3’:HIKPSH=[U[^U\:?k@a@q@h@a";
COLLECTIONS
M 05876 - 67 - F: 6,90 E - RD
LES
IER - MARS 2010 DOM/S 7.60 € - TOM/S 980 XPF - BEL 7.60 € - LUX 7.60 € - ALL 7.90 € - ESP 7.60 € - GR 7.60 € - ITA 7.60 € - PORT.CONT 7.60 € - CAN 9.95 $CAN - CH 13.50 FS - MAR 65 DH - TUN 7.5 TND - MAY 9 € ISSN 01822411
Les Collections de L’Histoire - trimestriel janvier 2010 - Les grandes migrations - N°
DE 90 CL 0 A AIR NS VA UX
LES COLLECTIONS
Une révolution religieuse au Moyen Age
L’AGE D’OR DES ABBAYES
Sommaire
LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67 - AVRIL-JUIN 2015
L’âge d’or des abbayes 6 La route des abbayes par FABIEN PAQUET 8 Les mots des moines
RELIGIEUSE
12 Tout commence dans
le désert égyptien
entretien avec A NDRÉ VAUCHEZ ❙ Irlandais voyageurs
20 Le coup de génie de saint Benoît par A NDRÉ VAUCHEZ 22 Le rêve de Fra Angelico par I SABELLE HEULLANT-DONAT 24 Filles du démon, filles du Christ par M ICHEL PARISSE ❙ Les audaces de Hildegarde de Bingen par L AURENCE MOULINIER-BROGI 28 Au service de Dieu et des puissants par DOMINIQUE ALIBERT
BRITISH LIBRARY/AKG
1. U NE RÉVOLUTION
2. C LUNY CONTRE CÎTEAUX
34 Cluny ou la « lumière du monde » par D IDIER MÉHU ❙ Carte : l’ordre clunisien, un réseau européen ❙ Des dons en terre, en argent et en hommes 42 Saint Bernard.
Chevalier de Dieu
WERNER FORMAN ARCHIVE/THE ART ARCHIVE
par J ACQUES BERLIOZ ❙ Réformer le monde par F LORIAN MAZEL
4 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67
46 De Cîteaux à la Terre sainte.
L’internationale cistercienne par A LEXIS GRÉLOIS ❙ Expériences extrêmes
59 L’art cistercien. Un avant-goût
de la perfection divine
entretien avec T HOMAS COOMANS
61 Noirs contre Blancs par MICHEL PASTOUREAU
3. U N MONDE CLOS 66 Une vie de moine entretien avec J ACQUES DALARUN ❙ Démocratie au couvent 74 Clairvaux : de l’abbaye à la prison par J EAN-FRANÇOIS LEROUX-DHUYS ❙ Illustres prisonniers 83 Exposition. Les trésors de Clairvaux par A RNAUD BAUDIN et LAURENT VEYSSIÈRE 86 Enfermé comme un moine par J ULIE CLAUSTRE , ISABELLE HEULLANT-DONAT et ÉLISABETH LUSSET 90 Abbé au temps d’Internet entretien avec L E PÈRE ABBÉ DE CÎTEAUX 94 Chronologie
BEAU X-ARTS/ DIJO N, MUSÉ E DES FRANÇOIS JAY
SYLVAIN BORDIER
96 A lire, voir et écouter
ABONNEZ-VOUS PAGE 89 Toute l’actualité de l’histoire sur histoire.presse.fr Ce numéro comporte deux encarts jetés : L’Histoire (kiosques France et export, hors Belgique et Suisse) et Edigroup (kiosques Belgique et Suisse). LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67 5
Tout commence dans le désert égyptien Le monachisme est né au iiie siècle, en Égypte, lorsque des ascètes ont voulu fuir le monde pour vivre, en solitaire, l’expérience des apôtres du Christ. Mais ils furent bientôt rejoints par des foules de disciples… Ancien directeur de l’École française de Rome, André Vauchez est membre de l’Institut (Académie des inscriptions et belles-lettres). Son livre sur La Spiritualité du Moyen Age occidental vient d’être réédité en poche (Seuil, « Points-Histoire », 2015). Ce texte est la version revue de « La grande aventure des moines d’Occident », L’Histoire n° 217, janvier 1998.
