enfance de son fils, John (Viggo Mortensen), jusqu’à l’ñge adulte, en passant par l’adolescence, ne cherchant jamais Ă  rendre aimable un personnage fonciĂšrement dĂ©testable – homophobe, vaguement raciste (Ă  ce titre, le couple que John forme avec son compagnon Eric le hĂ©risse particuliĂšrement) –, mais juste Ă  reprĂ©senter son humanitĂ© dans sa complexitĂ©, Ă  filmer les malaimables qui aiment mal. Avec beaucoup de dĂ©licatesse, Mortensen raconte autant la dĂ©tresse devant la maladie que la vie qui persiste – ordinaire, prosaĂŻque, tendre.

JE N’AI jamais CONSIDÉRÉ QU’ÊTRE ACTEUR ÉTAIT UNE forme D’ART ÉTRANGÈRE AUX autres. L’OFFICIEL : Quand et comment est nĂ© ce film ?

La premiĂšre fois que j’ai voulu trouver le financement pour rĂ©aliser un film que j’avais Ă©crit, c’était il y a vingtquatre ans. Depuis, j’ai tentĂ© Ă  de nombreuses reprises de monter des projets, avec d’autres scĂ©narios que j’avais Ă©crits. Il m’a fallu plusieurs tentatives, et quatre ans, pour donner vie Ă  Falling. Cette histoire m’est venue aprĂšs l’enterrement de ma mĂšre. J’ai voulu me replonger dans les souvenirs que je gardais de sa relation avec mon pĂšre, et de l’éducation que nous avions reçue avec mes frĂšres. Si Falling est mon premier film, c’est parce qu’il s’agit du premier que j’ai rĂ©ussi Ă  faire financer.

L’O : De quels cinĂ©astes, parmi tous ceux et celles avec qui vous avez travaillĂ©,

pensez-vous avoir le plus appris ?

J’ai eu l’immense chance d’avoir Ă©tĂ© Ă  trĂšs bonne Ă©cole avec d’excellent(e)s cinĂ©astes, et d’avoir appris beaucoup des films dans lesquels je ne jouais pas. Je pourrais citer des dizaines d’exemples de scĂ©narios, de direction artistique, d’éclairage, que j’ai admirĂ©s, ou dĂ©testĂ©s. Bien que je n’aie jamais consciemment imitĂ© le travail ou le style de qui que ce soit, je pense que tout ce que j’ai vu au cours de ma vie a forcĂ©ment influencĂ© ma façon de raconter des histoires. Mais il y a trois aspects de mĂ©thodologie que j’ai adoptĂ©s : prĂ©parer le tournage aussi soigneusement que possible et autant en amont que possible ; rester Ă  l’écoute des suggestions de la part de l’équipe et de la distribution ; et ĂȘtre prĂ©sent tout au long du montage. PAGE DE GAUCHE ET PAGES PRÉCÉDENTES : Veste

rĂ©cit adopte un rythme trĂšs contemplatif, il avance avec beaucoup de douceur. C’était un choix dĂšs l’écriture ou qui s’est imposĂ© au tournage ? VM : Le rythme et le recours aux silences dans certaines scĂšnes ont Ă©tĂ© dictĂ©s Ă  la fois par l’histoire elle-mĂȘme, sa dimension plastique, le mixage du son, sa cadence, et par ce qui s’est imposĂ© au montage. Les rĂ©actions non-verbales des personnages, notamment pour le rĂŽle de Willis (interprĂ©tĂ© par diffĂ©rents acteurs, selon la sĂ©quence chronologique du rĂ©cit, ndlr) Ă©taient aussi importantes que les dialogues. En ce qui concerne la musique, en tant que spectateur, je n’aime pas tellement lorsqu’elle m’indique explicitement ce que je suis censĂ© ressentir ou penser. Bien avant le premier jour de tournage, je savais que Falling exigeait une musique discrĂšte. L’O : Comment avez-vous travaillĂ© avec Marcel Zysking, le directeur de la

photographie ? Avec des moodboards trĂšs prĂ©cis ?

VM : Pas exactement. J’ai en effet partagĂ© avec lui des photographies, que j’avais prises moi-mĂȘme ou signĂ©es par d’autres artistes. Je lui ai aussi indiquĂ© les quelques films dont l’identitĂ© visuelle me semblait rejoindre ce que j’avais Ă  l’esprit pour Falling, en termes d’éclairage, de positionnements des camĂ©ras, de cadrages, etc. Nous avions une idĂ©e trĂšs prĂ©cise de ce Ă  quoi nous aspirions car, huit mois avant le dĂ©but du tournage, et mĂȘme avant que nous ayons trouvĂ© les financements nĂ©cessaires pour faire le film, nous avions commencĂ© Ă  filmer dans les lieux oĂč nous finirions par tourner. Cette Ă©tape a Ă©tĂ© cruciale : l’idĂ©e Ă©tait de rĂ©unir des plans, tournĂ©s dans des zones rurales oĂč se dĂ©roule le rĂ©cit, Ă  diffĂ©rentes saisons, pour les utiliser comme projections visuelles des souvenirs des protagonistes. Non seulement nous y sommes parvenus, mais cela nous a permis de faire connaissance professionnellement, et de rĂ©aliser que nos approches esthĂ©tiques se rejoignaient. L’O : Avez-vous

VIGGO MORTENSEN :

VM :

L’O : Le

demandĂ© conseils aux rĂ©alisateurs et rĂ©alisatrices avec qui vous avez travaillé ? VM : J’ai fait lire le scĂ©nario Ă  certains. Et Ă  un ami Ă©diteur. Je voulais avoir un retour sur ce qui marchait, ou pas, en termes de structures et de rythme narratif. Heureusement, il leur a plu, et j’ai reçu quelques avis qui m’ont permis de l’affiner.

