Sociétés Coloniales du côté des femmes

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plans-reliefs au grand palais :

du côté des femmes Aventurières et institutrices

Victimes et combattantes

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sociétés coloniales

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la france en miniature


’Au lecteur

www.histoire.presse REVUE MENSUELLE CRÉÉE EN 1978, ÉDITÉE PAR SOPHIA PUBLICATIONS 74, AVENUE DU MAINE, 75014 PARIS, TÉL. : 01 44 10 12 90

Des femmes sortent de l’ombre

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U

ne grande partie de l’histoire de la colonisation est restée longtemps immergée. Ce furent d’abord des pages glorieuses qui exaltèrent le rôle des explorateurs et des conquérants. Lorsque les premiers mouvements d’indépendance virent le jour, une histoire critique de la colonisation s’est développée à son tour. Une histoire qui pouvait s’apparenter à celle des nationalités au xixe siècle : elle ne faisait pas le détail entre les sexes. Deux entités s’affrontaient, les hommes qui luttaient pour leur libération et les hommes qui défendaient les bases de leur domination. L’histoire manichéenne s’est nuancée, s’ouvrant à la complexité des rapports entre colonisateurs et colonisés. Mais c’était encore une histoire exclusivement masculine. Qu’en était-il, pendant ce temps, de la moitié féminine de la population ?

L’

essor de l’histoire des femmes et de ce qu’on appelle l’histoire du genre, depuis une trentaine d’années, a permis de tirer de l’ombre cette partie qui était occultée, le rôle des femmes. Notre dossier vise à offrir un aperçu des recherches récentes sur ce sujet très neuf. L’énorme bouleversement de la colonisation a chahuté aussi les limites du genre. Des deux côtés, la condition des femmes s’en est trouvée modifiée. Les Européennes, longtemps tenues à distance, voire carrément interdites de présence, ont exercé un rôle de plus en plus actif dans l’entreprise coloniale, dans la médicalisation et la scolarisation des « indigènes ». Toutes ces femmes étaient des alliées, sans doute, d’un mouvement colonial fort peu contesté. Mais il y eut aussi des Européennes au cœur de la protestation anticolonialiste, telles l’Anglaise Mary Kingsley ou la Française Hubertine Auclert. Les colonisées furent très durement traitées par l’économie coloniale, salariées au rabais, ou renvoyées dans leurs foyers. La prostitution en fit doublement des parias. Certaines, cependant, purent saisir l’occasion qui leur était donnée, par l’école, le petit commerce ou le vote quelquefois, en 1945, d’une émancipation nouvelle. Ce n’est pas qu’une histoire de victimes qui nous est ici racontée.

L

e plus étonnant, sans doute, c’est de redécouvrir ici la part qu’ont prise les femmes d’Afrique et d’Asie aux résistances et même aux guerres de libération anticoloniale. Elikia M’Bokolo évoque, dans ce dossier, une galerie de figures féminines qui, de la dernière reine de Madagascar Ranavalona III à Djamila Boupacha en Algérie, ont illustré les luttes d’émancipation, sans oublier les milliers de femmes physiquement engagées dans les combats. Les guerres finies, la reconnaissance des nouveaux États acquise, cette participation des femmes a été mise sous le boisseau par les nouvelles couches dirigeantes, toutes masculines. Un scénario connu. A peu d’exceptions près, l’inégalité entre les hommes et les femmes reste criante dans presque tous les États devenus indépendants. On peut gager que ce n’est pas le dernier mot de l’histoire. L’Histoire

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’sommaire N°371-janvier  2012

’actualité

29 Internet : les sites du mois

on en parle 16 La vie de l’édition La femme en vue En tournage

festival 32 Pessac : politique d’abord

portrait 18 Dimitri Casali, rock and history

Par Philippe-Jean Catinchi rmn/rené-gabriel ojéda

concordance des temps 20 Ces riches qui veulent payer Par Nicolas Delalande

21 Agenda : les rencontres du mois

’événement

8 La France en miniature Par Joël Cornette

A l’occasion de l’exposition au Grand Palais, histoire d’une entreprise folle entamée sous Louis XIV : celle des plans-reliefs, œuvres d’art et archives d’un monde disparu.

bande dessinée 22 Villon, ou la violence de la vie Par Pascal Ory

livre 23 La vertu des éléphants Par Jacques Berlioz

cinéma 24 Le monologue du bourreau

Par Antoine de Baecque

25 Hoover secret Par Bruno Calvès

expositions 26 Samouraïs !

