decouvertes
Sophie Le Cam ou l’avenir de la chanson
I
Pierre-Arnaud Jonard
l y a des artistes qui sont capables à eux seuls de dynamiter un genre musical. Cette jeune auteure-compositrice a réussi à sortir la chanson française de son ronron habituel et Dieu que cela fait du bien. Elle y est parvenue grâce à ses textes incisifs, ironiques, mêlés à une bonne dose d’autodérision et à un côté presque punk inhabituel dans le monde de la chanson. Il ne faudrait cependant pas trop se fier aux apparences. Si les spectacles de la chanteuse sont à mourir de rire, que ses morceaux drôles sont ce qui se fait de mieux en matière d’humour, une autre partie de son univers invite, lui, à la mélancolie. Un univers complexe, qui la voit passer d’un titre délirant à la Philippe Katerine à un morceau triste empreint de la même profondeur que les plus belles chansons de Renaud : « Il a été l’un de mes trois chocs artistiques avec les Deschiens et Ruy Blas de Victor Hugo au théâtre. Les thèmes qu’il
Dalhia
Guendalina Flamini
aborde sont souvent proches de ce que je fais et nous avons en commun le fait que nos morceaux soient souvent des portraits. Nos vocabulaires sont assez similaires avec un parler plus proche du quotidien que de celui de la chanson à texte. » D’ailleurs, l’artiste ne se sent pas chanteuse engagée : « Il y en a qui font ça très bien. Je n’ai pas envie d’être donneuse de leçons. J’ai bien fait une chanson sur les religions, mais je l’ai écrite de façon décalée. » Si elle n’est pas directement politique, la chanteuse dépeint de très belle façon le quotidien, la société : les SDF, le couple ou la banlieue : « Celle-ci n’est pas si horrible en fait. Lorsque tu en vois les inconvénients, tu peux en extraire quelque chose de drôle. » C’est sans doute pour cela qu’un public de plus en plus large la découvre : parce que ses histoires sont aussi un peu les nôtres. dfacebook.com/chansonsdemoi.sophielecam
Veuillez croire / Autoproduction
diamant noir
C
Jean Thooris
omme un naturel mélange électro entre Britney Spears et les zones parmi les plus torturées de la cold wave, ainsi se présente Dalhia : Rachel Geffroy (machines et chant) et Simon Vouland (batterie), binôme aussi inquiétant sur scène que théorique en interview. Car si leurs deux premiers titres proposés sur le Net distillent une puissante sensation d’étrangeté, cela tient surtout au long mûrissement d’un projet originaire du Havre, puis devenu concret au fameux studio 106 de Rouen (Adrian, de MNNQNS, a mixé les premières compositions). Un temps nécessaire pour Dalhia afin de se trouver une identité assez remarquable : mystique, freudienne, barrée, mais avec l’honnêteté des auteurs-compositeurs ayant bien des choses à exprimer. « Dire de notre musique qu’elle est angoissante est un compliment », prévient Rachel. On comprend : l’angoisse renvoie
Guendalina Flamini
au refus de certains stéréotypes, particulièrement « au cliché de la chanteuse toute sage et mignonne ». Féministe acharnée, Rachel revendique une méchanceté, une volonté de cracher sur le sexisme trop répandu dans le monde du spectacle. Dalhia appartient à l’époque #MeToo. Ce serait déjà remarquable, bien qu’éphémère, si le groupe, avec ses faux-semblants macabres et son R’n’B hitchcockien, ne cherchait à outrepasser les clichés du sombre et du lumineux, à ne pas voir tout blanc ou tout gris. Guère un hasard si Rachel cite Étienne Daho en tant que référence : comme dans les classiques Pop Satori et Eden, la musique de Dalhia contredit sa mélancolie par une volonté d’ensoleillement pop. « Je reste positive, mais la vie c’est pas la joie » résume Rachel, assez résignée. dfacebook.com/Dalhia999
hide my face (EP) / Autoproduction
8 Longueur d’ondes N°92