LB n°66 : /TRANSFORMATION

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T NSFORMATION N66 0,50€ LOUVR’BOITE

DirecteurN°TreizièmeLouvr’Boîteannée66,0,50€depublication

: Eloise Briand

Couverture : Eloise Briand Ont contribué à ce numéro : Adrien Barbault, Angeline Wiard, Anouk Hubert, Aubin Maudeux, Axel Martin, Blandine Adam, Caroline Legendre, Cassandre Bretaudeau, Célestine Castrigno, Co ralie Gay, Daphné Lemaître, Eloïse Briand, Eve Elmassian, Flora Fief, Gabriel Barnagaud, Gabriel Schmit, Gwladys Jolivet, Hippolyte Campe, Inès Amrani, Jeanne Spriet, Jeanne Thomann, Lilou Feuilloley, Manon de Maistre, Marie Vuillemin, Mathilde Cloüet, Mathilde Rodrigues, Matteo Vassout, Mélissande Dubos, Noemie Carpentier, Pauline Drancey, Raphael Papion, Raphael Vau dourdolle, Sofiya Pauliac, Solène Roy, Suzanne De lannoy, Suzanne Gilles, Tyfenn Le Roux, Victoria ÉcoleLarrieudu

Louvre, Bureau des élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 PARIS CEDEX 01.

Facebook : fb.com/louvrboite Twitter : ISSNInstagram@louvrboite:@louvrboite1969-9611.Imprimé sur les presses de l’École du Louvre (France). Sauf mention contraire, ©Louvr’Boîte et ses auteurs.

Courriellouvrboite.fr:journaledl@gmail.com

Responsable communication : Alex Martin Maquette : Mélissande Dubos, Lilou Feuilloley, Co ralie Gay, Blandine Adam, Noémie Carpentier

Bonjour à vous chers lecteurs, C’est avec un pincement au cœur que nous écrivons notre dernier édito en tant que co-présidentes du journal (avant le numéro hors-série, spécial Gala, restez connectés !). Mais pour ce numéro, pour le moins original (et oui, on est à la fin ou au début, enfin vous avez compris !), on a décidé de tout changer ! Pour cette transformation totale, retrouvez nos très célèbres mots, à un article négatif en passant les drag queen… Pour le reste, on vous laisse tourner les pages (comme un manga) pour découvrir toutes les sur prises qu’on vous réserve ! Eloïse et Flora

EDITO

Rédactrice en chef : Flora Fief

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SOMMAIRE Alphabet : une aventure de A à Z p.4-7 Cet article est négatif p.8-10 Laissez-vous métamorphoser ! p.11-13 Quelle est votre métamorphose favorite? p.14-15 Faut-il s’adapter p.16-19 Horoscope p.20 Drag queen : revendiquer, performer, raconter p.21-23 Mots croisés Réponseslouvrboite.frp.24-25p.26desmotscroisés p.27 3

Mais alors, comment fabrique-t-on un alphabet à la mode proto-sinaïtique?

’est un voyage que je vous propose, en effet, une très grande partie des systèmes alphabétiques actuels est issue d’une origine commune, qui pourrait remonter au XVe siècle avant notre ère avec l’alphabet proto-sinaïtique. Et ce sont de ces alphabets que nous allons traiter aujourd’hui, en évitant de partir sur la pente glissante de traiter de tous les alphabets existants n’ayant pas nécessairement de lien de parenté, comme le hangeul: l’alpha bet coréen, géorgien ou encore l’alphasyllabaire canadien.

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Tout d’abord, on cherche un son… /a/ ou coup de glotte. Puis on cherche un mot qui commence par le même son… Aleph, le taureau ! Et on dessine vaguement la forme d’un taureau pour évoquer ce son. Je vous ai pris l’exemple le plus facile, l’origine des autres lettres est parfois bien incertaine.

Alphabet, une aventure de A à Z Alphabet… C’est un bien grand mot, et pourtant vous remarquez combien il est utile. Avec la seule combinaison d’une vingtaine de symboles, il vous est possible de lire cet article en entier, dans toute sa complexité, et on sait à quel point il est intéressant. Avant de me perdre sur le sujet formidable de la communication écrite, je tenais à faire un petit éloge de l’alphabet.

