1942 : Opération Torch, les Alliés débarquent en Afrique du Nord

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exclusif : « Les filles du tsar n’ont pas été assassinées » www.histoire.presse.fr

les Alliés débarquent en Afrique du Nord

1942 : opération torch

1312 : Lyon devient française

Julien, dit l’Apostat

Orban, portrait d’un populiste hongrois


’sommaire

N°379-septembre  2012

’actualité on en parle 14 La vie de l’édition La femme en vue En tournage

la revue des revues 88 Attention, biographie Dites-moi docteur… - L’océan Indien en veille

portrait 16 Lucette Valensi, la fille de Tunis

Par Daniel Bermond

les livres 90 « Stèles. La Grande famine en Chine » de Yang Jisheng

livres 18 Ce que l’image nous dit

91 La sélection du mois

interfoto/la collection

Par Jacques Berlioz

20 La gauche : portrait de familles Par Michel Winock

21 Agenda : les rencontres du mois

’événement

cinéma 22 Inceste de la Belle Époque

8 « Les filles du tsar n’ont pas été assassinées »

23 Welcome in Vienna : le DVD

Entretien avec Marc Ferro

Par Patrick Boucheron

Le journal d’Olga Romanov, écrit en 1954 et retrouvé dans les archives du Vatican, prouve que la fille aînée du tsar comme sa mère et ses sœurs ont survécu.

’GUIDE

Par Antoine de Baecque

Par Jean-Luc Domenach

le classique 96 « La Formation de la classe ouvrière anglaise » d’E. P. Thompson

Par Emmanuelle Loyer

’CARTE BLANCHE 98 L’important, c’est l’esperluette

Par Pierre Assouline

23 La guerre de Cent Ans selon Verhoeven expositions 24 Avec des baguettes Par Juliette Rigondet

25 Dames de Trianon Par Cécile Berly

géopolitique 26 Tombouctou ou la haine des saints Par Julien Loiseau

27 Rio, vingt ans après Par Édouard Vernon

couverture :

En décembre 1942, à bord d’un chaland, des soldats de l’armée américaine s’apprêtent à débarquer en Afrique du Nord (Usis/Dite).

retrouvez page 32 les rencontres de l’histoire Abonnez-vous page 97

Ce numéro comporte cinq encarts jetés : Faton (sélection d’abonnés), Rue des étudiants, La Vie, L’Histoire (kiosques France et export, hors Belgique et Suisse) et Edigroup (kiosques Belgique et Suisse).

médias 28 Le monde aux mains des cartographes Par Olivier Thomas

bande dessinée 30 De Saigon à San Francisco Par Pascal Ory

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www.histoire.presse.fr 10 000 articles en archives. Des web dossiers pour préparer les concours. Chaque jour, une archive de L’Histoire pour comprendre l’actualité.


’dossier

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’recherche

68 1312 : Lyon devient française

usis/dite

rmn/agence bulloz

Crédit

Par Julien Théry

Opération Torch Novembre 1942

36 Fallait-il débarquer en Afrique du Nord ?

Par Olivier Wieviorka 43 Janvier 1943 : ce qui s’est dit à Anfa

46 La France libre hors jeu Par Jean-François Muracciole

48 La gloire de Rommel

Par Jörg Echternkamp 54 Propaganda Par Nicolas Férard

56 L’énigme Darlan

Par Jean-Pierre Azéma

60 Comment la France a repris les armes

Par Pierre Darmon 62 Les juifs s’engagent Par Benjamin Stora 40 Chronologie 65 Pour en savoir plus

La mainmise de Philippe le Bel sur Lyon en 1312 : le fruit d’un long bras de fer entre le Capétien et le pape.

74 Viktor Orban. Portrait historique d’un populiste Entretien avec Pierre Kende

Qui est vraiment Viktor Orban, le Premier ministre hongrois dont les dérives fascisantes inquiètent l’Europe ?

