D O S SI E R : SPI NOZ A
N° 493 Jan vier 2010 6¤
Dossier
Spinoza
6€
JANVIER 2010
N°493
LE MAGAZINE LITTÉRAIRE
DOM 6,50 € - BEL 6,50 € - CH 12,00 FS - CAN 8,30 $ CAN - ALL 6,90 € - ITL 6,60 € - ESP 6,60 € - GB 5 £ - AUT 6.70 € - GR 6,60 € - PORT CONT 6,60 € - MAR 57 DH - LUX 6,60 € - TUN 7,3 TND - TOM /S 850 CFP - TOM/A 1350 CFP - MAY 6,50 €
par Piet Steenbakkers Pierre-François Moreau Filippo Mignini…
Portrait Marguerite Duras par Camille Laurens Grand entretien André Brink Rencontre Luis Sepúlveda le perdant magnifique
www.magazine-litteraire.com T 02049 - 493 - F: 6,00 E
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Rentrée littéraire LE CAHIER CRITIQUE DE 28 PAGES James Ellroy, Jean-Jacques Schuhl, Céline Minard, Christian Gailly Jacques Chessex, Patrick Grainville, Javier Marías, Philippe Sollers
Éditorial
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Par ouï-dire
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Par Joseph Macé-Scaron d’éliminer cette tendance, la plus naturelle de toutes, par crainte d’abus éventuels, c’est, pour reprendre l’expression de Nietzsche, « naître avec des cheveux gris ». vez-vous remarqué qu’il existe une sentence de Nietzsche pour chaque démonstration ? Il ne vous a certainement pas échappé que l’auteur d’Ainsi parlait Zarathoustra truffait de ses fulgurances le moindre éditorial (à commencer par celui-ci), voire la moindre allocution politique. Il y a désormais un Nietzsche pour chaque chose. Et cela, nous le devons malheureusement en grande partie à tous ceux qui, depuis deux ou trois décennies, s’attachent à mettre le marteau de ce penseur à la portée de toutes les mains, plus « humain ». Voilà qui renvoie encore à cette phrase de Schopenhauer que je rappelais le mois dernier : « Je peux supporter l’idée que bientôt les vers rongeront mon corps, mais je frémis en imaginant ma philosophie rongée par des professeurs de philosophie. » Et pourtant, ce dernier a été préservé de ce danger. Le breuvage était, cette fois, trop amer. pinoza court ce risque. Pour le moment, les rongeurs hésitent : va-t-on le présenter comme un « insoumis », un « maître de la liberté », un « penseur du bonheur » ou, plus trivialement, s’en servir comme d’un couteau suisse philosophique ? C’est précisément là que doit intervenir l’action modeste du Magazine Littéraire : rendre un écrivain, un philosophe, accessible sans jamais omettre la complexité de son œuvre. Une œuvre non pas monocolore mais qui doit se déployer, se dérouler, se déplier comme ces soieries indiennes chatoyantes. Il faut se garder de ce que Spinoza appelle la « connaissance par ouï-dire » qui n’est, pour lui, qu’une des approches de la perception la plus incertaine. L j.macescaron@yahoo.fr hannah/opale
e l’avenir faisons table rase. Il est cu rieux de voir combien, désormais, toute idée d’universalisme est refoulée au titre d’un abus de pouvoir. C’est la conviction que notre histoire a épuisé les possibles et que la seule issue consiste à rejouer ce qui a eu lieu, en le recombinant à l’infini. Cet exténuement généralisé chemine en compagnie de l’idée que les hommes s’exposent au pire danger dès qu’ils souhaitent prendre leur destin en main. Il faudra bien un jour expliquer comment on peut à la fois s’apitoyer sur ces nouvelles générations dépourvues, dit-on, de Va-t-on présenter sujets d’admiration et s’inquiéter Spinoza comme de tout idéalisme. un « insoumis », omme Platon nous l’a enseiun « maître gné d’emblée, l’utopie est le de la liberté », feu avec lequel il nous faut jouer, un « penseur car c’est le seul moyen dont nous disposions pour sortir de ce que du bonheur » ou, nous sommes. Il est indispensa- plus trivialement, ble de critiquer les fausses inters’en servir comme prétations de l’utopie, mais son d’un couteau rejet sans appel finit par débousuisse cher sur une peur panique de l’avenir. La conscience des prophilosophique ? fondeurs est une absolue nécessité, mais celle des sommets ne peut faire défaut sans prendre le risque de nous enlever la gravité. À force de répéter que l’essentiel est que chacun se sente bien dans sa peau sans devoir supporter des comparaisons désagréables, à force de souligner que notre vieux monde vulgaire ne peut pas répondre à notre exigence de perfection, on finit par oublier que l’homme est un être qui doit fixer son orientation en prenant comme idéal sa propre fin, en visant la perfectibilité de la perfection. Essayer