Par Juliette Rigondet

27 Fébus, le comte qui se prenait pour le soleil

Par Antoine de Baecque

’Feuilleton les grandes heures de la presse 86 Demandez « La Cause du peuple » !

Par Jean-Noël Jeanneney

’GUIDE

la revue des revues 88 D’ici et d’ailleurs 81, année médiatique Suicide à Wannsee les livres 90 « L’Hippodrome de Constantinople » de Gilbert Dagron

Par Patrick Boucheron

91 La sélection du mois le classique 96 « Érôs et agapè » d’Anders Nygren

Par Dominique Bourel

’CARTE BLANCHE

98 Extension du domaine du racisme Par Pierre Assouline

Par Bruno Calvès

médias 28 Noirs de France

Par Catherine Hodeir

29 La tragédie Jean Zay Par Olivier Thomas couverture :

1928, Congo belge, une consultation en plein air de la Croix-Rouge (Jacques Boyer/Roger-Viollet).

retrouvez page 34 les rencontres de l’histoire Abonnez-vous page 97

Ce numéro comporte quatre encarts jetés : Le Monde de la Bible, Tapisseries d’Aubusson (abonnés), L’Histoire (kiosques France et export, hors Belgique et Suisse) et Edigroup (kiosques Belgique et Suisse).

29 L’offense faite à Clemenceau

Par Jean-Jacques Becker

anniversaire 30 « La quille, bordel ! »

Par Christophe Gracieux

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www.histoire.presse.fr 10 000 articles en archives. Des web dossiers pour préparer les concours. Chaque jour, une archive de L’Histoire pour comprendre l’actualité.


’dossier

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’recherche

70 Scènes de guérilla urbaine à Rome Par Yann Rivière

Sociétés coloniales : du côté des femmes

38 La moitié oubliée

Par Pascale Barthélémy, Anne Hugon et Christelle Taraud 42 Des hommes, des vrais ! Par Christelle Taraud 45 1958 : la bataille du voile

48 Mary Kingsley. « Femme de race masculine » Par Anne Hugon

52 A l’école arabe de Mme Luce

Par Rebecca Rogers 54 Les bonnes sœurs en action

58 Kartini, la mère de l’Indonésie Par Rémy Madinier 60 Citoyennes, enfin ! Par Pascale Barthélémy 64 Le supplice de Djamila Boupacha Par Christelle Taraud

66 La colonisation de l’intime Entretien avec Ann Laura Stoler

rmn/hervé lewandowski

Crédit time & life pictures/gett y images

Dans la capitale de l’Empire romain, les émeutes pouvaient prendre des allures de véritables guerres de rue.

76 L’homme qui parlait avec les morts Par Frédéric Chauvaud

Au-delà du mythe, le parcours du docteur Paul, le plus célèbre médecin légiste du xxe siècle.

80 Bruges, 1127. On a tué le comte de Flandre Par Laurent Feller

A qui a profité l’assassinat du puissant Charles le Bon ?

40 Lexique 46 Chronologie 67 Pour en savoir plus

56 « Elles n’ont pas hésité à combattre »

Vendredi 30 décembre à 9 h 05 « La Fabrique de l’histoire » d’Emmanuel Laurentin Retrouvez Yann Rivière pour la séquence « L’atelier du chercheur » en partenariat avec L’Histoire

Entretien avec Elikia M’Bokolo

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’événement plans-reliefs

Plans-reliefs

La France rmn/jean-marc manaï

Louis XIV en armure, le bâton de commandement à la main (vers 1695, atelier de Pierre Mignard).

dr

C’ Joël Cornette est professeur à l’université Paris-VIIIVincennesSaint-Denis et membre du comité de rédaction de L’Histoire. Spécialiste de l’Ancien Régime, il dirige actuellement, avec Jean-Louis Biget et Henry Rousso, une Histoire de France chez Belin et vient de publier avec Marie-France Auzépy L’Histoire du poil (Belin).