Parce que de tous les systèmes d’écriture, il est le plus pra tique, une vingtaine de signes suffisent à noter tous les mots –Certes, une trentaine pour l’alphabet cyrillique - contrairement aux systèmes de syllabaires, qui comptent parfois une centaine de caractères. Ne parlons même pas des systèmes d’idéogrammes, qui, eux, peuvent comporter plusieurs milliers de signes ! Une simplicité qui a poussé une grande partie du monde à utiliser des systèmes alphabétiques pour noter leur langue…

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Il semblerait que le son /b/ représente une maison unicellulaire, beth dans les langues sémitiques. Et plein d’autres petites choses du genre, kaph est la paume de la main, mem, l’eau... Il semblerait par ailleurs que ces signes soient parents des hiéroglyphes égyptiens. Il existe des tableaux comparatifs que vous pouvez retrouver très facilement.

Proto-sinaïtique

AyinBethAlephKaph

On a alors vingt-quatre signes qui ont majoritairement va leur de consonnes, on a aussi des semi consonnes, c’est une autre histoire. Cela va sans dire, notre alphabet latin ne ressemble plus beaucoup à une liste de pictogrammes. Et pour cause, il a beaucoup voyagé entre-temps. Depuis le Sinaï il est allé au Levant, où les Phéniciens l’ont bien utilisé et remanié. C’est une écriture cursive qui est très utilisée lors des échanges. C’est là que les Grecs le reprennent à leur compte.- Quand je vous dis que les Grecs n’ont rien inventé ! -D’accord, ils ont rajouté quelques voyelles pour la forme mais quand même, c’est flagrant, même dans le nom des lettres ! Alpha pour Aleph, Bêta pour Bet, Gamma pour Guimel, Delta pour Dalet, on peut continuer longtemps, aucun doute sur la parenté ! Mem Phénicien

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En effet, malgré l’apparente simplicité des systèmes alpha bétiques et l’attrait que présente la possibilité de lire toutes les lan gues avec les mêmes lettres, il ne vous a pas échappé qu’il nous est parfois très difficile de comprendre la prononciation d’un mot étranger en le voyant seulement à l’écrit. Je pense que nous avons déjà tous fait l’expérience d’écorcher complètement un mot an glais en tentant de le prononcer en l’ayant simplement vu écrit… Knife, Throughout !!!! - et pourtant les lettres nous sont fami lières. Elles ont simplement pris des valeurs différentes au cours du temps. A tel point que je me demande si on ne devrait pas parfois translittérer les prononciations des mots d’une langue à l’autre, alors même que l’on utilise le même alphabet. Ce qui s’est déjà vu, un souvenir d’un mémorial du débarquement, qui pré

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Et à partir de là c’est l’escalade. De l’alphabet grec découle l’alphabet latin (je ne vous fais pas de dessin, si vous suivez toujours c’est que vous connaissez un peu la question). Avec les adaptations qui en découlent et les bizarreries de chaque langue. Eh oui, si vous vous pensiez tirés d’affaire avec une vingtaine de signes, en réalité, il faut compter les variantes de chacun, j’ai nommé les accents, les cédilles, les lettres entrelacées, barrées… Les êtres capables de maîtriser un alphabet sont des gens incroyables

Enfilez un manteau, je vous emmène dans les pays slaves. En effet, c’est au IXe siècle, pour des raisons purement liées à la conversion des populations slaves au christianisme, que Cyrille invente l’alphabet qui porte aujourd’hui son nom. Il reprend très largement l’alphabet grec de l’époque, en y ajoutant quelques ca ractères pour s’adapter à la langue, en effet, il se rend compte que certains groupes de sons sont suffisamment récurrents pour pos séder leur propre lettre ts/tch/chtch : Ц/Ч/Щ, ainsi que d’autres voyelles et diphtongues ia/iou Я/Ю. Ce qui en fait un alphabet très rationnel et parfaitement adapté à la langue qu’il transcrit, puisqu’on a une lettre pour un son, un graphème composé d’une lettre. Non ça n’est pas le seul mais je trouve l’alphabet cyrillique très esthétique

