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Entretien
Marie NDiaye Cuisinière en cheffe !
N° 572
GB 5,30 £GR 6,80 € - PORT CONT 6,80 € - MAR 60 DHS - LUX 6,80 € - TUN 7,50 TND - TOM /S 950 CFP - TOM/A 1500 CFP - MAY 6,80 €
OCTOBRE 2016 DOM/S 6,80 € - BEL 6,70 € - CH 12,00 FS - CAN 8,99 $ CAN - ALL 7,70€ - ITL 6,80 € - ESP 6,80 € -
Spécial rentrée
LES MEILLEURS ROMANS ÉTRANGERS EXCLUSIF
Un texte de John le Carré
M 02049 - 572 - F: 6,20 E - RD
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Être français
par Régis Debray, Magyd Cherfi, Richard Millet, Charles Péguy, Denis Tillinac, Kaoutar Harchi, Alexis Jenni, Patrick Boucheron, Marc Bloch…
L’édito
Par Pierre Assouline
Les pépites de la rentrée étrangère
M
À LIRE
La Montagne magique, THOMAS MANN,
traduit de l’allemand et postfacé par Claire de Oliveira, éd. Fayard, 784 p., 37 €.
édiocre, la rentrée littéraire ne peut faire nôtre la définition du genre par Italo Calvino : « Est pas l’être en France. Risquons classique ce qui tend à reléguer l’actualité au rang de même : jamais ! Passons sur le rituel rumeur de fond, sans pour autant prétendre éteindre d’autoflagellation qui consiste à cette rumeur. Est classique ce qui persiste comme rumeur mépriser systématiquement la pro- de fond, là même où l’actualité qui en est la plus éloignée duction nationale au motif qu’elle règne en maître. » Et : « Un classique est un livre qui n’a manquerait d’air, de hauteur, d’ambition. Passons sur le jamais fini de dire ce qu’il a à dire. » fait que l’on trouve toujours des pépites à la surface du Ce qui est précisément le cas de La Montagne magique (Der tamis, du côté des romans attendus d’auteurs consacrés Zauberberg) de Thomas Mann. Il y raconte l’histoire de comme parmi les manuscrits inattendus d’auteurs incon- Hans Castorp du temps du monde d’avant la Première nus. La rentrée étrangère, elle, est par définition un gage Guerre mondiale dans l’ambiance délétère d’un sanatorium de qualité. D’autant que la France est le pays au monde de Davos (canton des Grisons) dont les pensionnaires, ces qui traduit le plus : environ 20 % de ce qui paraît chez gens d’en haut, s’éteignent dans l’oisiveté alors que rôde la nous en littérature générale vient d’une autre langue, ce tuberculose. Venu y passer trois semaines, le héros en redescendra sept ans plus tard. Le roman parut qui témoigne d’une ouverture et d’une curioen 1924 en allemand et en 1931 en français. sité incontestables ; car la demande des lec- La demande Depuis, nous ne connaissions La Montagne teurs est là, profonde, ancienne, durable, pas- des lecteurs magique que par les mots de Maurice Betz. sionnée. Même si l’anglais domine, les autres est là : Quatre-vingt-cinq ans après, il était largement langues, et donc les autres littératures, sont profonde, temps d’enrichir notre regard sur l’œuvre, ce bien représentées, des plus proches aux plus exotiques. Ainsi, en cette rentrée, face aux durable, qu’autorise désormais avec brio la nouvelle tra363 romans français, on ne dénombre pas passionnée duction de Claire de Oliveira, un regard débarmoins de 197 nouveaux romans venus d’ailrassé de la germanophobie des années 1930. leurs, et parfois de très loin. Or ce sont « les meilleurs du Méditation sur le temps et la durée, la dilatation des insmonde », du moins peut-on l’espérer, puisqu’avant de tants et la mort qui vient, ce roman ample et ambitieux, nous parvenir, ils sont passés par le double filtre de la cri- irrigué par une grande puissance ironique dans la satire et tique et du public ; tandis que, au même moment, le tout- le grotesque, a la particularité de refléter les changements venant de la fiction française paraît « en direct » pour le