82 Julien, dit l’Apostat Par Claire Sotinel

Fin du christianisme, retour au paganisme : comment interpréter le choix de l’empereur Julien ? Le dernier vendredi de chaque mois à 9 h 05 « La Fabrique de l’histoire » d’Emmanuel Laurentin Retrouvez la séquence « L’atelier du chercheur » en partenariat avec L’Histoire (cf. p. 68)

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’événement les romanov

« Les filles du tsar n’ont pas été assassinées » Entretien avec Marc Ferro

dr

La journaliste américaine Marie Stravlo vient de découvrir dans les archives du Vatican le journal d’Olga Romanov, fille aînée du tsar de Russie, écrit en 1954 et divers autres documents la concernant. Ce qui confirme l’hypothèse soutenue il y a vingt ans par Marc Ferro de la survie de l’épouse et des filles de Nicolas II. L’historien consacre son prochain livre à cette affaire : La Vérité sur la tragédie des Romanov (Tallandier).

Ce document attestant de l’identité d’Olga Romanov a été établi par un notaire de Côme en Italie, devant témoins, le 19 janvier 1955. Il a été communiqué à Marc Ferro par Marie Stravlo.

L’Histoire : Il y a vingt ans, dans votre biographie de Nicolas II, vous souteniez l’hypothèse que la femme et les filles du tsar n’auraient pas été exécutées en même temps que lui à Ekaterinbourg en juillet 1918. Sur quels éléments vous fondiez-vous alors ? Marc Ferro : Cette biographie était une commande. Je n’avais pas d’hypothèse de départ − mon seul projet était d’évaluer le rôle spécifique de Nicolas II dans la chute de l’empire. J’ai avancé pas à pas. J’avais fait ma thèse sur la révolution russe, et je me rappelais fort bien que Kerenski, le ministre de la Justice du gouvernement provisoire après la révolution de février 1917, avait voulu sauver la famille du tsar. Il pensa d’abord à l’Angleterre : Lloyd George, à la tête du gouvernement britannique, avait donné son accord début mars pour leur accorder l’asile. Mais il renonça face à la me-

nace de grève générale agitée par les milieux syndicalistes et pacifistes : l’Angleterre traversait alors une phase de troubles révolutionnaires. Kerenski en fut embarrassé car c’était un homme généreux et il prévoyait le pire pour le tsar et les siens. A Tsarskoïe Selo, où le tsar est retenu avec sa famille et ses enfants depuis février 1917, l’agitation gronde durant l’été. Dans un contexte très instable, la révolution se radicalise tandis que le mouvement antirévolutionnaire se structure. Kerenski fait alors mettre la famille impériale en sécurité à Tobolsk, en Sibérie, loin des dangers de la révolution et de la réaction. En octobre 1917, les bolcheviks prennent le pouvoir à Petrograd (Saint-Pétersbourg) et Moscou. Mais bien des régions du pays échappent à leur contrôle. C’est le cas de Tobolsk, où ils n’exercent pas la réalité du pouvoir avant avril 1918. Le 2 mai, ils décident de déplacer le tsar et les siens plus à l’ouest, à Ekaterinbourg, dans la villa Ipatiev. Nous sommes début mai 1918. Les bolcheviks ont conclu en mars avec les Allemands la paix de Brest-Litovsk qui a mis fin à la guerre sur le front russe. Quand j’en arrive là, tout à fait innocemment, je rassemble les documents concernant Ekaterinbourg et la fin de la famille impériale.

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L’H. : Comment l’historien passe-t-il de quelques bribes à une hypothèse ? M. F. : La deuxième interrogation est venue de la lecture du livre de Summers et Mangold, The

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Nicolas II, son épouse Alexandra et ses enfants, quelques années avant la révolution russe. Le tsar a été exécuté à Ekaterinbourg en juillet 1918. Mais Alexandra et ses filles ont été sauvées dans le cadre d’un accord secret conclu entre les bolcheviks et les Allemands. De nombreux indices en attestent, le journal d’Olga le prouve désormais. Le sort d’Alexis reste inconnu, car les sources manquent.