L’Histoire : Où et quand est né le monachisme ? André Vauchez : Les premiers moines, que l’on appelle dans le monde grec des « anachorètes » et dans le monde latin des « ermites », allaient dans le désert pour y vivre une expérience de Dieu intégrale, intense, avec l’idée qu’on ne peut réellement le trouver que loin du tumulte du monde, des affaires, de la politique, etc. Ils apparaissent très rapidement dans le christianisme, dès la deuxième moitié du iiie siècle de notre ère. Notons cependant que le monachisme avait des antécédents dans le judaïsme préchrétien : ainsi, les esséniens de Qumran, dont on a beaucoup parlé à propos des manuscrits de la mer Morte, avaient institué des formes de vie très voisines. Pour ce qui nous concerne, c’est surtout entre le ive et le vie siècle que le phénomène a pris une grande ampleur et s’est développé dans l’ensemble de l’Empire romain.
LE CAIRE, COPTIC MUSEUM/DAGLI ORTI
Entretien avec A NDRÉ VAUCHEZ
L’H. : Comment a-t-il pu attirer des milliers L es précurseurs Saint Antoine (à gauche) d’individus ? rend visite à saint Paul de Thèbes qui fut, A. V. : Le point de départ, c’est l’Égypte, où il y avait à la selon saint Jérôme, le premier ermite. fois des villes importantes, très peuplées, et des déserts. Entre eux, un corbeau apporte du pain Le grand nom du monachisme égyptien est celui d’An- à Paul, comme tous les jours – un des toine (mort en 356), bien connu parce que l’évêque seuls exemples médiévaux où cet animal d’Alexandrie Athanase a, vers 370, écrit sa Vie. Or ce n’est pas mauvais (icône sur bois copte, texte a eu un succès prodigieux : il a été diffusé dans tout 1777, Le Caire, Musée copte). l’Orient, puis a été traduit en latin. Et très vite, on voit apparaître d’autres personnages du même type, comme Paul qui est un disciple d’Antoine, ou encore Hilarion et Macaire dont les propos spirituels – ce qu’on appelle les apophtegmes, c’est-à-dire des morceaux choisis – sont 12 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67
GEORGE STEINMETZ/CORBIS
Le sable est paix Fondé au viiie siècle, le monastère fortifié de Saint-Siméon est situé en plein désert égyptien, à 2 kilomètres du Nil. Abandonné au xiiie siècle, il reste bien conservé, notamment les cellules des moines.