Qu’attendez-vous, en tant qu’acteur, sur un plateau ? Une direction d’acteur trĂšs ferme ou laissant plus d’espace et de liberté ? L’O :

J’aime les cinĂ©astes qui arrivent extrĂȘmement bien prĂ©parĂ©s, et savent ce qu’ils veulent, mais qui ont aussi assez confiance en eux pour rester Ă  l’écoute des remarques de l’équipe.

VM :

L’O : Vous-mĂȘme, sur le plateau de Falling, comment vous comportiez-vous ? VM : J’ai essayĂ© de m’adapter aux besoins de chacun. Naturellement, les acteurs les plus jeunes avaient besoin de directives plus explicites, mais j’ai tenu Ă  leur permettre d’ĂȘtre libres. L’O : Vous Ă©crivez de la poĂ©sie, composez de la musique. Est-ce que vous tenez

à ne pas vous cantonner à un seul champ d’expression artistique ?

Je n’ai jamais considĂ©rĂ© qu’ĂȘtre acteur Ă©tait une forme d’art Ă©trangĂšre aux autres. Écrire, faire des photos, rĂ©aliser, composer de la

VM :

et pantalon, RAF SIMONS. Sweat-shirt, TAGLIATORE.

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musique
 sont des langages diffĂ©rents qui, selon moi, entretiennent un rapport entre eux. Ce sont les branches d’un mĂȘme arbre.

L’O : Est-ce que vous considĂ©rez qu’en tant qu’artiste vous avez un devoir de

L’O : Un aspect du film m’a beaucoup frappĂ© : il ne porte aucun jugement sur

VM : Je suis un ĂȘtre humain et un citoyen du monde. En tant que tel, j’ai autant le droit, ni plus ni moins, que n’importe qui d’autre de m’exprimer sur tel ou tel sujet, et quoi que l’on pense de mon degrĂ© d’expertise ou de pertinence.

VM : Oui. Personne n’est rĂ©ductible Ă  une seule dimension. Quand je prĂ©pare un rĂŽle, que ce soit comme acteur ou comme auteur, je cherche toujours Ă  en faire ressortir les contradictions qui caractĂ©risent n’importe qui.

LE degrĂ© DE COURTOISIE ET DE respect QUE J’ACCORDE À chaque PERSONNE EST LE critĂšre LE PLUS IMPORTANT POUR ÉVALUER MON Ă©volution.

le personnage de Willis, qui est pourtant odieux. Il m’a fait penser Ă  ces vers de Leonard Cohen : “And the dealer wants you thinking/That it’s either black or white/Thank God it’s not that simple/In my secret life.” Estce que vous y reconnaissez votre dĂ©marche ?

L’O : Est-ce que votre filmographie reprĂ©sente votre biographie ? VM : Nous sommes dĂ©finis par les choix que nous faisons au quotidien ;

j’imagine donc que les rĂŽles que j’ai choisis et la façon dont je les ai interprĂ©tĂ©s appartiennent Ă  mon Ă©volution personnelle, Ă  mon histoire. J’aimerais m’aventurer Ă  dire, cependant, que la façon dont j’interagis avec les autres et dont je les traite, le degrĂ© de courtoisie et de respect que j’accorde Ă  chaque personne que je rencontre, dans le cadre privĂ© ou professionnel, est le critĂšre le plus important pour Ă©valuer mon Ă©volution. L’O : Que cherchez-vous dans un rĂŽle ? Vous y retrouver ? Ou, Ă  l’inverse, y

dĂ©couvrir quelque chose qui vous est totalement Ă©tranger ?

VM : À l’origine, je n’essaie pas de me retrouver dans un personnage, mais plutĂŽt de trouver une histoire qui m’intĂ©resse, et que j’aurais aimĂ© voir en tant que spectateur. Une fois que j’ai acceptĂ© un rĂŽle, j’essaie de trouver une connexion pour l’exploiter, et accentuer, le cas Ă©chĂ©ant, un trait de mon caractĂšre, si cela peut contribuer Ă  l’élaboration de mon rĂŽle. Par principe, il n’y a aucun personnage que je ne m’imaginerais pas jouer. Chaque rĂŽle que je joue implique de distinguer un point commun, mĂȘme infime, avec moi. Le reste du travail repose sur mon imagination, Ă  laquelle je ne fixe aucune limite.

prendre la parole pour dĂ©fendre telle ou telle cause ?

L’O : Quelles scĂšnes, au thĂ©Ăątre ou au cinĂ©ma, vous ont durablement marqué ?

VM : Je me pose une question sur mon personnage qui peut dĂ©boucher sur une multitude de rĂ©ponses : “Que s’est-il passĂ© dans la vie de ce personnage avant la premiĂšre page de ce scĂ©nario ?”

VM : Il y en a beaucoup trop pour les citer. Pendant le confinement, j’ai revu beaucoup de films que je n’avais vus depuis longtemps. Certains que j’avais aimĂ©s il y a des annĂ©es me plaisaient toujours autant, si ce n’est plus, et d’autres, moins. Du coup, je crois que ce qui m’inspire Ă©volue, ou plutĂŽt que j’évolue de telle façon que les moments qui me font forte impression ne sont plus nĂ©cessairement les mĂȘmes.

