L’édito
Par Pierre Assouline
Où ranger un dérangé ?
I À LIRE
Je déballe ma bibliothèque, WALTER BENJAMIN,
traduit de l’allemand par Philippe Ivernel, éd. Rivages poche, 210 p., 9 €. Ancien malade des hôpitaux de Paris, DANIEL PENNAC,
éd. Folio, 78 p., 4,60 €.
l y a des livres que l’on ne sait où ranger. Échappant graissées : « On aurait dit qu’il hésitait entre toutes les à la tyrannie des genres, inclassables au propre morts possibles. » Un cauchemar que cette nuit assez comme au figuré, ils résistent et demeurent au seuil agitée. Jusqu’à ce que le patient reprenne ses esprits et de notre bibliothèque en attendant qu’une géniale annonce triomphalement au corps médical aussi atterré intuition les assigne à un rayon, jusqu’au prochain qu’épuisé qu’il s’était présenté dans tous ces états à seule déménagement. Le philosophe Walter Benjamin a fin de réaliser « son rêve identitaire » : se faire imprimer évoqué ses affres de lecteur compulsif dans Je déballe ma une carte de visite originale sur laquelle, en dessous de bibliothèque, recueil où il médite sur sa pratique de la col- son nom, il s’apprêtait à mentionner simplement « Ancien lection de livres. J’espérais y trouver une solution à mon malade des hôpitaux de Paris ». Alors le narrateur, n’y problème : où ranger Ancien malade des hôpitaux de Paris tenant plus, l’expédie dans le seul service qu’il n’avait pas encore visité… de Daniel Pennac ? Drôle de livre que ce livre irrésistible de drôlerie. C’est Voilà le ton et l’esprit. Du Pennac pur jus. Un humour l’histoire d’un homme qui se souvient. Il y a vingt ans de d’une finesse, d’une efficacité et d’une légèreté sans pareilles. Il ne faut pas se contenter de lire ce cela, le docteur Galvan (c’est l’homme) était délire parfaitement maîtrisé, ce qui est déjà de garde de nuit (de pleine lune, en plus) aux Du Pennac l’assurance de passer un grand moment. Il urgences d’un grand hôpital. Un dimanche de pur jus. Un faut le voir et l’entendre puisqu’il se joue avec routine : « accidents domestiques, infections humour d’une Olivier Saladin, anciennement Deschiens & éruptives, suicides avortés, avortements finesse, d’une Deschamps, au Théâtre de l’Atelier à Paris. La ratés, cuites comateuses, infarctus, épilepefficacité et différence ? Ce qui fait franchement sourire à sies, embolies pulmonaires, coliques néphrétiques, enfants bouillants comme des d’une légèreté la lecture fait rire aux éclats une fois sur assiettes, automobilistes en compote, dealers sans pareilles. scène, car le rythme y est très juste une heure et quinze minutes durant, le comédien, ainsi poinçonnés, clodos cherchant logis, femmes battues et maris repentants, adolescents envapés, adoles- que le metteur en scène, Benjamin Guillard, ayant su troucentes catatoniques… » La vie, quoi ! Spécialiste de l’ur- ver le bon tempo pour en faire assez sans en faire trop. gence, il n’en a d’autre que de se faire une carte de visite Daniel Pennac a sous-titré son traité de médecine pour de rêve : « Professeur Gérard Galvan. Médecine interne ». les nuls « Monologue gesticulatoire ». Difficile d’en faire La grande classe. Seulement voilà, cette nuit-là, son fan- une catégorie dans une bibliothèque – encore qu’un tasme est bousculé par l’arrivée d’un patient qui semble certain nombre d’auteurs pourraient y être rangés à leur prêt à exploser tant il se retient, et depuis longtemps corps défendant. Au fond, en cherchant bien dans le livre semble-t-il, mais, rassurez-vous, l’occlusion intestinale de Walter Benjamin, on trouve la réponse au rayon n’est qu’une illusion ; d’éruption cutanées en angine de « Bibliothèque pathologique ». Il s’agit d’ouvrages autopoitrine, on se le repasse d’un service à l’autre, il les fait biographiques dont les personnages principaux sont légètous ou presque sur son chariot aux roulettes bien rement dérangés. Il est vrai qu’il y a foule ! N° 557-558/Juillet-août 2015 • Le Magazine littéraire - 3
Sommaire Juillet-août 2015 n° 557-558
Critique non-fiction Le Bol rouge,
38 Cioran, A pologie de la barbarie Le volcan étranglé Par Patrice Bollon 42 Poésie Apostropher les strophes Par Jean-Yves Masson 44 Constantin Stanislavski, L a Formation de l’acteur Le Socrate du théâtre Par Christophe Bident 46 Anthologie Waterloo. Acteurs, historiens, écrivains Tous les échos de Waterloo P ar Maialen Berasategui 48 Collectif La Guerre-monde, 1937-1947 La Seconde Guerre à fronts renversés Par Maialen Berasategui
Le Corbusier, huile sur toile, 1919.