recueillis par leurs disciples et largement popularisés. chacun sa cellule et qui se retrouvent pour un entreLa transmission de ces textes dans l’Occident latin est tien spirituel, le soir, et pour la messe le dimanche. La assurée par saint Jérôme, un Romain venu en Orient grande nouveauté a lieu au ive siècle lorsque, sous la pour s’initier au monachisme. pression des évêques, on élabore en Égypte la première règle connue : celle de saint Pacôme. Pacôme, qui meurt en 346, était l’un de ces moines L’H. : Jusqu’au ive siècle, ces moines orientaux sont du désert qui avait attiré à lui une communauté de disdonc des solitaires ? A. V. : Au départ, en effet, les ermites sont bien seuls, ciples. Il a pensé qu’il fallait mettre un peu d’ordre dans mais cela n’a pas duré très longtemps : ils finissent par ce milieu anarchique, par exemple dire à quelle heure acquérir des pouvoirs extraordinaires, comme saint on se retrouverait chaque jour, définir ce qui était comAntoine qui eut la force de résister à de nombreuses munautaire et ce qui était individuel. Il a donc édicté un tentations et de s’imposer des jeûnes ou des privations petit règlement, très léger, qui explique comment mener de toutes sortes. Et le public croit fermement qu’en rai- la vie en commun dans le cadre d’un monastère unifié. son même des souffrances qu’ils s’infligent les moines Pour lui, le premier principe est l’obéissance au supérieur, obtiennent de Dieu le pouvoir de lire dans les esprits un élément très important du monachisme oriental, que et dans les cœurs, ainsi que celui de guérir : on leur l’on retrouve plus tard en Occident. Il s’agit avant tout amène des enfants, des malades, des possédés surtout, d’une relation spirituelle entre un maître et un disciple. Dès lors, le succès du monachisme est constant, puisqu’ils ont l’habitude de lutter contre les démons et contre la tentation. Parmi ceux qui viennent les voir extraordinaire, et durant tout le Moyen Age, des cende plus en plus nombreux, certains décident de rester taines, des milliers de personnes adhèrent à ce mode avec eux et de se placer sous leur direction spirituelle. de vie. L’H. : Combien sont-ils ? Comment sont-ils organisés ? A. V. : On connaît des centaines de noms. Et on passe peu à peu à de petits groupes d’ermites (30 ou 50) ayant
L’H. : Comment expliquer ce succès exceptionnel ? A. V. : Dans un premier temps, les chrétiens considéraient que tous les baptisés étaient appelés à la sainteté, à la perfection. Mais, à partir de la conversion officielle LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67 13
3
1
4
Le rêve de F ra Angelico La « Thébaïde » est une représentation idéale des ermites du désert égyptien. Celle peinte par Fra Angelico vient d’être reconstituée. Par I SABELLE HEULLANT-DONAT Professeur à l’université de Reims, Isabelle Heullant-Donat a notamment publié, avec Jean-Pierre Delumeau, L’Italie au Moyen Age (Hachette, 2000).
thébaïdes connurent un grand succès à Florence au NOTES xve siècle dans le contexte de l’Observance, ample mou- 1. Les travaux Leader vement de réforme religieuse qui toucha tous les ordres. d’Anne et de Michel Le panneau central (1) exalte au premier plan la Laclotte ont joué un rôle vie cénobitique dans un monastère et un paysage har- essentiel dans la monieux. Il est encadré, de manière peu commune et reconstitution. e tableau, reconstitué tel un puzzle au encore discutée, par quatre personnages. Il s’agit sans 2. L’exposition Jeu de terme de quarante ans d’enquête, est doute des quatre Pères de l’Église latine dont la préé- du paume de Chantilly s’est attribué au dominicain Fra Angelico et minence fut instituée par Boniface VIII en 1298 : saint tenue jusqu’au à son atelier1. Peint vers 1430-1435, il Ambroise, évêque de Milan (2) ; saint Augustin et sa 4 