En plus ce sont des alphabets consonantiques, ce qui signifie que les voyelles ne sont pas notées, il faut donc connaître la langue pour vocaliser -oui, c’est comme ça qu’on dit prononcer avec les voyelles- un mot. On a aujourd’hui des systèmes de notation des consonnes dans les deux langues, mais ils ne sont pas nécessairement utilisés.

sentait de petits nécessaires distribués aux soldats anglophones pour communiquer avec des francophones, comportant mot, tra duction, et prononciation selon une écriture familière. Vous me direz, c’est pourtant très simple, il suffirait d’apprendre l’alphabet phonétique, mais honnêtement, entre nous, qui a été capable d’en apprendre tous les signes ? Vous remarquerez que j’ai fait le choix de ne pas l’utiliser dans cet article pour éviter de perdre tout le monde.

Retenez-moi de déverser plus longuement mon amour pour l’écriture avant que je ne vous parle du guèze, du pinyin et des systèmes alphabétiques utilisés pour les langues amérindiennes. Je voulais conclure en vous parlant du thème de ce jour nal, la transformation, parce que les systèmes de notation évoluent constamment, qu’ils sont en constante adaptation. Au sein d’une même langue, à travers le temps ce qui nous permet de les dater grâce à la paléographie, en voyageant, en traversant des mers, des montagnes, l’écriture nous permet de nous comprendre, sans parler, de faire passer des messages, de marquer son passage sur terre… (Note à moi-même, verser une petite larme). Noémie

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Retour au Proche Orient, vous pouvez reposer le manteau. S’ils paraissent extrêmement différents, les alphabets arabe et hébreu, que l’on nomme abjad, ont bien tous deux également la même origine phénicienne et araméenne. Si l’alphabet hébreu s’écrit toujours avec des lettres détachées, l’alphabet arabe lui, semble tenir la connexion de ses lettres de l’alphabet nabatéen.

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~ petit traité sympathique d’autotestologie

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Un écouvillon dans la narine. Et une barre, parfois deux. Vous avez pratiqué ce nouveau sport national vous aussi, je le sais, je le sens, je le renifle même. De nos petits conciliabules à la Rédaction est remontée l’angoisse de l’attente, ce quart d’heure de vérité où le liquide monte, et où le résultat s’affiche tout en délicatesse. Mais com ment fonctionne au juste un autotest ? Quel procédé chimique est à l’œuvre ? En un mot comme en cent, comment le vieux reste de morve logé au fond de vos naseaux peut-il subitement se mettre à dessiner de petits traits rouges sur ce délicat appareil à usage unique que tout le monde s’ar rache ? Voilà une transformation qui nécessite investigation.

L’autotest, contrairement au test PCR qui recherche l’ARN du virus, ne détecte que des fragments de la protéine virale, nommés “antigènes” (eh oui, voilà le mot). Ces antigènes peuvent notamment être des protéines formant l’enveloppe du virus. Et le test va détecter celles-ci grâce au procédé de l’immunochromatographie à flux latéral. N’éternuez pas, j’explique.

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Sitôt votre petit écouvillon chargé de matière nasale, la plongée dans la solution permet de fractionner les cellules pour libérer les protéines virales de ce sacré covid. Une fois des gouttes du mélange déposées dans la cassette, le liquide migre par capillarité et monte, monte, monte telle une petite chenille, selon ce schéma vaguement angoissant qui vous est habituel, jusqu’à former - et c’est dans le pluriel que se niche le vice - un ou deux petits hiéroglyphes rouges. Ce procédé de migration est d’ailleurs utilisé dans une batterie de tests de diagnostic rapide (TDR pour les intimes), que ce soit pour le paludisme, le choléra ou le VIH. Concrètement, l’autotest n’est rien d’autre qu’un test de grossesse pour le nez - très Nicolas Gogol comme idée. Voilà pour le flux latéral. Quant à l’immunochromatographie, il faut retourner à vos cours de chimie du collège, où quelques photos de votre manuel vous ont probablement présenté le principe de la chromatographie sur couche mince. La technique a été inventée par Mikhaïl Tswett en 1900, au cours de ses travaux sur la chlorophylle. L’on sépare les différents composés d’un mélange en les faisant migrer grâce à une phase liquide (le solvant) sur une phase stationnaire (la membrane en nitrocellulose contenue dans la cassette).