Le Corbusier
3 Édito O ù ranger un dérangé ? Par Pierre Assouline 6 Presto L’actualité en bref
L’esprit du temps 10 De Bouvier à Augiéras Lignes de fuite Par Jean-Claude Perrier 13 Exposition Le Corbusier, l’architexte Par Serge Bramly 18 Hommage Pontalis, les cartes d’un tendre Par Sylvie Germain 20 Rencontre Kenzaburô Ôé, soleil touchant Par Alexis Liebaert 22 Visionnaire Ballard à la plage Par Alexis Brocas 26 Rencontre Paolo Rumiz, le voyageur se fait vigie Par Jean-Claude Perrier 28 Cinéma Les 1001 crises de Miguel Gomes Par Emmanuel Burdeau 30 Série Orange Is the New Black, chœur de taulardes Par Pierre-Édouard Peillon
Grand entretien 32 B ernardo Carvalho : « Sur Internet, on cherche seulement ce que ce que l’on connaît déjà » Propos recueillis par Hervé Aubron 37 Rendez-vous 98 La chronique Par Maurice Szafran 4 - Le Magazine littéraire • N° 557-558/Juillet-août 2015
50 Daphné Du Maurier, R ebecca Un fantôme reparaît Par Philippe Claudel 52 Donna Tartt, L e Chardonneret L’oiseau rare P ar Alexis Brocas 54 Catherine Millet, Une enfance de rêve Jeunesse « à crâne ouvert » P ar Juliette Einhorn 56 Italo Calvino, Si une nuit d’hiver un voyageur Si en 2015 Calvino est réédité P ar Marc Weitzmann 58 Louis-René des Forêts, Œuvres complètes Des Forêts, au complet Par Aliette Armel 60 François Rivière, Le Divin Chesterton Chesterton, le bibendum acrobate Par Bernard Quiriny
Portrait 62 E dgar Hilsenrath Pas froid aux yeux Par Alain Dreyfus
62
Edgar Hilsenrath
MARC CHAUMEIL POUR LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
13
FLC/ADAGP, 2015
Critique fiction
Image du film La Jetée (Chris Marker, 1962). Le Magazine Littéraire
Édité par Sophia Publications 8, rue d’Aboukir, 75002 Paris Courriel : courrier@magazine-litteraire.com Internet : www.magazine-litteraire.com Pour joindre votre correspondant, veuillez composer le 01 70 98 suivi des quatre chiffres figurant à la suite de chaque nom. Président-directeur général et directeur de la publication : Thierry Verret Directeur éditorial : Maurice Szafran Directeur délégué : Jean-Claude Rossignol Assistante de direction : Gabrielle Monrose (1906)
66
L’apocalypse
Le dossier L’apocalypse
99
IZ, PHOTOS, QU S, APHORISME … ÉS OIS CR TS MO
PHOTO BERNARD
MORLINO
Par Bernard
Quiz, rébus, aphorismes, mots croisés…
Morlino
ce dos 1. À qui appartient Beckett
?