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le M aga z in e Lit tér a ir e ja n v ier 2 010 n °493
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A
Sommaire
n° 493 janvier 2010
Le
90 Marguerite
12 Le grand
Portrait
renaud Corlouer/Sipa
26Ellroy,
olivier Marbœuf
retour de la métaphysique
Critique
le crime originel
Duras, par Camille Laurens
60 Spinoza Dossier
Portfolio
Journal de l’actualité
Le
Le
3 L’éditorial de Joseph Macé-Scaron 8 Rencontre avec Luis Sepúlveda, par François Aubel 12 Enquête Le retour de la métaphysique, par Patrice Bollon 18 Tendance Une encyclomanie galopante 19 Document Alfred Dreyfus de profundis 20 À la page Maurice Olender, par David Kleczewski 21 Exposition Christian Boltanski, l’inventaire infini 22 Cinéma Keats par Campion, Gainsbourg selon Sfar 23 Idées neuves Mike Davis, par Hervé Aubron 24 Histoires d’archives Baudelaire aux enchères
54 Pereira prétend d’Antonio Tabucchi : variations autour de l’imaginaire d’un livre, par Vincent Huguet
Dossier
Le
Spinoza
60 dossier coordonné par Maxime Rovere 62 Chronologie 65 Une Éthique et une esthétique, par Piet Steenbakkers 68 La joie, mode d’emploi, par Maxime Rovere 70 Une philosophie de l’affirmation, par Toni Negri 72 Comment traduire L’Éthique, par Pierre-François Moreau 74 Je varie, donc je suis, par Françoise Barbaras 76 Dieu tout-pensant, par Filippo Mignini 78 Leibniz, séduit puis circonspect, par Mogens Lærke 80 Jacobi, un apôtre paradoxal, par Ives Radrizzani 82 Une sociologie en puissance par Françoise Barbaras 84 Gare aux abus de tranquillisants, par Nicolas Israël 86 « Une source de radicalité », entretien avec Jonathan Israel 88 Bibliographie
Cahier critique
Le
Domaine étranger 26 James Ellroy, Underworld USA 28 Javier Marías, Poison et ombre et adieu 29 Flannery O’Connor, Œuvres complètes 32 B. S. Johnson, Les Malchanceux 33 Lily Tuck, Paraguay Domaine français 34 Christian Gailly, Lily et Braine 35 Céline Minard, Olimpia 36 Jean-Jacques Schuhl, Entrée des fantômes 41 Emmanuelle Pagano, L’Absence d’oiseaux d’eau 42 Jacques Chessex, Le Dernier Crâne de M. de Sade Poésie 43 Robert Marteau, Le Temps ordinaire Polar et science-fiction 44 Mons Kallentoft, Hiver Essais et documents 46 Sigmund Freud, nouvelles traductions 48 Roland Barthes, Le Lexique de l’auteur ˇ zek, Après la tragédie, la farce ! 50 Slavoj ziˇ Poches 52 Jack London, Les Tortues de Tasmanie
Magazine des écrivains
Le
90 Parce que c’est elle, parce que c’est moi Marguerite Duras, par Camille Laurens 92 Itinéraire Nikolaï Gogol, par Pierre Senges 94 Archétype La marquise qui sort à cinq heures, par Hédi Kaddour 96 Grand entretien avec André Brink : « Écrire doit être une forme d’outrage », propos recueillis par Alexis Liebaert 102 Pastiche À la manière de Gertrude Stein, par Anne Serre 104 Rendez-vous 106 Le dernier mot par Alain Rey
Prochain Prochainnuméro numéro enenvente janvier ventedès dèslele2800 mois Dossier
Spinoza par Piet Steenbakkers Pierre-François Moreau Filippo Mignini…
Ce numéro comporte 3 encarts : 1 encart abonnement sur exemplaires kiosque, 1 encart Universalis sur une sélection d’abonnés et 1 encart Edigroup sur exemplaires kiosque de Suisse et Belgique.
Portrait Marguerite Duras par Camille Laurens Grand entretien André Brink Rencontre Luis Sepúlveda le perdant magnifique
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Rentrée littéraire LE CAHIER CRITIQUE DE 28 PAGES James Ellroy, Jean-Jacques Schuhl, Céline Minard, Christian Gailly Jacques Chessex, Patrick Grainville, Javier Marías, Philippe Sollers
Crédits de couverture : The Jewish muséum/Art resource/Scala, Florence, AKG-Images
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Studio Lipnitzki/Roger-viollet
Marc guerra
Enquête
Journal de l’actualité
Le
Rencontre
Luis Sepúlveda, perdant magnifique L’auteur chilien publie un nouveau roman autour de trois pieds nickelés, anciens opposants à Pinochet, fantômes de son propre engagement de jeunesse.
