1918 : comment la guerre nous a changés ?

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Sommaire

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GUIDE CULTUREL

SPÉCIAL

115 Les 40 plus belles

expositions historiques de l’été

1918 Comment

LA GUERRE NOUS A CHANGÉS

n Ile-de-France p . 116

6 Carte : le chaos européen Chronologie

8 L’interminable sortie de la guerre Par Bruno Cabanes Infographie : 10 millions de soldats disparus

n Régions p. 122

EN PARTENARIAT POUR L’ILLUSTRATION AVEC LE SOUTIEN DE LA MISSION DU CENTENAIRE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE

n . 134 Étranger p

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COUVERTURE : Des femmes guettent le retour de leurs proches lors d’un Anzac Buffet organisé à Sydney ; leurs expressions se dessinent alors que les véhicules déposent les premiers soldats. Photographie parue le 18 juin 1919 dans le Sydney Mail (Canberra, Australian War Memorial/Sydney Mail/ Bridgeman Images).

ABONNEZ-VOUS PAGE 113 e numéro comporte deux encarts C abonnement L’Histoire sur les exemplaires kiosque France et un encart abonnement Edigroup sur les exemplaires kiosque Belgique et Suisse.

PARIS, MUSÉE NATIONAL DES ARTS ASIATIQUES-GUIMET – PARIS, BIBLIOTHÈQUE DE L’ARSENAL, MS 1186 LE CAIRE, MUSÉE ÉGYPTIEN, JE 68965, JE 95233 ; L ABORATORIOROSSO SRL

Prologue


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16 La guerre n’est TOPICAL PRESS AGENCY/HULTON ARCHIVE/GETT Y IMAGES – ULLSTEIN BILD/ROGER-VIOLLET – VICTOR COURTOIS/COLLECTION COURTOIS/ECPAD, D310-3-19

pas finie

18 Clemenceau sur tous les fronts Par Sylvie Brodziak 24 Pourquoi les Puissances

centrales ont perdu Par Arndt Weinrich Carte : dernières offensives

30 Allemagne. Un nouvel âge de la violence Par Robert Gerwarth Corps francs : les soldats perdus du « Baltikum » 34 Grippe espagnole.

Le tueur que l’on n’attendait pas Par Claude Quétel « Je suis le virus H1N1 »

38 Novembre 1918. Trieste sera italienne ! Par Jean-Clément Martin Carte : l’Italie s’agrandit 42 Septembre 1922.

Smyrne mise à sac Par Michelle Tusan

France Culture Vendredi 29 juin à 9 h 05 retrouvez John Horne (cf. p. 88) dans la séquence « La Fabrique mondiale de l’histoire », l’émission d’Emmanuel Laurentin. En partenariat avec L’Histoire.

44 Construire

la paix

46 1 4 Juillet 1919.

Que la fête commence ! Par Victor Demiaux

50 Versailles :

l’échec n’était pas inscrit Par Vincent Laniol Saionji : le Japonais qui voulait l’égalité des races Par Pierre-François Souyri Profession, interprète Par Franziska Heimburger Un congrès panafricain à Paris Par Pap Ndiaye On a perdu l’original du traité ! Les fautes de Clemenceau ? Infographie : une conférence de vainqueurs Carte : la nouvelle Europe

64 La SDN.

Un immense désir de paix Par Jean-Michel Guieu

68 Réfugiés.

La catastrophe humanitaire Par Bruno Cabanes Carte : des millions d’hommes et de femmes sur les routes

112 L’agenda du centenaire 1 14 Pour en savoir plus

74 Rien ne sera plus

comme avant

76 Cérémonies macabres Par Béatrix Pau 78 « L’exactitude, je m’en fous ! C’est la vérité qui m’intéresse » Entretien avec Pierre Lemaitre 82 Dans le secret des familles Par Dominique Fouchard Les gens heureux aussi ont une histoire 88 Tumulte dans les colonies Par John Horne Révolte en Corée Par Pierre-François Souyri Amérindiens : héros mais pas citoyens ! Par Thomas Grillot 96 La guerre rend-elle fou ? Par Hervé Guillemain et Stéphane Tison

