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NICOLAS MACKEL

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LEXIQUE

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« La réglementation a aussi de nombreuses vertus »

CEO de Luxembourg for Finance (LFF), Nicolas Mackel est, depuis de nombreuses années, l’ambassadeur de la place financière luxembourgeoise dans le monde. Il estime que l’inflation réglementaire pourrait, in fine, offrir un avantage compétitif au Luxembourg.

Pour Nicolas Mackel : « Le pays est devenu plus strict, à bien des égards, que d’autres États européens. »

C’est peu dire que l’agenda réglementaire a été chargé ces dernières années. Dans quelle mesure cela a-t-il impacté les acteurs de la place financière luxembourgeoise ? Depuis la crise réglementaire de 2008, nous avons en effet été confrontés à une importante vague réglementaire, qui n’est pas encore terminée. Il est clair que cela a nécessité, de la part des acteurs financiers, de consacrer d’importants montants à la mise en conformité. Ces sommes, évidemment, ne peuvent pas être investies ailleurs, ce qui peut être pénalisant. Par ailleurs, il faut reconnaître l’utilité de la réglementation. Si les marchés sont restés à peu près stables au début de la pandémie, c’est grâce à tout ce qui a été mis en place à ce niveau depuis la dernière crise financière. Si l’Europe est le leader mondial en matière de finance verte, c’est aussi grâce à la réglementation. La création d’un cadre européen pour les crypto-actifs – le règlement Mica – permettra aussi d’éviter une catastrophe comme celle vécue par la plateforme FTX, tout en créant un marché unique. Tout cela pour dire que si la réglementation est une charge, elle a aussi de nombreuses vertus.

Le Gafi (Groupe d’action financière) évalue en ce moment les efforts consentis par le Luxembourg en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme. Avezvous un pronostic sur cette évaluation ? Je pense que tout a été mis en place au Luxembourg pour que cette évaluation se passe bien. Le pays est devenu plus strict, à bien des égards, que d’autres États européens. Au Luxembourg, il est par exemple impossible d’acheter une voiture en cash, ce qui est toujours possible dans d’autres pays et peut faciliter le blanchiment.

La fiscalité est régulièrement pointée comme l’un des leviers permettant au Luxembourg d’attirer de nombreux acteurs et investisseurs. Qu’en est-il aujourd’hui ? La fiscalité appliquée au Luxembourg se situe dans la moyenne supérieure en Europe. Nous sommes convaincus qu’il faut veiller à rester dans les clous en la matière, même s’il faut pouvoir faire jouer une concurrence fiscale saine entre les pays. L’attractivité du Luxembourg ne repose aujourd’hui plus uniquement sur cet aspect fiscal, mais avant tout sur son expertise internationale, sa stabilité et son efficacité.

La densification du cadre réglementaire est-elle à même de handicaper la compétitivité du Luxembourg par rapport à d’autres centres financiers, particulièrement en dehors de l’Union européenne ? Dans le domaine des fonds, l’industrie luxembourgeoise s’est surtout spécialisée sur la partie réglementaire. De nombreux acteurs globaux ont installé leur centre névralgique réglementaire dans notre pays. Cela signifie que, plus il y a de réglementation, plus celle-ci s’avère complexe, plus le rôle du Luxembourg sera important dans la chaîne de valeur de ce marché. C’est donc positif. Le défi, à l’avenir, sera évidemment de parvenir à former – ou reformer – et attirer des talents aux compétences de plus en plus pointues, capables de faire tourner cette place financière luxembourgeoise qui – faut-il le rappeler – représente une partie importante des rentrées de l’État et soutient le système social du pays.

Devons-nous craindre la concurrence du Royaume-Uni qui, suite au Brexit, n’est plus tenu de se plier aux règles du marché financier européen ? Les Anglais se sont empêtrés dans une démarche idéologique qui, malheureusement pour eux, n’a aucun sens du point de vue économique. Ils pensaient, en effet, qu’ils pourraient faire ce qu’ils voudraient une fois le Brexit acté, et concurrencer les places financières européennes. Le problème est qu’ils n’ont plus de marché : ils ne peuvent plus vendre leurs produits en Europe, les Américains ne les laissent pas vendre chez eux, et les marchés asiatiques sont également peu ouverts. Selon moi, le Brexit n’a donc absolument pas joué en faveur de la place financière britannique.

« Si l’Europe est le leader mondial en matière de finance verte, c’est aussi grâce à la réglementation. »

FACILITER L’EMBAUCHE DES NON-EUROPÉENS

Aujourd’hui, les acteurs financiers luxembourgeois sont de plus en plus souvent amenés à recruter en dehors de l’Europe en raison de la pénurie de talents que connaît l’ensemble des États européens. Or, des démarches administratives très lourdes doivent être entreprises pour recruter ces profils spécialisés. Pour permettre aux sociétés d’embaucher plus facilement ces talents, la Fedil a notamment plaidé, fin octobre, pour un allégement des démarches administratives dans le cadre du recrutement de non-Européens. Reste à voir si cet appel sera suivi d’effets.

eIDAS 2.0 : les avancées et défis à anticiper

shapecharge/E via Getty Images 6 ans après son entrée en vigueur, le règlement eIDAS fait peau neuve. Sa version révisée entrainera des défis mais également des opportunités pour les citoyens et les entreprises.

Le règlement eIDAS 1.0 (un acronyme pour Electronic Identification, Authentication and trust Services) avait posé les bases d’un marché européen homogène pour les services de confiance (tels que : l’identité numérique, la signature et le cachet électronique etc.) dans le secteur public. Sa version révisée élargira ce cadre tout en continuant à harmoniser les standards techniques et critères communs utilisés par l’ensemble des acteurs du marché.

Actuellement, au cœur des débats est l’« European Digital Identity Wallet », qui sera introduit par l’eIDAS 2.0 pour renforcer l’utilisation de l’identité numérique. Les états membres seront donc obligés de fournir une identité numérique notifiée à leurs citoyens. Celle-ci sera disponible à travers ce portefeuille d’identité numérique européenne qui inclut une série de données personnelles dont l’authenticité sera vérifiée et acceptée partout dans l’Union européenne. L’idée est de donner la possibilité à l’utilisateur, s’il le souhaite, de s’authentifier en toute sécurité et transparence auprès d’acteurs privés et publics en suivant la procédure eIDAS.

Les acteurs privés offrant des services en ligne seront donc également concernés par les nouvelles dispositions du règlement. Les changements anticipés demanderont de la préparation et une série d’adaptations techniques afin de rendre les systèmes interopérables avec les identités numériques européennes. Pour LuxTrust, qui a intégré des groupes de discussions pour analyser les propositions de textes, ceci représente également une opportunité de partager son expertise et de contribuer à rendre le règlement mieux adapté aux usages réels.

EN SAVOIR PLUS : ANNE REULAND Chief Legal and Regulatory Officer anne.reuland@luxtrust.lu www.luxtrust.com

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