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Quant à la couleur des petites barres, elle est due au réactif qui marque la présence de l’anticorps : le latex si elles sont bleues… ou l’or colloïdal si elles s’affichent rouges ! Eh oui, voilà plusieurs mois que nous tenons tous au quotidien de l’or dans nos mains… et que nous nous mouchons dedans. Voilà une anecdote qui pourra occuper le quart d’heure d’attente après votre prochain test et qui, à coup sûr, vous fera briller. Marie Vuillemin Dans le cas précis de l’autotest, le mélange passe à travers un anticorps et se lie à celui-ci si des antigènes sont présents, ce qui provoque l’apparition de la première petite barre colorée. L’excès de mélange continue à migrer jusqu’à former une seconde ligne colorée, qui n’a qu’une fonction de contrôle.

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Querelles amoureuses, passion naissante entre dieux olym piens et mortels, coups de théâtre, promesses et trahisons… Non, vous ne venez pas de tomber sur la dernière série Netflix mais bien sur Les Métamorphoses d’Ovide , le plus long texte de l’histoire de la littérature latine, rédigé il y a plus de 2 000 ans ! A travers plus de 230 fables et 12 000 vers (tout de même…) Ovide nous livre une extraordinaire galerie de mythes de transfor mations, proposant le récit de métamorphoses d’un corps à un autre. Animaux, végétaux ou minéraux, prenez garde car tout peut arriver ! Si Ovide invente pour l’occasion le terme de “métamorphose”, (de méta : au-delà et morphis: la forme) qui donnera son nom à l’œuvre de sa vie, l’écrivain s’inspire de nombreuses références déjà bien connues de son temps, mêlant mythologie grecque et latine, poésie alexandrine et tragédies helléniques. Cependant, il ne se contente pas de recopier “à sa sauce” ce qu’il a pu entendre ou lire de ces mythes, mais révolutionne cette matière, se délestant de sa portée moraliste pour ne plus former qu’un très long poème dont les histoires d’amour (souvent dramatiques) s’adressent directement aux sentiments et à l’intellect du lecteur. Transformer tout un fond de références com munes pour évoquer des transformations, Ovide n’en a pas fini de glisser de surprises en surprises… Entre Daphné, nymphe convoitée par Apollon, transformée à jamais en laurier ; Coronis qui, en fuyant Neptune, est changée en corneille par Minerve ou encore Aglaure fi gée en pierre en voulant empêcher Mercure de rejoindre Minerve, nous n’en finissons plus de rebondissements ! transformation_dieux_mortels_mouvement_évolution_vengeance_protection

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Laissez-vous métamorphoser!

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Ovide a dû bien s’amuser à inventer toutes ces folles aventures, mais au fond… pour quoi faire ? L’écrivain s’efforce en réalité de nous partager sa propre vision du monde, tout en mouvance, dans la lignée de la pensée pythagoricienne. L’uni vers n’est alors plus perçu comme reposant sur un principe d’ordre et d’unité, mais sur un système d’évolution perpétuelle, un glissement continu d’êtres et d’états les uns sur les autres. L’écrivain pose par là même un regard critique sur les réalités et croyances de son temps, invitant ses contemporains à se départir de leurs idées fixes, notamment en terme d’idéalisa tion des divinités. Selon lui, il est alors absurde de considérer un dieu ou une déesse comme une puissance suprême, puisque tout n’est que mouvement et évolution, nous ne pouvons jamais être sûr de rien ! La faiblesse existe bel et bien, et Ovide tend à prouver qu’elle peut aussi avoir ses vertus !