« On a rendu leur dignité aux blessés psychiques » Entretien avec Patrick Clervoy 102 « Des cicatrices

indélébiles » Entretien avec Tait Keller

108 Le monde d’après Entretien avec Antoine Prost A bas Wagner, vive le jazz ! Par Anaïs Fléchet, Martin Guerpin et Philippe Gumplowicz

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SPÉCIAL

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1918 P rologue

L’interminable sortie de la guerre Novembre 1918. Les combats cessent sur le front occidental. Hommes et femmes n’en ont pourtant pas fini avec la guerre qui a bouleversé, pour longtemps, leur univers, en même temps qu’elle les a transformés. Par Bruno Cabanes

Retour à Paris P hoto publiée dans le quotidien Excelsior, le 2 février 1919 : des soldats sortant de la gare de l’Est. La démobilisation

de 5 millions de Français, opérée classe d’âge par classe d’âge pour des raisons d’équité, ne s’achève qu’au printemps 1920, dans un climat d’ennui, de frustration et d’attente. L’HISTOIRE / N°449-450 / JUILLET-AOÛT 2018


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EXCELSIOR-L’ÉQUIPE/ROGER-VIOLLET – LITTLE BEAR-LES FILMS AL AIN SARDE/DR/PROD DB/AURIMAGES – DR

Q

uand et comment se termine une guerre ? Les historiens militaires se posent cette question pour presque tous les conf lits, lorsqu’ils s’interrogent sur ce qui explique une défaite ou une victoire, pourquoi l’un des belligérants accepte de rendre les armes, ou comment sont signés les traités de paix. Le cas de la Première Guerre mondiale, toutefois, est singulier à plus d’un titre : cette « guerre totale » de plus de quatre ans a entraîné des pertes humaines et des destructions matérielles si importantes qu’elle laisse des traces profondes, pour plusieurs générations, dans les sociétés d’aprèsguerre, leurs démographies, leurs économies et leurs paysages. « Guerre totale », elle a également mobilisé les énergies sans distinction de classe, d’âge ou de genre, radicalisé les enjeux, diabolisé l’ennemi, limité les contestations internes, et rendu d’autant plus difficile le retour à des attitudes du temps de paix. Singulière, la Première Guerre mondiale l’est aussi parce qu’au moment où les combats s’interrompent sur le front occidental la définition même des vaincus et des vainqueurs est malaisée. L’Allemagne est incontestablement défaite, mais comme elle a échappé à une invasion de son territoire avant la signature de l’armistice, certains responsables politiques et militaires allemands l’estiment « invaincue » : c’est le mot célèbre du chancelier Friedrich Ebert accueillant, le 10 décembre 1918, des soldats démobilisés à la gare de Berlin. Le mythe d’un « coup de poignard dans le dos », selon lequel l’armée allemande ne se serait pas effondrée sur les champs de bataille mais aurait été trahie par les civils, notamment les Juifs et les militants d’extrême gauche, prend racine, au même moment, dans l’opinion publique (cf. p. 24). A l’inverse, un pays victorieux comme l’Italie n’a pas l’impression de faire partie du camp des vainqueurs : les traités de paix lui concèdent une « victoire mutilée » (Gabriele D’Annunzio). Elle récupère le Trentin, le Haut-Adige, la Vénétie Julienne et l’Istrie avec Trieste (cf. p. 38), mais pas la côte dalmate et la ville de Fiume, pourtant aux deux tiers italienne – elle sera finalement annexée par l’Italie en 1924, à la suite du traité de Rome avec le Royaume des Serbes, des Croates et des Slovènes.

