Le Moyen Age a tout osé : l'obscène et le sacré

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Sommaire

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DOSSIER

ACTUALITÉS L’ÉDITO

3 Qui a peur des images ?

FORUM Vous nous écrivez 4 Le wagon de Rethondes ON VA EN PARLER Patrimoine 6 Histoire de pierre

ÉVÉNEMENT

La Nouvelle-Calédonie 1 2 « Une colonisation pas

comme les autres » Entretien avec Michel Naepels

ACTUALITÉ Psychanalyse 22 Françoise Dolto et l’expérience

de la Grande Guerre Par Manon Pignot

I nformatique 2 4 1978 : naissance de la Cnil Par Victor Demiaux

D ocument 26 Un inédit de Lucien Febvre

Par Jean Lecuir

L ittérature 28 Zévaco, l’anarchiste du feuilleton Par Claude Aziza

PORTRAIT

32 Le

Dessinateur(s) de presse 3 0 Métier à haut risque Par Olivier Thomas

Préparez les concours sur www.lhistoire.fr

n capes n agrégation

L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018

L’Islam ou l’image rare

Po

COUVERTURE Détail de la Déposition de la croix, fresque de la basilique Saint-François d’Assise, par Pietro Lorenzetti, vers 1320 (Scala). Couverture Nouvelle-Calédonie Vers 1898, Charles Mitride photographie un colon dans sa plantation de café sur la côte est de la Nouvelle-Calédonie (Collection S. Kakou/Kharbine-Tapabor). ABONNEZ-VOUS PAGE 105 Ce numéro comporte deux encarts abonnement L’Histoire sur les exemplaires kiosque France, un encart abonnement Édigroup sur les exemplaires kiosque Belgique et Suisse, un message abonnement Challenges sur les exemplaires abonnés, un catalogue Belin de 24 pages sur les exemplaires abonnés et un encart First Voyages sur les exemplaires abonnés.

« Au Moyen Age, pas d’images interdites ! » Entretien avec Jean Wirth

Par Julien Loiseau

46

La chambre du Cerf : Rome est à Avignon

Par Étienne Anheim

48 La cathédrale gothique. Une Bible pour les illettrés ?

Par Jean Wirth

Prédicateur et pédagogue !

Par Jacques Berlioz

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A quoi sert le portrait du roi ? Par Patrick Boucheron

SCAL A, SU CONCESSIONE DEI MUSEI CIVICI FIORENTINI

n ENS n Sciences

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triomphe


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L’ATELIER DES CHERCHEURS

GUIDE LIVRES

86 « Le Lambeau »

de Philippe Lançon Par Mona Ozouf

88 La sélection de « L’Histoire » Bande dessinée

92 « Congo 1905 »

de Vincent Bailly et Tristan Thil Par Pascal Ory

Revues 9 4 La sélection de « L’Histoire » 9 6 La planche de JUL

78 C ent vingt ans d’automobilisme Par Mathieu Flonneau

Classique 97 « Les Partis politiques » de Robert Michels Par Michel Winock

SORTIES Expositions

des images 56

60

Dans toutes les maisons… Par Pierre-Olivier Dittmar

« Si tu es Dieu, défends-toi ! » Par Olivier Christin

Le paradoxe de Luther

Par Philippe Joutard

66

Giotto peint-il le vrai ? Par Étienne Anheim

« Un monde à la mesure de l’homme »

9 8 A l’est, la guerre sans fin

au musée de l’Armée Par Huguette Meunier

100 Da Vinci. Les inventions d’un génie à Lyon Par Ana Struillou Cinéma 102 « Un peuple et son roi » de Pierre Schœller Par Antoine de Baecque

Médias 104 « Pasteur et Koch »

de Mathieu Schwartz Par Claire Pilidjian

CARTE BLANCHE

106 Ernst Jünger à l’écran Par Pierre Assouline

Par Daniel Arasse

70

DR

Sommes-nous si loin du Moyen Age ? Par Jean-Noël Jeanneney

France Culture Retrouvez dans l’émission d’Emmanuel Laurentin « La Fabrique de l’histoire » une séquence en partenariat avec L’Histoire le dernier vendredi de chaque mois. L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018


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Mémoire C i-dessus : des Kanaks travaillent, sous le regard d’exploitants européens, au séchage du café dans la propriété Laurie à Canala en 1874. Ci-dessous : le 5 mai 2018, le président Emmanuel Macron assiste à une cérémonie d’hommage aux Kanaks tués à Ouvéa.