Samuel Georges Bernanos C Marcel Aymé
A
B
RÉPONSE :
Cahier spécial jeux
Le Magazine Littéraire, Service abonnements 4 rue de Mouchy - 60438 Noailles Cedex Tél. - France : 01 55 56 71 25 Tél. - Étranger : 00 33 1 55 56 71 25 Courriel : abo.maglitteraire@groupe-gli.com Tarifs France : 1 an, 10 n° + 1 n° double, 65 €. Achat de revues et d’écrins : 02 38 33 42 87 U. E. et autres pays, nous contacter. RÉDACTION
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Hervé Aubron (1962) haubron@magazine-litteraire.com Chef de rubrique
Dossier coordonné par Hervé Aubron et Alexandre Gefen Abonnez-vous 66 Introduction page 41 68 31 avant-dernières pensées Par Bruce Bégout 70 Traditions du cataclysme Par Jean-Noël Lafargue ONT AUSSI COLLABORÉ À CE NUMÉRO : 72 Le millénarisme, entre angoisse et désir de table rase Évelyne Bloch-Dano, Par François Walter Jeanne El Ayeb, Jean Hurtin, 74 Au miroir des villes mortes Par Raphaëlle Guidée Véronique Marmont, Arthur Montagnon, 76 Huzar, l’as du désastre Par Jean-Baptiste Fressoz Bernard Morlino, 76 Rome, capitale de l’effondrement Par Donatien Grau Marthe Pilven. 78 Entre nous et la Terre, une étreinte à la vie à la mort EN COUVERTURE : Par Christophe Bonneuil Un homme célébrant le 22 décembre 2012 82 « La notion de développement durable n’a plus aucun sens » la nouvelle ère du calendrier maya, sur Entretien avec Dominique Bourg le site archéologique 83 Des radiations persistantes Par Hicham-Stéphane Afeissa de Teotihuacan (Mexique). Photo 84 Dix cavaliers de l’apocalypse moderne Par H.-S. Afeissa Alejandro Ayala/ Xinha/Eyevine/ 88 Derniers mots, dernières images Bureau 233. Par Gabriela Trujillo et Alexandre Gefen © ADAGP-Paris 2015 90 L’apocalypse à la française Par Frédéric Schoentjes pour les œuvres de ses membres 92 S’il n’en reste qu’un... Par Jean-Paul Engélibert reproduites à l’intérieur de ce numéro. 94 Notre bug face aux machines Par Alexandre Gefen CE NUMÉRO 94 Quand la littérature s’éteindra Par Laurent Demanze COMPORTE 2 ENCARTS : 96 L’incendie de la Grande Poste Par Alexis Jenni 1 encart abonnement
Spécial jeux
ARGOS/THE KOBAL COLLECTION
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N° 557-558/Juillet-août 2015 • Le Magazine littéraire - 5
Dossier
L’apocalypse Dossier coordonné par Hervé Aubron et Alexandre Gefen
Une culture trop longtemps hors-sol
Sans doute est-ce déjà trop tard, mais nous avons encore un peu de temps devant nous – du temps, au moins, pour enfin convenir que le genre humain est mortel (2). La question environnementale ne peut demeurer le monopole des sciences dites dures ou exactes, ou de formations politiques ne dépassant pas, dans leurs discours, le stade des règles de bienséance ou d’hygiène, des mots d’ordre oscillant entre bonne et mauvaise conscience. Enfin, la littérature, les arts et les sciences humaines s’en sont saisi. Il nous faut bien mettre les enjeux environnementaux à l’épreuve de tous les discours, savoirs et pratiques – et vice versa.