L’O : Vous n’ĂȘtes pas prĂ©sent sur les rĂ©seaux sociaux, Ă  une Ă©poque oĂč c’est peu

L’O : Quels sont les films, livres et disques qui vous ont rĂ©cemment plu ?

L’O : Avez-vous une mĂ©thode de travail d’avant de commencer un tournage ?

commun


VM : Il

n’y a pas assez d’heures dans une journĂ©e, je n’ai donc aucune intention d’ajouter une nouvelle activitĂ© que je trouve frivole la plupart du temps. Mes jours sur terre sont dĂ©jĂ  assez occupĂ©s pour ne pas les lester d’une dĂ©pense d’énergie chronophage. L’O : Avez-vous des modĂšles vous guidant dans votre carriĂšre ? VM : Je

me fie Ă  mes instincts autant que possible, et si je peux me le permettre, j’attends de trouver la bonne histoire. Je n’ai aucune idĂ©e prĂ©conçue, ni de genre, ni de nationalitĂ©, ni de budget, sur ce qui peut m’intĂ©resser


Burning the Books de Richard Ovenden, dont j’ai beaucoup appris, tout comme All For Nothing (Schluss! en français) de Walter Kempowski et d’Apeirogon de Colum McCann. Revoir Une JournĂ©e particuliĂšre d’Ettore Scola, Hiroshima, mon amour d’Alain Resnais, L’Atalante de Jean Vigo et Les Saints Innocents de Mario Camus, Ă©tait un vif plaisir. J’ai beaucoup Ă©coutĂ© le pianiste de jazz Bill Evans, le trompettiste Ibrahim Maalouf, la pianiste Martha Argerich et le groupe Skating Polly. VM :

Falling, de et avec Viggo Mortensen. Avec Ă©galement Lance Henriksen, Laura Linney, Terry Chen et Hannah Gross. En salles le 4 novembre.

PAGE DE DROITE : Manteau, PRADA. Chemise, DRIES VAN NOTEN. Pantalon, TAGLIATORE. Boots, JOHN LOBB. STYLISME: Simonez Wolf. COIFFURE : Fidel Fernandez. ASSISTANT PHOTO : Achraf Issami. ASSISTANTE STYLISME : Maya Valere-Gille.

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CHERCHEURS D’AURA Palais, riad, villa brutaliste, hĂŽtel californien, appartement haussmannien ou bar british, les multiples projets architecturaux de Studio KO s’enchaĂźnent comme autant de scĂ©narios semĂ©s aux quatre coins de la planĂšte. Rencontre. Karl Fournier et Olivier Marty, alias Studio KO, ont commencĂ© par laisser leur empreinte aux pieds de l’Atlas. Entre le Maroc et eux, c’est d’abord une histoire d’amour. DiscrĂštement mais non sans vision, ils ont gravĂ© dans la terre crue et le bĂ©ton bouchardĂ© le vocabulaire de leur mantra. Un jour, la mode a fait irruption dans leur vie par le biais d’un musĂ©e haute couture. Une Ă©piphanie qui a hissĂ© le duo sur le podium des architectes et designers les plus brillants de leur gĂ©nĂ©ration. Dans leur architecture, l’épure, la tension, la lumiĂšre appellent Ă  la contemplation. À l’intĂ©rieur, oĂč ils savent doser les Ă©lĂ©gances, l’avant-garde et le vernaculaire dansent le mĂȘme slow. Parfois une touche d’or illumine l’ombre d’un mur, le contrepoint Ă  une frugalitĂ© recherchĂ©e. L’OFFICIEL HOMMES :

parcours ?

Pourquoi le Maroc compte-t-il autant dans votre

STUDIO KO : Cela a commencĂ©, pendant nos Ă©tudes d’architecture aux Beaux-Arts, par un coup de cƓur pour le pays, les paysages,

la lumiĂšre, la chaleur et l’envie d’y travailler. C’était encore le xxe siĂšcle, il n’y avait pas foule comme aujourd’hui Ă  Marrakech, et rapidement, on y a fait des rencontres dĂ©cisives comme celle de Jean-NoĂ«l Schoeffer, propriĂ©taire lĂ -bas – et encore aujourd’hui – d’une des premiĂšres maisons d’hĂŽtes. TrĂšs vite s’est nouĂ©e une amitiĂ© profonde, quasi fraternelle. Le Maroc, c’est un peu comme le “Protect me from what I want” de l’artiste Jenny Holzer : de temps en temps les choses que l’on dĂ©sire le plus arrivent. D’abord un projet pour la famille HermĂšs, suivi d’un autre pour les Agnelli. Cette typologie de clients a induit la suite, sans calcul, sans prĂ©mĂ©ditation aucune. Cela a aussi coĂŻncidĂ© avec le boum phĂ©nomĂ©nal qu’a connu la destination dans ces annĂ©es-lĂ . En tant qu’architectes français, nous ouvrions en quelque sorte la voie sans savoir qu’autant de nos compatriotes s’engouffreraient dans la brĂšche. De deux collaborateurs sur place Ă  l’époque, Studio KO Marrakech est passĂ© Ă  cinq, puis dix et en compte dĂ©sormais entre vingt-cinq et trente, en fonction de l’importance des projets sur place.

Propos recueillis par NATHALIE NORT Photographie NOEL MANALILI RĂ©alisation LAURE AMBROISE


Karl Fournier et Olivier Marty, alias Studio KO, photographiĂƠs par Noel Manalili.


