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INTERVIEW CROISÉE SERGE KRANCENBLUM ET PASCAL RAPALLINO

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GESTION

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« Renforcer l’écosystème dédié aux besoins des familles fortunées »

Serge Krancenblum (à gauche) a laissé la place de président de la Luxembourg Association of Family Offices (LAFO) à Pascal Rapallino (à droite).

Un nombre croissant de familles fortunées font le choix d’installer leur family office au Luxembourg. Serge Krancenblum et Pascal Rapallino, respectivement ancien et nouveau président de la Luxembourg Association of Family Offices, évoquent les ambitions de la Place autour du développement de cette activité.

Matic Zorman Photo BIOS EXPRESS

Serge Krancenblum Cofondateur d’IQ-EQ, il préside aujourd’hui le conseil de surveillance du groupe. Entrepreneur international, il a créé et géré un certain nombre de sociétés au cours de sa carrière. Il siège également en tant qu’administrateur indépendant aux conseils d’administration de plusieurs fonds immobiliers et de capital-investissement ainsi que d’associations professionnelles.

Pascal Rapallino Devenu récemment président de la Luxembourg Association of Family Offices (LAFO), il est également responsable de la structuration des investissements du groupe IQ-EQ. Pascal Rapallino a plus de 20 ans d’expérience dans le secteur, allant des entreprises aux family offices en passant par la banque privée. Pouvez-vous nous rappeler ce que recouvre l’activité de family office ? SERGE KRANCENBLUM (S. K.) Dans le milieu, il y a une expression souvent évoquée : « quand on a vu un family office… on a vu un family office ». Le concept recouvre une activité qui peut prendre bien des formes, en fonction des attentes de la famille ou des familles qu’elle sert. De manière générale, on parle d’une entité créée par une famille fortunée dont la mission est d’administrer ses intérêts au sens large. Cela recouvre évidemment les aspects financiers et patrimoniaux de la famille, la gestion des investissements, ainsi que de très nombreux services visant à assurer la qualité de vie de ses membres. À ce niveau, le family office va, par exemple, prendre soin des biens immobiliers, des véhicules, offrir un service de conciergerie. Le spectre des possibilités est infini. PASCAL RAPALLINO (P. R.) On peut distinguer le single family office, mis en place par une famille, au service exclusif de celle-ci, du multi-family office. Ces structures servent plusieurs familles, qui n’avaient pas forcément d’intérêt à mettre en place une structure dédiée, avec un ensemble de services d’administration des biens et des investissements. Dans tous les cas, il s’agit de structures polymorphes. Les services dépendent des besoins et des attentes, qui évoluent sans cesse. Le family office agit en chef d’orchestre, organisant les services et gérant les problématiques rencontrées par le client. Sans cesse, il faut donc faire évoluer les compétences et parvenir à s’entourer des bonnes expertises.

Comment se développe l’activité de family office au Luxembourg ? S. K. Notre association, qui regroupait jusqu’alors les multi-family offices au Luxembourg, est à l’initiative de la loi de 2012, qui est venue reconnaître et protéger l’activité en l’encadrant au niveau réglementaire. L’adoption de cette loi a permis de bien positionner la Place luxembourgeoise auprès des familles fortunées. L’activité a gagné en crédibilité tout en offrant des garanties de sécurité et de visibilité tant aux clients qu’aux acteurs de la Place. On a alors vu de nombreux family offices s’installer pour structurer et administrer le patrimoine de familles internationales au départ du Luxembourg. Un vaste écosystème s’est développé autour de ces acteurs, avec des avocats, des experts fiscaux, des gestionnaires d’actifs, des assureurs, des notaires. P. R. Chaque catégorie d’acteurs est en effet représentée au niveau de son secteur. Il n’existait cependant pas encore de plateforme qui fédérait et pouvait parler au nom de l’ensemble des acteurs et prestataires de services dédiés à une clientèle privée fortunée. Aujourd’hui, c’est le rôle qu’entend endosser notre association. Nous souhaitons pouvoir défendre les intérêts de l’écosystème wealth management au Luxembourg. Notre volonté est de fédérer l’ensemble des acteurs du wealth management, pour engager un travail commun, qui puisse profiter à la Place dans son ensemble.