ogretmen/sipa

L’H. : Jusque-là, que savait-on exactement de l’exécution du tsar et des siens ? M. F. : Sur l’assassinat lui-même, la pièce maîtresse a longtemps été l’enquête publiée par Nicolas Sokolov, l’un des juges chargés, en 1919, de l’instruction par les Blancs. Il est l’auteur de la vulgate intitulée Enquête judiciaire sur l’assassinat de la famille impériale russe, publiée en 1924 en français. Il raconte que les Tchécoslovaques, alliés des Blancs, se rapprochant d’Ekaterinbourg puis de Moscou, le soviet d’Ekaterinbourg, pour empêcher toute tentative de restauration, décide le 16 juillet 1918 d’exécuter la famille impériale. Je dispose également d’un article de l’Ouralski Rabotchi, du 23 juillet 1918, disant : « Après que le Praesidium eut discuté des raisons qui avaient amené le soviet de l’Oural à prendre la décision de fusiller les Romanov, le Comité central exécutif a jugé que le soviet de l’Oural avait agi comme il fallait. » En même temps, au fil de mes lectures, je commence à noter quelques éléments discordants qui démentent le récit bien établi de l’exécution collective. D’abord, dans le même article de l’Ouralski Rabotchi est précisé : « La femme et le fils de Nicolas furent envoyés en lieu sûr. » C’est d’ailleurs l’une des rares mentions d’Alexis, le tsarévitch. Cela m’étonne un peu, mais qu’en conclure ? Je poursuis mes recherches. Certains témoignages se révèlent bien fragiles. En novembre 1918, le

L’H. : Comment interpréter le fait que les Blancs et les Rouges racontent la même histoire, si elle était fausse ? M. F. : A vrai dire, même si l’histoire était globalement la même, plusieurs dirigeants bolcheviques avaient affirmé que les quatre filles n’avaient pas été exécutées. Le premier à le dire est Tchitcherine, commissaire du peuple aux Affaires étrangères, dans le New York Times du 20 septembre 1918, le deuxième Litvinov son successeur, le 17 décembre 1918, le troisième Zinoviev, en juillet 1920. Tchitcherine le répète encore à « La femme la conférence de Gênes où il est ambassadeur de Russie avec touet le fils tes sortes de détails, publiés dans de Nicolas le Chicago Tribune puis dans le furent Times en avril 1922. Il dit ne pas envoyés en savoir où les filles se trouvent lieu sûr » mais affirme qu’elles n’ont pas été exécutées. Quelque chose ne tournait pas rond, mais je ne savais pas quoi. Après tout, cela ne remettait pas forcément en cause le récit canonique car les bolcheviks pouvaient avoir menti trois ou quatre fois pour tenter, dans un premier temps, de cacher qu’ils avaient tué la femme et les enfants.

interfoto/l a collection

ministre des Affaires étrangères, Stephen Pichon, livre le premier récit public de l’assassinat des Romanov à la tribune de la Chambre des députés. Il raconte que le prince Lvov, l’ancien Premier ministre de Kerenski, lui aurait rapporté qu’il était incarcéré à Ekaterinbourg « dans une cellule voisine » et que tout le monde avait été exécuté, évoquant « une véritable mare de sang ». Or il n’y a jamais eu de cellule dans la villa Ipatiev et Lvov n’y a jamais séjourné. Ces éléments, si troublants qu’ils fussent, ne pouvaient prétendre à contredire les informations qui faisaient valoir que tout le monde avait été exécuté. J’ajoute que le premier livre qui paraît sur les Romanov est un livre « rouge » et non « blanc », un opuscule intitulé La Révolution ouvrière en Oural, édité à Ekaterinbourg même, en 1922, qui reprend l’essentiel de l’enquête de Sokolov. Dans les deux récits, toute la famille est exécutée la nuit et les dépouilles sont emportées au loin.

l’auteur Directeur d’études à l’EHESS, codirecteur de la revue Les Annales et spécialiste de la révolution russe, Marc Ferro publie cet automne La Vérité sur la tragédie des Romanov chez Tallandier.


’actualitélivre Jacques Julliard livre sa grande histoire des gauches françaises. Un événement intellectuel.

L

es Français, qui viennent d’élire en mai un président de gauche – qui en douterait ? –, estiment dans un sondage de 2011 que le clivage droite-gauche est « dépassé » (ils étaient un tiers en 1981 à le penser, ils sont aujourd’hui 59 %). L’occasion est bien venue de revenir à la définition : qu’est-ce que la gauche ? Dans un livre très riche – atteignant près de 900 pages – Jacques Julliard s’y est essayé. Le résultat ? Une histoire de main de maître, de 1762 (Du contrat social de Rousseau) à nos jours. Il a préféré le pluriel des gauches plutôt que le singulier, trop mythique, en distinguant quatre familles : la gauche libérale, la gauche jacobine, la gauche collectiviste et la gauche libertaire. Toutefois, ce pluriel ne doit pas occulter les points communs : la gauche est dans ses origines « parti du progrès, parti de l’individu, parti du peuple ». Les termes de gauche et de droite datent, on le sait, de la Révolution, mais la gauche existe avant le mot. La plupart des philosophes des Lumières n’ont certes pas été des ennemis du pouvoir « despotique » (à condition qu’il soit « éclairé »), ils ont, en revanche, sapé la base de ce pouvoir en s’attaquant à l’Église catholique. Quand les formes de la gauche se dessinent au cours de la Révolution, c’est bien la question religieuse qui opère cette ligne de démarcation qui va structurer pour longtemps chesnot/sipa