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Et si l’on se penche plus intimement dans l’œuvre, à quoi servent donc ces fameuses métamorphoses pour les protagonistes des fables ? A vrai dire, les usages sont multiples et s’expliquent toujours de façon plus ou moins rationnelle. On peut par exemple penser à Daphné, fille du dieu du fleuve Pé née, qui mène une vie tranquille et solitaire, jusqu’au jour où elle se retrouve en proie à l’obsession qu’Apollon lui voue. Refusant ses avances, le dieu ne se décide pas moins à lui déclarer son amour. Daphné fuit, mais Apollon la poursuit grâce à ses bottes ailées. Effrayée, la jeune nymphe exhorte son père de lui ôter cette beauté qui lui devient funeste, et le père entendant la supplique de sa fille, la change alors en laurier. Pour la jeune nymphe, la métamorphose apparaît comme un moyen de se soustraire au danger, la transformation revêt donc un pouvoir salvateur. Dans certains cas, la métamorphose a davantage une utilité de vendetta, comme lorsque Athéna change Arachnée en araignée, pour la punir de son orgueil. transformation_dieux_mortels_mouvement_évolution_vengeance_protection

Malgré l’arrière-plan assez sombre et vaguement sordide de la plupart des fables, la métamorphose peut aussi être perçue comme un moyen de consacrer un amour à priori impos sible, comme c’est le cas d’Atalante et Hippomène, qui pour vivre leur passion doivent subir la colère d’Athéna. Changés en loups et devant vivre dans la forêt, ils sont néanmoins à jamais unis sous cette forme animale. Ovide nous livre donc une création en perpétuelle mé tamorphose et qui l’est encore de nos jours ! En effet, 2 000 ans plus tard, l’écrivain séduit inlassablement petits et grands par sa grâce sarcastique. Si ce chant de désir, de douleur et de mystère résonne encore aujourd’hui, c’est parce que ces sujets sont profondément humains et n’ont donc jamais cessé d’être d’actualité. Les artistes d’hier et d’aujourd’hui ont d’ailleurs su y puiser leurs sources d’inspiration, renouvelant encore et toujours la voix du poète. Une œuvre qui fut tour à tour transposée en peinture, sculpture ou gravure, mais servant aussi d’une inépuisable trousse à outils pour créer toutes sortes d’œuvres musicales et cinématographiques ! Pour les plus curieux d’entre vous, la traductrice Marie Cosnay a proposé en 2020 une toute nouvelle traduction du texte latin, vous invitant à vous laisser imprégner de ces his toires mythiques qui irriguent encore notre littérature et toute la cultureD’uneoccidentale.tellelecture, on ne peut que ressortir métamorphosé ! Victoria.

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Anouk : Celui de la Myrmarachne formicaria, une araignée dite myrmécomorphe, capable d’imiter une fourmi aussi bien dans sa morphologie que dans son comportement. L’araignée se déguise et façonne son corps pour tromper les prédateurs, adoptant également la marche sinueuse de la fourmi. D’après des études américaines, la stratégie s’est révélée très efficace …

Coralie : La métamorphose de Kafka. Être un petit monsieur et se changer en gros cafard, ça a de quoi en effrayer plus d’un. Mais j’ai quand même adoré l’histoire (je vous la conseille).

de la rédac votrefavorite?métamor-

Marie : Daphné, surtout dans la relecture féministe qu’en propose Valentine Goby dans Tu seras mon arbre.

Blandine : Celle d’un.e comédien.ne qui s’apprête à jouer… Bon d’accord, c’est pas une transfor mation mythologique, mais c’est impressionnant de les voir entrer dans la peau de leur personnage, de voir la voix, le corps, la respiration, les gestes et le regard qui se transforment…

Cassandre : J’aime beaucoup lorsque Loki se transforme en oiseau à l’aide du manteau magique de la déesse Freya. C’est sa manière de l’obtenir sournoisement qui est le plus plaisant à lire dans les mythes

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Flora : Perséphone of course !

Choix de quelle est phosevotrefavorite?

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Faut-il s’adapter ?

e 24 novembre 1859, Darwin publie De l’Origine des espèces par la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la vie. Même si le bonhomme est un vieux barbu seulement connu d’un groupuscule de spécialistes, l’ouvrage fait un carton. a nature, que l’on croyait immuable, ne l’est pas, mais chaque être interagit avec son environne ment tout en en étant tributaire. L’homme bien sûr, n’y échappe pas, quand bien même il se trouve au bout de la chaîne alimentaire : le plastique de la mer se retrouve dans son poisson pané, les nitrates répandus dans les champs puis lessivés par la pluie acidi fient les océans, tuent une partie de la faune et de la flore aquatique (donc plus de poisson pané du tout), etc. etc., vous connaissez la chanson. es plus pessimistes (ou lucides ?) prédisent que ces transforma tions environnementales se produiront jusqu’à ce que l’humain ne puisse plus s’adapter à l’environnement qu’il s’est pourtant forgé.