Par F rançois Aubel (avec Alexis Lacroix)
E
n exergue de L’Ombre de ce que nous avons été , son nou- visage fermé, presque totémique. À 60 ans, il a trouvé refuge veau roman qui paraît le 14 janvier, Luis Sepúlveda en Espagne, dans les Asturies, à Gijón exactement, après cite William Goldman, scénariste de Butch Cassidy et avoir habité Hambourg et Paris, où nous l’avons rencontré le Kid . Parce qu’il va y avoir du grabuge. Parce que le roman- alors qu’il s’apprêtait à célébrer le trentenaire de Métailié, cier voue une fascination déjà ancienne à ces célèbres ban- la maison d’édition qui a bâti son succès depuis la publicadits américains. En compagnie de l’écrivain voyageur Bruce tion, en 1992, du Vieux qui lisait des romans d’amour (1,3 million Chatwin, son ami, il projeta même de suivre leurs traces d’exemplaires vendus). Sur le seuil de son hôtel, à deux pas de l’église Saint- jusqu’au terme de leur cavale, San Vicente, Patagonie. Le voyage n’eut jamais lieu. Chatwin est mort. Sepúlveda a Sulpice, Sepúlveda n’en fait pas mystère : il possède bien de (d)écrit d’autres errances, d’autres fuites. Les siennes, comme nombreux points communs avec Cacho Salinas, l’un des trois larrons de cette histoire. Un brin d’emdans Le Neveu d’Amérique (éd. Points). Celles de bonpoint, le poids des années peut-être, une ses camarades, comme dans son nouveau livre « En lisant même désillusion, surtout face au « pays gardé – qui a reçu en Espagne le prestigieux prix PriHemingway, j’ai de sa mémoire », le Chili du milieu des années mavera –, où il imagine les retrouvailles, à Sancompris que l’on 1970 pour lequel il éprouve de fréquentes bouftiago, de trois anciens de factions gauchistes. peut écrire de fées de nostalgie. Nostalgie d’une époque où De retour d’exil, ils souhaitent commettre une bons romans avec Sepúlveda se définissait comme « une sorte de action révolutionnaire, le braquage d’un bar à des mots à moine rouge, ascétique et ennuyeux » (Le hôtesses, Le Joyeux Dragon, où seraient dissi100 dollars, mais Neveu d’Amérique) . Un « vrai fléau », lui dira mulés une grosse poignée de dollars et des qu’il vaut mieux plus tard une jeune femme convoitée. secrets compromettants pour le régime de en faire de très Quand a-t-il rompu avec cette rigueur dogPinochet. Leur baroud d’honneur. bons avec des matique ? « Au moment où le gouvernement Butch, le Kid, priez pour ces pieds nickelés mots à 20 cents. » de Salvador Allende a connu ses premières désireux de revivre, trente ans après, un peu grosses difficultés, il y avait deux façons de ce frisson militant ! La cause de ces anciens membres de la garde rouge semble d’ailleurs désespérée, contradictoires de régler ça : avec la répression ou en riant comme l’indique très vite l’écrivain : « La jeunesse s’était de ces difficultés. Et on a préféré en rire. » Un rire qui trouve éparpillée en cent lieux différents, partie en lambeaux sous son prolongement aujourd’hui avec ce livre guidé par une les coups de gégène des interrogatoires, ensevelie dans les tendre ironie, une autodérision nécessaire, « parce que la fosses secrètes qu’on découvrait peu à peu, partie en années seule chose que n’a pas pu détruire la dictature, même trente de prison dans des chambres étranges de pays plus étranges ans plus tard, c’est l’humour ». Voilà pourquoi L’Ombre de ce encore, en retours homériques vers nulle part » (p. 37). Et que nous avons été s’ouvre sur un épisode tragi-comique. Ledit puis, le Spécialiste, l’homme qui doit les faire monter sur ce Spécialiste devient la victime indirecte d’une scène de mécoup, gardien métaphorique de la révolution, ne sera pas au nage. Divers objets volent par les fenêtres, dont cet antique rendez-vous. « Beaucoup de gens de ma génération ont cette tourne-disque de marque Dual, prodige technologique de nostalgie de l’engagement, à la manière dont certains Fran- fabrication allemande avec haut-parleurs intégrés qui çais en nourrissent une envers mai 1968 », confie l’écrivain, frappe l’éternel combattant de la révolution. Il aurait pu en le M aga z in e Lit tér a ir e ja n v ier 2 010 n °493
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Daniel Morzinski/Opale
Luis Sepúlveda sur le port de Gijón, en Espagne, où il vit depuis 1998.