L’O : Comment

cette façon d’imbriquer art, mode et architecture a-t-elle servi de catalyseur au musĂ©e YSL ? SK : Ce musĂ©e scelle une rĂ©conciliation entre l’art et la mode. Il est l’illustration d’un engouement, d’une Ă©piphanie. Longtemps les musĂ©es ont regardĂ© la mode de haut, sans vraiment mesurer ce que cet univers dit de notre Ă©poque, de nos prĂ©occupations. Aujourd’hui, il n’est qu’à voir les rĂ©trospectives de couturiers se multiplier au musĂ©e pour comprendre que la prise de conscience a enfin eu lieu. L’O : Quelle orientation avez-vous suivie ? SK : Au dĂ©part nous Ă©tions peu familiers du travail de SaintLaurent, ce sont les archives de la fondation Ă  Paris qui nous ont permis de dĂ©couvrir l’incroyable richesse de son talent, un foisonnement, une insatiable curiositĂ© qui a rĂ©volutionnĂ© l’époque. La volontĂ© de Pierre BergĂ© Ă  travers ce musĂ©e, au-delĂ  de l’hommage au couturier dont il avait partagĂ© la vie, Ă©tait de se servir du nom de Saint-Laurent pour attirer les gens et les plonger

MAINTENANT MISSONI fait SON lit, JACQUEMUS PASSE À table
 À L’INVERSE, NOUS serions BIEN incapables DE CRÉER UNE collection DE VÊTEMENTS.

dans un bain de culture. Pour les Marocains, cet accĂšs Ă  la culture n’est pas si facile. Peu de musĂ©es encouragent Ă  l’éveil artistique autrement que par l’histoire ou le patrimoine. Sa vision Ă©tait donc, en parallĂšle des collections permanentes issues de la fondation YSL, d’accueillir des artistes, marocains et internationaux, des expositions temporaires, de programmer des concerts, des confĂ©rences, des films, d’ouvrir aux Ă©tudiants et chercheurs son importante bibliothĂšque traitant du monde berbĂšre, de botanique ou de mode. En faire un lieu de curiositĂ©, “ouvert sur la ville et sur la vie”, Ă©tait essentiel Ă  Pierre BergĂ© qui, dĂšs les prĂ©mices du projet, nous a interdit “d’en faire un mausolĂ©e”. L’O : Avant le musĂ©e YSL, vous avez Ă©tĂ© Ă  l’origine des boutiques AMI d’Alexandre Mattiussi
 SK : Avec Alexandre, le courant est passĂ© tout de suite. Il nous 138

Photos Dan Glasser

—STUDIO KO


Photos Dan Glasser, Adrien Gaut

incapables de dessiner une collection de vĂȘtements. Parce que c’est un mĂ©tier, que nous ne l’avons pas appris des annĂ©es durant, ni mĂȘme abordĂ© par l’expĂ©rience. Autres travers de la mode Ă  s’imposer dans l’univers de la maison, le rythme, la saison doivent Ă©pouser la tendance du moment. Et la presse dĂ©co se plie Ă  ce diktat ! Notre mĂ©tier devrait plutĂŽt viser l’intemporalitĂ©, loin des effets de mode. L’O : Durer, est-ce la force de Flamingo Estate, pour laquelle Richard Christiansen a fait appel Ă  vous ? SK : La dimension narrative de cette villa de Los Angeles Ă©tait son meilleur atout. Elle a un tel pouvoir d’attraction que Richard l’a achetĂ©e sans mĂȘme l’avoir visitĂ©e. Le papy qui l’occupait depuis quarante ans vivait au milieu des vestiges de sa vie de producteur de porno gay, dans une accumulation de milliers de diapos, de bobines de films, d’accessoires et de dĂ©cors. Quand Richard a enfin pu acheter la maison, il nous a appelĂ©s pour imaginer la suite “de son jardin de plaisir et de fantaisie”.

a parlĂ© non pas de boutique mais de mode, de la façon dont il crĂ©e et des nombreuses questions qui animent son mĂ©tier. Notre proposition l’a sĂ©duit parce qu’elle rencontrait la voie mĂ©diane, un vestiaire Ă  la fois portable et atypique, une ligne de crĂȘte assez risquĂ©e qui assume autant le baroque de la culture urbaine qu’un certain classicisme. Pour les sept boutiques, de Paris Ă  Hong Kong en passant par Londres et la Chine, il s’agissait de retranscrire un ADN qui cultive volontiers cet antagonisme jamais fortuit. L’O : Quel est votre rapport Ă  la mode masculine ? SK : CompliquĂ©, parce que s’habiller n’est pas un geste anodin, et cela demande de l’attention. D’ailleurs nous avions voulu dessiner notre propre uniforme, identique pour nous deux, Ă  peine variable selon la saison. Une sorte d’identitĂ© visuelle rapportĂ©e au corps. L’O : N’y a-t-il pas une sorte d’entrisme de la mode dans le champ de l’architecture ? SK : Oui, la mode s’oblige continuellement Ă  une croissance sans limites et vampirise notre mĂ©tier d’architecte. On fait maintenant signer l’agencement d’un restaurant ou le dessin d’une lampe par des stylistes renommĂ©s. On a eu Armani, Lacroix ou Gaultier pour rhabiller les intĂ©rieurs. On voit maintenant que Missoni fait son lit ou que Jacquemus passe Ă  table. À l’inverse, nous serions bien Page de gauche : le musĂ©e YSL de Marrakech et la piscine de la villa K Ă  Tagadert, Maroc. Page de droite : (haut) la villa G Ă  Bonnieux, France ; (milieu) la villa DL Ă  Essaouira ; (bas, gauche) la villa D Ă  Al Ouidane, Maroc, et (bas, droite) un dĂ©tail de la boutique Balmain Ă  New York.