L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018


Événement

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LA NOUVELLE-CALÉDONIE

UNE COLONISATION « PAS COMME LES AUTRES » Le 4 novembre 2018, les Néo-Calédoniens sont appelés à se prononcer pour ou contre l’indépendance. L’occasion pour Michel Naepels de revenir sur le passé colonial de l’archipel, de la colonie pénitentiaire de Napoléon III au drame de la grotte d’Ouvéa, en passant par la lente émergence des revendications kanakes.

ROGER-VIOLLET – ELIOT BLONDET POOL/SIPA – DR

Entretien avec Michel Naepels

L’Histoire : Qu’allaient faire les Français en Nouvelle-Calédonie au milieu du xixe siècle ? Michel Naepels : Lorsque Napoléon III prend possession de la Nouvelle-Calédonie le 24 septembre 1853 – c’est-àdire lorsque le contre-amiral Auguste Febvrier-Despointes y proclame la souveraineté française –, il n’a pas de projet colonial fort. Il le fait à la demande des missionnaires catholiques et des marins français pour assurer leur présence dans une zone du Pacifique dominée par les Britanniques, déjà établis en Australie et en NouvelleZélande. Ces missionnaires, installés depuis une dizaine d’années au nord de la Grande Terre (l’île principale de la NouvelleCalédonie), à Balade, Poum et Tiwaka (aujourd’hui Poindimié), s’inquiètent de l’influence prise par les missions évangéliques

anglaises dans l’archipel. Quant aux marins, ils souhaitent prendre part aux échanges commerciaux qui, depuis les années 1810, mettent en relation les Kanaks, population originelle de l’île, avec les Britanniques : baleiniers d’abord, santaliers australiens (faisant le commerce du bois de santal) ensuite, qui laissent parfois des agents collecteurs sur la côte. En 1854, les Français s’implantent donc à Nouméa, au sud de la Grande Terre, où ils fondent une ville d’administration et de garnison de marine. Ils envoient des navires de guerre pour réprimer les Kanaks chaque fois qu’est portée atteinte à des Européens ou à leurs biens, qu’il s’agisse ou non de Français, de religieux ou de colons. Cette politique de la canonnière, à une époque où la présence coloniale est extrêmement fragile et dépendante de

L’AUTEUR Anthropologue, directeur de recherche au CNRS et directeur d’études à l’EHESS, Michel Naepels a publié Conjurer la guerre. Violence et pouvoir à Houaïlou, NouvelleCalédonie (Éditions de l’EHESS, 2013) et dirigé le dossier thématique « L’anthropologie face au temps » des Annales, juillet-août 2010.

ses relations avec les indigènes, a pu être instrumentalisée par les Kanaks dans le cadre de rivalités internes. En 1856, par exemple, après la disparition de sept chercheurs d’or français et suisses, des vaisseaux sont déployés face à Houaïlou, sur le littoral oriental, où, selon les renseignements fournis par des alliés océaniens de Canala, se trouveraient les coupables. Trois villages sont dévastés, maisons et champs détruits, une trentaine d’hommes sont tués. Or nous sommes à peu près sûrs aujourd’hui qu’aucun habitant de ces villages n’a été mêlé, de près ou de loin, aux meurtres. En 1863, la donne change : en raison de la très forte mortalité dans le bagne de Guyane, Napoléon III décide de faire de la Nouvelle-Calédonie un second bagne ultramarin. Le sort de la Nouvelle-Calédonie est scellé : elle sera une colonie de L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018


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DOSSIER

L e triomphe des images

« Au Moyen Age, pas d’images interdites ! »

Christ sanglant

Ce crucifix en bois grandeur nature ne cherche pas à séduire mais à inspirer l’horreur et la pitié. Il témoigne de la capacité expressive gagnée au xiiie siècle par la sculpture médiévale (Cologne, Sankt Maria im Kapitol).

