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FACE À FACE
La combinaison gagnante du mentorat
Quand une étudiante du master en wealth management de l’Université du Luxembourg rencontre un professionnel expérimenté… Présentation du programme de mentorat organisé en collaboration avec l’ABBL, avec Turan Namazova et Jordi Catala Contreras.
Pouvezvous vous présenter en quelques mots ? Quel est votre parcours ? T. N. Je poursuis actuellement mon quatrième et dernier semestre du master en wealth management de l’Université du Luxembourg. Je suis originaire d’Azerbaïdjan, et après avoir terminé mon baccalauréat là-bas, j’ai rejoint la London School of Economics pour développer l’aspect gestion. J’y ai étudié pendant un an, et j’y ai fait un stage dans le domaine des investissements socialement responsables. Je suis ensuite retournée en Azerbaïdjan, où j’ai travaillé pour les Nations unies et le programme pour le climat. J’ai déménagé au Luxembourg pour des raisons familiales. J’ai vite compris que le marché luxembourgeois était très spécifique et que, si je voulais travailler dans les domaines du climat et du développement durable, il était important pour moi de développer de nouvelles compétences en matière de finance et d’investissement. C’est pourquoi j’ai décidé de m’inscrire à ce master. J’en suis très heureuse. J’ai désormais commencé mon stage dans le domaine de la finance durable.
JORDI CATALA CONTRERAS Executive director Julius Baer J. C. C. Pour ma part, je suis banquier privé. Je travaille dans le secteur de la gestion de fortune depuis environ 20 ans. J’ai commencé ma carrière en tant qu’avocat dans le conseil fiscal, avant de me consacrer entièrement à la gestion de fortune, au conseil financier à destination des family offices et des particuliers fortunés. Pour ma part, c’est la cinquième année que je participe à ce programme de mentorat.
Quel est l’intérêt de ce programme de mentorat ? T. N. Personnellement, j’avais quelques incertitudes sur le choix de la bonne porte d’entrée dans l’industrie… Nous avons eu plusieurs échanges sur ce sujet. J’ai expliqué ma situation, mes antécédents, dans quel domaine je voulais travailler… Le mentor a une connaissance approfondie du marché luxembourgeois et d’autres connaissances générales sur le métier. Il peut vous guider, vous dire par où il vaut mieux commencer, mais aussi quel est l’employeur qui offrira le plus de perspectives et sera en phase avec vos attentes. J. C. C. Avec le temps, je suis devenu intransigeant sur un point : il faut une adéquation forte entre le poste recherché et l’entreprise qui vous accueille. Il ne faut jamais se satisfaire d’une première offre, un premier salaire ou un stage. En tant que mentor, je les pousse à être sélectifs, à viser ce qu’ils veulent vraiment, sans faire de compromis. Dans le cas de Turan, je suis vraiment satisfait du travail accompli.
En s’engageant dans la finance durable, elle plonge maintenant dans un domaine qui va être LE grand sujet des années à venir. Mon autre conseil a été de dire que, pour véritablement s’épanouir dans le domaine de la finance durable, à l’heure actuelle, il fallait regarder ailleurs que dans le secteur bancaire, pas encore assez mature sur ces questions. Je voyais davantage d’opportunités auprès des décideurs politiques, des grands décideurs publics que sont les institutions
Romain Gamba
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locales ou internationales, les régulateurs, ou encore les grands acteurs privés comme les Big Four. Et c’est là que l’opportunité est apparue. Maintenant, Turan va pouvoir donner le meilleur d’elle-même, car elle est très bien informée et habile sur le terrain. Elle sera en mesure de contribuer à l’évolution du domaine de l’investissement durable et pourra participer à l’élaboration des politiques, plutôt que de calculer le score ESG d’un fonds. T. N. Ces conseils m’ont beaucoup aidée. Plutôt que de me disperser en m’adressant à de très nombreuses entreprises, sans savoir laquelle correspondrait à mes attentes, j’ai pu me concentrer sur un nombre restreint de cibles. Je me suis dit « Arrête de postuler dans les fonds d’investissement ou les banques », et je me suis dirigée vers le monde de la consultance. À partir de là, j’ai trouvé très rapidement.