Le gouvernement du Front populaire en mai 1936, dirigé par Léon Blum (au premier plan à gauche). Au centre, au-dessus du portrait de Jacques Julliard : le président Hollande avec Jean-Luc Mélenchon, en juin 2012.

hannah/opale

david seymour/magnum

La gauche : portrait de familles la vie politique en France : l’opposition d’une gauche anticléricale, voire antireligieuse, et d’une droite marquée par l’héritage catholique. La Constitution civile du clergé de 1790 assortie du serment imposé aux clercs crée le premier grand schisme, derrière les prêtres assermentés et les prêtres réfractaires. Cependant, plus profondément, un antagonisme d’ordre théologique creusait le fossé entre l’Église catholique et la Révolution, entre le catholicisme romain et la démocratie. Le pape Pie VI ne se contente pas de rejeter la Constitution civile du clergé et le serment, il condamne aussi la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, qui place l’homme au centre du monde à la place de Dieu. Tout au long du xixe siècle, l’émancipation de l’individu défendue par la gauche, la revendication des libertés publiques et individuelles, le principe démocratique d’un pouvoir issu du peuple, tout ce programme se heurte aux condamnations de l’Église romaine. Quand les républicains, au début des années 1880, parviennent enfin Liberté et égalité : une à instaurer le régime des libertés (de la presse, de réunion, de double conscience, de divorce) et l’école exigence pour tous, ils le font contre la parfois dogmatique catholique, ce qui explique « la réaffirmation imintenable plicite de l’irréligion comme marqueur identitaire de la gauche ». Ce conflit n’a pas existé dans les pays protestants où démocratie et religion n’étaient nullement en contradiction – ce qui n’est pas le cas dans les nations catholiques, comme l’atteste, entre autres, l’histoire de l’Espagne voisine. A partir du milieu du xixe siècle, une ligne de fracture nouvelle requalifie la gauche sur un autre terrain. La naissance du prolétariat pose la « question sociale » et donne essor au socialisme. Progressivement, le nouveau clivage entre partisans de la révolution sociale et ceux du laissez-faire prime sur le conflit religieux : la République politique, affirme Jaurès en 1893, doit aboutir à la

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r e n d e z - vo u s d e b l o i s « République sociale ». A la place des radicaux, qui épuisent en somme leur programme avec la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905, ce sont les tenants de cette République sociale qui sont appelés à incarner l’esprit de la gauche – on pourrait dire jusqu’à l’élection de François Mitterrand en 1981. La gauche laïque n’est pas morte, mais elle est désormais subordonnée à la gauche collectiviste ou anticapitaliste. Ce schéma ne rend pas compte de l’extrême diversité des gauches, des divisions sur lesquelles Jacques Julliard exerce ses talents d’analyste et son sens aigu de la formule. Non seulement une ligne de partage perpétue l’opposition entre une gauche libérale et une gauche marxiste, mais au sein même du mouvement socialiste les chapelles rivalisent et les conflits se succèdent. L’union de la gauche est exceptionnelle (1877, 1902, 1936, 1972, 1997), sa désunion est endémique, tant les sensibilités « libérale », « jacobine », « collectiviste » et « libertaire » ont du mal à s’accorder dans une action commune. Reste que l’identité de la gauche, inspirée par les notions de progrès, de justice, de liberté et d’égalité, s’est forgée d’abord sur la question religieuse (l’article de la liberté), puis sur la question sociale (l’article de l’égalité). Or liberté et égalité ne vont pas forcément de pair, et si l’homme de gauche s’emploie à maintenir la double exigence il risque de se trouver dans l’étau d’une contradiction insoluble. Unie aux élections de 1936 dans un Rassemblement populaire, la majorité de gauche victorieuse se désagrège au bout de quinze mois à la suite du conflit entre la gauche radicale et la gauche socialiste et communiste. La guerre froide verra s’affronter, au sein même de la gauche, les défenseurs de la liberté (fûtelle assurée par le capitalisme) et les défenseurs du communisme (fût-il un régime totalitaire). Depuis une trentaine d’années, on assiste à l’effacement progressif de la distance entre les deux pôles politiques. La foi dans le progrès, la laïcité et la révolution socialiste qui étaient les grands marqueurs de la gauche ne sont plus au centre du débat politique. Pour certains l’opposition gauche-droite est devenue fonctionnelle : il faut bien une majorité et une opposition ! Est-ce à dire que l’héritage de la liberté et de l’égalité est à mettre au rancart, face à l’impératif écologique, à la révolution individualiste, aux menaces de la récession, à l’intégration européenne, aux menaces des intégrismes et à la mondialisation ? La gauche non plus que la droite n’est une essence ; elle évolue sous des défis successifs. Il est clair que dans notre monde en plein bouleversement elle est en quête d’une nouvelle définition d’elle-même. C’est sur cette question ouverte que s’achève ce livre brillant, foisonnant, stimulant qui fera référence. Michel Winock Professeur émérite à Sciences Po