moral, philosophique, politique, spirituel intervenus chez meilleur et pour le pire. Les têtes chercheuses des éditeurs son auteur durant la dizaine d’années de son élaboration. ont puisé dans le meilleur qui a déjà été lu, publié, encensé Comme dans Guerre et paix, on trouve même un long paset lauré un peu partout. Sauf à penser que la littérature sage en français dans le texte. Sauf qu’ici il s’agit d’un diamondiale est unanimement médiocre depuis quelques logue érotique au bord du lit. Le roman se termine par la années, mais ce genre d’affirmation renseigne surtout sur mention « Finis Operis ». Fin de l’œuvre : latin d’humales problèmes existentiels de celui qui l’énonce. C’est une niste ou latin d’église, il fallait oser cette solennité. Thopose et une posture. Ne reste plus alors à ces blasés qu’à mas Mann n’a pas eu tort. Ce classique-là est juste un chefrelire (air connu) les classiques, modernes ou anciens. Ne d’œuvre, cette rareté en tout art qui nous explique ce qui leur abandonnons pas ce privilège. Ne cessons jamais de nous arrive mieux que nous ne saurions le faire. N° 572/Octobre 2016 • Le Magazine littéraire - 3
Sommaire Octobre 2016 n° 572
Spécial Rentrée étrangère
ILLUSTRATION HERVÉ PINEL POUR LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
12
Critique fiction
46 Edna O’Brien, Les Petites Chaises rouges Le mal descend en ville Par Joyce Carol Oates 49 Gonçalo M. Tavares, Matteo a perdu son emploi L’effet domino Par Bernard Quiriny 50 Harry Parker, Anatomie d’un soldat Témoins du calvaire Par Alexis Liebaert 52 Yoko Tawada, Histoire de Knut Les bons conseils de Knut l’ourson Par Alain Dreyfus 54 Marlon James, Brève histoire de sept meurtres Crime et poésie Par Alexis Brocas 56 Sara Stridsberg, Beckomberga. Ode à ma famille La fille du patient suédois Par Évelyne Bloch-Dano 58 Antonio Muñoz Molina, C omme l’ombre qui s’en va Se trouver dans les pas de l’assassin Par Jacinta Cremades 60 Amos Oz, Judas Idéaux en débat Par Marc Weitzmann 62 Drago Jančar, S ix mois dans la vie de Ciril Les sanglots longs du violon Par Alexis Liebaert 63 Stewart O’Nan, D erniers feux sur Sunset L’envers de Fitzgerald Par Juliette Einhorn
Être français
3 Édito Pépites de la rentrée étrangère Par Pierre Assouline 6 Presto L’actualité en bref
L’esprit du temps
12 Enquête Qu’est-ce qu’être français Par Hubert Prolongeau 18 Bande dessinée Hergé Par Pierre Assouline 22 Exposition Baudelaire Par Antoine Compagnon 26 Rencontre Lionel Duroy Par Jean-Baptiste Harang 28 Rendez-vous
Grand entretien
Portrait
30 M arie NDiaye « Un beau roman peut être divers, confus, flamboyant » Propos recueillis par Camille Thomine
70 Philipp Kerr Au-delà du football Par Hubert Prolongeau
Critique fiction
64 Simon Liberati, C alifornia Girls Un exorciste de moins Par Emmanuel Burdeau 68 Philippe Forest, Crue Retour de fantômes Par Juliette Einhorn 98 L a chronique Réplique à un lecteur mécontent Par Maurice Szafran ONT AUSSI COLLABORÉ À CE NUMÉRO :
Simon Bentolila, Laurent Lefèvre, Arthur Montagnon, Bernard Morlino, Jean-Claude Perrier, Annelise Roux, Laure-Anne Voisin. 4 - Le Magazine littéraire • N° 572/Octobre 2016
MARC JAVIERRE KOHAN/OPALE/LEEMAGE
Critique non-fiction
36 Willy Gianinazzi, André Gorz, une vie Gorz visionnaire Par Patrice Bollon 38 Alain Mabanckou, Le monde est mon langage L’heureux vagabond de la langue française Par Aliette Armel 44 Ambroise Paré, Des monstres et prodiges Les mystères de la Création Par Pierre Lemaitre
70
Philip Kerr
FRANCK COURTES/AGENCE VU
UNE FRESQUE INOUBLIABLE ET SAISISSANTE D’UNE PÉRIODE TROUBLÉE DE L’INDE CONTEMPORAINE
72
John le Carré
Le dossier John le Carré
Dossier coordonné par Alexis Brocas 72 Introduction Par Alexis Brocas
L’ÉCRIVAIN