perdre la mémoire, il meurt. Où l’on comprend que chez Sepúlveda l’amnésie est pire que la mort. « Mon roman est construit à partir de nombreuses métaphores. Pour moi, la présence de cet instrument des années 1960 était fondamentale. Il n’est pas anodin que, en tombant sur ce personnage, cette machine ait laissé s’échapper une sonorité très particulière. » Avec cet accident tragi-comique s’ouvrent les premières mesures de la petite musique propre à la fable philoso phique, un genre qui ne correspond en rien à la tradition de Luis Sepúlveda. « Ma première source d’inspiration, ce sont les vieux chroniqueurs californiens, avance-t-il. Évidemment, la lecture de romans noirs est aussi primordiale pour moi. » Et de citer l’auteur qu’il juge inégalable en la matière, Jean-Patrick Manchette. « Il a un pouvoir de synthèse incroyable. Il était capable de raconter énormément de choses avec très peu de mots. Mon autre écrivain modèle est Francisco Coloane ; il m’a donné envie d’écrire, mais je ne me sens pas l’héritier d’une tradition littéraire chilienne. Je la trouve particulièrement ennuyeuse. »
Inutile de l’entreprendre plus avant sur Pablo Neruda, qui notait, dans son autobiographie, une phrase faisant pourtant écho à l’œuvre de Sepúlveda : « Je veux vivre dans un pays où il n’y a pas d’excommuniés. » « De Neruda, je ne retiens que l’intensité de son amour pour la vie », confie celui qui écrivit pour la radio avant de passer, comme beaucoup d’écrivains latino-américains, par le théâtre et la poésie. S’il fallait lui trouver à tout prix un père tutélaire, mieux vaudrait le chercher du côté des romantiques allemands ou de Hemingway. « En le lisant, j’ai compris que l’on peut écrire de bons romans avec des mots à 100 dollars, mais qu’il vaut mieux en faire de très bons avec des mots à 20 cents. » Et d’ajouter : « D’autres horizons m’ont été ouverts par Hölderlin ou Novalis, dont l’audace au moment de raconter et d’écrire m’a toujours ébloui. Son équivalent sur le continent sud-américain est le grand écrivain João Guimarães Rosa. » Dans la première partie du Journal posthume de Manchette, paru il y a bientôt deux ans chez Gallimard, on mesure toute la distance que ce dernier entretenait à l’égard de l’engagement. Il pouvait déceler les défauts de la théorie et le ll l
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Le Journal de l’actualité
Enquête
Le grand retour de la m Pourquoi et comment la « science des présupposés ultimes », qu’on disait morte, ressurgit avec une grande vigueur dans le débat philosophique. Par Patrice Bollon , illustrations M arc Guerra
L
même à ce point dépassée, ringarde, qu’on n’hésitait pas à utiliser le terme de façon décalée, ironique, comme dans le titre du roman d’Amélie Nothomb, Métaphysique des tubes (2000), où, s’il était bien question de tubes (digestifs), la « philosophie première », ainsi qu’on l’appelle également, était en revanche totalement absente. Même chose à l’université, où très peu d’étudiants osaient déclarer leur flamme pour cette forme hautement
a métaphysique ? Il y a une dizaine d’années encore, la « science des présupposés ultimes » – selon une de ses définitions les plus condensées (cf. encadré) donnée par l’historien des idées britannique Robin G. Collingwood (1889-1943) – semblait une vieille lune, une discipline morte, suite de « sophismes et d’illusions », pour rappeler le jugement sévère du grand empiriste David Hume dans son Enquête sur l’entendement humain de 1748-1758 (1). Elle paraissait
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et intellectuels américains s’intéressent à lui. Philosophe spécialisé dans les questions de logique et de métaphysique, Frédéric Nef a fait, lui, un « succès » (pour les sciences humaines : 15 000 exemplaires) avec son livre d’initiation polémique, Qu’est-ce que la métaphysique ? paru en 2004 (3). Aux Presses universitaires de France, Patrice Maniglier, Élie During, Quentin Meillassoux et David Rabouin (des nor maliens âgés entre 36 et 42 ans, qu’on présente parfois comme les « quatre mousquetaires de la rue d’Ulm »), viennent de lancer une collection intitulée « Métaphy siqueS », avec un s final majuscule, pour indiquer qu’il est non seulement temps de reprendre la réflexion en ce domaine, mais dans la plus grande ouverture. La métaphysique Autre symptôme : dans leur nouvelle traduction a été délaissée du Monde comme volonté