L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018


FLORIAN MONHEIM/BILDARCHIV MONHEIM/AKG – DR

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Alors que le judaïsme et l’islam refusent la représentation de Dieu, voire celle des êtres animés, et qu’à Byzance éclate la crise iconoclaste, une doctrine s’impose en Occident à partir de Charlemagne : pas d’image illicite. Ouvrant la possibilité d’une profusion d’images. Entretien avec Jean Wirth

L’Histoire : Qu’est-ce qu’une image ? Le mot a-t-il le même sens pour un homme du Moyen Age et pour nous ? Jean Wirth : Le mot « image » a à peu près le même sens de l’Antiquité jusqu’au début du xxe siècle, ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas d’évolutions. L’apparition du tableau comme forme artistique, en particulier, a entraîné une fracture entre ce que nous considérons comme de banales images et ce que nous considérons comme des œuvres d’art, notamment les tableaux. On parle d’un tableau de Titien, pas d’une image de Titien. Au xxe siècle, avec le développement de la photographie et du cinéma, le mot « image » a été pratiquement réservé aux représentations en deux dimensions, fixes ou animées, et subsume à la fois la peinture, le dessin et la photographie. Pour un homme du Moyen Age, au contraire, une statue est une image, un objet matériel fabriqué intentionnellement pour en représenter un autre. Le type de support n’entre pas dans la définition. D’ailleurs, l’image tridimensionnelle (la sculpture) est globalement préférée à l’image bidimensionnelle (la peinture) car elle est plus expressive. Cela ne veut pas dire, bien sûr, que les mille ans de l’époque médiévale ne connurent pas d’évolutions quant à la place des images. C’est en particulier le cas pour les images de culte, un problème débattu de la fin de l’Antiquité à la Réforme protestante. C’est la représentation de Dieu qui est en cause ? Dans le monde gréco-romain, il n’y a aucune objection à la représentation du divin : il y a partout des statues et d’autres images des dieux. Du côté des monothéismes, les choses sont plus compliquées, notamment à cause du deuxième commandement biblique : « Tu ne te feras point d’image taillée, ni de représentation quelconque des choses qui sont sous les cieux. » Cet interdit est appliqué dans le judaïsme et l’islam, en tout cas en ce qui concerne l’image de Dieu (cf. p. 38). Chez les chrétiens, les choses sont plus ambiguës. Dans un premier temps au moins, une réticence s’exprime quant à la représentation de Dieu le Père. Son image est très rare, si ce n’est interdite, et nous n’en connaissons que quelques exemples sur des sarcophages au début de l’art chrétien (cf. p. 37). On représente plutôt le Père sous forme de symbole aniconique – comme une main dans un nuage – ou sous la forme du Fils, Jésus étant par définition incarné et visible. Puisqu’il s’est incarné, qu’il a pris la nature humaine, il est en effet représentable. On résout le problème de la représentation du Créateur en lui donnant l’aspect du Christ. Au xiie siècle émerge une nouvelle représentation de Dieu le Père, extrêmement ambiguë, à la fois symbolique et anthropomorphe,

L’AUTEUR Jean Wirth est un historien de l’art, ancien élève de l’École des chartes et professeur honoraire à l’université de Genève depuis 2012. Spécialiste de l’image médiévale, il a notamment publié Qu’est-ce qu’une image ? (Droz, 2013) et Les Marges à drôleries des manuscrits gothiques, 12501350 (Droz, 2008).

MOTS CLÉS

Image

Du latin imago (qui signifie à la fois image, représentation, portrait, fantôme). Au Moyen Age, le mot désigne notamment tout objet matériel fabriqué intentionnellement pour en représenter un autre, sans que le support ou l’usage entre en compte.