janvier 2015. comprend cinq fragments rassemblés conversion au jardin à Milan, rapportée au livre VIII Les fragments sont conservés lors d’une exposition exceptionnelle au des Confessions (3) ; saint Grégoire le Grand, hésitant dans quatre 2 musée Condé de Chantilly en 2014 . La scène centrale, à renoncer à la vie monastique pour accepter la tiare musées Anvers, à laquelle manque encore la partie supérieure, s’ap- pontificale (4) ; saint Jérôme en prière au désert (5). Un (à Cherbourg, parente à un genre figuratif très spécifique : celui des jeu complexe d’échos entre ces quatre figures et le pan- Chantilly et « thébaïdes », représentation idéale des anachorètes et neau central permet de célébrer la vie idéalisée des reli- Philadelphie) et dans une saints réputés avoir vécu à l’imitation de saint Antoine, gieux de plusieurs ordres, entre action dans le monde collection particulière. dans la solitude du désert de Thèbes, en Égypte. Les et retrait dans la solitude. n
C
22 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67
1. COLLECTION PARTICULIÈRE, © LECLERE-MDV – 2. HUGO MAERTENS/BRIDGEMAN IMAGES – 3. CHERBOURG-OCTEVILLE, MUSÉE D’ART THOMAS-HENRY – 4. PHILADELPHIA MUSEUM ART/JOHN G. JOHNSON COLL. – 5. RMN-GP (DOMAINE DE CHANTILLY)/RENÉ-GABRIEL OJÉDA
5
2
Saint Ambroise chassant l’empereur
La présence de trois moines camaldules (habit blanc et collier de barbe) a conduit à voir dans cette scène un épisode de la Vie de saint Romuald, fondateur de leur ordre, interdisant l’entrée d’un monastère à l’empereur germanique Otton III, coupable d’adultère. Il s’agit plus probablement de saint Ambroise, évêque de Milan, reconnaissable à sa mitre, interdisant l’entrée de son église à l’empereur byzantin Théodose, coupable d’un massacre à Thessalonique. Le tableau fut sans doute peint pour le monastère camaldule de Florence, où résidait Ambrogio Traversari, prieur général des Camaldules et humaniste pour lequel Fra Angelico peignit.
Saint Jérôme en prière
Saint Jérôme, traducteur et commentateur de la Bible, est représenté en pénitent, au désert, agenouillé face à la Croix, se meurtrissant la poitrine avec une pierre, comme le rapporte La Légende dorée rédigée par Jacques de Voragine au xiiie siècle et l’une de ses lettres. « Je me croyais parfois dans l’armée des anges », écrit-il, ce qu’illustre le repeint tardif en bleu vers lequel il lève les yeux. La présence d’un moine bénédictin vêtu de noir et sortant d’une grotte pour remonter un panier a conduit, à tort, à identifier le saint agenouillé avec saint Benoît, père du monachisme occidental.
Un monde harmonieux
Près de cet ensemble monastique très réaliste (église, cloître et bâtiments), des moines s’adonnent à des activités communautaires. La scène exalte plus la vie cénobitique idéale, faite de travaux manuels, de lecture et de méditation en groupe dans une campagne fertile, que l’ascèse des anachorètes. Cependant, au second plan, des moines devisant en binôme, tentés (par un diable et par une femme), visités (par un ange) ou méditant individuellement au bord de l’eau illustrent l’ascèse. A droite, une représentation du thème des « trois morts » (dans leur cercueil) et des « trois vifs » (à cheval) avertit du pourrissement de toute chair.
LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67 23
Une vie d e moine Du lever au coucher, sa vie est organisée dans les moindres détails. Devenir moine, c’est s’abandonner dans un corps collectif et mourir au monde. Plus prosaïquement, c’est aussi la meilleure des assurances-vie au Moyen Age. Entretien avec J ACQUES DALARUN
SIENNE, BIBLIOTECA DEGLI INTRONATI ; LUISA RICCIARINI/LEEMAGE
Directeur de recherche au CNRS, membre de l’Institut, Jacques Dalarun est notamment l’auteur de Gouverner c’est servir. Essai de démocratie médiévale (Alma, 2012).