J’ai l’impression sans arrêt d’être en retard, à côté de la plaque par rapport aux attentes de mes proches, de la société. D’être un dinosaure très lent, aveugle et sourd, hermétique au “progrès”. Et d’autres fois, au contraire, il me semble vivre dans une société archaïque où madame n’a pas son mot à dire puisque sa vocation, c’est de faire des enfants, s’en occuper et faire le ménage. Est-ce moi la fautive ? La société ? Le karma ?

précédentes…

Oui ! nous diraient sans l’ombre d’un doute certains intellectuels du XIXe siècle : regardez le darwinisme social !... Certains tentent d’ap pliquer le principe de “sélection naturelle” aux sociétés humaines - et ce, encore au XXIe siècle. Cette interprétation abusive des écrits de Darwin a donné des dérives comme le racisme et l’eugénisme, tous deux pratiqués par les nazis par exemple. D’une part, il s’agit de hiérarchiser des groupes d’individus classés en “races” selon différents degrés “d’évolution” en s’ap puyant sur des critères pseudo-scientifiques, notamment anthropomé triques et phrénologiques. D’autre part, on sélectionne les gens aptes à faire de beaux bébés musclés, blonds, aux yeux bleus… Pourtant, la théorie de départ est simple : il s’agit d’appliquer le concept de “struggle for life” de Darwin aux communautés humaines, rien de bien méchant, simple réflexion logique : Il faut savoir que le darwinisme social, aux Etats-Unis, a servi de fondement à l’ultra-libéralisme, une vision de l’économie mise en avant par les libertariens. En gros, il faut que l’Etat se retire le plus possible pour laisser agir les processus naturels de compétition sociale entre les indivi dus. On est toujours dans l’idée que seuls les plus forts survivront, les plus forts étant ici les plus riches. “Un homme qui naît dans un monde déjà occupé, si sa famille ne peut pas le nourrir, n’a pas le moindre droit à réclamer une portion quelconque de nourriture, et il est réellement de trop sur la terre. Au grand banquet de la nature, il n’y a point de couvert mis pour lui. La nature lui commande de s’en aller, et elle ne tarde pas à mettre elle-même cet ordre à exécution.” (Essai sur la populatio n, M althus).

Mais si ce principe de l’adaptation s’applique bien en biologie, s’applique-t-il dans d’autres champs ?

On voit bien en tout cas que le concept d’adaptation n’est pas étranger à la sphère politique. Pas étonnant pour ceux qui se souviennent de nombreux slogans des présiden tielles

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Mais il faut savoir qu’on le retrouve dans de nombreux domaines en politique, notamment en économie. Alors c’est partie pour une petite histoire… du libéralisme (youpi).

Face à ces gugusses-là, on a Lippman, un progressiste plutôt à gauche, qui pense que les ultra-libéralistes sont en train de mener les États-Unis à une immense crise sociale. D’après lui, au contraire, il faudrait le retour d’un État très fort et interventionniste, peut-être même au toritaire, afin de “sauver” le capitalisme et le libéralisme de l’effondrement auxquels, déjà au XIXe siècle, ils étaient promis, à cause de l’inadaptabilité de ces modes de pensées économiques aux sociétés humaines.

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Breeef… je vois qu’aucune des deux théories ne vous semble pleinement satisfaisante…

C’est comme si on avait une pièce en pâte à modeler qui devrait prendre la forme parfaite pour faire fonctionner une machine. Seulement, l’adap tation, ce n’est pas censé être un élément qui impose ses conditions à un autre, mais plutôt une sorte de compromis entre les deux, chacun ayant ses conditions. C’est pour cela que tout à l’heure, on a parlé d’intéractions entre un être et un milieu. Et bien c’est peut-être ce petit décalage, ce petit glissement de sens, qui est à l’origine de notre sentiment d’inadaptabilité, de fossé entre nous et le monde. En outre, il convient de différencier l’adaptation biologique, où le changement intervient par des causes extérieures à l’individu, sur les quelles il n’a pas de prise (exemple : l’extinction des dinosaures) de l’adaptation en politique, où les changements sont occasionnés par des déci sions voulues et raisonnées.