L’impossible date de fin ? La dernière spécificité de la Première Guerre mondiale tient à sa chronologie, avec des décrochages successifs sur les différents fronts ou l’emboîtement de plusieurs conflits. Dès lors, quand faut-il faire démarrer la « sortie de guerre » ? Au printemps 1917 avec les premiers mouvements d’autodémobilisation de l’armée russe ou au moment du traité de Brest-Litovsk entre les Puissances centrales et le nouveau

DANS LE TEXTE

« Raid sur les Balkans » L’AUTEUR Professeur à l’Ohio State University (chaire Donald et Mary Dunn d’histoire de la guerre), Bruno Cabanes est membre du comité scientifique de L’Histoire. Parmi ses publications : La Victoire endeuillée. La sortie de guerre des soldats français (Seuil, 2004) et The Great War and the Origins of Humanitarianism (Cambridge University Press, 2014).

Capitaine Conan est un roman autobiographique de Roger Vercel (1934), porté à l’écran par Bertrand Tavernier en 1996. Le colonel s’est avancé […] : Mes amis, j’ai à vous annoncer une grande nouvelle. Nous sommes vainqueurs ! Depuis le 11 novembre, la guerre est finie sur le front français. […] Il a bien raison, le vieux, de ne point faire un sort à cet avis qui ne nous concerne pas ! Nous, on l’a eu, notre armistice, on l’a depuis bientôt deux mois [armistice avec la Bulgarie] : il a marqué, pour le régiment, le début de cet effrayant raid par-dessus les Balkans. […] Leur armistice à eux, ce sera autre chose ! Des permissions, des balades, la bonne vie !… Nous, on est et on reste : Armée de Salonique !” Roger Vercel, Capitaine Conan, Albin Michel, 1934, pp. 15-16.

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SPÉCIAL

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onstruire la paix 1918 C

Signature L e 28 juin 1919, cinq ans après le déclenchement des hostilités, la délégation allemande signe en public le traité de Versailles dans le cadre somptueux de la galerie des Glaces, où avait été proclamé l’Empire allemand en 1871.

C’est Keynes qui a porté l’estocade : le traité de Versailles était une mauvaise paix. Les historiens ont surenchéri : paix « bâclée », paix de « vainqueurs », elle portait en elle les germes du fascisme et de la Seconde Guerre mondiale. Vincent Laniol a rouvert le dossier. Par Vincent Laniol

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SV T/TT NEWS AGENCY/AKG

Versailles : l’échec n’était pas inscrit


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P

eu de textes internationaux ont suscité autant de passions et de rejets que le traité de Versailles et les autres accords signés dans la banlieue parisienne à la suite de la Première Guerre mondiale. Une légende noire entoure leur souvenir, qui mêle le reproche d’une paix ratée, d’« une paix bâclée » pour reprendre l’expression de Michel Launay1, à celui d’une « paix carthaginoise » décrite par John Maynard Keynes dans son livre Les Conséquences économiques de la paix. Avec son ouvrage polémique sorti à la fin de l’année 1919 et dans son second livre A Revision of the Treaty (« Nouvelles considérations sur les conséquences de la paix ») paru en 1922, c’est effectivement l’économiste britannique de Cambridge et ancien représentant (car démissionnaire) du Trésor dans la délégation de son pays qui donna le la de l’histoire de Versailles, telle qu’elle fut contée par la suite, et pour un long moment.

Trop douce ou trop dure ?

DR – BPK, BERLIN, DIST. RMN-GP/DIETMAR KATZ ; © ADAGP, PARIS 2018

Keynes était à cet égard représentatif des experts, en particulier britanniques, partis de Versailles avec une certaine mauvaise conscience face aux clauses des traités et qui, de ce fait, allaient alimenter les critiques de la paix – cela entraînera

À SAVOIR

L’article 231 : l’Allemagne responsable ? L’AUTEUR Historien, professeur agrégé au lycée de Gien (Loiret), membre de la Sous-Commission de publication des documents diplomatiques français de 1917 à 1919, Vincent Laniol a soutenu une thèse sur la préparation de la conférence de la paix de 1919 et a codirigé, avec Alexandre Sumpf, Saisies, spoliations et restitutions. Archives et bibliothèques au xxe siècle (PUR, 2012).