Icône

Image de dévotion. Pour les chrétiens orthodoxes, plus qu’une œuvre d’art, c’est une présence réelle, d’où son caractère sacré. L’iconodoulie est un courant prônant l’adoration des images (à genoux et front au sol). Cette vénération est contestée par l’iconoclasme, qui prône la destruction des icônes. L’aniconisme désigne le refus total ou partiel des images.

L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018


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DOSSIER

L e triomphe des images

A quoi sert le portrait du roi ? « Le portrait de roi fait le roi » : telle est la force de la représentation du pouvoir. Sans que, jusqu’à la fin du Moyen Age, on se soucie de la ressemblance.

JEAN LE BON

Précurseur C e tableau, datant du xive siècle et conservé

au Louvre, est considéré comme le premier portrait réaliste d’un individu. Le roi Jean le Bon (1350-1364) y est représenté sans couronne, probablement avant son accession au trône. Le profil adopté rappelle les médailles impériales. L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018

CHARLES IV

Individualité E mpereur du Saint Empire romain germanique

et roi de Bohême, Charles IV (1355-1378) est le premier roi à avoir écrit son autobiographie. On dispose de plusieurs représentations de cet empereur, pour qui le portrait sert à affirmer la souveraineté du moi (Prague, Galerie nationale).

PARIS, MUSÉE DU LOUVRE, DIST. RMN-GP/ANGÈLE DEQUIER – PRAGUE, GALERIE NATIONALE ; FINEARTIMAGES/LEEMAGE

Par Patrick Boucheron


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ANTOINE BONFILS POUR L’HISTOIRE – SCAL A, SU CONCESSIONE MINISTERO BENI E ATTIVITÀ CULTURALI E DEL TURISMO – RMN-GP (PARIS, MUSÉE DU LOUVRE)/THIERRY LE MAGE

E

st-ce bien lui qui se tasse au fond de la berline ? Le maître de poste de Sainte-Menehould n’en est pas certain. Après tout, il n’a vu le roi qu’une fois. C’était il y a moins d’un an, lors de la fête de la Fédération, le 14 juillet 1790. Mais lorsqu’un messager de la garde nationale vint l’avertir que Louis XVI avait quitté Paris, Jean-Baptiste Drouet comprit aussitôt : sautant sur son cheval, il se lança à la poursuite du fugitif, qui fut arrêté à Varennes trois heures plus tard, en cette nuit du 21 au 22 juin 1791. On racontera longtemps dans les écoles républicaines que le roi, traître à sa patrie, avait été reconnu par l’un de ses sujets qui avait en poche une pièce frappée à son effigie. En réalité, de nombreuses monnaies alors en circulation figuraient encore le portrait d’un Louis XVI bien plus jeune, et pour tout dire méconnaissable. Le 24 juin, Jean-Baptiste Drouet déclarait à l’Assemblée

constituante qu’il « fut frappé de la ressemblance de sa physionomie avec l’effigie d’un assignat de 50 livres ». Peu importe le support monétaire : ce jour-là, le portrait du roi avait servi à le confondre. Dès lors, le retour piteux du roi à Paris sera le cortège funèbre de la royauté1. Minuit sonne, le temps est passé ; comme dans un conte, le carrosse s’est transformé en citrouille. Son occupant est contraint de subir une entrée royale à l’envers, moins carnavalesque que grave et solennelle. En des pages inoubliables de son Histoire de la Révolution française, Michelet a décrit cette « excommunication du silence », au cours de laquelle le peuple a bandé les yeux des statues de son roi, pour lui signifier qu’il est désormais aveugle à sa propre image. Que n’a-t-il exhibé ses habits de sacre et les insignes de sa puissance qu’il tenait cachés dans la malle de sa berline ? « Qui eût osé l’arrêter, si, écartant ses vêtements, il eût montré cet habit ? » Seulement voilà, en ce jour funeste, le roi fut le premier régicide, car

BONIFACE VIII

Théocratie L e pape Boniface VIII (1294-1303) a largement

utilisé son image (portraits, statues), totalement confondue avec l’institution pontificale, pour affirmer son autorité. On le voit ici sur un tableau d’Ambrogio Lorenzetti (1324-1327) exposé dans la chapelle Bandini Piccolomini à Sienne.