Peut-être parce que toutes deux appliquent au terme d’adapta tion une mauvaise définition : d’après eux, une adaptation entre deux éléments donne lieu à une transformation unilatérale d’un seul élément.

Si vous voulez, on a l’idée que puisque les gens, leurs cultures et leurs façons de penser sont inadaptés au libéralisme économique, alors il faut réadapter… les gens ! (c’est un peu cynique, hein ?) C’est-à-dire que l’on éduque les personnes pour les rendre plus performantes (en meilleure santé, plus dociles…) afin qu’elles fassent de bon engrenages bien huilés pour que la machine libérale fonctionne correctement.

Donc l’adaptation est en quelque sorte le moteur de la politique, qui doit sans cesse s’adapter à un contexte nouveau et donc produire des lois et prendre des mesures en fonction des circonstances. On retrouve ici par exemple le besoin de normes écologiques fortes, qui n’étaient pas vrai ment nécessaires au XIIIe siècle par exemple, mais qui le sont aujourd’hui car le contexte démographique, technologique, économique et écologique a évolué. Le changement, c’est plutôt positif en politique, alors ? Oui, on a sans cesse besoin d’imagination et d’innovations pour faire face à un contexte dont les paramètres évoluent. C’est pour cela qu’en démocratie, l’ensemble du peuple doit être force de proposition et “se li mer la cervelle à celle d’autrui” selon l’expression de Montaigne. Mais il faut quand même se méfier des injonctions politiques notamment dans un contexte néo-libéral, où l’impératif de l’adaptation en politique est par fois scandé pour éviter le changement et assurer la pérennité d’un système économique inadapté. Telle est du moins la thèse défendue par la philo sophe Barbara Stiegler dans son livre « Il faut s’adapter » : sur un nouvel impératif politique (2019). Si l’on veut conclure, toute adaptation doit être bilatérale. En termes d’écologie par exemple, l’hu main doit s’adapter aux exigences d’un milieu en même temps qu’il contraint son milieu pour assouvir ses propres besoins. Si l’adaptation est unilatérale, il s’agit en réalité d’évolution contrainte, qui peut même être coercitive, dis criminante, totalitaire, voire génocidaire (donc ne pas confondre les deux, attention les enfants !). Sur ce, bon courage pour juger quelles sont les meilleures adaptations possibles pour notre beau pays dans quelques semaines (mais aussi au quotidien) !

Blandine

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Si des bals costumés queer sont organisés dès le XIXe siècle aux Etats-Unis, c’est dans les années 1960 et 70 que le concept de shows drag queens voit véritablement le jour, au sein de la communauté trans noire et latino de Harlem, lorsque Crystal LaBeija fonde la première «House». A cette époque, des concours de beauté sont organisés dans la communauté trans, mais ce sont bien souvent les femmes blanches qui l’emportent. Les femmes trans noires et latinos organisent alors leurs propres ballrooms : des compétitions durant lesquelles les drags s’affrontent dans diverses catégories (fashion, beauté, danse et playback, chant). Ce nouvel espace de création est peu après rejoint par la communauté gay. Aux Etats-Unis le show télévisuel RuPaul’s Drag Race a fait connaître le drag à un plus large public, et il semblerait qu’un programme semblable soit envisagé en France. Rappelons par ailleurs que Paris, ville de la mode et du spectacle, est la deuxième plus grande scène drag du monde.

Pourquoi est née cet art ?

Plusieurs pistes viennent se superposer pour la compréhension de ce terme: la première est l’acronyme «DRess As a Girl», la deuxième remonte au XVIIIe siècle, date où les hommes travestis laissaient traîner leur jupe sur le sol (to drag en anglais). Certains font remonter le terme au théâtre shakespearien. Les femmes ne pouvant monter sur scène, à l’instar de la Grèce antique, les rôles féminins étaient interprétés par des hommes costumés.

Tout d’abord un point d’étymologie : que veut dire drag queen?