L’O : Projet fou ou projet pour un fou ?

Les deux, mais Richard est un fou sympathique. Il avait dĂ©jĂ  en tĂȘte des maisons brutalistes sur fond d’agaves gĂ©antes et de dĂ©sert. Son sĂ©jour au Chiltern Firehouse a Ă©tĂ© le dĂ©clic ; notre pitch de famille edwardienne chassĂ©e de son chĂąteau lui a plu. Le timing californien Ă©tait idĂ©al puisqu’à l’époque AndrĂ© Balasz nous consultait pour relooker trois appartements de Chateau Marmont. Pour Flamingo Estate, le bĂ©ton s’est vite imposĂ© dans la construction de l’escalier, entre ziggourat et villa Malaparte, ainsi que pour le pavillon de bains. On a imaginĂ© cette piĂšce comme le climax de sa journĂ©e. Lui qui prend deux bains par jour peut s’y ressourcer, allumer un feu de cheminĂ©e, phosphorer. La lumiĂšre et la couleur jouent ici un rĂŽle essentiel. Amis Ă©colos, n’ayez crainte, on a veillĂ© Ă  ce que l’eau des bains serve Ă  l’arrosage du jardin ! SK :

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À Flamingo Estate vu par

FRANÇOIS HALARD pour L’OFFICIEL

À Flamingo Estate, Ă  Los Angeles, le pavillon de bains et le jardin, imaginĂ© en collaboration avec le paysagiste Arnaud Casaus.

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Photos François Halard pour L’Officiel.

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Photos courtesy François Halard

CI-DESSUS : détail des escaliers de Flamingo Estate. PAGE DE DROITE : le pavillon bureau dans le jardin de Flamingo Estate, tout en briques vernissées vertes.



WORLD WIDE Artiste dĂ©construisant la mode, Samuel Fasse s’entretient avec l’architecte sonore Michel Gaubert sur les libertĂ©s et les Ă©checs du sensoriel et d’Internet. Propos recueillis par JUSTIN POLERA Photographie FRANÇOIS QUILLACQ



SI VOUS PRENEZ une IMAGE ROUGE, QUE VOUS mettez DE LA MUSIQUE QUI vous FAIT PENSER JAUNE, alors PEUT-ÊTRE que LE RÉSULTAT SERA UN ORANGE sur DU BLEU. —MICHEL GAUBERT

En 2017, le jeune artiste Samuel Fasse a prĂ©sentĂ© Le Regard ailleurs, une Ɠuvre immersive au Palais de Tokyo en parallĂšle de la programmation de la fashion week d’automne de Paris. L’exposition a marquĂ© Ă  la fois la premiĂšre collection de ce diplĂŽmĂ© de l’AcadĂ©mie royale des beaux-arts d’Anvers et l’émergence de sa pratique hybride, et Fasse est apparu comme un prodige des pratiques performatives. Depuis, il remet en question la notion mĂȘme d’auteur, dissolvant immĂ©diatement sa propre qualitĂ© d’auteur en collectifs et collaborations. L’exposition de Fasse Ă©tait un Gesamtkunstwerk – ce que le monde de l’art appelle une Ɠuvre totale –, un spectacle qui se dĂ©plaçait entre le rĂ©el et l’irrĂ©el, le physique et l’immatĂ©riel, le plastique et le virtuel. Contrairement Ă  d’autres installations artistiques immersives, le spectateur a expĂ©rimentĂ© un punctum – une fracture dans l’espace et le temps – parce qu’il pouvait voir l’artiste mais pas ce que l’artiste lui-mĂȘme voyait. Ils partageaient la mĂȘme piĂšce mais existaient dans des rĂ©alitĂ©s distinctes. La vidĂ©o enregistrĂ©e de la performance bouge entre les sujets dans un monde virtuel en 3D, avec la composition musicale de la piĂšce comme fil conducteur que le spectateur et l’artiste partagent. La musique est ainsi au cƓur du travail collaboratif de Fasse, qui comprend des danseurs, des artistes, des producteurs de textile, des artisans et d’autres sommitĂ©s de la scĂšne underground et des ballrooms parisiens comme la lĂ©gendaire House of Ninja. Le crĂ©ateur sonore parisien Michel Gaubert est omniprĂ©sent dans le monde de la mode et a fait plus que quiconque pour façonner l’expĂ©rience du dĂ©filĂ© contemporain. Depuis les annĂ©es 1990, il crĂ©e des paysages sonores immersifs pour les shows de visionnaires tels que Karl Lagerfeld, Raf Simons et Dries Van Noten. Et si la plupart de ses mix ne durent pas plus de 10 minutes, beaucoup sont restĂ©s dans la mĂ©moire collective de la mode et sur les playlists depuis des dĂ©cennies. Les performances de Fasse ont une durĂ©e similaire mais leur force rĂ©side dans la transformation de l’Ɠuvre longtemps aprĂšs la fin de l’évĂ©nement lui-mĂȘme. L’expĂ©rience est un voyage, ou un trip. Et l’on peut en sortir transformĂ©. Michel dit que le son est une expĂ©rience visuelle. Qu’est-ce que cela signifie pour vous deux ? L’OFFICIEL HOMMES :

