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Élargir la boîte à outils pour les Reif

Dans un contexte de marché difficile, le Luxembourg reste un hub incontournable pour les fonds d’investissement immobilier (Reif). Mais, pour conserver sa position, le pays aurait intérêt à élargir sa boîte à outils, notamment en développant un régime Reit (real estate investment trust).

L’année 2022 a été marquée par le retour de l’inflation et la hausse des taux d’intérêt. Cette situation difficile a eu des conséquences sur de nombreux secteurs d’activité, et l’immobilier, pourtant considéré comme particulièrement résilient, n’y échappe pas. En témoigne le ralentissement conséquent de ce marché au Luxembourg au cours des derniers mois. « Le constat est le même concernant les fonds d’investissement immobilier, et ce partout dans le monde , explique Lize Griffiths, real estate leader au sein de Deloitte Luxembourg. La hausse des taux d’intérêt concerne évidemment les prêts accordés par les banques pour tout investissement immobilier, ce qui impacte l’ensemble du secteur. Dans ce contexte incertain, les investisseurs et les gestionnaires de fonds sont prudents et les volumes d’investissement ont tendance à diminuer. »

En dépit de cette crise globale, le Luxembourg reste un domicile de choix pour les fonds d’investissement immobilier. Pour s’en convaincre, il suffit de consulter l’enquête annuelle de l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi) sur les fonds immobiliers. En 2022, pas moins de 621 fonds immobiliers ont été répertoriés dans l’enquête. « Ce chiffre montre bien la popularité du Luxembourg comme hub pour les fonds d’investissement immobilier, poursuit Lize Griffiths. Cela est lié, d’une part, au fait que l’appétit pour les fonds alternatifs reste important et, de l’autre, à la qualité de l’infrastructure luxembourgeoise pour la domiciliation des fonds. »

Les Raif explosent, en attendant le nouveau régime d’Eltif Le Luxembourg, en effet, offre un environnement privilégié pour ce type d’investissement, avec un grand nombre de véhicules disponibles. « La boîte à outils luxembourgeoise est très complète, avec des véhicules allant du fonds partie II, accessible aux investisseurs de détail, jusqu’aux fonds alternatifs directement ou indirectement régulés : SIF, Raif, sicar… », détaille Lize Griffiths. Certains véhicules, toutefois, s’avèrent plus populaires que d’autres. « Les Raif ont véritablement explosé au cours des dernières années, leur nombre ayant doublé entre 2019 et 2022, poursuit la real estate leader de Deloitte Luxembourg. Selon l’étude annuelle de l’Alfi, on compte à présent, au Luxembourg, au moins 170 Raif – contre 63 en 2019 – avec une stratégie d’investissement direct en immobilier. Cela est lié au fait que de nombreux investisseurs – fonds de pension, assurances, etc. – recherchent un véhicule d’investissement à la fois rapidement commercialisable, flexible et sûr grâce à un cadre légal adapté. Le Raif, indirectement régulé via le gestionnaire du fonds, offre ces différentes qualités. »

La nouvelle version d’Eltif (European long-term investment funds), qui entrera en vigueur début 2023 et s’appliquera réellement neuf mois plus tard, viendra bientôt compléter la boîte à outils luxembourgeoise en matière d’investissement immobilier. « 84 fonds de ce genre ont déjà été créés depuis le début de l’année en Europe. La majorité est domiciliée au Luxembourg. L’intérêt de ce véhicule, qui simplifie la définition de ce qu’est un ‘actif réel’, est qu’il donne accès à des fonds d’investissement immobilier à des investisseurs de détail, ce qui était beaucoup plus compliqué auparavant. On espère donc que cette nouveauté dynamisera le marché au cours des prochains mois », explique Lize Griffiths.