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En effet Paris abrite de nombreuses Houses (ou Familles), organisées autour de Mères qui aident les drag de leur famille à progresser et à produire des shows toujours plus époustouflants.

Si le drag peut être perçu comme superficiel, ou too much, il offre un moyen d’expression et de revendication unique. Le drag c’est jouer sur les codes d’hyper-féminité (ouhyper-masculinitépourlesdrag king) afin de créer un personnage (contrairement aux transformistes qui s’attellent à ressembler à une personnalité connue). La démarche s’inspire des défilés de mode et la gestuelle, dite voguing, a une visée narrative et est particulièrement codifiée. On distingue 6 types de mouvements:Bienque

Historiquement les Houses servaient de famille de substitution aux personnes queer ayant été rejetées par leur famille. Les noms de ces Houses sont tirés de marques de haute couture (House of Mugler), de cosmétiques, ou encore du style de danse pratiqué (Ninja House).

l’on puisse être drag indépendamment de son orientation sexuelle ou de son genre, il est important de noter le rôle de la communauté trans noire et latino dans sa création, et surtout la visée revendicatrice de cet art, face aux inégalités au sein même de la communauté queer. Le drag offre à tou.te.s un espace libre et sûr pour fantasmer, s’exprimer et explorer les codes de masculinités et féminités à travers la création d’un personnage et des performances mettant en avant le chant, le burlesque théâtral, la danse ou les costumes. le dance hands : les mains naviguent autour du visage, racontant l’histoire le catwalk: en accentuant le balancement des hanches le duckwalk : permet la transition marche-sol le floor : les passages au sol permettent d’exprimer du désir et de jouer à 200% sur les poses dites féminines le spin and dip : paroxysme dramatique, se fait sur un changement de musique -le hair control : dit toute l’importance des cheveux comme attribut féminin 22

En quoi cela consiste)t)il?

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Les émeutes de Stonewall le 28 juin 1969, aussi considérées comme la première Pride, montrent toute l’importance de la communauté trans latinos et afro-américaines dans la lutte pour les droits LGBT+ puisque les visages que l’histoire retient de cet évènement sont ceux de Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, toutes deux grandes figures de la scène drag queen de l’époque.

NB: ce terme transsexuel n’est plus utilisé car il renvoie à l’idée de maladie mentale.

Petit point vocabulaire

Personne cisgenre : son genre attribué à la naissance correspond à son ressentigenre

Personne transgenre : son genre attribué à la naissance ne correspond pas à celui ressenti. Ainsi une femme transgenre est née dans un corps masculin, un homme transgenre dans un corps féminin. Les personnes non-binaires (qui ne s’identifient pas à une identité de genre précise -homme ou femme-) sont également transgenres puisque leur genre assigné à la naissance ne correspond pas à leur véritable genre.

Queer: à l’origine il s’agit d’une insulte (étrange, bizarre) mais la communauté LGBT+ s’est réappropriée le terme et il sert désormais de mot parapluie pour englober l’ensemble des minorités de genres et d’orientations sexuelles. Pride ou marche des fiertés: remplace le terme gay pride afin d’offrir plus de visibilité aux autres membres de la communauté LGBT+.

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louvrboite.fr le nouveau lien favori de ton navigateur pour ce mois de mars ! Car oui, le Louvr’Boîte s’exporte aussi sur internet avec un incroyable site qui te propose de continuer ta lecture de ce numéro Transformation depuis ton téléphone ou ton ordinateur programme incroyable test qui révèlera l’avatar du dieu Vishnou qui se cache en toi interview du conservateur en chef du département des sculptures du Louvre, Pierre-Yves Le Pogam, Ou encore une interview de la Junior Entreprise. seront postés régulièrement à partir du début des ventes, le 7 mars. donc sur notre Louvr’Boîte virtuel ! (Et profites-en pour relire ou découvrir les anciens Bretaudeau<

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CREDITS Couverture : © Eloise Briand . p.4-7 : © Noémie Carpentier ; p.8-10 : © Canva ; p.14-15 : © Canva ; p.16-19 : © Blandine Adam ; p.20 : © Coralie Gay; p.21-23 : © Romane Demonet ; p.26 : © Canva

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