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FR Inventaire du mépris SALMA KOSSEMTINI,

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Pris dans un engrenage de doute, je lâche le tableau et le planisphère tombe. Le monde va vers sa chute et c’est par ma faute. Nous les vis, accrochées derrière les tableaux au mur, invisibles, on ne nous demande pas de douter mais seulement de soulever dans l’ombre des représentations contingentes. J’ai à peine le temps de voir le tableau au sol que, moi-même à bout de force, je m’élance dans ma chute. Le vide m’accueille à bras ouverts, ma tête est légère. En tombant, mon corps en rotation tourne autour de lui-même, c’est plaisant. Le vertige n’est pas la peur de tomber mais la peur d’aimer la chute*. Dans mon voyage vers le sol, j’aperçois cet homme, qui, embarrassé face à l’œuvre en ruine, ouvre grand les yeux et peine à parler. Celui qui a provoqué ma chute met une chemise froissée. Et puis, enfin, je revois mon mur et d’ici il m’apparaît plat, lisse et fini.

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* Cité par Milan Kundera dans L’insoutenable légèreté de l’être

«؟ﻚﻟذ ﻆﺤﻠﺗ ﻻأ ،ءﴚﻟا ﺾﻌﺑ ﺔﻠﺋﺎﻣ ﺔﺣﻮﻠﻟا»

ﺐﻫﺬﻳ .ﻂﻘـــﺴﺗ ،ﻢﻟﺎﻌﻟا ﺔـــﻄﻳﺮﺧ ﺎﻬﻌﻣو ،ﺔـــﺣﻮﻠﻟا كﺮـــﺗأ ،كﻮﻜـــﺸﻟا ﻦﻣ ﺔﻣاود ﻞـــﺧاد ﺔـــﻌﺋﺎﺿ ﻻ ﺔﻴﺋﺮﻤﻟا ﲑـــﻏ،تﺎﺣﻮﻠﻟا ﻒـــﻠﺧ ﺔـــﻘﻠﻌﻤﻟا ،ﻲﻏاﱪﻟا ﻦـــﺤﻧ .ﱩـــﻄﺧ اﺬﻫو ،هرﺎـــﻴﻬﻧا ﻮـــﺤﻧ ﻢـــﻟﺎﻌﻟا ﻚﻠﻣأ .ﺔﺋرﺎﻄﻟا تﻼـــﺜﻤﺘﻟا ﺾﻌﺑ ﺔـــﻤﺘﻌﻟا ﻦﻣ اﻮﺟﺮﺨﺗ نأ ﻂـــﻘﻓ ﻦﻜﻟو ،اﻮﻜـــﺸﺗ نأ ﻢﻜﻨﻣ ﺐـــﻠﻄﻧ ،يروﺪﺑ ﺖﻜﻬﻧأ يﺬـــﻟا ﺎﻧأ ﻖﻠﻄﻧﻷ ،ضرﻷا ﲆﻋ ﻂﻘـــﺴﺗ ﺔﺣﻮﻠﻟا ىرﻷ ﺖﻗﻮﻟا ﻦـــﻣ ﻲﻔﻜﻳﺎﻣ دﺎﻜـــﻟﺎﺑ ﱐارود ﰲ ،ﻂﻘـــﺳأ ﺎﻧأو .ﺔﻔﻴﻔﺧ ﳼأرو ،ﺔـــﻋﴩﻣ دﺎﻳﺄﺑ غاﺮـــﻔﻟا ﲏﻠﺒﻘﺘـــﺴﻳ .ﴢﺨـــﺸﻟا يرﺎﻴﻬﻧا ﰲ ﻦﻜﻟو طﻮﻘـــﺴﻟا ﻦـــﻣ فﻮﺨﻟا ﻮـــﻫ ﺲﻴﻟ راوﺪـــﻟا .ﻊـــﺘﻤﻣ اﺬﻫو ،ﻪـــﺴﻔﻧ لﻮـــﺣ يﺪـــﺴﺟ ﻒـــﺘﻠﻳ مﺎﻣأ جﺮـــﺤﻤﻟا ،ﻞﺟﺮﻟا اﺬـــﻫﺢﻤﻟأ ،ﺔﻴﺿرﻷا ﻮـــﺤﻧ ﱵﻠﺣر ﰲ . *طﻮﻘـــﺴﻟا ﺐـــﺤﻧ نأ ﻦـــﻣفﻮـــﺨﻟا ﰲ ﺐﺒـــﺴﺗ يﺬﻟا ﺺﺨـــﺸﻟا .مﻼﻜﻟا ﻪﻴﻠﻋ ﺐـــﻌﺼﻳو ،اﺪـــﻴﺟ ﻪﻨﻴﻋأ ﺢﺘﻔﻳ،ﲏـــﻔﻟا ﻞـــﻤﻌﻟا ضﺎـــﻘﻧأ .اﺪﻌﺠﻣ ﺎـــﺼﻴﻤﻗ يﺪﺗﺮﻳ ﻲﻃﻮﻘـــﺳ .ﺎﺒﻇﻮﻣ/ﺎﻨﻴﻬﺘﻨﻣو ،ﺲﻠﻣأ ،ﺎﺤﻄﺴﻣ وﺪﺒﻳ ﺎﻨﻫ ﻦﻣو ،ﻲﻄﺋﺎﺣ ،اﲑﺧأ ،ىرأ ﻢﺛ