Entrée au monastère Jusqu’au xie siècle, la plupart des moines sont
« offerts » vers 10-12 ans par leur famille, qui donne à l’abbaye une compensation financière (Décret de Gratien, manuscrit du xive siècle). 66 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67
L’Histoire : Comment devient-on moine ? Jacques Dalarun : Cela dépend évidemment des parcours, mais on peut distinguer deux grandes époques à l’intérieur du Moyen Age. Jusqu’à la fin du xie siècle, la manière la plus classique de devenir moine était d’être oblat, c’est-à-dire offert (oblatus) à un monastère par sa famille vers 10-12 ans, parfois moins. Vers 15-16 ans, l’oblat entre dans la catégorie des juvenes, puis devient novice, avant d’enfin prononcer ses vœux et de devenir pleinement moine. Saint Benoît leur prévoit une éducation rude, qui passe par des châtiments corporels. Cette catégorie des oblats est remise en cause à l’époque de la réforme grégorienne, vers 1100 : les ordres créés ou réformés durant ce moment décisif l’abolissent presque tous. C’est le cas de Cîteaux où se développe une exigence plus grande en matière de vocation. Les Cisterciens veulent des hommes solides, résolus, et n’ont pas envie d’être un collège pour moinillons. Cela posé, l’entrée est-elle une décision personnelle ? Difficile à dire. Dans les chroniques ou les chartes, on a souvent l’impression que c’est un choix familial, au moins pour les personnes les mieux documentées, qui sont en général issues de l’aristocratie. Pour les entrées en religion des catégories sociales plus modestes doit jouer l’idée que le monastère est une assurance-vie considérable : une assurance antifamine, antimaladie, la certitude d’une bonne mort et de bonnes prières. L’entrée au monastère du fils de famille aristocratique est généralement accompagnée d’un don de la famille, une forme de compensation. De cette famille, le nouvel entrant doit selon la règle être coupé. Mais dans les faits les monastères sont tellement imbriqués dans la société locale que c’est impossible. L’H. : Quels sont les principes qui régissent alors la vie du nouvel arrivant ?
FLORENCE, ABBAYE DE MONTE OLIVETO MAGGIORE ; LUISA RICCIARINI/LEEMAGE
A table Les repas, pris en commun et en silence, sont très ritualisés et ordinairement végétariens (scène de la vie de saint Benoît, fresque de Signorelli et le Sodoma, abbaye de Monte Oliveto Maggiore, Florence, 1497-1498).
J. D. : Il y en a plusieurs, comme la chasteté, l’obéissance, la clôture et le silence, mais l’idée centrale est l’abandon de tout bien propre, y compris de son corps. Ces individus aux origines et aux parcours divers sont fondus dans le corps monastique. Le caractère dominant du monachisme occidental est cette dimension collective de la propriété et de toutes les activités, en particulier de l’alimentation au réfectoire et du sommeil dans le dortoir commun. La solitude doit être évitée car être seul, c’est pouvoir être soumis à la tentation. Ainsi intégré dans le corps monastique, le corps individuel n’a pas besoin d’être traité avec la même dureté que celle qu’un ermite impose au sien, puisque le moine n’en est plus propriétaire. Le cénobitisme occidental se définit comme un antiérémitisme ou au moins comme un modèle à la fois en deçà et au-delà de l’érémitisme.
L’enjeu premier de la règle de Benoît, c’est de renoncer à sa volonté propre : or, d’une certaine manière, une ascèse qui se rapproche de l’exploit peut vite devenir une forme d’orgueil… Le monachisme de saint Benoît n’est pas un monachisme de la prouesse car la vraie prouesse est de s’oublier. Quelle volonté faut-il pour renoncer à sa volonté propre ? Le substrat moral et théologique de ce débat est le problème du pélagianisme. Si, comme le moine breton du ive siècle Pélage, on pense que l’homme peut assurer son propre salut, alors il faut se punir quand c’est nécessaire. Mais, c’est une forme de présomption de penser cela et saint Augustin répond en défendant que seule la grâce divine peut nous sauver, que nous sommes totalement inefficaces contre notre pente à pécher. Le monachisme est en tension entre ces doctrines. LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67 67
Exposition
es trésors de L Clairvaux Par A RNAUD BAUDIN et L AURENT VEYSSIÈRE Commissaires scientifiques de l’exposition, Arnaud Baudin est directeur adjoint des Archives et du Patrimoine de l’Aube et Laurent Veyssière dirige la Délégation des patrimoines culturels au ministère de la Défense.