et représentation de Schopen sous l’influence hauer (4), les jeunes philosophes qui y ont consacré de plusieurs plusieurs années annoncent, dans leur présenta écoles de pensée : tion, que l’objectif a été de réhabiliter le côté philo sophique du livre (présenté jusqu’alors comme héritages l’essai littéraire d’un esthète pessimiste) et sa de Hegel « métaphysique de la volonté ». et de Heidegger, Ce retour en grâce de la métaphysique se per survivance çoit aussi au niveau des références : outre le regain des traditions d’intérêt qui se manifeste autour de Deleuze, déjà positivistes, cité, c’est aussi le cas du logicien britannique Alfred prééminence N. Whitehead (1861-1947). Coauteur avec Bertrand des sciences Russell, des Principia mathematica, il fut aussi un humaines... métaphysicien, à qui l’on doit un traité de cosmo logie, Procès et réalité (1929) (5). Longtemps marginale en France, son œuvre y est de plus en plus étudiée et com mentée, au point que le sociologue des sciences Bruno Latour peut dire de lui qu’il est « le véritable W » de la phi losophie du xxe siècle – façon d’écarter Wittgenstein… Et la vague ne se limite pas à la France. Si, contrairement à ce qui s’est passé chez nous, la métaphysique n’a jamais disparu dans les pays anglo-saxons, là aussi on note une montée d’intérêt – ce dont témoigne le succès d’un ouvrage appartenant à une série grand public, Arguing About Metaphysics (6). Publié en début d’année, le livre, composé d’ex traits des grandes doctrines contemporaines, a déjà dû être réédité. Un chassé-croisé qui pose d’ailleurs la question de savoir pourquoi la métaphysique avait été oubliée chez nous. De fait, la réponse est simple (voir l’entretien avec Frédéspéculative de la pensée. Certes, la métaphysique y était ric Nef page suivante) : c’est l’influence de Heidegger, après bien encore enseignée, mais en tant qu’« histoire des doc celle de Hegel au début du xxe siècle, qui a rendu chez nous trines », soit matière du passé, sans guère d’espoir, un jour, la métaphysique plus ou moins obsolète. Rappelons que d’être ranimée. Ceux qui, parmi les auteurs, y restaient Hegel pensait avoir « achevé » (au sens de conclu) la méta fidèles le cachaient : mis à part Gilles Deleuze, aucun des physique occidentale, et qu’Heidegger voyait en elle, car elle grands noms de la French theory ne se référait à elle, sinon traitait de l’« être de l’étant », et non de l’être, un frein à la pour la flétrir. C’est seulement quelques années avant sa « vraie » pensée, présentée, après sa conférence sur « Le mort que Jean Baudrillard reconnut en privé qu’il avait été tournant » en 1962 (7), comme proche de la parole poétique. au fond toute sa vie, y compris au travers de son intérêt de À quoi il convient d’ajouter les influences de la tradition jeunesse pour la pataphysique de Jarry, « un métaphysicien positiviste issue de Comte (voyant dans la métaphysique un honteux ». « état » un peu primitif de la pensée, succédant à l’« âge reli Quel contraste avec aujourd’hui ! Il serait certes abusif gieux » mais précédant celui de la science positive et du de parler de « nouveau règne de la métaphysique », mais les marxisme). La prééminence des sciences humaines (Fou indices de son retour prolifèrent. L’aura internationale cault) est enfin loin d’être étrangère à cette désaffection. Des d’Alain Badiou vient de là : même si lui aussi hésite à s’en références qui ne laissaient guère de place à la métaphy recommander, c’est bien comme initiateur d’une nouvelle sique – quoique, dans la déconstruction derridienne, le sta ontologie, fondée sur la mathématique (2), que les philosophes tut de celle-ci soit resté ambigu, puisqu’il était posé ll l
étaphysique
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Domaine étranger
Le Cahier critique
Titre d’ouverture Titre, Auteur, éditeur
T
exte avec lettrine (1). Ud min cili uissend rercipse vel ullaoreetuer sed etue tem quam, si duissequi blaor iril ipit alit ullam, con volendit lorem ipit, vullupt atummolortin hent lore modolortio dunt wiscips umsandipis dolobortis nultip morene et delessim iniat num utame. Texte courant avec alternance d’ italique et de romain à chaque caractère de fin de style imbriqué. L CLB Par Prénom Nom et par Prénom Nom
renaud Corlouer/Sipa
(1) Note éventuelle.
James Ellroy en 2006. Underworld USA clôt la trilogie entamée avec American Tabloid et American Death Trip.