Quels bénéfices tirezvous de cette expérience ? J. C. C. Pour moi, cela répond à une envie d’apporter ma contribution aux nouvelles générations. Personnellement, à la fin de mes études, j’étais complètement perdu. Je manquais de conseils. Je vois que ce type de mentorat est de plus en plus souvent proposé au sein de l’Université du Luxembourg, et c’est vraiment une bonne chose. Tout le monde n’a pas cette chance. Quand on sort d’un master, il arrive souvent qu’on se retrouve à la porte du monde professionnel sans avoir la moindre idée de qui est qui, de qui fait quoi…
Comment savoir si votre parcours est utile pour l’entreprise que vous visez, si le secteur choisi est le bon pour vous ? Et même lorsque vous entrez dans le bon secteur – dans le secteur financier, dans le cas présent –, vous pouvez facilement découvrir que les gens ne sont pas toujours très ouverts. Je dirais que tout ce que j’ai appris au cours de ma carrière, je l’ai appris parce que j’ai échoué dans quelque chose, « à la dure ». Je n’ai pas de regrets.
Quand le chemin est difficile, il nous apprend aussi beaucoup de choses que l’on n’oublie pas. Mais parfois, il est très utile d’obtenir des conseils, d’avoir un regard extérieur. Donc, c’est devenu un objectif personnel d’aider la prochaine génération, parce que j’ai accumulé des années d’expérience et que j’ai quelque chose à donner. L’autre point est que les conseils que je donne doivent avoir un impact. Ils sont sans compromis. Trop de personnes choisissent un emploi qui ne correspond pas à leurs besoins, à leurs objectifs de vie. Elles arrivent le lundi au travail et pensent déjà aux prochaines vacances. C’est vraiment dommage de commencer sa carrière de la sorte.
La majeure partie de notre vie est consacrée à notre travail ; elle doit donc être épanouissante. Si je peux essayer de les guider vers cet espace, alors, c’est une vraie satisfaction, car je sais que les gens vont exceller dans leur domaine, dans leur vie. T. N. Pour moi, trouver un job épanouissant est effectivement un point crucial. Avant de venir au Luxembourg, j’avais déjà quatre ans d’expérience et un master de la London School of Economics en poche, l’une des meilleures universités du monde. Mais j’ai décidé de commencer ce master au Luxembourg parce que je sentais que, pour me réveiller le matin et pour aller travailler le pas léger, me sentir satisfaite de ce que je faisais, je devais d’abord compléter mes connaissances, combler mes lacunes. Parce qu’avant d’avoir la chance de travailler dans le domaine de la finance durable au Luxembourg, je voulais vraiment mettre toutes les chances de mon côté.
Je dirais que je me soucie probablement moins du salaire actuellement, mais plus de ce que je fais. Parce que je veux vraiment faire quelque chose pour l’humanité, le bien des gens. Dans la sphère de l’investissement durable, j’ai l’impression d’être à ma place. J. C. C. Je voudrais encore souligner le fait que c’est un bon signe de santé académique, si je puis dire, que l’Université mène activement ce genre de programme de mentorat. Il y a un chemin à tracer entre l’université et l’industrie, et ce genre d’initiative nous permet d’aborder cette transition ensemble. C’est un signal positif que nous donnons en accompagnant les étudiants jusqu’à ce qu’ils aient déjà les deux pieds dans l’industrie, dans la vraie vie. Par ailleurs, ce programme me donne la possibilité de rencontrer des gens plus jeunes que moi, de voir quels sont les objectifs des prochaines générations.
Des étudiants comme Turan, venant de juridictions assez éloignées, arrivent ici avec une vision différente. Ils visent une position, une contribution à la vie et au monde. Nous devrions soutenir encore davantage ce type de talents venant de l’étranger au Luxembourg. C’est vraiment une voie à suivre pour assurer la croissance et la pérennité des talents dans les entreprises au Grand-Duché.
TURAN NAMAZOVA Étudiante