74 « Je vais vous dire un secret merveilleux » Par John le Carré 76 Le périmètre de le Carré Par Pierre Assouline 80 Tout n’est pas bien qui finit bien Par Dorothée Huchet 82 Le roman d’espionnage, un genre so British Par Jacques Baudou 84 « La trahison est le nom du jeu » Par Robert Littell
SON UNIVERS
86 L es visages de la guerre froide Par Alexis Brocas 90 Au-delà du Mur, de nouveaux horizons Par Isabelle Perrin
« Neel Mukherjee n’est pas sans rappeler Tolstoï tant il parvient à donner vie à de nombreux et variés personnages en révélant leurs pensées les plus profondes. » The New York Times
SA POSTÉRITÉ
92 L e Carré à l’écran : de l’adaptation à l’infiltration Par Emmanuel Burdeau 95 « Il y a quelque chose de goethéen » Par Hédi Kaddour 96 « Il a vécu vingt ans dans un monde romanesque bien à lui » Par Antonio Muñoz Molina
Lauréat du Encore Award Finaliste du Man Booker Prize Finaliste du Costa Award
EN COUVERTURE Richard Dumas / Agence VU © ADAGP-Paris 2016 pour les œuvres de ses membres reproduites à l’intérieur de ce numéro. CE NUMÉRO COMPORTE 4 ENCARTS : 1 encart abonnement Le Magazine littéraire
sur les exemplaires kiosque France + Étranger (hors Suisse et Belgique). 1 encart abonnement Edigroup sur les exemplaires kiosque Suisse et Belgique.
N° 572/Octobre 2016 • Le Magazine littéraire - 5
re è l a ng i c é tra p S eé ré t n Re
Portrait
I
PHILIP KERR Au-delà du football Auteur à succès de la série des Bernie Gunther, l’Écossais tente régulièrement d’échapper à son personnage fétiche. Comme aujourd’hui, en publiant le deuxième tome d’un nouveau cycle évoluant dans les milieux du football. Par Hubert Prolongeau
M. JAVIERRE-KOHAN/OPALE/LEEMAGE
Philip Kerr, en mars 2015.
70 - Le Magazine littéraire • N° 572/Octobre 2016
l faut dégeler Philip Kerr. L’homme, 60 ans tout rond, longiligne, les cheveux encore fournis, un faux air de Paul Auster, arbore d’emblée un visage marmoréen. Très vite, il parle politique, se demande qui gouverne la France en ce moment, affirme que son pays à lui aurait bien besoin d’une nouvelle Thatcher, et condamne le Brexit comme une catastrophe. Diable ! Il faudra une heure d’entretien pour qu’il se laisse aller et fasse preuve d’un savoureux humour pince-sansrire. British ? Trop British ? De passage à Paris, il repart le lendemain à New York pour la promotion de sa dernière série, une trilogie qui tourne autour du monde du football. Documentation soignée, au point que beaucoup s’amusent à mettre de vrais noms sur ses héros alors qu’il se défend d’avoir voulu faire un roman à clés, intrigue solide, intelligence du milieu : après 400 pages de tirs au but, Philip Kerr gagne le match. La traduction du premier volume, Le Mercato d’hiver, est sortie en France en juin. Celle du deuxième, La Main de Dieu, paraît ces jours-ci ; et celle du troisième, False Nine, est annoncée pour 2017. Le foot, justement, amène le premier sourire. Philip Kerr aime ça. Il s’anime, en parle avec gourmandise, presque lyrisme, évoque les figures d’entraîneurs fameux, intellectuels et glamorous, et voit dans la rivalité entre Jürgen Klopp, l’entraîneur de Liverpool, et José Mourinho, alors celui de Chelsea, moins une compétition sportive que, en bon germanisant qu’il est, un duel de Weltanschauung, de conception du monde. Il aime l’idée du grand football métaphorique et ironise sur la lamentable affaire de sex-tape qui a ridiculisé Benzema. « J’aime le journalisme sportif qui écrit sur autre chose que sur les matchs. » Dans la coupe d’Europe de l’été dernier le passionnait aussi (surtout ?) le fait de savoir si une victoire de la France pouvait sauver la tête de François Hollande…
re è l a ng Dossier i c é tra p S eé ré t n Re