C’est une chance pour l’écologie – non l’environnement en tant que tel, mais le discours ou les représentations qui l’appréhendent, l’éco-logos (à la lettre une science aussi humaine). C’est également une chance pour la « culture » au sens le plus large. Trop longtemps hors-sol, telle une fleur sous serre, elle ne peut que gagner à interroger les cadres anthropologiques dont elle participe et qui la conditionnent : la délimitation même de l’humanité, ou plutôt des humanités, leur rapport avec le non-humain, sont inextricablement liés à la crise écologique qui est la nôtre. En 1989, Félix Guattari appelait précocement, dans un livre du même titre, à ne pas disjoindre « les trois écologies » dans lesquelles nous vivons : celle de l’environnement matériel, celle des rapports sociaux et celle de nos subjectivités – sur ce dernier plan, il va de soi que la littérature et les sciences humaines ont leur rôle à jouer. Dans le roman de Cormac McCarthy, La Route (2006) – quel meilleur livre pour ouvrir le xxie siècle ? –, un homme et son jeune fils errent sur les routes cendreuses d’une Amérique dévastée, à la merci de hordes cannibales. La question essentielle du père est la suivante : Que dois-je enseigner à mon fils ? Dois-je lui transmettre les règles du monde ancien, non seulement caduques mais peut-être aussi responsables de la catastrophe qui a eu lieu ? Ou dois-je lui apprendre à survivre dans le chaos environnant, quitte à renier des traits humains autrefois jugés fondamentaux ? Voilà bien notre gageure. Une seule et unique fin du monde ? Ce serait trop simple : ce serait éluder que des mondes ne cessent de disparaître. Ce serait surtout oublier que le monde peut continuer sans nous. P H. A.
En haut : 2012, réalisé par Roland Emmerich en 2009. En bas : Le Jugement dernier (détail), Rogier Van der Weyden, xve siècle,
musée de l’HôtelDieu, hospices de Beaune.
Cf. Effondrement. Comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie, Jared Diamond (2005), éd. Folio essais. (2) Dans son livre La Sixième Extinction (prix Pulitzer de l’essai en 2015), l’Américaine Elizabeth Kolbert explique en quoi l’espèce humaine est à l’origine de la sixième grande vague d’extinctions sur Terre (à paraître en français chez La Librairie Vuibert le 4 septembre). (1)
68 • LES DÉBUTS DE LA FIN
78 • PENSER IN EXTREMIS
88 • FIGURES DE L’EFFONDREMENT
La fin des temps a une longue histoire : de la Mésopotamie antique à nos jours, elle a suscité une multitude de récits. Au fil du xixe siècle, l’imaginaire apocalyptique est nourri par le spectacle de l’industrialisation, les élans révolutionnaires et bientôt la guerre.
Alors que se précise l’éventualité d’une planète invivable, comment encore garder la tête froide ? Par exemple en utilisant le concept d’anthropocène ou en fréquentant les philosophes qui tentèrent, après guerre, de penser l’ère de la bombe atomique.
La catastrophe globale taraude bien des romans et films contemporains. On s’attardera aussi sur le motif (ancien) du « dernier homme ». Et l’on apprendra que l’humanité est soluble dans le silicium. Avec, pour le mot de la fin, Alexis Jenni.
66 - Le Magazine littéraire • N° 557-558/Juillet-août 2015
DE AGOSTINI/LEEMAGE – RUE DES ARCHIVES/BCA
L
’hiver prochain, Paris accueillera la conférence mondiale sur le changement climatique. Le raout international est tout aussi attendu qu’il indiffère : au mieux réveille-t-il des mimiques déprimées ou goguenardes, c’est selon, puisqu’il est prévu qu’il accouche d’une souris, de demimesures dilatoires. Nous attendons la fin du monde, c’est peu de le dire. Nous l’attendons sans trop y croire, à la manière de vieillards inconséquents assis sur un banc, espérant que l’inévitable les oublie, feignant de croire qu’une catastrophe ne peut advenir que d’un coup, sur le mode du cataclysme définitif – sans quoi elle n’existe pas. Cela alors que nous vivons dans une catastrophe au long cours, un effondrement distendu (1) : l’apocalypse a lieu à chaque instant, et la logique mortifère ne fulgurera pas en un éclair, plutôt sur le mode d’imperceptibles métastases qui finiront bien par faire leur œuvre.