A l’échafaud ! L e 3 juin 1919, dans le journal Simplicissimus, Thomas Heine dénonce le Diktat d’une caricature mordante. L’Allemagne suppliciée fait face à ses bourreaux, Wilson, Clemenceau et Lloyd George.

« Les gouvernements alliés et associés déclarent et l’Allemagne reconnaît que l’Allemagne et ses alliés sont responsables, pour les avoir causés, de toutes les pertes et de tous les dommages subis par les gouvernements alliés et associés et leurs nationaux en conséquence de la guerre, qui leur a été imposée par l’agression de l’Allemagne et de ses alliés. » Des mots forts qui introduisent la huitième section du traité de Versailles, sobrement intitulée « Réparations ». Peu d’articles ont suscité autant de controverses. En 1919, on reproche principalement à l’article 231 d’instaurer une culpabilité de guerre : l’Allemagne et ses alliés seraient forcés d’assumer l’entière responsabilité morale de la guerre – une clause qui cristallise l’hostilité allemande contre le Diktat de Versailles. La réalité fut plus complexe.

par la suite certains d’entre eux, comme Philip Kerr (lord Lothian), l’un des secrétaires de Lloyd George pendant la conférence de la paix, à soutenir les premières demandes de révision des traités de paix mises en avant par les dictateurs pendant les années 1930 et à favoriser l’appeasement, la politique qui visera à éviter la guerre avec l’Allemagne et l’Italie, prônée par les démocraties européennes dans les années 1930. Pour Keynes, il était illusoire de faire porter un lourd fardeau financier en matière de réparations à une Allemagne amoindrie et privée de certaines de ses ressources et de ses territoires. Seuls le retour de l’économie allemande, moteur de l’Europe, et la redynamisation de son commerce étaient des garanties pour une reprise générale de l’activité et un paiement plus rapide d’une dette allégée (de l’ordre de 30 milliards de Marks-or). Dans le même temps, Jacques Bainville, l’historien et éditorialiste de L’Action française, avait jugé le traité de Versailles comme une paix « trop douce pour ce qu’elle a de dur » (L’Action française, 8 mai 1919). Il estimait qu’aucun moyen n’avait été donné pour garantir l’exécution des clauses les plus intransigeantes de la paix (comme les réparations) à part des demi-mesures comme l’occupation militaire alliée de la rive gauche du Rhin limitée à quinze ans. Il critiquait Clemenceau pour avoir laissé intact l’héritage territorial de Bismarck, à savoir une Allemagne unie, capable de prendre in fine sa revanche en s’alliant, par exemple, avec l’autre paria de l’ordre versaillais : la Russie bolchevique. La première histoire du traité l’a ainsi souvent condamné, en établissant un lien quasi téléologique entre cette paix, la montée du nazisme et la Seconde Guerre mondiale. L’HISTOIRE / N°449-450 / JUILLET-AOÛT 2018


SPÉCIAL

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ien ne sera plus comme avant 1918 R

Dans le secret des familles La fin du conflit sonne le retour des combattants. Derrière le bonheur des retrouvailles se cache pourtant de la souffrance. 14-18 a affecté, aussi, l’intimité conjugale. Les historiens aujourd’hui débusquent des sources qui permettent de traquer ce phénomène. Par Dominique Fouchard

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sensorielle héritée de la guerre, lourde de conséquences pour la vie conjugale et familiale.

Trouver les mots

L’AUTEURE Historienne, professeure au lycée Hélène-Boucher à Paris, Dominique Fouchard a publié Le Poids de la guerre. Les poilus et leur famille après 1918 (Presses universitaires de Rennes, 2013).

CHIFFRE

6 515 200

C’est le nombre de soldats français démobilisés qui sont revenus après la guerre ; 2 millions souffrent d’une invalidité d’au moins 10 %, 300 000 sont mutilés et environ 15 000 sont gravement blessés au visage.

