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Éditorial
F Vingt ans de bons et loyaux services rendus à la culture des marges, vingt ans d’obstination à racler les fonds de catalogue et à faire intrusion dans les collections de bobines les plus nobles pour y dénicher, tel un coloscope culturel, les objets filmiques les moins avouables. Et pourtant… Il est naturel de vouloir marquer ce jubilé avec des invités dignes de tapis rouges que nous prendrons soin de ne pas dérouler parce que ce n’est pas notre genre. Nous avons donc proposé à Nicolas Winding Refn de se prêter au jeu de la carte blanche. Quoi? Le mec qui a rendu Ryan Gosling bankable? Pourquoi pas. Il a répondu positivement et a proposé des titres merveilleux tout en précisant que son tournage était retardé pour cause pandémique, et que cela pourrait s’étirer jusqu’à octobre. C’était au mois de janvier. Et devinez quoi… À l’heure où j’écris ces lignes, après des mois d’attente, il est enfin de retour derrière sa caméra. Pas grave, on garde la carte et on passera pour des mythos. Pour le reste, cette 20e cuvée dégage un parfum de culte et d’ésotérisme. Avec un focus sur la christiansploitation, curieux mouvement des 70’s qui a vu fleurir des productions prosélytistes en vue d’être projetées dans les églises de la Bible Belt; avec le réalisateur pakistanais Jamil Dehlavi dont le cinéma est imprégné de mysticisme islamique; avec le focus sur la Folk Horror et ses exploitations d’esthétiques païennes magnifiées par de glorieux sabbat et autres sacrifices rituels. Le genre de choses que nous rêverions de vous offrir en live… Mais n’est-ce pas ce que notre mamelle musicale fait déjà depuis vingt ans? E Twenty years of loyal service to margin culture, twenty years of obstinately scouring back catalogues and trespassing into the most noble collections of reels to unearth, like a cultural colonoscope, the most disreputable film objects. And yet... It’s only natural we would wish to mark our jubilee with distinguished guests worthy of a red carpet we will definitely not be unrolling - not our thing. So we asked Nicolas Winding Refn to contribute his carte blanche. Wait? The guy who made Ryan Gosling bankable? Why not. His answer was yes, and he proposed marvelous titles, mentioning that his current shooting was delayed because of the pandemic, which could last till October. That was in January. And guess what... At the time that I am writing these lines, after months of waiting, he is finally behind the camera again. We’ll keep his carte blanche and be seen as mythomaniacs, no big deal. As for the rest, this 20th vintage carries strong notes of cult and esotericism. With a focus on christiansploitation, a curious 1970’s movement that gave rise to proselyte productions intended for screenings in the churches of the Bible Belt; with Pakistani director Jamil Dehlavi and his cinema permeated with islamic mysticism; with a look at Folk Horror and its use of pagan aesthetics magnified by glorious sabbath and other sacrificial rituals. The kind of stuff we would love to offer you live... But then again, that’s exactly what we’ve been suckling from our musical teat for the last twenty years.
After Blue (Paradis sale)
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Bertrand Mandico, 2021, France Science-fiction fantasmagorique, DCP, Couleur, Français/Anglais st Anglais, 127’
F Sur After Blue, planète-refuge d’une humanité sans homme, la jeune Roxy libère la sanguinaire Kate Bush d’un piège mortel, sans réaliser la portée de son geste. Condamnées à l’exil, Roxy et sa mère Zora sont forcées de traverser les terres hostiles de contrées inconnues dans le but d’éliminer la criminelle et retrouver leur liberté. Dans un féérique télescopage des genres, dont les plus identifiables sont le western, la science-fiction et l’heroic fantasy, Mandico propulse personnages et spectateur·rice·s dans un univers aux couleurs inédites. Il s’amuse, tel un orfèvre d’images décadentes, à redéfinir les codes visuels avec une délicate démence, et impose After Blue (Paradis sale) comme l’une des expériences cinématographiques les plus singulières de ces dernières années. E On After Blue, a sanctuary planet for a mankind deprived of men, young Roxy frees bloodthirsty Kate Bush from a mortal trap, unknowing of the consequences of her actions. Condemned to exile, Roxy and her mother Zora are forced to cross hostile foreign lands in order to eliminate said criminal and find freedom. In a mesmerizing clash of genres - western, science fiction and heroic fantasy come to mind -, Mandico propels us into a universe of unprecedented colours. A fine craftsman of decadent images, he delights in redefining visual codes with delicate creative madness, establishing After Blue (Paradis sale) as one of the most unique cinematographic experiences in recent years.
Earwig
Lucile Hadzihalilovic, 2021, Royaume-Uni/France/Belgique Mystère grinçant, DCP, Couleur, Anglais st Français, 114’ Première suisse En présence de Lucile Hadzihalilovic

F Le quotidien d’Albert est rythmé par le remplacement des dents de glace de la jeune Mia à chaque fois qu’elles fondent. S’octroyant une escapade dans une taverne, il est impliqué dans un violent incident. Peu de temps après, un chat noir fait son apparition et Albert reçoit l’ordre de préparer Mia pour un voyage… Plus qu’une simple mise en images du roman éponyme de l’artiste Brian Catling, Earwig est la parfaite fusion de deux univers qui ne demandaient qu’à se rencontrer. Avec ce troisième long métrage, Lucile Hadzihalilovic signe à nouveau une œuvre exigeante et grandiose, qui achève de l’inscrire au panthéon des cinéastes indispensables. E Albert’s daily life is punctuated by the replacement of young Mia’s ice teeth each time they melt. Taking a break in a tavern, he is involved in a violent incident. Shortly thereafter, a black cat appears and Albert is ordered to get Mia ready for a trip… More than just a visual representation of the eponymous novel by artist Brian Catling, Earwig is the perfect fusion of two universes that only needed to meet. With this third feature film, Lucile Hadzihalilovic once again signs a demanding and grandiose work, which completes her entry into the pantheon of essential filmmakers.