Un futur entre prudence et inventivité

Pour assurer le développement de ces fonds au cours des prochains mois, la clé sera de parvenir à gérer l’illiquidité de ces placements. « En utilisant des outils dédiés, les gestionnaires de fonds vont devoir gérer à la perfection ce caractère illiquide des investissements immobiliers dans un contexte où certains investisseurs vont avoir besoin de liquidités. D’un autre côté, l’inflation va faire augmenter les loyers et représente donc aussi une aubaine pour les investisseurs. Il leur faudra donc savoir où placer le curseur, entre la prudence nécessaire en raison de l’illiquidité de leur investissement et la volonté de profiter d’un contexte inflationniste qui peut leur être bénéfique », relève Lize Griffiths.

Au-delà des nouveaux véhicules que nous avons évoqués, le Luxembourg pourrait également tirer profit d’un élargissement de sa boîte à outils. « Le régime Reit n’existe pas encore dans la loi luxembourgeoise, alors qu’il est très populaire dans d’autres pays. Il constitue en effet un véhicule adéquat pour les investisseurs qui privilégient les rendements réguliers et qui visent un retour stable sur le long terme. Dans ce contexte incertain, le moment me paraît particulièrement bien choisi pour offrir cet outil supplémentaire aux investisseurs », conclut Lize Griffiths.

En 2022, 621 fonds directs d’investissement immobilier étaient inclus dans l’étude annuelle publiée par l’Association luxembourgeoise des fonds d’investissement (Alfi). Le Luxembourg est donc un hub important pour ce type d’investissement.

En novembre dernier, l’Alfi présentait la 16e édition de son enquête sur les fonds d’investissement immobilier. L’occasion d’obtenir une photographie détaillée de ce marché au Luxembourg, mais aussi d’observer des tendances fortes, à commencer par la croissance soutenue des fonds de grande taille, comptant plus d’un milliard d’euros sous gestion.

L’enquête de l’Alfi s’arrête ensuite sur les véhicules qui sont privilégiés par les investisseurs pour mettre en place un fonds dédié à l’immobilier. Les Raif (reserved alternative investment funds) sont très bien représentés parmi les 621 fonds d’investissement immobilier inclus dans l’enquête. Ils sont aujourd’hui 172, soit presque deux fois plus qu’en 2020 (98) et trois fois plus qu’en 2019 (63). Ils représentent ainsi 28 % de tous les fonds immobiliers luxembourgeois, mais sont toujours derrière les SIF (specialised investment funds) –37 % – et les SCS/SCSp (sociétés en commandite spéciale) – 53 %. Notons par ailleurs que les FCP (fonds communs de placement) voient leur nombre augmenter en 2022 (98, contre 86 en 2021 et 76 en 2020). Les fonds immobiliers du Luxembourg sont le plus souvent initiés depuis l’Europe (Benelux, Allemagne et Royaume-Uni) –à 84,3 % – et l’Amérique – 7,5 %.

L’enquête de l’Alfi permet aussi d’identifier quelles étaient les stratégies privilégiées par les gestionnaires de fonds immobiliers en 2022. À ce niveau, ce sont les stratégies multisecteurs qui ont continué à tenir le haut du pavé au cours de l’année écoulée : 49 % des fonds optent pour cette stratégie, soit plus qu’en 2021 (47 %), 2020 (42 %) et 2019 (33 %). En ce qui concerne les stratégies « single sector », le résidentiel est privilégié (12 %), suivi du bureau (7 %) et du commerce (6 %). Quant à l’argent rassemblé dans ces structures, il a permis d’investir dans des projets situés en Europe (66 %), mais aussi en Amérique du Nord

(9,2 %) et dans la région AsiePacifique (6,9 %). 8,2 % de ces fonds ont investi globalement, sans région de préférence.

Concernant les actifs sous gestion dans des fonds d’investissement immobilier luxembourgeois, les chiffres au troisième trimestre 2022 restent encourageants, avec un total s’élevant à 126,769 milliards d’euros, en hausse par rapport aux années précédentes. Un chiffre particulièrement impressionnant si l’on jette un œil plus loin dans le rétroviseur : en 2012, on ne comptait que 1,843 milliard d’euros placés dans de tels fonds.

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