Ellroy, le crime originel partir du polar pour écrire l’histoire, James Ellroy part de celle-ci pour écrire un roman policier. Et démontrer que les séismes qui ont agité l’Amérique du xxe siècle – Vietnam, baie des Cochons – trouvent leur origine dans un milieu souterrain (underworld) et criminel, même si les hommes de loi y abondent. American Tabloid et American Death Trip appuyaient cette thèse en explorant les coulisses de deux assassinats centraux dans la dramaturgie du xxe siècle : celui de John The K – comme ses amis gangsters appelaient Kennedy – et celui de Martin « Lucifer » King – comme le dénommait son ennemi Hoover. Underworld USA, qui couvre le mandat Nixon, soutient la même idée, mais ouvertement : « La véracité pure des textes sacrés et un contenu du niveau des feuilles à scandale », annonce l’un de ses personnages, fournissant du même coup un bon résumé des aspirations d’Ellroy. La rédaction d’un texte qui sanctifierait la vérité, non l’histoire, et appliquerait à celle-ci le traitement que les revues hollywoodiennes – qui passionnaient jadis le jeune Ellroy – réservent aux starlettes. Mettre à nu les années 1968-1972. Ellroy sait qu’un tel projet passe d’abord par la langue, premier vecteur de l’esprit d’une époque. De là les inflexions traînantes que prennent
Underworld USA, James Ellroy, traduit de l’anglais (États-Unis) par Jean-Paul Gratias, éd. Rivages, 848 p., 24,50 €.
C
omment reconnaît-on un romancier de génie ? À sa capacité à imposer sa vision du monde, même quand celle-ci semble éminemment subjective. Ainsi le maître du polar James Ellroy, qui, dans son dernier livre, Underworld USA, déploie tous ses moyens narratifs et une armée de personnages pour nous rallier à son joyeux credo : l’histoire des États-Unis s’assimile à un vaste roman noir, avec le crime pour moteur principal et la lutte des classes ou des minorités comme outil de propulsion très auxiliaire. Cette idée paranoïaque affleurait déjà dans nombre de ses douze romans précédents, tels Le Grand Nulle Part ou Le Dahlia noir. L’auteur s’y servait de l’enquête policière non comme d’un prétexte, comme beaucoup, mais comme d’un véhicule pour explorer une époque (les années 1950) et des milieux (du crime, du syndicalisme, du cinéma, du PC californien…). Sa trilogie américaine, dont Underworld USA constitue le troisième volet, procède du mouvement inverse : au lieu de
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Tréfonds de l’affabulation
ses Blancs racistes lorsqu’ils singent les Noirs (l’opération anti-Black power du FBI adopte l’intitulé révélateur de « méééchant frère »), de là les K qui Kontaminent le récit kand il évoke le Ku Klux Klan… N’en déplaise à ceux qui, déconcertés par la sécheresse de son écriture, prennent Ellroy pour un rédacteur de plans détaillés, ce dernier se veut aussi un formaliste. Mais un formaliste de roman noir, dont le style, au lieu de chercher la beauté, vise à restituer l’expression – souvent abjecte et brutale – propre aux milieux occultes. Ce que l’on nous montre s’explique par ce que l’on nous cache, et ce que l’on nous cache ne peut se raconter qu’en prenant les voix de ceux qui œuvrent dans l’ombre. Ce parti pris transforme Underworld USA en vaste polyphonie policière, où interviennent quelques chœurs – l’ineffable et authentique troïka mafieuse formée de Santos Trafficante, de Carlos Marcello et de Sam Giancana – et de nombreux solistes : Hoover, patron indéboulonnable du FBI – puisqu’il détient, sous forme de dossiers, toutes les perversions des puissants –, dont le roman retrace la chute dans une sénilité le rendant plus dangereux encore ; le milliardaire Howard Hugues, dit « Dracula » en raison des litres de sang que sa psychose hygiéniste l’oblige à s’injecter ; le magouilleur Richard Nixon, soupçonné de sado-masochisme et allié des mafieux… La plume sarcas tique d’Ellroy n’a pas besoin de se forcer pour donner à ces figures historiques l’allure de créatures jaillies de l’imagination