Longueur d'ondes N°92

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chroNiques Des centaines de chroniques sur longueurdondes.com

ARM Codé

DAVID ASSARAF Ceux qui dorment dans la poussière

BADEN BADEN La nuit devant

VINCENT BAGUIAN Le méchant live et les gentils bonus

Yotanka Tous styles confondus, ils sont très peu à pouvoir penser avec autant de cohérence texte et musique. Hermétique à l’air du temps, ce MC pas comme les autres, totalement autonome, s’enfonce encore plus profondément sur ce LP dans son après rap alternatif post-industriel. Sur de longues plages cinématiques faussement apaisées, il incarne plus que jamais à travers son flow aussi calme qu’implacable une conscience poétique de la modernité. Utilisant à merveille la distance salvatrice de l’écriture et la musicalité de la langue, il dessine les chimères d’un monde où l’humanité semble disparaître au sens propre comme au figuré. Symboliquement, sa voix se transforme ainsi à l’envi dans la machine, jusqu’à se noyer dans des climats synthétiques. Intelligemment, au cœur de sa noirceur, il ménage de somptueux moments de répits, pour mieux revenir au front sur un final dantesque et apocalyptique, achevant de main de maître ce touchant manifeste humaniste quoi que terriblement désenchanté.

Abbesses Music Publishing Non content d’être majestueusement servi à la guitare par Matthieu Chedid, David Assaraf manie la plume avec dextérité. Référence au Boris Vian insubordonné de J’irai cracher sur vos tombes, jeux de mots androgyne (“Beau et mienne”) ou franglais (“Love songe”) puis peinture impressionniste avec les mots (les maux ?), qu’importe le véhicule : l’auditeur est happé dans cet univers singulier et n’en ressortira pas indemne. Des bleus à l’âme et des ecchymoses sur les cordes vocales. La voix rocailleuse et traînante d’un Gainsbarre des grandes heures. L’amour aussi, toujours, celui qui part ou qui ne vient pas, celui qui fait mal quand on se languit de lui... Puis le plaisir et la valse enivrante de cette existence incompréhensible ; le timbre se fait mélodieux, le vibrato délicat (“Et que rien ne m’éveille”). Le mal-être sournois qui s’insinue comme un poison... La solitude des indésirables. Ce sont les thèmes de ce poète aux faux airs de clown triste.

Starlite Rec / Kuroneko Restés silencieux depuis la sortie en 2015 de l’album Mille Éclairs, qui l’a vu tourner un peu partout, le tandem révélé en 2012 revient avec un troisième album plus électronique qu’à ses débuts, conçu entre Paris et la Bretagne. Mixé par Florent Livet (Phoenix, Two Door Cinema Club...) et Pavlé Kovacevic (Sébastien Tellier), il dévoile onze titres pop et amples, plus synthétiques dans leurs arrangements qu’aux débuts du groupe (des boîtes à rythme du très beau “CLSS” aux nappes de synthés du morceau “Les débuts”), même si l’ossature de certains d’entre eux restent encore acoustiques et les arpèges du guitariste Julien Lardé toujours présents (mais en lignes de fond plus discrètes). Côté textes, la prose du chanteur Eric Javelle, écrite en français, n’a pas pris une ride, soulevant avec poésie et mélancolie des thématiques tournant autour du désenchantement, de la passion ou du temps qui passe. Un disque de pop et de rock vaporeux, poétique et très moderne, parfait pour aimer la nuit et l’embrasser tout l’hiver.

Cul & chemise Il y a constamment de l’audace chez Baguian. Celle qui se dessine en filigrane dans ses textes, toujours impeccables, est visible depuis les débuts. Celle de son positionnement atypique aura mis plus longtemps à nous atteindre. Dans ce nouveau disque, l’artiste nous propose un voyage dans le temps, ou plutôt une sorte de boucle temporelle. En sortant ce live huit ans trop tard (comme il aime le rappeler dans le livret soigné et complet de 42 pages !) et en l’agrémentant d’une dizaine de démos en guise de bonus, il ne s’accorde pas seulement le luxe d’une rétrospective, il nous offre un plongeon dans l’univers passionnant de la création. Tantôt, il nous permet de comparer deux versions d’une même chanson, et l’on s’amuse à relever les évolutions de paroles, tantôt c’est carrément une démo encore chaude qu’il nous offre, à peine sortie du four du compositeur qui est en train de la travailler. Alors on s’en délecte, comme de la baguette exquise d’un des meilleurs artisans de sa catégorie.

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LAURENT THORE

ÉMELINE MARCEAU

JOSEPH MOREAU

LONGUEUR D’ONDES N°92 43


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