MICHEL GAUBERT : Je pense que la musique est le compagnon auditif

d’un dĂ©filĂ© de mode. L’ensemble du spectacle est essentiellement une image que vous crĂ©ez. La musique accompagne la mode mais elle apporte aussi une autre image. Si vous prenez une image

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rouge, que vous mettez de la musique qui vous fait penser jaune, alors peut-ĂȘtre que le rĂ©sultat sera un orange sur du bleu. C’est une juxtaposition de choses rĂ©unies. SAMUEL FASSE : C’est drĂŽle parce que, lorsque je t’ai rencontrĂ© pour la

premiĂšre fois Michel, une de nos conversations a Ă©tĂ© de t’expliquer ma pratique artistique. Cette idĂ©e de juxtaposer ces diffĂ©rents Ă©lĂ©ments pour en faire quelque chose de plus est similaire Ă  ma vision. Je veux montrer l’image globale de ma pratique, mais c’est bien d’avoir quelque chose de physique qui s’ajoute Ă  quelque chose de plus abstrait.

MG : Lorsque vous voyez un film, vous mĂ©morisez la bande-son, et lorsque vous l’entendez, vous voyez le film dans votre esprit. Il y a tellement de dĂ©filĂ©s de mode dont je me souviens par leur musique.

Oui, c’est vrai, le son peut nous transporter. Quand j’essaie de construire des Ă©cosystĂšmes, c’est vraiment comme si les corps devenaient leurs propres dĂ©clencheurs. C’est une composition musicale en temps rĂ©el qui se fait seule. Tu te souviens, Michel, j’avais l’habitude de travailler avec Jackson et son Computerband (le musicien Jackson Fourgeaud, ndlr). Nous avons constituĂ© un lexique des sons qui ensuite fusionnaient. À partir de lĂ , j’ai commencĂ© Ă  faire de la musique par le geste.

SF :

L’OH : Depuis les annĂ©es 1990, le terme “authenticitĂ©â€ est critiquĂ©, et la notion mĂȘme de crĂ©ateur de mode en tant que “grand auteur” s’est effondrĂ©e. Les marques sont devenues plus que la vision d’un seul artiste, et l’idĂ©e de collaboration a changĂ©. Michel, il y a eu d’énormes changements dans le monde, comme la naissance d’Internet, depuis l’époque mĂȘme oĂč vous avez commencĂ© Ă  travailler avec Karl Lagerfeld
 MG : Pour la musique en effet, Internet n’existait pas vraiment, il a fallu attendre le milieu des annĂ©es 90, voire le dĂ©but des annĂ©es 2000. Je me souviens que j’étais Ă  New York en 2001, je travaillais sur un dĂ©filĂ© qui, au dernier moment, a Ă©tĂ© annulĂ©. Mais une semaine plus tard, il est finalement reprogrammĂ©, j’ai donc dĂ» envoyer la musique de Paris
 Le fournisseur a dĂ» se rendre dans un bureau pour avoir un plus haut dĂ©bit et la rĂ©ceptionner. Il a fallu 45 minutes pour envoyer 10 minutes de musique. Au milieu des annĂ©es 2000, cependant, tout a changĂ©. Nous avons eu un accĂšs immĂ©diat Ă  tant de choses
 On peut voir, entendre et lire beaucoup de choses dĂ©sormais. Nous sommes tous fondamentalement devenus nos propres Ă©diteurs.


DE HAUT EN BAS : Veste, DRIES VAN NOTEN. Pantalon, BOTTEGA VENETA. Bracelet, D’HEYGERE. Chemise et pantalon, HERMÈS. T-shirt, BORD PARIS. Boots, BOTTEGA VENETA. Veste, ROCHAS. Pull et pantalon, LANVIN. PAGES PRÉCÉDENTES, À GAUCHE : Veste, chemise et collier, CELINE PAR HEDI SLIMANE. À DROITE : Pull, BOTTEGA VENETA. Col roulĂ©, LEMAIRE. Pantalon et chaussures, BORD PARIS.

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L’OH : Je suis Ă©galement intĂ©ressĂ© par ce changement parce que beaucoup d’entre nous n’ont jamais vu – ou entendu – un dĂ©filĂ© avant qu’il ne soit numĂ©risĂ©. La mode est dĂ©sormais passĂ©e d’un statut rĂ©servĂ© aux “initiĂ©s” aux “outsiders” qui y ont accĂšs. Comment pensez-vous que les choses ont changé ?

Cela a Ă©tĂ© trĂšs progressif. Nous avions des idĂ©es que nous ne pouvions pas concrĂ©tiser parce que la technologie n’était pas encore lĂ . J’ai fait quelque chose avec Bruce Nauman pour Viktor & Rolf en 2010 : des CD comme art sonore pour le dĂ©filĂ©. Ensuite, la vidĂ©o a Ă©tĂ© mise en ligne sur un site d’actualitĂ©s, mais on ne pouvait pas lire la musique faute de droits d’utilisation. Tout a commencĂ© Ă  devenir fou. C’était au dĂ©but du streaming. Maintenant, la plupart du temps, les gens acceptent parfaitement que vous utilisiez tout. Peut-ĂȘtre qu’on se rapproche d’une attitude Ă  la Richard Prince.