2003 ،رﺎﻤﻴﻟﺎﻏ ،«ﻪﺘﻔﺧ ﻞﻤﺘﺤﺗ ﻻ ﻦﺋﺎﻛ» ،اﺮﻳﺪﻧﻮﻛ نﻼﻴﻣ*

ﻲﻏﱪﻟا ﻚﻴﻜﻔﺗ

ﰐﺎﻓﺮﻋ ﻦﺗﺎﻓ

رﺋاز بقارﻳ ،نولاصلا ﻲف ،رادج ﲆع .ةقلعملا ملاعلا ةطﻳرخ

«ﺔﻳﺮﺋاد ﻻو ﺔﺤﻄﺴﻣ ﺖﺴﻴﻟ ضرﻷا»

اﺬﻬﺑ نﺎـــﻴﺣﻷا ﻦﻣ ﲑـــﺜﻜﻟا ﰲ ﺮﻌـــﺷأ .هروﺪـــﺑ ﱐاﺮﻳ ﻻو ؛هارأ ﻻ ﺺﺨـــﺷ ﺎـــﻬﻟﻮﻘﻳ تﺎـــﻤﻠﻛ ﻊﻤـــﺳأ ﻞﻴﺨﺗأ ،ﻪﺗﻮﺻ ﺐﺒـــﺴﺑ .يراﺪﺟ مﺎﻣأ ثﺪﺤﺗ ﱵﻟا تﺎـــﺷﺎﻘﻨﻟا ﺊﺟﺎﻓأ ﲔﺣ ﺺﺼﻠﺘﻟﺎﺑ سﺎـــﺴﺣﻹا اﺬﻬﺑ ﺎﻫﺪﻨـــﺳأ ﱵﻟا ،ﻢﻟﺎﻌﻟا ﺔﻄﻳﺮﺧ ﺪـــﻘﺘﻨﻳ ؛ﺮﺠﺿو ءﻂـــﺒﺑ ﻪـــﺷﻮﻣر ﻖﻔﺨﻳ ،ﺔﻴﻟﺎﺒﻣﻻ ﺔﺌﻴﻫ ﻪـــﻟ نأ ﻞﻘﺜﻟا ﻞﻤﺤﺗأو ،كﺮـــﺤﺗأ ﻻ ،هﺬﻫ ﱵـــﻔﻴﻇو ﰲ تأﺪﺑ نأ ﺬـــﻨﻣ .ﺔﻳاﺪﺒﻟا ﺬﻨﻣ ﺔـــﺳﺎﻤﺤﻟا ﻦﻣ رﺪـــﻘﻟا .رﺎﻃﻹا اﺬـــﻫ ﺰﻛﺮﻣ ﰲ ﺪﺟوأ ﺎـــﻧأو ﳼأر ﲆﻋ ﻢﻟﺎﻌﻟا ﻞـــﻘﺛ ﻊﻘﻳ.يﺪـــﺴﺠﺑ ﺔﻧرﺎﻘﻣ ﲑـــﺒﻜﻟا