d’un romancier noir. Mais, comme toujours chez Ellroy, le beau rôle – la narration – appartient aux subalternes : le génial Crutch (réminiscence de la dérive passée de l’auteur), devenu détective privé grâce à une habitude discutable que son créateur partageait avec lui (« petit, tu veux faire le voyeur, je vais te payer pour cela ») ; l’agent Dwight Holly, rescapé des tomes précédents, « bras armé de la loi » et instrument des crimes de Hoover ; l’ex-policier Wayne Jr, enfant d’un cadre du Ku Klux Klan, parricide récent, que l’on retrouve soignant le cancer de sa complice, maîtresse et ex-belle-mère ; Marsh, flic noir cynique, génie de l’infiltration ; Scotty, flic blanc cynique, quatorze braqueurs au compteur (« Le hasard a voulu que je me trouve au fond de la boutique, avec un fusil à pompe Remington »)… À l’image des peintres des batailles d’antan, Ellroy s’intéresse au sort de chaque soldat. Et puisque les pantins se révèlent aussi marionnettistes, l’ensemble accède à la cohérence naturellement. Mille faits, cent fils narratifs relient les personnages, qui pourraient fournir la matière d’autant de paraboles policières sur la déchéance, la rédemption… Et d’autant de polars réalistes. Comment la mafia a fait élire Nixon en sabotant la campagne Humphrey avec l’accord tacite du FBI. Comment le FBI a voulu déconsidérer les mouvements d’émancipation noirs en les impliquant dans le trafic d’héroïne. Comment le trafic d’héroïne a pu financer des attentats d’extrême droite à Cuba. Comment le Cuba de Batista – un paradis pour casinos mafieux – a failli ressusciter en République dominicaine… Et, au centre de ce nœud d’intrigues, l’énigme d’un braquage jamais éclaircie et la silhouette d’une charismatique militante, la Déesse rouge. Celle-ci appartient à la part ouvertement fictive du récit. Pour le reste, seul un spécialiste de la période pourrait démêler l’avéré du douteux. Le lecteur ordinaire, lui, se retrouve dans la peau d’un suspect cuisiné par un policier ellroyen. Matraqué de coups de poing, harcelé de fulgurances narquoises, la tête plongée dans un épais bouillon d’infimes secrets et de gros complots, il ne lui reste d’autre choix que de se ranger au credo de l’auteur : oui, c’est bien là, au fond du caniveau, que se joue le destin des ÉtatsUnis. L’histoire est un roman noir. Si cela ne grandit pas ses acteurs, le genre en sort anobli. L Alexis Brocas
Comme personne, Hugo Hamilton, traduit de l’anglais (Irlande) par Joseph Antoine, éd. Phébus, 336 p., 22 €.
A
près deux polars et l’autobiographique Sang impur qui lui a valu le prix Femina étranger, l’Irlandais Hugo Hamilton s’empare du thème de l’identité dans ce roman au scénario ingénieux. L’histoire commence à Berlin en 1945, dans le fracas des bombes alliées qui pilonnent la ville. Une femme perd son jeune fils dans l’explosion de sa maison et, terrorisée, fuit la capitale pour le Sud. Là, elle découvre un orphelin du même âge et prend une décision désespérée : l’élever comme si c’était son enfant, sans rien dire à personne. Ainsi la vie du petit Gregor débute-t-elle sous le signe de l’imposture. À l’adolescence, devinant que ses parents ne sont pas naturels, Gregor s’invente une autre histoire : il se persuade qu’il est un enfant juif venu de l’Est et explique qu’il ne soit pas circoncis par les circonstances troublées de l’époque. Sortant d’un mensonge, Gregor plonge dans un autre ; mieux, il ment à tous ses proches en affirmant que ses parents adoptifs sont morts, enfouissant ainsi son vrai passé dans le gouffre de sa mémoire. Plus que la méditation sur l’identité, c’est cette exploration psychologique du déni et de la puissance des fables personnelles qui, dans une perspective proche de celle qu’adopta jadis un Emmanuel Carrère (L’Adversaire), compose la part la plus intéressante de ce roman. L Bernard Quiriny
Tu n’as rien vu à Hiroshima Le Troisième Acte, Glenn Patterson, traduit de l’anglais (Irlande) par Céline Schwaller, éd. Actes Sud, 223 p., 19 €.