MG :

Est-ce que maintenant les gens voient tout sur Internet comme Ă©tant libre de droits ? Tout le monde peut utiliser ce qu’il aime ?

sur Instagram oĂč je poste beaucoup de photos, certaines que j’ai prises moi-mĂȘme et d’autres qui sont de provenance inconnue. Une fois, j’ai postĂ© une photo d’un chien et le crĂ©ateur de l’image s’est Ă©nervĂ© contre moi : ‘Vous volez mon travail. C’est une photo que j’ai prise.’ Il m’a dit que je devais la supprimer et ĂȘtre signalĂ© Ă  Instagram. Je lui ai demandĂ© de me laisser le taguer dans le crĂ©dit avec une ligne de courtoisie. ‘Pourquoi est-ce que vous ĂȘtes si contrariĂ© de possĂ©der une photo de votre chien sur la plage ?’ Pourquoi poste-t-il une image sur Instagram s’il ne veut pas que les gens la prennent ? Oui, je pense que c’est un changement majeur qu’Internet a apportĂ©. La propagation de votre travail mais sans savoir comment celui-ci est perçu. C’est l’une des principales composantes de ma recherche artistique : la rĂ©ception et la reprĂ©sentation.

SF :

L’OH :

MG : Tout devrait ĂȘtre libre de droits

d’auteur parce qu’autrement tout sera protĂ©gĂ© par des droits d’auteur. Les gens vont breveter les modĂšles, ils peuvent mĂȘme demander aux gens assis au premier rang d’ĂȘtre copyrightĂ©s. La vie ne peut pas exister de cette façon. Tout serait extrĂȘmement plat.

TOUT LE MONDE VEUT VOUS mettre DANS UNE BOÎTE, vous CATÉGORISER, C’EST PLUS rassurant. MOI, JE N’ACCEPTE PAS les CATÉGORIES.

L’OH : Vous ĂȘtes tous les deux trĂšs ouverts Ă  l’idĂ©e d’ĂȘtre des artistes ou des crĂ©ateurs queer. Qu’est-ce que cela signifie pour vous ? MG : Pour moi, ĂȘtre un artiste queer en 2020 signifie la mĂȘme chose qu’ĂȘtre un artiste queer dans les annĂ©es 90. Je n’ai jamais fait de coming out. Je pense qu’il est trĂšs important d’ĂȘtre qui je suis et de ne pas se soucier de ce que les gens pensent de moi. Je me fiche des autres. Parfois, je ne vais pas Ă  la Gay Pride parce que je ne suis pas un activiste de premiĂšre ligne qui se bat pour ses droits, mais je fais ma part. Je fais savoir aux gens qui je suis dans tout ce que je fais ; il n’y a pas de dualitĂ©. Et il est important qu’on sache que je suis queer car cela aide aussi beaucoup de gens. C’est pourquoi je le dis ouvertement. Être soi-mĂȘme, c’est ce qui compte le plus pour moi.

SF : Parce que j’ai grandi avec Internet, je n’ai jamais eu aucune de ces expĂ©riences avec les droits d’auteur. C’est dĂ©jĂ  stressant pour moi de trouver des Ă©lĂ©ments de mon travail sur le web ! En vĂ©ritĂ©, je n’y pense jamais quand je travaille sur un concept. Je suis tout Ă  fait —SAMUEL FASSE pour la collaboration et la diffusion de mon travail sur le web aussi loin que possible. J’utilise Ă©galement les SF : Je travaille toujours avec des nouvelles technologies dans mon personnes proches de moi. J’ai travail. Les gens de partout peuvent prendre une des piĂšces et souvent des interprĂštes trans et POC dans mon travail, et on me l’utiliser pour quelque chose d’autre. Je me souviens qu’un jour, demande souvent ce que j’essaie de dire avec ça. On pense que je un ami travaillait dans un bureau de crĂ©ation en Asie et suivait veux dĂ©livrer un message sur les problĂšmes des transgenres, mais les tendances dans le monde. Il m’a Ă©crit : ‘Oh mon Dieu, une de tes ce n’est pas ça. Ces interprĂštes sont tout simplement mes amis, performances est diffusĂ©e en CorĂ©e en ce moment !’ À ce moment, j’ai et si je devais dire quelque chose sur leurs problĂšmes je le ferais rĂ©alisĂ© qu’une de mes Ɠuvres pouvait ĂȘtre montrĂ©e et expĂ©rimentĂ©e d’une autre maniĂšre. À notre Ă©poque, nous avons la libertĂ© d’ĂȘtre n’importe oĂč. Le travail peut se propager Ă  travers le monde d’une qui nous sommes – Ă  Paris du moins. Tout le monde veut vous maniĂšre que vous, en tant qu’artiste, ne pouvez pas contrĂŽler. mettre dans une boĂźte, vous catĂ©goriser, c’est plus rassurant. Moi, Dans mon travail, il y a des moments intimes que je partage je n’accepte pas les catĂ©gories. dans le temps et l’espace oĂč ils se produisent, et l’expĂ©rience aprĂšs m’échappe. Vous ne savez pas quels seront les effets : nĂ©gatifs ou MG : Quand vous regardez l’état du monde, les gens sont en train positifs. d’ĂȘtre privĂ©s de leurs droits fondamentaux. Nous sommes en 2020 et j’aurais aimĂ© que nous soyons allĂ©s plus loin que lĂ  oĂč nous MG : La mode suscite beaucoup de rĂ©actions nĂ©gatives. Ce que je sommes actuellement. D’un cĂŽtĂ©, nous nous battons et les gens fais, je le fais pour moi-mĂȘme et pour les personnes avec lesquelles deviennent plus ouverts. Mais d’un autre cĂŽtĂ©, les gens veulent je travaille. C’est la mĂȘme chose pour vous. Il y a des gens qui vont tout remettre dans un placard. Je ne suis pas un combattant, mais vous suivre et vous comprendre, tandis que d’autres vous regardent en mettant mes goĂ»ts en avant, j’espĂšre pouvoir contribuer Ă  un et pensent vous comprendre, mais ce n’est pas le cas. C’est pareil changement dans le monde.