J. Julliard, Les Gauches françaises, 1762-2012. Histoire, politique et imaginaire , Flammarion, 2012.

L a 15 e édition des Rendez-vous de l’histoire de Blois se tiendra du 18 au 21 octobre sous la présidence d’Erik Orsenna. Cette année, « Les paysans » seront à l’honneur. Sylvie Brunel prononcera la conférence inaugurale, sur le thème : « Nourrir le monde, hier, aujourd’hui et demain. Pour une agriculture durable ». Le grand débat de L’Histoire, le samedi 20 octobre à 18 h 30 dans la Halle aux Grains, portera sur « La France, une nation de paysans ? ». Animé par Laurent Theis, il réunira François Bayrou, Bertrand Hervieu, Jean-Marc Moriceau, Pascal Ory et Michel Winock.

ag e n da Du 20 au 21 septembre 1792, entrer en République : Pour commémorer le 220e anniversaire de la Ire République, ce colloque entend interroger le « moment républicain » ouvert à l’été 1792. Avec Frédéric Régent, Pierre Serna et Annie Jourdan. Auditorium de l’Hôtel de Ville, 29, rue de Rivoli, 75004 ; Centre Panthéon, 19, place du Panthéon, 75005, Paris. Rens. et inscriptions : ser.hypotheses.org/464 Le 22 septembre à 16 heures Jouons un peu : Jean-Michel Mehl, professeur émérite d’histoire médiévale à l’université de Strasbourg, racontera les jeux et leur statut dans la société médiévale, à l’aide de sources écrites et iconographiques. Cette conférence a lieu dans le cadre de l’exposition « Échecs et Trictrac ». Musée du château de Mayenne, place Juhel, 53100 Mayenne. Rens. : 02 43 00 17 17. Du 25 au 27 septembre Collaborer ou résister : Comment sortir des stéréotypes et des idées reçues pour penser et décrire les comportements des Européens sous l’Occupation allemande ? Comment échapper aux simplifications et au triptyque réducteur « résistance-collaboration-attentisme » ? Des historiens de six nationalités, dont Julian Jackson et Jacques Semelin, répondront à ces questions. Petit Kursaal, place du théâtre, parc Granvelle, 25000 Besançon. Renseignements : amis.mrd@free.fr

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usis/dite

’DOSSIER opération torch

Fallait-il débarquer en Afrique du Nord ? Le débarquement allié en Afrique du Nord ouvre la voie à l’éviction de l’Axe du continent africain. Mais l’opération, pour le moins chaotique, était-elle vraiment utile pour gagner la guerre ? Par Olivier Wieviorka

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avaient toujours considéré, malgré l’attaque menée contre Pearl Harbor le 7 décembre 1941, que l’Allemagne, et non le Japon, constituait leur principal ennemi. Ils demeuraient cependant fidèles à un héritage stratégique qui, depuis la guerre de Sécession et la Première Guerre mondiale, leur commandait d’affronter l’ennemi sur ses bastions plutôt que sur ses points faibles. Ils auraient par conséquent préféré programmer une opération en Europe continentale plutôt que sur un théâtre d’opérations jugé à raison périphérique. Leurs planificateurs explorèrent donc cette option, suggérant de débarquer à Brest ou à Cherbourg (opération Sledgehammer) dès l’automne 1942, option qui aurait présenté l’avantage de soulager la pression qui s’exerçait sur l’Armée rouge.

