Longueur d'ondes N°92

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entrevues

Geo Balasta

accélérateur de particules   Julien Naït-Bouda

Faire frictionner les atomes entre eux, les agiter jusqu’à la formation d’un vortex temporel confondant les époques, ce n’est pas de la physique quantique, mais l’opération musicale formulée par un savant fou du dancefloor dont les expériences tournent couramment à la dégénérescence…

A

lors que la standardisation des sons électroniques atteint son apogée (merci les logiciels), et que l’avenir de l’électro semble être raccordé à un passé de moins en moins fantasmé (le retour du modulaire), c’est un vent de folie que s’apprête à souffler dans nos oreilles cet

« Ma musique correspond à la limite entre le vide et l’action autour des trous noirs. » étrange personnage... Geoffroy Boyer aka La folle du désert (pour ses DJ sets) raconte ainsi comment il a rejoint ce monde sonore synthétique : « Faire de la musique c’est comme une randonnée. Assez rapidement quand j’ai commencé, mes sons étaient bien plus rythmiques que mélodiques. C’est comme 22 Longueur d’ondes N°92

Karl Pez

mettre un pied devant l’autre et trouver un rythme qui te fait traverser un paysage. L’unité qui cimente mes morceaux, c’est le voyage. » Le rythme imposé par ce dernier n’est pourtant pas de l’ordre de la contemplation et repose sur une vitesse supersonique parcourant des univers musicaux d’une électricité défrisante. Ce feu follet explique sa démarche : « Un de mes buts initiaux, c’était clairement de faire danser et transpirer. Cet aspect exutoire ou performatif, voilà ce qui me motivait. On peut y voir un phénomène réellement physique : c’est une onde qui vient te soulever, que l’on répète et que l’on va déformer. C’est pour moi la grande force de la musique. » Déformer l’espace, le rétrécir jusqu’à l’imploser ou l’étendre pour le libérer, voilà un double

mouvement caractéristique du geste de cet artiste en marge, refusant toute standardisation. « Oui je recherche une certaine déviance afin de façonner une identité musicale propre. Ça permet d’être dans la surprise, à la façon d’un masque, d’un cache, qui rend possible le débordement : c’est une façon d’exacerber une partie de moi. De plus pour la musique, ça peut laisser de la place au hasard et à l’absurdité. » Dans cette posture émerge également le goût d’une certaine ironie, comme pour casser la réalité moribonde et ses conventions tragi-comiques. « C’est comme dans la commedia dell’arte : ce sont des personnages caricaturaux qui peuvent être grossiers, naïfs, rusés… La finesse ou la nuance de leur caractère ne se révèlent que dans les interactions entre ces arcanes et dans les situations générées par la narration. Les tracks c’est pareil, elles gagnent beaucoup à être vécues ensemble, c’est comme les actes d’une même pièce de théâtre. » Un premier acte donc, qui devrait défrayer la chronique et azimuter bien des neurones… i dsoundcloud.com/geobalasta

Topos, l’horizon des évènements Johnkôôl Records “Cinq satellites tournant autour du cortex cérébral de Geo Balasta”, ainsi pourrait se penser cette première production dont la musique techno agit tout en pulsation. « Ma musique est tellurique et cet EP correspond à la limite entre le vide et l’action autour des trous noirs. L’idée était de pouvoir se situer quelque part dans un paysage en captant des fréquences et ne plus savoir qui est l’émetteur… ». Et il faut dire que ce disque brouille les pistes de la scène techno. S’élançant sur un BPM à 150 flirtant avec le gabber après seulement 15 secondes d’ouverture, “Alienlova”, parcourant des sillons drone, mais encore EBM sur “Si mentor”, se terminant dans un bain d’acide de plus de sept minutes. “Queste”, l’univers de la rave se révèle sans limites. Faudrait-il encore pouvoir dépasser cette fâcheuse ligne d’horizon d’où rien ne revient parait-il ?


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