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À GAUCHE : Costume, bague et boots, GIVENCHY. T-shirt, PONZI. Collier, perso. AU CENTRE : Pull, pantalon, bracelet et boots, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Collier, perso. À DROITE : Veste, DSQUARED2. Pantalon, ACNE STUDIOS. Bracelet, D’HEYGERE. Boots, LEMAIRE. Collier, perso. Stylisme: Margaux Dague. Coiffure : Fidel Fernandez. Assistante photo : Yvonne Dumas Milne. Assistante Stylisme : Lea Sanchez.

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Preuves à l’appui

Chemise boutonnĂ©e impeccable, cravate en soie, mocassins en cuir
 Jusqu’à trĂšs rĂ©cemment, les basiques de la garde-robe pour hommes Ă©taient immuables, mais grĂące aux rĂ©volutions dans l’expression du genre et de la masculinitĂ©, ce n’est plus le cas. À l’approche du centenaire de L’Officiel, nous vous avons Ă  nouveau demandĂ©, Ă  vous nos lecteurs, de nous indiquer vos accessoires les plus dĂ©sirables de cette saison. Et vous ĂȘtes des milliers Ă  avoir rĂ©pondu, Ă  travers le monde entier, sur les rĂ©seaux sociaux, partageant vos habitudes d’achat et sĂ©lectionnant les piĂšces les plus prometteuses pour l’automne-hiver 2020-21. Des souliers brogues Ă  bouts carrĂ©s de Burberry aux lunettes de soleil oversized rouges Loewe, vos choix reflĂštent les mouvements de la mode masculine d’aujourd’hui. Alors que les couleurs neutres et les formes classiques rĂšgnent toujours, l’ajout d’un accessoire plus audacieux offre un tailoring parfait dotĂ© d’un nouveau swag. Exemples ? Le sac Ă  bandouliĂšre de Dior portĂ© avec des gants jusqu’aux coudes, ou un collier de cristaux Gucci drapĂ© au hasard sur un manteau et un blazer. Alors que les hommes et les femmes commencent Ă  partager Ă  la fois leurs placards et les podiums, la dĂ©finition de la mode masculine s’est Ă©tendue Ă  une expĂ©rimentation brillante. Mais bien sĂ»r, aucune garde-robe ne serait achevĂ©e sans une montre classique. Photographie JENNIFER LIVINGSTON



PAGE DE DROITE :

CI-CONTRE : Sac, BOTTEGA VENETA. Chaussures, BURBERRY. PAGE PRÉCÉDENTE : Sacs, DIOR.




CI-CONTRE : Chapeau, GIVENCHY. PAGE DE GA UCHE : Lunettes de soleil, LOEWE.



CI-CONTRE : Montre, TAG HEUER. PAGE DE GAUCHE : Collier, GUCCI.



PAGE DE GAUCHE :

CI-CONTRE : Chaussures, PRADA. Bonnet, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO.


Le style des annĂ©es 70 Ă©tait aussi radical en son temps qu’il ne l’est aujourd’hui. Les annĂ©es 70 ont Ă©tĂ© un champ d’expĂ©rimentation. S’appuyant sur le dandysme moderne de la dĂ©cennie prĂ©cĂ©dente, la mode masculine, en particulier, Ă©tait audacieuse et flamboyante, redĂ©finissant la perception collective du style masculin. Plusieurs annĂ©es avant l’avĂšnement de L’Officiel Hommes, et d’autres publications de style crĂ©Ă©es uniquement pour les hommes, L’Officiel a reconnu cet impact sur la mode. À partir d’une Ă©dition de 1972 qui mettait en avant les silhouettes les plus ajustĂ©es et les plus Ă©vasĂ©es de la dĂ©cennie, ainsi qu’une abondance de tissus Ă©cossais, le magazine a commencĂ© Ă  consacrer un dossier Ă  la mode masculine dans chacune de ses Ă©ditions. Les pages reflĂ©taient les nouvelles excentricitĂ©s de style portĂ©es Ă  l’extrĂȘme par des icĂŽnes

comme David Bowie et Mick Jagger. Avec ses couleurs saturĂ©es, ses imprimĂ©s branchĂ©s et ses vĂȘtements dĂ©contractĂ©s faits sur mesure, la garde-robe masculine s’est transformĂ©e en quelque chose qui mĂ©rite d’ĂȘtre regardĂ©e. L’influence des annĂ©es 1970 se retrouve dans les derniĂšres collections pour hommes. Satin, daim, volants, imprimĂ©s mĂ©langĂ©s sont privilĂ©giĂ©s cette saison par des maisons comme Gucci, Dries Van Noten et Givenchy. RĂ©trospectivement, l’incursion de L’Officiel dans le monde de la mode masculine reflĂšte sa nature pionniĂšre, Ă  l’origine des notions actuelles du style masculin : regarder vers l’avenir tout en se dĂ©lectant du prĂ©sent. —Sophie Shaw


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V I S E Z L’ E X C E L L E N C E

ROMAIN NTAMACK - RUGBYMAN INTERNATIONAL FRANÇAIS - AMBASSADEUR GARMIN

© 2020 Garmin Ltd. ou ses filiales.

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