L

e 8 novembre 1942, les troupes anglo-américaines placées sous le commandement du général Eisenhower s’élançaient sur les plages du Maroc et de l’Algérie. L’opération Torch – car tel était son nom – peut-elle être considérée comme un succès ? Assurément. Les Alliés étaient parvenus, en un laps de temps relativement bref, à monter un débarquement d’une ampleur inégalée depuis les jours funestes de Gallipoli, dans les Dardanelles, en 1915. Ils libéraient l’Afrique du Nord et s’assuraient d’une base logistique qui leur permettrait de bombarder l’Italie et d’envisager la reconquête de l’Europe occidentale. Ils accéléraient la décomposition du régime vichyste et favorisaient le basculement dans le camp allié du gros de l’Empire français. Sans véritablement ouvrir le second front quémandé par Moscou, ils prouvaient aux Soviétiques qu’ils concouraient activement à la défaite du Reich. Enfin, ils éliminaient les forces germano-italiennes de la Méditerranée en parachevant la déroute subie par l’Afrikakorps du maréchal Rommel dans les sables d’El-Alamein face aux troupes britanniques en octobre de la même année. Au total, Torch se soldait par un bilan positif. Il ne doit pourtant pas occulter les aspects moins flatteurs qui assombrissent ce tableau. Une intervention en Afrique du Nord, tout d’abord, présentait-elle un intérêt stratégique ? Les Américains, au vrai, en doutaient. Certes, ils

Triomphe des vues britanniques Les Britanniques s’opposaient à ce choix. Dès la conférence Arcadia qu’ils tinrent avec leur allié américain à Washington à la fin de 1941, ils militèrent en faveur de l’option nord-africaine qu’ils avaient envisagée dès 1941, dans l’hypothèse où les opérations qu’ils menaient en Cyrénaïque auraient été couronnées de succès. Cette stratégie se parait de quatre attraits. Elle affermissait leur contrôle sur la Méditerranée. Elle permettait de rouvrir la route de Suez et d’éviter le détour des navires par le cap de Bonne-Espérance, donc d’économiser un tonnage d’autant plus précieux que les sous-marins allemands provoquaient en Atlantique de terribles ravages. Elle provoquerait le basculement du régime vichyste dans le camp de la liberté. Enfin, elle aguerrirait les GI qui, fraîchement mobilisés, n’avaient aucune expérience du feu. Bien que son chef d’état-major, le général George Marshall, ait plaidé en faveur de Sledgehammer et que les marins, derrière l’amiral King, aient rappelé l’importance qu’ils attachaient à la guerre du Pacifique, le président américain finit, en juillet 1942, par se rendre aux raisons du Premier ministre britannique Churchill. Roosevelt espérait ainsi apaiser le courroux de Staline qui rappelait, non sans raisons mais avec véhémence, que le poids de la guerre reposait largement sur les épaules de l’Union soviétique. Torch, par ailleurs, emploierait utilement des milliers de soldats qui resteraient sinon l’arme au pied en attendant un hypothétique débarquement en Europe continentale. Alors que les Alliés avaient subi échec sur échec, cédant en Asie Hongkong, les Philippines ainsi que Singapour, l’hôte de la Maison-Blanche, enfin, espérait qu’une victoire redorerait un blason certes embelli par la victoire de Midway – une perspective d’autant plus attrayante qu’il devait affronter les mid-term elections, les élections législatives du 3 novembre 1942. En août, les planificateurs rejoignirent donc leurs bureaux de Norfolk House, dans le quartier Saint-James de Londres ; et le 13 août, le général

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A l’assaut

Photographie de l’opération Torch, le 8 novembre 1942 : les troupes américaines s’élancent sur les plages d’Afrique du Nord. Ce sont plus de 100 000 hommes qui débarquent au Maroc et en Algérie, autour d’Oran et d’Alger.

l’auteur Professeur à l’École normale supérieure de Cachan, membre du comité de rédaction de L’Histoire, Olivier Wieviorka est membre senior de l’Institut universitaire de France. Il a récemment publié une Histoire du débarquement en Normandie (Seuil, 2007, rééd. « Points », 2010) ainsi que La Mémoire désunie (Seuil, 2010). Il est rédacteur en chef de la revue Vingtième siècle.