DIJON, MUSÉ E DES BEAUX -ARTS/FRANÇOIS
« Clairvaux, l’aventure cistercienne », du 5 juin au 15 novembre à Troyes, Hôtel-Dieu-le-Comte, rue de la Cité. Visites guidées de l’abbaye et de l’exposition le 13 juin pour les lecteurs de L’Histoire. Renseignements : courrier@histoire.presse.fr
JAY
P
our la première fois depuis la Révolution, près de 160 œuvres d’art, documents d’archives et manuscrits sur l’abbaye de saint Bernard sont exposés cet été à Troyes. « Clairvaux, l’aventure cistercienne » s’articule autour des trois périodes marquantes de son histoire. « Aux origines de Clairvaux, 1098-1153 » revient sur la création de l’ordre cistercien, la fondation de l’abbaye de Clairvaux et la personnalité de son premier abbé. « Clairvaux, de la mort de saint Bernard à la guerre de Cent Ans, 1153-1300 » présente le formidable essor politique, économique et culturel de l’abbaye. « Temps de crises, temps de réformes, xive-xviiie siècle » retrace enfin les transformations successives de Clairvaux au gré des guerres et des reconstructions. Sous la houlette d’un comité scientifique dirigé par André Vauchez, revivent ainsi sous nos yeux la figure hors norme de saint Bernard, témoin de la foi de son époque, mais aussi un réseau monastique, économique et intellectuel européen.
Le crosseron de Robert Provenant du trésor de Cîteaux, ce crosseron est réputé avoir appartenu à Robert de Molesme, le fondateur de l’ordre cistercien. Fabriqué en Italie, à la fin du xie siècle, il est conservé à Dijon, au musée des Beaux-Arts. LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67 83
Les filles de Cîteaux
SAINT-OMER, MUSÉE DE L’HÔTEL SANDELIN/BRUNO JAGERSCHMIDT
MÉDIATHÈQUE DU GRAND TROYES/P. JACQUINOT
La fondation par Cîteaux de ses « premières filles », sous l’abbatiat d’Étienne Harding, que l’on voit ici à gauche dans son monastère. A droite, quatre arcades qui représentent La Ferté, Pontigny, Clairvaux et Morimond. Au centre, des convers défrichent. Parchemin du Commentaire sur l’Apocalypse d’Alexandre de Brême (1256-1271, Cambridge, University Library).
La Grande Bible Les initiales ornées de la Grande Bible de Clairvaux, datant de 1145-1150, constituent l’une des expressions les plus abouties de l’austérité cistercienne. Ces initiales monochromes devaient en effet permettre aux moines de se concentrer sur les textes et ne pas se laisser distraire par des enluminures trop riches (médiathèque du Grand Troyes).
ARCHIVES EN LIGNE
A l’occasion du 9 centenaire de Clairvaux, le conseil général de l’Aube poursuit, avec le soutien du ministère de la Culture, la numérisation du fonds d’archives de l’abbaye entré dans les collections des Archives départementales à l’occasion des saisies révolutionnaires. La numérisation a commencé en 1997 avec des chartes scellées des xiie et xiiie siècles, puis avec celle des cartulaires et inventaires des xiiie-xviiie siècles en 2011 ; 68 000 nouvelles archives qui traitent des rapports de Clairvaux avec l’ordre de Cîteaux, de la justice, des domaines et des bâtiments de l’abbaye, de sa comptabilité et de sa spiritualité (reliques, inventaires du trésor) seront mises en ligne en juin 2015 : archives-aube.fr e
84 LES COLLECTIONS DE L’HISTOIRE N°67
Vraie Croix Chef-d’œuvre de l’orfèvrerie médiévale, cette croix-reliquaire devait abriter un morceau de la vraie Croix rapportée des croisades. Elle provient de l’abbaye de Clairmarais, fille de Clairvaux, et date des années 1210-1220. Elle est conservée au musée de l’Hôtel Sandelin à Saint-Omer.