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de données fiables, mais aussi des incohérences dans les données. Le retard dans la disponibilité des données, voire parfois l’absence de données, s’explique parce que les sociétés visées dans lesquelles les gestionnaires investissent ne fournissent que depuis peu ces informations. Ce n’est donc pas intentionnel si les gestionnaires produisent des reportings où, après coup, il s’avère qu’il y a une part de non-durabilité dans l’investissement choisi. Ce n’est pas dans l’intention des acteurs de faire de manière délibérée du greenwashing, car cela commence à avoir un impact notable sur leur réputation.
Au-delà des produits ESG, les clients ont porté une attention particulière aux actifs privés en 2022. S’agit-il à présent d’une tendance lourde qui va s’affirmer en 2023 ou d’un effet de mode ?
Je ne dirais pas que c’est un effet de mode. Avec l’entrée en vigueur de la directive AIFM qui réglemente les gestionnaires de produits alternatifs ou privés, l’intérêt est énorme. Il reste continu, de sorte que les actifs alternatifs sont effectivement devenus le deuxième pilier de notre industrie. Les perspectives de croissance à moyen et long terme restent intéressantes. Nous avons aussi assisté à une montée en puissance de véhicules sur les classes d’actifs privés au Luxembourg au cours des dernières années. Nous observons que les fonds immobiliers ont connu une croissance de 26 %, les fonds de private equity de 30 %, les fonds de dette de 45 %. Au Luxembourg, nous avons saisi cette opportunité depuis quelques années en modernisant notre cadre réglementaire, notamment par l’introduction du Raif, qui a connu un succès fulgurant. Nous avons aussi créé la structure de sociétés en commandite, en l’occurrence les limited partnerships, des véhicules qui répondent spécifiquement aux besoins des gestionnaires de fonds alternatifs. Cet ajout à l’arsenal réglementaire a été un facteur déterminant dans la forte progression de ce segment au Luxembourg.
La pénurie de talents ne risque-t-elle pas de porter préjudice au succès futur de l’industrie locale des fonds ?
Un Statut Incontest
Selon les données de l’Alfi, en décembre 2021, le Luxembourg maintenait son statut de principal domicile des fonds en Europe, avec 26,8 % des parts de marché, devant l’Irlande (18,6 %) et l’Allemagne (13,3 %). Rien que pour les sicav, le pays accueille 35,5 % des actifs gérés par ce type de fonds. Sur le plan de la finance durable, le Grand-Duché garde son statut de leader, avec environ un tiers des actifs gérés par les fonds durables en Europe qui y sont domiciliés. Ce qui positionne le Luxembourg en champion mondial, étant donné que l’Europe détient 83 % des actifs nets des fonds durables mondiaux.
La pénurie de talents est un phénomène qui touche aussi d’autres centres financiers. Au Luxembourg, l’acquisition de talents est essentielle pour pérenniser le succès, mais aussi maintenir la compétitivité. Nous avons besoin de personnes hautement qualifiées et de profils qui sont adaptés aux priorités de demain. Il y a un constat unanime, tant de la part du secteur privé que des pouvoirs publics, que nous devons collectivement doubler les efforts pour promouvoir les activités de notre secteur auprès des futurs talents.
La digitalisation est souvent présentée comme une partie de la solution. Qu’en pensez-vous ?
En ce qui concerne la digitalisation, de nombreux efforts ont été faits, à l’instar de la création de la Lhoft. On essaie d’attirer des fintech au Luxembourg, car elles y trouvent un terrain propice pour commercialiser les produits qu’elles viennent de développer, pour interagir avec le monde des fonds, le secteur bancaire et celui des assurances. C’est un échange fructueux. En outre, il y a des efforts de digitalisation qui sont entrepris par les sociétés, que ce soit au niveau de la production de rapports, des traitements opérationnels ou des opérations financières. Cela permet de faire face partiellement à la pénurie de maind’œuvre, mais aussi de libérer la maind’œuvre existante pour la focaliser sur des tâches à plus haute valeur ajoutée.
Dans une perspective de compétitivité, faudrait-il revoir la taxe d’abonnement ? Selon les chiffres publiés en janvier dernier par Luxembourg for Finance, en partenariat avec Deloitte, le secteur des fonds a une importance majeure pour l’économie nationale, totalisant plus de 21.000 emplois et générant au total plus de 2 milliards d’euros de recettes fiscales. À cet égard, à elle seule, la taxe d’abonnement représentait 1,3 milliard d’euros en 2021. Il est évident qu’avec la chute des actifs, le résultat sera moins important en 2022. Il est clair que l’attractivité de notre Place ne se limite bien sûr pas à la seule taxe d’abonnement, le taux fiscal appliqué aux entreprises a aussi son importance. Donc, oui, il faut revoir le niveau de la taxe d’abon- nement de manière ciblée ou générale, car il s’agit d’une taxe que d’autres centres financiers ne connaissent pas. Et avec les pressions sur les marges et les coûts, la composante de la taxe d’abonnement devient de plus en plus importante dans le coût total des fonds.
Pourtant, réduire la taxe d’abonnement diminuerait le poids de l’industrie des fonds dans les recettes fiscales. C’est d’ailleurs l’argument qu’elle utilise pour se faire entendre. Il faut se préparer à l’avenir et rester compétitif. Sur les 10 dernières années, la taxe d’abonnement a augmenté d’environ 7 %. Notre secteur est souvent considéré comme la vache à lait de l’industrie financière. Nous sommes ravis de contribuer à la santé financière de l’État, de participer au financement de notre système de protection sociale et de projets d’infrastructures, mais il faut bien nour- rir cette vache à lait pour qu’elle continue de donner du lait. Si on n’investit pas, il y a un risque qu’au fil du temps, on perde en attractivité. Si on perd en attractivité, on perd en opportunités d’affaires et en recettes. Il faut engager des réformes structurelles qui touchent à l’écosystème, au cadre fiscal des fonds et des entreprises, sinon, notre secteur risque de sortir perdant de cet environnement hautement compétitif.
Ces points sont-ils suffisamment pris en compte par les politiques en préparation des prochaines élections législatives ?
Je l’appelle de mes vœux, mais le constat est que plusieurs partis ne portent pas notre industrie dans leur cœur. Les patrons des principales associations de l’industrie financière ont récemment rencontré les principaux partis en vue des élections législatives pour faire part des réformes
RÉPARTITION DES CLASSES D’INVESTISSEMENT DES FONDS LUXEMBOURGEOIS
En décembre 2022, la valeur nette d’inventaire totale des fonds domiciliés au Luxembourg atteignait 5.028 milliards d’euros. Si les actifs privés et l’immobilier sont identifiés comme des vecteurs de croissance pour l’industrie, ces deux classes d’investissement restent encore marginales par rapport à la distribution totale des actifs sous gestion, principalement investis dans des actions et des obligations.
à engager afin de pérenniser le succès acquis et assurer le développement futur de notre industrie. Ils nous ont entendus, j’espère qu’ils nous ont écoutés. Personnellement, je suis un peu déconcerté par l’insouciance d’un nombre non négligeable de politiciens luxembourgeois qui pensent que les recettes fiscales que notre secteur génère coulent de source. Il y a des exceptions notables, mais la majorité d’entre eux ne se rendent pas compte de l’importance de notre secteur en termes de contribution à l’économie, de recettes fiscales générées par l’État. Chaque poste créé dans le secteur financier génère 1,1 emploi additionnel dans les autres secteurs de l’économie.