’recherche lyon

1312 : Lyon devient française L’intégration de Lyon à la France en 1312, loin d’être une annexion comme les autres, fut un enjeu central dans le bras de fer qui opposait Philippe le Bel au pape. Par Julien Théry

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eillez à ce que ils sont, et toujours, avec l’aide de Dieu, la cité de Lyon, ils seront dans et du royaume de France. » qui appartient L’empereur venait d’être couronné. Et il au royaume d’un autre, avait eu le tort d’annoncer la nouvelle Ce qui a particulièrement n’augmente pas en prosaux Lyonnais, comme à tous les autres intéressé Julien Théry en périté à notre détriment. » habitants du Saint Empire, dans une lettravaillant sur le conflit entre Ainsi le roi de France tre où il les désignait comme ses « fidèPhilippe le Bel et la papauté, Louis VI s’adressait-il au L’auteur les » et ses « sujets ». à Lyon notamment (à partir pape, en 1121, dans une Professeur à On était alors à l’été 1312 – il y a tout de lettres pontificales et des l’université lettre lourde de menaces. Montpellier-III juste sept cents ans. Le 10 avril précétextes rédigés par les légistes Le pontife romain venait et chercheur dent, dans une déclaration solennelle, de Philippe le Bel), c’est CEMM de confirmer les préten- au l’archevêque Pierre de Savoie avait offila transformation du pouvoir (Centre d’études tions de l’archevêque de médiévales de ciellement transmis au roi capétien tous royal français. L’affaire Lyon à exercer la « pri- Montpellier), ses pouvoirs, judiciaires et politiques, sur lyonnaise n’a guère été Julien Théry mauté » sur de nombreux Lyon et le Lyonnais. Était-ce là un « rattaétudiée en relation avec la a notamment diocèses situés dans le publié, avec chement » au royaume, c’est-à-dire l’ensacralisation de la royauté royaume capétien. Louis Patrick Gilli, Le térinement d’une appartenance inforcapétienne. C’est pourtant Gouvernement ne pouvait accepter de pontifical et melle mais tendanciellement reconnue, l’émergence de l’Église l’Italie des villes voir ainsi échapper à son à divers degrés, par une grande partie gallicane, placée sous temps de la influence le pouvoir ec- au des contemporains ? Ou était-ce une l’autorité du roi, qui était théocratie, fin clésiastique supérieur (et xiie-mi xive siècle « annexion », autrement dit une opéraen jeu dans l’intégration les atouts politiques ma- (PULM, 2010) tion beaucoup plus brutale ? On en déau royaume de la vieille et Le Livre des jeurs qui allaient avec) battra sans doute lors des commémoraprimatie des Gaules. sentences de sur les archevêchés de l’inquisiteur tions de cette « intégration » (cf. p. 73), Rouen, de Tours, de Bernard Gui mais il est possible assurément de penPage de (CNRS, 2010). Sens, et dans les évêchés cher pour la seconde interprétation. droite : les bourgeois d’Autun, Mâcon, Chalon et Langres – c’estLe traité d’avril 1312 fut en effet arrade Lyon à-dire sur de très vastes pans de son royaume et ché de haute lutte par les conseillers de Philippe le remettent au représentant particulièrement sur l’Ile-de-France, cœur du do- Bel. Il concluait un processus riche en tensions, en du roi de maine royal. Contrairement aux prélats de ces ré- tractations, en épreuves de force, qui s’était étalé France une gions, en effet, les archevêques de Lyon n’étaient sur quarante années. Cinq acteurs avaient tenu les charte par laquelle ils pas astreints à la fidélité envers le « roi des Francs » rôles principaux : les bourgeois de Lyon, le chapitre demandent ni soumis en aucune manière à sa domination. Car des chanoines de la cathédrale, l’archevêque, le roi solennelLyon était en Empire. Nul n’avait jamais songé à en de France et le pape. lement la protection du douter, pas plus le Capétien qu’un autre. L’histoire de ces événements illustre bien la Capétien Moins de deux siècles après la lettre de Louis VI, transformation accélérée de la monarchie capé(1271). La miniature son successeur et descendant Philippe le Bel protes- tienne en un État souverain, expansionniste, au orne une copie tait en ces termes vigoureux – avec une formidable temps du fils et du petit-fils de Saint Louis. Car dans de la charte mauvaise foi ! – auprès de l’empereur Henri VII : l’affaire lyonnaise comme dans d’autres à la même dans un registre royal « En aucune manière nos aimés citoyens de Lyon n’ont époque, Philippe III le Hardi (1270-1285) puis (AN, JJ 5, été ni ne sont vos sujets, ni ne sont tenus à aucune fidé- Philippe IV le Bel (1285-1314) firent preuve d’une fol. 30, vers lité envers vous, car ils ont toujours notoirement été, intransigeance croissante. Leurs serviteurs recou1309).