«ءﺎﻨﺑ دﺮﺠﻣ بﻮﻨﺠﻟاو لﺎﻤﺸﻟا»

ﻦﺤﻧ ﺎﻨﻳﺪﻟ .راوﺪـــﻟﺎﺑ ﺮﻌـــﺷأو ،ﳼأر ﻒﺘﻠﻳ .ﻲﻫﺎﺒﺘﻧا ﺖﺘـــﺸﺗو ﲇﺧاد ﰲ ءﺎـــﻴﻤﻌﻟا تﺎـــﻤﻠﻜﻟا ددﱰـــﺗ اﺬﻫ،ﴪـــﻋأﺎﻧأ .راﺪـــﺠﻟاﰲﻚـــﻠﺧﺪﻳيﺬﻟاو ﻚﻜـــﻔﻳيﺬـــﻟا :راوﺪﻟاﻦـــﻣنﺎـــﻋﻮﻧكﺎـــﻨﻫﻲـــﻏاﱪﻟا ﲏﻧﻷو .ﺔـــﺷﻮﺸﻣيرﺎﻜﻓأ ﻞﻛو ،ﲔـــﻤﻴﻟا ﱃإ روﺪﺗ ﳼأر ﻦـــﻜﻟ .ﲏـــﻴﻘﻴﻟا يﺎـــﻨﻌﻣ/ﴘﺣ/ﻲﻫﺎﺠﺗا ةﺮﻤﻟا ﻞﺜﻣ ،ىﺮـــﺧأ ءﺎﻴـــﺷأ ﰲ ﲑﻜﻔﺘﻟا لوﺎﺣأ ،ﺮﻜﺒﻤﻟا ﺖﻗﻮﻟا اﺬﻫ ﰲ أﺪﺼﻟا فﺮـــﻋأ ﻻأ ﲆﻋ ةﴫـــﻣ بﺎﻀﻬﻟ ﻲـــﻌﻴﺒﻃ ﺮﻈﻨﻣ ،بدﻷا ﻞـــﻴﻠﻗ راﺪـــﺟ ﻪﻧإ .ﱃوﻷا ةﺮـــﻤﻠﻟ يراﺪﺟ ﻞـــﺧاد ﺎﻬﻴﻓ ﺖـــﺘﺒﺛ ﱵـــﻟا ﻚﻟذنﻮﻛأنأو ﺔـــﻗﺮﻄﻤﻟانﻮﻛأنأﻞﻀﻓأ،ﺎـــﻧﺎﻴﺣأ .ﻖﻓأﻼﺑ،ﺾـــﻴﺑﻷانﻮﻠﻟاتاذﻚـــﻴﻠﻳﺮﻛﻷاﻦـــﻣ ﻞﻜـــﺸﺑ ﻢﻟﺎﻌﻟا ىرأ .ﲏﻘﺒـــﺴﺗ ﺔﻳﻮﻫﰲو رود ﰲ ﺔﺘﺑﺎﺛ نﻮﻛأ ﻻأ .ﺖ ﺒﺜﻳيﺬﻟا ﻚﻟذ لﺪﺑ ﺖـــﺒﺜﻳيﺬـــﻟا .ﱄ ﻢﻠﻌﻳ ﻢـــﻟ ﻪﻨﻜﻟ ﻪﻓﺮﻋأ ﺎـــﻣ ءﳾ ﱃإ ،ﲔﻘﻳ ﱃإ جﺎـــﺘﺣأ .ﱪﻛأ ﺐﺨﺼﺑ روﺪـــﺗ ﳼأرو ،ﱯـــﻟﻮﻟ