N° 557-558/Juillet-août 2015 • Le Magazine littéraire - 67
La chronique
Par Maurice Szafran
Le tourmenté pays d’Oz
N
ous le savions déjà, mais littérature et à l’autre, de nouvelles perspectives. Tous ceux qui sont cinéma ne sont pas forcément faits pour concernés, déchirés par la guerre israélo-palestinienne s’entendre. Il peut y avoir incompatibi- connaissent mieux Oz le militant, le fondateur du moulité, incompréhension, incommunicabi- vement La Paix maintenant, celui qui pourfend la polilité. Ainsi s’était-on trop vite réjoui que tique annexionniste de la droite israélienne, qu’Oz l’écrila star de Hollywood Natalie Portman vain nobélisable qui, de texte en texte, de roman en ait choisi pour sa première mise en scène (présentée au roman, s’est acharné à raconter et à faire comprendre son dernier festival de Cannes) d’adapter le roman autobio- pays. Mais l’Israël d’Amos Oz existe-t-il encore ? Ou bien graphique du célèbre écrivain israélien Amos Oz, Une his- l’Israël d’Une histoire d’amour et de ténèbres n’est-il plus toire d’amour et de ténèbres. Nous étions d’auqu’un lointain souvenir dans l’esprit lumiPiètrement tant plus sereins qu’israélienne elle-même, neux d’un romancier vieillissant et peut-être Natalie Portman allait nous raconter en adaptée à même désenchanté ? Cette littérature-là images une partie de son histoire, de ses l’écran par exige la vérité, elle n’autorise ni tricherie ni racines, de ce rapport ambigu que tout Natalie duplicité tant elle met à nu les travers colleccitoyen israélien entretient avec « son » État. Portman, tifs et individuels. Amos Oz écrit à la fois tout Raté. Film raté. Mise en scène ratée. Narra- Une histoire en retenue et sans la moindre pitié. Ni pour tion ratée. Ratage sur toute la ligne et cruauté d’amour les autres ni pour lui. terrible du ratage sur grand écran. Des Européens de l’Est cultivés qui et de ténèbres, rejoignent la Palestine dans les années 1930 Au moins ce méga plantage nous donne-t-il envie de revenir au livre d’Amos Oz, de le d’Amos Oz, pour construire l’État juif. D’intenses relire, d’en redécouvrir, treize ans après sa demeure batailles traversent chaque famille, et celle publication, la richesse littéraire, historique, immense. de l’écrivain n’échappe évidemment pas à politique, philosophique, intime – déchirures cette règle d’airain. Droite contre gauche, d’une société, d’une famille, d’un enfant qui aura consa- nationalistes contre internationalistes, passion identicré sa vie à écrire, pour raconter et comprendre, raconter taire contre pulsion religieuse. Ils flotteraient, ces sioet comprendre son pays, cette terre prise (à tout jamais ?) nistes mécréants, dans un bain strictement idéolodans les tourments de la guerre ? Huit cent cinquante gique ? Certainement pas, la bataille politique, c’est aussi pages en Folio qui se lisent d’une traite parce que les per- la vie mêlée aux amours, à la dépression, au suicide, celui sonnages, les situations, les paysages, la vie, l’amour et la de la mère d’Amos Oz. Tempête sur un pays. Tempête mort, dans leur enchevêtrement, font un, au point de sous un crâne. De quoi faire de la grande littérature. Ce mettre en place un livre non pas puzzle, mais poly serait une erreur de cataloguer Amos Oz parmi les écriphonique, un livre qui, en aucun cas, ne peut laisser le lec- vains politiques. Il construit des histoires complexes, teur intact. La littérature dans sa plénitude, et, enchevêtrées, où certes l’amour (des humains et des convenons-en, ce n’est pas courant. C’est précisément livres), la psychologie et la politique emportent tout sur pour cela qu’en cette période de recentrement estival, il leur passage. Mais l’Israélien compte parmi les rares n’est pas indispensable de regarder le film de Natalie Port- auteurs qui, depuis un village de Galilée ou un kibboutz man, alors qu’une lecture, ou une relecture, de la somme qui lèche le désert, parvient à dépeindre l’universel. Cela d’Amos Oz s’impose, tant elle nous ouvre, d’un chapitre devrait être la mission essentielle de la littérature. 98 - Le Magazine littéraire • N° 557-558/Juillet-août 2015
À LIRE
Une histoire d’amour et de ténèbres, AMOS OZ,
traduit de l’hébreu par Sylvie Cohen, éd. Folio, 864 p., 10,90 €.