C’est tout d’abord l’expression « suites de guerre », si fréquente par exemple dans les fiches médicales conservées dans les dossiers d’enfants de la Fondation des orphelins apprentis d’Auteuil. Ici et ailleurs les médecins évoquent les « broncho-pneumonies suite des gaz, les affections pulmonaires héritées de la guerre, les tuberculoses suite des gaz, les maladies du père suite des blessures de guerre, les neurasthénies déclenchées par la guerre », ainsi que les troubles digestifs, respiratoires, circulatoires. D’autres reprennent la formule américaine de « cœur de guerre » pour désigner les patients souffrant de palpitations ou de tachycardie, ou insistent sur les céphalées persistantes et sur la fatigue intense dont se plaignent nombre d’anciens combattants. La liste est longue des termes utilisés pour qualifier ces états psychiques : les médecins décrivent des « petits mentaux, des demi-déments, des petits états psychiatriques, des demi-fous, des mutilés affectifs, des invalides nerveux de l’émotivité, des ­anxieux, des confus, des infirmes du système nerveux, des cœurs irritables, des autistes affectifs, des amnésiques de l’affectivité ». Tous concluent qu’avec la guerre « de tels états se sont multipliés ». Les cas les plus graves sont dans les asiles (cf. p. 96), mais les troubles psychiques n’épargnent pas ceux qui rentrent chez eux. On l’a compris, pour ces hommes, le retour à « l’environnement sensoriel » du temps

DR

S

ur les 7 891 000 hommes mobilisés durant le conf lit en France, 6 515 200 reviennent dans leur foyer. C’est dire l’importance des questions de leur retour, des retrouvailles avec leurs proches et de ce que l’on pourrait appeler « la démobilisation intime », après les longs mois de séparation et les années d’une guerre qui s’est jouée non seulement sur le front, mais aussi à l’arrière. Dans ces conditions, comment rentre-t-on ? Comment se retrouve-t-on soi-même, et comment renouer avec les autres, son épouse, sa famille, son quotidien ? Faire cette histoire, c’est chercher à entendre des voix qui ne semblent avoir eu d’écho que dans le secret des maisons, des cœurs et des corps. Mais, en plus des écrits de soi des anciens combattants et de leur famille (lettres, journaux intimes, littérature, etc.), ils ont laissé des traces moins murmurantes que le sujet le laisse supposer. Parmi les sources qui permettent de lever le voile sur ces retours à l’intime, celles émanant du monde médical sont d’une grande richesse (cf. p. 87), puisque, après la guerre, les médecins ont pris en charge les hommes qui ont développé des pathologies ayant un impact sur leur vie sexuelle et familiale. Les sources qu’ils ont laissées font comprendre à quel point la démobilisation intime n’obéit pas à la même temporalité que la démobilisation militaire. Pour qualifier les états auxquels ils doivent faire face, les médecins s’emploient d’abord à trouver les mots justes, ceux qui témoignent à la fois des atteintes physiques et de la nouvelle fragilité


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CANBERRA, AUSTRALIAN WAR MEMORIAL/DONOR P. DUGAN/BRIDGEMAN IMAGES – JOLY/SPCA/ECPAD, SPA 78 X 3261/DÉFENSE/1918 Y. MEDMOUN/CG80/PÉRONNE, HISTORIAL DE L A GRANDE GUERRE

Home, sweet home ! L a famille d’Arthur Findon Dunbar, au centre en uniforme, lui souhaite la bienvenue lors de son retour à Adélaïde, en Australie, au mois de juin 1919.

Se loger et se vêtir A près la guerre, les soldats n’ont parfois plus ni maison ni vêtements civils. Ci-dessus : une affiche de l’exposition d’Amiens à l’été 1919 « Le foyer retrouvé », qui présente des modèles d’abris collectifs et de maisons en bois. Ci-contre : le 13 février 1919, un démobilisé essaie le costume qu’on lui donne – un uniforme militaire teint et transformé en vêtement civil. L’HISTOIRE / N°449-450 / JUILLET-AOÛT 2018