est Allain Manesson Mallet, ingénieur et « maître de mathématiques des pages de la petite Écurie de Sa Majesté », qui nous révèle, dans Les Travaux de Mars ou L’Art de la guerre (1686, I, p. 173), l’origine des plans-reliefs : « Il n’y a pas longtemps, écrit-il, que l’invention de modeler des plans est reçue en France, et je crois que celui de Pignerol, que je fis pour le roi en 1663, est le premier qui ait été présenté à Sa Majesté ; je le fis par l’ordre de M. le marquis de Piennes, qui était alors gouverneur de Pignerol, et qui fit ce présent au roi. J’avoue que j’en pris les idées sur l’ouvrage d’un ingénieur italien, mais je puis dire que, par là, je donnai un modèle en France à beaucoup d’autres, que l’on a fait depuis d’une manière fort achevée. » Ainsi, l’usage du plan en relief au temps de Louis XIV procédait d’une pratique déjà ancienne : le premier dont on ait la trace est celui de la cité de Rhodes, alors contrôlée par Venise, exécuté en 1521. Prévoyant un siège prochain par les Turcs, le grand maître des Hospitaliers fit exécuter cette maquette par l’ingénieur Basilio della Scuola, avant de la faire parvenir au pape Léon X. Autrement dit, d’emblée, la réalisation de ces objets était motivée par la nécessité de connaître à distance la situation

rmn/rené-gabriel ojéda

Contempler son royaume et ses nouvelles conquêtes jusque dans leurs moindres détails et depuis son cabinet ; préparer un siège, ou la défense d’une place en embrassant celle-ci du regard, une baguette à la main : c’est ce que rendit possible l’entreprise des plans-reliefs, entamée en France sous le règne de Louis XIV et poursuivie jusqu’au Second Empire. On peut voir seize de ces chefs-d’œuvre sous la nef du Grand Palais, à Paris, à partir du 18 janvier.

et l’état de possessions lointaines assurant la sécurité d’un territoire. La réalisation d’une collection normalisée de plans en relief fut ordonnée en France par Louvois, secrétaire d’État de la Guerre, en 1668, après la mainmise brutale sur une douzaine de places fortes des Flandres espagnoles dans le cadre de la guerre de Dévolution (1667-1668). Le 25 novembre, il ordonnait que le plan d’Ath soit construit, « en l’état qu’elle sera en sa perfection ». Le 23 mai 1670, Louis XIV visitait l’atelier de l’ingénieur Sauvage, à Lille, où on lui présenta les plans de Lille et de Courtrai. Les premiers plans-reliefs furent réalisés dans les places fortes même par les ingénieurs du roi

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au Grand Palais

en miniature

Neuf-Brisach, ou la forteresse idéale

en poste dans les provinces. Ils travaillaient sans doute rapidement, sans directives précises, ce qui explique les échelles différentes des « plans anciens » et « chiffonnés » que signale Vauban dans son Inventaire de 1697. Dans tous les cas, il s’agissait, avec le plus grand réalisme possible et une extrême minutie, de reproduire, en miniaturisant le réel (le 1/600e de notre système métrique – 1 pied pour 100 toises – devint l’unique échelle à partir des années 1680), les principales villes fortifiées du royaume : les forteresses, mais aussi, à mesure que les maquettes se perfectionnèrent, leur environnement, avec les villages, les accidents topographiques… Le tout s’inscrivait sur une surface qui représentait jusqu’à 20 fois la superficie de la

Le plan-relief de Neuf-Brisach, une ville nouvelle destinée à fortifier la frontière est, restitue parfaitement la ville-forteresse idéale telle que la conçoit Vauban : une cité géométrique à partir d’une place carrée, la place d’armes, autour de laquelle sont groupés l’arsenal, l’intendance, l’hôpital militaire, l’église de la garnison et la maison du gouverneur. Les maisons sont disposées en rang, comme au garde-à-vous, formant des carrés. Longwy, Sarrelouis, Huningue, Mont-Dauphin, Mont-Louis, Fort-Louis, Montroyal et bien d’autres villes répondent à ce modèle. Toutes abritaient des régiments de plus en plus souvent encasernés afin d’éviter le logement chez l’habitant, qui donnait lieu à de multiples abus. Face à ces villes-forteresses délimitant la frontière, la France de l’intérieur tendait de plus en plus à devenir un espace civil où les remparts des villes, dont beaucoup furent démantelés au temps de Richelieu, étaient peu à peu transformés en promenades, à l’image de Paris, dès les années 1670.

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keystone/gamma-rapho

’DOSSIER femmes et colonisation

Guerrières

Actives lors des guerres de décolonisation des colonies portugaises, les femmes défilent au moment des indépendances. Ici, en Angola, en 1975.

l’auteur Directeur d’études à l’EHESS, Elikia M’Bokolo a notamment publié Afrique noire. Histoire et civilisations (2 vol., Hatier-AUF, rééd., 2004). Il est le coauteur d’Afrique(s). Une autre histoire du xxe siècle (3 DVD, INA). Ses travaux portent sur le panafricanisme et sur l’homme politique ghanéen Kwame Nkrumah.