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a. astruc

Décryptage

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rurent à un large éventail de moyens pour atteindre un objectif bientôt défini en toute radicalité : le triomphe de la suprématie royale sur tous les pouvoirs concurrents, en particulier sur la juridiction d’Église.

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ville d’Empire et seigneurie ecclésiastique Sept siècles d’histoire en ont fait perdre le souvenir et rendent un peu étrange cette réalité : Lyon était étrangère au noyau territorial originaire de la France, même si elle s’en trouvait toute proche. Le premier ancêtre de notre pays naquit à une date bien précise, en 843, lorsque les trois petitsfils de Charlemagne se partagèrent l’empire fondé par leur grand-père – un immense territoire qui couvrait une bonne partie de l’Europe et que l’on appelait tout entier Francia, parce qu’il avait progressivement été conquis par le peuple des Francs depuis la fin de l’Antiquité. Lyon ne se trouvait pas dans le royaume de « Francie occidentale », celui des trois qui allait peu à peu garder pour lui seul le nom de Francia. La ville appartenait à la « Francie médiane », une entité qui s’étendait longitudinalement de la mer du Nord à l’Italie, plus couramment appelée « Lotharingie » parce qu’elle était revenue à Lothaire, l’aîné des héritiers carolingiens, de même que le titre impérial. Par la suite, Lyon fit partie du « royaume de Bourgogne » ou « de Bourgogne et de Provence », dont le nom et l’extension varièrent beaucoup selon les moments, jusqu’à constituer un « royaume d’Arles et de Vienne » au xiie siècle. Dès 1032, ce royaume avait été récupéré par l’Empire. Il constituait depuis lors, avec la Germanie (l’ancienne « Francie orientale » de 843) et l’Italie, l’un des trois royaumes dévolus à l’empereur d’Occident. Vu de Lyon, cependant, le pouvoir impérial demeura le plus souvent assez lointain. Henri III (empereur de 1039 à 1056) avait certes marqué son autorité en faisant battre monnaie dans la ville. Mais les empereurs saliens (1024-1125), puis leurs successeurs les Hohenstaufen (1137-1250) étaient des Allemands. Lorsqu’ils n’étaient pas entièrement mobilisés par leurs rapports de force avec la ­noblesse

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de Germanie, ils s’efforçaient surtout ­d’imposer leur influence en Italie. L’attention intermittente qu’ils consacraient à leur royaume bourguignonprovençal en privilégiait d’ailleurs la partie méridionale. Seul Frédéric Ier Barberousse fit exception, qui épousa l’héritière de la Franche-Comté Béatrice de Bourgogne (1156) et vint réaffirmer ses droits dans la région à plusieurs reprises. Lyon se trouvait donc à l’écart des grandes puissances. Carrefour commercial, elle n’en était pas moins en situation de périphérie au plan politique (c’était d’ailleurs une ville-frontière : une partie de son territoire, sur la rive droite de la Saône, appartenait au royaume de France). Le principal pouvoir local put ainsi demeurer celui de l’archevêque bien après le haut Moyen Age, période où l’étiolement des villes avait laissé à l’Église, partout en Occident, un large monopole de l’autorité urbaine. Au milieu du xie siècle, l’archevêque Humbert II (1065-1077) avait renforcé ses attributions régaliennes en lançant (ou relançant) une frappe monétaire intitulée

Le traité d’avril 1312, arraché de haute lutte par les conseillers de Philippe le Bel, concluait un processus qui s’était étalé sur quarante années L’ H i s t o i r e   N ° 3 7 9   s e p t e m b r e   2 0 1 2 69

Vendredi 14 septembre à 9 h 05, dans l’émission « La Fabrique de l’histoire » d’Emmanuel Laurentin, retrouvez Julien Théry pour la séquence « L’atelier du chercheur » et découvrez les dessous du travail de l’historien. En partenariat avec L’Histoire.


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