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GUIDE DUOLT SS C UIREER L

É tranger

Monaco/Grimaldi Forum

Trésors de pharaons

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e lien entre la civilisation égyptienne et le métal jaune s’est incarné en 1922 dans un objet qui fait désormais partie de l’imaginaire mondial : le masque de

Toutankhamon. En choisissant un tel thème, le risque était grand de tomber dans la redondance. Écueil que Christiane Ziegler, directrice honoraire du Département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre et commissaire de l’exposition, est parvenue à éviter. L’extraordinaire richesse de l’archéologie égyptienne permet en effet de proposer au public une sélection d’objets dont certains n’avaient jamais quitté l’Égypte. Parmi ces prêts exceptionnels du musée du Caire, on insistera tout particulièrement sur les bijoux du IIIe millénaire av. J.-C. comme le bracelet du roi Djer (première moitié du xxxie siècle av. J.-C.), découverts lors des fouilles du cimetière royal d’Abydos. Remarquable est aussi l’ensemble de pièces marquées du nom de Hétéphérès, épouse de Snéfrou

Bracelet de la reine Hétéphérès (2670-2450 av.J.-C.).

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Bracelet datant de la Troisième Période Intermédiaire (cidessus). Bracelet porté par Ramses II (ci-contre).

et mère du pharaon Khéops (xxvie siècle av. J.-C.) mis au jour dans une cachette creusée dans le plateau rocheux de Gizeh. L’orfèvrerie égyptienne du IIe millénaire est notamment représentée par les trésors des « princesses d’Illahoun » et par le délicat diadème de Sathathoriounet. Certains objets exposés sont mieux connus du public mais n’avaient pas été montrés en France depuis plusieurs décennies. Ainsi, le trésor de la reine Ahhotep qui avait séduit l’impératrice Eugénie ou encore celui de Tanis présenté à Paris en 1987 dans une exposition mémorable. Objets d’art, les bijoux égyptiens sont aussi des objets d’histoire, ainsi le collier-ousekh (qui signifie « large » en égyptien) était offert comme « or de la récompense » aux cadres de l’État

pharaonique. Il est si lourd qu’il était équipé d’un contrepoids. L’exposition de Monaco présente un magnifique exemplaire de ce type de pendentif intégralement préservé découvert dans une pyramide d’Hawara. Gratification pour les serviteurs du roi, l’or des pharaons était aussi la proie des voleurs qui s’attaquèrent régulièrement aux tombes et aux temples. Une partie de l’exposition est ainsi consacrée à l’évocation de ces pillages documentés par des papyrus judiciaires de la fin du IIe millénaire av. J.-C. Les techniques de l’orfèvrerie ne sont pas oubliées avec la présentation de l’ensemble de la chaîne opératoire de la fabrication des bijoux, de l’extraction du minerai dans les « déserts hurlants » qui bordent la Mer rouge jusqu’à la confection des objets alliant l’or et pierres précieuses dans la quiétude des ateliers royaux. n Damien Agut

Chargé de recherches au CNRS

INFOS

L’Or des Pharaons. 2500 ans d’orfèvrerie dans l’Égypte ancienne Du 7 juillet au 9 septembre Grimaldi Forum Monaco, 10, avenue Princesse-Grace, Monaco Tous les jours Horaires et tarifs sur : www.grimaldiforum.com

LE CAIRE, MUSÉE ÉGYPTIEN, JE 72184-B – LE CAIRE, MUSÉE ÉGYPTIEN, JE 38710(A), JE 39873(A) ; JÜRGEN LIEPE – LE CAIRE, MUSÉE ÉGYPTIEN, JE 53266 ; L ABORATORIOROSSO SRL – LE CAIRE, MUSÉE ÉGYPTIEN, JE 68965, JE 95233 ; L ABORATORIOROSSO SRL

Monaco accueille 150 pièces exceptionnelles qui illustrent la maîtrise de l’orfèvrerie égyptienne des IIIe et IIe millénaires avant notre ère.


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Sarcophage Couvercle

anthropomorphe en bois, or et argent, découvert en 1905 dans la vallée des Rois en Égypte (15501292 av.J.-C.).

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