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ans l’avion qui les a emmenés jusqu’à Hiroshima, les deux personnages du Troisième Acte ont regardé Lost in Translation – c’est une autre histoire qu’écrit Glenn Patterson. L’un de ces personnages est dans la branche « emballage en PVC plastifié », l’autre dans la branche « écrivain », tous deux viennent de Belfast. Mais Glenn Patterson inverse le point de vue attendu : le narrateur est le spécialiste du film plastique ; il raconte la dernière journée de son séjour, fin de course tragicomique troublée par la rencontre de ce grand écrivain, irascible et mégalomane. L’angoisse consumériste côtoie le tourisme mémoriel, les ellipses de la culpabilité se disent dans des orgies alcoolisées. Un voyage en bus absurde dans la campagne, un aigle qui remonte la rue, une visite saisissante du musée de la bombe atomique, l’intervention de l’écrivain lors de la conférence « Écrire pour sortir du conflit », ces scènes simples et drôles organisent la progression de l’angoisse jusqu’à un tragique « troisième acte ». C’est dans le temps distendu de cette journée que Glenn Patterson trouve l’espace pour multiplier les signes, les observations qui ouvrent le banal vers l’incohérent et le vertige. L Victor Pouchet
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Dossier
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Spinoza l’insoumis D
Dossier coordonné par M axime Rovere
ans Le Jeu des perles de verre (1943), Her- la cité (1). » Spinoza a donc travaillé à faire une philosophie mann Hesse imagine un merveilleux jeu pratique, qui donne aux hommes les moyens concrets de d’abstraction où les notes de la gamme déployer leur vie, personnelle et collective, vers un épanouismusicale sont associées à sept couleurs, sement maximal. Cette ambition imposait de bouleverser ainsi qu’à sept qualités (amour, joie, les règles de l’écriture et de la lecture. Car, si la philosophie humilité, bonté, etc.). Ce « grand jeu d’im- doit produire ces effets, elle ne doit pas hésiter à saisir son provisation musicale, théâtrale, poétique lecteur à bras-le-corps et à lui tordre les idées. Ce mode d’écriet philosophique », que le roman ne décrit jamais, orchestré ture, à mi-chemin entre le karaté et l’ostéopathie, Spinoza par un magister ludi, constitue la discipline la plus noble de l’invente dans L’Éthique et dans la Correspondance. Ce n’est toutes, mais aussi la plus difficile. Spinoza fait parfois figure donc pas un hasard si le Traité théologico-politique définit de de « maître du jeu ». Parce que L’Éthique n’est pas un livre nouvelles règles de lecture et s’attache avec une ferveur singulière à distinguer la philosophie et la religion comme les autres, mais un texte moulé dans un Spinoza cherche – pas seulement comme disciplines, mais comme creuset mathématique, ou parce que le Traité à établir un théologico-politique contient de grands chapitres genres littéraires, c’est-à-dire comme manières rapport inédit d’interprétation philologiques, il n’est pas aberde penser, de lire et d’écrire. La révolution introduite par Spinoza peut rant d’avoir pour sa pensée l’admiration méfiante entre l’homme et qu’on a pour les choses réservées aux initiés. Mais le texte, inventant ainsi être abordée comme une tentative pour étala réalité est bien différente. pour ce faire un blir un rapport inédit entre l’homme et le texte. Spinoza appartient à un âge où naquirent les mode d’écriture De là viennent les effets singuliers de ses livres. De Leibniz à Deleuze, Spinoza a électrisé les plus Bourses, les banques, les comptoirs coloniaux, et à mi-chemin grands penseurs, mais il a surtout fourni, à ses à un pays, la Hollande, qui, au moment d’obtenir entre le karaté son indépendance et de traverser son siècle d’or, et l’ostéopathie. lecteurs les plus modestes, des méthodes pour être ne s’attardait pas sans raison aux considérations plus libres et promouvoir la joie – en eux-mêmes abstraites. « La prééminence, au sein de la sapientia, de la phi- et autour d’eux. Aujourd’hui, cette pensée se libère progreslosophie pratique sur la philosophie spéculative », soulignée sivement de la mythologie qui l’entoure. Éditions, traducpar l’historien Paul Dibon, oriente les efforts de presque tous tions, commentaires : un Spinoza nouveau est en train d’aples penseurs du pays : « Ce qu’ils demandent à la philosophie paraître, rendu à la fois à sa rigueur et à sa verve, où l’on c’est beaucoup moins la solution salvatrice des énigmes méta- découvre comme à neuf le plaisir de lire et de penser. Comme physiques de l’homme et de l’univers qu’une méthode de le dit le magister ludi de Hesse : « Si nous pouvions rendre connaissance et d’action […], c’est-à-dire une logique qui soit quelqu’un plus heureux et plus serein, nous devrions le faire un instrument simple et efficace de la pensée et du discours, dans tous les cas. » L M. R. une physique qui permette de pénétrer les secrets toujours (1) Paul Dibon, La Philosophie néerlandaise au siècle d’or, tome I, plus nombreux de la nature […], une éthique enfin qui donne L’Enseignement philosophique dans les universités à l’époque précartésienne les principes nécessaires à la promotion d’un ordre […] dans (1575-1650), éd. Elsevier Publishing Company, 1954, p. 248. le M aga z in e Lit tér a ir e Ja n v ier 2 010 n °493
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illustration olivier marbœuf
Il fut longtemps conçu comme une étoile filante, aussi brillante qu’isolée. Revenu au centre du jeu intellectuel dans les années 1960, il est aujourd’hui l’objet d’une nouvelle vague d’éditions, d’interprétations et d’usages.
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