«ﺔﻋﺎﺴﺷ ﱶﻛأ ﺎﻴﻘﻳﺮﻓإ ﺮﻣﻷا ﻊﻗاو ﰲ»

ﲆﻋ ﺔﺣﻮﻠﻟا ﺪﻨﺘـــﺴﺗ .ﱐزاﻮـــﺗ ﲆﻋ ﻆﻓﺎﺣأ نأ ﰲ ﺔـــﺑﻮﻌﺻ ﺪﺟأو .ﰊ ﻂـــﻴﺤﺗ ﱵﻟا تاﻮـــﺻﻷا ﺪـــﺘﺤﺗ ﻂﻘـــﺳأ نأ ﰲ ﺐﻏرأ ﻻ .رﺎـــﻴﺘﻟا ﺪـــﺿ ﺮﻜﻔﻴﻟ ﺢﻓﺎﻜﻳ ﻒـــﻴﻌﻀﻟا يﺪـــﺴﺟو ﺔـــﻴﻧﺪﻌﻤﻟا ﳼأر فﺮـــﻃ ؟ﻪﺑ ﻦﻣؤأ ﺪـــﻋأ ﻢﻟ ﻼـــﺜﻤﺗ ﺪﻨـــﺳأ نأ ﲇﻋ ﻞـــﻫ .ﱯﺟاﻮﺑ ﻞـــﺧأو

INVENTAIRE

DU MÉPRIS

Abir Gasmi

Lorsqu’on est victimes de gestes de mépris, on est souvent, assez étonnamment, sujets à la sidération. Comme une victime d’agression physique ou sexuelle, on est comme bloqué, incapable de se défendre, figé dans cette blessure et, ultérieurement, aussi en proie à la culpabilité de n’avoir rien fait pour arrêter la violation. Camus l’appelait « cet a reux silence qui s’installe, parfois, à la place même du cri » repéré chez les personnes qui ont subi les traumatismes de guerre et les humiliations. D’ailleurs, les deux agressions ne sont pas si éloignées, du moins symboliquement. Elles sont toutes deux l’expression d’une volonté de domination. En presque dix ans de pratique artistique, j’ai subi, béatement, des dizaines de ces expressions de mépris. Parfois c’était d’une désinhibition déconcertante, d’autres fois c’était plus subtil. Mais une chose est sûre, c’était systématique. À chaque fois que j’ai eu a aire à des personnes occidentales, le mépris s’immisçait dans la relation. J’ai donc décidé, pour soigner cette blessure trop longtemps ignorée, de faire cet inventaire du mépris. Pas de manière personnelle, mais parce qu’il est grand temps que la parole se libère par rapport à ces pratiques, que l’on sorte de cette sidération, et que l’on commence à dire: NON!

EN VOICI DONC QUELQUES EXEMPLES :

L’employé d’un institut culturel qui consulte les di érents numéros du magazine. En se rendant compte qu’il y avait, dans un numéro plus récent, davantage de petites histoires dans sa langue, plutôt que dans la langue locale, il me dit: « Ah ben ça évolue dans le bon sens! »

Un ambassadeur, passionné de bande dessinée, me demande tout naturellement: « Mais pourquoi n’avez-vous pas de festival de BD ici? Tu veux que je demande au Président du Gouvernement de vous en créer un? » Le monsieur a tout compris au principe de collectif indépendant et autogéré!

L’employée d’un autre institut culturel avec lequel nous avons collaboré et qui prenait en charge l’impression d’un numéro du magazine, après nous être plaints de la mauvaise qualité de l’impression, me dit littéralement: « Vous osez vous plaindre après l’argent que nous avons dépensé pour vous! »

Arrivés pour accrocher une exposition, le gardien d’un troisième institut culturel nous laisse attendre une demi-heure environ devant le portail parce qu’il n’avait pas reçu de consigne pour nous laisser entrer, et l’employée avec laquelle nous étions en contact ne répond pas à nos appels. Nous accrochons enfin l’exposition

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