L’AUTEUR Membre du comité de rédaction de L’Histoire, Patrick Boucheron est professeur au Collège de France à la chaire « Histoire des pouvoirs en Europe occidentale, xiiie-xvie siècle ». Il a notamment publié Conjurer la peur. Sienne, 1338. Essai sur la force politique des images (Seuil, 2013).

ISABELLE D’ESTE

Ressemblance I sabelle d’Este, marquise de Mantoue, se pensait « la plus belle femme du monde ». Elle batailla longtemps pour que Léonard de Vinci peigne son portrait avant que sa jeunesse se fane. Le maître céda en 1499 et réalisa cette esquisse préparatoire d’un portrait jamais réalisé.

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L’Atelier des

CHERCHEURS Cent vingt ans d’automobilisme Cet automne se tient à Paris, cent vingt ans après sa première édition, le Salon, devenu Mondial, de l’automobile. En un siècle s’est développée une véritable civilisation de la voiture qui, au-delà des anathèmes, demeure fondamentale dans l’existence, de plus en plus mobile, de nos contemporains. Par Mathieu Flonneau

L

’automobile est aujourd’hui l’objet d’une remise en cause planétaire. Qui, sans recul et controverse assumée, pourrait reprendre les mots du grand sémiologue Roland Barthes, subjugué comme beaucoup par la Citroën DS offerte aux yeux des visiteurs du Salon de Paris en 1955, dans ses célèbres Mythologies (1957) ? Il la qualifiait alors d’« équivalent assez exact des grandes cathédrales gothiques, […] grande création d’époque conçue passionnément par des artistes inconnus, consommée dans son image, sinon dans son usage, par un peuple entier qui s’approprie en elle un objet parfaitement magique ». Mais les avis de crise ont beau être récurrents, quelque chose persiste bel et bien. En témoigne l’affluence au salon le plus important du genre, devenu Mondial

en 1988, porte de Versailles à Paris, dans une ville, ironie de l’histoire, devenue plutôt hostile à l’automobile. C’est en 1898 que l’Automobile Club de France (fondé en 1895 par des personnalités comme le marquis Albert de Dion, constructeur pionnier) lança une « Exposition internationale de l’automobile ». Ce premier salon se tint au jardin des Tuileries et accueillit 140 000 visiteurs ; un engouement extraordinaire au regard du faible nombre de voitures particulières alors en circulation (on l’estime à 2 000)1. En cette année 2018, des nouveautés réelles, autres que celles liées aux productions classiques des constructeurs, se dessinent. Une large place est désormais faite aux technologies de pointe, avec cependant

Décryptage

DR

Après sa thèse de doctorat d’histoire urbaine consacrée à Paris et à l’automobile au xxe siècle, Mathieu Flonneau élargit l’étude de l’« automobilisme » à toutes les formes de mobilité, à l’histoire des routes et à la civilisation née autour de la voiture, dont il recherche la cohérence dans ses aspects culturels, sociaux, politiques et patrimoniaux.

L’AUTEUR Maître de conférences à l’université Paris-IPanthéon-Sorbonne (Sirice-CRHI, T2M, LabEx EHNE, IAES), Mathieu Flonneau est l’auteur, entre autres publications, de L’Automobile au temps des Trente Glorieuses. Un rêve d’automobilisme (Loubatières, 2016). Il est commissaire invité de l’exposition « Routes mythiques » au Mondial 2018.

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DR

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Modernisme S ur l’affiche de la 14e Exposition internationale de l’automobile, un homme prométhéen drapé aux couleurs de la France

brandit une auto. Il est appuyé sur une enclume, symbole d’une industrie qui reçoit ici et pour soixante ans la reconnaissance du Grand Palais. L’HISTOIRE / N°452 / OCTOBRE 2018


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