John le Carré Écrivain sous couverture Dossier coordonné par Alexis Brocas
I
l est des couvertures dont il n’est pas facile de se dépêtrer. Longtemps John le Carré fut, pour ses lecteurs, l’espion qui écrivait. Il avait émargé au MI5 puis au MI6 ? Servi comme deuxième secrétaire d’ambassade à Bonn ? Ses romans étaient donc, sous couvert de fiction, des documentaires, des fenêtres ouvertes sur les affrontements secrets entre l’Est et l’Ouest. On se délectait de ses notations perfides sur les snobismes de cette société secrète issue des meilleurs collèges et familles. On avalait ses intrigues et ses descriptions de l’Allemagne de l’Est ou de Moscou – forcément fondées sur des sources secrètes et de première main. Et on en oubliait ce que ces textes pouvaient devoir à son imaginaire, à son intuition. En somme, on oubliait son talent d’écrivain. Le Carré n’a jamais été cet espion qui écrivait, mais, selon ses propres mots, « un écrivain qui a passé quelques années extrêmement formatrices » dans le monde de l’espionnage. Il en a tiré une œuvre profondément humaine qui dépasse les questions propres aux métiers de l’ombre. Rappelons que le Carré a rédigé ses deux premiers romans alors qu’il était espion, et que ses chefs ont autorisé leur publication parce qu’ils les voyaient tels qu’ils étaient : de pures fictions. Et l’auteur a souvent opposé, à ceux qui lisaient ses livres au premier degré, la réaction
72 - Le Magazine littéraire • N° 572/Octobre 2016
hilare d’un chef de service secret pour qui L’Espion qui venait du froid était « la seule putain d’opération d’agent double qui ait jamais marché ». Si le Carré avait été un auteur de documentaires, sa fortune aurait pris fin avec l’âge d’or de l’espionnage. Or ses romans post-guerre froide sont aussi réussis que les précédents. Et, surprise ! si les décors ont changé, les thèmes demeurent. La trahison, les conflits entre la loyauté que l’on doit à son pays et celle que l’on doit à ceux que l’on aime, entre la loi et l’intérêt… Des thèmes éternels, très habilement inscrits dans l’époque par de multiples détails savamment pointés : le Carré est un remarquable espion de ses contemporains. Sa jeunesse particulière l’a doté d’un radar social capable de détecter le milieu d’origine de n’importe qui – de là la noria de signes qui caractérisent Smiley et consorts. Son imaginaire peut remplir des salles de réunion fictives de dizaines de personnalités, toutes différentes. Et sa connaissance du monde du secret alliée à sa passion pour l’actualité et à une capacité d’indignation intacte le rendent capable de fourbir des intrigues toujours aussi crédibles, au point que nous tendons à les croire vraies. Les fictions de le Carré sont des mensonges qui disent si bien notre époque que nous les prenons pour des témoignages. P A. B.
John le Carré chez lui, en 2008, à Penzance en Cornouailles (Angleterre).
FRANCK COURTES/AGENCE VU
74 • L’ÉCRIVAIN
86 • SON UNIVERS
92 • SA POSTÉRITÉ
Né dans le Dorset rural, ce Britannique diplômé d’Oxford et enseignant à Eton aime passer inaperçu parmi ses compatriotes. Cet homme discret ne donne plus d’interviews dans son pays, et c’est en France que ce germanophile se confie à la critique littéraire.
L’ancien agent Cornwell, nom de plume John le Carré, scrute le microcosme des services pour mieux croquer la nature humaine et ses dilemmes moraux. Son grand sens du détail et son lexique sur mesure saisissent toutes les nuances de ce monde gris.
Dans l’imaginaire collectif, ses romans et leurs adaptations symbolisent le monde du renseignement et l’ère de la guerre froide. La silhouette de George Smiley et des termes comme la « taupe » ont donné ses lettres de noblesse au roman d’espionnage réaliste.