« Elles n’ont pas hésité à combattre » Très peu de femmes figurent au panthéon des héros de l’indépendance. Elles ont pourtant participé aux luttes de libération. Et subi, comme les hommes, la répression du pouvoir colonial. Entretien avec Elikia M’Bokolo

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Résistantes

adoc-photos

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dr

adoc-photos

L’Histoire : Lorsqu’on évoque la Coast, l’actuel Ghana, à la suite des guerres en- Ranavalona III, dernière reine de décolonisation, notamment en Afrique, tre Anglais et Ashanti. En 1896, le roi ashanti a Madagascar, il est très peu question des femmes. été arrêté et déporté aux Seychelles. Le gouver- symbole de la de l’île Elles n’ont donc joué aucun rôle dans neur de la Couronne britannique s’est rendu dans résistance face à Gallieni. la lutte pour l’indépendance ? la capitale pour réclamer le tabouret d’or censé Yaa Asantewaa Elikia M’Bokolo : Bien sûr que si ! Leur rôle être descendu du ciel et donné au roi par Dieu. Ce a encouragé la antifut même souvent décisif. Mais nous sommes vic- geste sacrilège a provoqué une réunion secrète à révolte britannique au times dans cette histoire du regard des colonisa- laquelle hommes et femmes participaient à éga- Ghana. En exil, le teurs, qui préféraient taire les affrontements avec lité. La société ashanti est en effet une société ma- roi Béhanzin du Dahomey pose ici les femmes, et de celui des acteurs de l’indépen- trilinéaire : la filiation se fait par les femmes, qui avec des femmes dance eux-mêmes. Je pense à la lettre de Patrice s’effacent pour laisser leur fils ou leur neveu au – peut-être des Lumumba, le premier chef de gouvernement du pouvoir, mais jouent un rôle de premier plan dans amazones, ces soldats qui Congo indépendant, à son épouse Pauline. Cette les conseils pour préparer la guerre. avaient fasciné les Français. lettre célèbre fut écrite en captivité, en décembre 1960, quelques jours avant son assassinat1. Lumumba y explique le sens de son combat, la raison de son martyre et demande à sa femme d’accepter son sacrifice. En fait, cette lettre nous induit en erreur parce qu’elle donne l’impression que Pauline est spectatrice d’un drame auquel elle ne comprend rien. C’est un contresens complet : ce que l’on sait aujourd’hui, c’est à quel point ce couple a été uni dans son combat. On trouve d’ailleurs des personnages féminins reconnus pour leur rôle politique ou militaire parmi les tout premiers acteurs de la résistance au colonialisme, dès la fin du xixe siècle. A Madagascar, la reine Ranavalona III a tenu tête au général Gallieni en refusant le protectorat français, au risque de provoquer une guerre. Déposée et exilée en 1897, Ranavalona III n’en est pas moins la mère d’un processus qui a pris fin en juin 1960 avec l’indépendance de l’île. Le souvenir en a été perpétué : en 1958, lorsque de Gaulle effectue son tour d’Afrique pour exposer son projet de « communauté franco-africaine », il s’adresse aux Malgaches en désignant l’ancien palais de la reine : « Vous serez libres et indépendants comme ranavalona iii Yaa asantewaa vous l’avez été à l’époque où ce palais était habité. » Béhanzin, qui a été, entre 1889 et 1894, le dernier roi du Dahomey (actuel Bénin), a quant à lui lutté contre les Français avec une armée dont les troupes d’élite étaient formées en grande partie des femmes de sa garde personnelle, les amazones. Ces combattantes ont été une référence pour la génération des nationalistes béninois des années 1920, notamment Tovalou Houénou, l’un des chantres de l’africanisme. Mais dans les années 1940 et 1950 les hommes politiques ont « oublié » le rôle des guerrières dans cet épisode fondateur du nationalisme au Bénin. L’autre grand exemple de résistance féminine remonte béhanzin et ses amazones exilés en martinique à la fin du xixe siècle, en Gold


’recherche émeutes à rome

Scènes de guérilla urbaine à Rome A Rome, les émeutes populaires pouvaient prendre l’allure de guerres civiles : face aux soldats lourdement armés de l’empereur, le peuple employait des techniques de guérilla urbaine, promises à un grand avenir. Par Yann Rivière