Qu’est-ce qui fait l’attrait du Luxembourg pour ces familles fortunées ? S. K. Sans aucun doute son environnement réglementaire et juridique. Il est aujourd’hui rare qu’une famille fortunée, avec une empreinte internationale, n’ait pas recours à un véhicule luxembourgeois pour structurer son patrimoine. La Place, au départ d’un ensemble d’outils adaptés aux besoins en structuration et en planification patrimoniale de ces familles, est parvenue à développer une expertise poussée, permettant de les accompagner dans la durée. P. R. On dispose désormais d’un vaste écosystème de prestataires de services, capables de gérer l’intégralité des problématiques rencontrées par cette clientèle exigeante au départ d’un seul pays. C’est assez exceptionnel. À cela s’ajoutent d’autres atouts du Luxembourg, comme son caractère polyglotte, un cadre fiscal international attractif, une grande flexibilité juridique avec un ensemble de véhicules régulés, semi-régulés et non régulés.

Quels sont les enjeux relatifs au développement de l’activité de family office, ou de wealth management en général, au Luxembourg ? S. K. Au-delà de la nécessité de continuer à offrir un cadre réglementaire stable et flexible, nous devons pouvoir nous adapter au départ d’une bonne compréhension des tendances de fond, celles qui influent sur les attentes des clients. C’est pour cette raison qu’il nous paraît important de pouvoir nous fédérer et d’être en mesure de parler d’une seule voix, pour défendre les intérêts de l’activité. Ensemble, nous pourrons plus efficacement envisager de nouvelles solutions contribuant à la pérennité de l’activité de la Place.

Quelles sont les grandes tendances de fond qui exigent une attention particulière actuellement ? P. R. Nous devons nous inscrire dans une dynamique internationale. Il nous faut avoir la capacité de servir une clientèle issue de toutes les zones géographiques et désireuse de profiter de services globaux. Pour répondre à cette diversité de besoins, nous devons donc renforcer notre écosystème, pour qu’il soit le plus large et le plus compétitif possible.

Certaines tendances doivent retenir notre attention, notamment celles liées aux évolutions réglementaires, avec un attrait grandissant pour le private equity et l’investissement durable, ou à la technologie, avec une progression de la tokénisation des actifs. Quelle que soit la nature des biens, leur localisation, nous devons nous demander comment il est possible de les structurer au départ de Luxembourg.

Aujourd’hui, que manque-t-il à la Place luxembourgeoise pour qu’elle demeure compétitive à l’échelle internationale ? S. K. Par rapport aux besoins de cette clientèle privée, il nous manque encore certains véhicules essentiels que sont le trust et la fondation patrimoniale. Beaucoup d’autres pays européens proposent ce type de solutions. Des travaux ont été menés au niveau du législateur sur le sujet mais n’ont malheureusement pas abouti, sans doute par peur de se voir pointé du doigt en lien avec des pratiques facilitant l’optimisation fiscale. Or, ce n’est pas la fonction de ces instruments. P. R. Ces craintes ne sont en effet pas justifiées. Toutefois, on peut regretter que, depuis quelques années, le Luxembourg se montre un peu trop frileux vis-à-vis de l’adoption de tels outils. Le risque, en la matière, est de se faire doubler par d’autres Places. Si nous souhaitons rester compétitifs, il nous faut faire preuve de proactivité, continuer à adapter et à étoffer la boîte à outils luxembourgeoise au service de la structuration patrimoniale d’une clientèle internationale. La fondation patrimoniale fait aujourd’hui partie de ces outils dont nos clients ont besoin pour, réaffirmons-le, des raisons patrimoniales et non fiscales.

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