N° 572/Octobre 2016 • Le Magazine littéraire - 73
La chronique
Par Maurice Szafran
Réplique à un lecteur mécontent
Édité par Sophia Publications 8, rue d’Aboukir, 75002 Paris Courriel : courrier@magazine-litteraire.com Internet : www.magazine-litteraire.com Pour joindre votre correspondant, veuillez composer le 01 70 98 suivi des quatre chiffres figurant à la suite de chaque nom. Pour toute question concernant votre abonnement :
Tél. : 01 55 56 71 25
L
ecteur « fidèle mais critique » du l’aurions évidemment publiée dans le journal, Magazine littéraire, c’est ainsi que se j’aurais répondu, et ainsi de suite. Mais, en réadéfinit Aurélien Dijon dans un récent lité, mon contradicteur se trompe sur la nature commentaire posté sur Facebook. Il de notre journal. annonce qu’il ne renouvellera pas son Citation : « Le rapport à la littérature ? Le rapport abonnement – pour un journal, il ne à ce qui peut intéresser un lectorat pluriel mais paspeut y avoir sanction plus sévère, cela vaut en sionné de littérature ? Ne le demandez surtout pas effet désaveu de son travail. Il se trouve que je à Maurice Szafran : la littérature ne l’intéresse pas, suis le seul responsable de la « désertion » d’Au- il a de bien plus nobles causes à défendre, et, apparélien Dijon : ce n’est pas Le Magazine littéraire remment, il n’a rien à dire depuis des mois sur la dans son ensemble qu’il met en cause ; il me littérature. » Je pourrais lui faire remarquer que reproche une chronique dans laquelle je constate l’essentiel du journal est consacré à la littérature avec tristesse qu’Edgar Morin trouve bien des telle qu’il la conçoit et l’aime, la littérature stricteexcuses aux tueurs de Daech, renforçant ainsi, ment « romanesque ». Ce serait un faux-fuyant. grâce à son influence intellectuelle et à son cré- Dans quelques semaines, Le Magazine littéraire fêtera son 50e anniversaire. Un dit moral, l’islamo-gauchisme, ce cancer qui ronge une partie de la Un demi-siècle demi-siècle au service de ses lecteurs gauche française. Et notre lecteur au service de d’abord, mais aussi au service de la ne supporte pas davantage un autre la littérature, littérature, des idées, des (bons) livres texte où je relève le comportement quel qu’en soit le genre, des écrivains, des idées et de de tous les (bons) écrivains, et pas stalinien de Nuit debout chassant de la place de la République le phi- tous les (bons) exclusivement les romanciers. Je prolosophe Alain Finkielkraut – avec écrivains. poserai volontiers à Aurélien Dijon lequel je diverge sur la plupart des que nous nous plongions ensemble sujets importants. « Maurice Szafran, écrit Auré- dans la collection du Magazine littéraire, que nous lien Dijon, continue à profiter du Magazine litté- retrouvions ces couvertures consacrées à Sartre, raire pour y régler ses comptes personnels et Lacan, Foucault, Aron, Barthes ou Deleuze, tant mener sa propagande politique. » d’autres encore, qui provoquèrent déjà la polémique. Si elles n'étaient pas « romanesques », elles Il s’égare. Libre, cela va de soi, à Aurélien Dijon de ne pas étaient éminemment « littéraires » au sens où les partager ces points de vue, d’approuver Edgar écrivains, par définition, font œuvre de littérature. Morin quand il victimise les tueurs islamistes, de Et ceux-là comptaient parmi nos meilleurs écriconsidérer lui aussi, à la manière des militants de vains. Personne, et certainement pas Aurélien Nuit debout, qu’il faut désormais ranger Fin- Dijon, ne contestera qu’ils expriment aussi un kielkraut parmi les penseurs de l’extrême droite point de vue politique, idéologique, ou historique, et à ce titre le chasser, tant conceptuellement que que nous les lisons en grande partie pour cette raiphysiquement… Entre lui et moi, ce sont deux son, pour cet apport. Il était autorisé, et même perceptions culturelles qui s’expriment, s’af- bienvenu, de polémiquer avec Sartre et Aron. Ce frontent, se contredisent. Par définition, elles serait désormais interdit avec Morin et les intelont place dans Le Magazine littéraire. Si Aurélien lectuels se revendiquant de Nuit debout ? Dijon nous avait fait parvenir sa réplique, nous Au nom de qui ? Au nom de quoi ? 98 - Le Magazine littéraire • N° 572/Octobre 2016
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