E

auteur

n 390 de notre a tenu le rôle traditionnellement dévolu ère, 7 000 habi­ aux philosophes, dépositaires de l’édu­ tants de Thessalo­ cation classique et chargés de modérer Depuis ses premiers travaux nique, rassemblés au la violence du pouvoir par leur effort de sous la direction de préalable dans l’hippo­ persuasion1. Claude Nicolet, Yann Rivière drome, périrent sous Mais si les bains de sang ordonnés par s’intéresse aux émeutes et au le fer des soldats, sur un tyran à ses sbires ont toujours suscité maintien de l’ordre en Italie. l’ordre de Théodose Ier, L’auteur le rejet des auteurs anciens, c’est moins Avec le souci de revenir, à pour avoir lynché le Maître de en raison du sort des victimes que de conférence l’époque, sur l’idée commune commandant de la gar­ à l’EHESS, l’injustice flagrante que représentait un d’un État romain moderne, nison de la ville. La ré­ Yann Rivière combat inégal entre les soldats et une bien organisé, disposant notamment pression dans le sang apublié foule désarmée. Quant au dégoût ou à Les avec les prétoriens de des émeutes urbai­ Délateurs sous l’indignation que provoquent éventuel­ forces de l’ordre efficaces. nes était courante sous l’Empire romain lement aujourd’hui de telles scènes – ces française Avec cet article, Yann Rivière l’Empire romain, mal­ (École sentiments ne sont pas universellement de Rome, 2002) relit, avec des interrogations gré la réprobation que et Le Cachot partagés, on le sait –, ils demeurent lar­ philologiques, les sources suscitaient les meurtres et les fers : gement déterminés par l’héritage des détention littéraires. En croisant les collectifs. Lumières, l’avènement de l’âge de la po­ et coercition informations, en s’intéressant Ce n’est en effet à Rome lice au xixe siècle ou la diffusion d’une au vocabulaire, on peut (Belin, 2004). qu’au prix d’une péni­ approche sociologique de la violence. découvrir dans le détail tence et sur la menace Aux yeux des anciens Romains, les comment se déroulaient une d’une excommunication que phénomènes de protestation, d’une part, leur émeute et sa répression : les lui adressa l’évêque de Milan, répression, d’autre part, ne faisaient pas l’ob­ lieux, les armes, les acteurs. saint Ambroise, que l’empe­ jet d’une même approche sensible ou nuancée. reur Théodose fut pardonné de Comme le souligne un autre historien américain ce massacre. Assurément, l’af­ ,Brent. D. Shaw, « le monde était divisé en termes fermissement de la morale chrétienne parmi les plus abrupts que les nôtres : les fines gradations de élites du monde romain en ce ive siècle finissant violence non étatique que nous distinguons faisaient était encore une nouveauté. N’imaginons pas ce­ défaut. Les vendettas de village, les raids de tribus, pendant que les Romains des siècles antérieurs, les divers types d’émeutes urbaines (alimentaires ou païens ou chrétiens, aient été insensibles au mas­ idéologiques) n’avaient pas d’existence autonome sacre indistinct de civils par des soldats lourde­ dans la définition romaine. Certes, nous sommes ment armés. Comme l’a souligné le grand his­ libres de faire le tri entre ces formes différentes de torien américain Peter Brown, dans l’épisode de violence… Mais nous ne ­devons pas oublier que les Thessalonique, l’évêque de Milan, Père de l’Église, Romains ne faisaient pas ces distinctions »2.

Décryptage

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naples, musée national archéologique ; scala

Vendredi 30 décembre à 9 h 05, dans l’émission « La Fabrique de l’histoire » d’Emmanuel Laurentin, retrouvez Yann Rivière pour la séquence « L’atelier du chercheur » et découvrez les dessous du travail de l’historien. En partenariat avec L’Histoire.

paris, louvre ; rmn/hervé lewandowski

Les Romains ne faisaient pas la distinction entre guerre extérieure et émeute puisqu’elles menaçaient également la tranquillité des habitants

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En haut : cette fresque qui décorait une maison de Pompéi a souvent été rapprochée du récit que fait Tacite d’un affrontement sanglant entre « supporters » nucériens et pompéiens à l’issue d’un combat de gladiateurs (59 ap. J.-C.). En bas : bas-relief du iie siècle ap. J.-C. représentant des soldats d’élite avec leur casque à cimier, leur bouclier ovale, l’épée ou la lance. S’il ne s’agit pas forcément de prétoriens, ces derniers étaient toutefois également équipés d’un tel armement pour charger les émeutiers.


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