Spécial j eux PHOTOS, QUIZ, APHORISMES, MOTS CROISÉS… PHOTO BERNARD MORLINO
Par Bernard Morlino
1. À qui appartient ce dos ? A B C
Samuel Beckett Georges Bernanos Marcel Aymé
RÉPONSE : …
QUIZ Spécial jeux
Reportez-vous en page 128 pour les réponses.
2. Quel est le héros de roman
qui a donné son nom à une rue de Paris ? A B C D E F G H I J
Jean Valjean Lucien Leuwen Rubempré Candide Harpagon Julien Sorel Emma Bovary Charles Swann Jules Maigret Bouvard et Pécuchet
RÉPONSE : …
9. En quelle année Charles 5. Qui s’est suicidé en laissant Péguy est-il mort au combat ? ce message : « Dégoût » ? A B C D E F
RÉPONSE : …
6. Qui s’est battu en duel contre Marcel Proust ? A B
3. Dans quelle ville
Nietzsche a-t-il écrit la fin d’Ainsi parlait Zarathoustra ? A B C D E F
Nice Berlin Trieste Genève Turin Madrid
RÉPONSE : …
C D E F
par : « Me voici donc seul sur la terre » ?
Mémoires d’outre-tombe, de Chateaubriand B La Confession d’un enfant du siècle, d’Alfred de Musset C Les Rêveries du promeneur solitaire, de Jean-Jacques Rousseau D Les Hauts de Hurlevent, d’Emily Brontë E Madame Bovary, de Gustave Flaubert F Raboliot, de Maurice Genevoix A
RÉPONSE : … 100 - Le Magazine littéraire • N° 557-558/Juillet-août 2015
Jean Lorrain Alphonse Daudet Léon Blum Jean Jaurès Paul Bourget Paul Valéry
RÉPONSE : …
7. Quel écrivain a trouvé
la mort dans une Facel Vega ? A B C
4. Quel livre commence
Stefan Zweig Klaus Mann René Crevel Jacques Rigaut Roger Stéphane Pierre Drieu la Rochelle
D E F
Louis Nucéra Jean-Edern Hallier Gilles Deleuze Roland Barthes Roger Nimier Albert Camus
A B C D E
1914 1915 1916 1917 1918
RÉPONSE : …
10.
Qui a dit : « L’ailier cet enfant perdu » ? A B C D E F
Albert Camus Bernard Pivot Alain Finkielkraut Henry de Montherlant Jacques Perret Peter Handke
RÉPONSE : …
11. Qui parmi ces écrivains a livré un combat de boxe contre Hemingway ? A B C D E F
Scott Fitzgerald Jean Prévost Lawrence Durrell Joseph Delteil Henry Miller Arthur Cravan
RÉPONSE : …
RÉPONSE : …
8. Lequel de ces auteurs ne
repose pas au Père-Lachaise ? A B C D E F
Alfred de Musset Marcel Proust Guillaume Apollinaire Pierre Desproges Charles Baudelaire Gérard de Nerval
RÉPONSE : …
12.
Lequel de ces écrivains aurait voulu devenir joueur professionnel de base-ball ? A B C D E F
Jack Kerouac Ernest Hemingway Raymond Carver Scott Fitzgerald Jim Harrison John Dos Passos
RÉPONSE : …